Dictionnaire de théologie catholique/ZWINGLIANISME IX. Influence de Zwingli

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 1196-1197).

IX. Influence de zwingli. — 1° Il est naturel de commencer ici par Zurich, qui a été le point d’appui de son œuvre réformatrice. Le moment « prophétique » a passé avec Zwingli, et peut-être la figure de celui-ci a-t-elle été vue trop à travers la personne de son successeur et historien : H. Bullinger. Ainsi s’explique aussi en partie le durcissement de la doctrine, le biais rationaliste. Néanmoins, le christianisme réformé de Zurich et de la Suisse orientale a gardé la marque que lui a imprimée Zwingli, notamment pour la liturgie, la constitution, la discipline et les institutions ecclésiastiques, l’éthos chrétien (cf. Sal. Hess, Ursprung, Gang und Folgen der durch Ulrich Zwingli in Zürich bewirkten Glaubens-Verbesserung und Kirchen-Reform, 1819, et les ouvrages cités par W. Köhler, Der Erbe Zwinglis in der Gegenwart, dans Zwingliana, t. iii, 1915, p. 222).

De Zurich partent de nombreux rayons, du vivant même de Zwingli : au Nord-Ouest, ils vont jusqu’à Gand et Paris ; au Nord, jusqu’à Cologne et la Frise ; à l’Est, ils atteignent Francfort ou Marburg ; au Sud-Ouest, Lyon ; au Sud-Est enfin, Côme, Milan et Ferrare, sans compter les villes de l’Allemagne du Sud, qui rentrent dans l’orbite de Zurich (cf. la carte de l’expansion du zwinglianisme au Musée Zwingli, à Zurich). Zwingli a cherché à faire échec au luthéranisme en gagnant à ses Idées Philippe de Hesse. Sa lettre du 21 novembre 1519 prélude à la réforme de la constitution de cette Église et à l’introduction des synodes. Les résultats que Bucer a obtenus ensuite concernant la discipline ecclésiastique viennent de Zwingli et s’étendent au delà des frontières territoriales de ce « pays » (cf. W. Köhler, Die Wirkung und Bedeutung Zwinglis, dans Huldreich Zwingli. Die Schweiz im deutschen Geistesleben, Leipzig, 1923, p. 79 sq. ; W. Rotscheidt, Zwinglis Nachwirkungen in der reformierten Kirche, dans Reformierte Kirchenzeitung, 1912, n. 1).

2° C’est sans doute par la Hesse que l’influence zwinglienne, s’infiltrant dans la vallée du Rhin inférieur, parvint jusqu’en Hollande (sur Zwingli et la Hollande, cf. M. A. Gooszen, rec. dans Zwingliana, t. ii, 1910, p. 386 ; A. Eckhof, Zwingli in Holland, ibid., t. iii, 1918-1919, p. 370-384). Dans un mandat de 1529, Charles V défend l’achat ou la vente des ouvrages de Zwingli ; depuis 1538, on a pendant deux siècles et demi inculqué aux enfants des Pays-Bas que Zwingli était le réformateur, et les témoignages ne manquent pas qu’il était très lii, en dépit de l’interdit qui le frappait. Cependant A. Schweizer dénie qu’il y ait une connexion quelconque entre arminianisme et zwinglianisme.

W. Köhler a cru pouvoir relever dans le culte et la constitution de l’Église luthérienne elle-même de Hollande des traces de l’influence de Zwingli (cf. Wirkung Zwinglis auf das niederländische Luthertum, dans Zwingliana, t. iii, 1917, p. 268-270). Ajoutons d’ailleurs, pour être juste, que l’influence qu’il exerçait à l’étranger, en Hollande surtout, Zwingli la partageait avec Bullinger (cf. W. Köhler, Wirkungen Zwinglis und Bullingers auf das Ausland, dans Zwingliana, t. iii, 1913, p. 24-27).

3° L’Angleterre a traduit et imprimé de bonne heure les ouvrages de Zwingli. Nous avons un indice que vers 1550 on les lisait encore (cf. G. Finsler, Zwinglis Schrift « Eine Antwort Valentin Compar gegeben », von England auszitiert, dans Zwingliana, t. iii, 1914, p. 115-117). La traduction anglaise de la Bible de W. Tindale (1526) se sert de la Bible zurichoise. D’après W. Köhler, Zwingli serait à l’origine de certains traits du mouvement puritain (cf. Die Fernwirkung Zwinglis, dans Neue Zürcher Zeitung, Il octobre 1931). Par ailleurs il agit, fût-ce par l’entremise de Bucer, sur la formation du Prayer Book, notamment sur le Service de Communion de 1552-1662 (cf. Canon Verney Johnstone, The Story of the Prayer Book, Londres, 1949, p. 39 sq.). La conception théocratique chère à Zwingli a inspiré aussi certaines particularités du christianisme d’État anglo-saxon (cf. H. Kressner, Schweizer Ursprünge des anglikanischen Staatskirchentums, dans Schriften des Vereins für Reformationsgeschichte, n. 168, 1941).

De nos jours, signalons qu’une traduction anglaise des œuvres de Zwingli a été entreprise par S. M. Jackson (cf. Zwingliana, ii, 1912, p. 510 ; comp. en français : A. Bouvier, Ulrich Zwingli d’après ses œuvres, trad. franc, de quelques extraits de ses ouvrages, dans Revue de théologie et de philosophie, Lausanne, 1931, p. 205-232).

