Dictionnaire de théologie catholique/WYCLIF, I. Vie

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 1028-1030).

WYCLIF, hérésiarque anglais considéré comme un précurseur du protestantisme (13287-1384). —
I. Vie.
II. Doctrine (col. 3590).
III. Continuateurs en Angleterre (col. 3606).
IV. Rapports entre Wyclif et Jean Hus (col. 3610).

I. Vie. —

Il existe, en dépit des recherches minutieuses des historiens, de nombreuses obscurités sur la vie de ce personnage. Certains points essentiels sont toutefois désormais hors de doute.

John Wyclif — on écrit aussi, mais à tort, Wiclif ou Wiclef — était originaire d’une famille de petite noblesse, qui possédait le « manoir » de Wycliffe-on-Tees, au Yorkshire. Il naquit probablement au château de ses ancêtres ou dans quelque propriété qui en dépendait. La date de sa naissance, généralement fixée vers 1324, est retardée par son dernier biographe, Herbert B. Workmann, jusqu’en 1328. Le Yorkshire, sa patrie, a passé et passe encore pour porter une race énergique et combative. « Sauf erreur de notre part, écrit Workmann, Wyclif avait toutes les caractéristiques de l’homme du Yorkshire, sans oublier une certaine angularilé… Comme beaucoup de ses compatriotes, il se serait volontiers glorifié de son indéniable indépendance de jugement. » Il est curieux d’observer que sa propre famille resta obstinément attachée au catholicisme et cela jusqu’à son extinction, au début du xix c siècle. Et tout le village de Wycliffe demeura une petite oasis catholique au sein de l’anglicanisme ambiant.

Mais Wyclif, bien qu’il soit devenu, en 1353, à la mort de son père, seigneur du manoir ancestral, n’eut en somme que des rapports espacés avec son pays natal. Il devint de bonne heure, d’abord comme étudiant, puis comme professeur, un homme d’Oxford. Et ce fait domine toute son existence.

Études et premiers travaux.

C’est autour

de 1345 que se place l’arrivée de Wyclif à Oxford, alors en pleine prospérité. Il y entre au collège de Balliol et non, comme on l’a parfois prétendu, à celui de Merton ou à celui de la Reine. Ce ne fut pourtant que, douze ou treize ans plus tard, peut-être en 1358, qu’il devint maître de Balliol, grade qu’il ne faut pas confondre avec celui de maître es arts, qu’il ne conquit qu’au printemps de 1361. Pour expliquer la longueur de ce cycle d’études, il faut se rappeler que la pestenoire ravagea terriblement l’Angleterre, à partir de 1349, interrompant les cours et toute la vie universitaire d’Oxford durant près de quatre ans. Les études, reprises en 1353, se trouvèrent de nouveau suspendues par des émeutes, en 1355. Toute cette pic mière partie de la carrière scolastique de Wyclif fut consacrée a la seule philosophie. Son siècle se passionnait autour du problème des universaux. La querelle des ancien » et des modernes, c’est-à-dire la lutte entre les thomistes et sentistes d’une part (réalistes) et les occamistes mi nominalistes d’autre part remplissait de son fracas toutes les universités de In chrétienté. Wvciif v prit une pari prépondérante et, à l’heure même où triomphal ! le nominnlisme. il se proclamait réaliste outraneier et intransigeant. Voir plus bas l’exposé de sa doctrine.

Selon l’usage. Wyclif fui récompensé de ses efforts et de ses sucres à l’université par l’octroi d’un héné

flee. Il fut installé recteur ou curé de Fillingham, le 14 mai 1361. II avait dû recevoir les ordres de son archevêque, celui d’York, John Thoresby, mais nous ne savons ni où ni à quelle date. Deux ans plus tard, il obtenait l’autorisation de se faire remplacer par un vicaire et d’aller poursuivre ses études à Oxford. Dans l’intervalle, en 1362, il avait obtenu un second bénéfice, celui d’Aust, qui dépendait de la collégiale de Westbury-on-Trym, non loin de Bristol. Il fut donc ce que l’on appelait alors un « pluraliste » et aussi un « absentéiste », bien qu’il ait été l’un des critiques les plus mordants des abus que ces deux noms rappellent et qui rongeaient alors l’Église.

