Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Goût

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GOUT, s. m. Un homme d’esprit a dit : « Le manque de goût conduit au crime. » Le mot étant vrai, à notre sens, nous sommes entourés de criminels ou de gens disposés à le devenir. Le goût est l’habitude du beau et du bien ; pour être homme de goût, il est donc essentiel de discerner le bien du mal, le beau du laid. Le goût (car les définitions ne manquent pas, si la qualité est rare) est encore le respect pour le vrai ; nous n’admettons pas qu’on puisse être artiste de goût sans être homme de goût, car le goût n’est pas un avantage matériel, comme l’adresse de la main, mais un développement raisonné des facultés intellectuelles. C’est ce qui fait que nous rencontrons dans le monde nombre d’artistes habiles qui, malgré leur talent, n’ont pas de goût, et quelques amateurs qui sont gens de goût, sans pour cela pratiquer les arts. On considère, en général, parmi les artistes, les amateurs comme un fléau, comme des usurpateurs dont l’influence est pernicieuse. Non-seulement nous ne partageons pas cette opinion, mais nous croyons que si le goût tient encore une place en France, c’est principalement au public que nous devons cet avantage. Nous prétendons ne parler ici que de l’architecture. Nous ne saurions admettre qu’un architecte obéissant à des intérêts étroits, à des passions mesquines, dont le caractère n’est ni respectable ni respecté, puisse mettre du goût dans ses œuvres. L’homme de goût ne ment pas à sa conscience, il exprime ses pensées par les moyens les plus naturels. Avoir du goût dans les arts, c’est aimer le vrai, c’est savoir l’exprimer simplement ; c’est repousser l’exagération, toujours fausse ; c’est laisser voir le côté moral de l’homme, sa raison, ses affections, ses tendances et son but. Si donc ce côté moral est faible, si la raison est obscure, si les affections sont basses et le but vulgaire ou odieux, il est difficile que le goût soit satisfait.

Le bon goût, comme la vérité, ne s’impose pas, il persuade ; et le jour où l’on vient dire : « Voici l’expression du bon goût », on ne se contentera pas de votre affirmation, il faudra plus que cela ; il faudra que cette expression du bon goût soit discutée, prouvée par un accord intime entre vos principes et la forme qu’ils adoptent. Vos principes étant vicieux, si belle que soit la forme, le goût fait défaut. Faites que la forme soit le langage de l’idée, et vous serez artiste de goût ; encore faut-il avoir des idées, les avoir bonnes et les exprimer en bon langage.

On a pensé, depuis longtemps déjà, qu’il suffisait, pour faire preuve de goût, d’adopter certains types reconnus beaux et de ne jamais s’en écarter. Cette méthode, admise par l’Académie des Beaux-Arts en ce qui touche à l’architecture, nous a conduits à prendre pour l’expression du goût certaines formules banales, à exclure la variété, l’invention, et à mettre hors la loi du goût tous les artistes qui cherchaient à exprimer des besoins nouveaux par des formes nouvelles, ou tout au moins soumises à de nouvelles applications.

Depuis le XVIIe siècle, on a mis en honneur bien des hypocrisies, et nous avons l’hypocrisie du goût, comme nous avons l’hypocrisie religieuse. Ce sont des découvertes dont, à la rigueur, nous nous serions passés. Mais de même que l’hypocrisie religieuse, c’est-à-dire l’observation extérieure des formules sans les principes, conduit à l’incrédulité et à la débauche, de même l’hypocrisie du goût amène à la dépravation, et pendant que l’Académie des Beaux-Arts contraint ses initiés à se soumettre à des formules dont elle n’explique même pas le sens, nous voyons, autour de nous, l’architecture se livrer au plus étrange dévergondage, non-seulement en dehors du sanctuaire des initiés, mais dans leur sanctuaire même. Le goût (en architecture), au lieu d’être une loi découlant d’un principe vrai, général, admis par tous et applicable à toute chose, est devenu le privilège d’une école exclusive. Il a été convenu, par exemple, que les ordres de l’antiquité romaine étaient œuvres de goût ; ce que nous admettons sans difficulté, si ces ordres ont une raison d’être ; ce que nous n’admettons pas, si rien ne justifie leur emploi. L’art, réduit à certaines pratiques, déclarées seules orthodoxes en matière de goût, s’est atrophié, descendant d’un degré à chaque génération d’initiés ; on est devenu architecte de goût en suivant une ornière de plus en plus étroite et profonde, et à la condition de n’en jamais sortir. Quelques architectes trouvent peut-être à cela un avantage, car rien n’est plus doux et facile, dans les arts, que de faire partie d’une coterie puissante ; mais on peut affirmer que l’art y a perdu. Avec l’Académie des Beaux-Arts, gardienne jalouse du goût depuis un assez long temps, dit-elle, l’architecture, encore si vivace au milieu du XVIIe siècle, est tombée peu à peu dans un affaissement qui nous a conduits de chute en chute à l’anarchie, à l’obéissance aveugle ou à la révolte. Mais quant au goût, au bon goût, c’est-à-dire à cette connaissance exacte des besoins, des idées, du génie de notre civilisation, à cette expression vraie et tempérée de ce qu’elle a droit de nous demander, il faut chercher longtemps pour le trouver ; et si, par aventure, ce goût du vrai se fait jour, il étonne la foule, et excite la censure, sinon les colères de ceux qui se donnent comme les seuls dépositaires des saines doctrines.

