Dictionnaire de théologie catholique/TRINITÉ, LA THÉOLOGIE LATINE. V. Appendice : le culte de la Trinité

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 147-150).

V. Appendice : le culte de la Trinité.

Le culte de la Trinité s’impose aux fidèles à un double titre. Tout d’abord, en raison de la majesté divine qui commande, de la part de l’homme, l’adoration et la reconnaissance ; ensuite, à cause même de l’importance du mystère trinitaire pour la vie chrétienne.

Le culte de latrie est dû à la divinité comme telle. Les personnes divines, la Trinité n’ayant qu’une même divinité, c’est donc d’un culte de latrie que chaque personne ou les trois personnes dans l’unité divine doivent être adorées. Voir Culte, t. m col. 2407, 2414. Toutefois cet aspect général de la question soulève certains problèmes particuliers que l’Église a résolus au cours des siècles.

L’importance du mystère pour la vie chrétienne réside essentiellement dans la nature de notre fin dernière. Cette fin consiste dans la vision de Dieu face à face, c’est-à-dire connu dans le mystère de sa trinité. Voir Conc. de Florence, décret Pro Grmcis, Denz.-Bannw., n. 693 et plus haut, col. 1763 ; et ici Intuitive (Vision), t. vii, col. 2368. Il est indispensable de connaître le but vers lequel nous nous dirigeons, afin de nous disposer par avance au bonheur qui nous est réservé. Le mystère de la Trinité doit donc en réalité diriger nos aspirations et nos désirs. C’est la raison invoquée par Pierre Lombard pour placer l’étude de la Trinité au début de ses Sentences. Voir col. 1719.

Précisions apportées à ces notions générales. —

1. Par rapport au culte dû à Dieu.

On a expliqué à Culte, t. iii, col. 1314, la difficulté théologique que pouvait soulever le mystère de la Trinité relativement au culte dû à Dieu. Le culte est dû à la personne. Si, au point de vue naturel, Dieu nous apparaît personnel, on peut se demander comment, après la révélation du mystère trinitaire, l’adoration peut encore s’adresser à Dieu comme tel, uniquement considéré dans sa nature et abstraction faite des personnes. La réponse a été que nous faisons abstraction, non de la personnalité divine, mais de la distinction des personnes. Ce qui ne nous empêche pas, d’ailleurs, de diriger notre adoration, soit vers la Trinité tout entière comme un tout personnel, soit vers chacune des personnes de la Trinité : la nature divine, dit Léon XIII, « étant la même pour chaque personne, on doit également à chacune, comme à un seul et vrai Dieu, la gloire éternelle due à la majesté divine ». Encycl. Dioinum illud munus, 9 mai 1897, éd. de la Bonne Presse, t. v, p. 145.

Historiquement, la difficulté n’a pas été directement soulevée pour le Fils. Dès lors que la consubstantialité du Fils fut définie au concile de Nicée, son droit à un culte d’adoration fut expressément reconnu. Mais c’est à l’occasion de l’adoration due au Saint-Esprit que la doctrine de l’Église a dû s’affirmer progressivement. Ce progrès a été indiqué à Culte, col. 2414-2415. Voir : 1. L’anathématisme de saint Damase, en 380, n. 22, Denz.-Bannw., n. 80. 2. Le symbole dit de Nicée-Constantinople, rappelant que l’Esprit-Saint est coadoré et conglorifié avec le Père et le Fils, ibid., n. 86. 3. Le IIe concile de Constantinople (553), can. 1, ibid., n. 213. Et la conclusion est que la même adoration est due aux trois personnes, soit prises conjointement, dans l’unité de leur nature, soit prises individuellement, mais non exclusivement. « Le danger, dit encore Léon XIII, dans la foi ou dans le culte, est de confondre entre elles les personnes divines ou de diviser leur nature unique ; car la foi catholique vénère un seul Dieu dans la Trinité et la Trinité dans l’unité. » Id., ibid.