Commencées en octobre 1363, ses études de théologie furent couronnées en mars 1369 par le titre de bachelier, puis à l’automne de 1372 par celui de docteur que l’on recevait alors au milieu de démonstrations solennelles autant que coûteuses. Dans l’intervalle, le 12 novembre 1368, Wyclif avait échangé sa cure de Fillingham contre celle, plus rapprochée, de Ludgershall et il avait, en octobre 1370, commencé à enseigner la théologie en commentant, selon la coutume, le Livre des Sentences de Pierre Lombard. Si l’on en juge par la parenté des doctrines, ses auteurs préférés furent Robert Grosseteste, le pieux évêque de Lincoln, qui avait enseigné à Oxford de 1205 à 1235, voir ici t. vi, col. 1885 ; Thomas Bradwardine, surnommé le Doctor profundus et qui n’avait quitté sa chaire d’Oxford que pour aller mourir à Lambeth en 1349, comme archevêque-nommé de Cantorbéry, avant d’avoir été intronisé, voir Thomas Bradwardine, ci-dessus, col. 765 ; enfin Richard Fitzralph, connu sous le nom de Doctor armachanus, lui aussi ancien maître d’Oxford et mort à une date récente (1360), voir t. xiii. col. 2667. C’est à Bradwardine que Wyclif semble avoir emprunté sa doctrine de l’universelle nécessité et à Fitzralph celle de la « suzeraineté dérivée de Dieu et conditionnée par l’état de grâce ».

Cependant, les autorités qu’il invoque constamment dans ses écrits sont d’une part celle de la Bible qu’il place au-dessus de tout, comme on le verra plus bas, d’autre part celle de saint Augustin, qui est évidemment pour lui le plus grand docteur du passé et à travers lequel il rejoint Platon, qu’il place bien au-dessus d’Aristote. Ses références et citations sont du reste en général peu exactes et peu précises.

En tant que professeur scolastique, Wyclif ne fut point original. Il se distingua uniquement par la ténacité poussée jusqu’à l’absurde de sa logique réaliste. Un historien anglais des universités médiévales, H. Rashdall. a dit de lui qu’il était peut-être « le plus embrouillé et le plus obscur de toute l’armée scolastique ", ce qui n’est certes pas peu dire ! l’niversities of Europe in the. Middle Ar/rs. 1895, t. ii, p. 541.

C’est au cours de la période que l’on vient de parcourir que Wyclif commença à écrire. Il devait être l’un des auteurs les plus féconds de son temps. Outre des ébauches philosophiques, antérieures à ses études théologiques, il publia en octobre 1370 son De benedielii inrarnatione.

Incursion dans le domaine politique.

Sans

que l’on puisse dire comment la chose se produisit. Wyclif enlra au service de la Couronne, un peu avant la conquête de son doctorat. Il est probable que les idées dont il devait remplir ses ouvrages postérieurs lui él aient déjà Familières, et comme elles étaient favorables au pouvoir civil à la fois dans sa politique envers le pape et dans son attitude envers le clergé

national, l’attention de l’un des plus Importants per

sonnages de l’Étal à cette date, à savoir Jean de

Gand, le troisième Als d’Edouard iii. fut attirée sur

lui. Pour Comprendre le genre (le services que l’on

pouvait attendre de lui quelques explications sont nécessaires.

