Dictionnaire de théologie catholique/VIATIQUE

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 656-664).

VIATIQUE.—
I. Le mol et la chose.
II. Aperçu historique, col. 28 13.
III. La communion des malades, col. 2817.
IV. La communion des mourants, col. 2853.

I. la mot et la chose.

Le mol viaticum a été emprunté au langage profane. Chez les Romains, c’était le repas offert aux amis partant en voyage, cœna Viatica, ou encore les provisions alimentaires « ni pécuniaires « pie l’on emporte avec soi pour la roule. Les Crées désignaient les mêmes réalités sous les mots é<|ioSloç et oSoiTtOpiov Au Moyen Age. le terme viatique était encore employé pour désigner la somme d’argent donnée par le monastère à un religieux qui entreprenait un long voyage.

transposée dans le langage liturgique, l’appella lion fut appliquée de lionne heure à tous les secours spirituels accordés aux fidèles sur le point « le quitter «  « monde : baptême, cou lirmation, extrême « mcl i « >n. cl surtoul l’eucharistie, aliment par excellence en vue du grand voyage vers l’éternité, (.f. Gasparri, l’rncin lus de SS, Ijiih.. n. 1066. Mais dans ce dernier cas, « m précisait souvent au moyen « les expressions com

munionis viaticum, viaticum eucharisties. Cf. Gratien, Décret, II », eaus. XXVI, q. vi, c. et 8. C’était l’ultime et indispensable remède au moment de la mort : Ut si forte quis recédât ex corpore, necessario non defraudetur viatico. Can. 13 de Nicée (325). Cf. Hefele-Leclercq, Hist. des conciles, t. i a, p. 593. Même remarque au concile d’Orange (441), can. 3, ibid., p. 436. Cf. aussi Décret, II », caus. XXVI, q. vi, c. 7 et 9. L’appellation de viatique fut bientôt si exclusivement réservée à l’eucharistie, qu’on l’enlendit parfois de toute communion, même en dehors du péril de mort. Un concile de Bourges (1286) rappelle que « tous les fidèles doivent recevoir le viatique à Pâques ». Mais ce n’est pas là usage constant. Habituellement, et aujourd’hui encore, le viatique c’est la communion eucharistique donnée aux fidèles en danger de perdre la vie et sans obligation de jeûne.

Il n’y a pas à s’arrêter à l’idée, émise par quelques auteurs, de chercher l’origine de l’appellation dans l’habitude qu’avaient les premiers chrétiens de porter l’eucharistie suspendue à leur cou, quand ils partaient en voyage.

Saint Thomas donnait de ce terme une explication un peu différente, mais toujours en rapport avec l’eucharistie, suprême aliment de ceux qui vont quitter ce monde : In quantum scilicel hoc sacrumentum est prœ/igurativum fruitionis Dei, quæ erit in patria, secundum hoc dicitur viaticum, quia hic præbet nobis veniam illuc perveniendi. III », q. lxxiv, a. 4.

II. Aperçu historique.

1° Le viatique en dehors de la messe. — L’habitude des premiers chrétiens était de communier chaque fois qu’ils assistaient au saint sacrifice. Dès l’origne se posa la question de la communion des voyageurs, des prisonniers, des absents en général et surtout celle des malades, des mourants ou des confesseurs exposés à la mort. On y pourvut en réservant pour eux des espèces consacrées, et en les leur faisant porter en dehors du sacrifice. La chose nous est déjà attestée par saint Justin. I Apol., lxvii, P. G., t. vi, col. 427. Tertullien nous apprend aussi que les chrétiens emportaient des parcelles de l’eucharistie, pour se communier chez eux en dehors des jours de réunion. De oralione, c. xix, P. L., t. i, col. 1181 ; cf. Ad uxor., c. v, ibid., t. i, col. 1295. Nul doute que les malades et les mourants n’aient bénéficié de la communion à domicile. Recevaient-ils cette communion sous les deux espèces ? Le texte de saint Justin le laisserait supposer. Il semble toutefois que parfois on se soit limité au pain consacré, plus facile à transporter. Eusèbe nous apprend que Denys d’Alexandrie envoya un jeune garçon porter une parcelle eucharistique à un Vieillard du nom de Sérapion, lui enjoignant de la tremper dans de l’eau avant de la déposer dans la bouche du vieillard. Le terme employé par les Pères grecs, [xepîSa, ne saurait guère s’appliquer qu’à des fragments solides. Cf. Corblet, Hist. du sacr. de l’euch., Paris, 1885, t. i, p. 604. Pourtant, au ive siècle, saint Zosime apporte à Marie l’Égyptienne une parcelle d’hostie et une part du vin consacré le jeudi saint. Cf. Acta sanct., avril, t. i, p. 66. Il n’y eut sans doute pas de règle générale. Voir Communion (sous les deux espèces), t. iii, col. 554 sq. Il y a lieu d’ailleurs de corriger les affirmations trop absolues de cet article par les précisions apportées par M. Andrieu dans son livre cité ci-dessous. À partir du xiie siècle, l’usage prévalut de n’emporter l’eucharistie que sous l’espèce du pain, sauf chez les syriens, où la pratique contraire survécut, au moins à l’état sporadique, jusqu’à la fin du Moyen Age. Mais, au milieu du xviie siècle, syriens, coptes, maronites et nestoriens n’administraient plus le viatique que sous l’es pèce du pain. Cf. T.-J. Lamy, Dissertatio de Syrorum fide et disciplina in re eucharislica, Louvain, 1859, p. 181. Non moins tenace fut l’habitude de Vintinction (appelée aussi immixtion ou commixtion), consistant à tremper le pain eucharistique dans le vin consacré. Cf. M. Andrieu, Immixlio et consecratio, Paris, 1925.

La coutume, en dépit de prohibitions réitérées, ne disparut qu’avec l’abolition complète de la communion sous les deux espèces. Il arriva, aux époques postérieures, que, pour faciliter la communion du malade, on continuât à tremper l’hostie dans du vin non consacré. Cette pratique fut interdite par le Rituel de Reims de 1677 : « Lorsque le curé donnera la sainte eucharistie aux malades, il ne la trempera pas dans du vin ou autre liqueur, sous quelque prétexte que ce soit ; mais, après avoir communié le malade, il lui donnera un peu de vin et d’eau, afin qu’il puisse avaler plus facilement les espèces. »

Les sujets.

Il n’était pas rare que les premiers

chrétiens conservassent l’eucharistie chez eux. Tout naturellement, ils devaient en user en cas de maladie et aux approches de la mort. La question de rupture du jeûne n’était pas un obstacle, en un temps où, même pour les fidèles en bonne santé, cette pratique n’était pas encore strictement obligatoire.

