Dictionnaire de théologie catholique/UTRECHT (ÉGLISE D') IX. Le deuxième concile d'Utrecht

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 441-444).

IX. Le deuxième concile d’Utrecht (1763).

Meindærtz avait maintenant deux suffragants. Pour consolider l'Église de Hollande, il songea à convoquer un concile, qui serait le deuxième concile provincial d’Utrecht. Le premier avait été tenu, en 1565, par Frédéric Schenck pour recevoir les décrets du concile de Trente. Depuis longtemps déjà, pour donner une preuve de ses bonnes dispositions envers Rome, l'Église de Hollande, écrit Dupac, p. 391, songeait à réunir un concile, « le moyen le plus propre pour maintenir la fermeté du dogme, la sainteté des mœurs et la régularité de la discipline ».

L’occasion du concile, ce fut l’examen de la doctrine enseignée par Pierre Le Clerc, sous-diacre de Rouen, réfugié en Hollande. Ce personnage, partisan des convulsions de Saint-Médard, répandait des idées singulières. En 1733, il avait publié un Acte de révocation du Formulaire, non seulement pour le fait, mais même pour le droit : il prétendait que les cinq propositions condamnées par Rome contenaient la vraie doctrine de l'Église sur la grâce et la prédestination. En 1757, il publia à Amsterdam un écrit qui sema la division dans l'Église de Hollande : Le renversement de la religion par les bulles contre Baius, Jansénius et Quesnel ; en 1758, il fit paraître une autre publication, qui souleva les Hollandais : Précis d’un acte de dénonciation solennelle faite à l'Église : 1° d’une multitude de bulles, de brefs, etc., des évêques de Rome lesquels renversent la religion et les lois divines et humaines ; 2° des évêques de Rome eux-mêmes et de leur cour, comme auteurs des maux et des scandales qui désolent tout dans le troupeau du Seigneur, dans le temple et dans le sanctuaire. Cet écrit attaquait l’autorité de l'Église, celle des Pères dans leur enseignement, même unanime, la primauté du pape, l’institution divine des évêques, le dogme des indulgences, la profession de foi de Pie IV. Le Clerc soutenait la parfaite orthodoxie de l'Église grecque ; il gagna à sa cause un évêque schismatique de Candie, qui résidait alors à Amsterdam.

Le doyen du chapitre d’Utrecht, François Méganck, publia un écrit pour combattre une pareille doctrine : Lettre sur la primauté de saint Pierre et de ses successeurs, in-12, Amsterdam, 1762, où il disait que la primauté de Pierre avait été établie par Jésus lui-même et qu’elle était de droit divin, mais qu’elle était subordonnée, dans son exercice et son étendue, à l'Église universelle et à ses saints canons. Nouv. eccl. du 21 mai 176 1, p. 81-84. Mais cette réplique ne suffisait pas, car Le Clerc affectait de faire l’apologie de l'Église de Hollande et de parler en son nom ; des théologiens et des canonistes furent d’avis que le seul moyen de combattre ces erreurs et d’empêcher qu’on ne les attribuât à l'Église de Hollande, dont Le Clerc disait faire partie, était de réunir un 'concile qui condamnerait officiellement ces erreurs. Les appelants de France appuyèrent cet avis par leurs conseils et aussi par

leur argent, car ils envoyèrent ce qui était nécessaire pour faire face aux dépenses d’un concile.

Le clergé adopta cet avis : le concile permettrait de se désolidariser d’avec Le Clerc et, par ailleurs, de condamner canoniquement et en corps les maximes perverses répandues par les jésuites. Dans chaque district, il y eut des assemblées pour préparer les matériaux du concile et examiner les mémoires envoyés par les évêques. Enfin, par une lettre circulaire du 20 août à ses deux suffragants, au chapitre métropolitain et aux archiprètres du diocèse, l’archevêque d’L’trecht convoquait le concile pour le 13 septembre. Quelque temps auparavant, Le Clerc avait publié une Lettre circulaire et Dénonciation adressées à MM. les Pasteurs de l'Église de. Hollande, tant du district de l’archevêché d' Ulrecht que des évêchés d’Haarlem et de Deventer. Nouv. eccl. du 28 mai 1764, p. 85, 86.

