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TYMPAN, s. m. Partie pleine comprise entre le cintre d’une porte (archivolte) et le linteau. On donne aussi le nom de tympan aux surfaces pleines comprises entre les extrados d’une arcature et le bandeau qui les couronne.
La surface A (fig. 1) est un tympan de porte ; la surface B, un tympan d’entre-deux d’arcature. Les tympans de porte, étant posés sur le linteau, peuvent être faits de diverses manières ; composés de petits matériaux en façon de remplissage, ou de grands morceaux de pierre parementés décorés de peintures ou de bas-reliefs. Il arrive aussi que les tympans de porte sont à claire-voie, donnent des jours d’impostes ; mais cette disposition n’est guère adoptée qu’à dater du milieu du XIIIe siècle, notamment dans les monuments de la Champagne. La place occupée par le tympan, sous les archivoltes des portes, était particulièrement favorable à la sculpture. Dans cette position, les bas-reliefs ne pouvaient pas manquer de produire un grand effet, et n’avaient pas à redouter (protégés qu’ils étaient par la saillie des voussures ou des porches) l’action destructive de la pluie et de la gelée. Beaucoup de nos églises conservent encore de magnifiques tympans sculptés (voy. Porte). Nous citerons parmi les plus remarquables, datant du XIIe siècle, ceux des portes des églises de Vézelay, de Saint-Benoît-sur-Loire, de Charlieu, du portail occidental de la cathédrale de Chartres, de la porte Sainte-Anne de Notre-Dame de Paris, de la porte centrale de la cathédrale de Senlis ; parmi ceux du XIIIe siècle, les tympans des portes latérales des cathédrales de Chartres, de Reims, des portails des cathédrales de Paris, d’Amiens, de Bourges, etc. Jusque vers le commencement du XIIIe siècle, le tympan de porte, s’il est sculpté, ne comporte guère qu’un sujet ; quelquefois, s’il est très-grand, il se compose de deux zones, ainsi qu’on peut le voir à la porte centrale et à la porte de la Vierge de Notre-Dame de Paris, rarement d’un plus grand nombre. À dater de 1240 environ, les tympans se composent généralement de plusieurs zones. Les sujets se superposent et se multiplient, ou bien ils sont enfermés dans des compartiments architectoniques. La statuaire perd ainsi de son importance magistrale, elle est soumise à une échelle plus petite. Au parti si large qui consistait à placer un linteau possédant sa sculpture, et au-dessus un grand bas-relief, on substitua une superposition de linteaux (voy. Porte ), plusieurs bandes de bas-reliefs dont les figures sont d’autant plus petites d’échelles que ces linteaux superposés sont plus multipliés. Au XIVe siècle, la sculpture des tympans est de plus en plus absorbée par les formes géométriques de l’architecture. Vers la fin du XVe siècle, les trumeaux se développent en avant des tympans, par des statues et des pinacles qui s’élèvent jusque sous la clef des archivoltes. Le trumeau n’est plus seulement alors un support, mais une sorte de contre-fort, de pilier très-orné qui coupe la porte, son linteau et son tympan en deux parts.

Malgré la rigidité de ses principes, l’architecture du moyen âge (et l’on a occasion de le reconnaître dans le cours de cet ouvrage) évite la monotonie, la banalité, ce qu’on appelle dans le langage des arts, les poncifs. Rarement trouve-t-on, dans les conceptions, même les plus vulgaires, ces chevilles, ces remplissages insignifiants, si fréquents dans les monuments que nous élevons aujourd’hui à grands frais. Le luxe des matériaux, l’exagération de la dépense, ne rachètent pas le défaut d’invention, la pauvreté de l’idée ; nos maîtres des XIIe et XIIIe siècles étaient, semble-t-il, bien pénétrés de cette vérité. Aussi, tout en restant soumis aux principes fondamentaux de leur art, ils savaient en déduire les conséquences les plus variées ; partant, les plus attrayantes, les plus nouvelles aux yeux du vulgaire.

