Dictionnaire de théologie catholique/UNITÉ DE L'ÉGLISE III. La théologie catholique

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 334-340).

III. La théologie catholique.

L’œuvre de la théologie est pour ainsi dire nulle jusqu’au xvr siècle sur le point qui nous occupe. Ce n’est qu’en face des audaces de la Réforme que nos théologiens se transforment en apologistes et envisagent pour lui-même le problème de l’unité de l’Église.

Au Moyen Age.


Théologie de l’unité encore fort rudimentaire. Généralement, les auteurs ne font que l’efllcurer, surtout dans les commentaires scripturaires. Ainsi Haban Maur voit dans l’unité de l’Église le principe de ses vertus. In Esther, c. iv, P. L., t. c.ix, col. 618 B ; dans le De clericorum institution P, c. i. t. c.vii, col. 297 A, il rappelle que, répandue dans le monde entier, l’Église demeure une, elle qui est l’épouse et le corps du Christ. Elle est. dit Alcuin. le corps du Christ s’adressant aux hommes de toutes langues ; c’est l’Esprit-Saint qui fait son unité. /" Joa., c. xviii, v. 36-39 ; cf. Adv. Felicem ( ?). I. 1, n. I. t. c. col. 852 AI !  ; t. ci, col. 130 I >. Cf. l’seudo-Alcuin. Conf, ftdei, t. ci, col. 1073. On trouve également quel ques indications chez llincmar. De predest., diss. II. c. xxxviii (vi.) t. c.xxv, col. 15."). et chez Wallafrid Strabon, Glossa in Cant. (’.uni., c. vi, ..s. o. i. cxiii, col. 1159 BC. Rathier de Vérone rappelle que, no nobstant les coutumes qui respectent les différences de rites et de pratiques, tous les chrétiens sont consacrés par le même Esprit et purifiés dans le même baptême. I.e pouvoir de l’Église est concentré dans les apôtres et leurs successeurs, l’niloiL. I. III. lit. V, n. !), lo. t. CXXXVI, col. 221-225 C. I.e siège romain a pleine conscience d’être le centre de l’unité ; voir Jean VIII, Epist., ccxliv, t. cxxvi, col. 864. Au xii siècle, reprenant une image traditionnelle, Pierre Lombard rappelle l’unité et la charité de l’Église, Bgurée par la tunique sans couture. In Ps. S. v/, v. 1 ! t, I. cxci, col. 235 AH.

1. Au XIII’siècle.

Saint Thomas semble avoir en I revu les grandes lignes du problème. Son point de départ pour exposer la doctrine de l’unité de l’Église est la comparaison paulinienne du corps naturel : - L’Église est un corps et a divers membres. Son âme… est l’Esprit-Saint. » In symbol. apust., a. 9, Opusc, édit. de Parme, t. xvi, p. 147. Sur cette comparaison et sur les rapports du Christ-Chef à l’Église et aux hommes, membres de cette Église, voir Sum. theol., 111% q. viii, a. 1 ; In Ill" m Sent., dist. XIII, q. ii, a. 1 ; De veriiate, q. xxix, a. 4, a. 5, ad 7um ; Comp. theol., c. ccxiv, édit. citée, t. xvi, p. 60 ; Expositio in I Cor., c. iv, lect. 2, t. xiii, p. 234.

Une par son chef invisible, le Christ (cf. In Eph., c. iv, lect. 2, ibid., p. 477), l’Église tient aussi, sur cette terre, son unité de son chef visible, le pontife romain. Sum. theol., 111% q. viii, a. 6 ; cf. II a -II » % q. i, a. 10. Le corps est un en raison de l’unité : 1. de foi, car les chrétiens ont tous la même croyance ; 2. d’espérance, tous étant affermis dans le même espoir d’arriver à la vie éternelle ; 3. de charité, tous étant unis entre eux dans l’amour de Dieu et l’amour des uns pour les autres ; et un seul Esprit les dirige et les unit. In symb. apost., loc. cit. ; cf. In III nm Sent., dist. XIII, q. ii, a. 2, sol. 2 ; II » - II", q. i, a. 10 (unité de foi) ; III », q. viii, a. 1, ad 3um (rôle du Saint-Esprit ) ; In Eph., Inc. cit. ; cf. lect. 1, p. 476, et lect. 5, p. 482.

Cet le unité sera ferme, car elle a pour fondement principal le Christ ; pour fondement secondaire les apôtres et les docteurs. La fermeté se manifeste surtout dans l’Église romaine : seule l’Église de Pierre a toujours été ferme dans la foi et exempte d’erreur, selon la promesse faite par le Christ à Pierre, Luc, xxii, 32. In sijmb. apost., loc. cit., p. 148. L’unité existe dans le temps comme dans l’espace : l’Église actuelle est la même que celle des apôtres : même foi, mêmes sacrements, même autorité. Le Christ n’est pas divisé ; les différences ne sont qu’accidentelles : alius status Ecclesise, non tamen alia Ecclesia. Quodl., xii, a. 19. Cf. M.-J. Congar, Esquisses du mystère de l’Église, Paris, 1941, p. 59-91.

2. À la fin du xi IIe et au début du XI Ve siècle. — La querelle de Boniface VIII et de Philippe le Bel provoque toute une eflloraison d’ouvrages, desquels la théologie de l’unité de l’Église peut tirer quelques glanes. Sur cette question, voir J. Rivière, Le problème de l’Église et de l’État au temps de Philippe le Bel, Louvain-Paris, 1926. Si l’on différait d’avis sur les conclusions, on admettait cependant, d’une manière assez générale, le principe qu’essentiellement l’Église est une et que l’unité de ce corps mystique appelle l’unité de chef, sous peine d’avoir dans l’Église un monstre à deux têtes. Thèse admise dans l’anonyme régalien Rex pacificus (Quæslio de potestate papse), texte dans Dupuy, Histoire du différend…, Paris, 1656, p. 655 ; cf. Rivière, op. cit., p. 185, 262263 ; d’une manière très absolue par les théologiens pontificaux, -se fondant sur la loi dionysienne de l’unité mondiale, physique et sociale : cf. Gierke, Les théories politiques du Moyen Age, tr. J. de Pange, Paris, 1914, p. 103. Voir, en particulier, Gilles de Rome, De ecclesiaslica potestate, dans Rivière, p. 195204 ; Jacques de Viterbe, De regimine christiano, ibid., p. 230 sq. Les partisans d’une via média sont, sur le principe lui-même, aussi fermes que les pontificaux. Voir Jean de Paris (Quidort), De potestate regia et pa pali, 12 ; l’anonyme Qusestio in ulramque partem, tous deux dans Goldast, Monarchia S. Romani lmperii. .., Francfort-sur-M., 1668, t. ii, p. 122 et 103 ;