Aussi, pour éviter de diviser la nature, l’Église s’est toujours refusée, dans son culte extérieur, à les séparer, t Innocent XII, continue Léon XIII, refusa absolument, malgré de vives instances, d’autoriser une fête spéciale en l’honneur du Père. Que si l’on fête en particulier les mystères du Verbe incarné, il n’existe aucune fête honorant uniquement la nature divine du Verbe, et les solennités de la Pentecôte elles-mêmes ont été établies dès les premiers temps, non en vue d’honorer exclusivement le Saint-Esprit pour lui-même, mais pour rappeler sa descente, c’est-à-dire sa mission extérieure. Tout cela a été sagement décidé, afin que la distinction des personnes n’entraînât pas une distinction dans l’essence divine. » Id., ibid.

Léon XIII marque par quelques exemples le souci qu’a toujours eu l’Église, dans le culte rendu aux personnes de la Trinité, d’affirmer l’unité de la nature divine dans la distinction des personnes. D’abord, l’institution d’une fête spéciale de la Trinité, rendue obligatoire dans l’Église universelle par le pape Jean XXII ; ensuite, la dédicace à la Sainte Trinité de tant d’églises et d’autels ; enfin, l’approbation d’un ordre religieux fondé, sous le vocable de la Trinité, pour la délivrance des captifs. Le pape remarque aussi que, dans les prières adressées à l’une des trois personnes, on fait ordinairement mention des autres : « Dans les litanies, une invocation commune accompagne l’invocation adressée séparément à chacune des trois personnes. Dans les psaumes et les hymnes, la même louange est adressée au Père et au Fils et au Saint-Esprit ; les bénédictions, les cérémonies rituelles, les sacrements sont accompagnés ou suivis d’une prière à la Sainte Trinité. Et Léon XIII confirme sa doctrine par l’enseignement de saint Paul, Rom., xi, 36, commenté par saint Augustin, De Trinitate, t. I, c. vi, n. 10, P. L., t. xlii, col. 826.

Aucune fête spéciale n’honore donc une personne divine prise à part et considérée dans sa seule nature divine. Les fêtes en l’honneur de la deuxième et de la troisième personne ont pour objet non uniquement leur nature divine, mais leur manifestation personnelle dans une mission visible sur terre. Mais la mission impliquant nécessairement la relation d’origine qui unit les personnes dans la Trinité, voir plus loin, col. 1832 sq., l’adoration s’adressant à une personne en raison de la mission accomplie par elle parmi les hommes implique l’unité de la nature dans la trinité des personnes. En adorant le Verbe incarné, dans sa conception, dans sa naissance, dans sa passion, dans sa résurrection, dans la gloire de son ascension, dans sa royauté ou son sacerdoce, dans son amour divin et humain symbolisé par son cœur sacré, nous ne le séparons pas en réalité du Père qui l’a envoyé et dont il procède, ni du Saint-Esprit auquel, par appropriation, est attribuée l’œuvre de l’incarnation du Verbe et de la sanctification des hommes. En adorant le Saint-Esprit, dans sa mission visible de la Pentecôte, nous adorons également le Père et le Fils dont il procède et qui sont à l’origine même de sa mission.

