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ARMATURE, s. f. On désigne par ce mot toute combinaison de fer ou de bois destinée à renforcer ou maintenir un ouvrage de maçonnerie ou de charpente ; aussi les compartiments de fer dans lesquels les panneaux des vitraux sont enchâssés. Pendant la période romane, le fer était peu employé dans les constructions ; on ne pouvait le forger que par petites pièces, les moyens mécaniques faisant défaut. Pour résister à la poussée des voûtes, pour relier des murs, on noyait des pièces de bois dans l’épaisseur des maçonneries, maintenues entre elles par des broches de fer ; mais c’était là des Chaînages (voy. ce mot) plutôt que des armatures proprement dites. Lorsque, par suite de l’adoption du système de construction ogivale, l’architecture devint à la fois plus légère et plus compliquée, lorsque les édifices durent prendre une grande étendue, le fer fut appelé à jouer un rôle assez important dans l’art de bâtir, et dès la fin du XIIe siècle déjà, dans le nord de la France, on crut devoir l’employer en grande quantité pour relier et donner du nerf aux maçonneries. L’emploi de cette matière, dont alors on connaissait peu les fâcheux effets, hâta souvent la ruine des monuments au lieu de la prévenir (voy. Chaînage, Crampon). Pour la charpente le fer ne fut employé que fort tard, et pendant toute la période ogivale on n’en fit point usage (voy. Charpente) ; Les charpentiers du moyen âge jusqu’à la fin du XVIe siècle ne cherchèrent d’autres combinaisons que celles données par un judicieux emploi du bois, sans le secours des ferrements. Toutes les grandes charpentes anciennes, y compris celles des flèches, sont construites sans un seul morceau de fer ; les tirants, les enrayures, les clefs pendantes, les armatures, sont uniquement en bois, sans un boulon, sans une plate-bande. Si l’art de la serrurerie était appelé à prêter son concours à la maçonnerie, il était absolument exclu de la charpente, et n’apparaissait seulement que pour s’associer à la plomberie décorative (voy. Plomberie). Il est certain que les nombreux sinistres qui avaient suivi immédiatement la construction des grands monuments voûtés dans le nord (voy. Architecture Religieuse) avaient inspiré aux architectes des XIIe et XIIIe siècles une telle défiance, qu’ils ne croyaient pas pouvoir se passer du fer dans la combinaison des maçonneries destinées à résister à la poussée des voûtes élevées ; c’est ainsi que l’on peut expliquer la prodigieuse quantité de chaînes et crampons en fer que l’on retrouve dans les maçonneries de ces époques. Ce n’est que le manque de ressources suffisantes qui forçait les architectes de ne pas prodiguer le fer dans leurs constructions ; mais lorsque des raisons d’économie ne les retenaient, ils ne l’épargnaient pas. Ainsi on a lieu d’être surpris en voyant que les arêtes de la voûte absidale de la Sainte-Chapelle de Paris sont éclissées chacune par deux courbes de fer plat posées de champs le long de leur paroi (1).
Ces bandes de fer, qui ont environ 0,05c de plat sur 0,015m d’épaisseur, sont reliées entre elles par des gros rivets ou boulons, qui passent à travers la tête des claveaux. Elles datent évidemment de l’époque de la construction, car elles n’auraient pu être posées après coup ; elles s’assemblent à la clef au moyen de V également en fer rivés avec elles, et les rendant ainsi toutes solidaires au sommet de la voûte. Ce surcroît de résistance était superflu, et ces arêtes n’avaient pas besoin de ce secours ; c’est le seul exemple que nous connaissions d’une armature de ce genre, et cependant il existe un grand nombre de voûtes plus légères que celles de la Sainte-Chapelle-du-Palais qui, bien qu’elles n’en fussent point pourvues, ont parfaitement conservé la pureté de leur courbe. La ferronnerie forgée avait dès la fin du XIIe siècle pris un grand essor. On peut s’en convaincre en voyant avec quelle habileté sont traitées les pentures qui servent à pendre les portes à cette époque ; cette habitude de manier le fer, de le faire obéir à la main du forgeron, avait dû engager les architectes à employer le fer pour maintenir les panneaux des vitraux destinés à garnir les grandes fenêtres que l’on commençait alors à ouvrir dans les édifices importants, tels que les églises. À la fin du XIIe siècle les fenêtres n’étaient point encore divisées par des meneaux de pierre, et déjà cependant on tenait à leur donner une largeur et une hauteur considérables ; force était donc de diviser leur vide par des armatures de fer, les panneaux de verres assemblés avec du plomb ne pouvant excéder une surface de soixante à quatre-vingts centimètres carrés sans risquer de se rompre (voy. Fenêtre, Vitrail). Les armatures d’abord simples, c’est-à-dire composées seulement de traverses et de montants (2),
prirent bientôt des formes plus ou moins compliquées, suivant le dessin donné aux panneaux légendaires des vitraux, et se divisèrent en une suite de cercles, de quatre-feuilles, de carrés posés en pointe, de portions de cercles se pénétrant, etc. Nous donnons ici (3, 4 et 5) divers exemples de ces sortes d’armatures[1].
Un des plus curieux spécimens de ces fermetures en fer se voit dans la petite église de Notre-Dame de Dijon. Cette église appartient à la première moitié du XIIIe siècle ; les deux pignons de la croisée prennent jour par deux grandes roses dépourvues de compartiments de pierre. Des armatures en fer maintiennent seules les vitraux. Voici (6) le dessin d’ensemble de ces armatures qui présentent un beau champ à la peinture sur verre, et dont les compartiments adroitement combinés sont d’un bon effet et d’une grande solidité.
L’assemblage de ces pièces de fer est toujours fort simple, peut être facilement posé, déposé ou réparé, toutes les pièces étant assemblées à tenons et mortaises, sans rivets ni goupilles ; quant aux vis, leur emploi n’était pas alors connu dans la serrurerie. Le détail que nous donnons ici (7) fera comprendre le système d’attache de ces ferrements.
Ces fers, forgés à la main et sans le secours des cylindres, sont assez inégaux d’épaisseur ; en moyenne ils ont 0.03c de plat sur 0.022c d’épaisseur. Comme dans toutes les armatures, les panneaux de vitraux sont maintenus au moyen de pitons et de clavettes disposés comme l’indique le détail (8).
Les renforts qui reçoivent les tenons sont en dehors, et les pitons en dedans, là où les fers s’affleurent tous pour recevoir les panneaux de verres. Lorsque vers le milieu du XIIIe siècle les grandes fenêtres furent garnies de meneaux de pierre, les armatures de fer durent perdre de leur importance. Cependant on conserva encore dans les monuments que l’on tenait à décorer avec soin, entre les colonnettes des meneaux, des armatures formant des compartiments variés ainsi qu’on peut le voir à la Sainte-Chapelle. Mais au XIVe on cessa de poser des armatures contournées entre les meneaux, et on en revint aux traverses et montants. On donnait alors aux sujets légendaires des vitraux de plus grandes dimensions, et les encadrements en fer ne pouvaient affecter des formes qui eussent gêné les peintres verriers dans leurs compositions (voy. Vitrail).

  1. La fig. 3 est l’armature de la grande fenêtre centrale de la façade occidentale de la cathédrale de Chartres (fin du XIIe siècle).
    La fig. 4, d’une fenêtre de la nef de la cathédrale de Chartres (1210 à 1230).
    La fig. 5, d’une fenêtre de chapelle de la Vierge de la cathédrale du Mans (1220 à 1230).