Dictionnaire de théologie catholique/UTRECHT (ÉGLISE D') IV. Les premiers démêlés avec la cour de Honte (1614-1689) : Rovénius, La Torre, Neercassel

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 432-433).

IV. Les premiers démêlés avec la court de Rome (1614-1689) : Rovenius, La Torre, Neercassel).

Cinq mois après la mort de Sasbold. par un bref du Il octobre 16.1 I, le pape Paul Y. de son autorité cl s ; ins aucune élection préalable, nomma vicaire apostolique Philippe Rovenius. C’est seulement le 17 août 1620 que Rovenius fui nommé archevêque de Philippes et il fui sacré, le m novembre 1620, par le nonce Sanseverini. Malgré ses démarches personnelles et celles de son clergé pendant son séjour à Rome et après son retour en Hollande (1622-1624), Rovenius ne fut jamais archevêque d’Utrecht,

Depuis la mort de Schenck, il n’y cul aucune nomination régulière au chapitre. En effet, lorsqu’un chanoine mourait, les magistrats protestants nommaient un protestant pour le remplacer ; quelques chanoines, d’autre part, avaient embrassé la Réforme. Aussi les protestants se trouvèrent-ils bientôt en possession de presque tous les canonicats ; ils possédaient foules les prébendes ci portaient publiquement h' titre de chanoines. Au temps de Rovenius, il n’y avait donc plus de chapitre cl, par suite, plus d'élection possible.

Pour reconstituer le chapitre d’Utrecht, Rovenius

érigea, le 9 novembre 1633, 1e collège ou vicariat apostolique, qui, au dire des Jansénistes, aurait hérité des

droits et prérogatives de l’ancien chapitre. Mais, pour montrer le mal fondé de celle ; isscrl ion. il suffit

de remarquer comment fui établi ce « vicariat

Rovenius choisit cinq des anciens chanoines, quatre chanoines des collégiales, deux curés et tous les prêtres qui avaient obtenu des grades dans quelque université ; par contre, il laissa de côté quelques membres de l’ancien chapitre qui vivaient encore et, par conséquent, restaient chanoines, tout cela de sa propre autorité, sans consulter les chanoines demeurés vivants. D’ailleurs, l’archevêque de Philippes, vicaire apostolique, ne pouvait pas, indépendamment du Saint-Siège, supprimer l’ancien chapitre et en créer un nouveau, qui aurait possédé les droits et privilèges que l’ancien tenait d’une concession et qu’il avait volontairement abandonnés, en 1528, en faveur de Charles-Quint. Rovenius d’ailleurs ne parle point d’un nouveau chapitre, mais seulement d’un vicariat ; en réalité, les membres du vicariat sont les conseillers du vicaire apostolique et des délégués pour l’administration du diocèse. Rovenius songeait si peu à constituer un vrai chapitre que les membres désignés pour constituer le vicariat continuèrent à remplir leurs fonctions dans diverses églises et qu’il n’assura pas leur perpétuité ; aussi les membres du vicariat durent-ils demander leur confirmation et leur prorogation, sous les successeurs de Rovenius. Ce n’est qu’en 1705, c’est-à-dire soixante-douze ans plus tard, que Potkamp appela chapitre l’institution de Rovenius ; d’autre part, les décrets des vicaires apostoliques, soit pour confirmer, soit pour augmenter les membres du vicariat, ne donnent jamais à l’institution le nom de chapitre, à l’exception des décrets de Potkamp.

Rovenius lui-même était peu sûr des pouvoirs qu’il aurait conférés et que pouvait posséder le collège vicarial : en février 1635, voulant se démettre de ses fonctions, il s’adressa directement à Rome pour demander un successeur ou au moins un coadjuteur qui pût lui succéder plus tard. Il ne fut point question d’un arche vêque d’Utrecht, mais d’un vicaire apostolique et on ne parla point d'élection. Rovenius demanda Jacques de La Torre. La réponse de Rome n'était pas encore arrivée, que les magistrats de Hollande, par un décrel du 5 octobre 1639, prononcèrent la peine de bannisse ment contre Rovenius, soupçonné d'être en relation avec les Espagnols. Le décret fut publié le in ruais 1640. Quelques temps après, le 25 août 1640, le pape Urbain VIII nommait Jacques de La Torre comme coadjuteur et successeur de Rovenius, sans aucune intervention, ni du clergé de Hollande, ni du collège vicarial. Innocent X le créa archevêque d'Éphèse par un bref du 9 novembre Pi 16 el il fui sacré par le nonce Chigi, le 19 mai 1617. La Torre fui banni, peu de temps après son sacre, pour avoir administré la confirmation dans un village au nord de la Hollande. L’année suivante, le traité de Munster amena la paix : le roi d’Espagne, Philippe IV, renonça à ses droits sur les Provinces-Unies. La République de Hollande fut reconnue Indépendante et les catholiques cessèrent d'être persécutés, au moins ou cri eurent.

