Dictionnaire national et anecdotique par M. De l’Épithète/POUVOIR

POUVOIR : puissance, force.

Pouvoir législatif : c’est la puissance qui fait les loix ; elle n’est rien sans le pouvoir exécutif, qui est la force qui soutient les loix & les fait observer. Dans l’ancien régime le pouvoir législatif ou éditif étoit si étroivement lié au pouvoir exécutif, qu’ils ne faisoient qu’un. Ils étoient dans une seule main ou plutôt dans un seul bras, tellement organisé, que quand la loi parloit, le bras se levoit ; & dans le cas où le bras se fût levé avant que la loi n’eût parlé, il y avoit une espece de détente, que l’œil seul de l’artiste appercevoit, avec laquelle on mettoit la loi en mouvement pour la faire parler, en raison du geste ou des gestes qu’avoit fait le bras. Cet heureux mécanisme étoit dû au cardinal de Richelieu, à qui le fameux pere Joseph en avoit découvert tous les développemens. Nous avons eu depuis quelques ministres, amis des arts, qui en ont fait le plus grand cas & l’usage le plus fréquent, sur-tout l’archevêque de S…s, car les prélats aiment les ressorts à la Richelieu. Lam…g…n, dont on auroit pu faire aussi un cardinal plus aisément qu’on n’en eût fait un homme de bien, Lam…g…n, à force de se servir de la machine l’a détraquée ; la révolution qu’il a hâtée & qui n’aime point les ressorts, a fini par tout briser ; elle a détaché les deux pouvoirs qui n’auroient jamais dû être unis. Le pouvoir législatif a été rendu à la nation à qui il appartenoit de droit, & l’exécutif est resté entre les mains du prince. Séparés l’un de l’autre, ces deux agens ont d’abord eu mille peines à marche de concert ; ils n’y marcheroient pas encore si le monarque ne s’étoit pas chargé personnellement de mette en action celui qui lui étoit confié. L’habitude avoit tellement gâté des ministres qu’ils vouloient toujours du ressort, quoique leur maître leur criât sans cesse qu’il ne vouloit que de la justice. Voilà quels ont été les motifs de ces retard qui ont tant fait bavarder les politiques de nos cafés, lorsque les décrets de l’assemblée nationale de parvenoient point à leur adresse ou demeuroient à poste restante.

Je trouve dans le dictionnaire raisonne de M…, que dans l’église le pouvoir législatif appartenoit à Saint-Pierre, comme prince des apôtres ; l’assertion, toute ultra-mondaine qu’elle soit, est lumineuse, & le lexicographe qui a le tic de parler latin, cite à ce sujet un aperiens Petrus os suum dixit[1], qui est pittoresque ; on croit voir encore au bout de dix-huit siecles l’apôtre qui ouvre la bouche & reste dans cette attitude. Le génie a une touche qui est à lui.

  1. Pierre parla, on dit en ouvrant la bouche.