Autre justification de l’hommage rendu à une personne particulière : la loi des appropriations. Non, dit encore lr pape, que toutes les perfections et toutes les œuvres extérieures ne soient communes aux personnes divines ; …mais parce que, en vertu d’une certaine comparaison et, pour ainsi dire, d’une affinité entre les enivres et les propriétés des personnes, telle oeuvre est attribuée ou, comme on dit, appropriée, à Mie personne plutôt qu’à telle autre… : il s’en suit que le Père, principe de toute la divinité, cf. S. Thomas, I*, q. xxxix, a. 7, est en même temps la cause créatrice de l’universalité des êtres, de l’incarnation du Verbe et de la sanctification des âmes : de lui sont toutes choses ; l’Apôtre dit de lui (Rom., xi, 36) à cause du Père. Le Fils, Verbe, image de Dieu, est en même temps la cause exemplaire que reflètent toutes choses dans leur forme et leur beauté… ; il est pour nous la voie, la vérité, la vie, le réconciliateur de l’homme avec Dieu : par lui sont toutes choses. L’Apôtre dit par lui à cause du Fils. Le Saint-Esprit est la cause finale de tous les êtres… ; bonté divine et amour mutuel du Père et du Fils, il complète et achève par une impulsion forte et douce les opérations secrètes qui ont pour résultat final le salut éternel de l’homme : en lui sont toutes choses ; l’Apôtre dit en lui à cause du Saint-Esprit. » Id.. ibid., p. 145. C’est sur cette appropriation au Saint-Esprit de la sanctification des hommes par l’incarnation, et de la conception virginale qui en est le principe ; de la fondation de l’Église et de l’effusion des grâces dont la manifestation de la Pentecôte fut le premier symbole ; de l’assistance accordée à cette Église jusqu’à la consommation des siècles, soit dans l’enseignement de la vraie foi, soit dans le gouvernement des âmes, de la communication des grâces par les sacrements et tout particulièrement le baptême et la confirmation ; enfin, de l’inhabitation de la divinité dans l’âme juste ; c’est sur tous ces motifs que Léon XIII fonde le culte spécial rendu au Saint-Esprit qui, si le Christ est le chef et la tête de l’Église, peut véritablement en être appelé le cœur ; car « le cœur a une certaine influence cachée et c’est pour cela que l’on compare au cœur le Saint-Esprit qui vivifie et unit l’Église d’une façon invisible ». Lettre Provida malris, 5 mai 1895, éd. cit., t. iv, p. 209. Cf. S. Thomas, III », q. viii, a. 4, ad 2 uæ.

Mais, même dans les actes de culte ainsi appropriés à l’une ou l’autre personne, nous ne les séparons pas dans notre adoration : les liturgistes font en effet remarquer que la forme classique des oraisons est toujours une prière au Père, par Jésus-Christ Notre-Seigneur, vivant avec lui dans l’unité du Saint-Esprit.

2. Par rapport à la vie chrétienne. —

a) La forme trinitaire du baptême. —

L’importance du mystère de la Trinité pour la vie chrétienne apparaît dès l’initiation de l’homme à cette vie. Le baptême, qui est l’acte essentiel de cette initiation, ne peut être validement conféré sans la forme trinitaire, indiquée à Matth., xxviii, 19. Voir, sur les discussions relatives à ce tte forme, t. ii, col. 182-185, cꝟ. 228. Et cette forme est tellement essentielle au baptême qu’à partir du v c siècle, après toutes les controverses concernant le baptême conféré par les hérétiques, elle devient la pierre de touche de la validité du baptême. Voir col. 232. On connaît la prière touchante de l’Église au moment des funérailles d’un chrétien : elle prie Dieu d’éviter à l’âme du défunt un jugement de vengeance, et la raison qu’elle en donne à Dieu est que le défunt, dum viveret, insignitus est signaculo sanctse Trinitatis. Rituel romain, tit. vi, c. iii, n. 7, prière Non intres de l’absoute.

b) La nécessité de la foi en la Trinité pour être sauvé.

Saint Thomas propose cette vérité en ces termes :

On ne peut croire explicitement à l’incarnation du Christ (foi qu’il estime nécessaire au salut) s ; uis croire à la Trinité, paiVe que le mystère de l’incarnation implique que le Fils de Dieu a pris ehair, qu’il a régénère le monde par la tîrflce du Saint-Esprit et qu’il a été conçu lui-même par l’opération < 1 1 1 S : iint-F.si>rit. Aussi la foi en la Trinilé. avanl la venue de.lésus-Christ a-t-elle été comme la foi en l’incarnation, explicite chez le* hommes plus éclairés et Implicite et enveloppée de certaines ombres chez ceux rpii l’étaient moins. C’est pour cette raison aussi qui-, sous la loi de graco, tous les hommes sont tenus de croire explicilein ni au mystère de la Trinité et que nul ne peut renaître en Jésus-Christ dans le baptême autrement que par l’invocation des trois personnes divines. II*-II", q. II, a. 8.