Pour les mourants, le viatique dut être reconnu de bonne heure comme obligatoire. Le 13e canon de Nicée (325) en parle comme d’une « loi ancienne et canonique ». Cette obligation, rappelée par le IVe concile de.Cartilage (398), can. 76, fut de nouveau promulguée au concile d’Orange, can. 3, « selon la définition des Pères » (de Nicée). Cf. Hefele-Leclercq, Hist. des conc, t. n a, p. 436. Est-ce par suite d’une interprétation trop stricte de ces prescriptions ou par suite d’une croyance erronée à la nécessité absolue de l’eucharistie pour le salut, cf. Joa., vi, 54, que l’on en vint, en Orient comme en Occident, à communier parfois des morts ? Quelques auteurs ont pensé que l’on agissait de la sorte à l’égard des pénitents que la mort avait frappés subitement, afin de montrer par là que l’Église les réintégrait dans sa communion ; d’autres ont supposé que l’eucharistie était administrée aux morts afin de préserver leur cadavre des vexations du démon. Cf. Corblet, Hist. du sacrement de l’eucharistie, t. i, p. 339. Dans ce même but, on déposait des parcelles d’hosties consacrées ou même des vases contenant le précieux sang dans les tombeaux. Cf. Cabrol-Leclercq, art. Ampoules, dans Dict. d’archéol. et de liturgie, t. i, col. 1757-1759. Chacune de ces explications a pu être vraie pour telle ou telle contrée ; mais la pratique ne saurait être mise en doute puisqu’elle fut condamnée par plusieurs conciles. Citons le canon 4 du IIIe concile de Carthage (398) : Ut corporibus defunclorum eucharistia non detur… ; défense renouvelée par un autre concile de Carthage en 525. Cf. Mansi, Conc, t. iii, col. 919 ; t. viii, col. 643. Même prohibition de la part d’un concile d’Auxerre (entre 573 et 603) ; cf. Hinschius, System des kathol. Kirchenrechls, t. iv, p. 384 sq. ; et enfin de la part du concile in Trullo (692) ; cf. Pitra, Juris eccl. græcorum hist. et mon., t. ii, p. 63.

En Italie, et à Rome même, si on ne communiait pas les morts, on avait la dévotion de recevoir le viatique à l’instant même qui précédait le trépas, ut cum animæ egrediuntur. communio Domini in ore sit. C’est du moins ce qui nous est rapporté au sujet de sainte Mélanie, laquelle, sentant sa fin prochaine, communia trois fois dans la même journée, la dernière fois peu d’instants avant d’expirer. Rampolla y Tindaro, Santa Melania giuniore, Roma, 1905, p. 252-254. La même faveur fut procurée à saint Ambroise, au témoignage de Paulin, son secrétaire :

quo acceplo (Domini corpore), ubi glulivit, emisil spiritum, bonum viaticum secum ferens. Cf. Vita S. Ambrosii, P. L., t. xiv, col. 43. En.Orient, Basile de Césarée serait mort également, dit son biographe, le pseudo-Amphiloque, « étendu sur son lit, alors qu’il avait encore l’eucharistie dans la bouche ».

Il semble que, selon la rigueur de la discipline pénitentielle à ses débuts, on ait refusé l’eucharistie aux pénitents publics même en danger de mort. On ne leur donnait que l’absolution. Mais, selon les régions, on connaît aussi la pratique inverse : refus de l’absolution, mais administration du viatique. Ainsi le IVe concile de Carthage (398) décide qu’on leur administrerait le viatique eucharistique, mais à la condition qu’en cas de retour à la santé, ils demeurassent soumis à la pénitence publique jusqu'à réconciliation légitime, can. 76. La même prescription fut renouvelée au concile d’Orange (441), canon 3 :

Ceux qui vont mourir pendant le cours de leur pénitence, ne recevront pas l’imposition des mains, mais seulement la communion, ce qui suffît pour la consolation des mourants, selon la tradition des Pères, qui ont nommé cette communion viatique. S’ils ne meurent pas, ils demeureront au rang des pénitents, et, après avoir montré de dignes fruits de pénitence, ils recevront la communion légitime avec l’imposition des mains réconciliatrice. » Hefele-Leclerc, Hist. des conc, t. ii a, p. 436. Au début du ve siècle, Innocent I er recommande d’accorder la communion eucharistique aux moribonds repentants qui en font la demande, alors même que, depuis leur baptême, ils auraient vécu dans le dérèglement.

C’est dire implicitement qu'à cette époque (fin du ive et début du ve siècle), la communion était, pour les malades et les mourants restés fidèles, au moins un droit, sinon une obligation. Le pape Léon IV parle de « la pyxide, où se garde le corps du Seigneur pour être donné comme viatique aux malades ». Cf. Labbe, Concilia, t. viii, p. 34.

Le lieu.

Pour la réception du viatique, aucun

lieu n’a jamais été imposé ; l’imprévu de la mort aussi bien que l’urgence du précepte obligèrent à distribuer le pain eucharistique aussi bien dans les prisons que sur les navires ou sur les champs de bataille. Cependant plusieurs saints personnages voulurent être transportés dans une église ou une chapelle pour y recevoir le viatique. C'était aussi la règle dans certains monastères d’hommes ou de femmes. Cf. Corblet, op. cit., t. i, p. 374-375.

Mais le plus souvent, c'était dans la demeure même du malade ou du mourant que le viatique était administré. Parfois, ou célébrait la messe dans la chambre du mourant pour lui procurer la communion. Cette tolérance qui remonte aux siècles du haut Moyen Age, fut pratiquement supprimée après le concile de Trente.

Les ministres.

Dans la primitive Église, et

surtout au temps des persécutions, non seulement les diacres, mais encore les ministres inférieurs et même

Ii amples fidèles portèrent la communion aux malades et aux mourants, aux prisonniers et aux confesseurs de la foi. La chose paraissait d’autant moins Insolite « pie les fidèles emportaient l’eucharistie dans leurs maisons pour s’en nourrir en temps opportun. La paix rendue à l'Église, les conciles occidentaux s’efforcèrent de réserver peu a peu le port du viatique, comme la distribution (le la communion, aux seuls prêtres ou diacres, hormis les cas de nécessité. Mais l’usage contraire subsista longtemps, puisqu’au xe siècle évéques et conciles légifèrent encore en la matière. Les conciles de Londres (1138) et de Houen

dlN'.t) admettent qu’en l’absence de prêtre on de diacre, un (1ère inférieur ou même un laïc peut admi nistrer le viatique à un mourant. En Orient, le ministère des laïcs est moins exceptionnel et les femmes elles-mêmes, si rigoureusement écartées dans l'Église latine depuis le Moyen Age, continuent, chez les coptes et les jacobites, à porter le viatique aux malades, en cas de nécessité. Cf. Assemani, Bibl. orientalis, t. iii, p. 850.

De nos jours, eu égard à l’extrême nécessité et au péril de mort prochaine où se trouvèrent certains détenus ou prisonniers au cours de la guerre 19391945, le port de l’eucharistie fut parfois confié à des laïcs, même à des femmes, qui avaient la possibilité d’approcher des camps ou de pénétrer dans les prisons. Les détenus eux-mêmes reçurent parfois des parcelles consacrées pour s’en communier de leurs propres main à l’heure suprême.

Quelques rites et cérémonies.

À l’origine de

l'Église, la communion était portée aux malades et aux mourants sans grand apparat extérieur. Il semble que les attaques de Bérenger, voir t. ii, col. 722742, contre la présence réelle aient suscité, par réaction, un plus grand empressement à entourer d’honneur la sainte eucharistie. Cf. t. v, col. 1209-1232. Dès le xiiie siècle, le concile de Wurtzbourg (1287) invite l'évêque à punir le prêtre qui aura porté le viatique de façon secrète et sans solennité. Plus récemment la S. Congrégation des Rites, 6 février 1875, a condamné comme un abus, l’usage de porter le viatique sans les solennités prescrites, à moins qu’il n’y ait des raisons graves de les omettre.

Les custodes ou pyxides dont on se servait pour le port de l’eucharistie revêtaient les formes les plus variées : vases, avec ou sans pied, boîtes rondes, ciboires, calices que l’on recouvrait d’un linge de lin fin, ou même ostensoirs, comme à Lucerne ; ce dernier usage fut approuvé expressément par Sixte IV (1479). À défaut de custode, on se contentait de mettre l’hostie consacrée dans un corporal, que l’on pliait et que l’on renfermait dans une bourse suspendue au cou par un ruban.