Toute forme d’architecture qui ne peut être donnée comme la conséquence d’une idée, d’un besoin, d’une nécessité, ne peut être regardée comme œuvre de goût. S’il y a du goût dans l’exécution d’une colonne, ce n’est pas une raison pour que la colonnade dont elle fait partie soit une œuvre de goût ; car, pour cela, il faut que cette colonnade soit à sa place et ait une raison d’être. Si l’on vient dire : « Ce palais est mal distribué, incommode ; les services ne sont pas à leur place, les pièces sont obscures, la construction est vicieuse, mais il est décoré avec goût » ; c’est à peu près comme si on prétendait qu’un livre est rempli d’erreurs, que les idées de l’auteur sont confuses, son sujet mal développé, mais qu’il est écrit avec élégance. La première loi, pour un écrivain, c’est de savoir ce qu’il veut dire et de se faire comprendre ; la clarté est une des conditions du goût en littérature comme en architecture. Pour exprimer ses idées avec clarté, avec élégance, faut-il avoir des idées, faut-il que ces idées précèdent la forme qui devra servir à les exprimer. Mais si, au contraire, nous nous préoccupons de la forme avant de savoir ce qu’elle devra exprimer, nous ne faisons pas preuve de goût. Si les portiques des Romains, élevés près des places publiques ; si ces vastes promenoirs couverts, accessibles à la foule, laissant circuler l’air et la lumière sous un beau climat, marquaient le goût des maîtres du monde en fait de constructions urbaines, la colonnade du Louvre, élevée sur un rez-de-chaussée, inaccessible au public, n’abritant les rares visiteurs qui la parcourent ni du soleil ni de la pluie, n’étant pas en rapport de proportions et de dimensions avec les autres parties du palais, ne peut raisonnablement passer pour une œuvre de goût. Nous admettrons bien, si l’on veut, que l’ordre est étudié avec goût, c’est-à-dire qu’il est en rapport harmonieux de proportions avec lui-même ; mais ce portique, comme portique appliqué à un palais, est de très-mauvais goût.

« Sed nunc non erat bis locus… »

