Discours d’inauguration, Maire de Montréal, 1900

The Montreal Printing and Publishing Company (p. 1-21).

DISCOURS D’INAUGURATION


— de —


Son Honneur


M. RAYMOND PRÉFONTAINE


Maire de Montréal

Le 12 Février, 1900

MONTRÉAL
The Montreal Printing and Publishing Company
42, Place Jacques-Cartier

1900


À Messieurs les Membres du Conseil
de la Cité de Montréal.


Messieurs,


Élu pour un second terme à la Mairie de la métropole commerciale du Canada, je dois, en premier lieu, remercier tous les électeurs de cette grande cité de la générosité dont ils ont fait preuve à mon égard et de l’honneur qu’ils m’ont fait, en me choisissant une deuxième fois comme leur premier Magistrat. Cet honneur m’est d’autant plus agréable, qu’il est l’expression libre de la volonté des citoyens indépendants de Montréal.

Car, vous le savez, prié par des milliers d’électeurs de me porter de nouveau candidat pour continuer l’œuvre que j’avais commencée en 1898, avec l’aide et le concours intelligent d’un grand nombre d’entre vous, je m’étais mis entre leurs mains, leur laissant toute la responsabilité de leur acte. J’ai laissé l’élection se faire sans la plus simple organisation, et le résultat obtenu doit convaincre tout le monde que je suis ici aujourd’hui par la volonté du peuple de notre belle ville.

Permettez-moi de vous rappeler aussi brièvement que possible dans quelles circonstances je fus élu en 1898, et de repasser en peu de mots le programme que je m’étais alors tracé.

J’avais, à cette époque, servi la ville comme échevin durant 15 ans, et mes collègues, avec l’unanimité de la population de Montréal, me confièrent le poste important de Maire, comme digne récompense de ma carrière municipale.

Lorsque j’entrai en fonction, j’eus à faire face au règlement de questions de la plus haute importance pour le progrès et l’avancement de notre ville.

1o. Il fallait refondre la charte de la cité de façon à donner au Conseil le contrôle le plus absolu possible sur les affaires de la cité, sans qu’il fût entravé par la Législature, mais avec le référendum soumettant à l’approbation des contribuables les dépenses extraordinaires et toutes les questions sortant de la routine.

2.o Il fallait consolider la dette de la cité de façon à réduire l’intérêt que nous payions alors.

3.o Il fallait réorganiser les bureaux d’administration de façon à obtenir une réduction considérable des dépenses, en donnant à leur action un plus haut degré d’efficacité, tout en assurant aux citoyens l’exécution des améliorations nécessitées par l’extension de la cité.

4.o Il fallait distribuer plus équitablement les taxes perçues par la ville.

5.o L’extension du gouvernement municipal de Montréal sur l’île était une question qui demandait l’attention immédiate du Conseil.

6.o La question de faire du Havre de Montréal le port national du Canada, question à l’ordre du jour depuis au-delà de 20 ans, s’imposait particulièrement à notre considération et exigeait une prompte décision.

La tâche à remplir était lourde et difficile, vous l’admettrez avec moi, cependant je n’hésitai pas un instant à l’entreprendre, comptant sur l’intelligence et la bonne volonté de mes collègues d’alors, et sur l’appui désintéressé de tous les bons citoyens en dehors du Conseil.

Malgré tous les efforts et le travail qui ont été faits depuis deux ans, quelques-unes seulement de ces questions vitales pour Montréal ont pu être réglées.

La charte de la cité, après des mois d’étude, a été refondue et approuvée par la Législature à sa dernière session.

Grâce aux pouvoirs obtenus, la dette de la cité a été consolidée d’une manière assez avantageuse pour assurer non seulement un surplus considérable sur les opérations de l’année dernière, mais aussi pour mettre à la disposition du Conseil les sommes absolument nécessaires pour faire face aux besoins urgents qui augmentent avec l’expansion de la cité.

Ce travail ne nous a pas laissé le temps nécessaire pour considérer la répartition équitable des taxes sur les différentes classes de citoyens et de propriétés, ainsi que l’annexion des municipalités environnantes.

Une autre question, je dirai la plus importante, non seulement pour la cité, mais pour tout le pays, a été à peine entamée : je veux parler de la question du port de Montréal comme port national du Canada, de ses améliorations et de son équipement pour recevoir le commerce immense qui, dans un avenir prochain, va prendre la route du St-Laurent.

