Dictionnaire des proverbes (Quitard)/français

français. — Parler français.

La langue française est moins susceptible qu’aucune autre d’amphibologie et d’obscurité, grâce à l’heureuse simplicité de sa construction qui, conformant presque toujours, dit M. Allou, la phrase à l’ordre direct, fait que l’enchaînement des mots s’y trouve exactement le même que celui des éléments dont se compose la pensée. Ce caractère lui est tellement propre, qu’on peut établir en axiome de grammaire que ce qui n’est pas clair n’est pas français ; et c’est à cause de cela sans doute qu’elle a été choisie pour la rédaction des traités diplomatiques dont on peut dire que l’unique bonne foi c’est la clarté. Mais il faut observer qu’elle n’a pas été choisie, ainsi qu’on le croit communément, sous le règne de Louis XIV. Le congrès de Nimègue ne fit alors que consacrer l’usage dès longtemps reçu de l’employer, dans les transactions politiques, comme l’interprète la plus fidèle et comme la garantie la plus assurée qu’à l’avenir on ne sèmerait plus la guerre dans des paroles de paix.

On voit, d’après ce que je viens de dire, que l’expression parler français doit signifier : s’exprimer sans détour, sans équivoque, énoncer franchement sa pensée. C’est dans ce sens que Montaigne l’a employée en parlant des femmes qui, après avoir fait mauvais ménage avec leurs maris, paraissent inconsolables quand ils sont morts. « Est-ce pas, s’écrie-t-il, de quoy ressusciter de despit, qui m’aura craché au nez, pendant que j’estoy, me vienne frotter les pieds quand je ne suis plus ? Ne regardez pas à ces yeux moites et à ceste piteuse voix. Regardez ce port, ce teinct et l’embonpoint de ces joues soubs ces grands voiles. C’est par là qu’elle parle françois. »

Montaigne dit encore : « Il faut parler françois, il faut montrer ce qu’il y a de bon et de net dans le fond du pot. »

Les Latins se servaient de l’expression latinè loqui, parler latin, à laquelle ils attachaient le même sens.

Parler français signifie aussi parler avec autorité, d’un ton menaçant ; et il n’est pas besoin de remarquer que cette nouvelle acception n’a pas été fondée sur le caractère de la langue, mais sur celui du peuple qui la parle.