cf. Rivière, p. 185, 281 sq., 272 sq. ; Close anonyme de la bulle Unam Sanctam, publiée par II. Finke, Aus den Tagen Bonifaz VIII., Munster, 1922, cf. Rivii p. 300 sq. Voir aussi sur la place du pape dans le traité Rex pacificus, Rivière, append. v, p. 431 sep

Sans doute, la controverse n’apporte pas. par elle-même, d’indications précises sur l’unité, considérée au point de vue dogmatique ; mais, du moins, comme le note J. Rivière, « elle a le mérite d’ouvrir dans l’Église un des champs d’investigation qui ont le plus vivement occupé les intelligences et le rare privilège de dessiner en raccourci… toutes les positions doctrinales qui devaient commander l’avenir >. Op. cit., p. 383. La question de l’unité de l’Église fait partie de ces positions. Le grand schisme lui-même ne fera que renforcer le besoin de l’unité. Tous les efforts tentés pourle réduire témoignent que, malgré la séparation de fait entre les deux obédiences, nul ne se résignait à l’idée que cette situation pourrait se prolonger. En fin de compte les papes rivaux sont rejetés par l’Église, parce que leur refus d’abdiquer témoigne chez eux de sentiments contraires à l’unité de l’Église et donc d’hérésie.

2° Théologiens et controversisies, après le v ve siècle.

— La crise protestante s’ouvre : un double courant se dessine parmi les théologiens catholiques. Les uns restent dans le domaine spéculatif et se contentent de rappeler les principes. Les autres abordent directement le problème apologétique.

1. L’unité chez les théologiens spéculatifs.

Arrêtons-nous aux noms les plus connus. C’est surtout dans leurs commentaires in II*™-II X, q. i, a. 10, que ces auteurs expriment leur sentiment.

Cajétan y explique comment l’autorité du pape vient immédiatement de Dieu et ne ressemble pas à l’autorité des autres princes à qui le pouvoir est délégué par la multitude. Dans l’Église, non seulement les membres, mais la communauté elle-même est soumise au pape. Cajétan renvoie à son traité De auctorilale papæ et concilii.

Melchior Cano voit dans l’unité de l’Eglise la sécurité pour le chrétien ; aussi l’Église a-t-elle autorité en matière de foi. De locis, t. IV, c. iii, iv, dans Migne, Cursus theolog., t. i, col. 296, 297. L’Église est un corps, dirigé par un Esprit, l’Esprit-Saint, et Jésus est chef de ce corps. Ibid., c. vi, col. 337.

Banez énumère l’unité comme une propriété de l’Église, avec la catholicité, la sainteté, l’apostolicité et la visibilité, /n IP m -lI s, loc. cit..Même doctrine chez Grégoire de Valencia, voir ici t. iv, col. 2131.

Pour.De Lugo, l’article Unam, sanctam, catholicam… sanctorum communionem a été inséré au symbole pour affirmer sans discussion possible l’unité de l’Église. Catholique, mais cependant une, l’Église est unique sous un unique chef visible. De fide divina, disp. XII, sect. iv, n. 110. On adhère suffisamment au dogme de l’unité de l’Église en professant l’obéissance due à un seul chef visible, le pontife romain, vicaire du chef principal et invisible, Jésus-Christ. Ibid., n. 111.

Saint Pierre Canisius, dans son Catéchisme. Cologne, 1576, expose le dogme de l’unité de l’Église. part. 1% De fide et symbolo, q. xviii. Au rappel des fondements scripturaires concernant cette vérité, il ajoute les autorités patristiques les plus importantes et termine en interprétant le sanctorum communionem dans le sens de l’unité de communion.

Jean de Saint-Thomas intitule son commentaire sur la IP-II-% loc. cit., Tractalus de auctorilate summi pontifias, divisé en quatre articles. L’unité de l’Église est affirmée dans l’autorité suprême visible, nécessaire pour proposer et déterminer les choses de la foi ; donc, unité de foi, a. 1, n. 12, raison du pouvoir d’enseignement concédé par le Christ à l’Eglise et au pontife romain, n. 2-4.

C’est encore dans le De fide que les Carmes de Salamanque exposent l’unité de l’Église. L’Église est une, parce qu’elle a un chef visible unique, auquel tous les autres membres doivent obéir, à qui il appartient de proposer les vérités à croire et de dirimer les controverses. L’unité de l’Église, en effet, ne peut subsister sans unité de foi et l’unité de foi requiert un juge suprême. De plus, toute l’Église forme le royaume du Christ, elle est son épouse unique, son bercail unique, son corps mystique unique, ainsi que l’enseigne l’Écriture. Il faut qu’à ce royaume unique, à cette épouse unique, à ce bercail unique, à ce corps mystique unique soit préposé un seul pasteur, une seule tête, à qui le peuple, l’épouse, les brebis et tous les membres doivent obéir. Le régime monarchique, étant le meilleur, était dû en convenance à l’Eglise. Disp. IV, dub. i, n. 1. Ces théologiens établissent ensuite la primauté de Pierre, n. 2. Pierre, ayant un successeur légitime, n. 3, lequel est l’évêque de Rome, n. 4, celui-ci succède à Pierre dans ses prérogatives de chef unique et de règle vivante de la foi, n. 5. La doctrine du corps mystique ou moral est exposée dans le De incarnalione, disp. XVI, dub. i, § 1, n. 1-5.

