Dictionnaire de théologie catholique/TRINITÉ, LA THÉOLOGIE LATINE. IV. Synthèse théologique de la Renaissance à nos jours

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 136-147).

IV. Synthèse théologiue : de la renaissance a nos jours. —

Après l’étude et l’exposé Am doctrines hétérodoxes, il faut reprendre, en guise de synthèse théologique, l’exposé des doctrines profes sées par les auteurs catholiques. Nous suivrons ici, d’une manière générale, parce que les auteurs eux-mêmes l’ont [ait, l’ordre de la Somme théologique.

I. COUP D’ŒIL GÉNÉRAL.

— Au concile de Florence, le progrès dogmatique est terminé, jusque dans les formules. La théologie ne fera donc que reproduire et commenter la doctrine des chefs d’écoles et, si les auteurs s’avisent d’introduire quelques opinions personnelles, ce sera toujours sur des points se rattachant à la curiosité théologique plutôt qu’à la théologie elle-même.

L’école dominicaine est fidèle à saint Thomas. Au XVe siècle, Capréolus († 1444) représente cette fidélité dans un des derniers commentaires dominicains sur le Maître des Sentences. Cf. Th. -M. Pègues, Théologie thomiste d’après Capréolus. La Trinité, dans Revue thomiste, janvier 1902, p. 694 sq. L’introduction de la Somme comme livre de texte provoque l’apparition de nombreux commentaires. On se contentera de rappeler ici les principaux, ceux de Cajétan († 1534), l’inventeur d’une nouvelle théorie de la personnalité, de Bafiez († 1604), de Raphaël Ripa (tl612), de Jean de Saint-Thomas (î 1644), sous le titre de Cursus théologiens, de Godoy († 1677), sous le titre de Disputationes theologicse in primam partem Divi Thomæ, de Gonet († 1681) sous le titre de Clypeus theologise thomisticæ, de Gotti († 1742), sous le titre de Theologia dogmatica juxta mentem D. Thomse Aquinatis, enfin de Billuart († 1751), sous le titre de Summa S. Thomæ hodiernis academiarum moribus accommodaia sive Cursus theologise universalis. Ce dernier auteur donne un certain développement aux problèmes scripturaires et historiques ; il a même quatre « digressions historiques » relatives aux premiers conciles (Nicée et l’ojxooriaiov, la « chute » de Libère, le concile de Rimini, le I er concile de Constantinople et le procès du macédonianisme). On ne doit pas oublier les commentaires de Silvestre de Ferrare sur la Somme contre les Gentils, dont plusieurs chapitres ont trait aux problèmes trinitaires. Enfin, une place de tout premier rang doit être assignée, dans le Cursus theologicus des Carmes de Salamanque, au traité De Deo trino, paru en 1637, du P. Antoine de la Mère de Dieu. Si on peut regretter que la théologie positive n’y ait pour ainsi dire aucune place, en revanche les questions scolastiques y sont examinées et approfondies avec un luxe de précisions qu’on serait parfois tenté de trouver superflu. — La doctrine thomiste se retrouve également dans les ouvrages des deux grands professeurs de Douai, le commentaire sur les Sentences d’Estius (van Est) († 1613) et le commentaire In totam 7 am partem Summse S. Thomse de Sylvius (Dubois) († 1549).

L’école scotiste a de nombreux représentants ; mais, en général, ils sont fort peu cités dans les controverses agitées par les théologiens. Tous se réfèrent au Docteur subtil, dont l’autorité suffît à couvrir tous ses disciples. On trouvera cependant des mentions de François Lychet († 1520), en raieon de son remarquable Commentaire sur les Sentences, dont le 1. I er fut publié en 1518, de Jean de Rada († 1608), Sancli Thomse et Scoti controversiarum theologicarum quæstionum resolutio, Salamanque, 1586, de François Henno († 1713), dont la Theologia dogmatica et scholastica, Douai, 1706-1713, s’efforce de concilier Scot et saint Thomas, de Mastrius († 1673), de Jérôme de Monte Foitino († 1738), Summa theologica Scoti juxta ordinem Summse D. Thomse, rééditée en 1900. et surtout de Claude Frassen († 1711) dont le Scotus academicus, Paris, 1672, est pour ainsi dire le manuel autorisé de la théologie scotiste, en raison de la clarté de son exposition. Plus près de nous et fréquemment cité dans les manuels contemporains, Albert Knoll de Bozen, capucin († 1863), Insliluliones theologise, rééditées avec adaptation à notre époque, en 1908 (exposé sommaire).

La compagnie de Jésus est peut-être le milieu théologique qui nous offre le plus de variété en ce qui concerne les études trinitaires. Ses premiers grands docteurs Suarez, Molina, Vasquez, Tolet, Grégoire de Valencia, ont commenté, souvent avec liberté, parfois même en y ajoutant des aperçus nouveaux, le texte de la Somme. Suarez, lui aussi, est à l’origine d’une conception nouvelle de la personnalité. Certains auteurs de second plan, comme Arriaga et Amigo, ne sont cependant pas à négliger. Chez tous perce le souci d’adapter plus particulièrement la doctrine aux besoins des temps nouveaux et certains d’entre eux s’efforcent de trouver dans l’élément positif, Écriture et Pères, l’appui traditionnel nécessaire à l’exposé spéculatif. Les Commentaria ac disputationes in / » m partem S. Thomse de Trinitate, Lyon, 1625, de Diego Ruis de Montoya sont, au dire des meilleurs juges, un ouvrage qui se classe parmi les plus parfaits du genre pour son époque. Voir ici, t. xiv, col. 165. Cette tendance se retrouve également chez Becan, Summa theologise scholasticse, Mayence, 1623, et chez Tanner, Unioersa theologia scholaslica, speculativa, practica, ad melhodum S. Thomse, et, au xviir 3 siècle, dans la théologie des jésuites de Wurtzbourg. Au xixe siècle, Pcrrone, Kleutgen et Franzelin ne manquent pas, en abordant les questions trinitaires, de s’inspirer des mêmes principes. Dans Die Théologie der Vorzeit, Munster, 1867, Kleutgen avait préludé à son traité De ipso Deo, Ratisbonne, 1881. Franzelin, dans le De Deo trino, Rome, 1869, complété par son traité polémique De processione Spiritus Sancti, Rome, 1876, s’est orienté vers la recherche des données positives. En France, les Éludes de théologie positive sur la Sainte Trinité (4 vol.) du P. Th. de Régnon sont trop connues pour qu’il soit utile d’insister ; voir t. xiii, col. 2124. Mais il convient de citer également de Mgr Ginoulhiac († 187’5), l’Histoire du dogme catholique ; De Dieu considéré en lui-même, unité de sa nature, trinité de ses personnes, Paris, 1866, t. i-m.

Mais le grand initiateur de ce mouvement, tout spécialement pour le problème trinitaire, fut au xviie siècle l’incomparable Denys Petau, dans ses Dogmata theologica, dont les trois premiers volumes parurent en 1644. Le t. n est tout entier consacré au De Trinitate et a été longuement analysé ici t.xii, col. 1317-1318. Petau s’est appliqué à suivre la méthode de Maldonat qui, lui aussi, avait écrit un traité de théologie positive sur la Trinité, traité inédit mais dont Richard Simon nous a laissé une analyse assez détaillée dans sa Bibliothèque critique, t. î, c. vi, Amsterdam, 1708, p. 56-89. Une mention doit être accordée à Tiphaine, professeur à Pont-à-Mousson, en raison de sa théorie de la personnalité, exposée dans le De hypostasi. Voir son article.

Auteurs divers. — De Petau, il convient de rapprocher l’oratorien Thomassin, dont le traité De Trinitate est inclus, comme celui de Petau, dans un grand ouvrage, Dogmata theologica. Cf. ci-dessus, col. 799. Plus bref et moins fouillé, ce traité n’a pas la valeur de celui du savant jésuite ; sur certains points cependant, il constitue un utile recueil de textes patristiques, grecs et latins (processions divines, trinité des personnes dans l’unité de nature). On ne saurait non plus passer sous silence les travaux apologétiques de Bossuet où, soit contre Jurieu, soit à propos de certaines assertions de Richard Simon, l’évêque de Meaux expose en un sens orthodoxe les affirmations trinitaires des Pères des premiers siècles. Cf. Sixième avertissement sur les lettres du ministre Jurieu, et Défense de la tradition et des Saints Pères, t. III, c. i-xvi. Il convient également de citer bien des passages des Méditations sur l’Évangile, 2e part., et les Élévations sur les mystères, 2° semaine.

En Allemagne, nombreuses sont les monographies parues sur les questions trinitaires ; elles concernent surtout la pensée de certains auteurs particuliers ; comme œuvres de portée générale rentrant dans le cadre de cet article, signalons, de Diekamp, Ueber den Ursprung des Trinitâlsbekennlnisses, Munster-en-W. , 1910 ; de M. Schmaus, les études précieuses sur saint Augustin et sur le Moyen Age, Die psychologische Trinitâtslehre des ni. Augusiinus, Munster-cn-W., 1927, et Der Liber propugnalorius des Thomas Anglicus und die Lehrunterschiede zwischen Thomas von Aquin und Dans Scotus, Munstcr-en-W., 1930, ouvrage auquel nous nous sommes référé tant de fois dans la deuxième partie de cette étude.

Les sorbonnistes nous ont laissé quelques bons traités. Citons d’abord celui de Witasse († 1716), que Migne a inséré dans son Cursus theologicus, t. viii, col. 9-660, suivi de deux appendices, ajoutés par les éditeurs et donnant, le premier, des extraits de Thomassin sur l’unité et la fécondité divines et sur la circumincession des personnes, le second présentant une synthèse des vérités essentielles à expliquer au peuple. Avant Witasse, J.-B. du Hamel († 1706) avait donné un bon exposé trinitaire dans le t. n de sa Theologia speculativa et practica, Paris, 1640. Peu après Witasse, Toumely († 1729) publia ses Prselectiones theologicæ de mysterio Smse Trinitatis, Paris, 1726. Ces traités insistent beaucoup sur la divinité de la seconde et de la troisième personne, notamment sur la divinité de Jésus-Christ : préoccupation que justifie le souci de combattre l’hérésie socinienne.