Au jour indiqué, trois évêques, six chanoines et neuf curés se trouvèrent réunis dans la chapelle de l'église Sainte-Gertrude à Ulrecht, pour l’ouverture du concile. Il y avait cinq théologiens dont trois de Paris. On observa scrupuleusement tout le cérémonial des conciles : dans le discours d’ouverture, l’archevêque déclara que l’on était assemblé « pour porter remède aux maux dont l'Église de Hollande est allligée, soit par les erreurs d’un ecclésiastique étranger qui demeure dans ce pays comme par aventure, soit par celles de ces hommes impies que nous avons déjà désignés (les jésuites), qui troublent et déchirent d’une manière déplorable non seulement l'Église d’LHrecht, mais l'Église universelle ». Les chanoines et les curés eurent voix délibérât ive à l'égal des évêques ; ils signèrent comme juges de la foi et de la discipline et, pour signer, ils employèrent les mêmes formules que les évêques ; la seule différence est que les évêques signèrent les premiers.

Après les décrets préliminaires où l’on déclare anathème à toutes les hérésies, le concile adopta la profession de foi de Lie 1Y, l’Exposition de la doctrine catholique de Bossuet et celle que le chapitre d’Utrecht avait présentée en 174 1 sur les controverses qui divisaient les catholiques. On y ajouta les cinq articles présentés en 1663 à M. Choiseul, évêque de Comminges et envoyés à Alexandre VII pour condamner les cinq propositions de Jansénius, puis les quarante-trois articles présentés en 1677 par l’université de Louvain à Innocent XI. les douze articles envoyés en 1725 à Benoit XIII par le cardinal de Xoailles. Ces douze articles rejetés par Rome, à cause de leur ambiguïté, étaient regardés par le concile comme le dépôt antique de la foi et de la saine doctrine.

Puis h-promoteur proposa la condamnation des ouvrages dénoncés et on établit quatre commissions pour examiner la doctrine exposée dans ces écrits. La première congrégation fui chargée des écrits de Le Clerc et elle nomma comme rapporteur François Méganck, qui avait déjà étudié ces ouvrages. Celui-ci signale en détail les erreurs contenues dans ces écrits cl son rapport forme la plus grosse partie des Actes du concile, p. 79-236.

Sur ce que dit Le Clerc de.lanséniils. deux propositions sont condamnées comme fausses, calomnieuses, injurieuses au Saint-Siège et au souverain pontife. Sur le schisme des grecs, huit propositions sont censurées avec les mêmes noies et. en plus, comme injurieuses

iu conciles généraux, favorables au schisme et à

l’hérésie. Sur la primauté du pape, huit propositions sont rejetées comme fausses, schismatiques, contraires m la parole de Dieu ci ; i la doctrine constante de la Tradition. Sur le témoignage des Pères ci l’autorité

de l'Église dispersée, deux propositions sont signalées comme téméraires, fausses, injurieuses au saints Pèr<. erronées et même hérétiques. Sur la profession

de foi de Pie IV, quatre propositions sont condamnées comme fausses, scandaleuses, favorables à l’erreur, calomnieuses, injurieuses au pape et même à l'Église. Sur la supériorité des évêques, quatre propositions sont déclarées fausses, injurieuses à l’ordre des évêques, erronées et même hérétiques. Enfin sur les indulgences, l’excommunication et la Tradition, sept propositions sont condamnées comme fausses, scandaleuses, pleines de calomnies, téméraires, capables de blesser les oreilles pies, injurieuses au concile œcuménique de Trente qu’elles accusent d’avoir fabriqué des dogmes nouveaux, comme contraires au témoignage unanime des Pères et à la doctrine constante de l'Église catholique, enfin comme hérétiques. Dans ce rapport très érudit de Méganck, les deux ouvrages de Le Clerc sont présentés « comme un amas informe et confus des erreurs les plus rebutantes et les plus monstrueuses ».