La matière dont étaient faites ces pyxides n'était pas moins variée : métaux précieux comme l’or et l’argent, métaux plus vulgaires comme l'étain ou le cuivre, le verre, la terre cuite, etc. Eudes de Sully, évêque de Paris, prescrit dans ses statuts diocésains (1195) de porter le viatique dans une pyxide d’ivoire bien fermée, pour éviter tout accident en cas de chute. Cf. Labbe, Concilia, t. x, p. 1802.

Pour le port solennel, de véritables processions ou manifestations furent parfois organisées dans certains pays. Le concile d’York de 1195 faisait déjà une obligation d’accompagner le viatique en portant au moins une lumière, « sauf les jours de vent ou de tempête ». Pour en protéger la flamme, on fabriqua bientôt des lanternes aux formes variées ; on les fixait parfois au bout d’une hampe (falots).

L’usage de sonner quelques coups de cloche (recommandé aujourd’hui encore par le Rituel, tit. iv, c. iv, n. 10), alors que le prêtre se dispose à porter la communion aux infirmes (Port-Dieu), remonte au milieu du xvii c siècle ; on le pratiquait à Rome et en France pour rassembler les fidèles qui voulaient faire cortège a l’eucharistie. Dès le xiii 1 e siècle, on trouve, (ii Allemagne et en Angleterre, des ordonnances épiscopales qui prescrivent d’agiter une clochette devant le prêtre qui porte le viatique, cf. Mituel, ibid., n. 13 : aller ( clcricus)… campanam juqiler pulset. Comme aujourd’hui, Rituel, Ibid., n. 12, ce piètre marchait tête nue, abrité sous un dais ou un ombrellino. Les fidèles suivaient, portant, si possible,

dis flambeaux. D’après le nouveau Rituel (1925), les porteurs de cierges ou de torches devraient précéder le prêtre, qui marche en dernier lieu : succédant ilcinde

ferentes inlorlicia. Postremo sacerdos sacramentum ferens. Si pourtant il y a des femmes, leur place est derrière le prêtre : Mulieres uutem, si vclinl déferre lumina, sequantur sacerdolem. S. Gong, des Rites, 2 déc. 1903. Dans certaines contrées (Italie, Espagne, France), on organisait, jusqu’à ces dernières années, de véritables processions, très solennelles, pour porter la communion à tous les malades de la paroisse, principalement au temps de Pâques ; c’était le « viatique général ».

Le nouveau Rituel, ibid., n. 11, demande encore que l’on prépare, dans la chambre du malade, deux récipients, contenant l’un du viii, l’autre de l’eau. Cet usage remonte au temps où les malades avaient l’habitude de prendre des ablutions après la communion ; plusieurs conciles du Moyen Age prescrivent de donner de l’eau et du vin au malade pour l’aider à avaler la sainte hostie. À cette époque, c’était souvent l’eau dans laquelle le prêtre s’était purifié les doigts. Actuellement, le Rituel dit simplement de jeter cette eau dans la piscine ou dans le feu : aqua vero ablutionis suo tempore mittitur in sacrarium, vel, si hoc desit, in ignem, n. 22. Si le malade a besoin de prendre un liquide pour faciliter la déglutition des saintes espèces, on se servira de l’eau ou du vin préparés à cet effet.

Selon la discipline actuelle, ce n’est régulièrement qu’après la réception du viatique que l’on doit administrer l’extrême-oncfion, si lempus et inftrmi conditio permittut, Rit. Rom., tit. v, c. i, n. 2. Toutefois, comme ce n’est qu’une « coutume générale », cette pratique n’oblige pas sub gravi et l’ordre contraire peut être suivi pour une cause raisonnable. C’est que, jusqu’au xie siècle, le viatique suivait l’extrêmeonction ; le changement de discipline se fit au cours du xiie siècle. Uès 1293, un concile d’Angers rendit l’ordre actuel obligatoire, de même un concile de Chartres (1526), ainsi que le rituel de Paul V. La pratique contraire s’étant maintenue dans certaines paroisses d’Italie jusqu’au xviiie siècle, Benoît XIV la blâma, sans cependant la taxer de faute grave, De synod. diœces., t. VIII, c. viii, n. 1.

On notera que le mot viatique est encore souvent employé de nos jours pour désigner soit la communion des malades non à jeun (communier en « viatique » ) ou même toute communion à domicile, le malade fùt-il à jeun. C’est pourquoi nous traiterons séparément de la communion des malades et de la communion des mourants (viatique au sens strict). Le Rituel les groupe toutes les deux sous le titre De communione in/irmorum, tit. iv, c. iv.

III. De la communion des malades.

1° Le soin spirituel des infirmes. — « Le curé se souviendra que l’un de ses principaux devoirs est le soin des infirmes. Dès qu’il saura qu’il y a un malade sur le territoire de sa paroisse, il n’attendra pas qu’on vienne l’appeler. .. Il exhortera aussi ses paroissiens à l’avertir… » Ces graves paroles du Rituel, tit. v, c. iv, n. 1, sont complétées par l’avertissement du canon 468 : « Le curé est tenu d’aider avec le plus grand soin et la plus grande charité les malades de sa paroisse… ; il doit avoir un grand zèle pour les fortifier par les sacrements et il les recommandera au Seigneur dans ses prières. » Trop souvent, en effet, les malades, surtout ceux qui sont soignés dans leur propre famille, ont à souffrir d’un certain abandon spirituel, lorsque leur état se prolonge. Cf. Mgr Jorio, La communion des malades, Louvain, 1933, Avant-propos et p. 31 sq.

Au nombre des secours spirituels dont les malades ont particulièrement besoin et que l’on s’efforcera de leur procurer, la communion est assurément l’un des plus efficaces. Elle peut être fréquente et même

quotidienne aux deux seules conditions indiquées par le décret Sacra Tridenlina Synodus, du 20 décembre 1905 : état de grâce et intention droite. Tout désir légitime des malades sur ce point devra être satisfait par les pasteurs d’âmes et ceux qui ont la charge des infirmes.

Le jeune eucharistique.

Tel qu’il demeure

prescrit par le canon 858, § 1, il peut être un obstacle à la communion fréquente ou même à toute communion des malades. Cependant, surtout en ces dernières années, des induits, soit généraux (pour un diocèse ou une contrée), soit individuels sont venus adoucir notablement la discipline sur ce point. En général, ces dispenses autorisent l’absorption de liquides ou de médicaments avant la communion. Une fois, la S. Congrégation des Sacrements a accordé la permission de prendre une nourriture solide, en un cas tout à fait exceptionnel et après audience du pape (1 er juillet 1918).

Le Saint-Office, plus récemment, a refusé une permission semblable.

Dès le 7 décembre 1906, la S. C. du Concile, en se référant au Décret de 1905 sur la communion fréquente et quotidienne, avait accordé aux malades la faculté de communier après avoir pris une nourriture liquide ; les malades pouvaient user de cette permission, sur l’avis prudent du confesseur, une ou deux fois par semaine s’ils se trouvaient dans une maison où était conservé le saint sacrement, ou encore s’ils jouissaient du privilège de faire célébrer la messe dans leur oratoire privé ; en dehors de ces cas, deux fois par mois seulement.

Le Code a étendu et précisé cette concession : « Les malades qui gardent le lit depuis un mois, sans espoir fondé de guérison prochaine, ont la faculté de communier, d’après l’avis prudent du confesseur, une ou deux fois par semaine, après avoir pris un remède ou quelque nourriture liquide ». Can. 858, § 2.

