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CHATELET, s. m. On donnait ce nom, pendant le moyen âge, à de petits châteaux établis à la tête d’un pont, au passage d’un gué, à cheval sur une route en dehors d’une ville ou à l’entrée d’un défilé. On désignait aussi, par le mot châtelet, des ouvrages en bois et en terre que les assiégeants élevaient de distance en distance entre les lignes de contrevallation et de circonvallation pour appuyer les postes destinés à garder ces lignes.

Dès le IXe siècle, la Cité, à Paris, était entourée de murailles flanquées de tours irrégulières, le tout en bois. Deux ponts donnaient accès dans la Cité, l’un au nord, à la place du Pont-au-Change actuel, l’autre au midi, à la place du Petit-Pont. Les têtes de ces deux ponts étaient déjà, et probablement avant cette époque, défendues par des châtelets, l’un, celui du nord, s’appelait le grand Châtelet, l’autre, celui du sud, le petit Châtelet. Le grand Châtelet formait une forteresse à peu près carrée, avec cour au milieu et portes détournées. Deux tours flanquaient les deux angles vers le faubourg. Le petit Châtelet n’était, en réalité, qu’une porte avec logis au-dessus et deux tours flanquantes. Ces ouvrages, détruits à plusieurs reprises lors des incursions normandes, furent reconstruits sous Philippe-Auguste, puis sous saint Louis, et réparés sous Charles V. Ils ont tous deux été démolis depuis la révolution.

Les châtelets prenaient quelquefois l’importance d’un véritable château avec ses lices extérieures, ses logis, ses enceintes flanquées et son donjon. Tel était le châtelet qui faisait tête de pont au Pont-de-l’Arche sur la Seine et dont nous donnons ici un croquis (1) d’après une gravure de Mérian.


Mais ce qui distingue le châtelet du château, c’est moins son étendue que sa fonction. Le châtelet défend un passage. Guillaume de Nangis rapporte qu’en 1179 les templiers construisirent, au gué de Jacob, un châtelet dont les Turcs s’emparèrent et qu’ils détruisirent[1].

La dénomination de châtelet n’est point arbitraire ; ainsi le maréchal de Boucicault fait élever plusieurs forts dans la ville de Gênes, au commencement du XVe siècle : l’un, celui du port, est appelé la Darse ; « l’autre chastel, feit édifier en la plus forte place de la ville, et est appellé Chastellet, qui tant est fort que à peu de deffence se tiendroit contre tout le monde. Si est faict par telle manière que ceulx d’iceluy chastel peuvent aller et venir, maugré tous leurs ennemis, en l’autre chastel qui sied sur le port que on dict la Darse[2]. »

Ce qui paraît distinguer particulièrement le châtelet du château, c’est que le premier est une construction uniquement destinée à la défense ou à la garde d’un poste, d’un défilé, d’un pont ou même d’une ville, ne possédant pas, comme le château, des bâtiments d’habitation et de plaisance ; le châtelet n’est pas une résidence seigneuriale, c’est un fort habité par un capitaine et des hommes d’armes. C’est donc sa destination secondaire, et non son importance comme étendue et force, qui en fait un diminutif du château.

Quelquefois le châtelet n’était qu’une seule grosse tour carrée à cheval sur un passage, ou même un ouvrage palissadé avec quelques flanquements (voy. Bastide, bastille, Porte).

  1. « In transmarinis partibus milites templi, ope regis (Jerusalem) et principum coadunati, in loco qui dicitur Vadum Jacob castrum fortissimum munierunt ; quod cum aliquandiu tenuissent, Turci Templarios seditione capiunt, castrum expugnant, et ad terram dejiciunt. » Chron. de Guill. de Nang.
  2. Le livre des faicts du mareschal de Boucicaut, chap. IX, Coll. des mem. pour servir à l’hist. de France.