Dictionnaire de théologie catholique/VICTORINUS AFER. VIII. La vie chrétienne

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 706-711).

VIII. La vie chrétienne. « La perfection chrétienne est complète en trois points : la foi, la science, la charité. Les trois points sont dans l’ordre de valeur : la foi d’abord ; celui qui croit en vient à la science. Après la science, la charité du Christ qui fait accomplir ses préceptes ». Ad kphes., m. 19, col. 1209 C. Ainsi se trouve résumée « toute sagesse et prudence : connaître le Christ (par la foi), comprendre et voir Dieu (par la science), et faire les œuvres spirituelles » de la morale chrétienne. De ce programme, l’espérance n’est pas exclue, qui donne des clartés sur nos lins dernières, /oc. cil., col. 1250 I). et sur les récompenses éternelles, col. 12 18 C ; ni surtout la charité. » la première des vertus par ordre de valeur », qui nous at tache au Chris I par le désir et l’amour », col. 1269 I >. à Dieu et au prochain, et i contient tous les préceptes du Décalogue ». « La foi libère, la charité construit. Ce sont là les deux principaux correctifs de toute la vie. » ii Gal., . 6, col. 1190 A ; cf. col. 1192 AB. Christianisme OÙ la vie intérieure prime tout, comme chez saint Augustin, laissant peu île plaie au détail des préceptes ni à la pratique des sacrements.

1° La foi et les œuvres. — On trouve dans les Commentaires de Victorin les affirmations les plus tranchées sur ce sujet, et qui semblent engager toute sa conception de la vie chrétienne : « C’est par la foi seule que vous avez reçu l’Esprit », Ad Gal., iii, 3, col. 111)7 C ; « la bénédiction ne peut venir des œuvres », ꝟ. 9, col, 1169 C ; « la foi en Jésus-Christ sudit à la justification », ꝟ. 22, col. 1172 B ; « ce n’est pas par nos mœurs que nous pouvons mériter la justice de Dieu », Ad Phil., iii, 9, col. 1219 C ; « il n’y a là pour nous aucun sujet de louange ». Col. 1231 A. « L’effort humain n’a aucune part en notre libération ». Col. 1258 C.

On a voulu voir en ces textes des anticipations de la théorie luthérienne de la justification par la foi seule, sans les bonnes œuvres. A. Benz, M. Victorinus, Stuttgart, 1932, p. 146, 156, 157. Mais d’où vient donc que « le Christ par sa discipline nous a enseigné à vaincre la chair et les désirs du monde » ? Ad Ephes., n, 15, col. 1258 BC, qu’ « il nous a enseigné à avoir la foi en lui, mais aussi à vivre suivant ses commandements ? » Loc. cit., col. 1278 C. La foi n’a-t-elle pas une œuvre de purification à faire en notre corps, notre âme et notre esprit ? Adv. Arium, t. I, c. i.xii, col. 1087 C. « Dieu, en effet, a préparé dans le Christ et il fait de toutes pièces les œuvres que nous avons à faire icibas », col. 1256 C ; ce sont les œuvres chrétiennes.

1. Les œuvres chrétiennes. — « Saint Paul ajoute qu’on est maudit par les œuvres de la Loi mosaïque : c’est dire, et il faut le comprendre, qu’il y a des œuvres chrétiennes, opéra christianilatis, celles-là surtout que l’Apôtre recommande aux autres comme à lui-même, comme des préceptes à retenir pour sa vie, toutes œuvres qui sont imposées par lui à tout chrétien ». Ad Gal., iii, 10, col. 1169 D. Ce sont là des « vertus de l’Esprit » que Dieu a opérées en vous en grand nombre par la soumission de la foi, la patience, etc. » Loc. cit., col. 1168 D.

2. Leur nécessité.

Elle est double : les œuvres protègent la foi et elles l’exercent, si bien qu’elles font corps avec « la foi pleine ». Col. 1290 B. « Ce sont les armes de la foi : à elle seule, en effet, la foi nous rend forts ; tout devient facile, mais par la foi pleine, qui est une souplesse confiante de la volonté. .., une force qui se prépare de l’âme et du corps…. » Ad Ephes., vi, 13, col. 1290 BC. « Le sentiment de foi doit se compléter par la justice ; pas de foi vraie sans la justice. » Col. 1291. « Les œuvres sont bonnes encore pour témoigner que nous sommes dans le Christ : aussi bien Dieu nous a-t-il regénérés pour marcher désormais dans ces bonnes œuvres. » Ad Ephes., ii, 11, col. 1256 C.

3. Leur insuffisance.

« Mais la foi reste toujours le premier des préceptes : la justice n’a point la même valeur : elle ne servira que si la foi s’y joint… Elle est toute dans les actes, et n’atteint pas l’Adversaire. Seulement elle montre la bonté de l’esprit et du cœur. » Loc. cit., col. 1291 A.