Rien que le terme de notre étude ait été fixé en principe au concile du Vatican, il nous faut, pour n’être pas incomplet, dépasser cette limite. Tant de manuels ou de traités de théologie trinitaire ont été publiés dans la dernière partie du xixe siècle et depuis le début du xx°, qu’il serait injuste de ne pas au moins signaler ceux qu’on peut consulter avec avantage : manuels de Bartmann (aujourd’hui traduit en français), Diekamp (tr. en latin par Hoffmann, O. P.), Egger, Einig, Herrmann, Hervé, Hugon, Hurter, Jungmann, Katschthaler, Lahitton, Lercher, Lottini, Mancini, Mannes, Manzoni, Marchini (Ant.), Mazzella (Horat.), Mendive (Jos.), Minges (Part.) (manuel scotistr), Paquet, Pcsch (Chr.), Pohle, Prevel, Sala, Sanda, Se.houppe, Schwetz, Studium solesmense, Tanqucrey, Tcpe, del Val, Zaccherini, Zubizarreta. Les meilleurs traités sont : J. Kuhn, Die christliche Lehre von der gOttlichen Dreieinigkeil, Tubingue, 1857 ; Scheeben, Myslericn des Christentums, dans Dogmatik, t. i ; Stentrup, De SS. Trinitatis mysterio, Inspruck, 1888 ; Oswald, Die Trinitâtslehre, Paderborn. 1888 ; L. Billot, De Deo uno et trino, Rom- (6 « éd.), 1921 ; L. Janssens, Summa théologien…, t. iii, Tractatus de Deo trino, Fribourg-en-B., 1900 ; Buonpensirre, Comm. in / part. Snm. theol. S. Thomæ Aquinatis, t. ii, Vergare, 1930 ; Al. Janssens, De hl. Drievuldigheid (2° éd.), Anvers, 1925 ; A.-L. Lépicier, Tract, de SS. Trinitate, Paris, 1902 ; J. van der Meersch, Tract, de h’-o uno et trino, Bruges, 1928 ; J. Muncunill, Tract, de Deo uno et trino, Barc lune, 1928 ; Van Noort-Verhaar, Tract, de Deo uno et trino, Hilversum, 1028 ; J.-M. Pic’-irelli, De Deo uno et trino, Naples, 1902 ; l’omprn-Salten, Tract, de Deo uno et trino, Bois-le-Duc, 1904 ; A. « l’Aies, De Deo trino, Paris 1924 ; P. Galticr, De SS. Trinitate in se et in nobis, Paris, 1933 ; Hugon, O. P., Le mystère de la Sainte Trinité, Paris, 1931 ; Valentin Rr> ton, l.a Trinité, histoire, doctrine, piété, Paris, 1931. On voudrait, pouvoir renvoyer au traité, de petit volume, mais riche de doctrine et d’érudition du P. Mohn, S. J. ; Il n’est malheureusement publié qu’ad usum auditorum (à l’université grégorienne). Les études de théologie positive, scripturaire et patristique, se sont multipliées au cours de ces soixante dernières années ; on les a signalées au cours de la première partie de cet article. Nous ne rappellerons ( que les savants travaux de J. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité (2 vol. parus) et, avant eux, le t. I er des Leçons de théol. dogm., de M. Labauche, Dieu.

II. SYNTHÈSE DOCTRINALE. —

La plupart des auteurs qui, depuis le concile de Florence, ont commenté la Somme de saint Thomas ont suivi scrupuleusement l’ordre du saint Docteur. Le progrès dogmatique est nul. Le progrès théologique se réduit à peu près aux conceptions nouvelles de la subsistence, proposées par Cajétan, Suarez, Tiphaine et Duns Scot. On a exposé longuement ces différents systèmes, voir Hypostase, t. vii, col. 4Il sq. On se contentera d’en marquer ici l’application aux problèmes trinitaires. Mais les perfectionnements apportés par la théologie positive ont incité d’excellents auteurs à suivre un ordre différent de celui de saint Thomas. Ils commencent par établir la révélation du mystère avant d’en aborder l’exposé scolastique selon la formule tripartite traditionnelle : processions, relations, personnes.

On n’insistera pas ici sur les explications données aux termes : substance, nature, personne, hypostase, dont l’usage est courant dans le traité de la Trinité. Voir Hypostase, col. 408, et bibliographie, col. 437.

Connaissance du mystère de la Trinité. —

1. Connaissance naturelle. —

Avant de se livrer aux spéculations dogmatiques, il est indispensable d’aborder le problème de la connaissance de la Trinité. Il faut d’abord affirmer qu’il est impossible à la raison de parvenir à cette connaissance par ses seules lumières naturelles. Tous les théologiens enseignent cette impossibilité, doctrine proche de la foi, en raison de la définition du concile du Vatican touchant l’existence de mystères cachés en Dieu, lesquels ne peuvent être connus de nous que par voie de révélation. Denz.-Bannw. , n. 1795 ; cf. n. 1816. Voir ci-dessus, col. 1796. La thèse contraire a été jadis soutenue par Raymond Lulle, voir col. 1739, que Vasquez cherche à excuser. Disp. CXXXIII. Ruiz, au contraire, appelle cette opinion ridicula, deliria somniantis et maie sani capitis, disp. XLI, sect. i. En général cependant les théologiens modernes interprètent bénignement les affirmations en ce sens rencontrées chez Claudien Mamert, saint Anselme, Richard de Saint-Victor et quelques autres. Cf. Janssens, op. cit., p. 412-417.

La raison est même incapable de démontrer apodictiquement la possibilité du mystère. Gonet, disp. VII, a. 1, § 4 ; cf. Janssens, p. 345 sq. ; Diekamp-Hoffmann, sect. I, 2, n. 2 et Ueber den Ursprung des Trinitâlsbekennlnisses, Munster, 1911 ; Billuart, Diss. proœmialis, n. 4 ; Kleutgen, n. 909 ; Franzelin, th. xvii-xviii. Une fois le mystère révélé, la raison peut l’éclairer par le moyen d’analogies prises dans les créatures. Franzelin, th. xix-xx ; Suarez, t. I, c. xi-xii. La théorie psychologique de saint Augustin trouve, à ce propos, grande faveur près de tous les théologiens. Cf. M. -T. Penido, La valeur de la théorie psychologique de la Trinité, dans Le rôle de l’analogie en théologie dogmatique, Paris, 1931, p. 258-345 ; Schmaus, Die psychologische Trinitâtslehre des hl. Augusiinus, Munster, 1927 ; F. Blachèrc, La Trinité dans les créatures, dans Revue augustinienne, 1903, t. ii, p. 114 sq., p. 219 sq.

Le théologien allemand Klce fait justement observer qui si, en Dieu, les processions des personnes divines sont fondées sur des raisons contraignantes issues de la vie divine elle-même, ces raisons ne sauraient nous apparaître, à nous, comme telles et la révélation peut reniement nous en manifester ce qu’il a plu a Dieu de nous faire connaître. Kalh. Dogmatik, 1835, t. ii, p. 109 sq. Aucune démonstration proprement dite du mystère ne nous est donc possible et l’on doit rejeter sur ce point les tentatives des semirationalistes et particulièrement de Gûnther et de Rosmini. Cf. Kleutgen, n. 929-942 ; Franzelin, th. xviii ; Piccirelli, n. 1130 ; Chr. Pesch, n. 494-495 ; Janssens, p. 334 sq.

2. Révélation. —

Aucune révélation proprement dite du mystère dans l’Ancien Testament. Les théologiens modernes, dès la fin du xviie siècle, mais surtout au xixe, se séparent ici nettement de leurs devanciers du Moyen Age. Dans les textes invoqués par ceux-ci, ils ne voient plus, et avec raison, que d’obscures indications. Voir J. Lebreton, op. cit., 1. 1, et ici, col. 1546 sq. Sur Gen., i, 26 ; ii, 22 ; xi, 7, voir G. Perella, Il domma trinilario nel Genesi, i-xi, dans Diuus Thomas de Plaisance, 1929, p. 280-304 ; 1930, p. 408 sq. Sur Gen., xviii, 1 ; Is., vi, 3, voir A. d’Alès, La théophanic de Membre devant la tradition des Pères, dans Rech. de se. rel., 1930, p. 150 sq. Cf. M.-J. Lagrange, L’ange de Jahvé, dans la Rev. biblique, 1903, p. 212 sq. ; D.-J. Legeay, L’ange et les théophanies dans la Sainte Écriture d’après la doctrine des Pères, dans la Rev. thomiste, 1902-1903. La personnification de la Sagesse a été beaucoup étudiée, mais sans conclusion ferme. Cf. J. Gûttsberger, Die gôttliche Weisheit als Persônlichkeit im A. T., Munster, 1919 ; P. Heinisch, Die persônliche Weisheit des A. T. in religionsgeschichtlicher Beleuchtung, Munster, 1923 ; A. Vaccari, Il concetto delta Sapienza nell’A. T., dans Gregorianum, 1920, p. 218 sq. La personne du Saint-Esprit resterait dans l’obscurité, nonobstant les multiples textes où est nommé l’Esprit de Dieu, si la révélation chrétienne n’était intervenue. Cf. Petau, t. II, c. vu ; Franzelin, th. vi-vn ; Chr. Pesch, n. 468 ; Billot, th. xvi, § 1.

C’est dans le Nouveau Testament que le mystère est formellement et explicitement révélé. Il faudrait indiquer ici tous les théologiens et les exégètes catholiques sans exception. L’ouvrage auquel on recourra de préférence est encore celui de J. Lebreton, t. i, p. 275 sq. et, plus spécialement sur saint Paul, F. Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 1927, t. ii, p. 157175 ; 518-521. Certains auteurs (dont Diekamp) rejoignent ici les sorbonnistes en intercalant une véritable démonstration de la divinité du Christ, laquelle est une démonstration de la divinité du Verbe ; ils y ajoutent, bien entendu, la démonstration de la divinité du Saint-Esprit. Cf. Suarez, t. II, c. m-vi ; Wirceburgenses, n. 344-356 ; Kleutgen, n. 766-842 ; Hurter, n. 147-168. Ce fut, ici-même, un des thèmes développés à l’art. Fils de Dieu, t. v, col. 2388 sq., 2396 sq., 2398 sq., 2400-2407.

Deux textes ont donné lieu entre théologiens et exégètes à des controverses qui, heureusement, ont pris fin aujourd’hui. Le texte baptismal, Matth., xxviii, 19, si important pour la démonstration trinitaire, a vu son authenticité vivement attaquée par certains protestants. Cf. Conybeare, dans Zeitschr. fur die N. T. Wissenschaft, Giessen, 1901, p. 275 sq. ; son authenticité a été victorieusement démontrée par J. Lebreton, op. cit., t. i, note E, p. 599-610. — Le Comma johanneum, dont l’authenticité était révoquée en doute pour des raisons sérieuses admises d’un grand nombre d’exégètes catholiques, a provoqué de la part du Saint-Office deux décisions, 13 janvier 1897, 2 juin 1927, Denz.-Bannw., n. 2198 ; la dernière revient nettement en arrière et dirime la controverse en affirmant simplement l’authenticité « dogmatique « du texte, comme témoignage de la croyance traditionnelle de l’Église. Voir art. Verbe.

3. Tradition. —

La tradition des premiers siècles est, en effet, un argument sur lequel insistent les théologiens. La théologie positive, depuis la célèbre préface de Petau, voir ici, t.xii, col. 1327, s’est efforcée de montrer la continuité de cette tradition même avant le concile de Nicéc. Sans nous arrêter à d’intéressantes monographies comme celle de L. Choppin, Lille, 1925, il suffira, ici encore, de citer le monument élevé par J. Lebreton et dont le deuxième volume nous conduit jusqu’à saint Irénée. Quelques articles parus dans les Recherches ont amorcé le troisième, qui conduira l’argument de tradition jusqu’au concile de Nicée. L’œuvre du P. de Régnon, dans laquelle on peut signaler plus d’une lacune et où certaines retouches sont nécessaires, voir ici, t. xiii, col. 2124, est fréquemment utilisée pour les époques postérieures ; mais les études spéciales ne manquent pas, dont s’inspirent les théologiens contemporains. Les simples manuels eux-mêmes ont pu ainsi faire une large place (peut-être encore parfois trop restreinte) à la base positive. Voir, par exemple, celui de Diekamp, où la théologie positive est heureusement mêlée à la scolastique et dans lequel l’exposé traditionnel (scripturaire et patristique) occupe plus de 40 pages (p. 306-348). ou encore celui de Tanquerey-Bord, Paris, 1933, qui a fait de la partie positive l’élément principal du traité (p. 347-414), alors que l’exposé proprement scolastique n’occupe que 30 pages Les proportions sont mieux respectées chez A. d’Alès, dont les 100 premières pages sont consacrées à la révélation et à la tradition patristique.

