Dictionnaire de théologie catholique/UTRECHT (ÉGLISE D') VI. Dominique Yarlet

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 436-439).

VI. Dominique-Marie Yalet. — DominiqueMarie Varlet, ancien missionnaire et vicaire général de Québec, avait été nommé évêque d’Ascalon et coadjuteur de Babylone par Clément XI, le 17 septembre 1718 ; il fut sacré à Paris, dans la chapelle des Missions étrangères, le 19 janvier 1719. L'évêque de Babylone étant mort dès le 20 novembre 1 7 1 7, la Propagande ordonna à Varlet de gagner son poste. Varlet se dirigea vers Amsterdam et, en attendant son départ pour la Perse, il administra la confirmation en plusieurs villes de Hollande « par charité pour les pauvres catholiques persécutés et avec la seule autorisation du chapitre d’Utrecht ». Par ailleurs, on apprit à Borne que Varlet avait refusé de signer la bulle Unigenitus. Varlet partit pour la Perse ; à son arrivée, l'évêque d’Ispahan lui signifia un décret en date du 7 mars 1719 qui le déclarait suspens de toute juridiction et de toute fonction épiscopale. Varlet protesta contre cette censure qu’il déclarait « nulle, injuste, irrégulière et calomnieuse et il revint à Amsterdam où on l’avait si bien reçu, lors de son premier passage. L’Eglise d’Utrecht songea à profiter de son séjour en Hollande pour se constituer une hiérarchie ; des théologiens et des canonistes le convainquirent aisément qu’en cas de nécessité il pouvait sacrer les évêques élus par le chapitre d’Utrecht.

Depuis vingt ans, disait-on en Hollande, la cour de Borne refusait de nommer un archevêque. Devant cette opposition, le chapitre d’Utrecht se décidait à passer outre. Mais il fallait préparer les esprits à cette démarche insolite. L’usage s'était introduit de ne pas sacrer un évêque sans les bulles du pape, mais. écrit Dupac, tous les principes du droit dispensent l'Église de Hollande de cette espèce de règle, dans le cas d’un refus aussi injuste que celui qu’elle éprouve et d’une nécessité aussi pressante que celle OÙ elle se trouve ». Il n’y avait pas encore de précédent dans ces derniers temps : en France, les bulles avaient été refusées à quelques évêques. nommés par le régent, mais Clément XI avait fini par les accorder. Les dispositions pacifiques d’Innocent NUI firent naître des espérances. Le chapitre d’Utrecht lui écrivit, le Il juin 1721, pour le féliciter de son élection et le prier d’avoir pitié de l'Église de Hollande : cette lettre étant restée sans réponse, le chapitre envoya une seconde lettre avec un Mémoire sur l'état de l'Église ; un agent. Pierre Levage, traita l’affaire à Borne, mais les négociations ne réussirent pas. Alors on décida de préparer le peuple : on L’instruira de tout, partout, dans la prédi cation, dans les confessions, dans les conversations ; on lui fera connaître quon est plus attaché que jamais au Saint-Siège, qu’on suit ses règles, qu’on défend ses droits et sa doctrine… Van l'.rckel fut chargé de rédiger des Instructions familières en langue vulgaire et de mettre en relief les droits du chapitre à élire un évêque. À cause de la mauvaise volonté de Home, cela, loin d'être schismat ique. était plus conforme à l’esprit de l'Évangile et aux règles de L'Église que l’obéissance aveugle à de vieilles coutumes. D’autre part, on décida de créer le séminaire d' Amersfoort, afin de préparer des sujets iceommandahles et instruits pour le clergé. Le 12 décembre 172 : (. Van Espen publia une Consultation qui fut signée par un grand nombre d'évêques, de docteurs, d’abbés, de supérieurs de communautés religieuses, de magistrats et de personnes notables. Elle était intitulée Dissertatio de miseï eclesiæ Ullrajectinte. Elle fut approuvée par la faculté de Paris, qui ne signa pas. afin de ne pas compromettre l’université, et par les facultés de Nantes et de Beiins. Elle affirmait le droit du chapitre d'élire un archevêque et la légitimité du s. nie sans la confirmation et sans les bulles du pape au cas d’un refus injuste et persévérant de la part du Saint 2403 UTRECHT ( l’iOLISE D'). ACTION SCHISMATKH.'E DE VARLET 2404

Siège. M. Levage, agent du clergé de Hollande à Rome, écrivait, le 20 mars 1723, que Rome ne relâcherait rien de ses prétentions, surtout depuis que le pape avait appris que le chapitre était appelant de la bulle / 'nigenitus.