À l’article Porte, nous donnons d’assez nombreux types de tympans, disposés déjà d’une façon assez variée ; mais, ici, force nous est de suivre une méthode, et d’exclure les cas exceptionnels qui, cependant, fournissent des exemples précieux de ce que le véritable génie sait tirer de l’application raisonnée d’un principe vrai. Nous allons procéder, à propos d’un de ces exemples, comme a dû procéder l’architecte du XIIIe siècle, afin de faire saisir la méthode critique de ces maîtres, auxquels on ne saurait refuser, avec le savoir, une modestie que nous n’avons pas le courage de leur reprocher[1].

On sait que pour soulager les linteaux des portes, les architectes terminaient les pieds-droits par des corbeaux qui diminuaient de toute leur saillie la portée de ces linteaux monolithes (voy. fig. 2).
Bien que ces linteaux A fussent déchargés par les archivoltes B, cependant ils avaient encore à porter le tympan C ; parfois ils se brisaient sous cette charge, surtout lorsqu’ils ne pouvaient être faits de pierre résistante. Si, à la place des corbeaux D, nous plaçons deux goussets de pierre E se contre-butant en F, il est évident que le linteau est complètement soulagé, que sa hauteur entre lits peut être singulièrement réduite au profit du tympan. C’est en raisonnant ainsi, que l’architecte auteur du portail méridional de l’église de Saint-Séverin à Bordeaux a dû procéder (fig. 3).
Le linteau de cette porte est en effet réduit à la hauteur d’un bandeau. Au-dessous, les corbeaux sont remplacés par une arcature trilobée avec demi-tympans couverts d’une délicate sculpture de ceps de vigne au milieu desquels se jouent des oiseaux. Une inscription qui donne la date de cette porte (1247) pourtourne l’orle du trilobe. Au-dessus se place, dans le linteau, le bas-relief du Jugement dernier ; puis dans le tympan supérieur, le Christ assis sur un trône, montrant ses plaies, assisté des deux anges qui portent les instruments de la passion, et imploré par la Vierge et par saint Jean. Dans les voussures, des cordons de feuillages, les martyrs et les vierges. Sur les jambages en ébrasement, et développés latéralement entre les colonnettes, dans la hauteur, des demi-tympans de l’arcature, les Apôtres, l’Église et la Synagogue.

Cette porte est accompagnée de deux arcades aveugles avec tympans dans lesquels sont figurées des scènes de la vie de saint Séverin. L’ensemble de cette composition, que donne la figure 3, est fort remarquable et produit un grand effet. En A nous présentons, à une grande échelle, l’un des demi-tympans du trilobe, d’un dessin à la fois original et gracieux. La sculpture en est plate, en façon de broderie, mais délicatement traitée, et devait produire tout son effet, avant que ce portail eût été abrité sous un porche plus récent. Le programme est d’ailleurs celui de beaucoup de portes d’églises ; on voit cependant que l’architecte, grâce à ce développement des corbeaux supportant le linteau, a su en tirer un parti entièrement neuf. L’auteur du portail de Saint-Pierre-sous-Vézelay n’avait-il pas aussi tiré un parti nouveau de la composition du tympan de la porte centrale (voy. Porte, fig. 65), en supprimant cette fois le linteau et en le remplaçant par un développement des corbeaux ? Plus tard, vers la fin du XIVe siècle, les linteaux supportant les tympans furent fréquemment remplacés par des arcs surbaissés. Les corbeaux étaient ainsi supprimés ; ces arcs surbaissés s’appuyaient sur les jambages et sur le trumeau ayant une saillie prononcée et découpant son couronnement en avant du tympan, le plus souvent ajouré et garni de vitraux. Les sujets en ronde-bosse qui remplissaient ordinairement les tympans du XIIIe siècle faisaient ainsi place à un fenestrage garni de vitraux. Comme nous l’avons dit, la Champagne avait, la première, adopté ce parti dès le XIIIe siècle. Les portes de la façade occidentale de la cathédrale de Reims le prouvent. Dans ce cas, le linteau portait une véritable fenêtre avec ses vitraux colorés, à la place des bas-reliefs. Il semble toutefois que la disposition des tympans pleins, décorés de sujets en ronde bosse, est préférable à ces fenestrages. En effet, les voussures garnies de statuettes forment un entourage, une sorte d’assistance au sujet principal décorant le tympan ; si ce tympan est vide, ces rangées de voussures n’ont plus de raison d’être au point de vue de l’iconographie. Les maîtres de la meilleure période du XIIIe siècle dans l’Île-de-France l’avaient compris ainsi. Mais les belles conceptions iconographiques s’altèrent déjà dans les provinces voisines dès le milieu de ce siècle, et les architectes n’admettent plus, souvent alors, la sculpture que comme un motif de décoration, sans trop se préoccuper de l’unité des compositions d’ensemble. Ce n’est pas à nous à leur en faire un reproche, car, dans les édifices religieux que nous élevons, il est rare que la statuaire sortie des ateliers de divers artistes et faite sur commandes isolées, présente un ensemble iconographique dirigé par une pensée. Admettant que chaque figure ou chaque bas-relief soit un chef-d’œuvre, ce défaut dans la conception générale, ce manque d’unité dans l’intention produit un assez triste effet. Il faut dire que le clergé, peu familier avec ces questions, préoccupé d’autres intérêts, plus importants peut-être au point de vue religieux, ne donne plus ces beaux programmes d’imageries qui sont si complets et si largement conçus dans les grandes églises du domaine royal de 1180 à 1240. Son goût ne le porte plus à aimer la belle et grave statuaire si bien ordonnée pendant notre meilleure période du moyen âge. Le joli, un peu fade, inauguré au XVIe siècle par l’école des Jésuites, ou le style italien de la basse renaissance, dominent toujours dans l’esprit des personnages qui, par leur situation dans l’Église, pourraient contribuer à rendre aux ouvrages de statuaire religieuse la virilité et le beau style qu’ils ont perdus.