Les bonnes œuvres sont donc nécessaires au chrétien, mais au service de la foi : c’est la thèse du salut par les œuvres de la foi. Et les réserves faites, comme aussi certaines précisions insolites nous avertissent que les œuvres et la foi elle-même ne valent que par Dieu qui les fait en nous : ainsi passons-nous à une thèse plus générale, celle de l’œuvre de Dieu d’ans la foi. Les critiques catholiques n’ont généralement pas aperçu la portée dogmatique de la défiance de Victorin, disons de son mépris implacable contre toutes les œuvres naturelles. Cf. H. de Leusse, art. cit., dans Rech. de science reliy., 1939, p. 211, note 2 ; ’Fixeront, op. cit., p. 283.

La foi et la grâce.

Victorin a là-dessus une

position très ferme : nos œuvres, en quelque état qu’on les considère : avant ou après l’acte de foi, n’ont aucune valeur par elles-mêmes, mais uniquement par la foi et la grâce qui les inspire. « Tout ce qui est bon en nous se fait avec la grâce de Dieu, qui nous régit, par son Esprit, et il n’y a rien (de bon) en nous ; …ou, s’il y a du bon en nous, cela n’est pas de nous, mais de Dieu ». Ad l’hit., iv, 8, col. 1231 A. C’est, avant la lettre, de l’augustinisme intégral, quoique non systématisé.

1. Avant la foi.

« Nous avons été appelés à suivre le Christ gratuitement, c’est-à-dire sans labeur, sans grandes œuvres : in yratiam nos vocavit ». Ad Gal., i, 6, col. 1149 B. Car « notre conduite passée, encore qu’irréprochable, c’est là notre justice, et nous pensons ainsi par nos mœurs mériter la justice parfaite de Dieu. Mais elle se base sur une discipline charnelle. Celle qui compte, c’est la justice qui vient de Dieu par la foi, quee est fldes ex fide Christi, id est ex nobis in Christum ». Ad Phil., iii, 9, col. 1219 D.

2. Dans l’acte de foi.

Il y a bien aliquid ex nobis dans cette décision, mais « ne pensons pas non plus que cette intrépidité qui est cause de notre salut soit notre fait, car cela même vient de Dieu, de sorte que tout se fait par le signe, la miséricorde et la grâce de Dieu ». Ad Phil., i, 28, col. 1202. Même pensée sur les préparations de l’acte de foi, qui reste tout de même un acte de l’homme : « Notre-Seigneur Jésus-Christ a surmonté (pour nous) d’une certaine façon cette résistance de la chair et du monde. Nostrum pêne jam nihil est : notre quote-part est désormais réduite à presque rien ; croire tout simplement Celui qui a surmonté tous (les obstacles). Ad Eph., n, 16, col. 1259 C.

Mais enfin, diront les semi-pélagiens à courte vue, cette adhésion de notre esprit, est pourtant à mettre à notre compte ? Non, pas même, répond le mystique Victorin : l’acte de foi est déjà un acte surnaturel, une communion au Christ ressuscité. Ainsi faut-il comprendre « ce mystère saint et plénier, qui nous donne la foi dans le Christ, in Christo fidem habeamus : ce n’est pas présentement que nous méritons cette vie surnaturelle… Cette union au Christ, Dieu ne nous l’a pas donnée pour nous payer d’un mérite : c’est un geste de pure bonté… In Christo, là est tout le mystère de la résurrection (à la vie divine), de la nôtre et de celle de tous. C’est le Christ qui est la Porte. Voilà la raison bien claire qui fait de notre acte de foi une dette, une dette qui consiste pour nous à prendre conscience de notre appartenance au Christ. Si c’est là tout notre apport (dans l’acte de foi), ce n’est pas par notre mérite que nous sommes sauvés, mais par la grâce de Dieu ». Ad Ephes., ii, 6-8, col. 1255 C-1256 A. Dans le même sens, « ce n’est pas par notre force que nous déposons nos péchés, mais par la connaissance de Dieu : Dei lamen voluntate infusa sibi per Jesum Christum, col. 1244 C, « la seule chose qui sera en notre pouvoir sera de croire le Christ, Christum credere, et de vivre pour lui spirituellement ». Ad Ephes., i, 7, col. 1243 D. Tels sont les passages auxquels on a trouvé, à tort, semble-t-il, « une saveur étrangement semi-pélagienne ».

3. Dans la vie de foi.

Là aussi, « une fois sauvés, ce qui est un don de Dieu, notre mérite ne vient pas de nos œuvres. Les œuvres sont une chose, mais autre chose qu’elles soient dues à notre mérite. Voilà pourquoi saint Paul a bien séparé les deux : non ex vobis, puis non ex operibus ; en effet, au-delà des bonnes actions obligatoires » pour tout chrétien et qui sont vos œuvres à vous, « un mérite particulier peut encore venir de la chasteté, de l’abstinence, toutes choses qui ne sont pas même vos œuvres à vous, puisque vous ne pouvez pas y atteindre par vous-mêmes. De toutes

façons, aucune gloire à tirer ni de vous, ni de vos œuvres. Je ne sais vraiment pas comment celui qui pense qu’un mérite revient à ses œuvres, peut vouloir que ce mérite soit à lui, et non à Celui qui a fait (en lui ces bonnes œuvres), suum merilum esse vult, non pra’slantis. C’est encore là de la jactance… C’est Dieu qui, par un mystère à part », le mystère de notre incorporation au Christ, a préparé les acteurs et les œuvres : « il nous a façonnés et formés dans le Christ à une vie nouvelle, nous qui croyons in Christo. Et puis, il a préparé, créé pour nous, formé en nous des œuvres bonnes… ». Loc. cit., col. 1256 AB.