La guerre de Cent ans, cette formidable rivalité entre la France et l’Angleterre, était entrée dans sa seconde phase. L'ère des grandes victoires anglaises paraissait close. Les jours de Crécy (1346) et de Poitiers (1356) étaient loin. Le roi de France, Charles V le Sage, aidé par la vaillance de Du Guesclin, réparait les infortunes des règnes précédents. Les Anglais bientôt ne posséderaient plus, sur le continent, que quelques ports. Le royaume anglais se trouvait donc humilié par la défaite, appauvri par le poids des dépenses de guerre. Le long règne d’Edouard III s’achevait dans une sorte de décrépitude et dans le scandale de sa liaison avec la rapace Alice Perrers. Juste à ce moment, les relations entre la Couronne et le Saint-Siège, alors établi en Avignon, se tendaient de plus en plus. Au début, le séjour des papes au Comtat-Venaissin n’avait soulevé en Angleterre aucune objection. Plus tard, la fiscalité pontificale s'était faite plus exigeante et le mécontentement s'était traduit par des listes de griefs sans cesse répétés. On reprochait au Saint-Siège des « provisions » accordées par le pape à des étrangers, c’est-à-dire des bénéfices situés en Angleterre mais donnés à des nonvnglais. On se plaignait de l’abus des « réservations », en vertu desquelles le pape enlevait la collation des bénéfices à leurs collateurs naturels pour se la réserver à lui-même. Mais les papes savaient partager leurs avantages avec les rois, en sorte que les plaintes des sujets restaient vaines. À partir de l’avènement de Clément VI (1342-1352), qui avait été le chancelier du roi de France Philippe VI de Valois, une vive opposition se propagea en Angleterre contre des pontifes que l’on estimait inféodés à un prince contre lequel on était en guerre. On soutenait que les redevances payées au Saint-Siège par les bénéfices anglais ne servaient qu'à fournir des armes à la France. Les parlements anglais se prononçaient régulièrement contre toute intrusion de la cour de Rome dans les affaires d’Angleterre. De là ces Statute of Provisors et Statute of Præmunire qui avaient pour but d’empêcher les collations de bénéfices en Angleterre par le pape. Or, à la suite d’une manifestation hostile du parlement de 1365, le pape Urbain V (1362-1370) s’avisa de réclamer le paiement du cens promis au Saint-Siège par le roi Jean-sans-Terre, en 1213. Ce cens qui s'élevait à 1000 marks annuels n’avait pas été payé depuis 1333. Le pape n’oubliait pas de le rappeler en demandant les arrérages. Ce fut, dans toute l’Angleterre, la cause d’une véritable indignation. Le Parlement n’hésita pas à déclarer que l’acte d’inféodation de l’Angleterre au Saint-Siège, de la part de Jean-sans-Terre, n’avait jamais été valide, puisqu’il avait été fait sans le consentement de la nation. Ce conflit fut le point de départ d’une lutte fort vive entre le pape et le gouvernement royal. Et ce fut au cours de cette lutte que la Couronne fit appel à maître John Wyclif. Il se para dans un de ses écrits du titre, pour nous obscur, de peculiaris régis clericus. Le 26 juillet 1374, il fut désigné pour prendre part, en qualité de commissaire du gouvernement, aux négociations qui devaient se dérouler à Bruges avec les envoyés du pape Grégoire XI (1370-1378). Or, cette incursion de Wyclif dans la politique ne servit qu'à lui montrer à quel point les usages de cet art sont éloignés de la logique pure. Pendant que les envoyés du roi opposaient à Bruges la résistance la plus rogue aux prétentions de la Curie, le roi trouvait avantage à négocier directement avec Avignon et concluait une sorte de concordat, par lequel les deux puissances s’accordaient au détriment de la nation. "Wyclif revint donc de Bruges tout à fait désen chanté. Le parlement de 1376 protesta hautement contre le concordat royal. Les vieux griefs, sans cesse grossis, furent remis plus que jamais en circulation. Il se développa, en Angleterre, un courant antipapal et anticlérical, dont Wyclif devint rapidement l’un des chefs. « La Curie, disait-on, prélève en taxes sur les bénéfices anglais une somme cinq fois supérieure aux revenus du roi lui-même. Le pape donne à des étrangers ou à des ignorants, moyennant finances, les meilleures prébendes du royaume. Il n’y a pas dans toute l’Europe un seul prince qui possède en revenus le quart des redevances que l’Angleterre paie au pape et cet argent ne sert qu'à payer la rançon des Français pris à la guerre ou à mener les hostilités en Lombardie. » Tout cela était évidemment très exagéré, mais les excès même de ces récriminations servent à montrer à quel point les esprits étaient montés contre le Saint-Siège. Or, Wyclif se fit le porte-parole le plus dogmatique et le plus implacable de ces plaintes de son pays contre la papauté.

Activité réformatrice.

