Dictionnaire des proverbes (Quitard)/amoureux

amoureux. — Amoureux transi.

Cette expression, dont on se sert pour désigner un amoureux timide, novice, froid, fait allusion à un ancien usage des justiciables volontaires des cours d’amour, espèce d’énergumènes qui avaient formé, sous le règne de Philippe V, une société ou confrérie nommée la Ligue des amants, dont l’objet était de prouver l’excès de leur passion par une opiniâtreté invincible à braver les ardeurs de l’été et les rigueurs de l’hiver. Dans les chaleurs extrêmes, ils allumaient de grands feux pour se chauffer, et ne sortaient de chez eux qu’enveloppés d’épaisses fourrures. Quand il gelait à pierre fendre, ils se couvraient très légèrement, et allaient, par le froid, par la neige ou par la pluie, soupirer à la porte de leurs maîtresses, où ils se tenaient jusqu’à ce qu’ils les eussent aperçues, étant parfois tellement morfondus et transis dans l’attente, dit un vieux auteur, qu’on entendait claquer leurs dents comme les becs des cigognes. Cette dévotion d’amour, poussée ainsi jusqu’au martyre, éclatait en outre par une foule de pratiques minutieuses et d’expressions alambiquées. Tel confrère élisait son domicile à l’enseigne de la Passion, rue du Sacrifice, paroisse de la Sincérité ; tel autre demeurait sur la place de la Persévérance, hôtel de l’Assiduité, etc. Il existe un ouvrage rare et curieux, intitulé : l’Amoureux transy, par Jehan Boucher. Cet ouvrage, qui ne porte point de date, est une espèce de code galant de cette secte jadis si fameuse par ses extravagances et par ses niaiseries sentimentales.