Dictionnaire de théologie catholique/VIOLENCE

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 778-782).
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VIOLENCE.
I. Notion.
II. Conséquences morales (col. 3088).
III. Effets juridiques (col. 3090).

I. Notion.

Le mot et la chose.

Entendue au sens le plus large, la violence (vis, niolentia, chez les Latins) est définie par saint Thomas, à la suite d’Aristote, Ethlc, I. III, c. i : /rf cu/us principium est extra, nihil ronfemite eo quod vim patitur. Sam. theol., WI 1, q. vi, a. 4, ad l um ; cf. II » -II ! P, q. clxxv. a. 1 ; De vent., q. XXII, a. 5. En ce sens, la violence S’oppose au « spontané », qui est selon la tendance 308 ;

VIOLENCE

3088

naturelle des êtres. Ainsi le mouvement d’une pierre lancée en l’air est violent, attendu que, par nature, la pierre est inerte, ou, si elle se meut seule, c’est pour tomber, descendre, en vertu de la loi de l’attraction ; il faut une intervention extérieure, allant contre la tendance de la pierre, pour qu’elle monte : Violentum est quod est contra inclinationem rei. I a, q. lxxxii, a. 1. Chaque être en effet se dirige vers ce à quoi il tend, selon son inclination propre, qu’elle soit volontaire ou seulement naturelle.

Appliquée à des êtres raisonnables, la violence prend plutôt le nom de contrainte (coactio) et revêt aussitôt un aspect juridique et moral en raison des effets qu’elle produit et des conséquences qui en résultent tant pour l’individu que pour la société. Ce qui caractérise la contrainte imposée à un homme, c’est la possibilité ou au moins le droit de résister à la violence qui lui est faite. C’est pourquoi le droit justinien définissait la violence : Majoris rei impetus cui resisti non potest. Dig., t. IV, tit. ii, fr. 2. Et les moralistes : Motio quædam ab extrinseco impressa subjecto rcsistenti, cf. Bouquillon, Theol. mor. fundam., 3e éd., n. 344. La résistance est donc, en définitive, une inclination volontaire contraire à un mouvement violent.

Conditions requises.

Il y en a deux :

1. Il faut que la motion, le mouvement vienne de l’extérieur (ab extrinseco), car nul ne peut, à proprement parler, se faire violence à soi-même ; sinon l’individu serait à la foi consentant et opposé. On note cependant que Suarez, De vol. et invol., disp. II, sect. vi, n. 5, suivi par un petit nombre d’auteurs, prétend qu’il y a violence chaque fois que la volonté subit les influences d’autres facultés, ainsi imaginations mauvaises des sens internes, mouvements de concupiscence de l’appétit sensible, doutes contre la foi venus de l’intelligence. Mais ces mouvements sont considérés comme appartenant davantage à la passion qu’à la violence.

2. Il faut, en second lieu, que ce mouvement soit contraire à l’inclination de la volonté, le patient résistant de toutes ses forces à la contrainte qui lui est imposée. On ne saurait donc qualifier de violent un acte, même ayant son principe à l’extérieur, qui trouverait dans la volonté une certaine connivence, un début de consentement, ou auquel la volonté ne résisterait pas efficacement.

Espèces.

1. C’est précisément en raison de ce

comportement de la volonté que l’on peut distinguer tout d’abord : la violence proprement dite (appelée aussi physique, absolue), qui se trouve réalisée lorsque le patient « résiste autant qu’il peut et ne consent en aucune manière » (ainsi la mort infligée à un individu qui défend sa vie) ; la violence au sens large (dite également relative, imparfaite, secundum quid), qui existe lorsque le patient s’oppose à la contrainte mais insuffisamment, pas autant qu’il le pourrait, soit qu’il se comporte passivement alors que la résistance est possible, soit qu’il se résigne à accepter une chose inévitable, toute résistance étant impossible (ainsi les martyrs aux arènes auraient pu opposer une certaine résistance, il préférèrent la résignation).