On se tromperait lourdement en ne voyant en lui qu’un agitateur populaire. Il était et restait avant tout un scolastique

d’Oxford, un théologien, un philosophe, en même temps qu’un réformateur religieux. Comme théologien, il prétend résoudre les problèmes alors si brûlants du « droit à la suzeraineté », du « droit de possession » dans le clergé tant séculier que régulier, du « droit de juridiction » du pape, de la valeur des sacrements dans la vie chrétienne, de la nécessité de prêcher au peuple. Et comme réformateur, il en viendra bientôt à prendre lui-même en main l’instruction religieuse populaire, en envoyant de sa propre autorité, à travers le royaume, des prédicateurs ambulants appelés les pauvres prêtres et surnommés presque aussitôt les lollards.

Suivons cette double activité, dans les dix dernières années de sa vie. Le 7 avril 1374, il avait reçu de la Couronne, en récompense de ses services, la cure bien rentée de Lutterworth, à quelque vingt kilomètres au sud de Leicester. Il avait, pour cela, résigné son bénéfice de Ludgershall. Puis, il s'était fait remplacer dans sa cure et, à son retour de Bruges, était revenu à Oxford. Dès le mois d’octobre 1374, il commençait la publication d’une Somme théologique, formée de traités détachés les uns des autres, dont voici les principaux : De dominio divino (1375) ; De civili dominio (1376) ; De veritate Scripturæ (1378) ; De Ecclesia (très copié par Jean Hus) (1378) ; De officio régis (1378) ; De potestate papæ (grandement utilisé lui aussi par Jean Hus) (1379) ; De ordine christiano (1379) ; De apostasia (1379) ; De eucharistia (1379) ; Confessio (mai 1381) ; De blasphemia (mars 1382) ; Trialogus (automne 1382, l’un des plus importants ouvrages de Wyclif) ; Opus evangelicum et De citationibus frivolis (1383-1384) ; De quattuor sectis novellis (août 1384).

Cette liste ne contient, comme on le voit, que des ouvrages en latin. Aussi ne donne-t-elle pas une idée complète de la prodigieuse activité littéraire de Wyclif. Il avait rencontré, à l’université d’Oxford, des adversaires résolus, surtout parmi les religieux des ordres mendiants, en fréquentes querelles soit avec les membres du clergé séculier, soit avec ceux que l’on appelait les « moines possessionnés ». Au début, Wyclif avait eu des sympathies pour les « frères », ainsi que l’on nommait familièrement les religieux des ordres mendiants, car il était hostile à toute possession de la part du clergé et à tout emploi du clergé dans les grandes charges civiles. Mais ses idées sur l’eucharistie et sur d’autres sujets dogmatiques l’avaient mis en conflit avec ses anciens amis, et dès lors il se montra l’ennemi acharné des mendiants. Il

bénéficiait par contre de l’appui discret mais efficace de Jean de Gand, duc de Lancastre, et aussi de la population londonienne, que ses sermons avaient plus d’une fois excitée contre le haut clergé. C’est à ces deux sources de protection qu’il faut attribuer l’échec relatif de la répression de ses doctrines. En février 1377, il avait été cité à Saint-Paul de Londres, par l’évêque de la cité, Guillaume de Courtenay. Mais il avait été protégé par le maréchal de la cour, en personne, Henry Percy, au nom du duc de Lancastre. Puis une émeute, dans laquelle il n’était du reste pour rien, avait arrêté la procédure. En mai suivant, le pape Grégoire XI avait lancé contre lui et contre ses doctrines des bulles de condamnation, le citant à comparaître devant le Saint-Siège. Mais cette citation même était apparue à beaucoup comme un empiétement sur les libertés anglaises. Wyclif y avait répondu avec dédain par une Prolestatio et des Conclusions, où il s’élevait avec force contre le pape Grégoire XI, assimilé par lui à l’Antéchrist.

Au préalable, l’université d’Oxford, par l’organe de son chancelier, Rigg, l’avait bien invité à se rendre de lui-même en prison, mais cela n’avait été qu’une mise en scène. Il semble que ce soit précisément à partir de cette époque, fin 1377, que Wyclif ait commencé à envoyer à travers tout le pays ses « pauvres prêtres », munis de sermons et de tracts tout faits, pour prêcher, selon ses instructions, la véritable vie chrétienne fondée sur la Bible. En mars 1378, une citation devant l’archevêque-primat de Cantorbéry, Sudbury, a Lambeth, se termina comme une farce, grâce à l’intervention de la cour et de la populace de Londres.