Puisque l’on n’avait rien à attendre de la cour de Home, on s’assura que les États de Hollande ne feraient pas d’opposition. Alors les membres du chapitre, au nombre de huit, sous la présidence de Erckel, élurent, le 27 avril 1723, Corneille Steenoven, qui avait fait ses études au collège de la Propagande à Rome et avait -été cinq fois désigné comme délégué du clergé de Hollande auprès des nonces de Cologne et de Bruxelles. Il était l’ami des jansénistes et c’est lui qui, en 1719, fit le panégyrique du P. Quesnel. Le schisme, qui avait menacé, lorsque le clergé refusa de reconnaître le décret qui condamnait Codde, fut consommé en 1723, lorsque le chapitre élut Steenoven. Le jour même de l'élection, le chapitre écrivit au pape pour lui faire part de celle-ci et lui en demander la confirmation avec la dispense des deux évêques, qui, selon les canons, doivent assister l'évêque consécrateur. De son côté, le 18 mai, Steenoven envoya au pape l’acte de son élection et sa profession de foi. Ces lettres restèrent sans réponse, comme celles qui furent écrites les 1 er août et le 29 décembre pour demander la faculté de faire sacrer l'élu par un évêque assisté de deux prêtres. Innocent XIII se préparait à fulminer des censures, lorsqu’il mourut le 7 mars 1724.

Dans plusieurs lettres circulaires, écrites au cours de 1724 à tous les dignitaires du monde catholique, le chapitre se plaignit des procédés du pape à l'égard de l'Église de Hollande ; il disait le devoir que lui imposait le droit naturel, divin et ecclésiastique de pourvoir à sa conservation par l'élection d’un évêque, afin de faire cesser l’anarchie dans laquelle on vivait depuis plus de vingt ans. Le 6 avril, le chapitre avait ordonné des prières et des jeûnes pour l'élection d’un nouveau pape, afin que les suffrages des cardinaux donnassent à l'Église « un sujet capable de remplir une charge aussi importante… et surtout de calmer la tempête qui s'était élevée dans l'Église de Hollande ».

A ce moment parut à Amsterdam un libelle anonyme, qui exposait les principes les plus subversifs de la discipline ecclésiastique. On y rééditait les thèses du canoniste Van Espen et de ses amis : si le pape refusait d’approuver l'élection de Steenoven, on pouvait et on devait consacrer l’archevêque élu ; un évêque voisin, ou, à son défaut, tout évêque pouvait faire ce sacre. Justement alarmés de semblables thèses, les cardinaux, réunis en conclave pour l'élection du successeur d’Innocent XIII, écrivirent, le 8 avril 1724, une lettre à l’internonce de Bruxelles, lui demandant d’instruire les catholiques de Hollande et d’empêcher les évêques invités par les réfractaires de céder à leurs demandes.

L’internonce de Bruxelles publia cette lettre et, le 4 mai, y ajouta une lettre personnelle adressée aux fidèles pour les exhorter à se séparer de ceux qui s'étaient égarés dans les voies du schisme et de la révolte. Le chapitre répondit par des lettres violentes qu’il adressa, le 1 er juin, aux chapitres d’Allemagne.

L'évêque de Babylone était clairement désigné dans la lettre des cardinaux du conclave ; il répondit par un écrit intitulé : Plainte à l'Église catholique contre un libelle calomnieux, répandu sous le nom de Leurs Éminences les cardinaux assemblés en conclave, en date du 8 avril 1724, et la suite de l’appel qu’il a interjeté au concile général, le 15 février 1723, Amsterdam, le 6 juin. L'évêque de Babylone regardait cette lettre « comme un libelle diffamatoire, comme un tissu d’imputations fausses et téméraires, de jugements précipités, d’injures atroces, de faussetés et de

calomnies » et il se plaçait sous la protection du concile général auquel il faisait un nouvel appel.

