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VANTAIL, s. m. (ventail, wis, huis). Valve de menuiserie, tournant sur des gonds ou pivots, fermant la baie d’une porte. Il était d’usage, dans l’antiquité grecque, de suspendre souvent les vantaux au moyen de deux tourillons tenant au montant de feuillure. Ces tourillons entraient dans deux trous cylindriques ménagés sous le linteau et à l’extrémité du seuil. Ce procédé primitif obligeait de poser le vantail en construisant la porte. On voit encore des vantaux ainsi suspendus aux portes de monuments de la Syrie septentrionale qui datent des IVe et Ve siècles. Il faut savoir que ces vantaux sont de pierre (basalte généralement), et qu’il n’était pas possible de les suspendre autrement, puisqu’on ne pouvait y attacher des pentures. Toutefois ce procédé fut appliqué dans les Gaules aux portes de bois, et nous retrouvons cette tradition conservée jusque vers la fin du XVIe siècle pour les constructions rustiques, notamment dans le Nivernais et en Auvergne.

Ces vantaux primitifs se composent d’un montant de feuillure A (fig. 1), pris dans un arbre branchu, de manière à trouver la traverse haute B dans le même morceau. Cette traverse haute s’assemble en C dans un montant de rive D, qui reçoit également le tenon E d’une traverse basse. Des planches épaisses sont chevillées sur cette membrure, qui n’est apparente qu’à l’intérieur. Les deux tourillons a et b entrent dans les trous cylindriques a’, b’, ménagés dans le seuil et dans une pierre tenant au jambage. Dans cette structure, il n’y a pas un clou ; le tout est maintenu par des chevilles de bois. Ces sortes de vantaux sont doubles habituellement, et leurs montants de rive battent sur un arrêt tenant au seuil et sur une traverse haute de bois. Ils étaient fermés, à l’intérieur, par une barre de bois entrant dans les chantignoles G chevillées sur les montants de battement. Il y a tout à croire que cette façon de vantail remonte aux Gaulois, puisqu’on trouve encore la trace, dans des constructions privées de l’époque gallo-romaine, de ces trous cylindriques destinés à recevoir les tourillons des montants. On comprend sans peine combien ce grossier moyen de suspension des vantaux était défectueux. Les tourillons de bois roulaient difficilement dans leurs douilles de pierre b’ ; si les portes étaient d’une assez grande dimension, il fallait employer beaucoup de force pour faire pivoter les vantaux. Dès l’époque gallo-romaine, les pentures étaient en usage, puisqu’on en retrouve encore, et ce moyen de suspendre les huis fut généralement adopté à dater de la période carlovingienne (voyez Serrurerie). Toutefois les vantaux furent composés au moyen de membrures sur lesquelles on appliquait des frises, si les portes étaient d’une assez grande dimension.

Le système de décharges pour empêcher les vantaux de donner du nez, c’est-à-dire de fléchir dans le sens de leur largeur sous leur propre poids, est toujours admis ; on se sert même encore parfois, pendant le XIIe siècle, de bois branchus pour former ces décharges, ou du moins l’une d’elles ; et les pentures de fer sont, ou apparentes à l’extérieur sur les frises, ou prises entre celles-ci et la membrure, comme dans l’exemple que nous donnons ici (fig. 2), qui est tiré d’une porte de l’ancienne église de Saint-Martin d’Avallon.


On voit, dans cette figure qui présente l’un des vantaux vu du côté intérieur, que le montant de feuillure A est taillé dans un arbre branchu. Des épaulements B et C, ménagés dans ce montant, reçoivent les pieds des décharges qui soulagent encore l’extrémité de la traverse haute D et le montant de battement E. Un gousset G réunit ce montant à la traverse basse H. Les pentures de fer sont prises entre cette membrure et les frises extérieures de revêtement, qui ne laissent voir que les chevilles qui les retiennent aux décharges et les têtes de clous qui les attachent à ces pentures. Ce travail assez grossier est cependant fort bien entendu au point de vue de la solidité et de l’usage. Bientôt l’exécution devint plus délicate, et les vantaux reçurent extérieurement diverses sortes de décorations, soit par l’application de pentures de fer forgé, soit par des revêtements de bois finement travaillés, soit par des peintures, des têtes de clous, des plaques de bronze ou de fer battu. Habituellement ces décorations dépendent de la structure. Ainsi, par exemple, dans la figure 3 que nous donnons ici[1],