Certains auteurs semblent avoir exagéré la portée de cette doctrine en exigeant d’une manière absolue, pour tout homme vivant après la venue du Christ en ce monde, la foi explicite en la Trinité. Voir ces auteurs cités par Coninck, De act. supernat., disp. XIV, n. 134 ; dont on peut rapprocher R. Martin, De necessitate credendi et credendorum, dont on trouvera l’analyse dans Chr. Pesch, De fide, n. 458. La thèse de cet auteur est que, même sous la Loi ancienne, la foi aux mystères de l’incarnation et de la Trinité fut nécessaire de nécessité de moyen. Il corrige cependant cette affirmation absolue par un aliqualiter, lequel ne concerne d’ailleurs que les hommes moins éclairés de l’Ancien Testament.

Ce qui semble plus exact et plus conforme au gouvernement sage et miséricordieux de la Providence, c’est, comme l’insinue saint Thomas, que, sous la Loi nouvelle, la foi au mystère de la Trinité est nécessaire de la même nécessité que le baptême d’eau. Donc : nécessité de moyen relative, la foi explicite pouvant, en cas d’impossibilité absolue, être remplacée par une foi in voto, contenue dans la foi explicite aux deux articles requis conformément à Hebr., xi, 6. Cf. Denz.-Bannw. , n. 1172. C’est là l’opinion moyenne de Suarez, De fide, disp. XII, sect. iv, n. 18, 19 ; de De Lugo, id., disp. XII, n. 106, 107 ; des Salmanticenses, id., disp. VI, dub. I, n. 82 ; opinion que saint Thomas lui-même avait indiquée en quelques mots, loc. cit., a. 6, ad l am, et qu’on trouve chez les meilleurs auteurs récents de théologie soit dogmatique, soit morale. Cf. Billot, De virtutibus infusis, Rome, 1905, p. 331 ; Vermeersch, Theologia moralis, t. ii, n. 10 ; Lehmkuhl, id., t. i, n. 277 ; Ballerini, Opus morale, t. ii, n. 20 ; Chr. Pesch, De fide, prop. xxx, n. 448 sq., etc. Voir également Reg.-M. Schultes, Fides implicita, Geschichte der Lehre von der fides implicita und explicita in der kalholischen Théologie, 1. 1, Ratisbonne, 1920, p. 86 sq.

Que la foi explicite au mystère de la Sainte Trinité soit de nécessité tout au moins de précepte, et cela principalement en vue de la justification et de la préparation aux sacrements, cela résulte : implicitement de la déclaration du concile de Trente touchant le fondement de la justification, lequel est « un mouvement de foi », sess. vi, c. vi, viii, Denz.-Bannw., n. 798, 801 ; or, le mystère de la Sainte Trinité est le fondement de toutes les vérités à croire ; explicitement, de la réprobation par Innocent XI des propositions laxistes, n. 64 et 65, Denz.-Bannw., n. 1214, 1215. De cette réprobation, en effet, il résulte qu’un homme ne saurait être absous s’il ignore le mystère de la Trinité et celui de l’incarnation, et qu’il ne suffit pas d’y avoir cru une fois dans la vie. L’Église demande donc une connaissance et une foi explicites au moment de la réception du sacrement.

Que la foi explicite au mystère de la Sainte Trinité soit de nécessité de moyen relative, cela semble résulter de la réponse suivante du Saint-Office (25 janvier 1703, renouvelée le 30 mai 1898).