Pour Gonet, l’Église est une en raison de son principe unique : Dieu qui l’a voulue et le Christ qui l’a fondée ; de sa fin : la béatitude éternelle espérée par tous ses membres ; des moyens dont elle dispose : moyens internes, la foi, l’espérance, la charité ; moyens externes, sacrements, eucharistie, loi évangélique ; de son chef visible : le pontife romain ; de l’unité du corps mystique. L’unité apparaît aussi dans l’apostolicité, c’est-à-dire la succession légitime des évêques de Rome depuis Pierre. Tract. X, De virl. theôl., disp. III, a. 2, S 1, n. 27-33. L’autorité suprême en’matière de foi et la primauté romaine sont étudiées, disp. IV, § 1-2. Sur l’unité du corps mystique, voir De. incarnalione, disp. XV, a. 1, n. 3, 6, 7.

Noël Alexandre mérite une mention. Il définit l’Église : L’assemblée des fidèles unis par la profession de la même foi, la communion aux mêmes sacrements sous le gouvernement dis mêmes pasteurs et principalement du vicaire du Christ sur la terre, le pontife romain. De symbolo, a. 9, §1. n. 4, dans Migne, Cursus Iheol., t. vi, col. 307. Les preuves scripturaires abondent ! Au n. 5 sont exposés les symboles de l’unité de l’Église, col. 308-3(1 ! » ; mais au 5 11, l’auteur aborde les preuves scripturaires proprement dites, tandis .qu’au S 7, il fait appel à la tradition pour montrer l’unité de régime : unité du chef, invisible dans le Christ, visible dans le successeur de Pierre.

Billuart insère son traité de L’Église dans le l’raclalus de regulis ftdei, diss. 111. La question de l’unité est abordée dans l’a, I. De nolis verse Ecclesise. Symboles et textes scripturaires se retrouvent ici. Billuart dislingue une double unité : 1. Unité de concorde et de consentement (consensus) vers la même fin ; ’1. I nile d’ordre et de disposition sous le gouvernement d’un seid chef.

Saurez mérite une place a part, car il fut tout à la fois théologien spéculatif dans son traité De ftde et controversiste dans sa Defensio ftdei advenus Anglos. La disp. IX du De fide est un véritable traité de l’Église. l’our lui, l’Église possède une unité, non spécifique,

mais numérique ; non mathématique, mais morale.

un chef, une foi. les mêmes lois en raison de la (in

moque a laquelle elle est ordonnée. Elle n’a qu’un

Chef principal, le Christ ; un ehel visible sur la terre, ’lu Christ ; un seul Esprit Saint qui sanctifie

et gouverne le corps de l’Église et qui en est comme le cœur, puisqu’il est le principe de sa vie. Cf. S. Thomas, Suni. Iheol., IIP, q. viii, a. 1, ad 3um. À la foi unique correspond un baptême unique, porte des autres sacrements. Suarez met également en relief l’analogie de l’unité du corps naturel et, comme saint Thomas, marque la pérennité de cette propriété à travers les âges. Disp. IX, sect. iv, a. 1, n. 3. Cf. Defensio…, t. I, c. iii, n. 5.

De plus, l’unité ecclésiastique est une unité hiérarchique, l’unité d’un corps organisé, De fuie. disp. IX. sect. v, n. 3, c’est-à-dire, que, dans la hiérarchie, l’unité comporte la variété des différents degrés et pouvoirs et cela en vertu même de l’institution du Christ, n. 5. Enfin l’unité de l’Église réclame une constitution monarchique, c’est-à-dire un pouvoir suprême et personnel pour régir toute la communauté, sect. v, n. 1-2, gardien de l’unité de foi, n. 3, et de l’unité de gouvernement et de discipline, n. 4 ; pouvoir qui ne réside qu’en un seul homme, ce qui rend le gouvernement de l’Église monarchique, n. 7, la forme monarchique étant la -seule capable de conserver dans l’Église la concorde et la paix nécessaires à tout le corps, n. 8. Sur ce dernier point, l’auteur réfute les objections des hérétiques, n. 9-12. Cf. sect. ix, n. 6.

La prééminence de Pierre et de ses successeurs est étudiée, disp. X, sect. î, n. 12-18 (exégèse du Tu es Petrus) ; 19-21 (exposition du Pasce oves) ; 22-23 (prérogatives affirmées dans l’évangile et les Actes) ; 24 (raisons de convenance : impossibilité île la pluralité de chefs) ; 25 (double prééminence de Pierre sur l’Église universelle et sur la personne même des apôtres) ; 26-28 (solution des difficultés).

2. L’unité chez les controversisles. a) Contro versistes du début. — Ces controversistes ont généralement opposé aux fausses marques invoquées par les protestants les vraies marques de l’Église du Christ, unité, sainteté, catholicité, apostolicité, telles que les énumère le symbole de Nicée-Constantinople et telles qu’au xv siècle Torquemada les avait proposées systématiquement au 1. 1 de sa Summa de Ecclesia, Rome, 1489. Dans les premiers temps toutefois, il existe un certain flottement. Dans son De visibili monarchia Ecclesise (qui fut le premier essai pour établir méthodiquement les notes de la véritable Église et en montrer la réalisation dans l’Église romaine), le controversiste anglais Sanders met en relief l’unité qu’il prouve à l’aide de Mat t h., v, 11 ; Ait., i, 8 ; Matth., xxviii. 20 ; Ad., ii, 12 ; IV, 12 ; et il en lait voir la réalisation dans l’Église romaine. !.. VIII, i ; 50, éd. de Couvain, 1571, p. 793. Voir aussi Driedo. De ecclesiasticis scripturis et dogmatibus (travail assez confus), Louvain, 1550, I. IV. s 51. p. 503 sq. Sur la position de Stapleton, voir Église, t. iv, col. 2131. Des œuvres d’Hosius, on peut aussi extraire une controverse antiprotestante fondée sur les notes de l’Église ; voir la systématisation « le cette controverse dans s. Frankl, Doclrina Hosii de notis Ecclesiæ,

Home. 193 1 et dans I.. I iernacKi, L’/ duel ri ne de l’Église chez le cardinal llosius. Paris, 1937. 2° partie.

