Dictionnaire des proverbes (Quitard)/fou

fou. — Le fou se trahit lui-même.

Traduction littérale d’un proverbe latin qui se trouve dans Sénèque : Stultus ipse se prodit.

Le cœur de l’insensé publie à haute voix ses folles pensées. Cor insipientium provocat stultitiam. (Salom., Prov., chap. xii, ℣ 25.)

Le cardinal Mandruce disait : Ce n’est pas être fou que de faire une folie, mais c’est l’être que de ne pas savoir la cacher. Le proverbe allemand qui correspond au nôtre est très spirituel : Der Kuckuck seinen einigen Namen ruft aus. Le coucou chante son propre nom.

Celui des Italiens se fait remarquer par le même caractère : Se tacesse la gallina non si saprebbe che a fatto l’uovo. Si la poule n’avait pas chanté, l’on ne saurait pas qu’elle a pondu.

Qui ne sait être fou n’est pas sage.

La multitude des fous est si grande, que la sagesse est obligée de se mettre sous leur protection. Sanitatis patrocinium est insanientium turba. (St Augustin, de Civit. Dei, lib. vi, c. 10.) Il faut avoir un peu de folie, qui ne veut avoir plus de sottise. (Montaigne, Ess., liv. iii, ch. 9.) On n’est estimé sage qu’autant qu’on est fou de la folie commune. (Fontenelle.)

Il vaut mieux être fou avec tous que sage tout seul. Le sage qui se trouve en compagnie des fous ne doit pas afficher un rigorisme déplacé, parce qu’il ne peut lui revenir rien de bon d’une pareille conduite.

La raison même a tort quand elle ne plaît pas.

(Lachaussée.)

Il y a de la folie à vouloir se montrer sage tout seul, et de la sagesse à savoir à propos contrefaire le fou. J’ai toujours vu, dit Montesquieu, que, pour réussir dans le monde, il faut avoir l’air fou et être sage.

Un fou avise un sage.

« Tous les jours, la sotte contenance d’un autre m’avertit et m’avise… Ce temps n’est propre qu’à nous amender à reculons, par disconvenance plus que par convenance, par différence que par accord. Étant peu appris par les bons exemples, je me sers des mauvais, desquels la leçon est ordinaire. » (Montaigne, Ess., liv. iii, ch. 8.)

On demandait à Lokman de quels maîtres il avait appris la sagesse, il répondit : De ceux qui ne la pratiquaient point. Les poisons, disait Confucius, deviennent des antidotes entre les mains d’un médecin habile : il en est de même des mauvais exemples pour le sage.

C’est d’après ce principe, inhumainement appliqué, que les magistrats de Lacédémone fesaient enivrer un ilote qu’ils offraient en spectacle à leurs concitoyens, pour leur inspirer l’horreur de l’ivrognerie.

Les fous sont plus utiles aux sages que les sages aux fous.

Paroles de Caton l’Ancien qui sont passées en proverbe.

Sans les fous, les sages ne pourraient pas vivre. (Proverbe turc.)

Les sages vont chercher de la lumière, et les fous leur en donnent. (Proverbe espagnol.)

Au rire on connaît le fou.

Le rire, dit Oxenstiern, est la trompette de la folie. L’abbé Damascène, espèce d’astrologue italien, a fait un traité où il distingue les tempéraments des hommes par leur manière de rire. Cet appréciateur burlesque prétend que le ha ha ha caractérise les flegmatiques, le hé hé hé les bilieux, le hi hi hi les mélancoliques, le ho ho ho les sanguins. Il ne fait pas mention expressément du rire des fous ; mais ce rire est facile à reconnaître, malgré ses innombrables variétés. C’est celui qui naît tout à coup sans sujet, c’est-à-dire sans sujet apparent, car il est toujours produit par quelque hallucination. Salomon le compare au bruit que font les épines en brûlant sous la marmite, Sicut vox spinarum sub ollâ, ita risus stultorum. (Ecclés., c. vii, v 7.) Les épines pétillent beaucoup, se consument promptement, donnent peu de chaleur et ne font pas bouillir la marmite. Il en est de même de la joie des fous : elle éclate d’une manière bruyante, n’a pas de consistance, ne dure qu’un moment et n’amène pas de bon résultat.

Plus fou que ceux de Béziers.

Le troubadour Giraud de Borneil dit qu’un baiser qu’il a reçu de sa dame l’a rendu plus fou que ceux de Béziers. C’est encore un espèce de proverbe injurieux que Dans chaque maison de Béziers il y a la chambre d’un fou ; et les habitants de cette ville paraissent reconnaître la notoriété du fait, lorsqu’ils disent en parlant d’eux-mêmes : Nous avons tous de l’esprit, mais ils sont fous.

Il y a aussi un dicton qui reproche aux habitants de Béziers d’être capables de pousser la folie jusqu’au déicide. Lorsqu’on cite le vers proverbial auquel a donné lieu la beauté de leur pays,

Si Deus in terris, vellet habitare Bliteris,
Si Dieu descendait sur la terre, il viendrait habiter Béziers,

On ne manque guère d’ajouter, ut iterum crucifigeretur, pour être crucifié de nouveau.

Plus on est des fous, plus on rit.

Un fou rit beaucoup, témoin l’expression proverbiale Rire comme un fou, et plusieurs fous réunis rient encore davantage, car ils s’excitent l’un l’autre à la joie.

Fou qui se tait passe pour sage.

Stultus quoque si tacuerit sapiens reputabitur, et si compresserit labia sua intelligens. (Salomon, Parab., c. xvii, ℣ 26). L’insensé même passe pour sage lorsqu’il se tait, et pour intelligent lorsqu’il tient sa bouche fermée.

Dieu aide à trois sortes de personnes : aux fous, aux enfants et aux ivrognes.

Il semble, en effet, que Dieu leur accorde une protection spéciale pour les préserver des malheurs et des dangers qui les menacent continuellement.

Tous les fous ne portent pas la marotte.

Proverbe qui a le même sens que cet autre : Tous les fous ne sont pas aux Petites-Maisons. — Les Italiens disent : Se tutti i pazzi portassero una beretta bianca, pareremmo un branco d’oche. Si tous les fous portaient le bonnet blanc, nous ressemblerions à un troupeau d’oies.