Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Ménandrino


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MENANDRINO (Marsille de), plus connu sous le nom de Marsille de Padoue, la ville de sa naissance, a été un des plus doctes jurisconsultes du XIVe. siècle [a]. Il étudia dans l’université d’Orléans [b], et fut conseiller de l’empereur Louis de Bavière, et il écrivit une apologie pour ce prince, l’an 1324 (A), dans laquelle il soutint que le pape doit être soumis à l’empereur, non-seulement à l’égard des choses temporelles, mais aussi à l’égard de la discipline extérieure de l’Église. Il décrivit fortement l’orgueil, le luxe, et les autres déréglemens de la cour de Rome, et prouva que de droit divin tous les évêques sont égaux au pape. Celui qui tenait alors le siége de Rome était Jean XXII. Il fut si outré de cette doctrine de Marsille de Padoue, qu’il lança contre lui un long décret où il s’efforça de le réfuter, et où il l’excommunia l’an 1327. Notre Marsille mourut au mois de septembre 1328, à Montemalto [c]. Il a été cité par le cardinal Zabarella [d] entre ceux qui écrivirent pour prouver que les religieux de Saint-François ne peuvent avoir la propriété d’aucune chose. Je ne pense pas qu’il ait enseigné, comme on l’assure dans le Moréri, que les évêques ni les prêtres ne peuvent posséder des biens. Moréri a copié en cela, comme en tout le reste de l’article, le père Gaultier, copiste de Pratéolus.

  1. Le père Gaultier trompé par Pratéolus, et Moreri trompé par l’un et par l’autre, l’ont mal mis au commencement du XIIe. siècle.
  2. Marsilius Patavinus, in Defensore Pacis, part. II, cap. XVIII, pag. m. 296.
  3. Tiré de l’Appendix de M. Cave, Hist. Litterar. Script. Eccles., pag. 23.
  4. Zabarella, in Clementin. Exivit et de Electione.

(A) Il écrivit une apologie pour l’empereur Louis de Bavière, l’an 1324. ] Les protestans l’ont fort citée, et ils eurent soin bientôt de la publier ; car dès l’an 1522 ils en firent une édition in-folio, à Bâle, avec une préface dont l’auteur se qualifie Licentius evangelius sacerdus [1]. M. Wharton [2] a marqué non-seulement cette édition, mais aussi celles de Francfort 1612, 1623, in-8o ; et il n’a pas oublié que cet ouvrage fut inséré par Goldast au 2e. tome de sa Monarchie : mais il ne parle pas de l’édition de Francfort, 1592, in-8°., apud Joh. Wechelum, qui fut procurée par François Gomarus. En voici le titre : Defensor Pacis, sive adversùs usurpatam Rom. pontificis jurisdictionem, Marsilii Patavini pro invictiss. et constantiss. Rom. Imperatore Ludovico IV Bavarico, à tribus Rom. Pontificibus indigna perpesso, Apologia, quâ politicæ et ecclesiasticæ potestatis limites doctissimè explicantur : circa annum Domini 1324 conscripta, nunc verò ad omnium principum, magistratuum, et ecclesiæ catholicæ, ac nominatim christianiss. Galliarun et Navarræ regis, etc. Henrici IV (a tribus etiam Rom. Pontificibus iniquè oppugnati) ejusque regni et ecclesiarum autoritatem ac libertatem demonstrandam utilissima. Franciscus Gomarus Brugensis recensuit, capitum argumentis et notis ad marginem illustravit. J’ai conféré cette édition avec celle qui a pour titre : Marsilii de Menandrino, Patavini vulgò dicti, Defensor Pacis, sive apologia pro Ludovico IV, imp. Bavaro ; Tractatus de translatione imperii, antè CCC propè annos scriptâ. Ex Bibliopolio Comeliano MDXCIX ; et il m’a paru qu’elles ne diffèrent qu’à l’égard des préambules ; c’est-à-dire que l’on ne réimprima point le corps du livre, mais seulement le titre ; qu’on ôta l’Épître Dédicatoire en vers, signée Franciscus Gomarus, et adressée à l’électeur palatin Frédéric IV ; qu’on changea un peu l’avis au lecteur ; et que l’on joignit Testimonia autorum, et le traité de Translatione Imperii qui ne contient que 26 pages. Ce traité est de la façon de notre Marsille de Padoue, qui a fait outre cela un écrit de Jurisdictione Imperiali in causis matrimonialibus.

Notez que la parenthèse [3], où l’on marque au titre du Defensor Pacis, que Louis de Bavière avait été persécuté par trois papes, n’a pu être dans le manuscrit de l’auteur ; car, lorsqu’il composa ce livre, Louis de Bavière n’avait eu encore des démêlés qu’avec le pape Jean XXII. Cet ouvrage ayant été traduit en français sans nom d’auteur, le pape Grégoire XI [4] s’en plaignit aux députés de la faculté de théologie de Paris, qui déclara par un acte authentique, qu’aucun de ses membres n’avait eu part à cette version : et que Marsille de Padoue, et Jean de Jande, qu’on croyait y avoir aussi travaillé, n’étaient point du corps de la faculté [5].

  1. Voyez la Bibliothéque de Gesner, folio 409 verso, et l’Épitome, pag. m. 574, 575.
  2. Wharton, in Append. ad Cave, p. 23.
  3. Elle est dans l’édit. même de Bâle, 1522.
  4. Il siégea depuis l’an 1370, jusqu’en 1378.
  5. Du Pin, Biblioth., tom. XI, pag. 127, édition d’Amsterdam.

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