Dictionnaire de théologie catholique/VERTU. X. Durée des vertus

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 632-633).

X. Durée des vertus.

On étudiera cette durée :
1° dans cette vie ;
2° dans l’autre vie.

Dans cette vie.

Il ne sera question que des vertus théologales. La durée des vertus acquises est mesurée par les lois psychologiques qui président à leur diminution et à leur disparition. La durée des vertus morales infuses est liée à celle de la grâce et de la charité.

1. Vertu de charité.

La vertu de charité se perd ici-bas par n’importe quel péché mortel. Sur ce point, aucune discussion n’est possible, car la grâce sanctifiante est détruite par tout péché mortel. Cf. Conc. de Trente, sess. vi, c. xv, et can. 27, Denz.-Bannw., n. 808, 837. Or, entre la grâce et la charité, la connexion est si grande que l’une ne peut exister dans l’âme sans l’autre. Voir ci-dessus, col. 2785. Sur l’opposition radicale du péché mortel et de la charité, cf. S. Thomas, IL-ID, q. xxiv, a. 10-12. Voir H.-D. Noble, La charité, t. i, notes 63-64, p. 305 sq. — Dieu pourrait-il par sa toute-puissance séparer la grâce de la charité ? Question scolastique agitée entre auteurs : cf. Beraza, De gratia Christi, Bilbao, 1916, n. 757. Sur les péchés directement contraires à la charité, voir Charité, t. ii, col. 2261.

2. Vertu de foi.

La foi n’est pas détruite ici-bas par n’importe quel péché mortel, voir ci-dessus col. 2788. Avec le concile de Trente, sess. vi, c. xv, et can. 27, on doit dire que le péché d’infidélité seul, directement opposé à la foi, détruit dans l’âme la vertu infuse de la foi. Qu’il s’agisse bien, dans la pensée du concile, de la vertu infuse et non des actes, le contexte l’indique suffisamment. Voir de Lugo, De flde divina, disp. XVII, sect. iv, n. 56. La sainte Écriture d’ailleurs affirme assez clairement que de fidèle on peut devenir infidèle. Cf. I’fini., i, 10 ; iv, 1 ; vi, 10 ; II’fini., iii, 18 ; Sur les (léchés directement opposés à la foi, voir ici Infidélité, t. vii, col. 1930 ; Apostasie, t. I, col. 1602 ; HÉRÉSIE, t. vi, col. 2208.

Mais, en dehors de ces péchés destructeurs de la Vertu de foi, on peut encore gravement oITenscr cette vertu, en s’cxposanl au péril de la perdre. La plupart de ces imprudences coupables ont élé signalées à HÉRÉSIE : communication active et formelle in divinls avec les non catholiques, col. 2231 sq. ; rejet volontaire de vérités non révélées, mais enseignées

2795 VERTU. CONCLUSION 2796

par l’Église tomme connexes à la révélation, ou encore mépris des décisions doctrinales non infaillibles des Congrégations romaines, col. 2220 ; fréquentation des écoles acatholiques, hostiles ou neutres, col. 2240 ; cf. Scolaire (Législation) t. xiv, col. 1675-1679 ; adhésion à des associations professionnelles areligieuses ou interconfessionnelles, col. 2236 sq. ; lecture de livres hérétiques ou dangereux, col. 2230 ; cꝟ. 2249 ; mariages mixtes, Codex juris canonici, can. 1060 ; cf. can. 1065 ; sans compter les périls intérieurs provenant de l’orgueil, de l’esprit d’indépendance, de l’ambition, de l’amour des plaisirs coupables, etc. Sur la possibilité de garder Y habitas infus de la foi dans l’hérésie matérielle, voir Hérésie, col. 2226.