Ainsi, avait-il dit, les œuvres des chrétiens doivent être aussi des « œuvres de chrétienté », faites dans et par le Christ, par cette sève divine qui est équivalemment la foi ou la grâce.

a) Par la joi. — « Quiconque a reçu le Christ et pris foi en lui, in eum sumpserit fi.de.rn, devra se conduire en vrai (chrétien), et vivre selon l’Esprit… » Loc. cit., col. 1257 B. Ainsi « rien de corporel, neque circa corpus, neque de corpore, neque propler corpus, ni la circoncision, ni les œuvres, ni rien de semblable, n’a de valeur dans le Christ… Mais la foi assurée » et agissante « opère pour le salut par la charité ». Col. 1189 D.

b) Par la grâce sanctifiante. — Elle envahit tout, en sorte qu’il n’y a plus en nous rien (de nous) ». Col.

1231 A. Il est de notre condition de chrétiens de tout faire, de tout supporter, mais en croyant bien que c’est Dieu qui nous rend forts pour tout cela. » Col.

1232 C. Enfin cet adage tout augustinien : « Notre vie divine, nous la redevons à Dieu’: vita Dei quæ vita est christianis, Deo debetur a nobis. » Col. 1278 A.

4. Dans les actes surnaturels.

On peut compter, non seulement sur la grâce habituelle, mais sur la grâce actuelle de Dieu : » C’est un grand don de Dieu, qu’avec la seule foi nous méritions sa grâce ; car, cum (idem prsestatis, a Deo graliam meremini. » Ad Phil., i, 25 et 30, col. 1201 C, 1203 A. Comme saint Paul et saint Augustin, Victorin insiste sur la pari de Dieu. sur i son opération » : l’Apôtre a dit : Salutem vestram operamini ; mais, pour qu’on ne risque pas de faire trop peu de cas de la grâce de Dieu, si chacun semblait se faire son salut, il ajoute : Deus est enim qui operatur… Opérez donc votre salut, mais l’opération même vient de Dieu : car Dieu opère en nous, et fait que vous voulez ainsi. D’une façon le vouloir est nôtre, et pourtant, puisque le vouloir nous est donné par Dieu, a Deo, c’est donc de Dieu même, ex Deo, que nous vient opération et volonté. lia utrumque mixtum est. Ad Phil., n. 13, col. 1212 A. La consigne est donc double : courage a coopérer à la grâce, ne minus faciendo…, et crainte d’aller contre la volonté fie Dieu ; confiance que Dieu donnera l’efficace et fera bonne notre volonté », col. 1212 B ;

nous sommes d’ailleurs maîtres de notre volonté, et mérita de bonis bona habemus, si nous résistons au démon. Mais, si nous péchons, c’est que nous faisons b-mal dlaboli l’oluntate ». Col. 1281 A.

5, L’/ persévérance dans la vu- <tr foi. - C’est un grand don de Dieu, si par la seule foi en le Christ nous méritons, meremur, une si grande grâce qui a son issue à la palme el à la victoire ». Ad Phil., t, 30, col, 1203. Il y a donc vraiment un mérite de notre part ; mais celui-là vient, comme les autres, d’une grâce spéciale. 1 t pul. lorsque nous aurons participé à cette dernière souffrance du Christ, au fardeau de sa mort, nous serons d’une certaine façon sur le chemin de la

résurrection des morts. Là la récompense, ici le labeur ; Ici la vie, là-haut le mérite et la gloire ». Ad Phil., iii, 11. col. 1220 B. C’est la grâce spéciale de la Évérance finale ; car le doute vient de ce qu’on it encore, el qu’il peut arriver bien des choses, el surtout la morl elle-même, col, 1221 I) et puis, « tant qu’on est en vie, nous sommes en train de nous associer aux souffrances du Christ ; mais c’est jusqu’à la mort qu’il faut s’y associer… », col. 1220 D ; et le fondement du mérite de condigno : « Par nos souffrances, nous courons pour saisir le Christ, en participant à ses souffrances… À son tour, il nous saisit tous par ses souffrances : nous y sommes donc bien, dans la passion du Christ ». Col. 1221 B. C’est elle qui fait le mérite de la souffrance chrétienne.

La gnose.

