Dictionnaire de théologie catholique/TYPE DE CONSTANT II

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 208-209).

TYPE DE CONSTANT II. — Nom d’un texte législatif émané de cet empereur et qui marque un point important dans l’histoire du monothélisme. Voir l’art, t. x, col. 2320.

Après les différentes tentatives faites de concert par le patriarche œcuménique Sergius et l’empereur Héraclius pour faire prévaloir la doctrine monénergiste, capable, pensait-on, de faire l’union des chalcédoniens et des monophysites modérés, on s’était arrêté à Constantinople à la formule plus simple et, en apparence, plus acceptable du monothélisme. Le patriarche Sergius la soumit au pape Honorius et transforma en une approbation explicite de la formule de « l’unique volonté » les expressions plus ou moins amphibologiques du pape. Sur quoi, toujours à l’instigation du même Sergius, le basileus transposa en une exposition officielle de foi, ÊxÔeoiç ntaTetùç , les affirmations plus ou moins aventureuses échappées à l’impéritic d’Honorius. Celui-ci avait écarté sommairement la question des « énergies » du Christ et déclaré confesser

« une seule volonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ ».

C’est une doctrine complète que développe, à partir de ces textes, l’Ecthèse d’Héraclius, publiée entre septembre et décembre 638. Après avoir exposé, d’après le concile de Chalcédoine, le dogme de l’incarnation, ce document interdit comme blâmables les deux expressions une ou deux énergies et affirme dans le Christ une seule volonté, sans aucune confusion des deux natures, qui conservent chacune leurs attributs propres, dans l’unique personne du Verbe fait chair. Texte conservé dans les actes du concile du Latran de 649, Mansi, Concil., t. x, col. 991-998.

Loin de faire l’union, l’Ecthèse ne fit qu’accentuer les divisions. Les papes, successeurs d’Honorius, Séverin et Jean IV refusèrent de la recevoir et protestèrent contre l’abus que l’on avait fait des expressions échappées à leur prédécesseur. Jean IV, en particulier, demanda à Constantin III, l’éphémère successeur d’Héraclius (mars-mai 641), de faire enlever le texte de l’Ecthèse des endroits où il avait été affiché. On lui promit une satisfaction qui d’ailleurs ne vint pas, car la mort prématurée de Constantin III amena des complications politiques dont profita le monothélisme. Le patriarche Pyrrhus, soutien du monothélisme officiel, avait été disgracié par Constantin III ; il fut rétabli dans ses fonctions par Martine, veuve d’Héraclius, qui gouverna pendant quelques semaines au nom de son fils Héracléonas. Il est vrai que le triomphe de Martine et de Pyrrhus fut de courte durée. À l’automne c’était le fils de Constantin III, Constant II qui était couronné basileus ; Martine était exilée avec Héracléonas et le patriarche Pyrrhus donnait sa démission.

A son avènement, Constant II n’était qu’un enfant de onze ans et le pouvoir fut d’abord exercé par le patriarche Paul que l’on avait substitué à Pyrrhus. Paul était d’ailleurs aussi favorable au monothélisme que son prédécesseur ; dans sa lettre au pape Théodore, consacré le 24 novembre 642, il se déclarait solidaire de Pyrrhus dont il attribuait la chute à des causes exclusivement politiques. Le nouveau pape répondit en demandant qu’une procédure régulière fût engagée contre Pyrrhus ; pour ce qui était de l’Ecthèse, Théodore la déclarait de nulle valeur et même l’anathématisait. Jaffé, Regesta pontif., n. 2049, 2050. Peu après, Pyrrhus passait en Afrique byzantine, où l’abbé Maxime le provoquait à une conférence publique où seraient exposées contradictoircment les preuves pour et contre le monothélisme quillet 645). L’ex-patriarche dut s’avouer vaincu ; d’Afrique il passa à Rome où il abjura, entre les mains de Théodore, l’hérésie monothélite et fut reçu à la communion de l’Église romaine avec les honneurs dus à sa dignité. Cette abjuration eut un gros retentissement, en particulier en Italie et en Afrique. En cette région de nombreux conciles furent tenus, qui condamnèrent le monothélisme comme une hérésie. Des lettres furent adressées au patriarche Paul, l’exhortant à revenir à la foi orthodoxe ; d’autres au pape le priant d’user de son autorité pour obtenir de Paul, par force ou par amour, une nette désapprobation de l’hérésie. Fort de cet appui, Théodore Ier, après une sommation demeurée sans effet, excommunia le patriarche.

Le Sacré-Palais s’alarma de cette agitation, qui, d’ailleurs, ne restait pas sur le terrain purement religieux. En 646 l’exarque d’Afrique se faisait proclamer basileus ; cette équipée fut, au reste, bientôt arrêtée par les premières invasions des Arabes, qui, maîtres de l’Egypte, commençaient à progresser dans la direction du Maghreb. Toutes ces circonstances expliquent comment, dans les ronseils impériaux, on en vint à l’idée d’abandonner le monothélisme officiel de l’Ecthèse. Du moins ne voulut-on pas se reconnaître vaincu ; il s’agissait de sauver la face en évitant de désavouer la doctrine christologique dont on avait voulu faire un moyen de conciliation et qui s’a> génératrice de divisions encore plus acerbes. Il fallait avant tout prévenir le danger d’une rupture avec le Siège apostolique ; l’on crut, bien à tort, y réussir en interdisant dorénavant toute discussion sur le sujet en litige. Tel fut l’objet de la « loi sur la foi », to7îoç Ttept nia-teuc, qui fut promulguée en 648 et qui s’appellera dans l’histoire le « Type » tout court.