La seconde congrégation, nommée pour examiner les ouvrages des PP. Hardouin et Berruyer, désigna comme rapporteur l'évêque de Deventer, van Stiphout, qui se contenta de reproduire le réquisitoire du chanoine van Zetter. « Hardouin, dont Berruyer est le disciple, fut un homme à paradoxes, destructeur de la vénérable antiquité et dont la vaste érudition ne produit que les rêves d’un fanatique, vrai pyrrhonien qui savait allier la témérité d’un jeune homme avec la crédulité d’un enfant et l’imbécillité d’un vieillard pour soutenir impudemment les plus folles extravagances. » L’Histoire du peuple de Dieu du P. Berruyer est « remplie d’erreurs et de folies ». Ces erreurs touchent la nécessité de la religion de Jésus-Christ, les preuves de la vérité de la religion chrétienne, l'Église et ses caractères, la règle de la foi, le mystère de la Sainte Trinité, le péché originel, l’incarnation, la rédemption, la grâce, la prédestination et la morale. Un long décret en douze articles condamne les erreurs de ces deux jésuites.

La troisième congrégation examina les erreurs du P. Pichon dans son livre L’esprit de Jésus-Christ et de l'Église sur la fréquente communion. Elle eut comme rapporteur François de Haan, curé de Saint-Pierre el Saint-Paul à Rotterdam. Il s’agit des dispositions requises pour la communion ; le rapporteur condamne des propositions relatives à la communion, à la confession et à la contrition. Le rapporteur cite de nombreuses propositions qui « réduisent les dispositions requises pour les sacrements à la seule confession externe et à l’usage extérieur de la fréquente communion ».

La quatrième congrégation qui examina les erreurs des casuistes sur la règle des mœurs, nomma comme rapporteur Winand-.Iean Brons, curé d’Amersfoort et président du séminaire. Il s’agissait d’un grand nombre d'écrits, plus ou moins anciens, publiés par des jésuites. Le rapporteur signale vingt-six groupes de propositions condamnables ayant pour objet le droit naturel, le péché, la conscience, l’opinion probable, la loi éternelle et la morale évangélique. Entre les détestables erreurs des casuistes, il signale celle qui est relative au tyrannicide. Le rapporteur mentionne encore des propositions de Paul l.ayman, Jacques Gretzer, Tanner. Mazolta, Busembaum, Lacroix. Le concile condamna neuf propositions comme fausses, scandaleuses, contraires à l’ordre de la charité établi par Dieu, aussi bien qu’au droil naturel, au droit positif divin et au droil des gens, comme frayant la voie à des meurtres exécrables et au fanatisme, comme tendanl, i troubler la société humaine et injurieuses à l’ordre public, en lin comme exposant la vie des rois el des autres souverains a un danger très imminent. Ces mêmes propositions se retrouvent dans le fameux Extrait des assertions dangereuses et pernicieuses en 2 'i 1 5

UTRECHT (ÉGLISE !)'). LE IIe CONCILE D’UTRECHT

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tout genre que les soi-disant jésuites ont dans tous les temps persévéramment soutenues, enseignées et publiées dans leurs livres.

La troisième partie des Actes du concile contient plusieurs décrets sur la discipline des sacrements de baptême, de confirmation et d’eucharistie, sur la messe et sur les autres sacrements, et une Déclaration de Benoît XIV avec une Instruction sur les doutes concernant les mariages contractés et à contracter en Hollande et en Flandre, donnée le 4 novembre 1741.

Les décrets du concile furent souscrits par les trois évêques, les six chanoines et les neuf curés avec la même formule : « J’ai jugé et souscrit », avec les deux secrétaires du concile.

Comme Le Clerc avait refusé de se rendre au concile et ne tint aucun compte des avertissements et des citations canoniques de son évêque van Stiphout, celui-ci publia, le 7 mars 1765, une Ordonnance qui le déclarait « suspens et interdit de toutes fonctions ecclésiastiques et indigne de la participation aux sacrements, avec défense à tous les pasteurs de les lui administrer, même à l’article de la mort, à moins qu’il ne vînt à résipiscence ». Dupac, p. 399-400 et Nouvel, eccl. du 6 et du 13 février 1766, p. 25-30. Le Clerc protesta vivement et rejeta l’autorité de l'évêque de Haarlem qu’il accusait publiquement « d’errer dans la foi ».