Vous admettrez sans doute, à ce sujet, que j’ai travaillé avec tout le dévouement dont j’étais capable comme votre représentant dans la Commission du Havre, à mettre en marche les grandes améliorations pour lesquelles vous aviez souscrit, depuis dix ans, un million de dollars, améliorations qui étaient à peine commencées lorsque je fus élu Maire.

À part la jetée protectrice construite pour à peu près une moitié, aucune partie des autres travaux de protection contre les inondations et pour l’équipement du port, au point de vue du chargement et du déchargement, n’avait été commencée. Il y a plus : jusqu’au mois de juillet 1898, la Commission du Havre n’avait pu réussir à s’entendre avec le Gouvernement du Canada sur un plan d’ensemble, et avec la cité pour l’exécution des travaux qui doivent remplacer la digue informe et laide qui dépare le front de notre beau fleuve.

Tous les hommes d’affaires attendaient aussi une entente entre la cité de Montréal et la Commission du Havre au sujet des travaux d’élargissement de la rue des Commissaires, du côté du fleuve, afin d’avoir une rue de cent pieds entre les bâtisses et le mur de protection, et cent pieds à niveau de l’autre côté de ce mur.

Vous avez constaté avec plaisir, j’en suis convaincu, qu’à la fin de juillet 1898, le plan final des améliorations dans le centre du port fut approuvé par le Gouvernement et par le Conseil. La Commission du Havre, malgré la saison avancée, se mit donc à l’œuvre et jusqu’à la fin de décembre, travailla avec toute la diligence possible. Afin d’assurer l’exécution de travaux plus considérables durant la saison de 1899, la Commission augmenta considérablement son matériel et fit des contrats à l’avance, de sorte qu’au printemps dernier tout fut prêt pour travailler jour et nuit, et enfin, au mois d’octobre, des vapeurs océaniques purent décharger des cargaisons sur un des quatre quais à haut niveau construits au pied de la Place Jacques-Cartier. Une partie du mur de protection, partant des limites ouest, fut construite, et des préparatifs considérables sont à se faire actuellement pour terminer, pendant la saison prochaine, au moins un second quai, continuer le mur de protection en partant de l’est du marché Bonsecours, et procéder en même temps à l’élargissement de la rue des Commissaires et des quais du rivage.

Pour sauvegarder les intérêts de la cité et expédier l’ouvrage plus rapidement, un arrangement fut fait entre la ville et la Commission du Havre, pour que tous les travaux mentionnés dans le règlement du million fussent faits par les Commissaires à même la balance d’au-delà de $600,000, restant à payer par Montréal.

D’après l’arrangement intervenu entre la ville et la Commission du Havre, les travaux dans le centre du port, selon les plans adoptés par le département des Travaux Publics, à Ottawa, devront être exécutés à la lettre et avec toute la diligence possible ; mais il était décrété par le Statut de 1898, passé par le parlement fédéral, que des travaux considérables, devant coûter au moins $750,000, devaient être exécutés concurremment avec ceux du centre du port, en bas du courant Ste-Marie, afin de donner au commerce maritime accès au Havre aussi bien à l’est qu’à l’ouest, et fournir aux grandes lignes de chemin de fer qui ont leur terminus à Montréal, des avantages égaux.

Aucun des travaux juges nécessaires en bas du courant Ste-Marie ne fut commencé en 1898, et les plans même ne furent pas arrêtés. On y avait bien pensé, on avait aussi bien discuté la chose, mais il n’y avait pas eu d’entente possible.

En face de cet état de choses et surtout en face des représentations faites par la Commission du Havre au gouvernement du Canada, que les dépenses qu’entraîneraient tous ces grands travaux conduiraient à une augmentation des taux du quaiage dans le port, le gouvernement fit adopter, en 1899, un amendement à la loi de 1898, déchargeant la Commission du Havre de l’obligation de dépenser $500,000 en bas du courant Ste-Marie, le gouvernement du Canada s’engageant lui-même à dépenser cette somme pour ces améliorations, sans charge additionnelle pour la Commission.