La conclusion de cette étude préliminaire est l’affirmation de l’identité numérique de l’essence et de la trinité des personnes : identité numérique et trinité affirmées par l’Écriture, enseignées par la Tradition, consacrées par la définition de la consubstantialité des trois personnes distinctes. Cf. Petau, t. IV, c. xiii sq. ; Thomassin, c. ii, vii, xvii, xxvii, xxviii, dont s’inspirent nos auteurs plus récents. Voir en particulier Kleutgen, n. 843-865 ; Franzelin, th. i, vii, vin ; Scheeben, i, § 112, etc.

Cette part légitime faite à la théologie positive prépare avec une autorité accrue l’exposé scolastique sur les processions, les relations, les personnes.

Les processions divines (S. Thomas, I », q. xxvii).

1. Leur existence (a. 1). —

L’existence des processions en Dieu est enseignée par tous les théologiens postflorentins comme un dogme de foi, fondé sur l’enseignement de l’Écriture, des Pères, des symboles, des définitions conciliaires relatives à la génération du Verbe et à la procession du Saint-Esprit. Il y a deux processions et il n’y en a que deux (a. 2). Voir Processions, t. xiii, col. 649-651.

Tous admettent que les processions ont pour principe formel l’intelligence en ce qui concerne le Fils, la volonté en ce qui concerne le Saint-Esprit. Ibid., col. 655-658. On abandonne ainsi l’ancienne opinion d’Alexandre de Halès, de saint Bonaventure, de Durand de Saint-Pourçain, selon laquelle la seconde personne procéderait selon la nature intellectuelle du Père. La doctrine qui fait de l’intelligence elle-même le principe formel prochain du Verbe est omnino tenenda, déclarent les Salmanticenses. Disp. I, dub. ii, § 1, n 38.

Mais une controverse, toute scolastique, sur le principe formel immédiat partage les théologiens. Voir t. xiii, col. 658. À la seconde opinion, indiquée comme appartenant à saint Bonaventure, se rallient non seulement les Wirceburgenses, mais les scotistes Hcnno, Mastrius, Frassen, à la suite de leur maître, et les nominalistes Occam et Biel, ainsi que Molina, In 7° m part. Sum. S. Thomse, q. xxviii, a. 1. Voir également dans son commentaire sur la même question de la Somme, l’opinion presque similaire de Grégoire de Valencia. B i Il u art réfute Henno et les scotistes, dissert. II, a. 3 ; les Salmanticenses attaquent Molina, disp. I, dub. iii, n. 85. Suarez, on l’a vii, a réfuté Valencia. La troisième opinion relatée a pour elle la totalité de la phalange thomiste et, chez les jésuites, Suarez, t. I, c. vu ; Vasquez, disp. CXII, c. m ; Arrubal, disp. XCVII, cap. ult. : Granados, In / » > part. Sum. S. Thomæ, tract. II, disp. III, sect. iii, etc.

Une dernière précision plus subtile encore est proposée par les Salmanticenses. Les processions doivent-elles être conçues comme des émanations de la divinité ou comme des opérations ? Ils attribuent à Suarez, t. I, c. viii, n. 5, et à Molina, loc. cit., la première opinion, donnant l’autre comme l’opinion commune des thomistes, dub. iv, § 1, n. 111 ; cf. Gonet, disp. II, a. 2 ; Billuart, dissert. II, a. 2-3. On a pu constater plus haut que saint Thomas lui-même parle aussi bien d’émanations que d’opérations. Enfin, Kleutgen, à propos de ces discussions, fait observer qu’aux divergences relatives au principe formel immédiat répondent les mêmes divergences relativement au terme formel de la procession divine : relation ou propriété personnelle d’une part, nature connotant la relation d’autre part, n. 1072 sq.

2. Première procession selon l’intelligence : c’est une génération (a. 2). —

Tous les théologiens sont d’accord sur ce point qui est de foi définie : genitus, non factus (symbole de Nicée) ; Filius a Pâtre solo est, non factus nec creatus, sed genitus (symbole Quicumque), etc.

Génération selon l’intelligence, disent-ils maintenant, et non plus selon la nature intellectuelle. La définition de la génération, telle que l’a donnée saint Thomas, est unanimement acceptée : origo viventis a principio vivente conjuncto, in similitudinem naturæ ejusdem speciei, I », q. xxviii, a. 2. En Dieu, il ne peut être question que d’une génération d’ordre intellectuel : production d’un verbe, image parfaite du Père qui l’engendre.

Certains thomistes font ici remarquer que toute la force de l’argumentation repose sur l’affirmation de l’identité formelle en Dieu de l’esse et de Vintelligere et intelligi. Voir l’exposé de cette doctrine et les références dans les Salmanticenses, disp. II, n. 76 sq., qui y prennent l’occasion de développer la pensée empruntée par saint Thomas à saint Augustin : eo Verbum, quo Filius. Ibid., dub. iv. Il ne semble pas cependant que, pour être valab’e, l’argument requière absolument l’adhésion à cette opinion (laquelle cependant paraît bien réfléchir la pensée de saint Thomas). Il suffit d’admettre qu’en Dieu idem est esse et intelligere (il y a ident’té entre l’être et le connaître), sans qu’il soit besoin de préciser si cette identité est formelle ; et d’accepter que le Fils procède dans l’ordre de la connaissance : « La raison fondamentale qui fait que la procession du Fils est une génération… c’est qu’elle est selon l’intelligence. » Gonet, disp. II, n. 185. Le Verbe conçu par l’intelligence est la similitude de la chose exprimée, existant dans la même nature que lui, parce qu’en Dieu il y a identité entre intelligere et esse. Billuart, dissert. II, a. 5, dico 1°. La plupart des auteurs omettent donc, dans leur argumentation, la précision, exacte si on la prend sans exclusivisme, des Salmanticenses.

3. Deuxième procession selon la volonté : ce n’est pas une génération (a. 3 et 4). —

Que le Saint-Esprit procède selon la volonté (a. 3), les théologiens l’enseignent unanimement. Il est impossible de concevoir en un esprit d’autres opérations que celles de l’intelligence et de la volonté. Les difficultés ne surgissent que sur la manière d’interpréter cette doctrine exposée par saint Thomas dans l’a. 1. La plupart établissent avec le Docteur angélique un parallèle entre la procession selon l’intelligence qui produit un verbe et la procession selon la volonté qui produit, dans la faculté aimante, une impulsion, une tendance, un poids qui l’entraîne vers l’objet aimé. Un texte de saint Thomas, De veritate, q. iv, a. 2, ad l" iii, fait difficulté à ce sujet ; mais les thomistes l’interprètent à l’aide du De veritate.

q. x, a. 9, ad 7um et du De potentia, q. x, a. 2, ad ll um. Voir Salmanticenses, disp. III, dub. i, § vii, n. 18-19, et les autres nombreux auteurs qui y sont cités. Excellent exposé dans Jean de Saint-Thomas, disp. XV, a. 5.

Cette procession n’est pas une génération (a. 4) : assertion qui est de foi et entraîne l’assentiment unanime. Voir le symbole Quicumque, et les anciens symboles. Cf. Petau, t. VII, c. xiii-xiv. L’explication théologique de ce dogme est plus hésitante, du moins jusqu’à la systématisation thomiste. Cette hésitation, qui se marquait déjà chez les Pères, se manifestait également au Moyen Age dans les diverses opinions qu’on a relevées. Après le concile de Floience : on rencontre encore quelques auteurs (v. g. Martinon, S. J., disp. XXIV, sect. ix) indiquant comme raison de l’unique génération réalisée dans le Fils le fait que le Fils aurait reçu du Père une nature féconde, capable de produire avec le Père le Saint-Esprit, ce qui n’est pas le cas de la troisième personne. Les Wirceburgenses accueillent avec une certaine faveur cette explication, De Deo trino, n. 380, tout en faisant remarquer que les actes du concile de Florence ne paraissent pas admettre cette raison. Le Fils, en effet, n’y est indiqué comme coprincipe de la spiration active que parce qu’il est déjà le Fils : hoc ipsum, quod Spiritus sanctus procedit ex Filio, ipse Filius a Pâtre œternaliter habet. Voir col. 1763. Nous retrouvons aussi, chez des scotistes principalement, la raison jadis apportée par Scot après Alexandre de Halès, saint Bonaventure, Albert le Grand et saint Thomas à ses débuts : le Saint-Esprit n’est pas engendré parce qu’il procède selon la volonté et non selon la nature intellectuelle. Cf. Hcnno, disp. I, q. vi.

Une explication mieux accueillie est celle de Vasquez, disp. CXIII, c. vii, et de Torrès, In / » part., q. xxvii, a. 2 (4e partie du commentaire), reprise par les Wirceburgenses, loc. cit., dico 2°, et, plus tard, par Kleutgen, n. 1088 sq. et Franzelin, th. xxxi, suivant peut-être en cela Suarez, t. XI, c. v, qui semble vouloir fondre l’explication de saint Thomas et celle de Vasquez : la procession de la seconde personne est seule une génération, parce qu’elle produit, selon l’intelligence, l’image du Père.

Saint Thomas et son école se contentent de donner comme raison de la génération du Fils qu’il procède selon l’intelligence produisant le Verbe, lequel est l’assimilation de l’objet connu au sujet connaissant. L’Esprit n’est pas engendré parce qu’il procède de la volonté dont l’acte ne tend pas à reproduire l’objet dans le sujet, mais à faire tendre le sujet vers l’objet. Explication accueillie par tous les thomistes, déclarée suffisante par les Salmanticenses, disp. III, dub. iii, § 1, et longuement défendue par eux, § 2-8 ; dub. iv en entier, n. 99-173, magistralement exposée par Jean de Saint-Thomas, disp. XII, a. 7. Au point de vue positif, on consultera Petau, t. VII, c. xiii. Billuart, Gonet, Tourncly font une bonne présentation de l’argument.

Les relations divines (q. xxviii). —

On a exposé à Relations divines, t. xiii, col. 2135, comment la théologie, pour justifier l’existence de relations en Dieu (a. 1) s’appuie sur l’Écriture, les Pères et les conciles, concluant de son enquête que cette existence des relations en Dieu est article de foi ou tout au moins certitude très proche de la foi. Elle conclut également que ces relations divines ne peuvent être que subsistantes, c’est-à-dire substantielles et non accidentelles. Mais autre chose est l’affirmation doctrinale consacrée par le concile de Florence, autre chose est l’analyse métaphysique du concept de relation et sa comparaison en Dieu avec la substance divine, avec laquelle, en réalité, s’identifie nécessairement la relation subsistante. Un des meilleurs exposés philosophiques de cette question scol astique est celui de Billot, De relatione prseambula disquisitio, au début du commentaire sur I », q. xxviii, DeDeo Irino, Rome, 1926, p. 404-417.