Il est cependant quelques-unes de ces compositions de tympans du XVe siècle qui ne manquent pas de grandeur. Nous citerons, entre autres, les tympans du portail principal de la cathédrale de Tours, qui date de la fin de ce siècle.


Celui de la porte centrale (fig. 4) est à claire-voie, avec une sorte de double linteau ou plutôt de double imposte en arcs surbaissés. Le trumeau central, saillant, découpe la statue, son dais et la croix archiépiscopale qui le surmonte, en avant de la clairevoie vitrée. C’est là, nous le répétons, un parti souvent adopté à la fin du moyen âge et jusqu’au XVIe siècle. On trouve, dans notre article Porte, un assez grand nombre de compositions de tympans pour qu’il ne soit pas utile d’insister ici sur le système décoratif de ces membres de l’architecture du moyen âge. Nous ne dirons que quelques mots des tympans d’arcatures compris entre leurs archivoltes. La sculpture d’ornement ou la statuaire jouent un rôle important sur ces sortes de tympans, d’une petite dimension généralement. Ces sculptures, faites pour être vues de près, sont traitées avec amour et habilement composées en vue de la place qu’elles occupent. On voit de très-remarquables tympans d’arcatures : aux portails de l’église de Notre-Dame la Grande, à Poitiers ; à la cathédrale d’Angoulême (XIIe siècle) ; à la sainte Chapelle du Palais, à Paris ; aux portails des cathédrales de Paris, de Bourges, d’Auxerre (XIIIe siècle) ; dans les chapelles de la nef des cathédrales de Bordeaux et de Laon (XIVe siècle), etc. (voyez Ange, Arcature, Autel, Cloître, Sculpture, Triforium ). Souvent ces tympans, lorsqu’ils sont d’une petite dimension, sont remplis par des animaux fantastiques.

  1. Peu d’architectes du moyen âge en France ont gravé leurs noms sur les monuments qu’ils élevaient, contrairement à l’habitude de leurs confrères italiens. Cette indifférence, ou cet excès de modestie leur a été reproché par un célèbre critique comme un aveu d’infériorité. Cependant il semblerait que c’est l’œuvre qui doit être jugée, et que le nom de son auteur ne fait rien à l’affaire.