Utrum, ante quam adulto conferatur baptismus, minister ei teneatur explicare omnia fldei nostræ mysteria, presertim si est moribundus, quia hoc perturbaret mentem illius. An non sufflceret, si moribundus promitterot fore, ut, ubie morbo convalesceret, instruendum se effet ? promettre au moribond de

On demande si, avant de conférer le baptême à un adulte, le ministre est tenu de lui expliquer tous les mystères de notre foi, surtout dans le cas où cet adulte serait à l’article de la mort et qu’on craindrait de lui apporter ainsi du trouble. Ne serait-il pas suffisant de faire s’instruire s’il vient à se relever de sa maladie ?

Resp. : Non sufflcere promissionem, sed missionarium tene.ri adulto, etiam moribundo, qui incapax omnino non sit, explicare mysteria fldei, quæ sunt neces- « aria necessitate medii, ut sunt præcipue mysteria Trinilatis et incarnationis. (Acta S. Sedis, t. xxx, p. 700, nota).

Cette promesse ne saurait suffire. Le missionnaire est tenu d’expliquer à l’adulte, même moribond, qui n’est pas absolument incapable de l’entendre, les mystères de la foi qui sont nécessaires de nécessité de moyen, tels principalement les mystères de la Trinité et de l’incarnation.

Ainsi, selon la pensée du Saint-Office, la foi explicite, lorsqu’elle est possible, est requise de l’adulte avant de recevoir le baptême, parce que cette foi est, comme la foi en l’incarnation et en d’autres vérités moins importantes que la réponse n’indique pas explicitement, nécessaire de nécessité de moyen pour le salut.

Ces indications générales suffisent à montrer l’importance pratique de la foi en la Trinité. Toute la vie chrétienne en doit être imprégnée ; c’est là le sens des nombreuses pratiques recommandées par l’Église, signe de la croix, invocations et prières auxquelles fait allusion Léon XIII dans sa lettre Divinum illud munus. Il s’agit, en effet, de développer en nous l’image de la Trinité ; cf. S. Augustin, De Trinitate, t. IX, c. i, P. L., t. xlii, col. 959-961, en attendant l’épanouissement radieux de cette image dans la gloire de la vision béatiflque.

La fête liturgique de la Sainte Trinité. —

Léon XIII déclare, on l’a vii, que « pour maintenir ses enfants dans l’intégrité de la foi, l’Église a institué une fête de la Sainte Trinité ». C’a été, en effet, le résultat heureux de cette institution, finalement sanctionnée par Jean XXII.

Primitivement, on ne sentait pas le besoin d’une telle fête. Le culte catholique tout entier n’est-il pas un hommage à la Trinité ? « La messe, sacrifice du Fils incarné, est offerte à Dieu, donc aux trois personnes divines ; on la commence par In nomine Patris, etc. ; on la continue par le Gloria in excelsis Deo, le Sanctus ; le Gloria Patri…, hommage à la Trinité, y est souvent répété ; le canon de la messe s’achève par une admirable doxologie : est tibi Deo Patri, etc. » On pourrait ajouter la belle prière à la Trinité qui suit l’offertoire. « À l’office, après Deus in adjutorium, on chante Gloria Patri qui termine chaque psaume ; on le trouve aux versets, aux répons ; les hymnes ont pour dernière strophe une doxologie à la Trinité ; le Te Deum, hommage à la Trinité, achève les matines commencées ainsi que prime par la récitation du Credo : Je crois en Dieu un et trine ; les bénédictions qui précèdent les leçons du i effet du n » nocturne sont à la louange de la Trinité. Les sacrements, les exorcismes, les bénédictions sont accomplis en son nom… Tout le culte est donc ordonné à la gloire du Père, du Fils et du Saint-Esprit ; chaque jour est la fête de la Trinité tout entière, à plus forte raison chaque dimanche. » L.-A. Molien, La prière de l’Église, t. ii, Paris, 1924, p. 541.