Le cardinal -Marie Orsini, évêque de Rénovent, fut élu pape sous le nom de Benoît XIII ; il était dominicain et très zélé pour la doctrine de saint Thomas. Le chapitre d’Utrecht lui écrivit, le 2 août 1724, pour le féliciter et lui demander la confirmation de l'élection faite par lui ; de son côté, Varlet écrivit au pape le 4 août. Il n’y eut pas de réponse ; le chapitre regarda ce silence comme un consentement tacite et, le 6 octobre, il invita les évêques d’Arras, Saint-Omer, Namur, Anvers, Ruremonde ; aucun ne répondant, il s’adressa, le 13 octobre, à l'évêque de Babylone. D’après Thierry de Viaixiies, religieux de la Congrégation de Saint-Vanne, treize évêques de France, des théologiens et des docteurs nombreux approuvèrent le sacre, qui fut fait par Varlet, le 15 octobre, avec l’assistance de deux prêtres, chez Arnold Brigode où logeait l'évêque de Babylone ; Thierry de Viaixiies faisait fonction de diacre, de maître des cérémonies et de notaire.

L'évêque de Babylone envoya plusieurs lettres au pape pour justifier sa conduite ; le 15 janvier 1725, il demandait de rejoindre Babylone et il ajoutait qu’il n’avait pas cru devoir refuser son ministère, afin de sauver une Église si célèbre et si respectable, dans le cas d’une nécessité extraordinaire. Quelque temps après, dans un Mémoire, daté du 15 mars, l'évêque de Babylone récapitulait les faits : l’archevêché était vacant depuis vingt-deux ans et le chapitre avait élu Corneille Steenoven, qui avait gouverné l'Église comme vicaire général du chapitre ; on écrivit cinq fois au pape et on décida de surseoir au sacre, lorsqu’on apprit la mort du pape. Le chapitre écrivit aux cardinaux réunis en conclave pour leur exposer le triste état du diocèse ; pas de réponse. Il écrivit au nouveau pape, pas de réponse encore ; il écrivit aux évêques voisins pour les inviter au sacre, pas de réponse ; alors le chapitre s’adressa à lui et il crut de son devoir de répondre à cette invitation ; le sacre eut lieu le 15 octobre. Rien de plus régulier. La nécessité était extrême, le précepte divin et ecclésiastique était urgent. L'élection était tout à fait canonique, d’après le droit incontestable du chapitre qui, depuis plus de vingt ans, demandait le consentement du pape. Il y avait trois ans qu’on présentait à Innocent XIII un évêque canoniquement élu. C’est seulement parce que les évêques voisins avaient refusé sans motif, — ce refus pouvant passer pour un consentement tacite — qu’il avait dû condescendre aux justes désirs du clergé. C’est par nécessité qu’il s'était trouvé seul.pour le sacre, et, dans une nécessité aussi pressante, la loi de l'Église doit céder au précepte divin ; c’est pourquoi il protestait solennellement et faisait appel au futur concile général de toute sentence qui pourrait être portée contre lui, à l’occasion et pour cause de la consécration de l’archevêque d’Utrecht. L'évêque terminait en disant que le pape était trompé par ceux en qui il mettait sa confiance. Puis il renouvelait et confirmait, en tant que de besoin, l’appel qu’il avait interjeté, le 15 février 1723, et sa plainte à l'Église catholique du 6 juin 1724.