La violence se distingue donc nettement : a) de la nécessité, qui peut venir de l’intérieur ; — b) de V involontaire, qui, lui aussi, peut avoir son principe ab intrinseco, lorsque l’agent connaît mal ou ignore la fin. Il est vrai de dire que tout ce qui est violent est nécessaire, et par conséquent involontaire, si l’agent est libre ; mais on ne saurait dire que tout ce qui est nécessaire ou involontaire est violent. — c) de la violence morale, faite de menaces, d’objurgations, d’importunités ; celle-ci se rencontre avec la crainte grave, lorsque la résistance ne peut empêcher l’acte

violent d’être accompli : c’est le cas de celui qui sort de sa maison en marchant sur ses pieds, sachant bien qu’il en serait expulsé manu militari, s’il s’obstinait dans la résistance. Cf. Merkelbach, Summa theol. mor., t. i, n. 68.

Saint Thomas fait remarquer, Ia-IIæ, q. vi, a. 6, ad l um, que, dans le cas de violence physique (qu’il appelle sufficiens et compellens), la volonté ne pose absolument aucun acte, elle n’apporte aucune coopération ni consentement, cf. In // um Sent., dist. XXV, q. i, a. 2 ; tandis qu’elle apporte un certain concours (aliquid confert) à l’acte posé sous l’empire de la crainte. Voir Crainte, t. iii, col. 2013.

2. Outre les différents degrés de résistance, on peut distinguer les divers modes d’opposition à la violence.

Celui qui la subit peut résister de trois manières : a) à la fois intérieurement (par une opposition irréductible de la volonté) et extérieurement, par des gestes, efforts, prières, cris, menaces, qui manifestent son dissentiment intérieur ; — b) de façon purement interne, sans que rien ne trahisse au dehors l’attitude d’opposition de sa volonté ; — c) de façon purement externe, tout en acceptant intérieurement : tel serait le cas de la vierge opprimée qui crierait et se débattrait, tout en donnant un consentement interne à l’acte violateur.

II. Conséquences morales.

1° Violence et volonté. — On sait que la volonté produit deux sortes d’actes : les uns immédiatement par elle-même et se terminant en elle, par ex. aimer, vouloir ; on les appelle élicites (actus elicitus). Les autres sont commandés par elle, mais accomplis par d’autres puissances : par exemple une pensée voulue, une parole voulue, une marche voulue ; on les appelle impérés (actus imperatus).

Or, il est certain que la violence ne saurait atteindre les actes élicites de la volonté. Cf. l*-ll K, q. vi, a. 1. La raison en est, dit le Docteur angélique, que l’acte violent est, par définition, celui qui provient d’un principe extrinsèque et va à rencontre des inclinations du patient ; l’acte élicite au contraire a essentiellement un principe intrinsèque et dans le sens de l’inclination du sujet. Ibid., a. 4 et 5. Il répugne donc qu’un acte soit à la fois élicite et violenté, car il serait à la fois volontaire et involontaire. C’est pourquoi nul ne saurait, à proprement parler, être contraint d’aimer, de désirer, de consentir… Contra ralionem ipsius actus volontatis est quod sit coactus vel violentus, dit saint Thomas, I » -IIe, q. vi, a. 4. Et saint Anselme illustre cette même idée : Ligari potest homo invitus, quia nolens potest ligari… ; velle autem non potest invitus, quia velle non potest nolens velle ; nam omnis volens suum velle vult. De lib. arbilrio, c. v.

Mais la violence peut bien atteindre les actes impérés (actus imperatos). La raison en est que les facultés chargées d’exécuter Y imperium de la volonté exercent leur action par l’intermédiaire d’organes sensibles ; aussi sont-elles susceptibles d’être mises en mouvement par un principe extrinsèque. C’est ainsi que la violence peut les empêcher de suivre l’imperium de la volonté. C’est le cas, par exemple, de celui dont on fait plier les genoux devant une idole, dont on conduit la main pour lui offrir de l’encens ou encore dont on ouvre les yeux de force pour qu’ils voient.

