Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Hénichius


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HÉNICHIUS (Jean), professeur en théologie dans l’académie de Rinthel, au pays de Hesse, était fils d’un ministre de Winhusen, et naquit au mois de janvier 1616. Il fit ses classes à Cell et à Lunebourg, et puis il fut envoyé à Helmstad, l’an 1634, et, après y avoir étudié pendant quatre années, il y fut reçu docteur en philosophie. Ayant fait ensuite quelques leçons, et présidé à des disputes publiques, il s’attira très-particulièrement l’amitié du docteur Calixte, et du docteur Hornéius, deux célèbres théologiens. Il alla à Hildeshiem vers la fin de l’an 1639, et y séjourna environ trois ans chez un gentilhomme de mérite [a]. Il fut voyager après cela du côté du Rhin, et puis il s’arrêta quelque temps chez Jacques Lampadius à Hanover. Il fut fait professeur en métaphysique et en langue hébraïque dans l’académie de Rinthel, l’an 1643, et au bout d’un an et demi on l’appela à Bardewik pour la charge de surintendant. Il en fit les fonctions pendant cinq années avec tant de diligence que le duc Auguste de Brunswick lui voulut donner toute l’inspection du diocèse de Wolfenbuttel, mais il ne l’accepta point. Il quitta même sa charge, parce que les fatigues qu’il y avait essuyées, lui avaient causé une longue maladie. Il retourna à Rinthel l’an 1651 : ce fut pour y être professeur en théologie. Il reçut solennellement les honneurs du doctorat en la même faculté, et l’on ne tarda guère à lui donner une place dans le consistoire ecclésiastique, et à le faire inspecteur des églises du comté de Schauembourg [b]. Il fit paraître son savoir par divers ouvrages qu’il publia (A) : il eut beaucoup de candeur, et beaucoup de modération, et il souhaita passionnément la concorde des luthériens et des calvinistes (B) ; et ce fut apparemment ce qui l’exposa aux traits qui furent jetés sur lui. Il se maria, l’an 1645, avec une fille très-vertueuse et qui ne fut point stérile, car il en eut treize enfans. Il mourut à Rinthel, le 27 de juin 1671 [c]. Son épitaphe, faite par Gérhard Wolter Molan, est très-belle. Vous la trouverez aux pages 338 et 339 d’un livre de Gaspar Sagittarius [d].

  1. Ad Nobiliss. atque præstrennum virum D. Fridericum Wilhelmum Gansium se contulit, apud quem triennium ferè satis commodè exegit. Apud Witte, Memor. theologor., decad. XIII, pag. 1716.
  2. La ville de Rinthel est dans ce comté.
  3. Tiré de son Programme funèbre, inséré par M. Witte à la XIIIe. décade, Memoriar. theologor. nostri sæculi, pag. 1716 et seq.
  4. Intitulé : Introductio in Historiam ecclesasticam, et inprimé l’an 1694.

(A) Divers ouvrages qu’il publia. ] Voici la liste que M. Witte en a donnée [1]. Dissertatio de majestate civili : Rinthel. 1653, in-4o. ; de Cultu creaturarum et imaginum Dissert. ibid. 1633, in-4o. ; de Libertate Arbitrii, imprimis de concursu causæ secundæ cum primis : ibid. 1645, in-4o. ; de Officio boni principis piique subditi : ibid. 1661, in-12. ; Dissertatio de Pœnitentiâ lapsorum : ibid. 1559, in-4o. ; de Gratiâ Prædestinatione Dissertatio : ibid. 1663, in-4o. ; Compendium sanct. Theologiæ : ibid. 1657, 1571, in-8o. ; de Veritate religionis Christianæ : ibid. 1667 : in-12. ; Institutiones Theologicæ : Brunsvigæ, 1665, in-4o. ; Historiæ ecclesiasticæ et Civilis Pars I, Rinthel. 1669 ; Pars II, 1670 ; Pars III, 1674, in-4o. ; Disputationes aliquot emisit publicèque habuit, ex quibus est, de Mysterio SS. Trinitatis, de Confessione Augustini, de Fide et operibus, etc.