C’était enfin reconnaître devant tout le pays que le port de Montréal était réellement le port national du Canada, et que son développement et son équipement parfait étaient d’intérêt public. Il va sans dire que cette somme de $500,000 n’est que le commencement de la dépense, et que le gouvernement, avec le concours de la Commission du Havre, complétera tous ces travaux proposés avec toute la diligence possible quel qu’en soit le coût, toujours de manière à ne pas augmenter la dette du port, au contraire, ayant en vue d’en faire dans un avenir rapproché, un port libre. Ce port devra offrir alors des facilités de chargement et de déchargement ainsi que de transbordement dans des conditions si avantageuses, que non-seulement les produits de l’Ouest canadien, mais les produits de l’Ouest américain prendront inévitablement la route du St-Laurent par Montréal de préférence à toute autre.

Montréal, dans ce moment, est à la veille d’être le centre d’un mouvement de commerce extraordinaire. Déjà des capitalistes importants venant du dehors ont conclu des arrangements avec la Commission du Havre, pour l’établissement, dans le cours de cette année, d’élévateurs à grains, de hangars à fret à l’Ouest et à l’Est, qui coûteront des millions.

D’autres projets également sérieux sont à l’étude, l’un entre autres pour faciliter aux chemins de fer par une ligne plus courte sur la rive nord du St-Laurent, par la Baie Georgienne, le transport des millions de minots de grain venant de l’Ouest.

Tout cela fait présager une ère de progrès et de développement, qui ne doit pas être enrayée, mais au contraire être accélérée.

Vous me pardonnerez sans doute de vous avoir entretenus aussi longuement de la question du Havre, et de vous avoir fourni tous ces détails et fait toutes ces réflexions, car vous comprenez comme moi que du règlement de cette question dépend le succès ou plutôt le salut de notre belle ville, chère à chacun de vous.

Je serai donc heureux, avec l’aide de vos conseils et avec le concours de mes collègues de la Commission, de continuer encore pendant deux ans à faire avancer et compléter, si cela se peut, les travaux d’équipement moderne de notre port.

Après avoir passé en revue cette partie des évènements qui se sont déroulés durant mes deux ans de mairie, il me reste à mettre devant vous succinctement ce qui a été fait par les départements de la Corporation, et de vous soumettre certaines considérations qui attireront sans doute votre attention.


Finances.


La charte de 1899 a établi les finances de la Ville sur une base solide et satisfaisante.

La dette de la Ville a été limitée à 15 p. c. de la valeur des immeubles imposables, mais comme cette restriction aurait mis le Conseil dans l’impossibilité de poursuivre l’extension naturelle des systèmes d’égoût et d’aqueduc (la limite ayant été excédée), la Ville a été autorisée à emprunter jusqu’à concurrence de 10 p. c. de l’augmentation dans la valeur des immeubles imposables, jusqu’à ce que la dette permanente de $27,000,000 représente moins de 15 p. c. de cette valeur.

Les emprunts sont remboursables sur le revenu, au moyen d’un fonds d’amortissement, et, en vertu de cette disposition de la loi, $222,000 ont été empruntés dans le cours de l’année.

Une tentative a été faite pour engager nos concitoyens à souscrire à cet emprunt, afin de les intéresser dans nos valeurs, mais elle n’a pas été couronnée de succès, ce qui montre que le taux peu élevé d’intérêt auquel la Ville peut emprunter sur le marché monétaire laisse indifférent le petit capitaliste.

Un emprunt de $3,000,000 a aussi été placé sur le marché, pour racheter la dette courante et pourvoir aux dépenses comprises dans la limite de $27,000,000. Le produit de cet emprunt a été strictement appliqué aux fins spécifiées dans la charte, ou reste en réserve pour ces fins.

Ces deux emprunts sont pour un terme de 40 ans, portent 3½ p. c. d’intérêt et ont été émis au pair.


Taxe de l’eau.


Le mode de perception de la taxe de l’eau continue d’être une source de perte de revenu et de grandes privations pour un bon nombre de ceux qui appartiennent à la classe pauvre. Je me permettrai d’attirer votre attention sur les anomalies qui existent à cet égard. Tandis que l’un de nos départements s’efforce de faire observer les règles de l’hygiène, un autre se trouve dans la pénible obligation d’intercepter l’eau, qui est si essentielle à la santé.

Les propriétaires de maisons devraient comprendre qu’il y va autant de leur intérêt que de celui de leurs locataires qu’un approvisionnement abondant et ininterrompu d’eau soit maintenu en tout temps.