On notera, avec saint Thomas, que cette contrainte exercée de l’extérieur sur la volonté, peut atteindre non seulement les puissances extérieures (membres, organes), mais encore les facultés inférieures de l’âme, telles qu’imagination et sensibilité. C’est ainsi que procèdent ordinairement les anges bons ou mauvais. IMI*, q. lxxx, a. 2. En regard de la volonté, ces actes sont des actes violents, puisque ces facultés inférieures sont mises en mouvement contre son incli

nation. Mais en regard de ces facultés elles-mêmes, ils ne peuvent être qualifiés de violents qu’en tant qu’ils procèdent d’un principe qui ne leur est pas connaturel, mais non pas en ce sens qu’ils sont produits contre l’inclination de ces mêmes facultés : c’est ainsi que les yeux ayant été ouverts de force, la vision perçue à ce moment n’est pas en elle-même et immédiatement violente, mais simplement naturelle. Cf. Bouquillon, Theol. mor., p. 643.

On peut donc conclure que la violence n’enlève pas la liberté intérieure, attendu qu’elle ne peut atteindre les actes élicites de la volonté ; mais elle peut ôter, dans une proportion variable, la liberté extérieure puisqu’elle a la possibilité de s’étendre aux actes impérés. Maroto Instit. jur. can. t. i, n. 395.

Violence et moralité.

La violence par elle-même,

n’a aucune influence sur la moralité des actes qu’elle affecte, puisque, à son degré suprême (vis absoluta) elle leur enlève tout caractère volontaire, involuntarium causât, dit saint Thomas. I a -n æ, q. vi, a. 1.

La violence secundum quid diminue le volontaire, dans la mesure de son degré d’intensité, et aussi selon le degré d’acquiescement de la volonté. C’est qu’en effet la volonté peut se comporter diversement à l’égard de la violence qui lui est faite, résister à divers degrés et de diverses manières. Aussi, pour juger de la moralité des actes du violenté, il faut considérer les degrés et les modes de résistance de celui-ci.

1. S’il résiste de toutes ses forces (c’est-à-dire autant qu’il peut moralement) à la fois intérieurement et extérieurement, l’acte posé sous l’empire de la violence est tout à fait involontaire, et n’est, par conséquent, aucunement imputable. On peut donc conclure que la violence absolue excuse de tout péché. Génicot-Salsmans, Inst. theol. mor., t. i, n. 26.

, Il pourrait se faire cependant que la liberté intérieure et donc l’imputabilité (si l’acte est mauvais) ou le mérite (s’il est bon) soient plus ou moins diminuées, dans le cas où l’acte violent provoquerait des mouvements de passion qui inclineraient la volonté au consentement ; et cela d’autant plus fortement que serait plus vivement ressenti le plaisir qui accompagne nécessairement l’acte extérieur. C’est le cas de la jeune fille qui, tout en résistant pleinement et de toutes ses forces à l’acte violateur, est cependant inclinée, tentée de consentir au plaisir.

2. Si le patient résiste extérieurement autant qu’il le peut, mais consent intérieurement, par complaisance pour l’acte violent (cas de la jeune fille cité), l’acte externe ne lui est pas imputable ; mais le consentement interne est voulu, donc coupable si l’acte est mauvais. Cependant la culpabilité pourra être diminuée en raison de la passion excitée par l’acte violent, sans que le patient l’ait provoquée.

3. Si le sujet violenté ne résiste pas extérieurement tout en donnant intérieurement son consentement, l’acte violent n’est plus involontaire, mais voulu ; on pourrait même l’appeler indirectement volontaire », dans le cas où le patient avait l’obligation de résister.

4. Même solution dans l’hypothèse où le sujet violent é résiste intérieurement, mais ne s’oppose pas exti rieurcment avec toute l’efficacité requise, surtout quand la résistance est un devoir strict.

5. Enfin, si le patient a une attitude extérieure purement passive, sans consentir ni s’opposer, mais intérieurement nettement résistant, l’acte extérieur qu’il permet ainsi librement sera appelé volontaire m causa, donc peccamineux toutes les fois que la résistance extérieure s’impose.

Résistance et imputabiliti.

