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arc-doubleau. arc-ogive. arc-formeret.

L’arc-doubleau est l’arc qui partant d’une pile à l’autre dans les édifices voûtés, forme comme un nerf saillant sous les berceaux (33), ou sépare deux voûtes d’arêtes. Nous donnons ici le plan d’une voûte d’arête afin de désigner par leurs noms les différents arcs qui la composent (34).
Soient EF, GH, les deux murs ; AB, CD, sont les arcs-doubleaux ; AD, CB, les arcs-ogives ; AC, BD, les arcs-formerets. Les voûtes sont construites en berceau jusque vers le commencement du XIIe siècle ; les arcs-doubleaux alors se composent d’un ou deux rangs de claveaux le plus souvent sans moulures ni ornements (35).
Quelquefois les arcs-doubleaux affectent en coupe la forme d’un demi-cylindre comme dans la crypte de l’église Saint-Eutrope de Saintes (36). Les nefs de la cathédrale d’Autun, des églises de Beaune et de Saulieu, qui datent de la première moitié du XIIe siècle, sont voûtées en berceau ogival, les arcs-doubleaux se composent de deux rangs de claveaux, le second étant orné d’une moulure ou d’un boudin sur ses arêtes (37), cathédrale d’Autun. La nef de l’église de Vézelay, antérieure à cette époque, présente des arcs-doubleaux pleins cintres, les voûtes sont en arête, mais sans arcs-ogives (38).
Dans les édifices civils du XIIe siècle, les arcs-doubleaux sont ordinairement simples, quelquefois chanfreinés seulement sur leurs arêtes (39) ; c’est vers la fin du XIIe siècle que les arcs-doubleaux commencent à se composer d’un faisceau de tores séparés par des gorges, cathédrale de Paris (40), églises de Saint-Julien-le-Pauvre, de Saint-Étienne de Caen, de Bayeux, etc.
Mais comme on peut l’observer à la cathédrale de Paris, les arcs-doubleaux sont alors minces, étroits, formés d’un seul rang de claveaux, n’ayant pas beaucoup plus de saillie ou d’épaisseur que les arcs-ogives avec lesquels leurs profils les confondent. Vers le milieu du XIIIe siècle, les arcs-doubleaux prennent deux et même quelquefois trois rangs de claveaux et acquièrent ainsi une beaucoup plus grande résistance que les arcs-ogives, lesquels ne se composent jamais que d’un seul rang de claveaux. Les profils de ces arcs se modifient alors et suivent les changements observés plus haut dans les archivoltes des nefs. Nous donnons ci-contre les coupes des arcs-doubleaux A et des arcs-ogives B de la Sainte-Chapelle du Palais (41) ; ces formes d’arcs se rencontrent avec quelques variantes sans importance dans tous les édifices de cette époque, tels que les cathédrales d’Amiens, de Beauvais, de Reims, de Troyes, les églises de Saint-Denis, les salles du Palais, la salle synodale de Sens, etc. ; les profils de ces arcs se conservent même encore pendant le XIVe siècle, plus maigres, plus refouillés, plus recherchés comme détails de moulures.

Mais au XVe siècle, les tores avec ou sans arêtes saillantes, sont abandonnés pour adopter les formes prismatiques, anguleuses, avec de grandes gorges. Les arcs-doubleaux et les arcs-ogives se détachent de la voûte (42) ; la saillie la plus forte de leurs profils dépasse la largeur de l’extrados, et ceci était motivé par la méthode employée pour construire les remplissages des voûtes. Ces saillies servaient à poser les courbes en bois nécessaires à la pose des rangs de moellons formant ces remplissages (voy. Voûte). Il faut remarquer ici que jamais les arcs-ogives, les arcs-doubleaux ni les formerets ne se relient avec les moellons des remplissages, ils ne font que porter leur retombée comme le feraient des cintres en bois ; c’est là une règle dont les constructeurs des édifices romans ou gothiques ne se départent pas, car elle est impérieusement imposée par la nature même de la construction de ces sortes de voûtes (voy. Voûte). C’est pendant le XVe siècle que les arcs-doubleaux et les arcs-ogives, aussi bien que les archivoltes, viennent pénétrer les piles qui les portent en supprimant les chapiteaux. Quelquefois les profils de ces arcs se prolongent sur les piles jusqu’aux bases, où ils viennent mourir sur les parements cylindriques ou prismatiques de ces piles, passant ainsi de la ligne verticale à la courbe, sans arrêts, sans transitions. Ces pénétrations sont toujours exécutées avec une entente parfaite du trait (voy. Pénétration, Projection).