Le 23 mai, l'évêque de Babylone écrivit au concile de Rome assemblé par Benoît XIII ; il demandait qu’on prît en considération l’honneur du caractère épiscopal qu’il avait reçu, qu’on maintînt la régularité des jugements ecclésiastiques surtout dans la cause des évêques, et il exposait son cas personnel : « Il y a quatre ans que, dépouillé de toutes choses, exclu de mon diocèse, attaqué par une infinité de calomnies, j’attends ici que le Saint-Siège m’accorde sa protection. » Il avait écrit plusieurs fois à Sa Sainteté et à son prédécesseur et une fois à la Congrégation ; Il

n’avait reçu aucune réponse. Il suppliait qu’on eût pitié de l'Église de Hollande, privée d'évêque depuis vingt-cinq ans. Le même jour, il écrivait au pape et le suppliait de le rendre à son diocèse.

De son côté, Steenoven écrivit à Benoît XIII et un Manifeste ou Déclaration publique fut adressé à toute l'Église pour lui faire part des principes qui avaient inspiré sa conduite ; en même temps, l’archevêque, de concert avec son clergé, publiait un Acte d’appel confirmatif de l’appel du 9 mai 1719. Cet acte, daté du 23 novembre 1724, fut confirmé le 20 mars 1725. A la même époque, l’archevêque reçut les félicitations des évêques de Montpellier, Auxerre, Bayeux, Màcon, Pamiers, Bodez et de quelques autres.

Mais par le bref Qui solliciludini (23 février 1725), Benoît XIII déclarait « nulle et de nul effet l'élection de Steenoven, son sacre illégitime et sacrilège ». L’archevêque était déclaré suspens de toutes les fonctions de l’ordre qu’il avait usurpé et il lui était expressément défendu de conférer aucune charge d'âmes et d’administrer les sacrements, sous peine d’excommunication encourue ipso facto ; défense était faite aux fidèles de le reconnaître comme leur archevêque et de recevoir de lui les sacrements. À partir de cette date, jusqu’en 1853, il n’y eut plus à Utrecht d’archevêque en communion avec Borne.

Le bref du 23 février 1725, qui était adressé aux catholiques des Provinces-Unies, fut vivement attaqué en particulier par Van Espen ; dans sa Réponse à la Dissertation d’Hennann Dasmen, il s’efforce de montrer que le sacre de Steenoven était non seulement valide, mais licite et légitime. Pierre-Laurent Verhulst, professeur de théologie au séminaire d’Amersfoort, attaqua également le bref dans un écrit intitulé De consecratione archiepiscopi l’Itrajectensis, 1726. Les thèses de Paul Hoynck van Papendrecht, chanoine de la cathédrale de Malincs, exposées dans Hisloria ecclesiæ V Itrajeetensis a tem/iore mutatse reliqionis, in-fol. 1725, furent attaquées par van Erckel et surtout par Broedersen dans son Tractatus historiens, in-4', 1729, dans lequel ce chanoine d’Utrecht entreprit de prouver l’existence et les droits du chapitre dont il faisait partie.

Dès le mois de février, Steenoven commença d’exercer ses fonctions épiscopales ; le 1f> février, il écrivit une lettre circulaire aux évêques de la catholicité pour justifier sa conduite et protester de sa soumission au pape ; cependant, le 30 mars, il publiait un appel du bref du pape ; il mourut quelques jours après, le 3 avril 1725.

Les jansénistes disent que les nonces du pape et le pape lui-même firent pression sur les puissances catholiques pour qu’elles engageassent les États de Hollande à empêcher le chapitre d’Utrecht d'élire un nouvel archevêque ; ainsi la République de Venise aurait écrit, le 31 mars 1725 ; le chapitre d’Utrecht répondit au doge pour justifier ses droits. D’ailleurs, des le lendemain de la mort de Steenoven, le chapitre avait nommé deux vicaires généraux Gilbetl van Dyck et Corneille Jean Barchman el, le 15 mai 1725, il élut ce dernier comme archevêque, malgré l’opposition du clergé de Haarlem. Barchman avail fait ses éludes (liez les oi’atoricns de Saint-Magloire el avail reçu les ordres des mains de Soanen, en 1718. L'élu écrivit au pape et lui envoya sa profession de foi. en lui demandant de confirmer son élection et de lui accorder la dispense du canon de Nicée, afin qu’il

pûl 'Ire sacré par un seul évèquc.