Ce n’est point comme l’Ecthèse une exposition de foi, mais l’expression de la volonté impériale au sujet des discussions relatives aux opérations et aux volontés dans le Christ. Après avoir établi son droit de regard dans les matières religieuses et constaté les divergences qui se manifestaient, le basileus interdisait à tous les chrétiens « de disputer d’une façon quelconque au sujet d’une volonté ou d’une opération, de deux opérations ou de deux volontés ». Pour enlever tout prétexte à des discussions interminables, il ordonnait d’ôter des portes de Sainte-Sophie, le texte de l’Ecthèse qui y avait été affiché. Des pénalités diverses étaient prévues à l’endroit des contrevenants : déposition pour les évêques et les clercs, excommunication pour les moines, confiscation des biens pour les sénateurs, dégradation pour les soldats, châtiments corporels et exil pour les gens du commun. Texte dans les actes du concile du Latran de 649, Mansi, Concil., t. x, col. 1029-1032. De toute évidence le Type marquait un recul par rapport à l’Ecthèse ; de celle-ci les papes avaient demandé la suppression ; cette suppression était accordée et l’acte d’Héraclius disparaissait des portes de Sainte-Sophie. Mais le Type maintenait d’autre part le droit de l’empereur de juger seul et en dernier ressort d’une question religieuse. Enfin et surtout il paraissait mettre sur le même pied deux doctrines dont l’une était considérée par le Siège apostolique et l’ensemble de l’Église comme une hérésie, dont l’autre était regardée comme l’expression de la vérité.

Tout ceci explique comment le Siège apostolique, au lieu de voir dans le Type une démarche du basileus en vue de l’apaisement, mit sensiblement cet édit sur le même pied que l’Ecthèse. On ne saurait dire si le pape Théodore I er en eut connaissance. Mais, dès le début de son pontificat, Martin I er, qui remplaça Théodore, prit nettement position à l’endroit du Type. Voir son article. Le concile important réuni par lui au Latran dès 649, condamna en termes énergiques non seulement l’Ecthèse très impie, mais le Type scélérat, Typus scelerosus. On sait de quelle conséquence fut pour Martin I er cette attitude intransigeante. Sans doute, lors du procès qui lui fut fait à Constantinople à l’automne de 654, on évita soigneusement de mettre en cause l’action du pape contre l’édit impérial ; les griefs qui lui furent faits étaient exclusivement d’ordre politique et, s’il fut condamné, ce fut à cause de son soi-disant manque de loyalisme, lors de la révolte d’Olympius. Mais nul ne fut dupe de cette accusation Le « martyre » du pape Martin I er fut, dès l’abord, mis en rapport avec la condamnation du Type. A Rome toutefois les deux successeurs de Martin évitèrent de prendre à l’endroit de l’édit impérial une attitude trop accusée ; Eugène I er (655-657) aurait même eu la pensée de trouver dans la question des deux volontés une formule de conciliation. Extrêmement susceptible, l’opinion romaine lui fit comprendre qu’elle n’admettrait point de capitulation. Eugène reprit donc une plus fière attitude à l’endroit de Constantinople ; la cour préparait une action contre lui quand il mourut (2 juin 657). On finit d’ailleurs par comprendre sur les rives du Bosphore que nul ne profitait de cette lutte interminable. Le successeur d’Eugène, Vitalien (657-672) ayant fait montre de dispositions iréniques à l’endroit du patriarche et s’étant abstenu de condamner le Type, Constant II répondit par des démarches courtoises à son endroit. Quand, en 663, le basileus, qui songeait à transporter en Orient le siège de l’empire, se présenta à Rome, il y fut reçu par le pape comme un souverain orthodoxe. Jamais, pourtant, du vivant de Constant II, le Type ne fut retiré. C’est au fi ! s et successeur de celui-ci, Constantin IV Pogonat, que reviendrait l’honneur de mettre définitivement un terme à la politique monothélite ou monothélisante du Sacré Palais. Les négociations commencées par Pogonat avec le pape Donus (août 678) et continuées avec le pape Agathon supposaient implicitement l’abandon du Type. Le concile de 680 allait discuter en toute liberté de la doctrine des deux volontés et des deux énergies et la faire prévaloir contre l’étrange compromis que représentaient le monénergisme et le monothélisme. Bien que l’on ait évité, au VI » concile de mettre en cause les actes du pouvoir civil qui avaient favorisé la naissance et le maintien de la nouvelle hérésie, il n’en reste pas moins que l’intime union rétablie entre l’Église et l’État amenait l’abandon de formulaires qu’avait imposés l’intrusion violente de l’État dans un domaine strictement religieux.

Se reporter à l’art. Monothélisme et à la bibliographie qui y est donnée ; ajouter L. Brénier dans Fliche-Martin, Histoire de l’Église, t. v, p. 150-185, qui débrouille bien les circonstances politiques.

É. Amann.