État Financier.
L’état suivant fait voir la situation financière de la Ville :
1898
Revenu 
$3,078,839.15
1899
Rev"nu 
3,004,728.72

RevenuDiminution 
74,110.43
1899
Crédits 
2,922,345.56
Crédit spécial 
100,000.00
!!!!!!!!!!!Total 
3,022,345.56
1900
Crédits 
4,191,717.91
!!!!!!!!!!!Augmentation 
169,362.35
Montant disponible pour 1900 
3,142,373.65
Diminution comparativement à 1901 
$ 49,344.26


Sur le montant total voté en 1899, savoir $3,022,345.56, il reste une balance non dépensée de $54,841.59, après paiement de toutes réclamations connues et admises, imputables au budget de cette année-là.

Je suis heureux de pouvoir dire qu’il n’existe aucun compte en souffrance contre l’administration de 1899.

Sur l’emprunt de $3,000.000, il a été payé pour : —

Obligations portant 6 p. c. et 5 p. c. d’intérêt 
$ 349,240.00
Emprunts temporaires 
2,258,558.00
Dette flottante, comptes divers 
104,323.72
Dommages re expropriations de 1894 
7,091.53
Dépenses re expropriations incomplètes 
3,708.42
Banque du Peuple (perte) 
8,285.39
$2,731,207.06

Le montant disponible, en vertu du pouvoir d’emprunt spécial de 10 p c. de l’augmentation de la valeur de la propriété imposable excédant $140,000,000 (qui a donné pour 1899, $222,000) a été réparti entre les diverses Commissions, comme suit : —

Commission des Finances (pour améliorations à
Commission del’Hôtel-de-Ville) 
$ 2,000.00
Comm"ssionde la Voirie (travaux divers) 
115,417.00
Comm"ssionde la Police 
1,125.00

Commission des Incendies et d’Éclairage 
7,700.00
Comm"ssionde l’Aqueduc 
75,758.00
Comm"ssiondes Marchés 
10,000.00
Comm"ssiond’Hygiène 
10,000.00
$222,000.00


Département de la Voirie.


Les travaux suivants ont été exécutés par le département de la Voirie dans le cours des deux dernières années.


Champ d’épuration et égout collecteur du
Quartier St-Denis.

Le quartier St-Denis a 376 acres de terrain s’étendant au nord de la hauteur des terres et descendant en pente vers le Sault aux Récollets. Comme le raccordement de ce territoire avec les égouts de la Ville qui se déversent dans le fleuve St-Laurent aurait entraîné des dépenses considérables, la Commission de la Voirie, se basant sur les idées et les plans d’un ingénieur de grande valeur, — M. George Janin — a décidé, avec la sanction du Conseil, d’établir un champ d’épuration. La Ville a, par conséquent, acquis dans la paroisse de St-Laurent, un champ de 20 acres, suffisant pour une population de 10,000 à 12,000 âmes.

Le terrain a coûté $5,000 et l’entreprise pour le développement des 10 premières acres a été adjugée au prix de $16,191. Les dépenses totales de ce chef se sont élevées à $21,876.

L’égout collecteur à partir de la rue Bélanger jusqu’au champ d’épuration a plus de 10,000 pieds de longueur, et a coûté $41,156. Des mesures ont été prises, en cas d’accident à l’égout collecteur ou au champ d’épuration, pour décharger les eaux sales automatiquement, au moyen de pompes électriques, dans les égouts de la Ville qui se déversent dans le fleuve St-Laurent.


Égouts.


Les autres égouts construits par toute la ville couvrent une longueur totale de 4684 verges linéaires.


Pavages permanents.


La rue Craig a été repavée avec de l’asphalte depuis la rue Lacroix jusqu’à la rue Bleury, et la rue Notre-Dame ainsi que la rue St-Jacques ont été réparées à partir de la rue Barrack et de la rue du Palais de Justice jusqu’à la rue McGill. La rue Craig a été pavée en 1889 avec des blocs de bois, et les deux autres rues l’ont été avec de l’asphalte de Trinidad, en 1886 et 1887. Il y a eu aussi quelques autres courtes sections de rues qui ont été pavées.


Trottoirs en bois.


Il a été posé 158,381 verges de trottoirs en bois, au prix de $81,000, soit environ 51 cents par verge carrée. Le montant requis à cette fin a été estimé, en 1898, à $70,029, et en 1899, à $75,322.


