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PILASTRE, s. m. (ante). Pendant l’antiquité grecque, le pilastre, ou plutôt l’ante, est, ainsi que ce mot l’indique assez, une tête de mur ou une chaîne saillante élevée au retour d’équerre d’un mur. Sur le mur d’une cella, l’ante est le renfort élevé en A ou en B (fig. 1), lequel renfort porte un chapiteau et s’appuie quelquefois sur une base. Dans l’architecture romaine, ce qu’on appelle pilastre, est la projection d’une colonne sentie sur le nu d’un mur par une faible saillie. A (fig. 2) étant une colonne, B est son pilastre : quelquefois la colonne isolée ou engagée disparaît, comme par exemple autour de l’étage supérieur du Colisée à Rome, et le pilastre reste seul. Les Grecs n’ont jamais, pendant la belle époque, donné à l’ante le même chapiteau qu’à la colonne ; mais, sous l’empire, le chapiteau du pilastre n’est que la projection du chapiteau de la colonne, comme le pilastre lui-même n’est que la projection du fût. Si le pilastre est seul, s’il n’est pas la projection d’une colonne, il possède le chapiteau d’un ordre dorique, ionique, corinthien ou composite, mais ne prend pas un chapiteau spécial.

Dans les premiers temps du moyen âge, les architectes ne prennent pas la peine de projecter la colonne adossée sur le mur d’adossement, mais ils placent parfois des pilastres comme décoration ou renfort d’un mur. On voit de petits pilastres à l’extérieur du monument de Saint Jean à Poitiers ; on en retrouve sur le pignon occidental de la basilique latine de Saint-Front de Périgueux, accompagnant deux étages d’arcatures[1], et, plus tard, vers la fin du Xe siècle, à l’intérieur même de cet édifice. Ces pilastres, couronnés par des chapiteaux pseudo corinthiens, portent une arcature haute (dans les tympans fermant les grandes travées des coupoles) qui forme un passage continu tout autour de l’édifice. Des fenêtres sont ouvertes, dans l’arcature au droit du chœur et du transsept. Mais cet exemple que l’on trouve répété dans la partie ancienne de l’église de la cité (cathédrale) à Périgueux, n’est pas suivi généralement dans les édifices de l’Ouest. La colonne engagée remplace le pilastre, tandis que, dans la haute Bourgogne, le Morvan et la haute Champagne, le pilastre romain persiste fort tard, jusqu’au commencement du XIIIe siècle. Il existe encore à Autun deux portes de ville de l’époque gallo-romaine, les portes d’Arroux et de Saint-André, qui sont couronnées par un chemin de ronde consistant en une suite d’arcades entre lesquelles sont disposés des pilastres, cannelés à la porte d’Arroux, lisses à la porte Saint-André. Cette arcature avec pilastres servit évidemment de type aux architectes qui, au XIIe siècle, élevèrent les cathédrales d’Autun et de Langres, et les églises de Saulieu et de Beaune. Mais soit qu’il existât encore à cette époque de grands monuments romains avec pilastres, soit que les galeries des portes romaines d’Autun aient inspiré aux architectes l’idée de se servir du pilastre, et du pilastre cannelé, dans la composition des piles mêmes des édifices précités, nous voyons le pilastre appliqué en grand à Langres, à Autun et dans quelques autres, monuments de ces contrées. À Langres, de grands pilastres pseudo-corinthiens forment la tête des contre-forts de l’abside à l’extérieur. À la cathédrale d’Autun, les piliers intérieurs sont cantonnés de pilastres cannelés (voy. Pilier ). À Vézelay même, dans la nef, au-dessus des archivoltes des bas côtés, des pilastres portent les formerets de la grande voûte, tandis qu’on ne voit jamais de pilastres employés dans les édifices romans de l’Île-de-France. Le pilastre est quelquefois employé aussi dans certains monuments romans de la Provence, et il est habituellement cannelé. De fait, dans l’architecture française du moyen âge, le pilastre est une exception, son emploi est dû à la présence de monuments romains voisins.

  1. Voyez, dans l’Architecture byzantine en France, par M. Félix de Verneilh, 1851, la description de l’église latine de Saint-Front, p. 93.