on voit que le système de structure du vantail, composé d’un treillis de décharges compris entre les montants et les traverses, reproduit extérieurement, sur les frises, un treillis de moulures fines, perlées, avec têtes de clous aux rencontres (voyez le détail A). Ces clous s’engagent de quelques millimètres dans la saillie de ces moulures, ainsi que l’indique le profil B en C. Les têtes de clous sont garnies d’une rondelle de fer battu ornée (voy. en G). Les pentures sont, comme dans l’exemple précédent, prises entre la membrure et les frises de revêtement. Bien entendu la membrure est à l’intérieur. Les moulures en treillis sont clouées sur ces frises et correspondent au treillis des décharges. Les frises sont donc parfaitement maintenues par le parti décoratif, et les clous consolident les assemblages à mi-bois de la membrure treillissée. Ces bois croisés en tous sens, cloués ensemble, ne peuvent jouer, et la solidité de l’ouvrage est complète. Ces décorations rapportées extérieurement sur les frises ne sont pas toujours la reproduction de la structure des membrures ; elles consistent souvent en des moulures clouées suivant certains compartiments géométriques, ainsi que l’ont pratiqué de tout temps les Arabes, en des formes empruntées à l’architecture, telles que frises, arcatures, gâbles, etc.[2]. On voit encore, sur les vantaux des portes occidentales de la cathédrale de Sées des applications de ce genre qui figurent une sorte de grille composée de rangs de petites arcatures finement travaillées. Les rangées d’arcatures, au nombre de six, dans la hauteur du vantail, y compris le couronnement (voy. fig. 4), sont simplement clouées sur les frises qu’elles maintiennent planes.
En A, est tracé le détail en coupe d’une de ces arcatures avec sa colonnette, et en B la section de celle-ci. Les colonnettes, leurs chapiteaux et bagues sont faits au tour. Les rangs d’arcatures sont évidés dans une planche, et cloués, ainsi que l’indique notre tracé. Toute cette décoration était peinte, ainsi que le fond, de vives couleurs.

On trouve dans l’article Menuiserie une assez grande variété de ces vantaux décorés, soit par application, soit par la combinaison des assemblages[3]. Nous ne croyons donc pas nécessaire de nous étendre plus longuement ici sur ces ouvrages de bois.

Il arrivait aussi que l’on recouvrait les vantaux de portes au moyen de plaques de métal, bronze ou fer, et cela indépendamment des pentures[4]. On voyait encore à la porte de gauche de la façade occidentale de l’église abbatiale de Saint-Denis, au commencement du dernier siècle, des vantaux de portes rapportés de Poitiers par Dagobert, et qui étaient recouverts de lames de bronze ajourées représentant des rinceaux avec des animaux. Ces vantaux avaient été replacés sur cette façade lors de sa reconstruction sous l’abbé Suger, comme des ouvrages dignes d’être conservés[5]. Les moines et les chapitres détruisirent bon nombre de ces précieux objets depuis le règne de Louis XIV, et la révolution de 1792 jeta au creuset ce qui restait, si bien qu’aujourd’hui on a grand’peine, en France, à retrouver quelques traces de ces vantaux garnis de métaux plus ou moins habilement décorés. Quelques débris d’ouvrages de fer ont seuls échappé, à cause de leur peu de valeur, à ces dévastations. Des portes de trésors, de sacraires, laissent encore voir leurs revêtements de fer battu. Ces revêtements sont toujours faits au moyen de bandes de fer, car on ne fabriquait pas alors de la tôle : c’était au marteau que l’on pouvait obtenir des fers minces en pièces d’une faible dimension. Ces bandes étaient, le plus souvent, posées en treillis avec un clou à chaque point de rencontre. La figure 5 présente un de ces vantaux bardés de bandes croisées de fer battu et reliées par des clous avec rosaces formant rondelles.


En A, est donnée l’une de ces rosaces ; en B, la section avec le croisement des fers, et en C, la section de la bordure d’encadrement[6]. Ces sortes de vantaux n’ont que des dimensions médiocres. Dans la figure 5, entre les bandes croisées, on aperçoit le bois, mais il n’en était pas toujours ainsi : des ornements de fer battu découpés étaient parfois posés dans les intervalles de ces bandes (fig 6) ;
ils formaient des rosaces maintenues au centre par un clou et par les bandes, sous lesquelles leurs extrémités étaient pincées. Ainsi le bois du vantail était presque totalement couvert par une armature solide qui composait une riche ornementation. Le fragment que nous donnons ici paraît dater du XIVe siècle, et provient de la collection des dessins de feu Garneray[7]. On bardait aussi les vantaux de bandes de fer horizontales posées à recouvrement. Ces bandes étaient unies ou découpées en manière d’écailles ou de lambrequins (fig. 7), maintenues les unes sur les autres, ainsi que l’indique la section A, avec force clous qui pénétraient dans le bois.
Ce vantail était attaché à une porte de l’abbaye de Saint-Bertin, à Saint-Omer[8]. Il paraît également remonter au XIVe siècle. C’était ainsi (sauf les ornements) qu’étaient habituellement bardés des vantaux de poternes des châteaux, quelquefois même des habitations privées. On se contentait le plus souvent, pour les vantaux de portes des maisons et hôtels, de garnitures de têtes de clous plus ou moins ouvragées (voyez Clou), posées en quinconce ou suivant la trace des traverses et décharges contre lesquelles les frises s’appliquaient.