J’ai quelque petite chose à observer sur le livre de Veritate Religionis Chritianæ, qui paraît dans cette liste. C’est un très-bon supplément de celui que Grotius a composé sur cette même matière ; car Hénichius développe, éclaircit et prouve plus amplement les raisons que Grotius avait employées. Il apprend cela dans son titre, puisqu’il y met quo ea quæ vir illustris Hugo Grotius de hâc materiâ commentatus est aliquantò uberiùs exponantur. Disons en passant que Grotius a été accusé de plagiarisme, et mettons ici une addition qui a paru à la fin du premier volume de ce Dictionnaire dans la première édition, et que l’imprimeur n’a point placée où il fallait dans la seconde. Elle contient ces paroles : « Il me semble qu’il n’y a rien de plus faux que ce qui fut dit a M. Whéler et à M. Spon, que Grotius a dérobé tous ses principaux argumens pour la vérité de la religion chrétienne, d’un auteur arabe, et particulièrement des ouvrages d’un excellent homme que les Latins ont tenu pour un archi-hérétique, mais que les Coftes tiennent pour un saint ; qui a écrit un excellent livre contre les Turcs et contre les Juifs, pour la vérité de la religion chrétienne[2]. »

Notez à l’égard des trois volumes de l’Histoire ecclésiastique de notre Jean Hénichius, qu’ils ne s’étendent que jusqu’à la fin du Ve. siècle ; et qu’encore que le titre promette l’histoire civile aussi-bien que l’histoire ecclésiastique, l’auteur s’attache principalement à la dernière. Le premier volume comprend les trois premiers siècles ; le deuxième est pour le IVe. siècle ; et le troisième pour le Ve. Bosius, qui avait dit dans son Schediasma de comparandâ notitiâ scriptorum ecclesiasticorum, que l’ouvrage d’Hénichius comprenait les six premiers siècles, en fut censuré trop rudement. Il reconnut son erreur, et la corrigea de sa main à l’exemplaire de son livre. On peut bien indiquer de pareilles fautes, mais il faut le faire sans aigreur et sans insulte, et se souvenir qu’il est très-facile de les commettre : Aberrationem agnovit, ac manu suâ in exemplari privato correxit : ut adeò acrem illam clarissimi Sluteri censuram [* 1] non videatur meruisse. Et quàm facilis in his talibus sit lapsus, unusquisque intelligit[3]. L’auteur qui parle de la sorte observe qu’Hénichius, avant donné le précis du témoignage des anciens auteurs, rapporte ensuite leurs passages tout entiers. On a raison de dire que cela doit recommander son ouvrage. Cæterùm Henichianum opus vel eo etiam nomine meretur commendari, quòd integra auctorum veterum testimonia adscribat, quorum summam priùs attulerat[4].

(B) Il souhaita passionnément la concorde des luthériens et des calvinistes. ] On l’en loue dans son programme funèbre[5] : Pacis et concordiæ perpetuus studiosus, nihilque magis in votis habebat, quàm ut schisma inter Evangelicos funditùs tolleretur, et togata prœlia in suggestibus et cathedris cum salutiferâ, DEO et hominibus gratâ pace, fausto omine, commutarentur : quâ de causâ immortalem nominis gloriam apud omnes bonos adeptus est. L’auteur du programme dit peu après[6] : Equidem invidia et malgnitas, ut sunt virtutis fata, non unum in eum jaculata fuit fulmen : sed et illa, quæ viventi gravis fuit, mortui famæ, credo, favebit, suamque vel imperitiam vel livorem tandem profitebitur. Il n’indique point les causes de cette envie maligne qui persécuta Hénichius, mais je conjecture que l’inclination pacifique de ce professeur fournit des prétextes de le calomnier.

  1. (*) In Propylæo Historiæ christianæ, p. 26.
  1. Witte, Memoriar. theolog., dec. XIII, pag. 1720.
  2. Whéler, Voyage de Dalmatie, etc., liv. II, pag. 163, édition de Hollande, 1689.
  3. Caspar Sagittarius, Introd. in Histor. eccles., pag. 340.
  4. Idem, Sagittar., ibidem.
  5. Witte, Memor. theolog., dec. XIII, pag. 1718.
  6. Idem, ibid., pag. 1719.

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