Énumérant quinze notes de l’Église, Bellarmin ne

fait en somme qu’analyser les différents aspects des notes traditionnelles : on y retrouve l’unité dans le temps comme dans l’espace : unité de foi dans l’accord doctrinal de l’Église ; unité de gouvernement et île communion dans l’union que les membres île

l’Église oïd entre eux et avec leurs chefs. Finalemenl a l’unité de foi dont les catholiques donnent l’exemple, il oppose les divisions qui séparent les réformés. De concil. et Ecel. militante, I. IV. c. (T 1 note). l>ans ses Controverses, saint François de Sales s’inspire de

Bellarmin qu’il résume. Il insiste surtout sur l’unité de foi et de chef nécessaire à la véritable Église. Discours » >, édit. d’Annecy, l r part., c. iii, a. 1-4, t. i, p. 84 sq. Voir ici, t. vi, col. 739. De son côté Bécan utilise doublement la note d’unité. Tout d’abord, à l’indéfectibilité de l’Église romaine dans la foi reçue des apôtres, il oppose les défections des calvinistes et leurs divergences par rapport à la foi de la primitive Église, Ensuite, à l’unité de l’Église du Christ sommairement affirmée, il oppose les variations et les divergences des Églises protestantes, notamment en matière de foi, dans le canon des Écritures et les rites des sacrements. Voir Opusculu, Paris, 1642, De Ecclesia romana, concl. viii, avec les explications qui suivent ; De Ecclesia Christi, q. i, concl. ii, n. 13 ; q. iii, concl. i, n. 264. Voir aussi Coeffeteau, Sacra monarchia ecclesiaslica, Paris, 1623. À la fin du xvie siècle, saint Laurent de Brindes apporta son tribut à la controverse. Voir P. Constantin de Plogonnec, L’apologie de l’Église par saint Laurent de Brindes, Paris, 1936 (2e section, 3e dissertation).

b) Du Perron. — Avant que Jurieu ne donnât aux « articles fondamentaux » le relief que l’on dira plus loin, col. 2218, l’idée de « l’indifférentisme » doctrinal avait été déjà lancée par des théoriciens du protestantisme et avait provoqué des répliques du côté catholique. Le roi Jacques d’Angleterre avait imaginé l’Église du Christ sur le type d’une confédération de sociétés religieuses s’accordant sur un minimum de croyances. Le cardinal Du Perron réfute cette théorie, contraire à l’unité de foi. Réplique à la response du sérénissime roy de la Grande Bretagne, Paris, 1622, c. ix, p. 474 sq. Les Églises qui sont séparées de l’Église romaine ne méritent pas le nom d’Église ; seule l’Église romaine détient la vraie foi et est la vraie Église du Christ.

c) F. Véron. — Un autre bon livre de controverse sur le même sujet (et, en général, sur tous les points discutés par le protestantisme) est Le corps du droit controversé, de François Veron, Paris, 1638, en trois parties avec paginations spéciales. De la seconde partie (débutant à la p. 193) la première controverse (p. 193-268) est une réfutation de 1’ « indifférence de religion à salut », préconisée par les calvinistes au synode national de Charenton (1631), indifférence destructrice de toute unité de foi. On y réfute l’Apologie de Daillé, le Bouclier de Du Moulin, la doctrine des « points fondamentaux » déjà préconisée par De Dominis et le synode de Dordrecht, etc. La deuxième controverse (p. 269-374) étudie les marques de la véritable Église. Après avoir exposé, d’après les confessions hérétiques, quelles sont ces marques, l’auteur entreprend sa réfutation d’après la doctrine et les méthodes de saint Augustin. Acceptant la classification bellarminienne des marques de l’Église, Véron expose la doctrine de l’unité (p. 335) à propos de la septième note : l’union en l’Église visible et surtout l’union dans la foi.

d) Les Wallenbourg. — En Allemagne, les frères Adrien († 1669) et Pierre († 1675) Wallenbourg ont exposé l’argument de l’unité dans leurs Controverses, tract. IX, De unitale Ecclesiæ. Par l’unité de foi, les membres de l’Église, corps du Christ, sont unis à leur chef, Jésus-Christ ; par l’unité de charité, ils sont unis entre eux ; par l’obéissance, ils réalisent l’unité de gouvernement dans la soumission aux pasteurs légitimes. L’hérésie brise l’unité de foi ; le schisme brise l’unité de communion ; le schisme et l’hérésie brisent l’unité réalisée par l’obéissance. C. i. La comparaison du corps (Eph., iv) est reprise, pour montrer quel malheur cause le schisme en brisant l’unité du corps mystique. C. iv. Aucune cause, si grave soit-elle, ne saurait légitimer le schisme. C. v-vi. D’une part, les protestants confessent s’être séparés

de l’unité de l’Église, c. x ; ils n’en avaient pas le droit, ni quant à l’unité de la foi, c. xviii, ni quant à l’unité de la communion. C. xxiii. D’autre part, il est facile de trouver l’Église qui a gardé l’unité : il suffit de suivre la voie indiquée par Tertullien, chercher qui nous a transmis la discipline et la foi du Christ. Or, les catholiques montrent que leur discipline et leur foi viennent des apôtres, donc du Christ, c. xxviii. Dans Migne, Cursus theol., t. i, col. 1223 sq.

e) icole. — Toutes ces controverses étaient excellentes. Quand parut le Yray système de l’Église de Jurieu, il fallut néanmoins faire mieux. Ce fut Nicole qui s’en chargea dans son traité, De l’unité de V Église ou Réfutation du nouveau système de M. Jurieu, Paris, 1687 (Bruxelles, 1734). Trois groupes de citations patristiques sont ici rassemblés ; les deux premiers fixent le sens traditionnel des mots « Église » et « Église catholique » ; et le troisième en précise l’idée indépendamment des termes qui l’expriment.