« Celui qui sait que l’amour est au-dessus

de toute science, accomplit pleinement (déjà le précepte de) la charité du Christ. L’Apôtre, aussi bien, ne prie pas pour qu’on accomplisse (les préceptes), parce que cela va de soi comme une conséquence : il prie pour qu’on ait la science de la charité. C’est là la plénitude de Dieu, que les Grecs appellent le 7TXrjpw(i.a, la perfection à qui rien ne manque, plénitude que le Christ, par son mystère, opère (dans les âmes), qu’il accomplit (dans le monde), qu’il a déjà accompli (en sa rédemption) ». Col. 1270 C. On sentira la transformation profonde que Victorin a fait subir à la doctrine orgueilleuse de Plotin, pour qui la destinée des âmes n’est que la connaissance rationnelle de l’ordre des choses, pour qui le but du voyage est l’union de l’intelligence au principe suprême du monde par ses propres forces.

1. Le but.

Pour Victorin, au contraire, le but à atteindre n’est plus, selon l’expression de Plotin, « l’intelligence mondaine du monde, qui n’est qu’imprudence », ce n’est pas la sagesse du monde, mais celle qui vient de Dieu », et qui consiste à comprendre quæ sit l’oluntas Domini : que veut le Seigneur ? qu’a-t-il voulu (de toute éternité) ? Que nous vivions dans l’intégrité, la justice et la foi, que nous ayons en Lui notre espérance, que nous n’ayons de pensées que pour Dieu. Ad Ephes., v, 16-17, col. 1280 AB.

Il faut donc, conclut notre néoplatonicien, « se connaître soi-même et connaître Dieu », col. 1239 C : c’est tout le programme de saint Augustin au temps de sa conversion. Seulement Victorin lui donne une expression plus philosophique, Ad Ephes., i, 4, col. 1239 C : si et se noverii et Deum sciât. La formule, dont notre philosophe a la primeur, diffère légèrement de celle des Soliloques par l’ordre fies mots et plus encore par les considérations philosophico-religieuses dont il l’étaie. À rencontre du converti d’Hipponc. qui voit dans ces deux réalités suprêmes les deux pôles de la charité, Dieu source de lout amour et de tout bien, l’âme foyer de concupiscence et de faiblesse, le disciple de Plotin essaie d’adapter la vie spirituelle aux données de la philosophie néoplatonicienne de la purification. En deux mots, connaître l’âme, c’est « se rendre compte » de sa dignité première et de sa déchéance antérieure à son union au corps, et donc du danger constant où se trouve l’âme humaine ; connaître Dieu, c’est i savoir » les régimes successifs qu’il imposa aux âmes : le monde créé, la loi ancienne, puis la libération chrétienne. Tels sont les deux stades de la vie morale i Par elles -mêmes, les âmes ne sont pas l’esprit, mais sont telles qu’elles peuvent le rece voir. Puisque telle est sa nature, si elle se comporte purement et avec tous ses moyens, intègre et per/ectis omnibus, et que les choses qui lui sont étrangères, elle les apprenne pour les répudier et les exclure, à bon droit elle devient parfaite. d’une perfection naturelle, dirait-on ; « et, devenue parfaite par un détachement total, la connaissance de Dieu lui apportera la pleine science de l’ordre de l’univers, srienliam plénum cum receperit universitatis, elle sera constituée par le fait même spirituelle i. Ad Ephes., i. 1. col. 1239 C, (m aura reconnu la purification et la contemplation plotiniennes [Ennéades, I. t, 3 ; I. vi, 0 ; VI, vii, 32 et 31). surnaturalisées en une ascèse, active, perfectio, 948

plus sévère que celle de Plotin et une mystique passive, basée sur la révélation biblique.

2. Les moyens.

a) L’ascèse règle non seulement l’usage de l’intelligence, mais descend jusqu’à la discipline des sens et des « habitudes de sentir ». « L’âme est forte par son intelligence, et en s’y tenant, elle garderait sa vertu facilement » ; mais la tromperie vient, sans doute du monde et de la matière, et puis de « cette caricature d’intelligence que forge la puissance voisine ; les sens arrivent, par leurs images, à se constituer en esprit trompeur et nuageux » ; mais il faut dire adieu aussi aux « inquiétudes charnelles », non seulement « à la matière, mais à tout ce qui est dans le monde », loc. cit., et col. 1241 B, parce que quidquid mundanum est, licel cœleste sit inmundo, sed secimdam mundum lamen, neque divinum neque œternum est. Loc. cit.

b) La mystique. — La connaissance de Dieu ne consiste pas à se perdre par l’extase en un Dieu métaphysique, mais à se conformer par le renoncement, l’obéissance et la foi aux desseins de Dieu sur l’humanité. « La Loi fut donnée par Dieu, et des avertissements pour connaître Dieu (sa volonté) et ce qui n’est pas de Dieu. Mais les âmes furent vaincues par les puissances sensibles… Alors, pour les délivrer des sens et du monde trompeur, Dieu envoya son Fils qui, par l’initiation au mystère, leur apprît comment vivre spirituellement, ce que l’âme devait observer, et ce qui lui était étranger… Il se forme une sorte de sens spirituel : et capere sensum, et mundi et materiæ molibus non exagitari. Au bout de toutes ces étapes, l’homme tout entier est dans l’esprit vrai, et par là déjà il est vie dans le Christ ; nous sommes reçus dans le Christ et admis au nombre des fils, devenus spirituels. » Col. 1240 D ; cf. col. 1240 BC, 1166 A, 1219 C, 1241 A, 1244 CD, etc.

