Dictionnaire des proverbes (Quitard)/envie

envie. — Il vaut mieux faire envie que pitié.

Ce proverbe est très ancien, car il est rapporté par Hérodote. Il existe dans presque toutes les langues.

L’envie nuit plus à son sujet qu’à son objet.

En d’autres termes : L’envie est plus préjudiciable à celui qui l’éprouve qu’à celui qui la cause. C’est une maxime de l’école : Invidia plus officit subjecto quam objecto. — Horace a très bien dit : L’envieux maigrit de l’embonpoint d’autrui.

Invidus alterius macrescit rebus opimis.

Les envieux mourront, mais non jamais l’envie.

Philippe Garnier, dans son recueil imprimé à Francfort en 1612, a cité ce proverbe avec ce vers latin où on le retrouve trait pour trait :

Invidus acer obit sed livor morte carebit.

C’est donc à tort qu’on en a attribué l’invention à Molière qui l’a mis dans la bouche de madame Pernelle.

Envie passe avarice.

Ce proverbe a été mis en action dans un vieux fabliau dont voici les principaux traits : Un avare et un envieux faisant route ensemble rencontrèrent saint Martin dans une plaine, et marchèrent quelque temps avec lui, sans se douter qu’ils eussent un tel compagnon de voyage. Le saint ne se fit connaître qu’au moment de les quitter, et il leur dit pour les éprouver : « Il ne tient qu’à vous de mettre à profit l’avantage d’avoir fait ma rencontre. Que l’un des deux me demande ce qu’il voudra, je promets de le lui accorder sur-le-champ. Quant à l’autre, je me réserve de faire moi-même sa part, en lui donnant le double de ce que le premier aura demandé. »

Voilà nos hommes bien joyeux, mais en même temps bien embarrassés, et quoiqu’ils n’eussent qu’à ouvrir la bouche pour obtenir une grande fortune, l’un et l’autre s’obstinaient à la tenir fermée afin de recevoir deux fois davantage. L’avare ne pouvait consentir à se priver de ce qu’il n’aurait pas eu l’esprit de souhaiter, ni l’envieux à jouir de tous les biens qui lui seraient échus en partage, à la condition de voir son camarade plus riche que lui : ils s’exhortaient mutuellement à former le vœu le plus magnifique, mais chacun d’eux conseillé par sa passion se gardait de céder à une pareille instance. Enfin l’avare transporté de fureur se précipita sur l’envieux en menaçant de l’assommer s’il continuait à se taire. Eh bien ! je vais parler, répondit celui-ci, et tu n’y gagneras rien. En même temps, par un trait unique de vengeance ou plutôt de caractère, il s’écria : Grand saint Martin, faites-moi la grâce de me priver d’un œil. Il n’eut pas plus tôt dit que la chose fut faite. L’un se trouva borgne et l’autre aveugle, et ce fut le seul bénéfice qu’ils retirèrent de leur position. Ainsi le vice fut puni par le vice même, mais il ne fut pas corrigé. Le pouvoir du saint n’allait pas jusque-là. Il ne put même obtenir que l’envieux servît de conducteur à l’avare qui ne pouvait regagner seul son logis.