Il est des temps, heureux pour l’art, où le goût n’a pas besoin d’être défini ; il existe par cela même que l’art est vrai, qu’il se soumet aux enseignements de la raison, qu’il ne répudie pas son origine et ne parle qu’autant qu’il a quelque chose à dire. Dans ces temps, on ne se préoccupe pas de donner les règles du goût, pas plus que parmi d’honnêtes gens on ne se préoccupe de discuter sur ce qui est licite et ce qui ne l’est pas. On commence à parler du goût quand le goût s’éloigne de l’art pour se réfugier dans l’esprit de rares artistes ; on n’écrit des livres sur la vertu que quand le vice domine. Ces temps heureux sont loin de nous ; ils ont existé chez les Grecs de l’antiquité, ils ont brillé pendant le moyen âge, ils pourraient renaître peut-être, à la condition d’admettre que le goût consiste dans l’observation de principes très-simples, non dans la préférence donnée à telle forme sur une autre. Quand le goût est renfermé dans les limites d’une coterie, si puissante qu’on veuille la supposer, ce n’est plus qu’une prétention funeste, dont chacun tend à s’affranchir ; car le goût, le bon goût possède ce privilège de s’imposer à travers les temps et malgré les préjugés comme tout ce qui découle de la vérité. Mais à peine, aujourd’hui, si l’on s’entend sur ce que c’est que le goût. On professe, lorsqu’il s’agit d’architecture, de véritables hérésies en matière de goût ; on donne, chaque jour, comme des modèles de goût, des œuvres dont il est impossible de comprendre le sens, qui ne se font remarquer que par un désaccord complet entre le but et l’apparence. On nous dit que cette façade est de bon goût ; mais, pourquoi ? Est-ce parce que toutes ses parties sont symétriques, qu’elle est ornée de colonnes et de statues, que de nombreux ornements sont répandus partout ? Mais cette symétrie extérieure cache des services fort divers : ici une grande salle, là des cabinets, plus loin un escalier. Cette fenêtre qui éclaire la chambre du maître est de même taille et de même forme que cette autre qui s’ouvre sur un couloir. Ces colonnes saillantes accusent-elles des murs de refend, tiennent-elles lieu de contre-forts ? Mais les murs de refend sont placés à côté de ces colonnes et non sur leur axe ; les contre-forts sont superflus, puisque les planchers ne portent même pas sur ce mur de face. Nous voyons des niches évidées au milieu de trumeaux là où nous aurions besoin de trouver un point d’appui. Pourquoi, si nous raillons ces gens qui veulent paraître autres qu’ils ne sont, si nous méprisons un homme qui cherche à nous en imposer sur sa qualité, sur son rang dans le monde, et si nous trouvons ses façons d’être de très-mauvais goût, pourquoi trouvons-nous qu’il y ait du goût à élever une façade de palais devant des bureaux de commis, à placer des colonnades devant des murs qui n’en ont nul besoin, à construire des portiques pour des promeneurs qui n’existent pas, à cacher des toits derrière des acrotères comme une chose inconvenante, à donner à une mairie l’aspect d’une église, ou à un palais de justice l’apparence d’un temple romain ? Le goût n’est pas, comme le pensent quelques-uns, une fantaisie plus ou moins heureuse, le résultat d’un instinct. Personne ne naît homme de goût. Le goût, au contraire, n’est que l’empreinte laissée par une éducation bien dirigée, le couronnement d’un labeur patient, le reflet du milieu dans lequel on vit. Savoir, ne voir que de belles choses, s’en nourrir, comparer ; arriver, par la comparaison, à choisir ; se défier des jugements tout faits, chercher à discerner le vrai du faux, fuir la médiocrité, craindre l’engouement, c’est le moyen de former son goût. Le goût est comme la considération : on ne l’acquiert qu’à la longue, en s’observant et en observant, en ne dépassant jamais la limite du vrai et du juste, en ne se fiant point au hasard. Comme l’honneur, le goût ne souffre aucune tache, aucun écart, aucune concession banale, aucun oubli de ce que l’on doit aux autres et à soi-même. Le respect pour le public est, de la part d’un artiste qui produit une œuvre, la première marque de goût. Or la sincérité est la meilleure façon d’exprimer le respect. Si le mensonge était jamais permis, ce serait envers ceux que l’on méprise. Cependant nous nous sommes éloignés des règles du goût à ce point, dans l’art de l’architecture, que nous ne montrons plus au public que des apparences. Nous simulons la pierre avec des enduits ou du ciment, le marbre et le bois avec de la peinture. Ces voussures que vous croyez en pierre sculptée ne sont qu’un plâtrage sur des lattes ; ces panneaux de chêne, ce sont des planches de sapin recouvertes de pâtes et d’une couche de décoration ; ces pilastres de marbre et d’or, qui paraissent porter une corniche et soutenir un plafond, sont des plaques de plâtre accrochées au mur chargé de leur poids inutile. Ces caissons du plafond lui-même, qui nous représentent des compartiments de menuiserie, ne sont autre chose que des enduits moulurés suspendus par des crampons de fer à un grossier plancher qui n’a nul rapport avec cette décoration ; si bien que, dans cette salle où vous croyez voir la main-d’œuvre le disputer à la richesse de la matière, tout est mensonge. Ces piliers qui paraissent porter sont eux-mêmes accrochés comme des tableaux ; ces arcs masquent des plates-bandes en bois ou en fer ; cette voûte est suspendue à un plancher qu’elle fatigue ; ces colonnes de marbre sont des cylindres de stuc revêtant des poteaux. L’artiste, dites-vous, est homme de goût ; oui, si c’est faire preuve de goût de se moquer de vous et de tromper le public sur la qualité de l’œuvre.

Comment procédaient cependant ces artistes du moyen âge en France, accusés de mauvais goût par les beaux-esprits des XVIIe et XVIIIe siècles, peu connaisseurs en architecture, et par nos débiles écoles modernes, copiant avec du carton et du plâtre les robustes splendeurs de ces derniers siècles, et tombant, de contrefaçons en contrefaçons, par ennui et fatigue, par défaut de principes et de convictions, jusqu’à l’imitation du style du temps de Louis XVI, comme si l’art de ce temps d’affaissement possédait un style ? comme si, pour en venir à cette triste extrémité, il était nécessaire d’envoyer nos jeunes architectes à Rome et à Athènes s’inspirer des arts de l’antiquité ?