En Italie du Nord, le zwlngllanlsme avait poussé des pointes hardies : ses succès furent sans lendemain (cf. W. Köhler, Zwingli und Italien, dans Aus fünf Jahrhunderten schweizerischer Kirchengeschichte. Festschrift zum 60. Geburtstag von Paul Wernte, hrsg. von der Theol. Fak. der Universität Basel, Bâle, 1932, p. 22-23).

4° Le nom de Bucer a été déjà plusieurs fols mentionné. On ne saurait omettre de souligner les liens étroits qui existaient au moment de la Réforme entre Zurich et Strasbourg (cf. A. Erichson, Ulrich Zwinglt und die elsässichen Reformatoren, Strasbourg, 1884 ; W. Kôhler, Zivingli und Strassburg, dans Elsass-Lothringisches Jahrbuch, t. xv, 1942, p. 145-180 ; voir aussi : O. E. Strasser, Die lelzten Anslrengungen der Strassburger Theologen Martin Bucer und Wolfgang Capito, eine Union zwischen den deutschen Lulheranern und den schweizerischen Reformierten herbeizufûhren, dans Zwingliana, t. vi, 1934, p. 5-15).

D’autre part, « si le luthéranisme de l’Allemagne du Sud est demeuré jusqu’à ce jour plus flexible et plus ouvert que celui de l’Allemagne du Nord, c’est pour une large part à l’influence du zwinglianisme qu’il le doit » (W. Kôhler, Die Wirkung und Bedeutung Zwinglis, ut supra, p. 79-80). Par sa liturgie, l’Église luthérienne de Wùrttemberg est apparentée au groupe zurichois de la Réforme (cf. K. Millier, Zut Geschichte der wùrtlembergischen Gottesdienstordnung, 1912, et H. Hermelink, Geschichte der Evangelischen Kirche in Wùrttemberg von der Reformation bis zur Gegenwart, Stuttgart und Tùbingen, 1949, p. 39, 74-75, 77). Ce n’est qu’en 1536, avec la concorde de Wittenberg, que le mouvement en avant de ce type liturgique sera arrêté. Quant aux institutions même de Zurich, notamment le tribunal matrimonial ( Ehegericht), elles ont pénétré, au delà de la Suisse, en nombre de villes d’Allemagne. L’influence idéologique de Zwingli s’étend jusqu’à la Saxe (cf. Beziehungen sâchsischer Theologen zur Kirche Zwinglis, dans Neues sâchsisches Kirchenblatt, 20 décembre 1931). Néanmoins, l’assimilation de Zwingli aux Tâufer a nui dans la suite au rayonnement de sa doctrine en pays luthérien (cf. W. Kôhler, art. cit., dans Zwingliana, t. iii, 1913, p. 25) ; de même qu’en Allemagne du Sud, le bucérianisme tendit à supplanter le zwinglianisme.

5° O. Odlozilik a découvert « un écho de la doctrine de Zwingli en Moravie » et l’existence d’une fraternité d’inspiration zwinglienne groupée autour du village de Habrovany (cf. Zwingliana, t. iv, 1925, p. 257 sq.). On y lisait les ouvrages de Zwingli, notamment la Fidei ratio, qui a fortement marqué la dogmatique de ces Frères. En Slovaquie, Zwingli eut des disciples qui furent l’objet des attaques de Luther dans ses lettres à Franz Revay et à la ville d’Eperies (Jân Kvacala, Dëjiny reformâcie na Slovensku 15171711, 1935, p. 47 et 48).

Partout on constate que le zwinglianisme s’est trouvé chez lui dans les pays qui accueillirent ensuite la doctrine de Calvin, et ceci même nous incline à penser que le lien qui unit les deux systèmes est plus étroit qu’on ne le représente d’ordinaire.

6° Comme l’a écrit W. Kôhler, « tout le problème Zwingli-Calvin-protestantisme réformé n’est pas résolu avec le mot ironique et dédaigneux de Calvin sur les « bons Zurichois »… Calvin a dû être fortement influencé par Zwingli et il ne faut pas enlever à ce dernier la place qui lui revient en tête du calvinisme… » (Huldreich Zwingli, 1923, p. 81 ; cf. K. Guggisberg, Das Zwinglibild des Protestantismus, ut supra, p. 37). Il est vrai — c’est un des résultats de la critique moderne de l’avoir montré — que Calvin n’a pu lire les ouvrages allemands de Zwingli, mais la « dogmatique » de celui-ci est écrite en latin et lui était accessible. En outre, des emprunts par voie indirecte sont probables, entendez : l’influence de Zwingli sur Calvin a passé en nombre de cas par Strasbourg et Bucer. Sur l’ensemble du problème, qui demande encore bien des recherches de détail : cf. C. B. Hundeshagen, Die Conflikte des Zwinglianismus, Luthertums und Calvinismus, 1843 ; A. Lang, Zwingli und Calvin, Bielefeld und Leipzig, 1913 (spécialement p. 79-91 : Von Zwingli zu Calvin) ; Fr. Blanke, Luther, Zwingli und Calvin, 1936 (25 p.) ; id., même titre, dans Die Furche, 1936, p. 421, et dans Sammelband : « Der Gott der Wahrheit », 1936, p. 263-275 ; Ernst Wollf, Luther, Zwingli, Calvin,

ibid., p. 233 sq. ; D. Bêla von Soôs, Zwingli und Calvin, dans Zwingliana, t. vi, 1936, p. 306 sq. ; O. E. Strasser, Der Consensus Tigurinus, dans Zwingliana, t. ix, 1949, p. 1-16 ; P. J. Millier, Die Gottestehre Zwinglis und Calvins. Eine vergleichende Studie, Sneek, J. Campen, 1883, 115 p.