Dictionnaire des proverbes (Quitard)/ennemi

ennemi.Il faut se défier d’un ennemi réconcilié.

L’Ecclésiastique dit : « Ne vous fiez jamais à votre ennemi, car sa malice est comme la rouille qui revient toujours au cuivre. Quoiqu’il s’humilie et qu’il aille tout courbé, soyez vigilant et donnez-vous de garde de lui. Non credas inimico tuo in æternum, sicut enim æramentum ærugina nequit in illius. Etsi humiliatus vadat curvus, adjice animum tuum et custodi te ab illo. » (Cap. xii, v. 10 et 11.)

Il faut faire un pont d’or à l’ennemi qui fuit.

« Jamais ne faut mettre son ennemi en lieu de désespoir, parce que telle nécessité lui multiplie sa force et accroist le courage qui ja estoit deject et failly ; et n’y a meilleur remède de salut à gens estonnés et recrus que de n’espérer aulcun. Quantes victoires ont été tollues des mains des vainqueurs par les vaincus, quand ils ne se sont contemptez de raison ! Ouvrez à vos ennemis toutes les portes et chemins, et plus tôt leur faictes un pont d’argent afin de les renvoyer. » (Rabelais, liv. iv, ch. 43.)

Ce proverbe a été employé par Napoléon dans un des bulletins de la grande armée. — Il nous est venu des Romains, qui disaient : Hosti fugienti pontem substerne aureum. — On en a attribué l’invention à Scipion l’Africain ; mais ce grand capitaine ne fit que formuler une pensée bien connue avant lui des guerriers et des politiques. On sait que Lycurgue, dans une de ses lois, avait recommandé aux Spartiates de ne poursuivre l’ennemi qu’autant qu’il le fallait pour assurer la victoire, et de ne pas le pousser à un héroïque désespoir.

Les présents des ennemis sont funestes.

Ce proverbe est tiré de l’Ajax furieux de Sophocle (v. 665). Ajax mourut percé du glaive qu’Hector lui avait donné, et Hector fut attaché au char d’Achille avec le baudrier qu’il avait reçu d’Ajax. Cette tradition est rappelée par Virgile dans le iv livre de l’Énéide, lorsqu’il suppose que Didon se sert de l’épée du fils d’Anchise pour se donner la mort.

Il n’y a point de petit ennemi.

Il ne faut s’exposer à l’inimitié de personne, car celui-là même qui paraît le moins en état de nuire peut faire beaucoup de mal, en se vengeant. — Les Grecs avaient un proverbe correspondant passé dans la langue latine en ces termes : Inest et formicæ bilis, la fourmi même a sa bile. — Les Turcs disent : Tiens pour un éléphant ton ennemi, ne fût-il pas plus gros qu’une fourmi.