Leur première loi était la sincérité. Avaient-ils de la pierre, du bois, du métal, des stucs à mettre en œuvre ? ils donnaient à chacune de ces matières la structure, la forme et la décoration qui pouvaient leur convenir ; et, lors même qu’ils tentaient d’imposer à l’une de ces matières des formes empruntées à d’autres, le goût leur traçait les limites qu’on ne saurait dépasser, car jamais ils ne cherchaient à tromper sur l’apparence. On peut bien trouver que telle rose, tels meneaux sont délicatement travaillés : personne ne prendra une rose en pierre, des meneaux en pierre pour du bois ou du fer ; encore ces détails des édifices religieux ne sont-ils que des claires-voies, des accessoires qui ne tiennent pas à la véritable structure, on le reconnaît sans être architecte. Pour eux, une salle est une salle ; une maison, une maison ; un palais, un palais ; une église, une église ; un château, un château ; et jamais il ne leur serait venu à l’esprit de donner à un édifice municipal la silhouette d’une église en manière de pendant, pour amuser les badauds, grands amateurs de la symétrie. Font-ils couvrir cette salle d’un berceau en bois ? c’est bien un lambris que nous voyons, non point le simulacre d’une voûte en maçonnerie. Font-ils un plafond ? c’est la structure du plancher qui donne ses compartiments, sa décoration. À leur avis, un toit est fait pour couvrir un édifice ; aussi lui donnent-ils la pente suffisante pour rejeter les eaux ; ils ne le dissimulent pas derrière un attique ; dans un même palais, ils n’élèveront pas des toits plats et des toits aigus : ils adopteront les uns ou les autres partout, suivant le besoin, le climat ou la nature des couvertures. Est-ce une galerie qui passe derrière ce mur ? nous le reconnaîtrons, à l’extérieur, par la manière dont les jours sont percés ; est-ce une grand’salle ? les fenêtres seront hautes et larges ; est-ce une suite de cellules ? les fenêtres seront fréquentes et petites. Partant de principes vrais, simples, raisonnés, le goût n’est plus affaire de hasard : il s’attache à quelque chose de réel ; il apporte dans l’étude des détails le respect pour la vérité ; il se complaît à exprimer les besoins, les nécessités du programme ; à chaque instant il varie son expression, suivant le thème qui lui est donné. Savoir ne dire que ce qu’il faut et savoir dire les choses à propos est une preuve de goût dans les relations du monde ; c’est faire preuve de peu de goût de donner à la maison d’un simple particulier habitée par des locataires l’apparence d’un palais. « Si le propriétaire peut payer ce luxe, direz-vous, pourquoi ne pas le satisfaire ? » Soit ; mais vous ne pourrez nous empêcher de trouver que l’architecte et son client ont mauvais goût, et l’extravagance de celui-ci n’excuse pas la complaisance du premier. On n’écrit pas une ordonnance de police comme un discours à l’Académie, un inventaire avec le style qui convient à un roman ; et la lettre que vous adressez à votre jardinier pour lui recommander de planter des salades en temps opportun n’est pas faite comme celle que vous écrivez à un prince pour réclamer sa bienveillance. Pourquoi donc, si nous admettons ces distinctions dans la façon d’écrire, ne les observons-nous pas dans notre architecture ? Nous trouvons dans l’art du moyen âge cet à-propos, marque d’un goût sûr. L’église du village ne ressemble pas à une cathédrale ; elle n’est pas un diminutif de celle-ci. La maison d’un bourgeois n’est pas faite avec les rognures d’un palais. La halle de la cité ne peut être prise pour une salle de fêtes, l’hôpital pour une maison de ville ; et l’étranger qui se promenait autrefois dans nos cités pouvait deviner la destination de chaque édifice à son apparence extérieure ; il ne lui serait jamais arrivé de chercher un bénitier à la porte d’une mairie, croyant entrer dans une église, ou de demander, sous le vestibule d’une caserne, le nom du riche seigneur pour lequel on a bâti ce majestueux édifice.