On lira dans Molien, op. cit., p. 542-545, l’origine de la fête de la Trir.ité. La messe de la Trinité, vraisemblablement composée par Alcuin, était primitivement une messe votive, pour les dimanches où il n’y avait pas d’office propre. Quand la messe d’ordination du samedi après la Pentecôte n’eut plus lieu au cours de la nuit du samedi au dimanche, mais fut reportée à l’après-midi du samedi et même au samedi matin, tout naturellement on combla le vide par la messe de la Trinité. Certaines Églises, et notamment celle de Liège, l’une des premières sinon la première, considérèrent dès lors le dimanche octa%’e de la Pentecôte comme le siège d’une fête en l’honneur de la Sainte Trinité. Cf. dom Lambert Beauduin, L’origine de la fête de la Sainte Trinité, dans Les Questions liturgiques et paroissiales de Louvain, t. ii, 1911-1912, p. 380-383 ; cf. dom Joseph Kreps, t. viii, 1923, p. 139-140. Au XIIe siècle, Rupert de Deutz parle de la messe en l’honneur de la Trinité comme d’une messe partout connue et d’institution carolingienne. L’usage s’en établit peu à peu en Gaule, en Germanie, dans les Pays-Bas et en Angleterre. Des synodes diocésains émettent le vœu qu’on célèbre partout la fête. Cîteaux l’adopte en 1271 ; Cluny l’avait déjà adoptée auparavant. Mais l’Église romaine se refusait à sanctionner l’usage. Alexandre III († 1181) le rejette expressément. Lettre à l’évêque de Terdon, P. L., t. cc, col. 1349. Sicard de Crémone († 1215) dit bien dans le Mitrale, P. L., t. ccxiii, col. 385-387, que Grégoire VII aurait approuvé une fête de la Sainte Trinité le dernier dimanche de l’année ecclésiastique ; mais on n’a pas retrouvé cet acte. Voir dom Beauduin, art. cit., p. 382. Personnellement, Sicard rejette l’usage comme contraire à la pratique romaine, col. 386. Malgré cela, la fête continua d’être célébrée un peu partout dans les pays où elle avait pris naissance et Jean XXII, condescendant à l’usage de son pays d’origine, la France, retendit en 1334 à l’Église universelle en la fixant à sa date habituelle du dimanche octave de la Pentecôte. L’acte pontifical d’institution est introuvable dans le Bullaire et dans Mansi ; mais tous les auteurs sont d’accord sur ce point. Cf. dom Beauduin, ibid., p. 382. Et la fête est bien à sa place : « Après avoir célébré l’avènement du Saint-Esprit, nous chantons le dimanche suivant la gloire de la Sainte Trinité, car aussitôt après la descente de ce divin Esprit commencèrent la prédication et la croyance et, dans le baptême, la foi et la confession au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. » Rupert de Deutz, De divinis officiis, I. XI, c. i, P. L., t. clxx, col. 293 B.

Cette étude, étant elle-même d’un caractère général, doit par les indications qu’elle renferme, se servir de bibliographie. Il sera néanmoins utile d’indiquer quelques travaux susceptibles de fournir au lecteur d’utiles orientations.