Trois conditions sont requises pour que les malades puissent user de cette faveur :

a) Ils doivent être alités (decumbunt) ; point n’est besoin que la maladie soit grave, il suffit qu’elle soit de celles qui, même légères, mais réelles, obligent, de l’avis du médecin, à garder le lit. La vieillesse, l’anémie, l’asthénie peuvent, sous ce rapport, être assimilées à une maladie. Cf. Capello, De sacramentis, t. i, n. 471, éd. 1945. Au contraire, une simple fracture qui ne fait qu’immobiliser le patient sur sa couche en lui laissant toute possibilité de se nourrir normalement, ne paraît pas placer le blessé dans les conditions requises pour qu’il bénéficie de la faveur ; il en serait autrement si la fracture se compliquait de fièvre, suppuration, ou était cause d’affaiblissement, anémie ou manque d’appétit. Cf. Jorio, op. cit., n. 72. Selon l’interprétation donnée par la S. Congrégation du Concile le 6 mars 1907, peuvent user de la faveur : les cardiaques, asthmatiques, emphysémateux, que leur mal oblige à passer de longues heures du jour ou de la nuit sur un fauteuil et non au lit ; de même les cancéreux, tuberculeux, dont l’état est grave, mais leur permet cependant de se lever quelques heures dans la journée. Le fait qu’ils feraient quelques pas sur une terrasse ou un balcon couvert, ou même se rendraient à la chapelle ou à l’église toute proche pour y communier, ne serait pas un obstacle à l’usage de leur droit. Mais la faveur ne saurait s’appliquer aux cancéreux, cardiaques, tuberculeux, diabétiques, à un degré moins avancé, qui vaquent encore à leurs occupations ordinaires, bien qu’au ralenti. Ainsi a répondu la S. Congrégation des Sacrements le 22 novembre 1909 : la concession ne s’appliquant pas aux malades qui, habituellement, ne gardent pas le lit. il faudra recou

rir pour chaque cas particulier. Cette interprétation vaut encore, après la promulgation du Code, d’après le canon 6, 3°.

b) Les malades doivent être alités depuis un mois (a mense). S’il fallait calculer ce mois mathématiquement (30 jours) selon les normes du canon 34, ainsi que l’exige Mgr Jorio, op. cit., n. 64, on se trouverait dans de telles anxiétés ou en face de quasiimpossibilités telles, que l’usage du privilège serait rendu trop onéreux ; il est, en effet, souvent difficile de noter avec exactitude le début d’une maladie, et, au cours de l’évolution, il peut se trouver quelques jours durant lesquels le mal semble avoir disparu. C’est pourquoi l’ensemble des auteurs se range aujourd’hui à l’opinion d’un mois, calculé non pas mathématiquement, mais « moralement », c’est-à-dire humano modo, selon ce qui se fait ordinairement et communément. Cf. Capello, De sacram., t. i, n. 460 : M. Conte a Coronata, De sacram., t. ii, n. 320.

c) Enfin, il ne doit pas y avoir, pour le malade, d’espoir fondé de guérison prochaine (sine certa spe ut cito convalescant). Il s’agit, dit Mgr Jorio, op. cit., n. 68, « d’une guérison complète ou presque complète, et non pas d’une simple convalescence au sens propre de ce mot ». La guérison sera prochaine, si le médecin ou une personne compétente en -prévoit l’échéance au bout de quatre ou cinq jours.

A ces conditions, le malade pourra communier une ou deux fois, au maximum, par semaine. L’avis prudent du confesseur interviendra, non pas tant pour apprécier la réalisation matérielle des conditions requises, que pour juger l’état d’âme de l’infirme, et apprécier s’il est suffisamment disposé intérieurement, pour communier et communier plusieurs fois.

Les substances que le malade est autorisé à prendre avant de communier sont tout médicament et toute nourriture sous forme liquide : viii, alcool, lait, café, chocolat, bouillon, etc. Pour les médicaments, le Code ne distinguant pas entre solide et liquide, louf remède, même solide (cachet, pilule, etc.) est autorisé. Il n’en serait pas de même, semble-t-il, du sucre, pastilles, même si on les laisse fondre dans la bouche avant de les avaler. On s’en tient, en effet, pour marquer la distinction, à la manière dont les substances sont introduites dans la bouche, et à la manière commune de parler : on mange du sucre. Cependant, si sucre ou pastilles étaient ordonnés par le médecin à titre de remèdes, il serait permis d’en user avant de communier. Le Saint-Office, 7 septembre 1897, a précisé que le liquide absorbé pouvait Contenir en suspension : semoule, pain râpé, cents délayés, pourvu que le mélange ne perde par sa nature de liquide. In œuf frais ou très légèrement cuit peut être considéré comme aliment liquide.

On s’est demandé si, pour user de la faculté accordée par le canon X."> ! s. § 2, il était nécessaire que le malade fut dans l’impossibilité de garder le jeune naturel. I.e texte de la loi ne fait aucune mention de Cette condition ; on ne devra donc pas la regarder comme une stricte obligation, niais seulement comme une convenance a observer, selon l’esprit du législateur. Dans le (us donc où un infirme pourrait s ; ms aucun inconvénient rester à jeun pour communier, le jeune lui sera conseillé, mais non imposé. Capello.

De tacram., t. t, n. 172. Il est clair, d’autre part, que le malade qui jouit déjà, par ailleurs, d’un induit personnel l’autorisant à communier. s ; ms être à jeun. trois fois par semaine, pourra cumuler cette permission avec la faveur accordée par le Code c| communier cinq fois, d’après l’avis’le son confesseur. On Veillera

cependant a ce que l’induit ne spécifie pas qu’il

s’agit seulement d’une simple extension a trois jouis de la faveur accordée par le droit général.

Il arrive fréquemment que certains malades, désireux de communier souvent, ne réalisent pas les conditions requises par le droit pour bénéficier de l’exemption du jeûne. En ces cas, il faut recourir à l’Ordinaire du lieu, qui, souvent, est muni, d’induits pour accorder des permissions assez larges. Sinon il n’y a qu’à adresser des demandes individuelles de dispense au Saint Siège, par l’intermédiaire de l’Ordinaire, ou au moins avec sa recommandation. Os dispenses sont accordées, par l’intermédiaire de la S. Congrégation des Sacrements, s’il s’agit de la communion des clercs ou des laïcs ; de la S. Congrégation des Religieux, pour tous les membres des instituts et des sociétés dont les sujets vivent en commun, même sans vœux ; de la S. Congrégation de la Propagande, pour tous les territoires qui lui sont soumis, les sujets religieux exceptés, à moins que les instituts ne soient entièrement dépendants de la Propagande (c’est le cas de certains instituts purement missionnaires) ; de la S. Congrégation pour l’Église orientale, s’il s’agit de clercs ou fidèles appartenant aux divers rites orientaux.

3° Le temps et le lieu de la communion des infirmes.

— En dehors du péril de mort, on ne peut porter ou distribuer la communion (de dévotion) aux malades, à d’autres jours ou à d’autres heures qu’aux fidèles en bonne santé. Tous les jours sont autorisés, sauf le vendredi saint ; le jeudi saint n’est pas compris dans la défense, au moins jusqu’au moment où le saint sacrement sera placé dans le reposoir ( Kubr. Miss.). Le samedi saint, la communion ne peut être distribuée aux assistants que pendant la messe ou aussitôt après. Des induits ont été accordés pour la distribuer avant. lit si, dans certaines contrées, existait une coutume centenaire ou immémoriale, de porter la communion aux malades tout au cours de la matinée du samedi saint, cette coutume pourrait être conservée si l’Ordinaire juge opportun de ne pas la supprimer. Cf. Jorio, op. cit., n. 47.

Quant à l’heure à laquelle il est permis de communier les malades, elle coïncide avec celle à laquelle il est permis de célébrer la messe, c’est-à-dire une heure avant l’aurore, et environ une ou deux heures après midi (puisque l’on peut « commencer » la messe à treize heures). Cf. can. 821. Cependant, le canon 867, § 4 prévoit qu’une « cause raisonnable » peut excuser de l’observation de cet horaire. Le désir légitime du malade de communier sera un motif suffisant.