Après la clôture du concile, l’archevêque d’Utrecht envoya, au pape Clément XIII, une lettre, signée des deux secrétaires, pour lui offrir les Actes de ce concile assemblé sous la conduite du Saint-Esprit et le prier d’employer son autorité à confirmer ce que le concile même avait décrété. La lettre se terminait par une profession de loyalisme à l’endroit du Saint-Siège et par la demande que le pape accordât à une Église, inviolablement attachée à la chaire de Pierre, les marques de sa bienveillance.

Les Actes et décrets du concile furent imprimés en deux éditions, en français et en latin ; des exemplaires furent envoyés à de nombreux évêques, avec une Lettre circulaire (29 avril 1764). Celle-ci indiquait les raisons pour lesquelles s'était assemblé ce concile : condamner les erreurs d’un homme sans caractère, qui s'était glissé parmi eux et celles d’auteurs étrangers, dont les ouvrages étaient débités sous leurs yeux et paraissaient imprimés dans ces Provinces, au grand scandale de nos frères séparés. Elle exprimait aussi les raisons qui avaient divisé en deux partis les catholiques de Hollande. « Les catholiques de ces Provinces, disait-elle, forment deux partis dans le sein d’une même Église. Les uns fidèlement unis à leurs évêques, au Saint-Siège et à toute l'Église catholique, sont notre couronne et le sujet de notre consolation ; les autres, sous prétexte d’une obéissance aveugle et sans bornes au souverain pontife, se sont soustraits à l’autorité sacrée de leurs pasteurs naturels et immédiats et se sont portés jusqu'à cet excès que de se séparer même totalement de leur communion. » De cette division, la circulaire rendait responsables les jésuites et leur action sous le pontificat de Clément XL « Ce serait déshonorer le Saint-Siège que de regarder comme son ouvrage la conduite de ceux qui ont foulé aux pieds tous les droits de notre Église, qui ont violé à notre égard toutes les règles canoniques, qui ont introduit au milieu de nous un schisme des plus scandaleux et qui se sont efforcés de faire passer pour schismatique et séparé de l'Église un clergé des plus soumis à l'Église et des plus respectueux pour celui qui en est le chef selon les vrais principes de la subordination raisonnable et chrétienne. Le Saint-Siège, qui doit présenter la règle à tout l’univers, ne peut jamais avoir l’intention de la violer ou de l’affaiblir. Mais tout pontife, pris d’entre les hommes et envi ronné de faiblesse, étant sujet à pécher, peut être surpris et trompé. Et, dès lors, il est essentiel de le distinguer du Saint-Siège. » Puis, après avoir fait l’historique du schisme, la circulaire proteste contre les prétentions des canonistes ultramontains qui concentrent dans la personne du pape toute la juridiction ecclésiastique, qui soutiennent que les évêques ne sont que ses vicaires et qu’ils n’ont d’autres pouvoirs que ceux qu’ils tiennent de lui, qui le regardent comme au-dessus de tous les canons et comme n'étant astreint à aucune loi humaine, qui lui donnent le droit d'établir et de révoquer à son gré, sans observer aucune formalité, tous les pasteurs de l'Église, tant du premier que du second ordre, et d’exercer immédiatement dans toutes les Églises du monde toutes les fonctions des Ordinaires. Pourtant l'Église de Hollande devait avoir des évêques propres. « L’institution divine, la pratique de toute l'Église, le salut des fidèles, l’intérêt général de la religion, la nécessité de se maintenir dans son ancienne possession et de prévenir son entière ruine, imposaient à son ancien clergé une étroite obligation de s’en procurer. Il ne l’a fait qu’en observant toutes les règles prescrites et possibles en pareil cas. C’est injustement que la cour de Rome a refusé de confirmer les élections faites par le chapitre. » Et de regretter « le peu de commerce que les Églises ont entre elles. Si nos illustres collègues dans l'épiscopat avaient été plus instruits de notre situation, peut-il être douteux qu’ils ne fussent venus à notre secours ? Il ne s’agit ici que des droits épiscopaux ; il ne s’agit que des règles de l’unité catholique… ».