C’est selon les

principes du volontaire In causa et de la coopération matérielle au péché d’autrui que devront être résolus

les cas de violence ayant un objet mauvais, et ce sont les circonstancs qui indiqueront si le patient a péché ou non.

Pratiquement la question morale se ramène à celle-ci : Quand y a t-il obligation de résister à la violence lorsque celui qui l’inflige propose des choses déshonnêtes ou gravement défendues ?

1. Dans tous les cas et en toute hypothèse, la résistance intérieure s’impose, absolue, totale, sinon il y aurait coopération formelle et coupable à un acte mauvais.

2. La résistance extérieure elle-même sera normalement requise. Elle le sera, et de façon positive, active, si par cette attitude le patient peut de façon utile et sans inconvénient proportionné pour lui, empêcher le mal ou écarter une action néfaste d’autrui. On notera cependant que cette solution imposée par la justice, la charité ou toute autre vertu, est avant tout une solution « pratique », qu’aucun principe général ne peut préciser à priori. Cf. Vittrant, Théol. mor., n. 22.

3. Même si la résistance apparaît inutile pour écarter la faute extérieure, il peut y avoir obligation stricte de résister, soit pour écarter tout danger sérieux de consentement, soit pour écarter un scandale (par ex. en matière de foi). C’est pourquoi les moralistes s’accordent à enseigner qu’en matière de chasteté la résistance extérieure s’impose, à cause du danger de consentement. Cf. Vermeersch, Theol. mor., t. i, n. 77 ; Marc-Gestermann, Instit. morales, t. i, n. 283. Cependant, dit Noldin, Theol. mor., n. 58, « si cette résistance positive devenait inutile ou trop difficile, le patient serait excusé d’y recourir, pourvu qu’il soit assuré de ne pas consentir ».

De même en matière de foi, une résistance extérieure, même inefficace, doit parfois être tentée, au moins à titre de « protestation », lorsqu’une protestation silencieuse serait jugée insuffisante pour sauvegarder les droits et l’honneur de la religion, ou pour écarter le scandale.

Vermeersch fait même remarquer très justement que, quand la violence est uniquement le fait de celui qui y a recours, sans coopération aucune du patient (par ex. le voleur, l’homicide, les meurtriers du Christ), l’obligation de résister, de fuir, etc., est très variable selon les cas, et elle peut même ne pas exister. Et l’auteur cite comme exemple Socrate, qui, au dire de Platon, refusa de fuir, afin de ne pas paraître mépriser les lois. Les martyrs, pour la plupart, ne crurent pas devoir fuir ni résister. Theol. mor., t. i, n. 77.

III. Effets juridkjues.

Lorsque du domaine moral (qui est aussi celui du for interne), nous passons dans l’ordre juridique (qui concerne plus spécialement le for externe), deux remarques préliminaires s’imposent : 1. C’est surtout de la violence physique que nous aurons à parler. La violence morale en effet se ramène pratiquement à la crainte ; et, bien que le droit fasse à cette dernière une grande place, nous n’en parlerons ici que pour autant que, dans certaines affaires, elle ne se sépare pas pratiquement de la violence (vis et metus) ; c’est qu’en effet souvent la crainte est causée par la violence, ou du moins s’accompagne de violences ou de menaces. — 2. En morale les auteurs définissent la « violence absolue » : celle a laquelle le patient résiste effectivement, autant du moins qu’il peut le faire moralement et qu’il y est tenu. En regard du for externe et pour tout ce qui concerne les effets juridiques, la violence absolue (au sens du can. Kt3) n’est pas nécessairement celle à laquelle on résiste en fait extérieurement (la résistance intérieure étant toujours supposée), mais celle à laquelle il n’est pas possible de résister », en d’autres ternies.

celle qui rend toute résistance inutile. Si, au contraire, eu égard aux circonstances, on eût pu, par une résistance extérieure, empêcher les efïets de la violence, les actes ainsi posés doivent être tenus pour valides, à moins qu’il ne s’agisse de ces actes, que la violence extrinsèque, même non absolue, suffit à invalider : admission au noviciat, profession religieuse, mariage, dont nous parlerons à part.