1. Le problème métaphysique de la relation. —

Cet aspect de la question a été traité à Relations, col. 2141 sq. Deux grands courants de pensée ont été relevés, celui de saint Thomas, auquel se rattache l’exposé de Billot, et celui de Suarez, dont les applications aux relations subsistantes entraîne, en plus d’un domaine, des conclusions assez divergentes. Ibid., col. 2142-2145. Voir aussi Salmanticenses, disp. IV, dub. ii.

Nous devons ajouter ici quelques indications complémentaires, d’ordre bibliographique. La théorie de Suarez, appliquée au problème trinitaire, De Trinitate, t. III, c. ix, n. 369, a eu des antécédents au Moyen Age, chez Pierre Auriol, In 7um Sent., dist. XIX, q. n. Voir plus haut, col. 1751. On la retrouve chez Tolet, In J, m part., q. xxviii, a. 1, concl. 3 ; Grégoire de Valencia, ibid., q. xxvii, a. 1, disp. II, q. ii, punct. i ; Ruiz de Montoya, disp. IX, sect. v-vn ; Tanner, disp. IV, q. iii, dub. I et iv ; Arriaga, disp. XLVIII, sect. i ; XLIX, sect. i-iv, et plusieurs autres dont on trouve les noms dans Muncunill, n- 580-581. Cette opinion a été reprise récemment par Robles Dégano, La relacion y la Santissima Trinitad, Madrid, 1923, et dans Torneos metafisico, Avila, 1928, et réfutée par Ramirez, O. P., Boletin de teologia dogmatica, dans la Ciencia Tomista, 1923, p. 399 sq. Inutile de citer les théologiens partisans de l’autre opinion : l’école thomiste dans sa totalité.

2. Les rapports de la relation subsistante à l’essence divine (a. 2 ; cf. q. xxxix, a. 1-2). —

L’art. Relations, col. 2147, a indiqué les conditions que doit réaliser une opinion sur ce sujet pour être recevable dans l’exposé théologique du mystère. On ne peut donc accepter que très difficilement l’opinion scotiste d’une distinction formelle ex natura rei, col. 2146. En voir la discussion, non seulement dans Gonet indiqué col. 2147, mais encore dans les Salmanticenses, disp. V, dub. ii, § v-x, n. 38-70. La distinction scotiste n’est recevable qu’à la condition de n’y voir qu’une distinction virtuelle ; et il est possible que beaucoup de ses partisans l’entendent ainsi. Les trois opinions librement discutées sur la nature de cette distinction virtuelle ont été indiquées col. 2148-2149. — Dans le premier groupe (distinction virtuelle majeure), aux noms de Molina, Vasquez et Alarcon, on ajoutera Tolet, q. xxviii, a. 2, concl. 2 et 3 ; Becan, De Trinitate, c. ii, q. v ; Tanner, id., disp. IV, q. iii, dub. m ; Fr. de Lugo, id., t. II, disp. VIII, c. ii, n. Il ; Arriaga, disp. XLVIII, sect. i, m ; Buonpensiere, q. xxviii, a. 2, n. 170, 171. — Au troisième groupe (distinction virtuelle mineure), se rattachent Gajétan, In I* m part., q. xxvii, a. 3 ; q. xxxiv, a. 1 ; Banez, id., q. xxviii, a. 2, concl. 4 ; Ripa, id., q. xxxix, c. i-ii ; Jean de Saint-Thomas, disp. XIII, a. 2, n. 3 et 6 ; Gonet, q. xxvii, disp. III, a. 2 ; Billuart, dissert. III, a. 3 ; L. Janssens, q. xxviii, a. 2, p. 236. — Dans le second groupe, placé sous l’égide de Silvestre de Ferrare et de Suarez, il faut également placer Bellarmin, Controv. i*, De Christo, t. II, c. ix ; Ruiz de Montoya, disp. XIII, sect. i-iii ; Amigo, disp. XIX, sect. vi, n. 150 ; Van Noort, n. 205.

— À la remarque finale sur la possibilité d’accorder ces opinions, on peut ajouter l’appréciation suivante de Billuart : Hi et alii similes modi dicendi in idem fere redeunt et videtur inter eos esse queestio de nomine. Dissert. III, a. 3. De bons auteurs parlent donc simplement de distinction virtuelle, sans préciser. Cf. Kleutgen, n. 1049.

3. Perfection inhérente à la relation comme telle. —

Le problème de l’identité des relations avec l’essence divine pose immédiatement celui de l’élément perfectif qu’elles apportent ou non à cette essence. Question traitée à Relations, col. 2144-2145. On n’ajoutera ici que quelques compléments utiles.

Au point de vue doctrinal, l’unique précision à apporter concerne un aspect de la question sur lequel l’unanimité des théologiens devrait se faire. Les relations, envisagées comme telles, et par conséquent, dans leur distinction virtuelle de l’essence, impliquent une perfection infinie. Ne disons-nous pas, à la préface de la Trinité (voir S. Thomas, a. 2, sed contra) : « Nous adorons la propriété dans les personnes, l’unité dans l’essence, l’égalité dans la majesté. » C’est donc une terminologie tout au moins défectueuse qu’adopte l’école scotiste, en affirmant que les relations divines, comme telles, ne disent ni perfection, ni imperfection. Mais peut-être n’y a-t-il là qu’une question de mots. Cf. Salmanticenses, disp. VII, dub. i.

La discussion proprement scolastique, rappelée à Relations, concerne un autre aspect du problème : les relations considérées sous le rapport de l’esse ad expriment-elles une perfection apportée à l’essence divine ? — L’école de Suarez (col. 2144) comporte elle-même des nuances. Une première tendance, pleinement logique avec la conception métaphysique proposée de la relation par Suarez, suggère l’existence d’une perfection relative, s’ajoutant à la perfection absolue de l’essence. Elle admet en conséquence trois perfections relatives en Dieu. C’est ainsi que Suarez, poussant à l’extrême logique son système, admet dans la Trinité non seulement trois subsistences personnelles, mais trois essences relatives (c. v), trois unités personnelles (c. vu), trois vérités personnelles (c. vin), trois bontés ou perfections personnelles (c. ix). Il se demande même si, à ce compte, on ne doit pas multiplier personnellement les attributs négatifs et positifs de Dieu ? (c. xi-xii). La solution affirmative est adoptée avec la restriction de l’emploi des termes pris adjectivement, conformément aux indications du symbole d’Athanase (c. xi, n. 8, 12). Voir ici Noms divins, t. xi, col. 791. Se rapprochent plus ou moins de Suarez (car il y a encore bien des nuances) : Tolet, q. xxviii, a. 1, concl. 3, 4 ; Grégoire de Valencia, disp. II, q. ii, punct. i ; Tanner, disp. IV, q. iii, dub. iv ; Fr. de Lugo, t. II, dist. X, c. n ; Amigo, disp. XIX, sect. viii, n. 192-213 ; Arriaga, disp. XLIX, sect. m ; Silv. Maurus, t. II, q. cix, n. 10-69 ; Muncunill, n. 1125-1145. — Une seconde tendance, tout en admettant le principe suarézien d’une perfection impliquée par l’esse ad comme tel, n’en tire pas les extrêmes conclusions logiques à l’égard d’une multiplication en Dieu des perfections relatives : « De ce que chaque perfection ou personne puisse être appelée une « chose » et qu’ainsi trois relations, trois « choses » sont dites en Dieu, cependant on ne saurait parler de trois bontés ou de trois perfections, parce qu’en réalité tout cela s’identifie avec l’essence en laquelle les relations s’intègrent pour constituer la déité ; et de cette intégration, mie seule perfection résulte. » Vasquez, disp. CXXII, c. vi. Ruiz, qui accepte ce point de vue, fait opportunément observer que, si des perfections relatives existaient comme telles et s’ajoutaient à la perfection essentielle, il y aurait dans la Trinité une perfection supérieure à celle de la divinité seule. Ce qui est insoutenable. À cette thèse se rallie en substance Franzelin, th. xxv, n. 3 ; Chr. Pesch, n. 628-630.

Cette seconde tendance, on le voit, se rapproche beaucoup de l’opinion thomiste. Mais celle-ci, à son tour, affecte deux tendances. Certains dominicains affirment que la relation considérée formellement, c’est-à-dire selon l’esse ad, n’inclut aucune perfection ; mais la relation divine, même considérée sous cet aspect, inclut une perfection infinie, souveraine, unique, parce qu’elle renferme implicitement l’essence divine. C’est la thèse de Bafiez, q. xxviii, a. 2, concl. 3 ; de Jean de Saint-Thomas, disp. XIII, a. 3, n. 8-20 ; de Contenson, De Trinitate, t. III, dissert, ii, c. ii, spec. 3 ; de Gotti, De Trinitate, q. iii, dub. iii, § 1-2. Voir l’exposé dans les Salmanticenses, disp. VI, dub. i, § 1, n. 5. — Une tendance plus conforme à la métaphysique de la relation est celle que nous avons indiquée à Relations, col. 2145, en l’attribuant à l’école thomiste en général. La perfection de la relation divine lui vient, non de son esse ad, mais de son esse iii, par lequel elle s’identifie à l’essence. Bien que les relations divines soient infiniment parfaites et, comme telles, adorables, elles n’ajoutent cependant aucune perfection à l’essence dont précisément elles tirent toute leur perfection. Citons : Chez les dominicains : Capréolus, In I am Sent., dist. XXVIII, a. 1, ad 2um, contr. 5 concl. ; Silv. de Ferrare, Cont. Gentes, t. II, c. ix ; Cajétan, q. xxviii, a. 2, ad 3 un > ; Ripa, q. xxviii, a. 2, dub. n ; Nazarius, q. xxviii, a. 2, controv. 2 ; N. Arnou, q. xxviii, a. 3, c. iv, § 1-4 ; Godoy, q. xxviii, tract. X, disp. LXXVIII, § 3-4 ; Gonet, tract. VI, disp. III, a. 5, § 1-4 ; Billuart, dissert. III, a. 5. Chez les scotistes, à la suite de Scot, In / um Sent., dist. VIII, q. iv, n. 23 et Quodl. v, q. v : Rada, controv. xxvii ; Mastrius, In I am Sent., disp. VII, q. i, a. 1-4 ; Frassen, disp. II, a. 2, q. m ; Montefortino, q. xxviii, a. 2, q. n ; Henno, disp. II, q. iii, concl. 2. On n’oubliera pas cependant que cette concordance accidentelle du scotisme et du thomisme laisse subsister les divergences plus considérables signalées ailleurs, col. 1749. Les Salmanticenses se rattachent à cet enseignement, disp. VI, dub. ii, § 1-15. Chez les jésuites : Molina, q. xlii, a. 6, disp. II, concl. 2 ; Bellarmin, De Christo, t. II, c. xii ; Becan, De Trinitate, c. ii, q. vi ; Billot, th. xxxix ; Kleutgen, n. 1083.

