Dictionnaire de théologie catholique/UTRECHT (ÉGLISE D') XIII. L'Église d'Utrecht contre le dogme de l'immaculée-conception

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 448).

XIII. L'Église d’Utrecht contre le dogme de l’immaculée-conception. La proclamation du dogme de l’immaculée conception par la bulle Inef/abilis du 8 décembre 1854 provoqua une nouvelle protestation de l'Église de Hollande. L’archevêque van Santen et ses deux sufïragants, Buiil et Heykamp, adressèrent, le 9 juillet 1856, une lettre pastorale à tous les catholiques des Pays-Bas pour s'élever contre le nouveau dogme « inventé par Pie IX » ; ils critiquent les preuves sur lesquelles ce pape novateur prétend appuyer son dogme.

Le texte de la Genèse, iii, 15, ne dit point que ce sera la femme qui écrasera la tête du serpent, mais bien la postérité de la femme, c’est-à-dire, Jésus-Christ, et ils citent des textes de Pères qui attribuent ce passage de la Genèse à.Jésus-Christ et non point à Marie. La vénérable tradition ne dit pas un mot de l’immaculéeconception et elle affirme, maintes fois, que JésusChrist seul a été conçu sans péché ; la raison qu’en donnent les Pères, c’est qu’il a été conçu par l’opération du Saint-Esprit. Au concile de Bâle en 1 137, le cardinal Turrecremata se fit fort de démontrer que la croyance à l’immaculée-conception ne renferme pas moins de cirupiante huit erreurs contre la foi catholique. Sans doute, le concile de Trente, dans le décret sur le péché originel, déclare-t-il qu’il n’a pas prétendu comprendre la sainte Vierge ; mais ce texte est un faux ajouté après coup, car on ne le trouve ni dans l'édition <le Paris de 1555. ni dans la Somme de Caranza, ni dans la collection des Conciles de 1550 ; il n’apparaît, pour la première fois, que dans une édil Ion romaine de 1564.

Le prétendu sentiment unanime de l'Église n’est pas uiu ; base moins fragile : s ; iint Bernard reprochait aux chanoines de Lyon de fêter la conception de la Vierge, qui fui souillée par le péché. Uns tard, saint Thomas dit que, dans celle fête, OU doit célébrer la

sanctification de la sainte Vierge, qui aurait été

opérée dans le sein de sa mère. Les dominicains ont toujours été les adversaires de l’immaculée-conception. Le franciscain Duns Scot, au xive siècle, est le premier qui ait parlé de l’immaculée-conception comme d’une chose possible ; puis c’est l’université de Paris qui embrassa cette opinion, par hostilité contre les dominicains. Les franciscains, puis les jésuites furent d’ardents et « peu honnêtes » champions de l’opinion nouvelle. Ces derniers fabriquèrent des faux, les Laminée Granatenses, pour l’appuyer et, en Espagne, ils commencèrent tous leurs sermons par cette formule : « Loué soit le saint sacrement de l’Eucharistie et la Conception immaculée de la Vierge, mère de Dieu, conçue sans péché dès le premier instant de son être », afin d’imposer cette formule à tous les prédicateurs. L’unanimité des prêtres et des fidèles n’existe point. Le pape a demandé leur avis à 748 évêques ; 576 seulement ont répondu et, parmi eux, 36 trouvent la définition inopportune et 4 s’opposent même au dogme. Bien des papes ont eu un sentiment opposé : les uns, comme Gélase I er, Léon le Grand, Grégoire le Grand enseignent que Jésus seul a été conçu sans péché ; d’autres, comme Innocent II, Innocent III, Innocent V et Clément VI enseignent formellement que la sainte Vierge a été conçue dans le péché.

Les trois prélats terminent par ces mots : « Nous protestons donc, en présence du monde entier, et nous déclarons solennellement, que l’immaculée-conception de la sainte Vierge n’a été ni enseignée, ni admise dans tous les temps, dans tous les lieux, par tous les catholiques et qu’en conséquence, elle ne saurait jamais devenir un dogme de foi. »

Les trois prélats envoyèrent cette lettre au pape, en l’accompagnant d’une lettre particulière, datée du 15 août 1856 : ils se plaignent de « la violation du dépôt de la foi par le nouveau dogme, défini le 8 décembre 1854 et de ce que les évêques n’ont pas été, en cette circonstance, juges de la foi ». Ils rappellent que le cardinal Bona, consulté par Alexandre VII, lui aurait répondu que l'Église ne peut pas faire de nouveaux dogmes, mais seulement déclarer ce cpie Dieu a laissé en dépôt. Us terminent ainsi leur lettre au pape : « Notre Église a très souvent interjeté appel au futur concile œcuménique légitimement assemblé. Il nous semble nécessaire de le renouveler, à cause de la violation qu’a soufferte le dépôt de la foi et a cause de l’injure qui a été faite à l’ordre épiscopal, lorsqu’on a voulu établir, comme dogme révélé de Dieu, l’immaculée-conception de la bienheureuse vierge.Marie, mère de notre Sauveur ; nous nous réservons le droit de faire appel en temps et lieu. »

Un décret du Saint-Office du 8 décembre 1856 condamna cette instruction pastorale des trois évêques hollandais. Plusieurs fois, les évêques de Hollande ont renouvelé leur protestation contre ce dogme, en même temps que contre l’infaillibilité pontificale. lui 1904, le Oud-Katholiek, à l’occasion du cinquantenaire de la proclamation du dogme de l’immaculéeconception, a publié des articles pour renouveler cette protestation : on fait remarquer qu’il n’y eut pas unanimité dans l’acceptation, qu’il y eut des oppositions très vives, en Allemagne, en fiance et en Italie et on cite la brochure de l’abbé I. aborde de Lectoure, qui avait publié en 1854, avant la définition, qu’il était impossible de proclamer ce dogme, et avait plus tard publié Relation ri mémoire des oppo Bonis ; on y rappelle aussi les articles publiés dans

{'Observateur catholique de l’abbé Guettée.