Le goût est relatif à l’objet ; il s’appuie donc avant tout sur la raison. Comme le bon sens est une des qualités (fort ancienne) de notre pays, nous avons apporté dans nos arts un goût délicat, lorsque nous avons été laissés à nos propres instincts. Malheureusement, l’architecture s’est brouillée depuis longtemps en France avec le bon sens, et par suite avec le bon goût, sous l’influence de doctrines erronées. On a reconnu, au XVIIe siècle, que l’architecture antique était un art soumis à un goût pur, ce qui est incontestable ; on s’est mis à faire de l’architecture antique, sans penser que, si l’architecture antique est conforme au goût, c’est qu’elle est une expression nette, précise, de la civilisation qui l’a constituée. Mais si par cela même l’architecture antique se soumet aux règles du goût sous les empereurs romains, elle est contraire à ces règles sous la société de Louis XIV, qui ne ressemble pas absolument à la société de Tibère ou de Claude. Alors (au XVIIe siècle) on ne faisait guère entrer le raisonnement dans les questions d’art ; l’architecture était une affaire de colonnades, de chapiteaux, de frontons et de corniches, de symétrie, toutes choses qu’on déclarait être de grand goût, comme on disait alors, sans définir d’ailleurs ce qu’on entendait par ce grand goût, qui n’est, à notre avis, qu’un grand engouement. Cependant (car c’est une occasion de faire preuve de goût, et de ne pas tomber dans l’exagération) il est juste de reconnaître que ce siècle (nous parlons de celui de Louis XIV) a su produire en architecture des œuvres d’une grande valeur, toutes fois qu’elles n’ont pas abandonné complètement notre sens français. Certes, on ne peut nier que l’Hôtel des Invalides, par exemple, ne soit un chef-d’œuvre d’architecture. Pourquoi ? Est-ce parce que nous y trouvons des archivoltes romaines, des corniches romaines ? Non certainement : c’est parce que cet édifice présente un plan parfaitement approprié à l’objet ; partout de la grandeur, sans place perdue, des services faciles, un aspect général extérieur qui indique clairement sa destination. Mais à qui devons-nous ces belles dispositions ? Est-ce à l’antiquité romaine ? Sont-ce les architectes romains qui nous ont donné, entre autres choses, cette belle composition de la cour, avec ses quatre escaliers aux angles, autour desquels tourne le cloître ? Non, c’est là le plan d’une cour d’abbaye française, avec son vaste réfectoire, avec ses dortoirs, son église accessible de tous les points des bâtiments, ses galeries et ses services journaliers. C’est par ces dispositions appropriées à l’objet que l’Hôtel des Invalides est une œuvre de goût, et non parce que l’architecte a semé sur ses façades quelques profils romains ; au contraire, ces détails empruntés à une architecture entièrement étrangère à notre climat, à nos usages et à notre génie, ne font que gâter le monument, ou le rendre, au moins, froid, monotone. Ces toits à pentes rapides (qui sont bien français) jurent avec ces corniches antiques, avec ces arcades qui ont le grand tort de vouloir rappeler quelque portique de théâtre ou d’amphithéâtre romain. En cela le goût ne saurait être satisfait, car le goût demande aussi un rapport, une corrélation entre l’ensemble et les détails. Quand Molière a pris à Plaute son sujet d'Amphytrion, bien qu’il ait adopté le canevas antique, il a fait parler Mercure, la Nuit, Jupiter, Amphytrion, Alcmène et Sosie, comme parlaient les seigneurs, les dames et les valets de la cour, et non comme des Grecs. Bien mieux, il a donné à ses personnages les sentiments, les idées et les préjugés de son temps ; pour exprimer ces idées, ces sentiments, il n’a pas cousu des mots grecs ou latins à sa phrase française. Le nom des personnages ne fait là rien à l’affaire, et Jupiter pourrait s’appeler Louis le Grand et porter la grande perruque. Certes Molière, comme tous les auteurs illustres du XVIIe siècle, appréciait fort les anciens, avait su s’en servir ; cessait-il pour cela d’être Français, et si nous l’admirons, n’est-ce pas parce qu’il est bien Français ? Pourquoi donc, à l’architecture seule, serait-il permis de s’exprimer comme l’écolier limousin de Rabelais, et en quoi ce jargon peut-il être conforme aux règles du goût ?

La pierre, le bois, le fer, sont les matériaux avec lesquels l’architecte bâtit, satisfait aux besoins de son temps ; pour exprimer ses idées, il donne des formes à ces matériaux ; ces formes ne sont pas et ne peuvent être dues au hasard, elles sont produites par les nécessités de la construction, par ces besoins mêmes auxquels l’artiste est tenu de satisfaire, et par l’impression qu’il veut produire sur le public ; c’est une sorte de langage pour les yeux : comment admettre que ce langage ne corresponde pas à l’idée, soit dans l’ensemble, soit dans les détails ? et comment admettre aussi qu’un langage formé de membres sans relations entre eux puisse être compris ? Cette confusion, introduite au XVIIe siècle, a bientôt fait de l’architecture un art incompréhensible pour le public ; nous en voyons aujourd’hui plus que jamais les tristes effets.