Le lieu de la communion des malades pourra être non seulement la chambre de l’infirme, mais encore tout oratoire ou lieu décent, où seraient rassemblés des valétudinaires qui ne pourraient se déplacer jusqu’à l’église. La S. Congrégation des Sacrements a même répondu, le 5 janvier 1028, à l’évêque de Mondovi (Piémont) que, moyennant l’autorisation de l’Ordinaire (accordée pro singulis casibus et per modum actus), dans cet oratoire ou ce lieu décent (qui pourrait même être la maison du malade) pourraient venir recevoir la communion en même temps que les malades, les fidèles habitant la montagne, dans des hameaux éloignés, s’ils ne peuvent ce jour-là se rendre à l’église. Moyennant la même autorisation, les membres de la famille pourraient communier dans la chambre en même temps que le malade. L’infirmière, privée de la communion parce qu’elle

ne peut absolument pas quitter son malade, pourrait, par une Interprétation bénigne du droit, être com muniée dans la chambre de l’infirme. (J. Jorio.

Op. Cit. n. 19. Par analogie, il semble que, pour ennui rager un malade à faire son devoir, on pourrait, en usant d’épikie. admettre une ou plusieurs personnes a communier avec lui. et cela, non seulement s’il s’agit du viatique, mais encore de la coin

munion pascale, ou d’une autre communion exceptionnellement importante, après une longue période d’abstention.

Des rites et cérémonies à observer.

Le Code,

can. 847-849, comme le Rituel, tit. iv, c. iv, distingue le port public et le port privé de la communion aux malades. Le port public s’accompagne des solennités prévues par les rubriques du Rituel, tit. iv, c. iv, n. 10 sq., et observées au moins susbtantiellement. Le port privé ne comporte que des rites réduits, ibid., n. 29.

1. La règle édictée par le canon 847 est que « la communion doit être portée aux malades publiquement, à moins qu’une cause juste et raisonnable ne s’y oppose ». Cette prescription vaut pour la communion de dévotion, comme aussi pour le viatique. Les causes « justes et raisonnables », qui peuvent autoriser le port privé de l’eucharistie sont variables selon les temps et les lieux. Parmi les plus communes, citons : a) la crainte de manifestations hostiles de la part d’une population composée d’un grand nombre d’incrédules ou d’hérétiques à l’esprit agressif ; — b) les restrictions ou interdictions portées par l’autorité civile ; — c) des circonstances extraordinaires comme les temps de troubles ou d’épidémie, durant lesquels les rassemblements sont interdits ; — d) le surcroît de travail imposé à un clergé déjà surchargé, surtout les jours de fête, où les malades désirent de préférence communier ; — e) le nombre des malades à communier le même jour, ou la fréquence de la communion à porter à un malade qui la réclame instamment et en a besoin ; — f) le désir raisonnable du malade ou de la famille, qui craint un dommage matériel pour l’entreprise, si la clientèle apprend qu’il y a un malade dans la maison ou que celle-ci n’est plus dirigée par son chef habituel ; — g) le refus du curé de porter lui-même publiquement la communion, ou sa décision de ne la porter qu’à certains jours déterminés ; — h) l’inclémence de la température.

La S. Congrégation des Sacrements, consultée au sujet de l’application pratique du canon 847, répondit, le 5 janvier 1928, que c’est à l’Ordinaire du lieu, et non pas à n’importe quel prêtre, qu’il appartient de juger de la suffisance des motifs qui peuvent autoriser le port privé. Elle ajoutait cependant le commentaire suivant, pour préciser son intention (mens est) : « Si, dans un diocèse ou une région d’un diocèse, l’expérience démontre ou l’opinion commune affirme qu’il n’y a aucun inconvénient à porter la communion aux malades en forme privée, les Ordinaires se garderont de porter des règlements trop précis ou des ordonnances générales, faisant une obligation du port public. Ils se garderont aussi de se réserver la faculté d’accorder, pour chaque cas, l’autorisation du port privé, de peur de mettre ainsi obstacle à la communion même quotidienne, qui est la consolation des malades. » Acta Ap. Sedis, t. xx, 1928, p. 81. Déjà le 20 décembre 1912, la même Congrégation avait répondu que les Ordinaires peuvent autoriser le port privé de l’eucharistie, lorsque les malades demandent à communier même par dévotion, surtout si, dans une paroisse, il s’en trouve plusieurs qui formulent semblable demande, ou même un seul qui désire communier fréquemment.

Ainsi se trouvent sauvegardés et le droit des évêques à prévenir les abus, et celui des malades à communier fréquemment et même quotidiennement selon les normes indiquées par le décret Sacra Trident ina Synodus, du 20 septembre 1905. Or, il apparaît que dans beaucoup de régions, et là surtout où se fait sentir le manque de prêtres, le curé se trouve dans l’impossibilité de porter chaque jour,

en forme publique, la communion aux malades, surtout dans les grandes villes. En conséquence, les prescriptions de certains statuts diocésains, réglementant avec trop de rigueur le port de la communion, et imposant strictement le port public, devront être modifiées dans le sens de la déclaration de la S. C. des Sacrements..Mgr Jorio (devenu préfet de la dite Congrégation) n’hésite pas à dire que les dispositions contraires à cette déclaration sont « sans valeur ». La communion des malades, n. 111. Cf. n. 109-115.

2. Le curé seul a, dans sa paroisse, le droit et le devoir de porter publiquement hors de l’église, la communion aux malades qui se trouvent sur son territoire, même s’ils ne sont pas ses paroissiens. Les autres prêtres n’ont ce pouvoir qu’en cas de nécessité ou avec la permission, au moins présumée, du curé ou de l’Ordinaire. Can. 848. En cette matière, la nécessité peut être physique ou morale ; il n’est pas dit qu’elle doive être extrême ; elle peut provenir soit du curé, soit du malade.

Le diacre, qui n’est que ministre extraordinaire, ne pourra régulièrement porter la communion aux malades qu’avec l’autorisation expresse de l’Ordinaire ou du curé. Sous le nom de curé, il faut entendre tous ceux qui jure proprio peuvent distribuer la communion, donc le vicaire-curé, le vicaire économe ou substitut, le supérieur religieux, le supérieur du grand séminaire, le recteur d’une église. Cf. Capello, De sacramentis, t. i, n. 298 et 302. L’octroi de cette autorisation requiert une cause grave (absence ou maladie du curé, empêchement sérieux d’un autre prêtre, désir légitime d’un malade qui ne peut attendre ou désire profiter d’une grande fête, etc.). L’autorisation pourrait être présumée en cas de nécessité, en veillant toutefois à ne pas provoquer le scandale des fidèles.

3. Tout prêtre peut porter la communion à un malade en forme privée, avec la permission, au moins présumée, du prêtre qui a la garde du Saint-Sacrement. On veillera soigneusement, en ce cas, à sauvegarder le respect et la décence requis, et l’on observera en cette matière les prescriptions du Saint-Siège. Ces règles, contenues dans le Rituel, ont été tracées par Benoît XIV dans son encyclique Inter omnigenas du 2 février 1744. Il y est dit que le prêtre « doit revêtir au moins l’étole sous son manteau ; il placera la custode dans une bourse suspendue au cou par un cordon, et il sera accompagné au moins par un fidèle, à défaut d’un clerc ». Gasparri, Fontes, t. i, n. 339, § 23. Le Rituel ajoute, tit. iv, c. iv, n. 29, qu’arrivé dans la chambre du malade, il revêtira en outre le surplis, s’il ne l’avait déjà auparavant.