Dans son sens traditionnel, le mot Église sans addition désigne une société d’où sont exclus hérétiques et schismatiques. Or, il y a identité de signification entre « Église » et « Église catholique » ; la formule « Église catholique » a toujours été prise dans un sens exclusif de l’hérésie. Enfin, les Pères ne se sont pas contentés de prendre les formules « Église », « Église catholique » dans un sens exclusif de l’hérésie ou du schisme, ils ont mis formellement hors de l’Église tous ceux qui rejetaient quelque dogme. Cette triple assertion est corroborée par de nombreux textes patristiques. Mais Nicole ne se contente pas de montrer que l’unité de foi et de communion à la chaire de Pierre est à la base de la véritable Église et ne saurait s’accommoder de l’hérésie ou du schisme, il réfute quelques arguments allégués par Jurieu pour étayer sa théorie de l’Église-confédération : « Le schisme des dix tribus auquel de saints prophètes eux-mêmes avaient pris part ; la conduite libérale et pleine de condescendance tenue par les apôtres à l’égard des judaïsants ; le texte de saint Paul où nous lisons que certains prédicateurs bâtissent sur le fondement qui est le Christ un édifice de bois, de foin, de paille, qui sera brûlé pendant qu’eux seront sauvés quasi per ignem ; un texte de saint Jérôme qui semblait mettre les hérétiques dans l’Église. Ils se réclamaient surtout du spectacle fourni par l’histoire de l’Église. Il rappelait que l’Église avait été en proie à des schismes sans que son unité en fût altérée ; d’où il concluait que l’unité de communion n’est pas essentielle à l’unité de l’Église. Il prétendait même trouver dans l’Écriture des règles pour discerner les articles qui étaient fondamentaux et ceux qui ne l’étaient pas. » Cf. J. Tunnel, Histoire de la théologie positive, t. ii, Paris, 1906, p. 130-131.

Les réponses de Nicole, cf. Turmel, op. cit., p. 131132, en ce qui concerne les faits opposés à l’unité de communion, n’ont pas toutes la même valeur. Sur la question des articles fondamentaux Nicole triomphe aisément, car la distinction entre les articles fondamentaux et non fondamentaux a été totalement inconnue aux anciens conciles, qui d’ailleurs ont condamné maintes doctrines réputées par Jurieu non fondamentales. Cette distinction de plus est étrangère à l’Écriture et les règles invoquées par Jurieu pour faire le tri entre articles et articles ne reposent que sur le caprice du ministre protestant.

Dans les dernières années du xviie siècle, Jacques Basnage reprit en la modifiant quelque peu la thèse de Jurieu, dans son Histoire de la religion des Églises réformées, 2 vol., Rotterdam, 1690 ; et plus tard, l’allemand Mosheim se fit le continuateur de Basnage, Commentaria de rébus christianorum ante Conslanlinum magnum, Leipzig, 1753. On verra plus loin que le protestantisme moderne s’est écarté de plus en plus de la notion traditionnelle de l’unité.

f) Bossuet. — Contre Jurieu et Basnage, furent rédigées les controverses de Bossuet. Mais la doctrine de Bossuet sur l’unité de l’Église n’est pas confinée dans ces ouvrages. C’est toute son œuvre qu’il faut consulter, pour avoir sur ce point la pensée de l’évêque de Meaux. Bossuet part de ce principe que Jésus a lui-même établi l’Église sur la confession de Pierre (Matth., xvi, 18, 19). Conférence sur la matière de l’Église. Pendant sa vie, Jésus a formé l’Église par sa doctrine ; par sa mort il lui a donné la vie ; par sa résurrection, avec sa dernière forme, il lui a donné le caractère d’immortalité. Il a d’abord choisi ses apôtres et Pierre a été mis à leur tête. Après sa résurrection, il achève l’Église en conférant effectivement à Pierre la primauté, consommant ainsi « le mystère de l’unité, par lequel l’Église est inébranlable ». Pour le jour de Pâques, 2e point (édit. Lebarq, t. vi, p. 75 sq.). Mais, voulant que son Église fût visiblement subsistante, Jésus-Christ l’a revêtue de marques sensibles. Cf. Deuxième instr. past. sur les promesses de l’Église, § 4 et 46 ; Réflexions sur un écrit de M. Claude, 9 ; Hist. des var., I. XV, passim. Il envoie ses apôtres enseigner et baptiser et leur promet d’être avec eux jusqu’à la fin du monde. Par là « l’Église, clairement rangée sous le même gouvernement, c’est-à-dire sous l’autorité des mêmes pasteurs, sous la prédication et sous la profession de la même foi et sous l’administration des mêmes sacrements, reçoit par ces trois moyens les caractères les plus sensibles dont on pût la revêtir ». Première inslruct. pastorale…, § 5 ; cf. § 4 et Conférence sur la matière de t’Église.

Bossuet développe longuement ces pensées dans ses deux Instructions pastorales sur les promesses de l’Église. Dans la seconde, § 60 et 63, il démontre l’unité primitive de l’Église à l’aide de Joa., xiii, 25 ; xvii, 21. Mais son concept de l’unité de l’Église est plus profond. Cette unité, déclare-t-il, est faite sur le modèle de l’unité divine dans la trinité des personnes. Comme les trois personnes sont « une dans le même être, dans la même intelligence, dans le même amour », ainsi les membres de l’Église sont « un dans le même être par leur nouvelle nativité, un dans l’intelligence par la doctrine de la vérité, un dans le même amour par le lien de la charité ». Sur le mystère de la sainte Trinité, exorde (n, 53, édit. cit., t. ii, p. 53). Donc, unité de foi et de sacrements, Hist. des var., t. XV, § 70, à laquelle s’ajoute l’unité de gouvernement, car la raison dernière de l’unité est « dans la personne, le caractère, l’autorité des évêques. Jésus-Christ a séparé les apôtres de tous les disciples ; puis, voulant consommer le mystère de l’unité de l’Église, a séparé l’apôtre saint Pierre du milieu des autres apôtres… L’unité implique donc l’adhésion à tout ordre épiscopal et au pape, chef de cet ordre ». Oraison funèbre du P. Bourgoing, 2- point, t. iv, p. 415-416.