La mystique de Victorin est aussi exigeante que son ascèse, puisqu’en somme « tout ce qui est à Dieu doit lui faire retour », col. 1241 B, puisqu’il demande « une perfection per omnia compléta, qui ramène tout à l’unité dans le Christ ». Col. 1241 C. Elle est aussi pratique, puisqu’elle « donne la liberté, mais la liberté de sortir du monde et de retourner au Père, à notre origine ». Col. 1191 C.

La morale.

« La somme de toute la discipline

chrétienne consiste à connaître la « théologie », c’est-à-dire le mystère et l’avènement du Dieu Christ, et puis les prsecepta vivendi qui conviennent aux chrétiens », Ad Ephes., prolog., col. 1235 A ; car ceux-là seuls le sont « qui connaissent Dieu et gardent les préceptes de Jésus-Christ ».Col. 1237 C. « Il n’y a rien à ajouter à cette science divine et aux œuvres et actes de la vie chrétienne. » Col. 1235 C. La morale même de Victorin est étroitement christocentrique et elle ordonne les vertus suivant leurs rapports au Christ. A ce titre, on doit distinguer « la religion du reste de la loi de vie des chrétiens, car le Christ les a liés (à lui-même) par la religion, et puis a enserré leur vie (à lui) per cœteram vivendi legem ». « Cette lex nominis » a pour but de centrer la pensée sur le Christ ; mais « elle tient aussi leur vie ».

Parmi les œuvres du chrétien, les plus éminentes pour notre auteur, sont celles qui relèvent de la religion, de la dévotion, du service de Dieu », Ad Phil., iv, 20, col. 1234 B ; mais on ne s’étonnera pas de le voir, lui qui demandait à quoi servent les églises, insister sur le culte intérieur : le service de Dieu, c’est la louange divine, loc. cit. Ce sont pourtant aussi « les mystères de vie auxquels assiste le peuple », Adv. Arium, t. I, c. xxx, col. 1063 ; les prières faites à genoux pour que le corps soit à l’image de l’humilité de l’âme, Ad Ephes., iii, 14, col. 1268 B ; les prières « formulées que l’on appelle oraisons ; mais il faut

faire tous ces actes de culte dans l’esprit qui les inspire et en action de grâces : Ne invili Jaciamus, sed vere yratias agamus. Ad Phil., iv, 6, col. 1229 B.

Sur la prière en général, l’auteur a tout un petit traité, où il discerne les dispositions d’humilité et de charité fraternelle, les « qualités » de la prière qui sont le recueillement : omissis omnibus sollicitudinibus, et l’action de grâce perpétuelle, oratio in precibus graliarum actio sit, « pour le don si magnifique que nous avons reçu de la bonté de Dieu » ; l’objet de la prière doit être les choses célestes promises par Dieu non les choses du monde, cf. col. 1109 A ; les effets de la prière : la paix du cœur et de l’esprit, union même du corps et de l’âme avec le Christ, puisque dans la prière, « nos corps sont dans sa majesté et dans sa vertu ». Loc. cit., col. 1227-1230. La prière secrète de demande est connue de Dieu ; mais il faut aussi faire prier le corps. Col. 1268 B.

L’aumône vaut, non pas tant par ce qu’on offre, que par la volonté et le soin qu’on a pris : c’est un sacrifice à Dieu ; c’est un avantage pour l’âme : « la bonne œuvre même nous rend recti et la bonne grâce nous fait bons. Aussi l’aumône s’appelle benevolentia ». Col. 1234 A.

La charité fraternelle pareillement vaut par l’imitation de Jésus, Ad Phil., ii, 5, col. 1206 D. De même l’humilité chrétienne, loc. cit., et Ad Galat., vi, 3, col. 1193 B : Hœc summa legis est ut quicumque humilis sit, dejectus. infîmus. Cf. Hymn., ii, col. 1142-1143. Au reste, notre moralité, sur la terre, « tant que nous ne sommes pas parvenus à l’homme parfait, aura toujours quelque chose d’imparfait ». Ad Galat., iv, 4, col. 1177 A.

Aussi bien les préceptes particuliers, surtout ceux qui règlent les actes extérieurs, doivent-ils le céder parfois à la grande loi de la charité, ou, comme il dit, de la foi, de l’intention droite. « Ce n’est pas le cas de n’importe qui, mais du chrétien parfait et affermi dans la foi : nous devons comprendre qu’à lui, du moins, il est permis parfois, à cause du Christ, de faire certaines choses qui sont hors de la vraie règle, pourvu qu’elles servent cette loi supérieure qui est de libérer des âmes. Quand le Christ est dans le cœur, il n’y a pas à cela de péril. » Col. 1159 C. Faut-il voir ici les dons du Saint-Esprit ?