A la lettre était joint le Recueil de divers témoignages de plusieurs cardinaux, archevêques et évêques, universités et facultés de théologie et de droit, docteurs, dignités d'églises cathédrales et collégiales, abbés, chanoines, curés, supérieurs d’ordres ou de communautés, magistrats, jurisconsultes et autres personnes célèbres en faveur de la catholicité et de la légitimité des droits du clergé et des chapitres, archevêques et évêques de l' Église catholique des Provinces-Unies, contre le schisme introduit dans celle Église depuis le commencement de ce siècle par les manœuvres des jésuites et de leurs adhérents, in-4o, Utrecht, 1763, publié avec une Lettre pastorale de l’archevêque d’Utrecht et une longue Préface de Dupac de Bellegarde. cf. Nouv. eccles. du 25 décembre 1790, p. 207. Si le clergé de Hollande, y lisait-on, est privé de la communion immédiate des papes, il jouit de la communion médiate, par les relations qu’il conserve avec un grand nombre d'évêques et d’autres membres illustres de l'Église catholique qui sont en communion immédiate avec le pape. Et cela suffit pour conserver l’unité.

L’archevêque d’Utrecht reçut, d’après les Nouvelles ecclésiastiques du 27 février et du 6 mars 1766, p. 3744, une multitude de lettres de félicitation et d’adhésion à son concile, venant de toutes les parties de l’Europe ; plusieurs évêques de France, d’Italie, d’Allemagne, d’Espagne, divers généraux d’ordre résidant à Rome et en France, une foule de personnes de tout état et de tout rang. De ces lettres, on pourrait composer un volume in-4o, beaucoup plus considérable que le Recueil de témoignages, publié en 1763. Les Actes furent surtout approuvés par des évêques d’Allemagne, personnellement intéressés à la cause de l'Église d’Utrecht, et par plusieurs évêques d’Italie et de France, mais un seul eut le courage d’approuver les Actes par écrit, en adressant une lettre à l’archevêque d’Utrecht. Des chapitres et des curés de France approuvèrent également.

Les décrets, dit Dupac, p. 396, furent d’abord envoyés au pape, manuscrits. « On est assuré qu’ils en ont été bien reçus et, quoiqu’on ne pût se flatter d’en t 8

obtenir une approbation authentique du pape, tant qu’il serait environné des jésuites, adversaires passionnés de l'Église de Hollande, on eut néanmoins la consolation d’apprendre, par des lettres de Rome, qu’il avait déclaré à des amis particuliers que ces décrets étaient très bons. » En réalité, Clément XIII répondit, le 30 avril 1765, à la lettre du concile par un décret qui déclare nul, illégitime et attentatoire, le faux concile assemblé sans autorité légitime. « Nous cassons et annulons tous ses Actes et nous les déclarons sans force et sans valeur. » Il défend « de distribuer et de répandre, en quelque langue que ce soit, le livre intitulé Actes et décrets du second concile provincial d' Ulrecht ».

L'Église d’Utrecht ne pouvait garder le silence. Dès que le décret Non sine acerbo parut, on décida d’y répondre : un projet de lettre au pape fut dressé et communiqué à de nombreux amis, qui devaient faire connaître leurs observations. L’examen dura plus d’un an : les premières remarques portent la date du 3 août 1765 et la Lettre synodale ne parut que le 10 octobre 1766. Les remarques sont restées inédites, croyonsnous ; elles furent envoyées à Paris à l’avocat Le Paige, qui y joignit ses propres observations et qui a conservé le tout (Recueil L. P. 407). Il vaudrait la peine d’en citer quelques passages, car ils montrent sans déguisement le but poursuivi : on voulait défendre les vrais intérêts de l'Église et séparer l'Église et le Saint-Siège de la Cour romaine et des cardinaux ; on y suggérait, d’une manière plus ou moins ouverte, suivant les tempéraments, la destruction des jésuites comme un moyen de ramener l’unité dans l'Église et comme le seul moyen de supprimer le scandale que la condamnation des Actes du concile d’Utrecht avait causé parmi les protestants de Hollande. On s’applaudissait aussi de la proscription dont les jésuites étaient frappés dans les divers États catholiques et on pronostiquait que ce serait bientôt le Saint-Siège luimême qui leur ferait leur procès.

