Dictionnaire des proverbes (Quitard)/abondance
abondance. — Abondance de biens ne nuit pas.
Proverbe sur lequel Voltaire a très spirituellement enchéri par ce joli vers, qui est aussi devenu proverbe :
Le superflu, chose très nécessaire.
Mais il n’est pas absolument vrai que l’abondance ne nuise point, car elle amène quelquefois des inconvénients fâcheux, comme le remarque cet autre proverbe : Abondance engendre fâcherie ; et d’ailleurs elle est regardée par les philosophes comme contraire au bonheur, qui ne se rencontre guère que dans un état frugal, entre la pauvreté et les richesses, suivant l’expression de Fléchier.
L’abondance des biens de la terre nous rend nécessiteux de ceux du ciel.
C’est-à-dire que l’effet ordinaire des richesses est de détourner ceux qui les possèdent de la pratique des vertus chrétiennes. Le Saint-Esprit, dans la Bible, appelle les richesses des trésors d’iniquité ; et le Sauveur, dans l’Évangile, les signale comme le plus grand obstacle au salut : de là ce proverbe ascétique, qui a servi et qui servira encore de texte à plus d’un sermon, sans guérir personne de l’envie des richesses.
La trop grande abondance ne parvient point à maturité.
Les épis trop pressés dans un champ se renversent les uns sur les autres par l’effet de la pluie ou du vent ; les fruits trop nombreux sur un arbre en épuisent le suc nourricier, ou en font rompre les branches sous leur poids : et c’est ainsi que l’excessive abondance nuit à la maturité. Mais ce proverbe, très vrai au propre, a également sa juste application au figuré, pour signifier que trop de choses entreprises à la fois ne pouvant obtenir tous les soins que chacune d’elles réclame en particulier, sont exposées à ne pas réussir ou à ne réussir qu’imparfaitement.
De l’abondance du cœur la bouche parle.
On ne peut guère s’empêcher de parler des choses dont on a le cœur plein ; quand le cœur est plein, il faut que la bouche déborde : ou bien : en suivant l’impulsion de son cœur, dans ses discours, on ne manque point de paroles éloquentes.
Ce proverbe est littéralement traduit des paroles suivantes de l’évangile selon saint Mathieu (ch. 6, v. 45), Ex abundantiâ cordis os loquitur.
Les Basques disent : Bihozaren beharguile mihia. La langue est l’ouvrière du cœur.