En cette même année 1378, éclata, comme on le sait, le Grand Schisme, qui divisa l’Église en deux camps ennemis et acheva de discréditer la papauté dans l’esprit d’un trop grand nombre. Wyclif qui avait d’abord salué l’élection d’Urbain VI avec sympathie, en raison des vertus prêtées à ce personnage, se tourna ensuite avec une violence inouïe contre lui et contre l’institution même de la papauté. De 1378 à 1384, le novateur déploie une activité incroyable. Il est tantôt à Oxford où l’opinion universitaire est très partagée et où il a des partisans déterminés aussi bien que des adversaires résolus, tantôt dans sa cure de Lutterworth, où il travaille pour ses poor pries/ers, fait traduire à l’intention du peuple la Bible en anglais par ses amis Nicolas de Hereford et Purvey — à partir de 1380 — et publie les traités dont on a vu les titres plus haut. On notera que la traduction de la Bible dont il vient d’être question ne lui est plus attribuée par les historiens d’aujourd’hui. Il est avéré en effet qu’il n’y a pas travaillé en personne, mais il est admis aussi que c’est sous son impulsion et par ses conseils que ce travail a été entrepris et poursuivi. En fait, il y a eu deux traductions, la première par Hereford et Purvey, trop littérale et maladroite, la seconde par Purvey seul, beaucoup plus élégante et plus méritoire, mais qui ne devait être publiée que onze ans après la mort de Wyclif, dans l’été de 1395.

Un autre épisode de CM dernières années de Wyclif, 68 fut la révolte des paysans de mai-juin 1381, au cours de laquelle l’archevêque de Cantorbéry, Sudbury, fut massacré. Cette révolte, causée par la misère, ne se rattachait qu’assez indirectement au mouvement lollard, mais il semble bien qu’on en ail rendu Wyclif en partie responsable, ce QUI aurait achevé de rompre les liens entre lui et la Couronne. Quoi qu’il en soit, il prit plutôt la défense des paysans durement réprimés, dans son tract Servante and Lord » (automne de 1381). Ses amis, Hereford, Aston. Bedeman,

s’agitaient beaucoup à Oxford. Sans oser s’en prendre

directement à Wyclif, dont l’autorité paraît avoir été immense à cette date, Guillaume de Courtenay, devenu archevêque-primat de Cantorbéry, le 9 septembre 1381, réunit à Londres, aux Blackfriars, c’est-à-dire chez les dominicains, un synode, qui dura du 17 au 21 mai 1382, et se termina par une condamnation en règle des doctrines wyclifites. En guise de protestation, un lollard, nommé Repingdon, fit à Oxford un sermon retentissant, qui mit toute l’université en grand émoi. Un second synode aux Blackfriars, les 12 et 13 juin 1382, vint alors frapper le chancelier Rigg et les autres partisans de Wyclif à Oxford. Rigg se hâta de se soumettre. Repingdon et Hereford furent suspendus de leurs fonctions universitaires, le 15 juin, puis formellement condamnés, le 18 juin, par un troisième synode aux Blackfriars. En novembre 1382, Wyclif, confiné dans sa cure de Lutterworth, eut une première attaque de paralysie. À peine remis, il se replongea dans le travail. Ses deux dernières années furent les plus fécondes de toutes en productions littéraires, soit latines soit anglaises. Le 28 décembre 1384, pendant qu’il assistait à la messe, dans son église paroissiale, il eut une seconde attaque, dont il mourut le 31, trois jours plus tard. Comme il n’était pas excommunié nommément, il reçut des funérailles religieuses. Mais trente et un ans plus tard, le 4 mai 1415, le concile de Constance, en condamnant ses écrits, prescrivait l’exhumation de ses restes. Dans l’intervalle, un de ses anciens disciples, Repingdon, était devenu évêque de Lincoln, dont dépendait Lutterworth. Il fit la sourde oreille pour l’exécution de la sentence du concile. Mais elle fut renouvelée, péremptoirement, par le pape Martin V, le 9 décembre 1427, si bien que les ossements de Wyclif, exhumés par les ordres de l’évêque Fleming, furent brûlés et jetés dans la Swift, la petite rivière qui arrose son ancienne paroisse (printemps de 1428).