Dictionnaire de théologie catholique/VICTOR D'ANTIOCHE

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 671-672).

VICTOR D’ANTIOCHE, exégète du ve siècle. — Le nom de Victor d’Antioche n’est mentionné par aucun des historiens anciens et nous ne le connaissons pas autrement que par sa présence dans un certain nombre de chaînes exégétiques. C’est assez dire que nous ignorons tout de la vie et de l’œuvre de ce personnage et que nous ne pouvons fixer la date de son activité que d’une manière fort approximative.

Le jésuite Th. Peltanus ramena le premier à la lumière le souvenir de Victor, en publiant, sous son nom, un commentaire de l’évangile de saint Marc : Victoris Antiocheni commentarii in Marcum et Titi Bostrorum episcopi in Evangelium Lucee commentarii antehac quidem numquam in lucem editi, nunc vero studio et opéra Theodori Peltani luce simul et latinitate donati, Ingolstadt, 1580. Il est aujourd’hui admis que le manuscrit utilisé par Peltanus en vue de sa traduction est le Monacensis 99. Cette traduction est d’ailleurs aussi défectueuse que possible et son auteur, loin de dissimuler les libertés qu’il a prises avec le texte, les avoue candidement dans sa préface.

Le même manuscrit, avec deux autres, le Parisinus grœcus 194 et le Vaticanus græcus 1692 A, servit également à Poussines, qui donna la première édition grecque du commentaire de Victor sur saint Marc : Catena græcorum Patrum in Evangelium secundum Marcum, collectore aique interprète Petro Possino, s. j. presbytero…, Rome, 1672. C’est lui qui donne, en tête du commentaire de saint Marc, le nom de Victor et qui lui attribue l’affirmation selon laquelle personne avant lui n’a écrit sur le deuxième évangile. Or un manuscrit de Paris, reproduisant cette affirmation, la fait précéder du lemme : ’fipiyévooç TrpôXoyoç sic épjj.7)v£tav toù xocrà Màpxov àyîou sùayYsXîou ; et dans un autre manuscrit, on lit, à la fin de l’ouvrage, cette souscription : èttXtjpcûOy) o-ùv 6sw i] épu, 7]V£[a toù xarà Màpxov àyto’j EÙayYEXfou aTtô cpcovrjç, ëv xicuv e’jpov KuptXXou’AXeÇavSpécoç, èv aXXot.ç 8s BîxTcopoç Trpea6uT£pou.

Une troisième édition porte encore le nom de Victor, celle de Matthsei : Bixrcopoç TrpsaêuTSpou’Avuo-Xstaç xal aXXojv -nvûv àyîcov 7raTsptùv è^qyqoa ; sic to xaTa Màpxov ayiov eùayYÉXiov, ex codicibus Mosquensibus edidit Christ. Fridericus Matthsei, 1775. Ici", le titre nous prévient que nous sommes en présence d’une chaîne : celle-ci est identique substantiellement à la collection publiée sous l’autorité de Pierre de Laodicée, bien que Pierre ait aussi ses sources particulières.

Enfin, en 1840, Cramer publia, à la suite de la chaîne de saint Matthieu, une chaîne sur saint Marc, dont la plupart des citations sont anonymes, mais dont l’ensemble figure ailleurs sous le nom de Victor d’Antioche. On voit d’où vient ce nom : « Les deux éditions qui nous ont donné sous son nom une sorte de commentaire du second évangile, sortent d’une source identique, le Monacensis 99. Ailleurs, on hésitait sur l’auteur de l’ouvrage : Origène ou Cyrille. En réalité, l’ensemble n’appartient à aucun des trois auteurs nommés. Ce qu’on appelle le commentaire de Victor est une chaîne sans lemmes, où chacun des trois auteurs doit pouvoir retrouver un peu de son bien, mais où il y a place également pour d’autres exégètes. C’est donc une collection de scolies qui

a dû beaucoup circuler et de laquelle ont disparu les lemmes. » On y trouvait des extraits d’Origène, d’Athanase, d’Eusèbe, d’Apollinaire, de Cyrille, de Josèphe ( ?), de Jean Chrysostome, de Basile, de Théodore de Mopsueste, de Victor d’Antioche. « Peutêtre cette collection fut-elle rassemblée par Victor d’Antioche, ou bien devons-nous expliquer par le seul fait qu’il y est cité les motifs qui pouvaient justifier la paternité qu’on lui en attribua. » R. Devreesse, Chaînes exégéliques grecques, dans Supplément du dictionnaire de la Bible, t. i, col. 1177. En toute hypothèse, il nous est difficile de voir dans Victor un commentateur original et, si ce n’est pas lui qui a compilé la chaîne sur saint Marc, les fragments qui pourraient provenir de lui sont trop peu nombreux ou d’une attestation trop mal assurée pour nous permettre de porter sur son compte les moindres jugements.