4. Nombre et distinction des relations divines (q. xxviii, a. 3, 4). —

Tous s’accordent à reconnaître en Dieu quatre relations réelles subsistantes et seulement trois personnes. On a indiqué ici, Relations, col. 2149-2150, les degrés de certitude de cette affirmation en la décomposant en ses éléments. Il serait superflu d’y revenir.

Les personnes considérées en commun (q. xxixxxxii). —

1. Personnes et relations divines. —

La définition que Boèce a donnée de la personne : « substance individuelle de nature raisonnable » est, en général, acceptée de tous ; mais on la complète par l’idée d’incommunicabilité (q. xxix, a. 1). On n’a pas à revenir sur l’exposé fait à Hypostase, t. vii, col. 409 sq. ; mais à dessein, nous laissons de côté, dans cette synthèse de l’enseignement catholique, les notions hétérodoxes relevées à Hypostase, col. 424-436, dont il a été fait, plus haut, col. 1793, mention suffisante. On rappellera d’un mot que les théologiens à la suite de saint Thomas (a. 2) ont approfondi la notion de prrsonne à l’aide des notions d’essence, d’hypostase et de subsistence. Cf. Hypostase, col. 408. Depuis le concile de Florence, seule la notion de subsistence a été l’occasion d’un progrès (très relatif d’ailleurs) d’ordre théologique. L’exposé philosophique du mystère de l’incarnation a incité certains théologiens, comme Cajétnn tt Suarez, à concevoir la subsistence comme un mode substantiel, se surajoutant à la substance cllt -même, tandis ( ; u’au xviie siècle, le jésuite Tiphaine revenant presque à la conception scotiste ne voulut y voir que la substance concrète considérée dans sa totalité. Sur ces conceptions, outre l’article Hypostase, col. 411-42°, voit Th. de Régnon, lUudes, t. I, p. 20 1 sq, Les répercussions de cet systèmes dans le problème trinitaire sont de moindre importance, mai. se traduisent néanmoins par des nuances non négligeables.

En premier lieu, on constate cette répercussion à propos de l’élément constitutif de la personne divine. Voir Relations, col. 2152. Mais les nuances qui divisent les théologiens apparaissent ici plutôt verbales et, partant, rendent assez délicat le classement des auteurs. À l’art. Relations, nous avons essayé de les grouper en deux tendances. Le problème plus mûrement examiné, nous serions incité à les répartir en trois classes : 1° Ceux qui admettent que l’esse ad implique par lui-même une réalité : en conséquence, ces auteurs ne voient pas la nécessité de placer le constitutif de la personne ailleurs que dans cet esse ad. C’est ainsi qu’aux côtés de Durand de Saint-Pourçain se rangent Suarez et tous ceux qui se rattachent à la métaphysique suarézienne de la relation. Citons : Amigo, disp. XX, n. 55 ; Pesch, n. 602 et P. Galtier. — 2° Ceux qui admettent que l’esse ad n’exprime par lui-même aucune réalité, mais que cette réalité vient de l’esse iii, et ils se subdivisent en deux catégories. Les uns placent le constitutif de la personnalité divine formellement dans l’esse ad ; toutefois, disent-ils, cet esse ad peut être considéré en tant que relation supposant à relation, et sous cet aspect il distingue seulement les personnes ; mais l’esse ad peut être aussi considéré comme le sujet se référant à un autre sujet ; et, sous cet aspect, il constitue la personne. Solution de Cajétan, q. xl, a. 1 ; de Jean de Saint-Thomas, disp. XVI, a. 1, n. 24-25 ; de Gonet, de Billuart, dissert. VI, a. 2. D’autres, tout en partant du même principe, admettent plus simplement et avec moins de subtilité que la personne est constituée en Dieu par la relation considérée comme subsistante ; donc, par l’esse ad connotant l’essence divine avec laquelle il s’identifie dans l’esse in. Solution de Bafiez, q. xl, a. 3, concl. 1 ; des Salmanticenses, disp. XVIII, dub. iv, § 3-6 ; de Capréolus, In I am Sent., dist. XXVI, q. i, § 3 ; de Silvestre de Ferrare, qu’on retrouve chez Billot, A. d’Alès, van der Meersch, etc. On comprend que les théologiens partisans de cette deuxième solution trouvent entre leur théorie et celle de Suarez une certaine affinité. Aussi les Salmanticenses, loc. cit., n. 68, rapprochent de Silvestre de Ferrare Vasquez, disp. CXXVII, c. ii, Suarez, loc. cit., Ruiz, disp. XXXII, sect. vu et alii plures, tam inira quam extra scholam divi Thomæ.

En second lieu, en fonction de leurs systèmes particuliers, les théologiens ont agité le problème de la subsistence absolue et des subsistenecs relatives en Dieu. On n’a rien à ajouter à ce qui a été dit à Relations, col. 2153-2155.

2. Pluralité des personnes en Dieu (q. xxx, a. 1-4).

La pluralité des personnes en Dieu n’apporte aux théologiens presque aucun élément de désunion. Il est trop évident, étant donnée la Révélation, qu’il faut placer en Dieu plusieurs personnes distinctes (a. 1), qu’il n’y a que trois personnes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit (a. 2) et que ce nom de personne est commun aux trois, non certes comme le genre ou l’espèce sont communs aux individus, mais comme indiquant en Dieu d’une manière vague — la seule que nous puissions avoir en parlant de Dieu — l’individualité caractéristique de la personnalité (a. 4). Deux points seulement ont pu retenir leur attention.

Ils se demandent d’abord pourquoi en Dieu trois personnes seulement, alors qu’on compte quatre relations subsistantes. Mais tous l’exposent en rappelant la règle promulguée a Florence : aucune distinction possible en Dieu là où n’intervient pas’opposition des r. lations. I.a spiration active étant commune au Père et au Fils ne peut constituer une personne. Ainsi s’expriment les commentatean de la q. xxx, a. 2, ad 1°". Le fait que la’piration active s’identifie avec la paternité et la filiation la constitue relation personnelle ; mais le fait qu’elle ne s’oppose pas à ces deux relations l’empêche d’être personne distincte dans sa subsistence propre. Cf. Suarez, t. V, c. viii, n. 5-6.

Ils se demandent ensuite, en commentant l’a. 3, quelle idée expriment les termes numéraux relativement aux personnes qu’ils désignent. Tous admettent avec saint Thomas (q. xxx, a. 3) qu’ils n’ont qu’une signification transcendantale ; ils « signifient simplement les personnes dont on les affirme, en y ajoutant simplement une négation », la négation de l’identité d’une personne avec les deux autres personnes. Cette signification transcendentale est sauvegardée dans l’expression « trinité », employée pour désigner les trois personnes dans l’unité de nature et, par sa forme même, excluant la signification quantitative du terme « triple », qu’il n’est pas permis d’employer (a. 1). C’est pour avoir manqué à ces règles de langage que les jansénistes de Pistoie ont mérité un blâme en parlant d’un Dieu « distinct en trois personnes » au lieu d’un Dieu en trois personnes distinctes. Denz.-Bannw., n. 1596. Cf. ici t.xii, col. 2222

Ces affirmations communément admises sont cependant le point de départ de subtiles discussions, sur lesquelles il est impossible de s’arrêter. Les Salmanticenses ne leur consacrent pas moins d’une disputatio (la Xe) en 5 dubia. On pourra s’y référer. Saint Thomas et les commentateurs se contentent d’y rattacher quelques brèves discussions sur l’emploi de substantifs et d’adjectifs et notamment des mots alius et solus en parlant de la Trinité. La doctrine reçue a été exposée à Noms divins, t. xi, col. 790, 791-793 ; cf. t. i, col. 282-283. On consultera également Jean de Saint-Thomas, disp. XIV, a. 4.

3. Connaissance des personnes divines (q. xxxii). —

En commentant la q. xxxii, les théologiens rappellent à la suite de saint Thomas, que le mystère de la sainte Trinité est un mystère proprement dit, inaccessible à la raison humaine. Ils font en général le procès des auteurs du Moyen Age qui ont voulu entreprendre une démonstration rationnelle du mystère ; ils interprètent cependant en bonne part Richard de Saint-Victor et surtout saint Anselme. Saint Thomas avait brièvement parlé de la doctrine platonicienne du Verbe, a. 1, ad l um. C’est surtout à la fin du xixe siècle et au début du xxe que nos théologiens ont mis au point cette question. Voir Fils de Dieu, col. 23792386, avec les références bibliographiques.

On a vu que plusieurs auteurs du xixe siècle, en Allemagne et en Italie, col. 1794 sq., avaient tenté de reprendre une démonstration rationnelle de la Trinité. La théologie catholique n’a pas manqué d’adapter à la réfutation de leurs tentatives la doctrine traditionnelle transmise par saint Thomas et les autres docteurs : Franzelin, Kleutgen, Pesch, Janssens s’en sont inspirés dans leurs controverses.

Un autre passage de saint Thomas a retenu l’attention des commentateurs ; c’est l’ad 2um, qui justifie certaines raisons de convenance apportées pour prouver le mystère. Elles montrent simplement qu’une vérité posée, admise, reconnue, s’accorde avec la raison, l’expérience, les faits. C’est ainsi que saint Thomas interprète en bonne part les raisonnements de l’école bonaventurienne touchant la bonté divine qui doit se manifester nécessairement dans la procession des personnes ineffables ; ou encore la possession d’un bien non partagé qui ne saurait rendre heureux. Signalons les heureuses applications faites des raisons de convenances par Bossuet, Sermon pour la fête de la Très Sainte Trinité (l’Église, image de la Trinité), éd. Lebarq, t. ii, p. 48 sq. ; Élévations sur les mystères, 2e semaine (en entier) ; 12e semaine, viii-x ; Méditations sur l’Évangile, La Cène, I" partie, 5 « , 6e, 84e 86e jours (sur les fêtes) ; 2e partie, 19 « -25e jours (sur le Saint-Esprit), 58e -59e jours (unité du Père et du Fils ; unité des fidèles dans le Christ) ; 70e -71e jours (la Trinité par rapport à nous). Voir aussi Monsabré, Conférences de Notre-Dame, carême 1874, conꝟ. 10 et 11.

Enfin, un certain nombre de théologiens, cf. Billot, th xv, ad 3um, rattachent à cette question de la connaissance de la Trinité le fait que Dieu a créé l’âme humaine à l’image de la Trinité et que les êtres inanimés eux-mêmes en présentent des vestiges. Cette question a d’ailleurs été traitée par saint Thomas dans la Somme, I », q. v, a. 5 ; q. xlv, a. 7 ; q. xcvii, a. 5-8. C’est aux commentaires de ces questions qu’il faudra se reporter. Cette similitude d’image est très réelle, même quant aux propriétés des personnes divines (se rappeler la théorie psychologique de saint Augustin ) procédant selon l’intelligence et la volonté, mais elle ne nous est pas connue avant la révélation du mystère et, dès lors, ne saurait nous mettre sur le chemin d’une connaissance certaine de la Trinité. Billot, th. xv, se référant à saint Thomas, In Boetium, De Trinitate, q. i, a. 4, ad 6um ; cf. Taymans d’Eypernon, Le mystère primordial, Paris, 1946.