Cependant, comme dans la pratique la plupart des actes entachés de violence le sont aussi de crainte, il y aura lieu d’appliquer la règle établie au can. 103, § 2, quant aux actes accomplis « sous le coup d’une crainte grave et injuste ». Ces actes restent valides, aux termes du droit, à moins que la crainte ne trouble totalement l’esprit et que la loi n’ait pas statué le contraire dans des cas spéciaux. Mais ces sortes d’affaires peuvent donner lieu à une action en rescission (can. 1684-1689) soit d’office, soit à la demande de la partie lésée.

Quant aux actes entachés de violence irrésistible et que le can. 103 déclare nuls de plein droit, la déclaration de cette nullité pourra faire l’objet d’une action ob nullitatem aclorum, de la part des intéressés, devant le juge compétent. Can. 1679-1683.

1° Contrais, conventions et autres actes juridiques.

— On notera qu’en matière de violence, la plupart des dispositions du droit positif (soit civil, soit canonique ) reproduisent simplement les dispositions du droit naturel. Cependant, lorsque ces dispositions seront plus favorables à la liberté, on pourra en profiter en conscience, chaque fois qu’elles s’accorderont avec l’équité. Cf. Vittrant, Theol. mor., n. 272.

Il importe de souligner les nuances qui différencient le droit canonique et le droit civil français. Aux termes du can. 103, les actes, contrats et autres affaires juridiques entachés de violence absolue sont considérés comme nuls de plein droit ; ils peuvent conserver cependant une apparence extérieure de validité, c’est pourquoi une intervention « déclaratoire » du juge, dit le can. 1679, est nécessaire. Aux yeux de l’Église, il importe peu que la violence soit juste ou injuste ; mais il est requis en revanche qu’elle soit exercée sur le sujet lui-même ou patient, et non sur des tiers. Cf. M. Conte a Coronata, Instit. juris can., t. i, n. 149. Le droit français, art. 1111-1115, dit simplement que la violence exercée à propos des contrats ou obligations est « une cause de nullité », non seulement quand elle atteint la partie contractante, mais encore si elle touche « son époux ou son épouse, ses descendants ou ses ascendants ». Il n’est pas dit que la convention soit nulle de plein droit, mais seulement qu’elle « donne lieu à une action en nullité », art. 1117, à moins que, la violence ayant cessé, « le contrat n’ait été approuvé », art. 1115. L’art. 1304 fixe le temps utile pour intenter l’action en nullité à dix années, au maximum, à moins qu’un temps plus court n’ait été fixé par une loi particulière. Ce délai ne court que du jour où la violence a cessé. Le droit canonique n’ayant rien statué de spécial quant à l’extinction de l’action pour violence, on s’en tiendra aux dispositions générales des can. 1701-1705.

Noviciat et profession religieuse.

Le can. 542,

1°, statue que ne sont pas admis validement au noviciat les candidats qui entrent en religion sous l’empire d’une violence exercée sur eux-mêmes ou sur la personne du supérieur qui les reçoit. De même, la profession religieuse, pour être valide, doit être exempte de violence. Can. 572, § 1, 4°.

Mariage.

Le mariage étant un contrat qui

requiert spécialement une grande liberté des contractants, en raison de sa gravité et des intérêts en jeu, rien d’étonnant que le Code ait statué l’invalidité du contrat matrimonial entaché de violence.

Can. 1087. Ce n’est pas un « empêchement » dirimant proprement dit, mais plutôt une condition de la validité du consentement. Dans la pratique, il est rare que la violence seule intervienne pour vicier le consentement. Aussi la jurisprudence aussi bien que la doctrine ont réuni sous un même chef de nullité la violence et la crainte (vis et metus), car effectivement la violence produit la crainte, et celle-ci est appelée très justement violence ou contrainte « morale ». On notera toutefois que la contrainte physique, quelle qu’elle soit, juste ou injuste, annule le mariage, pourvu qu’elle soit irrésistible. La crainte au contraire doit être grave (au moins relativement), venir de l’extérieur (ab extrinseco), injuste et mettre le patient dans une situation telle qu’il ne puisse y échapper qu’en choisissant le mariage. La crainte dite « révérentielle *, inspirée par ceux qui ont une autorité sur le patient (parents, tuteurs, supérieurs), est, de sa nature, considérée comme légère. Elle ne devient grave que si elle est « qualifiée », c’est-à-dire accompagnée de prières instantes et prolongées, menaces ou violences, et même injonctions impératives. Cf. Ciprotti, dans Apollinaris, t. xiv (1941), Rome, p. 85. Voir aussi S. R. Rotse decisiones, 2 juin 1911, 5 mai 1925, 30 juin 1928.