Rovenius mourut peu après, le Il octobre 1651. C’est sous son gouvernement que le jansénisme commença à se répandre dans l'Église d’Utrecht : Rovénius lui-même avait été le disciple de Janson a Louvaln, comme.fanséiiius dont il fui l’ami ; en 1622. il était revenu à Couvain pour y rencontrer Jansénius et l’abbé de Saint Cyran ; en 1626,.lansenius s'était rendu à Madrid, comme délégué de l’université de Louvain et avait été chargé de demander au roi d’Espagne pour Rovenius le titre d’archevêque d’Utrecht ; Rovenius fut un de ceux qui, en 1641, donnèrent leur approbation a {'Auguslinus ; il eut de nombreux démêlés avec les réguliers ei particulièrement avec les Jésuites, qu’il regardait comme des

étrangers rapaces ci ambitieux. voulant se sous

traire à son autorité. 2395 UTRECHT (EGLISE I)'). PREMIERS DÉMÊLÉS AVEC ROME 2396

.Jacques de La Torre lui succéda de plein droit, le 3 février 1656, à l’insu et, par conséquent, sans l'élection du clergé et du collège vicarial ; il obtint du pape un coadjuteur, Zacharie de Metz, originaire de Bruxelles, qui fut sacré évêque de Tralles. Celui-ci s’occupa surtout du diocèse d’Haarlem et résida à Amsterdam ; il laissa à Neercassel, vicaire général de La Torre, le soin de gouverner le diocèse d’Utrecht.

Jacques de La Torre, par un acte du i( juillet 1658, confirma le collège du vicariat fondé par Rovénius en 1633, afin, dit-il, « d’assurer d’autant plus l’existence du vicariat » ; toutes les expressions dont il se sert supposent nettement que le vicariat n'était point et n’est point un véritable chapitre et l’héritier des droits et prérogatives de l’ancien chapitre : il l'élève à la dignité de sénat perpétuel de l'Église d’Utrecht et de conseil du vicariat, déclarant que son intention était que, dans toutes les causes majeures, l’autorité de ce corps fût considérée comme celle d’un chapitre cathédral, que les membres fussent regardés comme des chanoines gradués. Mais ces titres imposants et ces comparaisons flatteuses ne suffisent pas pour constituer un vrai chapitre. D’autre part, les règlements établis par l’archevêque d'Éphèse sont incompatibles avec l'établissement d’un chapitre. Il faut ajouter que, durant les dernières années de sa vie, La Torre eut des crises mentales qui décidèrent la Propagande à annuler tous les actes de ses cinq dernières années.