Cependant l’impossibilité d’observer l’une ou l’autre de ces rubriques ne devra pas être considérée comme une cause suffisante de renoncer au port de la communion. En particulier l’obligation pour le prêtre de se faire accompagner est parfois onéreuse et difficile à réaliser en pratique. « On ne passera pas outre, dit Vermeersch-Creusen, sans y être contraint, et avec la volonté d’obéir aux supérieurs qui jugeraient à propos d’urger la loi. » Epitome juris can., t. ii, n. 114, 3°. Déjà en 1739, la Propagande avait dispensé les missionnaires du port de l’étole, là où il y avait danger d’attirer l’attention et peut-être d’exciter les sévices des païens. Gasparri, Fontes, t. vii, n. 4511.

Le prêtre qui porte publiquement la communion doit marcher tête nue, dit le Rituel, n. 9. Cf. S. C. des Rites, 31 août 1872, Décret, authent., n. 3276 ; la nécessité (pluie, froid rigoureux) excuse de l’observation de cette rubrique. Le plus souvent, si le prêtre devait être obligé de se couvrir la tête, d’aller

à cheval, en voiture, chemin de fer, à fortiori à bicyclette, mieux vaudrait porter le saint sacrement en forme privée. Cf. Capello, De sacram., t. ii, n. 394.

4. En cas d’interdit jeté sur un lieu, même si cet interdit est général, il reste permis de porter la communion aux malades, sauf indication contraire du décret, can. 2271 ; mais dans ce cas, seul le port privé est autorisé. Si l’interdit était personnel, le viatique seul pourrait être administré à un mourant repentant et bien disposé. Can. 2275.

5. Le prêtre, empêché par la maladie ou une autre cause de célébrer la messe, pourrait, en l’absence d’un confrère et s’il en a la possibilité, se communier lui-même. Régulièrement, il devrait se munir d’une autorisation du Saint-Siège, ou tout au moins de l’Ordinaire (can. 81), attendu que la discipline actuelle établit une distinction entre le ministre et le sujet de la communion. Cette autorisation a été accordée pour’un cas particulier le 2 avril 1918, par l’intermédiaire de la Congrégation des Sacrements. Dans un cas d’urgente nécessité et une fois en passant, cette permission pourrait être présumée.

6. Les prières contenues dans le Rituel pour l’administration de la communion au malade sont de précepte. Ce ! ’es qui sont indiquées pour le voyage nu parcours ne sont que de conseil. Le diacre qui porte la communion observera intégralement les rubriques prescrites pour le prêtre, y compris les bénédictions. Com. inlerpr. Codicis, 30 juillet 1930.

Lorsque la communion est portée à plusieurs malades qui se trouvent dans la même maison (ou hôpital), mais dans des chambres distinctes, le prêtre ou le diacre a la faculté de réciter seulement dans la première chambre (et au pluriel) toutes les prières prescrites par le Rituel avant la communion. Dans les autres chambres, il dira seulement : Misereatur, … Indulgentiam… Ecce Agnus Dei…, une seule fois Domine non sum dignus, puis Corpus Domini noslri (ou Accipe (râler, s’il s’agit du viatique). Dans la dernière chambre, il ajoutera Dominus vobiscum avec le répons, puis l’oraison Domine sancte au pluriel. S’il reste une hostie consacrée, il donnera la bénédiction avec le ciboire et récitera, selon l’usage, les autres prières prescrites. Cf. S. C. Rites, 9 janvier 1929.

IV. La communion des mourants.

1° Le précepte. — « En danger de mort, quelle qu’en soit la cause, les fidèles sont tenus de recevoir la sainte communion. » Can. 864, § 1. Le Code ne fait que rappeler ici un précepte divin, dont on peut trouver la promulgation dans les solennelles paroles du Christ rapportées p ; ir Joa., vi, 54. Ce n’est pas que le viatique soit nécessaire de nécessité de moyen », comme le baptême : il l’est au moins « de nécessité de précepte ». Si. en effet, la volonté de Jésus-Christ est que les fidèles reçoivent l’eucharistie au moins quelques fois durant leur vie, son commandement s’imposera sans aucun doute avec une particulière urgence à l’heure où la mort est proche : à ce moment surtout se joue la destinée éternelle, et il importe que le chrétien soit fort pour résister aux suprêmes assauts de l’ennemi. C’est la une doctrine communément admise par » l’ensemble des théologiens, à rencontre d’un petit nombre, comme Scot, au Moyen Age. et, de nos jours, AugUStine, A Commentarg on Ihr new Code. Londres. 1920, t. IV, n. 242, qui considère le précepte comme purement ecclésiastique. Cf. III", q. i.xxx, a. Il ; De LugO, De suer. Euch.. disp. XVI, n. 12 sq. ; Gaspard, Tract, can. de s. s. Euch., Paris, 1897, n. 1142. La pratique constante de l’Eglise qui fait cédei toutes le 1 - lois ecclésiastiques devant la nécesi administrer le viatique Indique clairement que

le précepte procède du droit divin. Ce précepte est grave de sa nature ; celui qui refuserait publiquement

et obstinément de recevoir le viatique rentrerait (sauf ignorance invincible) dans la catégorie des pécheurs publics, auxquels on doit’refuser la sépulture ecclésiastique, à moins qu’il n’ait, avant de mourir, donné des marques de repentir. Can. 1240.

Le précepte commence à urger, dit le canon 964, « en danger de mort, quelle qu’en soit la cause ». Les docteurs ont coutume de distinguer entre le « péril de mort » ( periculum mortis), alors que le trépas est probable, sans être cependant inévitable ni tout à fait proche, — et « l’article de la mort » (articulus mortis), lorsque celle-ci est proche, moralement certaine et à peu près inévitable : c’est le cas du moribond in extremis, à l’agonie, ou du condamné qu’on va exécuter. Pratiquement, en ce qui regarde la réception du viatique, cette distinction est superflue. L’obligation existe dès qu’est réalisé le péril de mort, quelle qu’en soit la cause : maladie, opération chirurgicale, combat terrestre ou aérien imminent, accouchement laborieux, navigation périlleuse, etc. Quelques auteurs anciens, et même certains modernes, considèrent comme dangereux une croisière maritime au long cours. Cf. S. Alphonse, Theol. mor., t. VI, n. 291 ; Gasparri, De S. S. Euch., n. 1150. Il ne semble pas qu’un voyage sur mer, même lointain, puisse, dans des circonstances normales (hors le temps de guerre et 4e temps qui suit la guerre), constituer par lui-même un péril de mort. Il en faut dire autant d’un voyage en avion.

Le précepte commence à obliger dès que le danger est moralement certain ; il cesse d’obliger dès que le péril est écarté. On y satisfait par toute communion digne reçue dans l’intervalle, même si le péril était ignoré. Si quelqu’un n’a pas reçu le viatique au moment du danger, il a péché, mais n’est plus tenu à le recevoir, le danger passé. Dans le cas où il prévoirait ne pas pouvoir accomplir ce devoir dans le péril même (au cours du combat, de l’opération chirurgicale, etc.), il serait tenu de communier un peu auparavant, alors que le danger est prochain en même temps que moralement certain, selon le jugement d’un homme prudent, compétent ou simplement expérimenté.

Telle est l’urgence du précepte divin, que, pour procurer le viatique, même à un seul mourant (a fortiori à une troupe avant le combat), un prêtre qui n’a pas à sa disposition des hosties consacrées, peut célébrer sans être à jeun, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit.