La morale de Victorin, quoique tendant à la pratique par l’humilité foncière et la charité bienveillante qu’elle prêche, est plutôt une direction s’adressant à l’esprit, comme la purification du maître des Ennéades. Elle ne vise pas directement, comme celle de Porphyre, à proscrire le plaisir permis, mais seulement à réfréner la sensibilité. On dirait même qu’elle fait peu de cas des consignes de l’Apôtre sur la mortification du vieil homme ; mais nous ne connaissons qu’une partie de l’œuvre de Victorinus Afer. Ce qu’on peut constater, c’est qu’il n’est pas l’homme du combat intérieur et de la lutte à outrance contre le démon : il exige seulement qu’on obéisse au Christ, « c’est-à-dire qu’on se fasse son esclave, en vivant spirituellement, qu’on ne fasse rien selon la chair, nihilque sensu senlire, et qu’on se tourne tout entier à Dieu en foulant aux pieds les choses du monde : voilà ce que c’est que faire retour à son origine ! » Ad Ephes., i, 7, col. 1243 C. Qu’après cela, il ne parle ni de jeûnes, ni de pratiques ascétiques, cf. Porphyre, De abstinentia, il faut plutôt lui en savoir gré. La morale de Victorin, c’est sa conversion même mise en deux maximes : Victorinus senex non erubuit esse puer Christi lui, subjecto collo ad humilitatis jugum, et edomita fronte ad crucis opprobrium. S. Augustin, Confessions, t. VIII, c. i, n. 3, P. L., t. xxxii, col. 750. Sur certains catalogues de péchés, cf. col. 1282, 1283, 1286 ; sur les péchés d’ignorance, col. 1282 B. 950

Les sacrements.

La vie sacramentelle du chrétien, « quum aliquis inilio christianus incipit esse,

commence par la catéchèse, mot grec dont le sens est circumsonare ou juxta assonarc, parce que Dieu et le Christ sont redits comme un écho à ses oreilles et confiés à son cœur ». Col. 1194 A. On s’assure évidemment d’un minimum de dispositions intellectuelles et morales de la part du catéchumène : « l’homme a-t-il l’usage de sa raison, reconnaît-il que le monde n’est pas son (milieu), tout en discernant bien tout ce qui est dans le monde ; admet-il Dieu comme son créateur, alors l’âme peut recevoir le Christ » au baptême. Col. 1184 B. Alors « on le catéchisera d’un mot qui est une invocation », allusion peut-être à la tradition du Pater, « et on l’instruira en esprit de modestie », loc. cit., col. 1194 B. Sur les parrains du baptême, col. 1184 B, 1268 B.

1. Le baptême.

« C’est la consécration de la foi : il n’y a qu’une foi dans le Christ, celle qui confesse le Père, le Fils et le Saint-Esprit ; si aliter ab aliis, non baptisma : le baptême donné par les hérétiques n’est pas le baptême. » Ad Ephes., iv, 5, col. 1272 A. « C’est dans cette foi que le fidèle est assumé » par le Christ « dans le bain de l’eau et l’invocation de la parole » ;

c’est tout le déroulement du mystère ». « Celui qui est baptisé et qui dit : Credo, reçoit la foi de la vérité, c’est-à-dire l’Esprit-Saint, et se trouve sanctifié. » Adv. Arium, t. IV, c. xvi, col. 1112. Il y a comme un double effet : « purification devant le Seigneur de toute tache et ride, de tout ce qui défigure l’âme, et puis reparaît la vigueur, la fraîcheur, la beauté native ». Col. 1287-1288. Car « cette création dans le Christ sccundum baptisma n’est que la reprise de la création primitive de toutes choses par le Christ, et l’amorce de cette autre commulatio in Christo, qui s’opère tout au cours de la vie chrétienne. Col. 1054 D. Car i celui qui est plongé dans le Christ par le baptême est dans le Christ, c’est un fils de Dieu ». Col. 1173 B. D’un autre côté, comme « la vertu entière du mystère est dans le baptême, sa puissance consiste à nous conférer l’Esprit ». Col. 1051 A. Qu’on ne s’en étonne point : « Si l’on dépasse la simple explication du baptême qui nous donne le Christ », pour en venir au sens profond » du sacrement, qui est la formation du Christ en l’âme, il faut dire que « le Christ ainsi formé c’est l’Esprit, qui, greffe et développé en nous, nous délivre per credulitatem, et nous confère le salut de la lumière éternelle. Ahl c’est là un germe puissant et énergique ! Col. 118 1 C.

Faut-il voir une suppléance du baptême dans la révélation ? col. 1262 CD. Aucune allusion à un rite Sacramentel pour - l’achèvement du mystère » ou confirmation du baptême, col. 1246 C. ni pour la rémission des péchés, col. 1213 D.