La connaissance par voie de raisonnement étant impossible, il est dom nécessaire, concluent nos théologiens, de recourir à la voie de la révélation. Et c’est ici que les commentateurs de la lettre de saint Thomas intercalent les données de la théologie positive, scripturaire et patristique. V. g. Billot, th. xv, p. 490-527.

4. Les notions divines (q. xxxii, a. 2-4). —

On se référera à l’art. Notion (dans la Trinité), t. xi, col. 802-805. Les notiois sont les notes ou propriétés par lesquelles nous discernons une personne de l’autre dans la Trinité. Il est donc logique que leur étude intervienne ici dans la connaissance des personnes divines.

Il est à remarquer que, dans l’a. 4 de cette question, saint Thomas déclare que la doctrine des notions divines n’appartient à la foi qu’indirectement et qu’ainsi elle laisse une certaine liberté aux opinions. C’est ce qui explique certaines divergences chez les théologiens quant à l’appréciation des notions et des propriétés en Dieu. Voir art. cit., col. 803-804. Cf. Suarez, 1. VII. C’est surtout sur la notion d’innascibilité que portent les controverses, dont on aura un aperçu très suffisant dans la disp. XI des Salmanticenses et dans Jean de Saint Thomas, disp. XIV, a. 3. On rapprochera de cette question sur les notions divines la q. xli sur les actes notionnels, dont un aperçu a été donné, Notion, col. 804-805. Ces questions sont généralement peu commentées ; voir cependant Suarez, 1. VI.

Les personnes considérées en particulier. —

1. Le Père (q. xxxiii). —

On se reportera à l’art. Père, où se trouve exposée la doctrine des théologiens relativement aux noms de * principe », de « Père », d’ « inengendré », propres à la première personne. Voir t.xii, col. 1188-1192. C’est surtout au point de vue de la révélation et de la tradition patristique que la personne du Père est étudiée. Voir Petau, t. V, en entier ; Thomassin, c. x-xv. À la personne du Père, Petau rattache la question de la génération du Fils (c vivm ) et Thomassin l’explication du texte Pater major me est. Suarez consacre au Père tout le livre IX.

2. Le Fils (q. xxxiv-xxxv). —

a) Le Fils est vraiment engendré, voir Fils de Dieu, col. 2471-2473, et plus haut, col. 1809. On l’appelle aussi Verbe ou Image. Cf. Petau, t. VI, c. i-m, v-vn. C’est sur ces deux expressions, auxquelles saint Thomas a consacré deux questions, que portent principalement les commentaires théologiques.

b) À propos du « Verbe », les commentateurs de la question xxxiv, a. 1-2 (à part de rares exceptions, cf. Antoine, De Trinitate, t. ii, a. 6) déclarent qu’il faut abandonner le concept de certains anciens théologiens et même de saint Thomas dans sa jeunesse (In 7um Sent., dist. XXVIII, q. ii, a. 2) accordant au mot « verbe » une signification essentielle, que saint Thomas, dans la Somme, a définitivement répudiée. La connaissance commune aux trois personnes ne se termine pas, en effet, au Verbe ; c’est la connaissance du Père qui, véritable diction, produit le Verbe personnel. Cf. Ruiz, disp. LX, sect. VI. Ce qui n’empêche pas les théologiens de dire que Dieu voit toutes les créatures, ou que les élus, par la vision intuitive, les connaissent dans le Verbe, Verbe étant pris ici pour l’essence divine. Cf. Vasquez, disp. II, c. ii-m ; Platel, De Deo, n. 78 ; Piccirclli, De Deo uno et trino, n. 495 ; Pesch, n. 522 ; Billot, th. xxii. Ainsi, avec saint Thomas, a. 3, il est juste de dire que le Verbe est la cause exemplaire de toutes choses, en raison de l’essence absolue qui lui est commune avec le Père et le Saint-Esprit. Cette causalité exemplaire est une appropriation, tout comme au Père est attribuée la causalité efficiente et au Saint-Esprit la causalité finale. Sur les appropriations dans la Trinité, voir, outre l’art. Appropriations, t. i, col. 1171-1177, Ruiz, disp. LXII, c. iv et vu ; Salmanticenses, q. xxxix, a. 8 (simple note) ; Franzelin, th. xiii ; Scheeben, § 124 ; Hurter, n. 222 ; Kleutgen, n. 1106 ; Pesch, n. 639 ; Galtier, n. 381 ; d’Alès. p. 228233 ; Van der Meersch, n. 856 ; Diekamp-Hoffmann, p. 387 ; Billot, th. xxxiv. Au sujet de l’appropriation au Verbe de la création, ce dernier auteur fait remarquer que cette doctrine est corroborée par la ponctuation de Joa., i, 3-4 : sine ipso jactum est nihil. Quod factum est in ipso vita erat., ponctuation peut-être plus traditionnelle que celle de la Vulgate. Th. xxii, ad 2 U1B, note. Voir art. Verbe.

c) Puisque la procession du Fils est dans l’ordre du « connaître » divin, les théologiens se sont demandé quel est l’objet de cette connaissance, lorsque le Père, de toute éternité, produit le Fils (q. xxxiv, a. 3). La réponse obvie semble bien être que le Verbe procède selon la connaissance que Dieu a nécessairement de toutes choses, c’est-à-dire de la connaissance de l’essence divine et de ses attributs, des personnes divines, et de tous les possibles et, de plus — mais cela d’une manière simplement conséquente au décret libre de Dieu touchant la création — de la connaissance des choses créées. Cf. Dickamp, § 18, n. 2. Les théologiens ont voulu cependant apporter quelques précisions à cette doctrine générale, précisions auxquelles lis Salmanticenses consacrent toute la disp. XII, n. 1-131. Si l’on veut résumer brièvement les opinions, on s’en tiendra au schéma suivant : a. Tous, sans exception, admettent que le Verbe procède de la connaissance de l’essence divine et des attributs. Mais s’en tiennent là Scot et les scotistes. In /" Sent., dist. XXXII, q. i ; In II am Sent., dist. I, q. i, a. 2 : Verbum procederee cognitione ipsius essentiæ divinee tantum et non ecognitione divinarum personarum. Frassen s’efforce cependant de montrer que Scot est d’accord avec les thomistes, Scotus academicus, tract. III, disp. I, a. 3, q. ii, concl. 2. — b. Vasquez, à la connaissance de l’essence, ajoute celle du Père et du P’ils, mais non celle du Saint-Baprft et dis créatures possibles ou réelles. Disp. CXI. II et CXLIII. — c. Le même Vasquez, disp. (XI. III, n. 33 et Arrubal, disp. CCXII, c. v, affirment que la procession du Verbe n’implique pas, en soi, la connaissance des choses possibles, Dieu connaissant sa toute-puissance, non par rapport à son objet, mais par rapport à la perfection même qu’elle implique.

— d. Enfin, la plupart des thomistes ne conçoivent pas que la procession du Verbe implique, par elle-même, la connaissance des créatures : les créatures ont été librement voulues par Dieu et réalisées dans le temps. Cependant, on peut admettre que cette connaissance est concomitante ou conséquente au décret éternel relatif à la création. Salmanticenses, loc. cit., n. 128131 ; cf. Gonet, disp. IX, a. 3, § 1 ; Billuart, dissert. V, a. 3 ; Hugon, Tractatus dogmatici, t. i, q. vii, n. 4. Suarez, qui suit ici les thomistes, n’accepte la connaissance des choses créées qu’au titre de « fondement matériel » et non au titre d’ « objet matériel » de la science de vision, t. IX, r. vu. Molina et Vasquez sont sur ce point d’accord avec Suarez. Aussi d’autres thomistes disent-ils simplement que la procession du Verbe implique également la connaissance des créatures. Billot, th. xxiii ; Janssens, p. 508 ; van der Meersch, n. 772-773 ; Galtier, n. 336-337. Saint Thomas n’écrit-il pas expressément : Pater, intelligendo se, et Filium, et Spiritum Sanctum, et omnia alia, quæ ejus scienlia continentur, concipit Verbum, q. xxxiv, a. 1, ad 3um ? Sur tous ces points, voir outre les Salmanticenses. loc. cit., Sua-ez qui, au t. IX, donne un bon aperçu d’ensemble des controverses et L. Janssens, De Deo trino, p. 496 sq. Pour les sources patristiques, voir Ruiz, disp. LX, sect. iv-v ; LXII, sect. n ; LXIII, sect. ni.

d) L’image est un terme personnel, propre au Fils (q. xxxv, a. 1-2). Cf. Salmanticenses, disp. XIII. Les théologiens précisent ici deux points : a. La notion d’image est appliquée au Fils par Col., i, 15 ; cf. Hebr., i, 3 ; et par bien des Pères, voir Petau, loc. cit., c. v et vi. Elle convient proprement à la divinité, c’est-à-dire au Fils. Voir ici Fils de Dieu, col. 2474-2475, nonobstant l’opinion contraire, aujourd’hui abandonnée, de Durand de Saint-Pourçain, In J um Sent., dist. XXVIII, q. iii, n. 5, que réfutent les Salmanticenses, loc. cit., dub. i, § ii. — b. Mais la notion d’image a été aussi appliquée au Saint-Esprit, surtout par les Pères grecs. On cite surtout Grégoire le Thaumaturge, Expositio fidei, P. G., t. x, col. 985 A ; S. Athanase, Ad Serapionem, i, n. 20-24, t. xxvi, col. 577, 588 B ; S. Cyrille d’Alexandrie, Thésaurus, assert. 33, t. lxxv, col. 572 AB ; S. Basile, De Spiritu sancto, n. 23 et 47, t. xxxii, col. 109 B, 153 A ; S. Jean Damascène, De fide orth., t. I, c. xiii, t. xerv, col. 856 AB. Cf. Petau, t. VII, c. vu ; de Régnon, t. iii, p. 320 sq. ; d’Alès, p. 143, 145-146. Par sa procession, en effet, le Saint-Esprit est semblable au Père et au Fils. Telle est l’explication donnée de cette formule par saint Thomas, Cont. errores Grsecorum, c. x. On trouve quelque écho de cette doctrine chez Capréolus, In I" m Sent., dist. XXVI, q. ii, concl. 6° ; et chez P. Auriol, voir ci-dessus, col. 1 750. Nos théologiens font observer que le terme d’image ne peut être appliqué au Saint-Esprit que d’une manière impropre : au sens strict l’image n’est telle que lorsque la ressemblance avec l’original lui vient en vertu de son origine même ; ce qui est le cas pour le Fils, engendré du Père en une nature semblable, et non pour l’Esprit Saint, chez qui la ressemblance est réalisée pour ainsi dire per accidens relativement à la spiration. Cf. Salmanticenses, disp. XIII, dub. n ; Ruiz, disp. LXIV, sect. vi ; Pesch, n. 588.

