Dictionnaire des proverbes (Quitard)/église

église. — Près de l’église et loin de Dieu.

Cela se dit d’une personne qui loge près d’une église et qui remplit mal ses devoirs de chrétien. Il se dit aussi quelquefois par extension, en parlant d’un faux dévot.

Se marier en face de l’église.

Les usages de nos pères sont presque toujours la véritable source où nous devons puiser l’explication de certaines façons de parler dont nous sommes embarrassés de nous rendre raison ; autrement il n’y a pas moyen de sortir de cet embarras. Si nous voulons savoir, par exemple, pourquoi l’on dit Se marier en face de l’église, il ne faut point se mettre l’esprit à la torture pour découvrir dans le sens figuré, comme on a prétendu le faire, l’origine de cette expression qui peut paraître assez étrange. Il faut se rapporter à l’ancienne coutume de commencer devant la porte de l’église la cérémonie du mariage qui se fait aujourd’hui dans l’intérieur. Notre expression est née de cette coutume, et elle date d’une époque très reculée ; car elle se trouve au vingt-sixième chapitre du iiie livre de Guillaume de Newbrige, savant anglais qui écrivait en latin il y a plus de six cents ans. Voici le passage où cet auteur l’a consignée, en faisant mention du mariage de Henri II Plantagenet avec Éléonore d’Aquitaine, épouse divorcée du roi de France Louis VII dit le jeune : Solutamque a lege prioris viri in facie ecclesiæ quâdam illicitâ licentiâ ille mox suo accepit conjugio.

Dans un missel de 1555, à l’usage de l’église de Salisbury, se trouve cette recommandation : Statuantur vir et mulier ante ostium ecclesiæ, sive in faciem ecclesiæ, coram deo et sacerdote et populo ; que l’homme et la femme soient placés devant la porte de l’église, ou en face de l’église, en présence de Dieu, du prêtre et du peuple.

On sait que le mariage de Henri de Béarn, depuis Henri IV, avec Marguerite de Valois, sœur de Charles IX, eut lieu le 18 août 1572, par le ministère du cardinal de Bourbon, sur un brillant échafaud dressé à la porte de l’église de Notre-Dame.

Ces faits, et beaucoup d’autres semblables que je pourrais citer, prouvent qu’en France et en Angleterre on se mariait encore devant la façade de l’église vers la fin du seizième siècle. Cependant il faut observer que, dans la mauvaise saison et les jours pluvieux, on fesait la cérémonie sous le porche ; d’où l’on ne tarda pas à passer dans la chapelle. Mais quels étaient donc les motifs qui avaient pu faire adopter le mariage en plein air ? Quelques auteurs pensent que cet usage était un reste des mœurs païennes. Plusieurs peuples antiques, particulièrement les Étrusques, disent-ils, se mariaient dans la rue, devant la porte de la maison où l’on entrait pour la conclusion de la cérémonie.

À cette raison Selden en ajoute une autre, dans son Uxor hebraica (operar., t. iii, p. 680) : c’est que la dot ne pouvait être légalement assignée qu’en face de l’église.