2. L’eucharistie. fidèle à l’usage africain qui l’appelait tout simplement Yita, Victorin désigne l’eucharistie par Pain de oie, le pain de vita Dei, et la vie ex tadem subslantia. Col. 1063 B, 1094 C. Ce peuple chrétien est donc rcepiOÛffLOÇ quand il assiste au sacrifice : i II est dans l’abondance, bien sur. comme dit le traducteur latin ; mais, d’après le grec, il est circa vit/m), quam Christus et habet ri dut. Aussi la prière de l’oblation — qui était un dérivé de l’anaphore d’Ilippolyte… cf. (I. Hardy, Formules liturgiques grecques à Rome au IVe siècle, dans Rech. scirne. relig., Janv. 1940, — prie ainsi : Eûaov mpioûoiov Xaov, populum circumvitalem. en parlant du peuple qui

il autoui de la substance de Dieu. Col. 1063 C. Comment serons nous fils de Dieu sans la participation a la vie éternelle, Joa., vi, 59, que le Christ

nous présenta de la part du l’en-’Col. 1094 B.

3. L’ordre.’.< sacrement est clairement supposé par la distribution des ministères dans l’Église. A

l’origine, « les Apôtres avaient un triple pouvoir : agere, doccre et evangelizare ». Ad Ephes., iv, 12, col. 1275 D. On notera le mot aqere, pour désigner la fonction liturgique. Par la suite, cependant, et du vivant même de saint Paul, « d’autres aussi peuvent faire ces choses, qui ne sont pourtant pas apôtres : il y a eu distinction » des personnels et des ministères. Le but est toujours le même : « la consommation des saints, par l’action des apôtres et par l’action des autres », des prêtres, loc. cit. Et l’origine de ces pouvoirs est aussi la même : hérités des Apôtres, ils « ont été institués tous par le don du Christ ». Mais une distinction s’imposait entre « ce que nous avons à faire [envers Dieu’?), le mystère, et puis ce que nous faisons envers les autres, l’édification du corps du Christ. De là deux causes et deux etïets » ; disons : deux pouvoirs pour deux fonctions sacerdotales distinctes : d’abord le pouvoir d’ordre, « présider aux mystères », au baptême, à l’eucharistie, « charge toute personnelle ut ipsi agant, ut rninislri sint » : célébrer, faire les mystères, c’est la définition même du prêtre ; « et puis édifier le corps du Christ, qui est l’Église, c’est-à-dire confirmer les âmes vers la foi » ; assurer la catéchèse préparatoire au baptême, ad fidem, telle était la principale fonction doctrinale, presque la seule, des prêtres romains au ive siècle.

Quelles sont donc les prérogatives des évêques ? D’abord une institution divine spéciale, et la fonction de gouvernement : « Ainsi le Christ a fait aussi par son don les pasteurs et les maîtres, qui régissent le peuple de l’Église. Ceux qui administrent, Paul les a appelés pasteurs ; et ceux qui enseignent, il les a appelés maîtres. » Col. 1275 B. Mais les évêques n’enseignent-ils pas aussi ? Victorin, qui n’avait sans doute jamais entendu une homélie de Jules ou de Libère, réduirait volontiers le rôle des évêques à celle de duces, ad qubernandum. C’est du moins ce qui ressort de ses explications : « Leur nom de pasteurs, en effet, ne vient pas de ce qu’ils paissent le troupeau, et ils ne sont pas institués pour lui apporter la nourriture, mais pour le gouverner ; ainsi, en fait, on appelle les pasteurs episcopos, des surveillants. Le pasteur, aussi bien, c’est le Christ lui-même, puisque les brebis dont il s’agit, ce sont les âmes. En fait de maîtres, les pasteurs sont bien appelés les maîtres du troupeau, mais à titre de préposés ». Loc. cit., col. 1275 C. Voilà bien des précautions pour enlever aux évêques cette double prérogathe de docteurs et de chefs que leurs Eglises leur reconnaissaient. En somme, il n’y a ni maîtres, ni serviteurs « dans le service de l’Évangile, mais des pères et des fils qui collaborent dans la charité »… Col. 1214 D. Il y a dans cette vérification des pouvoirs des évêques des notations intéressantes qui anticipent sur les réserves plus connues de l’Ambrosiaster et de saint Jérôme. Cf. P. Batifïol, Études d’hist. et do titrai, posit., t. i. p. 267 sq.

4. Le mariage. Comme des précédents sacre

ments, Victorin semble en ignorer le signe sensible, pour ne connaître que la res surrumrnli : > Le mariage prêche à l’homme la patience, le don de soi. pour la sanctification de sa femme, tout cela à l’imitation du Christ souffrant pour l’Église, . » Ad Ephes., v, 26. col. 1287. i La vérité est dans le fait du Christ et de l’Église, que les époux doivent observer et imiter. l. or. cit., col. 1280 C. Pour Victorin, ce n’est encore que la morale élémentaire du mariage chrétien.