De l’introduction irréfléchie de certaines formes et non de l’esprit de l’antiquité dans l’architecture, on en est venu bientôt à la corruption de ces formes dont les principes n’avaient point été reconnus tout d’abord. Au XVIIIe siècle, on croyait encore pratiquer les arts romains, tandis qu’on ne faisait qu’aggraver le désordre qui s’était mis dans l’étude de l’architecture. Cependant le goût, le sentiment des convenances est assez naturel chez nous, pour que, dans ce désordre même, on trouve les traces de cette qualité française. Nos châteaux, nos édifices publics du dernier siècle ont un certain air de grandeur calme, une raison, bien éloignés des exagérations que l’on rencontre alors dans les édifices analogues bâtis en Italie et en Allemagne. L’un des signes les plus visibles de la confusion qui s’est faite dans les esprits depuis cette époque, c’est le rôle infime que l’on a donné au goût dans l’architecture. Le goût est devenu une qualité de détail, un attrait fugitif, à peine appréciable, que l’on ne saurait définir, vague, et qui dès lors n’était plus considéré par nos architectes comme la conséquence de principes invariables. Le goût n’a plus été qu’un esclave de la mode, et il s’est trouvé alors que les artistes reconnus pour avoir du goût en 1780 n’en avaient plus en 1800. Cette dépréciation du goût a fait dire, par exemple, que tel artiste ne possédait ni la théorie ni la pratique de son art ; qu’il était, en deux mots, passablement ignorant, mais qu’il avait du goût. Est-il donc possible de faire preuve de goût en architecture, sans être profondément versé dans cet art ? Comme preuve de la dépréciation du goût, citons un auteur sérieux, éclairé, et voyons ce qu’il dit à propos du goût[1]. « De même, pour tout ce qui a rapport à l’imitation des beaux-arts[2], la faculté qu’on appelle le goût s’exerce principalement sur les qualités agréables, sur le choix d’une certaine manière d’être ou de faire que le sentiment seul comprend, et qu’aucune analyse ne peut démontrer. » Voilà qui est embarrassant, et c’est le cas de dire : « On ne peut disputer des goûts », puisqu’on ne peut démontrer s’il existe ou n’existe pas. Et plus loin : « Le goût n’est pas celui qui, dans la composition, fait découvrir ces grands partis d’ordonnance, ces lignes heureuses, ces masses imposantes qui saisissent à la fois l’esprit et les yeux ; mais ce sera lui souvent qui mêlera à ces combinaisons l’attrait de la facilité, d’où résultera l’apparence d’une création spontanée. » Ainsi nous voyons que, pour un des auteurs les plus distingués qui ont écrit sur l’art de l’architecture au commencement de ce siècle, le goût est insaisissable ; il ne préside point à l’ordonnance générale, il n’est appelé par l’artiste que quand l’œuvre est conçue et qu’il ne s’agit plus que de lui donner un tour attrayant, c’est-à-dire lorsqu’il faut, en bon français, la soumettre aux exigences de la mode du jour. C’était bien la peine de parler et d’écrire sur le goût pendant deux siècles, de fonder des académies destinées à maintenir les règles du goût, pour en arriver à cette conclusion : « L’attrait de la facilité… une manière d’être et de faire que le sentiment seul comprend ! »

Rapetissant le goût à ces maigres et fugitives fonctions, on a dû nécessairement rapetisser ceux qui sont considérés comme les dépositaires du goût. Aussi, les architectes ont vu bientôt une certaine partie des édifices publics sortir de leurs mains, puisque le goût n’avait rien à voir dans « les grands partis d’ordonnance, les masses imposantes. » On a pensé que leur concours était inutile s’il s’agissait de bâtir des ponts, d’élever des quais, de faire de grands travaux de terrassement, des casernes, des ouvrages militaires. Et si le public trouve la plupart de ces bâtisses laides, disgracieuses, barbares même, on peut dire que le goût n’entre pour rien là-dedans, et que lui, public, n’a point à l’y chercher. Eh bien, nos architectes du moyen âge, d’accord avec le public de leur temps, croyaient que le goût se dévoile aussi bien dans la construction d’un pont et d’une forteresse que dans l’ornementation d’une chapelle ou d’une chambre à coucher ; pour eux, le goût présidait à la conception, aux dispositions d’ensemble, aussi bien qu’aux détails de l’architecture, et l’on pourra reconnaître même que cette qualité générale en matière de goût se retrouve jusque pendant le XVIIe siècle. Il suffit de voir comme étaient conçus les châteaux de Vaux, de Maison, de Coulommiers, du Rincy, de Berny, de Versailles, de Monceaux, de Saint-Germain, de Chantilly, leurs parcs et dépendances, pour s’assurer que le goût, chez les architectes qui ont présidé à la construction et à l’arrangement de ces résidences, n’était pas seulement une qualité s’attachant aux détails, un tour indéfinissable que le sentiment seul comprend et qu’aucune analyse ne peut démontrer », mais au contraire le résultat de bonnes traditions, du savoir, de vues générales, justes et larges en même temps, résultat dont les causes comme les effets peuvent être démontrés. C’est bien plutôt dans les dispositions d’ensemble que les architectes du XVIIe siècle montrent leur goût que dans l’exécution des détails. Par le fait, le goût se manifeste dans tout, préside à tout, au milieu des civilisations qui sont dans les conditions propres à son développement. Il y a autant de goût dans la composition et l’ordonnance du Parthénon, dans la manière dont il est planté sur l’Acropole d’Athènes, que dans le tracé et l’exécution des profils et des sculptures.