Si, dans un cas. le péril de mort est douteux (d’un doute positif et probable), le viatique pourra être administré, mais il n’y a plus d’obligation. C’est le sens d’une réponse donnée par la Propagande le 20 février 1801. Il s’agissait d’infirmes atteints de phtisie ou autres maladies, que l’on savait pouvoir durer quelques mois encore, niais qui succomberaient certainement au cours de l’année, avant le retour du missionnaire ; on demandait si l’on pouvait administrer a ces malades le viatique et l’extrcme-onction au premier passage du missionnaire. Il fut répondu affirmativement. Bien quc cette décision ne vise, à strictement parler, que tes pays de mission, il n’est pas défendu de s’en inspirer dans des cas analogues qui peuvent se vérifier dans des paroisses de montagne très étendues, où le prêtre risque d’arriver trop lard, si l’on attend, pour l’appeler, le dernier stade de la maladie.

2° Le sujet du précepte. -- C’est tout fidèle en péril de mort. can. Mil. pourvu cependant qu’il soit capable et non indigne.

1. l’our les enfants, on pourrait dire que, selon la rigueur du précepte divin, même les tout petits. doivent recevoir l’eucharistie, fût ce sous l’espèce

du Vin, comme jadis en Occident et aujourd’hui

encore dans certains pays d’Orient. Certains se sont appuyés sur la pratique contraire de l’Église latine, pour prétendre que le précepte n’est que de droit ecclésiastique. Mais comme le viatique n’est pas « de nécessité de moyen », l’Eglise a interprété le droit divin en déclarant que < l’eucharistie pourra et devra être administrée aux enfants en péril de mort, pourvu qu’ils sachent distinguer le Corps du Christ d’un aliment ordinaire et l’adorer avec respect ». Can. 854, § 2. On le voit, la confession même n’est pas requise, si l’enfant n’est pas jugé capable de péché. Mais si le discernement est suffisant, l’enfant sera préalablement instruit des vérités nécessaires de nécessité de moyen (au moins sous forme d’actes de foi) et ensuite absous de ses péchés.

2. L’adulte qui ignore tout des vérités de la religion et se trouve en danger de mort, sera traité comme l’enfant ayant atteint l’âge de discernement : instruit des vérités essentielles (unité et trinité de Dieu rémunérateur, et, si possible, incarnation et rédemption), disposé à l’absolution, puis communié en viatique, pourvu qu’il sache distinguer l’eucharistie du pain matériel. Cf. Jorio, La communion des malades, n. 22.

3. Les déments, incapables même de faire ce discernement, ne pourront recevoir le viatique, d’après l’actuelle discipline de l’Église. Ceux qui ont des instants de lucidité et sont suffisamment disposés, peuvent et doivent être communies, en danger de mort, dans les mêmes conditions que les enfants, pourvu qu’il n’y ait pas de danger d’irrévérence. S’il y avait doute sur la capacité du sujet, le viatique pourrait encore être administré, mais il n’y aurait plus d’obligation.

4. Les fidèles qui, ayant déjà communié le même jour, tombent en danger de mort, sont vivement exhortés à communier de nouveau en viatique. Can. 864, § 2. C’est dire assez clairement, que cette seconde communion n’est pas de précepte ; et c’est la fin d’une controverse qui divisa les auteurs jusqu’à la publication du Code. Cf. Capello, De sacramentis, éd. 1945, t. i, n. 433. Mais, si la communion de dévotion a été faite la veille ou seulement quelques jours (d’aucun disent 8 à 10 jours) avant que survienne le péril de mort, la controverse demeure. Mgr Jorio, op. cit., n. 26, s’en tenant strictement au texte du canon 864, pense que le viatique est obligatoire, même au lendemain de la communion de dévotion : « le législateur, affirme-t-il, a dit ce qu’il a voulu dire » ; or il s’est borné a excepter le cas où la communion ; a été reçue le jour même. Saint Alphonse opinait de même. Theol. mor., t. VI, n. 285, dub. 2. À rencontre, une opinion solidement probable et admise par des auteurs modernes, estime que l’obligation n’est pas certaine et qu’il n’y a pas lieu de l’urger, bien que la communion doive être très fortement conseillée. Cf. Capello, De sacram., t. i, n. 433 ; M. Conte a Coronata, De sacram., t. i, n. 330.

5. La loi du jeûne eucharistique est suspendue pour le fidèle qui communie en viatique. Cependant, la S. C. de la Propagande avait fait, le 21 juillet 1841, une distinction entre les malades et ceux qui se trouvent en danger de mort pour une cause externe (combattants, condamnés à mort, etc.). Ces derniers, disait-elle, « sont dispensés de la loi du jeûne s’ils ne peuvent, sans inconvénient grave, recevoir à jeun le saint viatique ; dans l’hypothèse contraire, ils sont tenus d’observer le jeûne ». Pratiquement, les circonstances seront appréciées sans scrupule, car il est rare qu’il n’y ait pas quelque inconvénient à garder strictement le jeûne eucharistique dans les cas cites.

6. Jusqu’à la promulgation du Code, tous les auteurs n’admettaient pas que le mourant pût, si

la maladie se prolonge, communier en viatique plusieurs fois en des jours consécutifs. Cf. S. Alphonse, I. VI, n. 285, dub. 1. Aujourd’hui, le canon 864, § 3 dit expressément que tant que dure le péril de mort, il est permis et même convenable d’administrer le viatique aux malades, « à plusieurs reprises en des jours distincts », c’est-à-dire une seule fois chaque jour, ("est le confesseur qui jugera de l’opportunité et de la fréquence de la communion ainsi administrée.

7. Le viatique pourrait être licitement reçu deux fois dans la même journée en deux périls de mort différents ; par exemple s’il s’agit de soldats qu> montent une seconde fois à l’assaut, ou d’un malade qui retombe le soir même en danger de mort, le premier danger ayant, au jugement des médecins. réellement cessé. De même, un malade qui a communié en viatique avant minuit, peut demander à communier, par dévotion, aussitôt après minuit.

8. Enfin, dernière recommandation du Code et du Rituel : « On ne retardera pas trop l’administration du saint viatique aux malades ; les pasteurs qui ont charge d’âme veilleront à ce que que le viatique soit reçu en pleine connaissance. » Can. 865 ; Rit., tit. iv, c. iv, n. 1 ; tit. v, c. iv, n. 10.

Le temps et le lieu.

1. Le viatique peut être

administré à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. On peut le porter aux malades même le vendredi saint. Can. 867. — 2. En cas d’interdit local (général ou particulier), les mourants peuvent recevoir les sacrements et les sacramentaux ; mais le viatique sera porté de façon privée. Can. 2270 et 2271. — 3. Il n’y a pas de lieu déterminé pour la réception du viatique ; la communion sera portée là où se trouve le mourant. Si cependant celui-ci habitait dans une maison infâme, certains statuts diocésains exigent, par respect pour le Saint-Sacrement et pour éviter le scandale, que le mourant soit transporté dans une maison voisine, à condition que la chose puisse se faire sans trop de difficultés.

Le ministre.

1. C’est au curé qu’il appartient

exclusivement de porter le viatique aux mourants de sa paroisse, soit en forme publique, soit en forme privée, sauf les exceptions prévues par le droit, et sauf le cas de nécessité. Can. 850.

2. Les limitations posées par le Code au droit du curé concernent tout d’abord les derniers sacrements à administrer à l’évêque. Ce soin est réservé, sauf disposition contraire des statuts du chapitre, aux dignitaires et aux chanoines, selon leur ordre de préséance. Can. 397, 3°.

3. Dans les instituts religieux composés de clercs, ce sont les supérieurs qui ont le droit et le devoir d’administrer, par eux-mêmes ou par d’autres, le viatique aux profès, novices et personnes qui sont à demeure dans la maison au titre de service, éducation, soins à recevoir ou simplement comme hôtes permanents. Can. 514, § 1. Une réponse de la Commission d’interprétation du Code, en date du 16 juin 1931, a précisé que le droit du supérieur à l’égard de ses sujets malades hors de la maison ne s’étendait

qu’aux novices et profès, mais non aux autres personnes. Encore faudra-t-il sauvegarder les droits du curé, can. 848, relatifs au port public du viatique.