D’autres chaînes encore conservent le souvenir de Victor. La chaîne de Nicétas sur saint Luc a vingt-quatre extraits qui lui sont attribués ; cf. Mai’, Scriptor. , t. ix ; J. Sickenberger, Titus von Bostra. Sludien zu dessen Lukashomilien, Leipzig, 1901, p. 97. On retrouve Victor cité treize fois par le pseudo-Pierre de Laodicée ; cf. M. Bauer, Der dem Pelrus von Laodicea zugeschriebene Lukaskommentar, Munster, 1920, p. 39. Trois scolies du Yatic. 1933 lui sont enfin attribuées, sans qu’on puisse savoir d’où viennent ces fragments.

Nous sommes moins documentés encore en ce qui regarde l’Ancien Testament. La chaîne de Nicéphore attribue à Victor deux fragments sur le Deutéronome ; quelques fragments sur Jud., viii, sont cités par les chaînes de Nicéphore et de Procope ; cf. R. Devreesse, Les anciens commentateurs grecs de l’Octateuque, dans Revue biblique, 1936, p. 383. Sur les psaumes, R. Devreesse, art. cit., col. 1134, n’a trouvé le nom de Victor qu’une seule fois associé à celui d’Ilésychius de Jérusalem, à propos de Ps., xxi, 1. Par contre, Victor est, avec Olympiodore et Jean Chrysostome, l’auteur le plus fréquemment cité dans les chaînes sur Jérémie, car on ne trouve pas moins de 159 scolies qui lui sont attribuées. Le mode de répartition de ces scolies’donne l’impression de restes provenant d’un commentaire sur l’ensemble de la prophétie. Cf. M. Faulhaber, Die Prophetenkatenen nach rômischen Handschriflen, Fribourg-en-B., 1899, p. 107110. La chaîne sur Daniel ne nomme plus Victor qu’une seule fois à propos de Dan., ii, 45. M. Faulhaber. p. 180, pense que cet extrait pourrait provenir d’une homélie sur la naissance du Christ ou la conception virginale. Scion le même auteur, llolienlied-Proverbien-und l’rrdigrr-Kalrmn, Vienne, 1902, p. 100, Victor serait enfin cité dans les chaînes sur les Proverbes.

Tout cela, un le voit, ne nous mène pas très loin. Comme le dernier auteur signalé dans la chaîne sur saint Marc, la plus importante, ; i noire point de vue, est Théodore de Mopsueste, on serait autorisé a

placeT mis t.M > l’activité exégétique de Victor d’Antioche. On lui reconnaît le titre de prêtre que lui accordent les manuscrits, et l’on essaie de retrouver dans les fragments qui lui sont nltrihuahlcx les traits caractéristiques des commentateurs de l’école d’Antioche : intérêt pour l’ét ablissement du texte biblique et pour l’utilisation des différentes versions grecques ; attachement a l’interprétation littérale, sou (i de l’histoire et de la géographie. Il faudrait, pour qu’on ait le droit d’insister, que la provenance de ces fragments fût mieux assurée. On peut dire que Vie

toi d’Antioche a réellement existé, qu’il s’est inté i l’Écriture sainte, et sans doute, qu’il a COlTI posé des c haines dans lesquelles il a pu insért-r des

remarques de son cru. De ces chaînes, la plus intéressante est celle sur saint Marc, parce que le deuxième évangile a toujours trouvé moins de commentateurs que les autres.

Aux ouvrages déjà mentionnés, on peut ajouter : G. Karo et F. Lietzmann, Catenarum græearum catalogus, Gœttingue, 1902 ; F. von Soden, Die Sehriflen des neuen Testaments, Berlin, 1902, t. i, p. 574 sq. ; cet auteur est tenté d’attribuer à Victor des commentaires anonymes sur Matthieu, Luc et.Jean, qui, dans les manuscrits, figurent avec le commentaire sur Marc ; cette opinion est contredite à bon droit par Sickenberger, Ueber griechisehe EvangelienkommeiUare, dans Bibliscbe Zeitschrift, t. I, 1903, p. 182-193. Sur les scolies sur Luc, cf. J. Sickenberger, Die Lakas-Katene des Niketas von Herakleia, Leipzig, 1902, p. 97. Sur des citations d’Origène, in Matthssum dans le commentaire de Victor sur Marc, E. Klostermann, Xaclilese zur Veberliejerung der Matthauserklàrung des Origenes, dans Texte und Vnlers., t. xlvii, 21, Leipzig, 1932, p. 2-6.

G. Bardy.