Dictionnaire des proverbes (Quitard)/manger

manger. — Mange pour vivre, et ne vis pas pour manger.

Ce proverbe, dont Socrate est, dit-on, l’inventeur, offre un excellent précepte d’hygiène, qu’on devrait écrire en grosses lettres dans toutes les salles à manger. On le trouve quelquefois énoncé dans les livres latins par ces initiales : E. U. V. N. V. U. E. Edas Ut Vivas, Non Vivas Ut Edas. — Rien de meilleur pour la santé que de rester sur son appétit, vesci citra saturitatem, comme dit la traduction latine de Plutarque. Rien de plus mauvais que d’assouvir sa gourmandise ; car alors, l’estomac devient le gouffre de la vie, suivant l’expression hardiment figurée de Diogène. Cette observation est sans cesse répétée par les médecins et par les philosophes. Mais il est si doux de creuser sa fosse avec les dents ! l’intempérance l’emporte sur toutes les considérations, et elle fait périr plus de monde que l’épée. Gula plures quàm gladius perimit.

Sénèque s’écriait : vous êtes étonné du nombre infini des maladies ? Comptez donc les cuisiniers. Innumerabiles morbos esse miraris ? Coquos numera (epist. xcv). Montesquieu disait : Le dîner tue la moitié de Paris et le souper tue l’autre. — Encore si l’intempérance bornait ses funestes effets aux maladies ou à la mort des gourmands ! mais elle influe d’une manière déplorable sur la morale publique. Que d’actions coupables se commettent dans les fumées de la digestion, qui n’auraient pas lieu à jeun ! O sobriété, ce n’est pas sans raison qu’on t’a nommée la nourrice des vertus.