Mais, par-delà ce simple enseignement. Paul montre

qu’il y a autre chose, l.or. cit.. col. 1288. Mysterium hoc magnum, le caractère sacramentel. Victorin l’expose de deux façons successives : c’est le symbole de l’union i du Christ et de l’Église qui s’aiment : mais Surtout, c’est le symbole de cette réalité salutaire constituée i dans le Christ et dans l’Église. du mys

tère d’unité consommée entre la tête et les membres devenus un seul Christ, comme l’esprit et l’âme réunis en une seule chair dans la psychologie de Plot in. « Vir et uxor, hoc accipiatlir intérim Christus el Ecclesia… ut vir et uxor sint sibi invicem juncti spiritus et anima. Sans doute saint Paul, pour se faire entendre plus facilement du peuple » (d’Éphèse), n’a pas parlé d’esprit et d’âme : « il a pourtant dit intentionnellement, non pas Christus et Ecclesia, mais in Christo et in Ecclesia, parce que le Christ a dans ses membres l’Église…, et le Christ c’est l’esprit, l’Église c’est l’âme ». Loc. cit., col. 1289 B. Dégagée de cette dernière addition, que l’auteur donne d’ailleurs comme une vue systématique, son explication demeure l’une des plus profondes de la littérature chrétienne sur le dernier des « mystères » porteurs de la grâce. Par ailleurs, Victorin est d’avis qu’ « en concédant les secondes noces, voire ipsas nuplias, Paul a cru devoir faire une entorse à la règle, non verse regulæ, quitte à la corriger par la suite, pour en amener un grand nombre à la véritable règle ». Col. 1159 C.

Fins dernières. — « C’est pour l’âme devenir éternelle, voir la lumière de Dieu, parvenir à le voir, posséder la vie éternelle, non point les honneurs, ni rien qui soit du monde, mais bien tout le spirituel, tout ce qui nous unit à Dieu en nous joignant au Christ : voilà la vie éternelle », col. 1109 A ; « c’est la vraie vie, parce qu’éternelle, hoc est vere esse, sans changement ni corruption ». Col. 1108 D. Si l’on demande à notre platonicien où il place cette vision béatifiante de Dieu, avant ou après la mort, sur la terre ou au ciel, sa réponse est autrement assurée que celle d’Augustin dans ses années néoplatoniciennes : comparer De quantitate animse, c. xxxiii, n. 76, et Adv. Arium, t. I, c. lviii : Divinum ut est clarum non capit humana natura, et t. III, c. i : « Il faut abandonner la vie extérieure, renoncer à l’intelligence, si nous voulons voir Dieu ; c’est là ce que nous apporte la mort : Simili enim simile videtur ; or Dieu (le Père) est cessans vila et cessons intelligentia, c’est l’Être pur ! » Col. 1109 A. Mais pour qui, et d’abord pourquoi cette vie éternelle ? Ce n’est que la fin du circuit vital, qui n’a pas eu de commencement et ne doit jamais avoir de fin, la vie infinie et universelle, qui a son point de départ en Dieu et dans le monde supracéleste, entraînera jusqu’au ciel les quatre éléments et tous les êtres de la terre », col. 1100 C ; et donc « toutes choses purifiées font retour à la vie éternelle », col. 1100 B, en particulier « l’homme tout entier tel qu’il a été pris par le Verbe incarné en corps et en âme ». Col. 1101 A. C’est là le ciel des chrétiens, col. 1083 C. « Pour être bénis au ciel, il nous faut un jour sortir de ce monde. » Col. 1238 B.

Il faut savoir un gré spécial à ce platonicien venu sur le tard à la doctrine de saint Paul, d’avoir cherché à faire la conciliation de sa foi nouvelle avec sa pensée philosophique. D’une part, en effet, il tient toujours pour sordide et misérable la prison que l’âme trouve dans le corps charnel ; d’autre part cependant, il affirme, dans les termes de l’Apôtre, que « notre corps, notre chair ressuscitera, sera revêtue d’incorruption et deviendra chair spirituelle ». Col. 1088 B. C’est que « le Christ incarné et crucifié pour sauver les âmes, a opéré la résurrection aussi pour notre corps ». Col. 1226. Il en cherche l’explication plutôt philosophique en ce que « le Verbe juxta omnia fuit, dans sa vie, sa résurrection, son ascension, son retour futur ». Col. 1088. Évidemment, cette « résurrection des corps sera un changement radical, puisque nous recevrons un revêtement spirituel », loc. cil. ; cf. col. 1226, col. 1241, et il admettrait volontiers que cette « chair supérieure ait fait partie du Logos créant le monde à son image ». Loc. cil. Mais ici nous sortons du dogme chrétien. Sur l’Église céleste, cf. col. 1 170 C ; sur le rôle du Christ en la résurrection, col. 1221 B, et son retour au Père, « réduction de toutes choses à une seule puissance, col. 1226 C, » et finalement soumission du Verbe au Père plus puissant », col. 1227 A.

Ce jugement sera l’avènement du Christ, col. 1213 B, 1229 A, la fin du monde qui est proche, loc. cit., et la rédemption dans l’Esprit, col. 1282 A.

La restitution finale est enseignée par le théologien romain d’après I Cor., xv, 25-28, mais sans les précisions malheureuses d’Origène, ni non plus les réserves nécessaires de saint Jérôme : « Finalement Dieu sera tout en tous, non pas que tout soit en chaque être, mais c’est Dieu qui sera en tous : Dieu donc sera tout parce que tout sera rempli de lui. » Col. 1070 CL ; cf. col. 1241 C.