Cette unité se maintient par la succession apostolique, succession qui fait que « les nouvelles Eglises ne sont pas des sociétés séparées… Elles sont apostoliques, parce qu’elles sont descendues des l’ôgliscs apostoliques ». l’our la vêlure d’une nouvelle culholique, V’point, t. i, p. 488. Et séparer la saine doctrine d’avec cette chaîne de succession, c’est séparer le n’isseau d’avec le canal. Lettre pastorale… aux nouveaux convertis de son diocèse (sur la communion pascale), § 2. À la distinction classique du corps et de l’âme de l’Église, Bossuet applique la notion d’unité : Il y a, dit-il, une double unité dans l’Eglise ; l’une est liée par les sacrements qui nous sont communs ; en celle-là, les mauvais y entrent…, à leur damnation, t ne autre unité invisible et spirituelle joint les saints par la charité… À cette unité, seuls les justes participent. Sur lu gloire de Dieu <lans la conversion des pécheurs, t-r point, t. ii, p. 73.

Mais l’unité de l’Église repose sur l’unité de l’ordre épiscopal, dont le pape est le chef. Il s’ensuit que l’Église romaine est le centre de la chrétienté, qu’on ne peut s’en détacher sans schisme et qu’elle porte en elle la marque de l’institution primitive et de l’ordre du Christ. Sur l’unité de V Eglise, 1 effet 3e point, t. vi, p. 109-110, 147 ; cf. Ré fut. du catéchisme de Ferri, l re vérité, c. i ; 2e vérité, c. i, ni. L’unité de la chaire de Pierre doit paraître dans tout le corps épiscopal et grâce à cette chaire même. Jésus-Christ l’enseigne. en donnant, d’abord à Pierre seul, ensuite aux apôtres unis à Pierre, le pouvoir de lier et de délier. Ainsi Jésus-Christ unit d’abord en un seul ce qu’il voulait dans la suite mettre en plusieurs. Sur l’unité de V Église, 1 er point, loc. cil. On sait que nonobstant cette doctrine, jusqu’ici impeccable, Bossuet a laissé paraître son gallicanisme en plaçant l’Église catholique tout entière au-dessus du Saint-Siège. Id., ibid., t. vi, p. 113. Voir Ami du clergé, 1927, p. 724-727.

On consultera aussi de l’oratorien Thomassin, Traité dogmatique et historique des moyens dont on s’est servi dans tous les temps pour maintenir l’unité de l’Église, 3 vol., Paris, 1703. Les Démonstrations évangéliques de Migne contiennent des pages utiles : P. Peltisson-Fontanicr, converti du calvinisme, Réflexions sur les différends de la religion avec les preuves de la tradition ecclésiastique, t. iii, col. 827-856 ; 865-890 (ou la foi catholique entière, ou le scepticisme, ce qui est exagéré) ; Millier, Lettres.V 17/ et XIX à Jacques Drown, t. XVII, col. 701-71 1 ; Manzoni, Observations sur la morale catholique, c. i, l’unité de la foi, t. xiv, col. 557-562 ; card. Wiseman, Conférences, iii, § 3, t. XV, col. 766-770.

g) Mœhler. — Dans la première moitié du xixe siècle, la controverse a pris, en Allemagne principalement, un aspect nouveau avec Mœhler. Son livre L’unité dans l’Église ou le principe du catholicisme d’après l’esprit des Pères des trois premiers siècles (tr. fr., Paris, 1938) entend démontrer aux protestants l’unité de l’Église en partant du principe intérieur et de l’évolution, si souvent invoqués par eux, pour justifier leur conception d’une unité sans caractère doctrinal ou social trop apparent. Mœhler montre, d’après les témoignages des Pères, ce que fut la croissance organique de l’Église. Dès le début (comme aujourd’hui encore et toujours), la communication du Saint-Esprit est la condition du christianisme. C’est par l’Esprit-Saint que se réalise « l’unité mystique » des chrétiens, unité dans laquelle le Christ se communique à nous et nous-mêmes apprenons a connaître le Christ. Cet esprit d’unité se traduit dès le début par « l’unité de l’enseignement ». Mais cet enseignement doit être l’expression idéale du christianisme et, par conséquent, la parole écrite ne saurait être comprise sans l’Esprit qui l’a dictée. En interrogeant les origines, Mœhler observe que le christianisme s’est propagé par une parole vivante : tradition extérieure qui, en découvrant au fidèle la vraie doctrine, lui apprend à se réunir à la communauté des autres fidèles. D’où il apparaît qu’Écriture et’tradition tiennent ensemble et ne doivent pas être séparées. Cette unité de renseignement est néces saire à l’union au » vrai » Christ. Tous ceux qui ont revendiqué une fausse liberté d’investigation ont été obligés, pour justifier leur altitude, de rejeter ou de tronquer l’Écriture sainte ou tout au moins de l’en pliquer sans l’esprit de l’Église, (.’est la source de l’hérésie, dans laquelle s’enlise la » multitude s ; ms unité. Tout au contraire, l’Unité qui est à la source de la

vérité, n’empêche pas l’existence, dans l’Église, d’une

réelle multitude, où chacun garde son Individualité.