3. Le Saint-Esprit (q. xxxvi-xxxviii). —

a) Le nom du Saint-Esprit, donné dès le début du christianisme à la troisième personne, indique bien la procession selon la volonté : Le substantif Spiritus implique, dans les choses matérielles, l’idée d’impulsion, de mouvement… Or, le propre de l’amour est de pousser et d’entraîner la volonté vers l’objet aimé. Quant au mot « saint », il s’applique à tout ce qui a Dieu pour but et la troisième personne procède par mode d’amour. Le nom d’Esprit-Saint lui convient parfaitement. S. Thomas, a. 1. C’est cette vérité qu’expriment unanimement l’Écriture, les Pères, les théologiens. Voir de Régnon, op. cit., t. iv, p. 287-384.

Deux autres noms ont été choisis pour désigner l’Esprit-Saint : Amour et Don. L’Esprit-Saint est dit « Amour » (q. xxxvii, a. 1-2) par application du texte de saint Paul : « L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné. » Rom., v, 5. L’amour est une impulsion de celui qui aime vers l’être aimé. Or, le Père et le Fils ne peuvent s’aimer sans produire le Saint-Esprit qui est l’expression personnelle de leur amour, comme le Verbe est l’expression personnelle de la pensée du Père. — Enfin il est dit « Don » (q. xxxviii, a. 1, 2) et ce nom est emprunté à plusieurs textes de l’Écriture, Act., ii, 38 ; vin, 20 ; II Cor., i, 22 ; v, 5 ; Eph., i, 14 ; Rom., viii, 15-16. Ce nom est personnel au Saint-Esprit, comme l’Image l’est au Verbe, en tant qu’il marque dans le Saint-Esprit l’origine première de toutes les communications surnaturelles faites aux créatures. Cf. Petau, t. VIII, c. m.

Sur les autres appellations métaphoriques du Saint-Esprit : le « nœud » du Père et du Fils (S. Augustin, De Trinitate, t. VI, n. 5, P. L., t. sur, col. 928) ; le « baiser » du Père et du Fils (S. Bernard, In Canlica, serm. viii, n. 2, P. L., t. clxxxiii, col. 811) ; la « source vive », Joa., iv, 13, 14 ; vii, 38, 39 (cf. S. Cyrille de Jérusalem, Cat., xvi, n. 12, P. G., t. xxxiii, col. 934) ; la « force de Dieu », Luc, xxiv, 49 (cf. S. Cyrille d’Alexandrie, Thésaurus, assert. 34, P. G., t. lxxv, col. 603) ; le « doigt de Dieu », Matth., xii, 28, Luc, xi, 20 (cf. Cyrille d’Alexandrie, loc. cit., col. 575) ; le « sceau » et « l’onction de Dieu » (S. Athanase, Ad Serapionem, i, n. 22, 23, P. G., t. xxvi, col. 582, 583), voir Pesch, n. 572-577 et Ruiz, disp. LXXVI. D’ordinaire, les théologiens se contentent d’énumérer ces dénominations sans les commenter longuement.

b) Le Saint-Esprit procède du Père et du Fils. —

Sur ce point, abondants sont les commentaires : la controverse dogmatique avec l’Orient donne ici aux théologiens un aliment substantiel. Consacrée par le concile de Florence (décret d’union), cette doctrine est accueillie comme un dogme de foi et exposée comme telle par tous. Voir ici Esprit-Saint, t. v, col. 762 sq., et Filioque, t. v, col. 2309 sq.

Nos théologiens latins rejettent comme téméraire la restriction jadis formulée par Durand de Saint-Pourçain, In J um Sent., dist. XXIX, q. ii, et Grégoire de Rimini, ibid., dist. XII, q. i, sur la propriété et l’exactitude du terme tanquam ab uno principio. Cf. Banez, In 7 am part., q. xxxvi, a. 4 ; Ruiz, disp. LXX, sect. i, n. 14, et tous les modernes. Mais, sous cette unité de doctrine ferme, le vieil antagonisme des opinions persiste. Si le Saint-Esprit ne procédait pas du Fils, s’en distinguerait-il réellement ? La réponse communément reçue le nie : n’est-ce pas l’opposition des relations qui fait en Dieu la distinction des personnes ? C’est là, on l’a vii, le sentiment de saint Thomas, qu’appuie l’immense majorité des théologiens de toute école, même Suarez, à qui cependant une conception particulière du principe « spirateur » suggère quelques hésitations. Cf. Salmanticenses, disp. XV, dub. m et iv. D’ailleurs l’hypothèse contraire, envisagée par Scot et quelques nominalistes, n’est qu’une hypothèse et ne mérite pas qu’on s’y arrête. Salmanticenses, loc. cit., dub. iii, n. 71-150 ; Jean de Saint-Thomas, disp. XV, a. 3, n. 21 sq. C’est au point de vue nettement dogmatique que Gonet a repris le problème, en fonction de la position des Grecs qui affirment énergiquement que le Saint-Esprit procède du seul Père et que néanmoins il se distingue du Fils. L’art. 1 de la disp. X, consacré à ce sujet, est à lire attentivement ; il constitue un heureux mélange de la théologie spéculative et de la théologie positive, si complètement développée par Petau, 1. Vil, c. ix.

c) Le Saint-Esprit, amour commun du Père et du Fils (q. xxxvii, a. 2). —

La procession du Saint-Esprit ab ulroque, selon la volonté, est une procession d’amour. Les théologiens se posent une question : comment envisager, au point de vue personnel, ce mutuel amour du Père et du Fils ? Le meilleur commentaire qui ait été fait de cette q. xxxvii, a. 2, est peut-être celui de Jean de Saint-Thomas, disp. XV, a. 5.

Des cinq manières dont saint Thomas déclare qu’on peut entendre cette affirmation, on doit en retenir surtout deux : l’amour en Dieu peut être ou essentiel ou notionnel. Pris essentiellement, l’amour en Dieu est absolu et commun aux trois personnes. Et, en ce cas, le Saint-Esprit ne peut être l’amour mutuel du Père et du Fils, puisque c’est par leur essence que s’aiment le Père et le Fils. C’est donc notionnellement que doit être entendu l’amour mutuel producteur du Saint-Esprit. S’aimer, en ce sens, n’est donc pas autre chose, pour le Père et le Fils, que « spirer », c’est-à-dire être le principe unique dont procède l’Amour-personne, comme « dire » n’est pas autre chose que produire le Verbe. Voir Suarez, t. XI, c. m ; Salmanticenses, disp. XVI, dub. i ; Jean de Saint-Thomas, loc. cit., n. 3-4 ; Franzelin, th. xxix, § 3 ; cf. J. Slipyj, Z)e amore mutuo et reflexo in processione Spiritus sancti explicando, dans Bohoslavia, Lwov, 1923, p. 97 sq.

Puisque la procession du Saint-Esprit est dans l’ordre de l’amour, les théologiens se sont demandé quels sont les objets de cet amour. Mêmes hésitations et divergences se retrouvent ici, que nous avons trouvées à propos de l’objet de la connaissance dont procède le Verbe. Voir ci-dessus, col. 1817. Cf. Ruiz, disp. CXI, sect. n-vi ; Suarez, t. XI, c. ii-m ; Salmanticenses, disp. XV, dub. vi ; Billot, th. xxviii et corollaire ; Pesch, n. 570-571.

d) La procession du Saint-Esprit par le Fils. —

Les théologiens se sont demandé si la formule grecque « procéder du Père par le Fils » était admissible. Saint Thomas l’avait interprétée bénignement. I », q. xxxvi, a. 3. Suarez montre en quel sens elle peut être retenue. L. X, c. iii, n. 4 sq. Franzelin apporte encore plus de précisions, th. xxxvi. Voir Salmanticenses, disp. XV, dub. i, § 1 ; Kleutgen, n. 1000-1010 ; Pesch, n. 541543 ; Diekamp-Hoffmann, § 19, p. 369 ; Billot, th. xxvi, ad 2um ; L. Janssens, p. 595-601.

Nous laissons délibérément de côté certaines questions plus subtiles agitées à propos de la procession du Saint-Esprit, nous contentant de renvoyer aux Salmanticenses, disp. XV, dub. m-v ; à Jean de Saint-Thomas, disp. XV, a. 4 ; à Suarez, t. X, c. m-vi ; à Ruiz, disp. LXXI.

Rapports des personnes à l’essence (q. xxxix). —

Cette question de la Somme est assez brièvement commentée par les théologiens. En réalité elle constitue soit une simple conclusion de ce qui a été dit touchant la relation subsistante en Dieu, soit des applications pratiques concernant la terminologie à retenir.

1. Conclusions des principes touchant la relation subsistante en Dieu. —

Puisqu’en Dieu personne et essence s’identifient dans la réalité, il faut se garder d’envisager l’essence divine par rapport à la personne, comme nous le faisons quand il s’agit des objets de notre connaissance sensible. En ceux-ci, nous considérons l’essence concrète et réalisée non comme un individu subsistant, mais comme un principe de subsistence, laquelle se réalise par l’existence propre, distincte des autres existences. Si nous voulons concevoir l’essence divine telle qu’elle est concrètement, nous ne pouvons la concevoir, au contraire, que comme une essence subsistante en soi. C’est la seule manière de conserver intacte la doctrine scolastique de la relation subsistante, réelle grâce à son identité avec l’essence. Si donc nous comparons en Dieu personne et essence, c’est par une sorte d’abstraction, tout entière conforme aux exigences de notre esprit et nullement fondée dans une exigence de la réalité. Il faut toutefois maintenir que les relations réelles qui constituent les personnes, réelles grâce à leur identité avec l’essence, sont cependant distinctes entre elles, en raison de leur opposition. A. 1. Il s’ensuit donc que, tout en se distinguant entre elles, les personnes ont la même essence. A. 2.

2. Terminologie. —

De là suivent les règles concernant l’emploi des termes essentiels abstraits et concrets. A. 3-7. Se reporter à Noms divins, t. xi, col. 790, 791-792, et à Abstraits et concrets (Termes), t. i, col. 282. Enfin, ces principes sont nécessaires pour justifier certaines appropriations aux personnes des noms essentiels ; voir Noms divins, col. 790-791 et Appropriation, t. i, col. 1708.

Rapports des personnes avec les relations ou propriétés (q. xl). —

C’est encore par une sorte d’abstraction que nous pouvons faire cette comparaison. La relation ou la propriété (paternité, filiation, spiration ) n’est plus considérée ici comme substance, mais comme une forme s’ajoutant à la personne pour la perfectionner ; c’est pourquoi nous l’envisageons non plus sous l’idée de Père, mais sous l’idée de paternité. La relation ainsi envisagée d’une manière abstraite prend le nom de propriété. Quoique s’identiflant en réalité avec la notion, la propriété existe en Dieu indépendamment de nous, tandis que la notion répond à une question de notre intelligence. Cf. Notion, t. xi, col. 803.

Au sujet des propriétés divines, les théologiens posent trois problèmes qu’on résumera ici brièvement.

1. L’existence des propriétés, paternité, filiation, procession, est admise par tous et considérée comme une vérité si certaine que l’assertion opposée (autrefois soutenue par Prévostin) doit être considérée comme une témérité ou une erreur. La propriété, en effet, est affirmée par les conciles comme distinguant les personnes. Voir IVe concile du Latran, Denz.-Bannw. , n. 428 ; concik de Tolède, 17>j’d., n. 275 sq. C’est qu’en réalité ces propriétés s’identifient avec les personnes ; mais, par une abstraction de notre esprit, « nous les considérons comme des formes individuelles constituant les personnes, en tant que la personne est prise pour un être subsistant en une nature commune ». Billot, th. xxxv. Cf. Salmanticcnses, disp. XVIII, dub. i.