Les arcs-formerets sont engagés dans les parements des murs et se profilent comme une moitié d’arc-ogive ou d’arc-doubleau (43) ; ils ne présentent que la saillie nécessaire pour recevoir la portée des remplissages des voûtes.
Souvent, à partir du XIIIe siècle, ils traversent l’épaisseur du mur, forment arc de décharge et archivolte à l’extérieur, au-dessus des meneaux des fenêtres (44) ; Saint-Denis, Troyes, Amiens, Beauvais, Saint-Ouen de Rouen, etc. Les voûtes des églises de Bourgogne, bâties pendant le XIIIe siècle, présentent une particularité remarquable : leurs formerets sont isolés des murs, ce sont des arcs indépendants, portant les voûtes et la charpente des combles. Les murs alors ne sont plus que des clôtures minces, sortes de cloisons percées de fenêtres et portant l’extrémité des chéneaux au moyen d’un arc de décharge (45). Cette disposition offre beaucoup d’avantages, elle annule le fâcheux effet des infiltrations à travers les chéneaux, qui ne peuvent plus alors salpêtrer les murs, puisque ces chéneaux sont aérés par-dessous ; elle permet de contre-butter les voûtes par des contre-forts intérieurs qui reportent plus sûrement la poussée sur les arcs-boutants ; elle donne toutes facilités pour ouvrir dans les murs des fenêtres aussi hautes et aussi larges que possible, celles-ci n’étant plus obligées de se loger sous les formerets. De plus, l’aspect de ces voûtes, bien visiblement portées par les piles et indépendantes de l’enveloppe extérieure de l’édifice, est très-heureux ; il y a dans cette disposition quelque chose de logique qui rassure l’œil, en rendant intelligible pour tous le système de la construction. On voit, ainsi que l’indique la figure (45), comme les arcs-doubleaux, les arcs-ogives et les arcs-formerets viennent se pénétrer à leur naissance, afin de poser sur un étroit sommier et reporter ainsi toute la poussée des voûtes sur un point rendu immobile au moyen de la buttée de l’arc-boutant ; mais dans les voûtes des bas côtés, il y a un autre problème à résoudre, il s’agit là d’avoir des archivoltes assez épaisses pour porter les murs de la nef ;
les piliers rendus aussi minces que possible pour ne pas gêner la vue, ont à supporter non-seulement la retombée de ces archivoltes, mais aussi celle des arcs-doubleaux et des arcs-ogives. La pénétration de ces arcs, dont les épaisseurs et les largeurs sont très-différentes, présente donc des difficultés à leur point de départ sur le tailloir du chapiteau. Elles sont vaincues à partir du XIIIe siècle avec une adresse remarquable, et nous donnons ici comme preuve la disposition des naissances des archivoltes, des arcs-doubleaux et arcs-ogives des bas côtés du chœur de la cathédrale de Tours, XIIIe siècle (46). L’archivolte A, aussi épaisse que les piles, est surhaussée afin de pouvoir pénétrer les voûtes au-dessus de la naissance des arcs-ogives B et ses derniers rangs de claveaux reportent le poids des murs sur le sommier de l’arc-doubleau C ; ainsi, l’arc-ogive et la voûte elle-même sont indépendants de la grosse construction, qui peut tasser sans déchirer ou écraser la construction plus légère de ces voûtes et arcs-ogives (voy. Voûte).

À la réunion du transsept avec la nef et le chœur des églises, on a toujours donné, pendant les époques romane et ogivale, une grande force aux arcs-doubleaux, tant pour résister à la pression des murs, que pour supporter souvent des tours ou flèches centrales. Alors les arcs-doubleaux se composent de trois, quatre ou cinq rangs de claveaux, comme à la cathédrale de Rouen, à Beauvais, à Bayeux, à Coutances, à Eu, etc. En Normandie particulièrement, où la croisée des églises était toujours couronnée par une tour centrale, les grands arcs-doubleaux ont deux rangs de claveaux placés côte à côte à l’intrados au lieu d’un seul, ainsi qu’on le pratiquait dans l’Île-de-France, la Bourgogne et la Champagne ; cela permettait de donner moins de saillie aux quatre piliers et de mieux démasquer les chœurs ; toutefois cette disposition ne rassure pas l’œil comme cette succession d’arcs concentriques se débordant les uns les autres et reposant sur un seul arc à l’intrados.

À partir du XIIIe siècle jusqu’au XVIe, les arcs-doubleaux, les arcs-ogives et les formerets ne sont plus ornés que par des moulures, sauf quelques très-rares exceptions ; ainsi dans les chapelles du chœur de Saint-Étienne de Caen, qui datent du commencement du XIIIe siècle, les arcs-ogives sont décorés par une dentelure (47), mais il faut dire qu’en Normandie ces sortes d’ornements, restes de l’architecture romane, soit par suite d’un goût particulier, soit à cause de la facilité avec laquelle se taille la pierre de Caen, empiètent sur l’architecture ogivale jusque vers le milieu du XIIIe siècle.

Pendant le XIIe siècle, en Bourgogne, dans l’Île-de-France, on voit encore les arcs-doubleaux et les arcs-ogives ornés de dents de scie, de pointes de diamant, de bâtons rompus (48) ; salle capitulaire de l’église de Vézelay, porche de l’église de Saint-Denis, etc. Les arcs-ogives du chœur de l’église de Saint-Germer sont couverts de riches ornements.

C’est à la fin du XVe siècle et pendant le XVIe que l’on appliqua de nouveau des ornements aux arcs-doubleaux, arcs-ogives et formerets, mais alors ces ornements présentaient de grandes saillies débordant les moulures ; le chœur de l’église de Saint-Pierre de Caen est un des exemples les plus riches de ce genre de décoration appliqué aux arcs des voûtes ; mais c’est là un abus de l’ornementation que nous ne saurions trop blâmer, en ce qu’il détruit cette pureté de lignes qui séduit dans les voûtes en arcs d’ogives, qu’il les alourdit et fait craindre leur chute.