3. Vertu d’espérance.

La vertu d’espérance n’est pas détruite par n’importe quel péché mortel. Il est difficile de qualifier exactement cette doctrine qu’aucun document officiel du magistère n’a consacrée ; mais les théologiens sont unanimes à l’enseigner. Cf. S. Thomas, I Li -II iP, q. lxv, a. 4 ; q. lxxi, a. 4 ; Duns Scot, In ///"’" Sent., dist. XXXVI, q. i, n. 30 ; Suarez, De gratia, t. XI, c. v, n. 15 ; Vasquez, In I* m -II s, disp. XCI, c. iv ; Médina, In I* m -II s, q. lxii, a. 4, dub. i ; Ripalda, De ente supernaturali, disp. CXXVII, n. 57 ; Coninck. De actibus supernaturalibus, disp. XIX, n. 147, etc.

Un point certain émane de la révélation, c’est la dépendance de l’espérance par rapport à la foi : « La foi est la substance (conviction) des choses qu’on espère. » Hebr., xi, 1. Si la foi se perd, l’espérance disparaît avec elle. Mais la réciproque n’est pas vraie, l’espérance peut disparaître et la foi demeurer.

La vertu d’espérance n’est détruite ici-bas que par les deux péchés qui lui sont directement contraires, le désespoir, t. iv, col. 620, et la présomption, t. xiii, col. 121.

Dans l’autre vie.

1. Chez les damnés.

Aucune vertu de quelque nature quelle soit, n’existe plus dans l’âme des damnés. Leur obstination dans le mal dirige toutes leurs activités dans ce sens. Seul subsiste l’amour naturel de Dieu, ce qui précisément, par opposition à la perversion fondamentale de leur libre volonté, cause en eux la peine du dam. Cf. I a, q. lxiv, a. 2 ; A. Michel, Les fins dernières, Paris, 1932, p. 57 sq. Mais on a vu que cet amour naturel n’implique la présence d’aucun habitus dans la volonté. Les vertus surnaturelles ne sauraient subsister dans des esprits dépouillés de la grâce : plus de charité, mais au contraire, la haine de Dieu ; plus d’espérance, mais le plus sombre désespoir. Les théologiens se sont posé la question de la permanence de la foi, en raison du texte de saint Jacques, ii, 19 : credunt et contremiscunt (dœmones). Cette foi des démons (qu’on retrouve dans l’évangile à propos de la divinité du Christ, Matth., viii, 29 ; Marc, i, 24 ; v, 7 ; Luc, iv, 41 ; cf. Act., xix, 15) n’est pas une vertu surnaturelle comme chez l’homme. Elle se ramène à une certitude intellectuelle, nécessitée sans doute par l’évidence dont jouissent pour eux les motifs de crédibilité. Cf. S. Thomas, IIa-IIæ, q. v, a. 2 et ad l um. Cette foi n’est ni libre, ni méritoire ; et elle est mauvaise, car « elle est, dit saint Thomas, une cause de déplaisir pour les démons… puisqu’il leur est impossible de ne pas croire. » Voir sur ce point les notes de Chaîne, Épître de saint Jacques, Paris, 1927, p. 61-63.

2. Au purgatoire.

Les âmes du purgatoire sont en état de grâce et ont la certitude de leur salut, voir Purgatoire, t.xii, col. 1296. Cet état d’anticipation du bonheur du ciel montre qu’elles sont toujours en possession non seulement de la charité, mais de la foi et de l’espérance : elles croient fermement au bonheur futur dont elles ont l’assurance et par conséquent leur espérance est ferme et assurée. Bien plus, on peut supposer que leur état leur permet d’acquérir des dispositions vertueuses conformes à leur perfection présente et qui leur faisaient défaut. Voir ibid., col. 1298.

3. Au ciel.

'En ce qui concerne les élus, les questions essentielles ont été traitées à Gloire, t. vi, col. 1420 sq. Il est inutile d’y revenir. Sur l’identité spécifique de la vertu de charité et de la charité dans le ciel, voir Charité, t. ii, col. 2226.