2. Propriétés absolues ou relatives ? —

Il s’agit ici évidemment de propriétés relatives, puisque, selon notre manière de comprendre, elles servent à constituer et à distinguer les personnes. Doctrine unanimement enseignée aujourd’hui, contre l’opinion de quelques anciens scolastiques, Robert Grossetête, Jean de Ripæt autres. Voir col. 1731. Toutefois, il existe une propriété relative non personnelle, c’est la spiration active, commune au Père et au Fils. S. Thomas, a. 1, ad l nm ; Jean de Saint-Thomas, disp. XV, a. 4 ; Billot, th. xxxv, corollaire.

3. Comment les propriétés relatives distinguent les personnes. —

Il est préférable de dire que c’est non seulement par leurs origines, mais encore par leurs relations opposées. Sans doute, en réalité, c’est l’origine qui fait la relation ; mais, selon notre manière de concevoir, l’origine s’exprime comme un acte, la relation comme une forme. L’acte n’apparaît pas à notre reprit comme constitutif de la personne ; la forme ko contraire est intrinsèque à l’être. Les adversaires « le cette doctrine était nt Hichard de Saint-Victor et saint Bonaventure, qui ne veulent voir dans les propriétés Bf des relations d’origine. Cf. Salmantlcenses, disp. XVIII ; Suarez, t. VI, c. i, vi-vn ; 1. VII en entier ; controverse suffisamment résumée, dans Billot, th. xxxvi.

Les personnes comparées aux actes notionnels (q. xli). —

Voir ici Notion, t. xi, col. 802-805. Les Salmanticenses se contentent de quelques notes ajoutées au texte de saint Thomas. Suarez est plus prolixe, cꝟ. t. V, c. ix-x ; t. VI, c. m-v ; Jean de Saint-Thomas, disp. XIV, a. 3 ; disp. XVI, a. 1 et 2 ; Billot, th. xxxvii, xxxviii.

Comparaison des personnes entre elles (q. xlii). —

Cette comparaison établie en vertu des principes métaphysiques de la relation subsistante, fait ressortir la parfaite égalité des personnes : aucune perfection ne peut se trouver en une qui ne se rencontre dans l’autre ; également puissantes, également éternelles, puisqu’identiques par leur essence (consubstantielles), elles ne se distinguent que par l’opposition de leurs relations. C’est à la fois la doctrine de la consubstantialité et de la circumincession des personnes divines. Voir ces deux mots. Doctrine conservée même par les théologiens qui enseignent que les relations comme telles (selon leur esse ad) comportent une certaine perfection relative. Cette doctrine explique en apparence plus facilement comment la paternité, qui est une perfection, ne se trouve pas dans le Fils, nonobstant l’égalité parfaite des personnes et leur circumincession. Mais cette explication n’est pas une difficulté spéciale dans l’opinion thomiste : selon le concept métaphysique donné de la relation par cette opinion, tout ce que la paternité représente de perfection, le Fils le possède. Mais la paternité ne saurait être dans le Fils, en raison de l’opposition relative d’origine. C’est selon l’opposition d’origine et pas autrement qu’existe en Dieu la distinction des personnes.

Quant à la circumincession, que certains théologiens présentent comme le point le plus profond du mystère trinitaire, elle n’est, on le voit, qu’une simple conclusion de la théorie des relations subsistantes. Cf. Billot, th. xli, note. Sur la circumincession, voir Suarez, t. IV, c. xv, xvi ; Pesch, n. 642 sq. ; Piccirelli, n. 1357 sq. ; Galticr, n. 387-389 ; d’Alès, p. 249-257. Ce dernier auteur a une note philologique sur Circumincessio, intéressante à consulter. Voir A. Deneft’e, Perichoresis, circumincessio, circuminsessio, dans Zeitschr. fur kath. Theol, 1923, p. 499 sq.

La doctrine de la comparaison des personnes entre elles amène forcément, comme conclusion de la synthèse trinitaire, la difficulté issue du principe d’identité comparée. On a vu comment la formule thomiste montre l’impossibilité de trouver dans le mystère de la Trinité une contradiction avec les exigences du principe d’identité. Voir Relations, col. 2155-2156. Scot pense éviter la difficulté grâce à la distinction modale ex natura rei. Cependant Suarez et Molina, qui admettent dans la relation comme telle une véritable perfection, apportent des solutions décevantes, voir col. 2155. Ruiz trouve une échappatoire en se réfugiant dans la différence entre l’infini et le fini. Voir t. xiv, col. 165. C’est le cas de répéter ici ce que Molina disait pour justifier la science moyenne : O altitudo diviliarum sapientise et scientiæ Deil Sur toutes ces solutions, voir E. Buytærs, Le principe d’identité comparée et le mystère de la Trinité, dans Rev. augustinienne, t. i, 1909, p. 729 sq.

10° Appendice : l’unité d’opération de la Trinité « ad extra ». —

L’article suivant sur les missions visibles et invisibles des personnes divines serait moins facilement intelligible, si nous n’ajoutions ici quelques indications doctrinales sur l’unité d’opération de la Trinité ad extra. Voir Ad intra, ad extra, t. i, col. 398.

Il n’est pas rare, en effet, que la Saintc-Fcril ure elle-même approprie aux personnes de la Trinité certaines opérations ad extra : au Verbe, la création, Joa., i, 3 ; Hcbr., i, 10 ; a l’Fisprit-Saint, l’incarnation, Matth., i, 18, 20 ; Luc, i, 35 ; la continuation de la rédemption, Joa., xiv, 16, 17 ; Rom., v, 5 ; I Cor., xii, 11 ; l’inspiration des Écritures et des prophètes, II Petr., i, 21. Il est impossible cependant de rapporter ces opérations diverses à une personne déterminée. Le dogme catholique exige que toute opération divine ad extra, émanant de la nature divine comme telle, soit numériquement une, comme la nature elle-même.

Les conciles sont formels sur ce point. Après le symbole Quicumque qui, professant que le Père est tout puissant, le Fils tout puissant, le Saint-Esprit tout puissant, refuse cependant de reconnaître en Dieu trois tout puissants et ne confesse qu’un seul tout puissant, les conciles I er du Latran, XIe de Tolède, IVe du Latran, et le concile de Florence (dans le décret pro Jacobitis) sanctionne sous diverses formes l’unité d’opération ad extra de la part des personnes divines. Denz.-Bannw., n. 39, 254, 284, 428, 704. L’erreur contraire devait même être directement condamnée au concile du Vatican. Voir le schéma, Coll. Lac., t. vii, col. 554 ; ci-dessus, col. 1798.

1. L’Écriture elle-même enseigne que le Père, le Fils et l’Esprit-Saint opèrent en toutes choses par une seule et même opération. Cf. Joa., v, 17, 19, 21, 22 ; I Cor., xii, 4-7. Les textes de Matthieu et de Luc rapportant au Saint-Esprit l’œuvre de l’incarnation ne sont d’ailleurs pas aussi expressifs qu’ils paraissent dès l’abord en faveur de l’appropriation. L’Esprit-Saint s’y trouve indiqué sans l’article. Et, de plus, les interprétations des anciens Pères sont si divergentes qu’on pourrait plutôt en conclure une confusion des personnes qu’une appropriation. Voir A. d’Alès, p. 275 et 98-99.

2. Les Pères, non seulement nient qu’une personne divine puisse agir séparément, mais ils affirment catégoriquement que l’opération des trois est une comme une est leur nature. De là, fréquemment, chez les Grecs, cette formule : le Père, par le Fils dans le Saint-Esprit, opère toutes choses. Voici quelques références principales (indiquées par A. d’Alès, p. 275) : S. Irénée, Cont. hær., IV, xx, 1, P. G., t. vii, col. 1032 ; S. Athanase, Ad Serapionem, i, 31, t. xxvi, col. 600 D-601 A ; Cont. arianos., orat. ii, 31, col. 212 BC ; S. Cyrille de Jérusalem, Cat., xvi, 24, t. xxxiii, col. 952-953 ; S. Basile, De Spir. sancto, viii, 21 ; ix, 22 ; xvi, 37-38, t.xxxii, col.l06, 108, 133-136 ; ibid., xxii, 53, col.165 D ; Epist., clxxxix, 7, t. xxxii, col. 693 ; S. Grégoire de Nazianze, Orat., xxviii, n. 31 ; xxix, n. 11-12, t. xxxvi, col. 72 C, 116-120 ; S. Grégoire de Nysse, Quod non sint très dit, t. xlv, col. 125 D, 129 A ; De commun, not., col. 180 ; Didyme, De Trinitate, t. II, c. vii, t. xxxix, col. 529 ; S. Jean Chrysostome, In Joannem, homil. lxxxvii, n. 3, 4, t. lix, col. 471-472 ; In Rom., homil. xiii, n. 8, t. lx, col. 519 ; S. Cyrille d’Alexandrie, De Trinitate, dial. vi, t. lxxv, col. 1053-1057 ; Adv. Nestor., t. IV, c. i-ii ; t. V, c. vi, t. lxxvi, col. 172180, 240 ; S. Jean Damascène, De fide orth., t. I, c. xiv, t. xciv, col. 860 C. Chez les Latins : S. Hilaire, De Trinitate, t. II, c. i, P. L., t. x, col. 50 D-51 A ; S. Augustin, De Trinitate, t. V, n. 14, 15, t. xlii, col. 920-921 ; cꝟ. t. I, n. 5, 8, col. 824 ; Cont. serm. ar., c. xv, col. 694 ; Epist., clxiv, n. 17 et clxix, t. xxxiii, col. 716, 742-748 (en entier) ; S. Léon le Grand, Serm., lxiv, n. 2, t. liv, col. 358 C ; Victor de Vite, De persecutione vandalica, t. III, n. 12, t. lviii, col. 228 AB ; Fulgence de Ruspe, Ad Thrasimundum, t. II, c.xix-xx : t. III, c. xxxv ; cꝟ. t. II, c. xi, xv, t. lxv, col. 267-268, 300, 257-258, 263 C ; Epist., xiv, n. 10, ibid., col. 401 C.

3. La raison théologique exige qu’il en soit ainsi. Il n’y a en Dieu qu’une seule toute puissance ; il ne peut donc y avoir qu’un seul principe d’action, une seule opération. Quale esse, taie operari. D’ailleurs, la théorie métaphysique de la Trinité nous rappelle qu’en Dieu « tout est un, là où n’existe pas l’opposition des relations ". Or, dans l’opération ad extra, l’opposition des relations ne saurait exister.puisque celle-ci ne concerne que le développement intérieur de la vie divine. Cf. S. Thomas, I », q. xlv, a. 6 et surtout l’ad 2°" », où, tout en expliquant les appropriations aux personnes dans l’œuvre de la création du monde, il maintient que la puissance créatrice est, comme la nature divine, commune aux trois personnes.