Le 23 août, Benoit XIII répondit par un nouveau

bref qui condamnait encore une fois l'élection de SleeROVen et celle de liarchman, auquel il interdisait toute Fonction épiscopale. Cependant le parti s’agilaii de plus m plus. Van Espen publiait une Réponse

épistolaire qui avançait des doctrines subversives et attaquait violemment le bref du 23 février 1725 et d’autres écrits émanés du Saint-Siège. Les jansénistes cependant préparent le sacre ; on s’adresse aux évêques d’Anvers, de Buremonde, de Saint-Omer, qui se récusent. Ce fut encore l'évêque de Babylone qui fit le sacre de Barchman, le 30 septembre, à La Haye, avec les mêmes chanoines qui l’avaient assisté pour le sacre de Steenoven. Le 5 octobre, Barchman fit part de son sacre à Benoît XIII et lui demanda de rendre la paix à son Église. Le pape répondit, le 6 décembre, par un bref qui déclarait excommuniés et schismatiques le nouvel archevêque, son chapitre, et tous ceux qui avaient pris part à son sacre. Barchman reçut par contre les félicitations des évêques de Senez, Auxerre, Montpellier et Bayeux et d’autres encore qui, dit Dupac, n’osèrent pas lui écrire : un ami envoya, au mois d’octobre, une liste de plus de trente évêques de France et des lettres de nombreux ecclésiastiques venant de plusieurs diocèses, en particulier de Paris et de Nantes.

Barchman publia plusieurs mandements qui le rendirent célèbre parmi les appelants ; l’un, en date du 30 décembre 1725, adressé à tous les archiprêtres, curés, prêtres et catholiques, tant de l’archevêché d’Utrecht que des évêchés suffragants, exhorte à éviter le schisme et à conserver la paix. Pour se mettre à couvert des censures, Barchman fit appel au concile général, le 5 mars 1726 ; le chapitre adhéra à cet appel que l’archevêque communiqua aux fidèles par un mandement du 21 mars 1726.

Le 1 er août 1726, l'évêque de Babylone publia une Seconde plainte à l'Église catholique au sujet de trois écrits répandus sous le titre de brefs de N. S. P. le pape Benoit XIII, l’un du 23 février, le second du 23 août et le dernier du fi décembre 1725. Il voulait défendre la cause de l'Église, en défendant la cause des évêques. Les écrits qu’on avait fait paraître contre lui ne mériteraient pas de réponse ; mais, comme on avait voulu employer l’autorité du Saint-Siège, en publiant des brefs qui paraissaient supposés, il devait se justifier encore une fois, en rééditant ses écrits des 23 janvier et 23 mars 1723 et sa protestation du 15 mars 1725. D’ailleurs les trois brefs en question n’avaient aucune valeur, car ils n’avaient été ni signifiés, ni publiés régulièrement. Celui qui avait rédigé le bref du 23 février ignorait l'étal de l'Église de Hollande. et le bref en lui-même renfermait de nombreux chefs d’abus. Dans un long Mémoire, Yarlet s’efforçait encore de montrer la régularité de l'élection. D’ailleurs, finissait-il par dire, la nécessité est au-dessus de la loi. Comme l'élection était régulière, le défaut de confirmation par Rome ne saurait faire obstacle à la cérémonie du sacre, laquelle a été conforme aux canons. Le bref du (i décembre 1725 était particulièrement abusif, car il traitait injustement de schismatiques ceux qui avaient pris part au sacre ou étaient restés attachés à l’archevêque d’Utrecht. À vrai dire, la plainte de Varlet n’avait plus alors qu’une valeur rétrospective, puisque l’archevêque était mort le 3 avril 1725. mais le plaidoyer visait à justifier le sacre de celui que le chapitre avail élu pour remplacer Steenoven.

liarchman fui liés actif. Hors de son diocèse, il travailla à l’union des Églises de Russie avec l'Église catholique. Quelques docteurs de Sorbonne, en par ticulier Boursier, avaient pris l’initiative de cette réunion en 1717 ; le lLar Pierre le Grand s’y intéressa cl Barchman reçut la profession de loi de la princesse Galitzin. Le Il juin 1727, Jubé, le fameux curé d’As nières, qui, dans sa paroisse, avait apporté des Inno vations liturgiques et avait dû, pour ce fait, se réfu gier en Hollande, voulait se consacrer à l'œuvre de 2 40 7

