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ANGE, s. m. Les représentations d’anges ont été fréquemment employées dans les édifices du moyen âge soit religieux, soit civils. Sans parler ici des bas-reliefs, vitraux et peintures, tels que les Jugements Derniers, les Histoires de la sainte Vierge, les Légendes, où ils trouvent naturellement leur place, ils jouent un grand rôle dans la décoration extérieure et intérieure des églises. Les anges se divisent en neuf chœurs et en trois ordres : le premier ordre comprend les Trônes, les Chérubins, les Séraphins ; le deuxième : les Dominations, les Vertus, les Puissances ; le troisième : les Principautés, les Archanges, les Anges.

La cathédrale de Chartres présente un bel exemple sculpté de la hiérarchie des anges au portail méridional, XIIIe siècle. La porte nord de la cathédrale de Bordeaux donne aussi une série d’anges complète, dans ses voussures. La chapelle de Vincennes en offre une autre du XVe siècle. Comme peinture, il existe dans l’église de Saint-Chef (Isère) une représentation de la hiérarchie des anges qui date du XIIe siècle (voir pour de plus amples détails la savante dissertation de M. Didron dans le Manuel d’Iconographie chrétienne p. 71). À la cathédrale de Reims, on voit une admirable série de statues d’anges placées dans les grands pinacles des contre-forts (1).
Ces anges sont représentés drapés, les ailes ouvertes, nu-pieds, et tenant dans leurs mains le soleil et la lune, les instruments de la Passion de N. S. ou les différents objets nécessaires au sacrifice de la sainte messe. À la porte centrale de la cathédrale de Paris, au-dessus du Jugement Dernier, deux anges de dimensions colossales, placés des deux côtés du Christ triomphant, tiennent les instruments de la Passion. La même disposition se retrouve à la porte nord de la cathédrale de Bordeaux (2) ; à Chartres, à Amiens (voy. Jugement dernier). À la cathédrale de Nevers, des anges sont placés à l’intérieur, dans les tympans du triforium (3).
À la Sainte-Chapelle de Paris, des anges occupent une place analogue dans l’arcature inférieure ; ils sont peints et dorés, se détachent sur des fonds incrustés de verre bleu avec dessins d’or, et tiennent des couronnes entre les sujets peints représentant des martyrs (4). À la porte centrale de la cathédrale de Paris, bien que la série ne soit pas complète et qu’on ne trouve ni les séraphins ni les chérubins, les deux premières voussures sont occupées par des anges qui sortant à mi-corps de la gorge ménagée dans la moulure, semblent assister à la grande scène du Jugement Dernier, et forment, autour du Christ triomphant, comme une double auréole d’esprits célestes. Cette disposition est unique, et ces figures, dont les poses sont pleines de vérité et de grâce, ont été exécutées avec une perfection inimitable, comme toute la sculpture de cette admirable porte.

Au Musée de Toulouse, on voit un ange fort beau, du XIIe siècle, en marbre (5), provenant d’une annonciation ; il est de grandeur naturelle, tient un sceptre de la main gauche, et ses pieds nus portent sur un dragon dévorant un arbre feuillu ; il est nimbé ; les manches de sa tunique sont ornées de riches broderies.

Au-dessus du Christ triomphant de la porte nord de la cathédrale de Bordeaux, XIIIe siècle, on remarque deux anges en pied, tenant le soleil et la lune (6) ; cette représentation symbolique se trouve généralement employée dans les crucifiements (voy. Crucifix). Dans la cathédrale de Strasbourg, il existe un pilier, dit « Pilier des Anges, » au sommet duquel sont placées des statues d’anges sonnant de la trompette, XIIIe siècle (7). Ces anges sont nimbés.
Sur les amortissements qui terminent les pignons ou gâbles à jour des chapelles du XIVe siècle de l’abside de la cathédrale de Paris, on voyait autrefois une série d’anges jouant de divers instruments de musique ; ce motif a été fréquemment employé dans les églises des XIVe et XVe siècles. Les anges sont souvent thuriféraires ; dans ce cas, ils sont placés à côté du Christ, de la sainte Vierge, et même quelquefois à côté des saints martyrs. À la Sainte-Chapelle, les demi-tympans de l’arcature basse sont décorés de statues d’anges à mi-corps sortant d’une nuée, et encensant les martyrs peints dans les quatrefeuilles de ces arcatures (8). Presque toujours, de la main gauche, ils tiennent une navette.

La plupart des maître-autels des cathédrales ou principales églises de France étaient encore, il y a un siècle, entourés de colonnes en cuivre, surmontées de statues d’anges également en métal, tenant les instruments de la Passion ou des flambeaux (voy. Autel).

Les sommets des flèches en bois, recouvertes de plomb, ou l’extrémité des croupes des combles des absides, étaient couronnés de figures d’anges en cuivre ou en plomb, qui sonnaient de la trompette, et, par la manière dont leurs ailes étaient disposées, servaient de girouettes. Il existait à Chartres et à la Sainte-Chapelle du Palais, avant les incendies des charpentes, des anges ainsi placés. Des anges sonnant de la trompette sont quelquefois posés aux sommets des pignons, comme à Notre-Dame de Paris ; aux angles des clochers, comme à l’église de Saint-Père-sous-Vézelay. À la base de la flèche en pierre de l’église de Semur-en-Auxois, quatre anges tiennent des outres suivant le texte de lapocalypse (chap. VII) :

« … Je vis quatre anges qui se tenaient aux quatre coins de la terre, et qui retenaient les quatre vents du monde…. » La flèche centrale de l’église de l’abbaye du Mont-Saint-Michel était couronnée autrefois par une statue colossale de l’archange saint Michel terrassant le démon, qui se voyait de dix lieues en mer.

Dans les constructions civiles, on a abusé des représentations d’anges pendant les XVe et XVIe siècles. On leur a fait porter des armoiries, des devises ; on en a fait des supports, des culs-de-lampe. Dans l’intérieur de la clôture du chœur de la cathédrale d’Alby, qui date du commencement du XVIe siècle, on voit, au-dessus des dossiers des stalles, une suite d’anges tenant des phylactères (9).