Dictionnaire des proverbes (Quitard)/esprit

esprit. — Avoir l’esprit enfoncé dans la matière.

Cette expression, dont on se sert pour désigner un esprit épais, est empruntée de l’expression latine demersus in corpus homo, homme plongé dans le corps, qu’on trouve dans Pline le naturaliste.

L’obésité a toujours été regardée comme l’indice de la stupidité, et quelques médecins ont cherché à démontrer par des raisonnements physiologiques la vérité de cette opinion qui avait donné lieu au proverbe suivant, que les Romains tenaient des Grecs :

Subtile pectus venter obesus non parit.

On dit aussi : Avoir la forme enfoncée dans la matière, locution que Molière a mise en vogue, lorsqu’il a cherché à la faire tomber en la reléguant dans le jargon des Précieuses ridicules. Ce mot forme signifie sans doute ici l’esprit ou l’ame, que des philosophes anciens nommaient la forme essentielle.

Bienheureux les pauvres d’esprit.

L’évangile selon saint Mathieu (ch. v, ℣. 3) dit : Beati pauperes spiritu, quoniam ipsorum est regnum cœlorum ; bienheureux les pauvres d’esprit, car le royaume des cieux leur appartient ; ce qui doit s’entendre des hommes qui ont le cœur et l’esprit entièrement détachés des biens de la terre. Mais on a voulu l’entendre de ceux qui sont dépourvus d’esprit, et c’est sur ce fondement que le langage proverbial a proclamé la béatification ou la canonisation de la bêtise.

Les grands esprits se rencontrent.

Les grands esprits, habitués à voir les choses telles qu’elles sont, doivent nécessairement se rencontrer quelquefois, lorsque leur attention se porte sur le même objet. De là ce proverbe qui s’emploie par plaisanterie, lorsque deux personnes ont ou prétendent avoir à la fois la même pensée, et qui sert bien souvent d’excuse aux plagiaires

S’il y avait un recueil des rencontres des écrivains dans un ordre chronologique, on y découvrirait bien des vols plaisamment déguisés, et si une loi obligeait à la restitution littéraire, on verrait bien des ouvrages volumineux auxquels il resterait à peine quelques feuillets. Ce n’est pas sans raison qu’on a dit : Un auteur est un homme qui prend dans les livres tout ce qui lui passe par la tête.