Dictionnaire de théologie catholique/WITASSE Charles

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 1023-1024).

WITASSE Charles, théologien français (16601716), lui-même écrivait son nom Vuitasse. — Né à Chauny, près de Noyon, le Il novembre 1660, il entra, après de brillantes études, dans la société de Sorbonne, en 1688 ; l’année suivante il en devenait prieur ; peu après, le 21 mars 1690, il prenait le bonnet de docteur ; en 1696 il était nommé professeur royal de théologie. Il occupa cette chaire jusqu’en 1714, en dépit des sympathies qu’il ne ménageait pas aux « disciples de saint Augustin ». La publication de la bulle Unigenitus troubla sa quiétude. Ayant pris vivement parti contre elle comme beaucoup de ses confrères de Sorbonne, il fut, par ordre royal, exilé à Noyon. Il parvint d’ailleurs à rester caché à Paris, mais fut naturellement destitué de sa chaire. À la mort de Louis XIV (1 er sept. 1715), il put se montrer à découvert et des démarches furent entreprises pour lui faire rendre son enseignement. Elles allaient aboutir quand le docteur fut frappé d’une attaque d’apoplexie qui ne tarda pas à l’emporter ; il mourut pieusement le 10 avril 1716, qui était le vendredi saint.

Encore qu’il ait exercé une grosse influence, surtout par son enseignement, qui était fort goûté, Witasse a publié très peu de choses. En 1695, il prit parti dans la controverse sur la Pàque soulevée depuis 1689 par le P. Bernard Lamy : le Christ, à la dernière Cène, a-t-il, oui ou non, fait la Pâque juive ? Cf. ici, t. viii, col. 2552. Comme beaucoup d’autres exégètes, Witasse, à rencontre de Lamy, prit parti pour l’affirmative : Traité de la Pâque, ou lettre d’un docteur de Sorbonne à un docteur de la même maison touchant le système d’un théologien espagnol sur la Pâque, Paris, 1695. Le théologien espagnol en question n’était autre que Louis de Léon, voir ici t. ix, col. 359 sq., qui avait donné un traité De utriusque agni tijpici atque immolationis legitimo tempore. Le P. Lamy ayant répondu au Traité de la Pàque où son système était attaqué, Witasse répliqua dans le Journal des Savants de 1696, où furent insérées aussi une réponse de Lamy et une nouvelle réplique de Lamy, cette dernière en 1697.

Après la mort prématurée de notre théologien, ses amis songèrent à publier les cours qu’il avait dictés en Sorbonne. C’est ainsi que parurent successivement un De sacramento pœnitenliæ, Paris, 1717 ; unûe sacramento ordinis, même lieu, même date ; un De augustissimo altaris sacramento, 1720 ; un De incarnatione, mais surtout le De Deo uno et trino, 1722, qui est certainement le chef-d’œuvre de Witasse (reproduit dans Migne, Theologise cursus completus, t. viii, col. 1-723). Voir ci-dessus, art. Trinité, col. 1778. Toute cette littérature théologique a été reproduite dans une édition d’ensemble : Tractatus iheologici, Venise, 1738, 4 vol. in-4°, il y figure d’ailleurs un traité de la confirmation (texte dans Migne, ibid., t. xxi, col. 5451208) qui n’est certainement pas de Witasse. Au t. xxvi et dernier du même recueil de Migne est donné un mémoire français de Witasse : Liste des meilleurs ouvrages sur chaque branche de la science religieuse ; indication des questions principales qui peuvent être posées comme matière des conférences ecclésiastiques. Encore que ce texte ait été glosé et amplifié par l’éditeur, il ne laisse pas de faire saisir l’étendue des connaissances de Witasse et sa perspicacité à démêler les vrais problèmes de la théologie. Nous avons certainement ici affaire avec l’ouvrage attribué à Ellies du Pin : Méthode pour étudier la théologie avec une table des principales questions à examiner et à discuter dans les études théologiques et les principaux ouvrages sur chaque matière, in-12, 1716.

Le Moréri est plein d’éloges pour Witasse : « Il traitait, dit-il, les mystères avec respect, l’histoire avec érudition et la scolastique avec netteté. Son style était à la fois simple, net et concis. » Par ailleurs, ses qualités morales répondaient à sa capacité. Il est, somme toute, un type fort représentatif des sorbonnistes du xviiie siècle.

Moréri, Le grand dictionnaire, t. x, au mot Witasse ; Michaud, Biographie universelle, t. xliv, au mot Vuitasse ; Hurter, Nomenclator, 3e éd., t. IV, col. 739-740, cꝟ. 844 (un peu animé contre cet adversaire de la bulle Unigenilus).

É. Amann.