4. Dans un monastère de moniales, le droit et le devoir d’administrer le viatique appartient au confesseur ordinaire ou à celui qui tient sa place’. Canon 514, § 2. S’il s’agit d’un institut laïc, droit et devoir sont réservés au curé du lieu, ou au chapelain que l’Ordinaire lui aura substitué, conformément au canon 464, § 2. Enfin, dans un séminaire, c’est le supérieur qui remplit sur ce point les fonctions du curé, can. 1368, à l’égard, non seulement des séminaristes, mais aussi de tous ceux qui sont à demeure dans la maison.

2857

VIATIQUE VICE

2858

On notera que ces diverses réserves statuées par le droit ne s’appliquent strictement qu’à la communion en viatique, per modum viatici, c’est-à-dire à la communion reçue pour la première fois en péril de mort. Le port de la communion (recommandée dans les jours qui suivent, alors que le danger de mort susbiste) n’est nullement réservé, même si le malade n’observe pas la loi du jeûne eucharistique.

5. En dehors des cas où le droit institue une réserve en faveur d’un ministre déterminé ou qualifié, le prêtre est le ministre ordinaire du viatique, comme de toute communion, le diacre ministre extraordinaire. Mais il peut exister des cas de nécessité, soit générale, soit particulière, où en raison de l’urgence du précepte divin, le viatique pourra être porté et administré par d’autres mains.

En cas de nécessité générale (persécution qui supprime les prêtres ou les oblige soit à se cacher, soit à s’éloigner, guerre, épidémie), si l’on ne peut trouver de ministre de l’eucharistie (prêtre ou diacre) et qu’on ne puisse recourir à l’Ordinaire pour obtenir une autorisation, les théologiens et canonistes enseignent aujourd’hui qu’un laïque peut présumer la permission. Cf. Gaspard, De S. S. Euch., ii, n. 1080 ; Pruemmer, Theol. mor., iii, n. 217 ; Capello, Desacram. i, n. 3(15. Noldin, Theol. mor., n. 125, 3, va jusqu’à dire que, si l’administration de la communion nécessite une particulière dextérité (par exemple si le malade souffre d’un cancer dans la bouche ou dans la gorge), le prêtre peut laisser à l’infirmière ou à la religieuse hospitalière le soin de présenter au moribond le saint viatique au moyen d’une cuillère. Les anciens théologiens, à la suite de saint Thomas, étaient plus sévères, parce que, disaient-ils, ce n’est pas la coutume de l’Église universelle, et parce que la réception de ce sacrement n’est pas nécessaire. Cf. S. Thomas. In l’" iii, dist. XIII, q. i, a. 3, sol. 1, ad 3um ; Tournely, Dr Euch., c. iii, a. 2, concl. 4. On fait remarquer, à rencontre, que la réception du viatique est obligatoire de droit divin, et que ce même droit divin n’est nullement opposé à ce qu’un laïc porte ou touche l’hostie consacrée. Cf. Suarez, De censuris, disp. XI, sect. iii, n. 10. L’usage de la primitive Eglise en est une preuve ; et le retour à cet usage peut être légitime, dans des circonstances extraordinaires et moyennant certaines précautions. C’est ce qui eut lieu au Mexique. Durant la période de persécution, les évêques reçurent de la S. Congrégation des Sacrements le pouvoir d’autoriser un laïc pieux à porter le viatique aux mourants ; le malade devait prendre les saintes espèces ( ! < ses propres mains, ou, en cas d’impossibilité ou d’intimidation, les recevoir de celui qui les avait apportées. Rescrit du 7 mars 1927. La Propagande avait donné le 21 juillet 1841 une réponse analogue au Vicaire apostolique du Tonkin occidental, où sévissait la persécution : les confesseurs de la foi recevaient secrètement l’eucharistie dans leurs mains et se communiaient eux-mêmes, « à condition qu’il n’y eut aucun danger d’irrévérence ou de profanation ». Dans les camps de mort du Reich (1939 1945), semblables pratiques ne furent pas rares ; une saine théologie ne saurait s’y opposer dans des circonstances aussi tragiques.

Même s h s’agit d’une nécessité particulière ou

Individuelle, les théologiens modernes admettent,

qu’un pieux laïque peut administrer le viatique à un mourant bien disposé qui le réclame, >urtou1 si ce mourant n’a que l’attrition, car alors il eu a besoin POUT se mettre en élal de grâce. Joiio, op. cit., n. 09.’'nus théologiens autorisent les clercs inférieurs il II lall ; i se communier eux mêmes dans des

(m "n i n". analogues, c’est -à-dire dans un cas d’urgente nécessité. Cf. Capello. De tacram., i. i. n. 305 D1C1. DE i iiici. (Ai MOI..

308. Avouons qu’aujourd’hui même la pratique est contraire à cette théorie ; aucun mourant ne se croit autorisé à se communier lui-même, et aucun laïc ne considère qu’il lui est permis de porter le viatique en cas de nécessité individuelle. Mais la doctrine demeure et peut trouver parfois des occasions d’application.

6. Le Code a prévu le cas où, pour administrer le viatique, il n’y a qu’un prêtre excommunié, soit vitandus, soit frappé d’une sentence condamnatoire ou déclarât oire. Il est certain que le mourant n’est pas dispensé pour autant de l’obligation de communier ; il peut licitement et doit demander le viatique à l’excommunié à défaut d’autre ministre (soit ordinaire, soit extraordinaire). Can. 2261, § 3. Dans ces conjonctures, le ministère sacerdotal, même d’un indigne, sera préféré à celui d’un laïc.

Rites et cérémonies.

1. L’administration du

viatique étant une fonction de droit paroissial, « les mourants doivent recevoir le saint viatique dans leur propre rite ; mais, en cas de nécessité, il leur est permis de le recevoir dans n’importe quel rite. » Can. 866, §3.

2. Dans ce même cas de nécessité, un prêtre oriental pourra se servir de pain azyme et un prêtre de l’Église latine de pain fermenté, tout en observant l’un et l’autre les cérémonies de leur rite respectif. Can. 851, § 2.

3. Le Code prescrit pour l’Église latine de ne donner la communion (donc aussi le viatique) que sous l’espèce du pain. Can. 852. Pourtant, note Capello, l’administration du viatique étant un précepte divin, on pourra licitement le donner sous l’espèce du vin (tout danger d’irrévérence ou de scandale étant écarté), en cas d’absence absolue de pain consacré. De sacram., t. i, n. 385. Cette remarque paraît d’autant plus juste que, si le viatique est reçu selon le rite oriental (ce qui est permis en cas de nécessité), il le sera souvent sous les deux espèces, au moins si c’est pendant la messe.

4. Bien que le port public du viatique soit à conserver et à recommander, on comprend que, vu l’urgence, il soit souvent nécessaire d’avoir recours au port privé. Plusieurs prescriptions du droit purement ecclésiastique (Code ou Riluel) devront parfois céder devant l’urgence du précepte divin. Cependant, ce même droit divin oblige à sauvegarder le respect dû au Corps du Christ, et à éviter tout danger de profanation et de scandale ; ainsi a répondu la S. Congrégation des Sacrements, le 6 avril 1930, au sujet de l’usage de l’automobile et de la motocyclette pour le port du viatique. Cf..lorio, op. cit., n. 102.

5. La formule prescrite par le Rituel pour l’administration du viatique est Accipe frater (soror) viatinim. .. Elle est, au dire de Gaspard, essentiellement distinctive de la communion de dévotion et de la communion en viatique. Dr S. S. Euch., t. ii, n. 1101.

A. Bhide.