Département de l’Aqueduc.


Ce département, qui est l’un des plus importants de l’administration municipale, est aussi celui qui produit le plus gros revenu au trésor ; néanmoins, il est loin d’avoir reçu, depuis longtemps, en échange, les crédits qui auraient été nécessaires pour le mettre sur un pied égal à celui sur lequel sont placés les mêmes départements dans les villes d’Europe et des États-Unis qui ont une importance équivalente à celle de notre cité. Il serait peut-être juste, tant que cette équivalence ne sera pas atteinte, de consacrer aux besoins de ce département la majeure partie de l’excédant que produit son revenu sur le montant qui couvre les intérêts du capital placé.

Les améliorations qu’il faudrait faire dans ce département sont nombreuses et urgentes. Je ne parlerai ici que des plus importantes au point de vue de la santé publique et de la protection contre le feu.

Il y a d’abord la question de la qualité de l’eau distribuée aux citoyens de la Ville et qui, sans être généralement inférieure à la moyenne, prend, à certaines époques de l’année, un caractère dangereux pour la santé publique. Pour obvier à cet inconvénient qui, en cas d’épidémie, pourrait avoir des conséquences regrettables, il faudrait mettre les réservoirs en état d’être fréquemment nettoyés en nivelant et cimentant leurs fonds qui, par leur irrégularité actuelle, ne permettent pas ce nettoyage : les travaux faits l’année dernière au mur de division du grand réservoir permettraient d’exécuter ce nivellement sans compromettre la réserve d’eau en cas d’accident ou d’incendie.

Pour assurer encore plus complétement la pureté de notre eau, il faudra, finalement, en venir à suivre l’exemple des grandes villes d’Europe et des États-Unis, et adopter un système de filtration dont l’étude devrait être demandée sans retard à nos ingénieurs.

Il serait peut-être à propos de faire étudier concurremment le projet dont il fut question il y a quelques années, celui d’amener à Montréal, pour alimenter notre distribution, les eaux pures des lacs de la région des Laurentides.

Concernant la protection contre les incendies, il a été établi que l’augmentation de la population desservie par le système du haut niveau est devenue tellement considérable que l’unique pompe qui alimente ce district, d’une valeur estimée à quarante millions de dollars, suffit à peine pour les besoins quotidiens, de sorte que si un accident la mettait hors d’usage, ce district serait privé d’eau potable et de protection contre le feu aussi longtemps que la pompe ne serait pas en état de fonctionner. C’est assez dire pour justifier la demande d’une seconde pompe à la station du haut niveau.

Toutes les améliorations que j’ai signalées ci-dessus constitueraient un placement avantageux pour les fonds municipaux, et je ne doute pas, pour cette raison, qu’elles n’attirent sérieusement votre attention.


Département de Police.


Je désire attirer votre attention sur le fait que, malgré l’addition de nouveaux quartiers à la Ville, le nombre des constables n’a pas été augmenté depuis 12 ans.

Le besoin d’une police à cheval se fait beaucoup sentir. Toutes les villes dont la population est égale à celle de Montréal ont une telle police, et je considère que dix hommes à cheval seraient, en tout temps, très-utiles, étant donné que par suite de l’annexion de nouveaux quartiers, des rues d’une étendue considérable ont été ouvertes et doivent être protégées.

Je suis heureux de pouvoir dire qu’à l’exception d’un meurtre, qui a été commis en juin dernier, la Ville a été relativement exempte de crimes et de troubles. Les cambrioleurs qui opéraient en cette ville ont, pour la plupart, été arrêtés et condamnés, ce qui est une preuve de la discipline et de l’efficacité de notre corps de police.


Cour du Recorder.


La nomination de deux Recorders, qui s’imposait depuis longtemps, par suite de l’augmentation naturelle de la Ville et de l’importance toujours croissante des affaires municipales, a été faite durant la dernière année. Au regretté M. de Montigny ont succédé, à la présidence de notre cour municipale, MM. A. E. Poirier et R. S. Weir. Ces nominations, je suis heureux de le dire, font autant d’honneur au gouvernement qu’elles promettent d’être fertiles en bons résultats pour notre ville.