Si Mœhler met l’accent de préférence sur le mys

1ère d’une même vie animant les membres divers de l’organisme et semble laisser quelque peu dans l’ombre les éléments juridiques et institutionnels qui fonl de l’Église une société parfaite, extérieure et visible, il ne faudrait cependant pas croire qu’il ait fait une concession excessive au protestantisme, pour qui toute l’unité de l’Église se résume dans la vie intérieure de l’Esprit. La Symbolique met toutes choses au point sur ce sujet et la deuxième partie de l’Unité dans l’Église montre que la force du Saint-Esprit agissant dans la communauté n’est pas exclusive de l’institution positive du Christ et de la hiérarchie divinement instituée : Mœhler, en effet, y insiste sur » l’unité dans l’évêque », « l’unité dans le métropolite », « l’unité dans l’épiscopat tout entier » et même « l’unité dans la primauté ». Son éditeur français, le P. Chaillet, fait simplement remarquer que Mœhler, fidèle à sa méthode historique, a su « respecter les silences et les lenteurs de l’histoire, sans s’être soustrait aux exigences du dogme ». Introduction, p. xxxi. Cf. L’Église est une, hommage à Mœhler, Paris, 1939, principalement : Le principe mystique de l’unité, par le R. P. Chaillet, p. 194 sq. ; L’organisation visible de l’unité, par le prof. Lôsch, p. 221 sq. ; La liberté et la diversité dans l’unité, par le R. P. de Montcheuil, p. 234 sq.

h) Hettingér et Dechamps. — La relation essentielle entre l’élément intérieur et l’élément extérieur de l’Église dans l’unité organique qui la caractérise, est mieux précisée par Fr. Hettingér, Apologie du christianisme, tr. fr., t. iv, c. xvii, Le christianisme et l’Église, p. 484-563. Le christianisme « s’est présenté comme une vie nouvelle dans laquelle l’homme doit entrer tout entier, comme un corps constitué qu’anime l’esprit du Christ, comme un royaume fermé dans lequel exclusivement abondent la lumière et la vie, hors duquel on est sous l’empire du mensonge et de la mort. Dans ce royaume le Seigneur a lui-même établi les pasteurs et les docteurs pour la sanctification des fidèles et l’édification de son corps mystique, et à ces pasteurs et docteurs les fidèles doivent respect et obéissance ». P. 495.

On consultera aussi avec profit le card. Dechamps, Entreliens sur la démonstration catholique, 3e et 4e entretiens, Malines, 1861.

L’évolution de la pensée protestante vers une sorte d’œcuménisme chrétien a provoqué chez les controversistes catholiques une attitude nouvelle. On en parlera dans la conclusion générale.

3. Les traités De Eccksia. -- L’unité de l’Église trouve une place naturelle dans les traités ou manuels De Ecclesia. Ces traités sont extrêmement nombreux et, dans une thèse récente, Les notes de l’Église dans l’apologétique catholique depuis la Réforme, Gembloux, 1937, M. G. Thils eu a fait une énumération presque exhaustive. Renvoyant à cette bibliographie, on se contentera ici de quelques indications d’ordre général avec références aux traités les plus connus.

La méthode généralement employée dans le De Ecclesia consiste à montrer que l’unité est une propriété conférée par Jésus à son Église. Voir Église, t. iv, col. 2128 sq. Sans doute, les apologistes recourent assez généralement à l’argument de raison pour prouver que l’unité doit appartenir à une société parfaite telle que l’Église ; néanmoins le fondement principal de leur démonstration est qu’il faut considérer l’Église telle que Jésus a voulu qu’elle fût. C’est là d’ailleurs la position préconisée par les théologiens du concile du Vatican dans le schéma qu’ils ont préparé suri’Église, c. il- v, voir plus loin col. 2225sq. Or l’Église doit être, de par l’institution du Christ, une et unique. Sans doute, le concept de cette unité n’est pas toujours déterminé avec précision (et l’on verra plus loin que le magistère lui-même est demeuré dans cette imprécision) ; néanmoins il gravite autour

de trois ou quatre idées qu’il est facile de retrouver dans l’Évangile : unité de gouvernement, unité de foi, unité de communion, unité de culte. L’unité de foi et de gouvernement est soulignée par tous sans exception ; l’unité de culte est ramenée par beaucoup à l’unité de foi, puisque le culte en est l’expression ; quant à l’unité de communion, un certain nombre de théologiens la sous-entendent en parlant de l’unité de gouvernement ; d’autres au contraire en parlent expressément et lui font une place à part. En réalité ces aspects divers de l’unité se compénètrent et se commandent mutuellement.

Nos théologiens établissent ensuite la mineure de leur argument : « Or, l’Église romaine possède seule l’unité », ou bien, ce qui revient au même « les autres confessions chrétiennes ne possèdent pas l’unité ». On dira plus loin pourquoi cette attitude trop absolue nuit à la bonne apologétique. Nous constatons simplement ici que tel fut ordinairement le procédé des apologistes.

Aux xviie et xviiie siècles, l’argument de l’unité est dirigé surtout contre les protestants. Contre de tels adversaires, la formule absolue a plus de raison d’être. Ce n’est qu’à partir de la fin du xviiie siècle que l’apologétique catholique commence à s’occuper des Églises orientales.

Tournély († 1716) qui chevauche sur la fin du xviie et le commencement du xviiie siècle, a donné une solide démonstration de la véritable Église par la note de l’unité dans son De Ecclesia Cliristi, q. ii, a. 2, dans Preeleclioncs theologicæ, Paris, 1726, t. i. La question est posée uniquement contre les novateurs luthériens et calvinistes, et surtout à propos de l’unité de foi.

Le traité de Régnier († 1790) inséré dans le Cursus de Migne, t. v, développe davantage l’argument de l’unité. C’est encore aux protestants seuls qu’il s’attaque. La doctrine des articles fondamentaux y est vigoureusement réfutée et, comme Tournély, Régnier s’attache à résoudre les objections formulées contre la primauté romaine.

Les théologiens de Wurtzbourg font appel aux notes pour démontrer la vérité de l’Église catholique ; mais, très particulièrement pour la note de l’unité, ils constatent la difficulté de l’argument envisagé sous certains aspects moins clairs. Theol. dogm., Paris, 1880, t. i, n. 101.