Voyons maintenant comment les artistes du moyen âge, en France, ont manifesté cette qualité essentielle. Ainsi que nous l’avons dit plus haut, le vrai est la première condition du goût. Les architectes de ces temps possèdent de la brique pour bâtir, leur construction ne simulera pas un édifice en pierre de taille ; ils adopteront, non-seulement la structure, mais la décoration que peut fournir la brique ; ils éviteront, dans les bandeaux et les corniches, les fortes saillies ; ce ne sera pas par la sculpture qu’ils produiront de l’effet, mais par les masses que donnent naturellement des parements de terre-cuite revêtissant un blocage. Aussi les monuments de brique élevés par les architectes du moyen âge rappellent-ils certaines constructions romaines du temps de l’Empire ; employant les mêmes procédés, ils étaient entraînés à rappeler les mêmes formes, bien qu’alors les habitudes des constructeurs fussent très-différentes de celles des Romains. Ils font ressortir la grandeur de ces masses simples par des cordons délicats mais très-accentués dans leurs détails, ainsi qu’on peut les composer avec des briques posées sur l’angle et en encorbellement. S’ils mêlent la pierre à la brique, et si la pierre est rare, ils ne l’emploieront que pour des colonnes monostyles, des chapiteaux, des tablettes de corniches, des corbeaux sculptés, des appuis de fenêtres, des jambages et des archivoltes. Plus la matière est chère, plus ils sauront en rehausser le prix par la main-d’œuvre. Économes de matériaux (ce qui est encore une preuve de goût), ils ne les prodigueront pas inutilement, les choisissant suivant la fonction qu’ils doivent remplir, la place qu’ils doivent occuper. Dans un même édifice, nous verrons des colonnes monostyles, dont le transport, la taille et la pose ont dû demander beaucoup de temps, de soins et de peine, porter des constructions en petits matériaux, montés et posés à la main. Observateurs fidèles des principes de leur construction[3], ils voudront que ces principes soient apparents ; leur appareil n’est pas seulement une science, c’est un art qui veut être apprécié, qui s’adresse aux yeux, explique à tous les procédés employés sans qu’il soit nécessaire d’être initié aux secrets du praticien. Jamais la construction ne dissimule ses moyens ; elle ne paraît être que ce qu’elle est. Aussi (et c’est là une observation que chacun peut faire) un édifice du moyen âge gagne plutôt qu’il ne perd à faire voir son appareil, les joints et lits de sa construction ; en peut-on dire autant des édifices bâtis depuis le XVIIIe siècle ? Dans la plupart de ces monuments, au contraire, la construction réelle n’est-elle pas tellement en désaccord avec les formes, qu’on est forcément entraîné à chercher les moyens propres à la dissimuler ? Imagine-t-on l’effet que produirait, par exemple, la colonnade du Louvre avec des joints et lits franchement accusés comme ils le sont sur la façade de Notre-Dame de Paris ? En cela donc on ne peut refuser aux architectes du moyen âge d’être vrais. On objectera peut-être ceci : que les Grecs et même les Romains n’ont pas accusé l’appareil, les moyens de la construction, le détail de la structure, et que cependant on ne saurait prétendre qu’ils ont ainsi manqué de goût en cessant d’être vrais. Les Grecs et les Romains, lorsqu’ils ont employé la pierre ou le marbre, ont eu en vue d’élever des édifices qui parussent tout d’une pièce ; ils posaient leurs pierres parfaitement jointives, sans mortier entre elles, de manière à ce que les sutures demeurassent invisibles. Chez les Grecs, l’idée de donner à un édifice l’aspect d’une matière homogène, comme le serait un monument taillé dans le roc, était dominante à ce point que, s’ils ne pouvaient employer des matériaux d’une extrême finesse et pureté, lorsqu’ils bâtissaient en pierre et non en marbre, ils revêtissaient cette pierre d’un stuc fin, coloré, qui cachait absolument ces joints et lits à peine visibles. Or nous avons adopté ou cru adopter les formes de l’architecture des Grecs et des Romains, et nous construisons comme les architectes du moyen âge, en posant nos pierres sur mortier ou plâtre. C’est alors que nous ne faisons pas preuve de goût, puisque notre construction est visible, malgré nos efforts pour la dissimuler, et que nous adoptons des formes évidemment altérées si l’appareil reste apparent. Si donc, en construction, pour montrer du goût il faut être vrai, les anciens, comme les artistes du moyen âge, étaient des gens de goût, et nous ne saurions aujourd’hui prétendre au même avantage.