Les rapports du Greffier de la Cour du Recorder nous montrent pour l’année 1899, une augmentation de $5,634.48 sur l’année précédente. Je regretterais sincèrement cet excédant de recettes, s’il devait être attribué à une augmentation dans les offenses et à l’abaissement du niveau moral de la population. Heureusement, on constate, au contraire, que les offenses contre les statuts et contre les règlements municipaux ont été moindres en 1899 qu’en 1898, et moindres en 1898 qu’en 1897. Les principales raisons de cette augmentation du revenu sont une plus grande sévérité dans les sentences exigées par les circonstances et une plus stricte surveillance exercée par les autorités.


Service des Incendies.


Cette branche très-importante du gouvernement civique, qui, à plus d’un titre, peut être comparée à une association ayant pour but d’accomplir des œuvres humanitaires — ses actions quotidiennes le prouvent — indique un progrès sensible dans la diminution des sinistres qui ont eu lieu dans le cours de la dernière décade.

La présente administration a graduellement diminué, durant ce temps, le percentage de ces incendies désastreux, de 9.05 pour cent à 2.92 pour cent.

Des demandes vous seront faites pour de nouvelles casernes et certaines améliorations modernes afin de suivre les méthodes nouvelles et de maintenir le service sur un pied en rapport avec le développement considérable et constant de la ville.


Santé Publique.


Je suis heureux d’attirer votre attention sur le fait que le taux de la mortalité à Montréal, l’année dernière, a été relativement peu élevé, à savoir : 22.04 par mille de la population.

Au commencement de l’année dernière, l’état délabré de notre hôpital civique exigea qu’on prît des mesures immédiates soit pour construire un nouvel hôpital ou pour rendre la bâtisse actuelle plus convenable. On s’arrêta à ce dernier projet, et on peut dire maintenant que cette institution est en état de rendre tous les services requis pour plusieurs années à venir.

Le service pour l’enlèvement des détritus domestiques a été beaucoup amélioré l’an dernier, et a été fait avec plus d’économie que les années précédentes.

Cette année, l’on verra d’une manière toute spéciale à l’examen du lait ; on fera un effort sérieux pour améliorer ce service afin de rendre plus parfait le contrôle sur l’approvisionnement du lait. On sera ainsi certain d’obtenir pour la ville une qualité plus pure de cet important produit alimentaire.


Département en Loi.


Depuis la réorganisation du département en loi, dans le mois de janvier 1898, 468 actions ont été intentées contre la cité, dont les ¾ consistaient en réclamations pour inondations par le gonflement des égoûts et chutes sur les trottoirs, et ¼ en demandes d’indemnité pour accidents dans les rues, arrestations illégales, demandes en nullité de rôles de répartition, et brefs de prérogative, tels que certiorari, mandamus et brefs de prohibition.

Les avocats et officiers du département ont poussé avec activité ces nombreux litiges à jugement final ; en effet, nous constatons que 412 jugements ont été rendus dans les causes pendantes contre la ville.

La plupart des actions en dommages résultant d’inondations par les égouts publics ou d’accidents, où jugement n’a pas été prononcé directement en faveur de la cité, n’ont pu être réglées à l’amiable que partiellement, et il a fallu les contester devant les tribunaux ; la ville cependant a réussi à diminuer considérablement le montant réclamé ; en sorte que nous pourrions affirmer que la cité a eu partiellement gain de cause dans au-delà de 70% des 412 jugements qui ont été rendus en 1898 et 1899, et il y en a plus d’un tiers où elle a réussi en totalité.

Nous devons aussi constater que par les fréquentes décisions rendues par la Cour d’Appel et la Cour Suprême, il y a une jurisprudence d’établie, laquelle a eu pour effet de réduire sensiblement le nombre des litiges et d’assurer pour l’avenir, avec la nouvelle charte, des moyens préventifs, pour enrayer cette épidémie de litiges contre l’administration municipale.


Éclairage.


Le service de l’éclairage des rues est satisfaisant. Nous avons à l’heure qu’il est 2,162 lampes électriques et à gaz, en tout, pour éclairer les rues publiques et les sous-voies, avec un crédit additionnel pour 40 lampes à arc ou l’équivalent en lumières incandescentes, pour cette année.

Cependant, les citoyens, dans toutes les parties de la ville, réclament plus de lumière, pour la raison qu’un parfait éclairage des rues tend à supprimer le crime et le désordre.


Département des Estimateurs.