Ainsi que nous l’avons dit plus haut, il ne nous reste, en France, aucune trace de vantaux de portes du moyen âge revêtus de bronze ; cependant plusieurs églises en possédaient. Dom Doublet[9] parle des portes faites d’après les ordres de l’abbé Suger pour la façade occidentale de la nouvelle église. Ces portes étaient, paraîtrait-il, très-richement décorées de lames de bronze doré et émaillé. « Il fit venir (Suger), dit D. Doublet, plusieurs fondeurs et sculpteurs expérimentés, pour orner et enrichir les battans de la porte principale de l’entrée de l’église, sur laquelle se void la Passion, Résurrection, Ascension, et autres histoires (avec la représentation dudit abbé prosterné en terre), le tout de fonte ; et qu’il luy a convenu faire de grands frais, tant pour le métail, que pour l’or qui y a esté employé pareillement aussi pour les battans de la porte de main droite, en entrant, qu’il a fait enrichir de métail, or et esmail, laissant les anciens battans de la troisiesme porte de main gauche, qui estoient au premier bastiment de l’église. » Une inscription en vers était apparente sur le bronze de la porte principale. Nous la transcrivons ici d’après dom Doublet :

« Portarum quisquis attollere quæris honorem,
Aurum nec sumptus, operis mirare laborem,
Nobile claret opus, sed opus quod nobile claret ;
Clarificet mentes, ut eant per lumina vera,
Ad verum lumen, ubi Christus janua vera,
Quale sit intus in his determinat aures porta,
Mens hebes ad verum per materialia surgit,
Et demersa prius bac visa Ince resurgit. »

Et sur le linteau au-dessus des vantaux :

« Suscipe vota tui judex districte Suggeri,
Inter oves proprias Cac me clementer haberi. »

Si le latin est médiocre, les pensées sont assez belles et bien appropriées à l’objet.

Nous ne chercherons pas, en l’absence de tout document graphique, à donner une restauration de ces monuments qui devaient être si intéressants.

On connaît les belles portes de bronze de la basilique normande de Montreale près Palerme, celles de la cathédrale de Pise, celles de Vérone. Ces vantaux sont composés par panneaux dans lesquels sont inscrits des sujets en bas-relief, avec ouvrages niellés et damasquinés. Il est à présumer que les vantaux des portes principales de l’église abbatiale de Saint-Denis étaient conçus de la même manière. On voit aussi sur le flanc méridional de la cathédrale d’Augsbourg des vantaux de portes revêtus de bronze, par panneaux, qui datent du XIIe siècle, mais qui contiennent des fragments provenant d’un monument beaucoup plus ancien. Si l’on s’en rapporte à certaines vignettes de manuscrits, on pourrait croire aussi que le moyen âge posait, sur les vantaux de portes, des revêtements de bronze par bandes horizontales, comme des frises superposées, décorées d’ornements et de figures.

Quant aux vantaux de bois composés par panneaux, nous renvoyons le lecteur à l’article Menuiserie.

  1. Tiré de vantaux des portes de la cathédrale de Coutances, et d’une porte, aujourd’hui détruite, que l’on voyait sur le côté de l’église du Mont-Saint-Michel en mer, XIIIe siècle.
  2. Voyez Menuiserie, fig. 11.
  3. Voyez Serrurerie, fig. 12.
  4. Voyez, à l’article Serrurerie, quelques exemples de ces pentures.
  5. « Sur les anciens battans de la porte ancienne de l’église que fit bastir le Roy Dagobert, cecy est escrit en lettres très antiques et entrelacées l’unes dans l’autres, assez difficiles à lire : Hoc opus Airardus cœlesti munere fretus, Offert ecce tibi Dyonysi pectore miti. » (D. Doublet, Antiq. et recherches de l’abbaye de St-Denys en France, liv. I, chap. xxxiii.)
  6. Il existe encore des vantaux de ce genre à Sens, à Rouen (cathédrales). Nous en avons vu dans beaucoup d’églises, d’où ils ont été enlevés depuis une vingtaine d’années, à cause probablement de leur état de vétusté. L’exemple donné ici a été dessiné par nous, dans un magasin de ferrailles à Rouen.
  7. Sans indication de provenance.
  8. Dessin de la collection Garneray.
  9. Antiq. et recherches de l’abbaye de Saint-Denys en France, liv. I, ch. xxxiii.