Signalons aussi un bon traité, sans nom d’auteur, De Ecclesia, Rome, 1782. Au c. ii, q. iii, après avoir visé les protestants (concl. 1), l’auteur attaque les confessions orientales séparées (concl. 2) et, tandis que l’argument de l’unité de foi est surtout invoqué contre les premiers, c’est à l’unité de communion et de gouvernement qu’il fait appel contre les seconds. Voir aussi Gotti, Vera Ecclesia Christi, c. i, Venise, 1750, et les Controversiæ de Libère de.Jésus, Venise, 1757.

Au xix 6 siècle, les traités De Ecclesia, à peu près dans le même cadre et avec les mêmes hésitations, reprennent l’argument de l’unité. Voir Perrone, Prælectiones, t. i, Rome, 1833 ; Albert a Bulsano (Knoll), lnst. theol. generalis, 2e édit., Turin, 1863 ; Murray (avec plus d’érudition et de critique), De Ecclesia, Dublin, 1860 ; Passaglia, De Ecclesia, Rome, 1853 ; Schrader, De imilate romana (1862). Quoique bien superficiel, Martinet présente, pour son époque, un certain intérêt dans sa controverse avec les protestants et les Orientaux, Institutiones theol., Paris, 1859, t. ii, t. VII, c. 11-14.

Depuis le concile du Vatican les traités De Ecclesia, tout en suivant le même sillage, se sont cependant perfectionnés, et l’argument des notes s’est généralement complété par celui de la transcendance de l’Église, proposé explicitement par le concile. Voir Propagation du chhistianisme, t. XIII, col. 693. Après Brugère, qui fut un initiateur, De Ecclesia Christi, Paris, 1873, où l’argument de l’unité tient compte plus complètement de la position luthérienne, calviniste et anglicane, mais assez peu des Églises orthodoxes, il faut citer Franzelin, De Ecclesia, œuvre posthume, incomplète, où l’argument de l’unité n’est qu’indirectement envisagé aux thèses xii-xiii, xviii, et surtout xxii. Dans sa Summa apologetica de Ecclesia, Ratisbonne, 1892, q. v, a. 2 et q. vi, De Oroot s’est montré trop didactique et peu conscient des nuances nécessaires. Zigliara, dans Propœdeutiea ad sacram theologiam, Rome, 1885 (t. IV, c. vii, § 2), n’a fait que rappeler la doctrine de saint Thomas sans lui donner une portée apologétique. Nous ne faisons que signaler les prolégomènes du traité De Romano pontifice (% 22) de Palmieri, Rome, 1891, les traités De Eeelesia, de C. Mazzella, Rome, 1892, de Wilmers, Ratisbonne, 1897, et de De San, Louvain, 1906 ; de Dorsch, Theologia fundamentalis, t. ii, Insbruck, 1911 ; d’Ottiger, même titre, t. ii, Fribourg-en-B., 1911 ; de Schultes, De Eeelesia cutliolica prælectiones apologeticir, Paris, 1926 ; de Rainvel, De Eeelesia, Paris, 192.">.

Une mention plus particulière doit être accordée aux traités De Eeelesia de Chr. Pesch, Fribourg-en-B., et de Van Noort, Hilversum, 1932. Le cardinal Billot, dans son De Eeelesia, a su donner un relief plus saisissant à l’unité de communion, tandis que d’autre part il insiste sur l’unité per se exstans (c’est-à-dire indépendamment du gouvernement civil) dans l’ordre du gouvernement : deux excellentes positions pour discuter avec les Orientaux. Le De Eeelesia du P. Hermann Dieckmann, Fribourg-en-B., 1925-1926, se recommande par sa disposition toute spéciale : l’argument de l’unité, sous sa forme classique, ne vient pour ainsi dire qu’en manière de confirmation : c’est plutôt l’unité dans le temps, l’unité apostolique, si l’on peut dire, que l’auteur déroule tout au long de son ouvrage, où il montre le « royaume de Dieu » se développant sur terre d’après le plan voulu par le divin fondateur. Forme toute nouvelle de l’argument et qui répond mieux aux préoccupations présentes.

A ces traités didactiques, il convient d’ajouter d’autres a’uvres qui convergent vers le même but. Déjà en 1911, le P. de Poulpiquet avait publié Le dogme, prineipe d’unité tlitns la vie de V Église et de vie religieuse individuelle (extrait de la Revue du clergé français) ; mais en 1923, son ouvrage posthume, L’Église catholique, semble déjà préluder aux conclusions qu’on lira plus loin sous le nom du P. Congar ; il y étudie, en effet, le double aspect de l’Église, l’aspect divin, spirituel, l’aspect humain, qui est la matière sur laquelle doit s’exercer l’Esprit. On y notera aussi une étude sur la valeur comparative des notes de l’Église. Voir également l’ouvrage très récent de.1. Leclercq, La vie du Christ dans son Église, Paris, 1944. Dans le sens du P. Dieckmann, P. Buysse, L’Église de Jésus, Paris, 1925, étudie l’unité de l’Église dans le temps, sa stabilité, sa conformité aux origines apostoliques.

Les partisans de l’apologétique moehlérienne trouveront un bon appoint dans L’Église du Christ, du P. Lippert (tr. fr. Jolivet), Paris-Lyon, 1933, où l’auteur fait appel fréquemment à l’expérience religieuse pour établir la vérité de l’Église catholique.

Enfin, l’unité du corps mystique nous invite à rappeler, outre l’encyclique de S. S. le pape Pie XII, Mystici eorporis, les ouvrages les plus importants sur ce sujet : P. 1 Ici is /L’union du sacerdoce et du gouvernement) dans L’Église du Christ, .luvisꝟ. 1931 ;.). Anger, La doctrine du corps mystique de Jésus-christ, thèse de la faculté d’Angers, 1910, Paris, 1929 ; E. Mersch, Le corps mystique du Christ, Paris, 1933 (2° édil. 1936) ; C. Feckes, Vas Mgsterinm (1er heiligen Kirche, Paderborn, 1934 ; E. Mura, Le corps mystique du Christ, Paris, 193.") ; M.-.). Congar, Esquisses du mystère de l’Église, Paris, 1941, p. 93-115.