La plus grande partie de l’augmentation dans la valeur de la propriété pour l’année 1899, provient de la nouvelle taxe sur les machines, etc. Le nombre des bâtiments nouveaux et coûteux, comparativement aux années précédentes, a été peu considérable, bien que sous ce rapport une amélioration sensible se soit produite depuis 1897.


Conclusion.


Pendant les derniers mois de mon administration, il s’est passé des événements de la plus haute importance pour l’Empire Britannique, dont le Canada est la plus belle et la plus loyale colonie. Ces événements se déroulent encore dans le moment. Le canon gronde et le bruit de la fusillade se fait entendre dans les vallées et les montagnes du Sud Africain. L’Empire est engagé dans une guerre sérieuse et un certain nombre de braves fils de Montréal sont actuellement sous les armes dans le Transvaal, combattant pour l’intégrité et le maintien de l’Empire et pour la noble femme qui préside aux destinées de ses loyaux sujets.

Lors du départ du second contingent, comme maire de cette ville, j’ai cru faire mon devoir en lui souhaitant, au nom des citoyens de Montréal, bon voyage et gloire, et, qu’il me suffise de vous rappeler ce qui a été écrit sur cet incident dans le « Times » de Londres, en date du 6 janvier dernier : « Une démonstration mémorable a eu lieu à Montréal, hier soir, à l’occasion du départ d’une partie du second contingent canadien. Des milliers de spectateurs encombraient les rues et n’ont cessé d’acclamer les troupes.

Le maire, M. Préfontaine, un des députés Canadiens-français les plus marquants, a adressé la parole aux membres du contingent. Il a fait allusion, avec orgueuil, au fait que des Canadiens-français, aussi bien que des Canadiens-anglais, étaient dans les rangs des volontaires de Montréal, prêts et disposés à défendre le glorieux drapeau de la Grande Bretagne. Les miliciens montréalais de l’ancien régime, a-t-il dit, avaient bravement et généreusement donné leur vie pour le drapeau de la France, et après que l’Union Jack eût remplacé la Fleur de Lis, en Canada, ils n’hésitèrent pas un seul instant à verser leur sang pour le drapeau anglais. En terminant, le Maire a dit : " Puissiez-vous tous revenir, chargés d’honneurs, après que la cause de la justice et de la liberté aura été vengée dans l’Afrique Australe, et puisse votre campagne être couronnée du succès et de l’éclat que méritent votre patriotisme et votre vaillance. " »

« Les paroles patriotiques de M. Préfontaine furent soulignées par des applaudissements prolongés. »

Maintenant, laissez-moi ajouter un mot au sujet de mes intentions futures :

Dans l’avenir, comme par le passé, tous mes efforts tendront à vivifier ce bon sentiment entre toutes les classes de notre population mixte, sans lequel nous ne pouvons nous attendre à voir régner la prospérité et le bien-être parmi nous. Si l’on veut que la ville de Montréal occupe dans le monde l’éminente position à laquelle elle a droit à raison de ses avantages naturels, il faut que ses citoyens fassent taire tous les préjugés et ressentiments basés sur un étroit sentiment de race, et qu’ils s’unissent loyalement sous la louable inspiration de la communauté d’intérêt et d’une louable stimulation, pour exploiter, avec tout le succès possible, les ressources incontestables de notre ville. Et j’espère sincèrement qu’un jour viendra où ceux qui se dévoueront au développement de la métropole pourront compter, avec toute certitude, sur l’appui spontané et constant de tous les bons citoyens, au lieu de sentir (comme cela est arrivé trop souvent par le passé) qu’ils ne peuvent sûrement compter que sur l’appui des citoyens de leur propre nationalité, et d’être en butte à une opposition déraisonnable de la part de certaines personnes et certains journaux jouant le rôle de représentants d’autres nationalités. Mon habile prédécesseur, le maire Wilson Smith, dans son discours d’adieu, qu’il prononçait ici même, s’exprimait en ces termes :

« J’espère sincèrement que dans le meilleur intérêt de notre ville et de notre pays, nous n’entendrons plus parler de catholiques ou de protestants, de Canadiens-français ou d’Anglais, mais que nous nous rappellerons toujours que nous sommes tous des citoyens de Montréal et du Canada, et que l’éclat du plus brillant joyau de la Couronne Britannique ne sera jamais terni par l’absence chez nous de vrai patriotisme et de loyauté ».