UTKECHT (ÉGLISE D'). LES RELIGIEUX RÉFUGIÉS

2408

l’union ; il fut envoyé par Petitpied, Boursier, d'Étemare ; Barchman lui donna des pouvoirs pour exercer les fonctions pastorales. Il partit pour Moscou, le 20 octobre 1728 ; mais la mort du tzar Pierre II, le 20 janvier 1730, entrava son action et il dut quitter la Russie au début de 1732.

Dans son propre diocèse d’Utrecht, Barchman resta toujours fort uni aux évoques de France favorables au jansénisme. De concert avec l'évêque de Babylone, il écrivit à l'évêque de Senez pour protester contre le concile d’Embrun, qui avait condamné ce prélat ; il publia un mandement contre la Légende de Grégoire VII, pour s'élever contre les prétentions de la cour de Rome, et une lettre au sujet des calomnies répandues dans les Mémoires publiés en 1728 sur l'état présent des réfugiés français en Hollande. Il mourut à Rhynvick le 13 mai 1733. Les évêques de Montpellier et de Senez le regardaient comme un des plus grands prélats du siècle et les Nouvelles ecclésiastiques du 18 juin 1733 font un grand éloge de Barchman, auquel elles attribuent un miracle opéré le 6 janvier 1727.

Le chapitre d’Utrecht assemblé le 22 juillet 1733 élut, pour lui succéder, Théodore van der Croon, chanoine d’Utrecht. Le chapitre et l'élu écrivirent le 26 août et le 1 er septembre à Clément XII pour lui demander confirmation de l'élection et dispense pour que le sacre fût fait par un seul évêque. Comme le pape ne répondit pas, Croon écrivit, une seconde fois, le 24 juillet 1734, il n’eut pas de réponse. Ce fut l'évêque de Babylone qui, encore une fois, consacra le 28 octobre 1734, l’archevêque élu ; un bref d’excommunication, daté du 17 février 1735, qui reproduisait les termes du bref du 23 février 1725, fut la réponse de Rome. Le nouvel archevêque fit appel de tous les décrets émanés du Saint-Siège, ainsi que de la bulle Unigenitus, le 28 octobre 1735, et il envoya cet acte d’appel au cardinal d’Alsace, Thomas Philippe de Bossu, archevêque de Malines, le 1 er décembre 1735. Il priait le cardinal d’intervenir auprès du pape et de le supplier de se défier de ceux qui abusaient de son nom pour répandre des brefs indignes du Saint-Siège. L’archevêque de Malines répondit, le 14 janvier 1736, par une lettre « qui n'était qu’un tissu d’injures et d’opprobres ». À quoi van der Croon répliqua par une nouvelle Défense : on n’avait jamais articulé en Hollande une seule erreur et l'Église de ce pays n’avait jamais cessé de donner au pape et aux évêques catholiques les témoignages les plus formels de son attachement à l’unité et à l’autorité légitime.

Van der Croon mourut le 9 juin 1739 ; dès le 2 juillet, le chapitre d’Utrecht se réunit et élut un curé du diocèse d’Haarlem, nommé Pierre-Jean Meindærtz. C'était un des douze prêtres ordonnés en 1716 par Fagan, de Dublin. Après quelques hésitations, l'évêque de Babylone sacra encore le nouvel élu, le 18 octobre 1739. Deux brefs d’excommunication furent envoyés de Rome, mais le pape Clément XII étant mort le 6 février 1740, Meindærtz, qui fit appel de ce bref, n’envoya son appel que le 1 er juillet 1741 pour répondre au bref d’excommunication lancé par Benoît XIV le 24 janvier 1741. Mais voici que l'évêque de Babylone, l'évêque consécrateur, mourut le 14 mai 1742. Pour conserver l'épiscopat hollandais, il allait falloir prendre de nouvelles mesures.