L’absence de crainte grave et de violence est encore requise ad validitalem matrimonii chez le curé ou témoin qualifié qui assiste au mariage et reçoit le consentement des contractants : Dummodo neque vi neque metu gravi constricti requirant et excipiant contrahentium consensum, can. 1095.

Matière pénale.

1. Dans le droit de l’Église,

comme dans la plupart des codes civils (cf. Code pénal français, art. 64 ; Code pénal italien (1930), " art. 46) la violence physique absolue est considérée comme une des causes qui excusent totalement du délit, donc aussi de la peine. Can. 2205. Cette dispo-, sition législative se passe de commentaire, car elle n’est que l’expression du droit naturel, qu’avaient déjà sanctionné le droit romain et l’ancien droit canonique. Cf. Grat., I a pars, dist. IV, c. 32, § 2 ; II a pars, caus. I, q. i, c. 111 ; caus. XV, q. i, c. 6, 10 ; caus. XXII, q. v, c. 1 ; Décrétâtes, t. III, tit. xlii, c. 3 ; t. V, tit. xxxix, c. 38.

Il s’agit évidemment d’une violence irrésistible, absolue, car si, en raison des circonstances, toute faculté d’agir ou de résister n’était pas enlevée, l’imputabilité ne serait pas supprimée, mais seulement diminuée ; le degré de culpabilité serait proportionné à l’omission de la résistance possible. De plus, il y aura lieu de considérer si l’acte de violence même absolue ne serait pas de quelque manière volontaire in causa, par suite de l’imprudence coupable du patient à s’exposer au danger ou de la négligence apportée à le fuir. Dans ce cas encore, toute imputabilité ne serait pas supprimée. Mais pour qu’une peine puisse être infligée, il faut que cette imputabilité reste grave. Can. 2218.

2. Le can. 2238 traite de la violence (ou de la crainte grave) infligée à un supérieur pour lui extorquer la remise de peines canoniques. Une absolution ou dispense ainsi obtenue ne peut qu’être nulle de plein droit, irrita est.

3. Enfin une excommunication (non réservée) est prévue, qui frappe ipso facto tous ceux, de quelque dignité qu’ils soient revêtus, qui useraient de contrainte pour amener un sujet à embrasser l’état clérical, à entrer dans un institut d’hommes ou de femmes, ou à émettre la profession religieuse, solennelle ou simple, perpétuelle ou temporaire. Can. 2252.

On pourra se référer à tous les grands ouvrages récents soit de morale (Vermeersch, Génicot-Salsmans, Marc, d’Annibale, Noldin, Merkelbach, Vittrant, etc.), soit de

ilroit canonique (Capello, Wernz-Vidal, Michiels, M. Conte a Coronata, Maroto, Ojetti, Roberti, etc.).

Parmi les ouvrages spéciaux ou articles traitant de la violence, signalons en particulier : Salsmans, Droit et morale, Bruges, 1925 ; Giacchi, La violenza net neyozio giuridico canonico, Milan, 1937 ;.luarez, De vi et metu in matrimonio, Murcie, 1928 ; A. Breton, La notion de violence en tant que vice du consentement, Paris, 1923 ; Funaioli, La leoria délia violenza nei negozi giuriilici, Rome, 1927 ; Brys, De violenlia ejusque influxii in aetuum moralitatem, dans Collationes Brugenses, t. xxx, 1930, p. 273-277 ; Salsmans, Circa vitia consensus, dans Jus pontificium, t. x, 1930, p. 105.

A. Bride