Je vous ai dit au commencement de mes remarques que notre nouvelle charte nous assurait notre autonomie municipale, et j’aurais dû ajouter que nous avons maintenant un gouvernement municipal réellement constitutionnel. Il suffit de lire les clauses qui s’appliquent particulièrement à l’administration et vous constaterez que par les clauses 21 et 22 il est dit : —

« 21. La cité de Montréal est gouvernée et ses affaires sont administrées par un conseil composé du maire et de deux échevins par quartier, lesquels sont élus tous les deux ans. »

« 22. Le maire de la cité exerce le droit de surveillance, d’investigation et de contrôle sur tous les départements et les officiers de la cité, et voit spécialement à ce que les revenus de la cité soient perçus et dépensés suivant la loi, à ce que les dispositions de la charte, les règlements et ordonnances de la cité soient fidèlement et impartialement mis à exécution, et soumet de temps à autre au Conseil tout projet de changements ou amendements qu’il croit nécessaires et utiles, et il doit communiquer au Conseil toutes informations et suggestions tendant à l’amélioration des finances, de la police, de la santé, de la sûreté, de la propreté, du bien-être et du progrès de la cité. »

Dans l’exercice de ses fonctions comme chef exécutif de l’administration municipale, le maire a droit, en tout temps, de suspendre un officier ou employé, au service de la corporation, et, en pareil cas, le maire doit, à la plus prochaine occasion, faire rapport de la chose au Conseil ou au comité ayant la surveillance immédiate du département affecté, donnant par écrit les raisons de cet acte de sa part.

Les fonctions du Comité des Finances consistent en : —

La préparation du budget annuel.

L’examen de toute recommandation comportant dépenses d’argent, ainsi que l’adjudication de tout contrat sujet à la ratification par le Conseil pour travaux, matériaux et fournitures, à moins qu’il n’y ait déjà un crédit de voté.

Nulle recommandation pour telle fin, affectant de quelque manière que ce soit les finances de la cité, ne doit être adoptée, par le Conseil, sans avoir, au préalable, été soumise au Comité des Finances et approuvée par celui-ci. Pourvu toutefois que sur un refus de la part du Comité des Finances d’approuver un crédit demandé par un comité quelconque, le conseil puisse, par le vote des trois quarts de ses membres, ordonner que le crédit soit accordé.

Il résulte donc de cet ensemble de dispositions que le peuple de Montréal se gouverne lui-même par l’entremise de son maire, du comité des finances et de son conseil. Le conseil est suprême, cela est logique et véritablement démocratique. Mais le maire a un pouvoir considérable, ainsi que le comité des Finances. Il faut donc, il est de toute nécessité que, comprenant bien l’esprit de notre constitution municipale, ces trois branches de notre administration marchent en harmonie et avec union. Le maire, ainsi que le comité doivent posséder la confiance du conseil, de même que le maire et le comité des Finances doivent avoir confiance dans l’honnêteté et l’intégrité individuelle des échevins. Je crois fermement qu’imbus de ces idées, nous travaillerons tous avec union et harmonie d’ici à deux ans pour la prospérité et le plus grand avancement de notre chère ville, ayant toujours en vue de rendre justice égale à tous sans distinction d’Est ou d’Ouest, de Nord ou de Sud. Pour arriver à ce beau résultat, il nous faudra s’entr’aider, respecter les opinions de chacun, ne pas scruter à la légère ou injustement les motifs de nos paroles et de nos actions, pacifier et harmoniser, au lieu de créer ou de faire surgir des frictions qui causent toujours un mal souvent irréparable. Si nous restons dans les bornes de notre constitution, si nous nous conformons aux règles qui gouvernent nos délibérations, je n’ai pas d’hésitation à déclarer que nous atteindrons le but désiré.

Vous pouvez, Messieurs, vous les membres de ce conseil, me rendre la tâche de présider vos délibérations légère, facile et même agréable.

Et de ma part, veuillez croire que je ferai en sorte de me conformer toujours au vœu de la majorité clairement exprimé.

Si nous sommes bien imprégnés de ces principes sains et droits, et désirons sincèrement en faire l’application, notre administration ne pourra que rencontrer l’approbation des honnêtes gens et des bons citoyens, et la métropole commerciale du Canada en recueillera les fruits bienfaisants.