Passons aux dispositions générales. On ne saurait nier que nos églises du moyen âge, grandes ou petites, remplissaient parfaitement leur objet ; que les plans de ces édifices, empruntés le plus souvent à la basilique romaine, mais profondément modifiés suivant les besoins et les moyens de construction, étaient bien conçus, puisque, depuis lors, on n’a rien su trouver de mieux, et que, même dans les temps où l’architecture du moyen âge était considérée comme un art barbare, on n’a fait autre chose que de copier ces plans, en les gâtant toutefois. La belle disposition des sanctuaires avec collatéraux, qui appartient au moyen âge, est non-seulement propre à l’objet, mais produit infailliblement un très-grand effet. Or cette disposition est simple, facile à comprendre, favorable aux développements des cérémonies du culte et à toutes les décorations les plus somptueuses. Partout une circulation facile, de l’air et de la lumière. Si, dans les châteaux des XIIIe, XIVe et XVe siècles, on ne découvre pas ces dispositions symétriques adoptées depuis lors, c’est qu’en réalité les besoins journaliers des habitants de ces demeures ne se prêtaient point à la symétrie. On songeait bien plutôt à trouver des distributions intérieures convenables, des moyens de défense suffisants, qu’à présenter aux passants des façades pondérées. Le goût ne consistait pas alors à chercher cette symétrie sans raison, mais à exprimer au contraire les besoins divers par les aspects différents donnés aux bâtiments. La grand’salle, la chapelle, les logis, les cuisines, les défenses, les communs, adoptaient le caractère d’architecture propre à chacune de ces parties. De même que dans la cité tous les édifices étaient marqués au coin de leur destination propre, dans le château, chaque service possédait une physionomie particulière. Cela n’était pas conforme au goût des architectes du XVIIe siècle, mais c’était conforme au goût absolu, c’est-à-dire à la vérité et à la raison. Les anciens ne procédaient pas autrement, et les diverses parties qui composaient une villa romaine n’avaient pas de rapports symétriques entre elles.

Les maisons des particuliers, pendant le moyen âge, soit qu’elles occupassent une grande surface, soit qu’elles fussent petites, laissaient voir clairement, à l’extérieur, leur distribution intérieure. La salle, le lieu de réunion de la famille se distinguaient des chambres et des cabinets par l’ordonnance de ses baies ; les escaliers étaient visibles, en hors-d’œuvre le plus souvent, et si des étages étaient entre-solés, l’architecte ne coupait pas de grandes fenêtres par les planchers. Une façade en pans-de-bois ne se cachait pas sous un enduit simulant la pierre, et les détails étaient à l’échelle de l’habitant. Si des portiques protégeaient les passants, ils étaient assez bas et assez profonds pour les abriter en laissant une circulation facile sous leurs arcades. Avant de songer à faire d’une fontaine un point de vue, on croyait qu’elle était destinée à fournir de l’eau à tous ceux qui en avaient besoin. Avant de faire de l’entrée d’un établissement public une décoration monumentale, on trouvait convenable d’abriter sous un auvent les personnes qui frappaient à la porte. La tâche de l’architecte de goût était donc de donner à toute chose une apparence conforme à l’usage, quitte à appliquer la décoration que comportait chaque partie. L’architecture ne s’imposait pas, elle obéissait ; mais elle obéissait comme une personne libre, sans contrainte, sans abandonner ses principes, en mettant ses ressources et son savoir au service des besoins auxquels il fallait satisfaire, considérant, avant tout, ces besoins comme une question dominante.

Pour en revenir à des méthodes conformes au goût, nous avons donc quelque chose à faire, beaucoup à défaire ; nous avons à laisser de côté ce que des esprits peu indulgents considèrent comme le pédantisme d’école, une coterie arrivée à la puissance d’une oligarchie tyrannique ; nous avons à respecter le vrai, à repousser le mensonge, à lutter contre des habitudes déjà vieilles et considérées par cela même comme respectables ; nous avons encore à acquérir cette souplesse dans l’emploi des moyens mis à notre disposition, souplesse qui est un des charmes de l’architecture des anciens comme de l’architecture du moyen âge et de la Renaissance. Un amateur des arts disait un jour devant nous, en admirant fort quelque groupe en terre-cuite de Bouchardon : « C’est l’antiquité, moins la roideur ! » Autant de mots, autant d’hérésies en fait de goût. Les terres-cuites de Bouchardon ne ressemblent nullement aux antiques, et la sculpture antique n’est jamais roide. Ce qui est roide, gêné, contraint, c’est, en toute chose, l’imitation, la recherche, la manière. Celui qui sait, celui qui est vrai fait ce qu’il fait avec grâce, avec souplesse, avec goût par conséquent. En architecture, la seule façon de montrer du goût, c’est d’appliquer à propos des principes qui nous sont devenus familiers ; ce n’est pas de rechercher l’imitation de formes, si belles qu’elles soient, sans savoir pourquoi on les imite.

  1. Quatremère de Quincy, Dictionnaire d’Architecture, art. Goût.
  2. Qu’est-ce que l’imitation des beaux-arts ? L’auteur veut-il parler des arts d’imitation ou de l’imitation de la nature dans l’art ?
  3. Voy. Construction.