Après la mort de Zacharie de Metz, le 13 juillet 1661, le vicaire général d’LTrecht, Neercassel fut nommé coadjuteur de La Torre, qui mourut lui-même peu après, le 16 septembre 1661. La Torre fut remplacé par Baudouin de Catz, tandis que Neercassel fut maintenu coadjuteur, malgré les désirs du clergé qui aurait voulu le voir succéder à La Torre ; cette nomination de Catz fut faite à l’insu et sans le concours du clergé, qui désirait Neercassel. Il y eut, à cette occasion, un quiproquo qui mérite d'être noté. Le bruit de la nomination de Neercassel avait couru et on ne doutait pas qu’il fût le successeur de La Torre, dont la mort était imminente. Le collège du vicariat envoya, le 20 octobre 1661, une lettre de remerciement à Alexandre VII, qui avait daigné exaucer ses vœux. Cette lettre du vicariat montre nettement qu’on ne songeait pas à faire valoir les droits de l’ancien chapitre d’Utrecht, elle ne présente point de candidat et les membres du vicariat ne se donnent pas euxmêmes comme des chanoines, mais comme curés de diverses paroisses, auxquels l’archevêque d'Éphèse a donné le titre de conseillers du vicariat. Cette lettre de remerciement était un peu hâtive, car Neercassel fut nommé non point vicaire apostolique, mais coadjuteur de La Torre encore vivant et, lorsque La Torre mourut, ce fut Baudouin de Catz qui fut désigné pour lui succéder ; le clergé d’Utrecht n’eut aucune part à cette nomination. Pour éviter toute discussion au sujet des deux sièges d’Utrecht et de Haarlem, qui étaient les plus importants des Provinces-Unies, le pape, par les lettres du 24 juin et du 1 er juillet 1662, nomma Catz archevêque de Philippes et Neercassel évêque de Castorie et tous deux furent sacrés à Cologne le 9 septembre 1662. Catz mourut le. 18 mai 1663 et Neercassel eut désormais tous les pouvoirs. Ainsi, quoi qu’en ait dit plus tard Varlet, pour justifier sa conduite (ci-dessous, col. 2403), les vicaires apostoliques désignés par le Saint-Siège n'étaient point archevêques d’Utrecht et le collège du vicariat, établi par Rovénius et confirmé par ses successeurs, n’eut jamais le caractère d’un vrai chapitre.

De tous ces faits, il ressort nettement que la persécution religieuse du xvi c siècle interrompit la succession des évêques de Hollande après la mort de Schenck et anéantit le chapitre d’Utrecht, qui, du reste, n’avait plus le droit d’intervenir dans l'élection de l’archevêque. Quant aux prétendus archevêques d’Utrecht, ils furent et se présentent toujours comme des vicaires apostoliques, désignés par Rome, sans avoir été préalablement choisis par le clergé.

Si l’on en croit Dupac de Bellegarde, Neercassel fut reçu avec les applaudissements de tout le clergé et il fit la paix avec les réguliers. Seuls, les jésuites se dressèrent contre lui et publièrent des écrits qui furent réunis sous le titre de Colleclio momenlosa ; celle-ci comprenait plusieurs libelles : Gravaminn contra Paires Societalis ; Asserlio gravaminum contra prœtensam jesuitarum refulationem… C’est pour cela, écrit Dupac, que les jésuites, pour se venger, dénoncèrent la doctrine de Neercassel et l’accusèrent de jansénisme. Celui-ci se rendit à Rome (novembre 1670) ; il fut reçu par Clément X. D’ailleurs, écrit Dupac, « l’excès même des calomnies des jésuites tourna à leur propre honte et à la gloire du clergé ». Neercassel eut « la consolation d’obtenir deux décrets (25 janvier et 17 mars 1671) qui décidèrent en sa faveur les principaux articles de la contestation… Le prélat victorieux quitta Rome au commencement d’avril 1671°.

Mais ce triomphe partiel ne fut que transitoire. Neercassel publia des écrits qui contenaient le plus pur jansénisme. Voir son article, t. xi, col. 58 sq. Il mérita ainsi d’occuper une place de choix au Nécrologe de Port-Royal. Il donna, dit Dupac, d’excellentes Instructions sur le décret d’Innocent XI du 2 mars 1679 contre la morale des jésuites. Ses amis répètent que les jésuites s’acharnèrent contre lui pour se venger de son zèle à réprimer leurs empiétements continuels. Mais la lecture des écrits de Neercassel suffit pour expliquer les condamnations de Rome : Traclalus de sanctorum ac prxcipue beatee Mariée Virginis cultu, in-8 J, Utrecht, 1665 ; Tractatus de lectione Scriplurarum, in-12, Utrecht, 1679 ; mais surtout Amor pœnilens suivi de Divini amoris ad pœnilentiam necessitate et recto clavium usu libri duo, in-8°, Utrecht, 1682, 1685, traduit par l’abbé Guibert, 3 vol. in-12, Utrecht, 1741. Ce dernier écrit fut dénoncé à Rome et Innocent XI en fit suspendre la publication jusqu'à ce qu’il fût corrigé ; mais, après la mort de l’auteur, sous Alexandre VIII, il fut condamné par l’Index du 20 juin 1690, malgré l’appui de nombreux amis : du Vaucel, Arnauld, Quesnel, et malgré les approbations de l'édition de 1685, parmi lesquelles Dupac cite celle de Bossuet. Neercassel mourut à Zwoll, le 6 juin 1686.