L’archevêque d’Utrecht, les évoques de Deventer et d’Haarlem se réunirent en assemblée avec les doyens et chanoines des chapitres d’Utrecht, à Leyde, les 27 et 28 août pour délibérer au sujet de la lettre et des remarques qu’on avait recueillies et on rédigea la Lettre synodale à Clément XIII ; elle était datée du 10 octobre 1766 et elle fut envoyée au pape et aux principaux évoques de l'Église catholique avec, une lettre circulaire, qui en résumait le contenu. Dupac, Histoire abrégée, p. 418-420, écrit que cette lettre synodale se proposait de relever « les in justices et les nullités du décret romain et de mettre en relief les preuves de" l’inviolable attachement de l'Église d’Utrechl a l’unité de l'Église et de montrer que les décrets d’excommunication lancés contre elle étaient si notoirement injustes, si contraires à toutes les lois naturelles, divines et canoniques, si remplis de marques évidentes de surprise, de subreption et d’obreptlon, que le schisme qui en était résulté ne pouvait être Imputé qu'à leurs auteurs et leurs approbateurs et non à ceux contre lesquels ils étaient dirigés ».

Cependant Dupac doit avouer que les Actes du concile ne liircul pas unanimement approuvés. I.'archevêque de Cologne, Maximiliçn Frédéric Kônigseg

publia, le 2 juillet [765, a l’instigation du nonce, prétend Dupac. un mandement qui condamnai ! les Actes du concile. L’archevêque d’Utrecht, des qu’il connut ce mandement, le T r mai 1767. adressa a l’archevêque

de Cologne une lettre de protestation avec la Lettre

synodale « Clément XIII et il s'éleva contre l’accusa Uon de jansénisme et de mauvaise doctrine. Le ni septembre 1765, Charles d’Oultremont, évêque et prince « le Liège, publia un Mandement contre les Acte » et l’archevêque d’Utrecht répondit le 3 mai 1767. décla rant « qu’il voudrait se persuader que la lettre pastorale publiée sous son nom et si peu digne d’un évêque était une pièce supposée ou du moins extorquée et contraire à ses véritables sentiments ». Ibid., p. 423.

L’assemblée du clergé de France s’occupa aussi des Actes du concile à la séance du 25 juin 1766, où l’archevêque de Toulouse lut un rapport « qui lui avait été donné tout dressé », écrit Dupac, et qui avait été composé sur les Mémoires des jésuites par le sieur Le Corgne de Launoy. député du second ordre : la première partie fait l’histoire de l'Église d’Utrecht et la seconde contient une critique des Actes du concile de 1763. Les Actes du concile sont censurés dans les termes même du décret du 30 avril. Le rapport de l’archevêque de Toulouse reproche aux Actes du concile d’Utrecht « des omissions essentielles, des réticences affectées, des nouveautés de langage, un rigorisme outré et des erreurs même »… L’archevêque d’Utrecht, dans sa lettre du 20 mars 1774 à l’archevêque de Toulouse, reproche aux membres de l’assemblée du clergé d’avoir signé le rapport, sans avoir lu les Actes, « tellement le rapport fourmille de faussetés, d’inexactitudes, de calomnies… » Mais ce qui ressort nettement de tous ces faits, c’est que les Actes du concile d’Utrecht ne firent qu'élargir le fossé qui séparait cette Église de l'Église catholique et qu’aggraver le schisme.

Les polémiques jusqu’ici fort vives vont désormais se calmer, peut-être par suite de la suppression des jésuites : la lutte cesse, faute de combattants. Aussi les écrits, surtout les écrits qui prennent la défense de l'Église d’Utrecht, si nombreux, vont se raréfier. Du trouvera, à la fin de l’article, la liste par ordre de date des principaux ouvrages qui intéressent l'Église d’Utrecht.