En ce qui concerne les scolastiques, la marche des Idées et la suite des auteurs est, dans l’ensemble, bien indiquée dans le manuel de Patrologie du P. Cayré, t. ii ; et l’on trouvera de précieux renseignements dans Grabmann, Die Geschichte der schalastischen Methode. On se référera également aux Études du P. Th. de Régnon, maintes fois signalées au cours de l’article, au De Trinitate de Petau, la doctrine patristique y étant souvent rapprochée de la systématisation scolastique. L’ouvrage monumental de dom Ceillier renferme d’Intéressantes vues générales et particulières, Histoire générale des auteurs sacrés et ecclésiastiques, éd. Vives, t. xiv (i et ii). Enfin, sur l’ensemble des écoles du Moyen Age, il est indispensable de consulter M. Sehmaus, Der « Liber propugnatorius » des Thomas Anglicens und die Lehrunterschiede zwischen Thomas von Aquin und Duns Scotus"", Munster, 1930, et, sur un objet plus restreint, A. Stohr, Die llauplrlchtungen der speculatiuen Trinitätsiehre im XIII. Jahrhundert, dans Theol. QuartaUehrift, 1925, p. 113 sq. — Ces vues très générales ne dispensent pas de recourir aux monographies concernant chaque auteur, indiquées soit dans la bibliographie des articles qui leur sont consacrés, soit dans cette étude au fur et a mesure que leurs noms se sont présenté-..

Pour les controverses relatives à la procession du Saint-Esprit, touchées ici dans nue mesure très restreinte conformément au plan même de l’article, il suffira de se reporter aux deux articles Esprit-Saint (La procession de l’) et Filioque, et aux bibliographies copieuses qu’ils comportent. Les articles concernant Photius}}, et le Schisme d’Orient fournissent également un appoint utile, ainsi que l’étude de J. SlipyJ, Die Trinitätslthre des byzantinischen Patriarchen Photios, Inspruck, 1921 et surtout, pour la suite de la controverse, après le concile de Florence, l’ouvrage du P. Jugie, Theologla christianorum orientalium, t. ii, Paris, 1932 ; du même, De processione Spiritus sancti ex fontibus revelationis et secundum Orientales dissidentes, le.coll. Lateranum, t. ii, 1937.

L’exposé général des thèses protestante et rationalistes est suffisamment fait aux articles Trinité, Antitrinitaires et Unitaires de l’Encyclopédie des sciences religieuses de Lichtenberger. Le complément sera donné dans Trechsel, Die protestantischen Antitrinitarier vor Faustin Socin, Heidelberg, 1839 et par l’ouvrage déjà vieilli, mais suffisant pour les époques et la matière que nous avons étudiées, de I.-A. Dorner, Histoire de la théologie protestante, tr. fr. Paumier, Paris, 1870. Voir également L. Gouget, La Sainte Trinité et les doctrines antitrinitaires, 2 vol., Paris, 1905.

Sur le culte de la Trinité : Schwickavius, De augustissima et SSma Trinitate cognoscenda, amanda, laudanda, libri tredecim, Mayence, 1619 ; De Bugis, Traclatus de adorandæ Trinitatis mysterio, Lyon, 1671 ; Nadasi, Spirationes theologicee ad unum et trinum Deum in 52 hebdomadas distribulse. Vienne, 1756. L’ouvrage du P. Charles van den Abeele, Introduction à l’amour égal envers les trois personnes divines a été réédité dans la Petite Bibliothèque chrétienne sous le titre : La plus auguste des dévotions, 1875 et La Très Sainte Trinité et l’esprit chrétien, 1883. Plus récemment le P. Laborde, S. J., a publié, en deux volumes, Dévotion à la Sainte Trinité, Paris-Tournai, t. i, 1922 ; t. ii, 1925. L’ouvrage comprend quatre parties : i. Considérations générales, ii. Nos rapports avec la Sainte Trinité, iii. Historique de la dévotion à la Très Sainte Trinité, iv. La Très Sainte Trinité dans l’âme des saints. Fréquemment le P. Laborde rappelle un des fondements de la dévotion envers la Trinité : l’habitation des personnes divines dans l’âme juste. Les ouvrages concernant cette habitation (voir l’article suivant) renferment donc, eux aussi, de précieuses indications relatives à cette dévotion. On recourra également aux études concernant la dévotion au Saint-Esprit, notamment à C. Friethofï, O. P., De Spiritus Sancti recta invocatione dans l'Angelicum, 1930, p. 314 sq.

E. A. Michel.