Dictionnaire de théologie catholique/SCHOLARIOS Georges III. Doctrine

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 14.2 : SCHOLARIOS - SZCZANIECKIp. 29-34).

III. Doctrine.

En dressant l’inventaire de l’héritage laisse par Scholarios. nous axons été amené plus d’une fois à signaler, en passant, sa doctrine sur certaines questions théologiques. Nous n’avons pas a répéter ce qui a été dit. Par ailleurs, dans plusieurs articles de ce Dictionnaire, la pensée de notre théologien a déjà été exposée : voir les articles :
IMMACULÉE Conception, t. vu. col. 554-566 ;
Palamite (Controverse), t. xi. col. 1799-1801 ;
Péché originel » ans l’Éolisi gréco-russe, i. ii. col. 609 ;
Primauté du pape dans l’Église byzan « ne, t.xin, col. 374 ;
Purgatoire i>ans l’Église gréco-russe iprbs le concile de Florence, t. xiii, col. 1329-1331.
Notre enquête se limitera donc ici à quelques points précis, que le théologien byzantin a traités ex professo et qui présentent un véritable intérêt.

Nous parlerons du théologien, et non du philosophe : l’œuvre philosophique de Scholarios en effet n’a rien d’original. Ce que notre auteur a écrit de plus personnel en ce genre, ce sont deux livres contre (iémiste Pléthon et le commentaire du De ente et essentia. Mais là, encore, on ne trouve rien de bien nouveau.

Quant à la théologie de Scholarios. elle est sous la dépendance étroite de la scolastiquc occidentale et spécialement de la doctrine thomiste. Plie constitue, à ce point de vue, un phénomène unique dans l’histoire de la théologie byzantine dissidente. Scholarios a eu beau se défendre d’être latinophrone. Il l’est sûrement, et à un haut degré. Nous l’avons entendu, col. 1550, exprimer son admiration pour saint Thomas. Ailleurs, on lit cette exclamation : « Plût au ciel, ô excellent Thomas, que tu ne fusses pas né en Occident ! Tu n’aurais pas été dans la nécessité de prendre la défense des déviations de l’Église de là-bas. entre autres de celle qu’elle a subie au sujet de la procession du Saint-Esprit, et de celle « pii regarde la distinction entre l’essence de Dieu et son opération ; et tu serais maître impeccable en dogmatique, comme tu l’es dans ce traité de morale (la P-II*). » Cf. t. vi, p. 1. On pourrait donc résumer en gros la théologie de notre Byzantin en disant qu’il a souscrit à tout ce que contiennent les deux Sommes thomistes, à l’exception des deux points indiqués. Mais pour les détails, il y aurait plus d’une divergence à relever, parmi lesquelles viendrait en première ligne celle qui regarde l’immaculée conception, Scholarios enseignant très explicitement le dogme catholique actuellement défini.

Les questions particulières sur lesquelles la doctrine de notre auteur mérite d’être signalée se rapportent :
1° à la providence et à la prédestination ;
2° aux processions divines en général et à la procession du Saint-Esprit en particulier ;
3° aux anges ;
4° à l’origine de l’âme humaine ;
5° à la mariologie ;
6° aux sacrements en général et à l’eucharistie en particulier ;
7° aux fins dernières.

Doctrine sur la providence et la prédestination.


La doctrine développée dans les cinq petits traités sur la providence et la prédestination qui ont été mentionnés plus haut, col. 153’, peut se résumer ainsi : de toute éternité, Dieu connaît comme présent, tout ce qui a été, tout ce qui est, tout ce qui sera, y compris les déterminations des créatures libres et leurs pensées les plus secrètes. II connaît ces choses non en elles-mêmes, puisqu’elles n’ont pas une existence éternelle, mais en lui-même, en qui tout préexiste idéalement. Comment les connaît-il en lui-même ? Scholarios se contente de dire : de la manière qui lui est propre, par l’infinité de sa science et l’abondance de sa sagesse, en tant qu’il est la cause unique et première de tout. Non seulement il connaît tout à l’avance, mais il préi é c mine tout. rrpoopKei.. Rien dans le plan divin du monde n’est laissé à l’aventure ; t on I est lixé à l’avance. Mais, au moins quand il s’agit de fixer le soi i des créât uros libres, la prescience précède la prédétermination ou prédestination, rrpoopiojioç. La prédestination se divise en prédestination proprement dite, qui regarde les élus, et en réprobation, qui regarde ceux qui manquent la fin dernière. C’est le regard lixé sur sa prescience que Dieu prédestine et réprouve. El sa prescience elle-même a pour cause les déterminations

de la volonté libre, que Dieu a prévues de toute éternité à cause di’l’abondance de sa sagesse. La prédestination divine n’est doue pas la cause antécédente de la gloire des élus, car elle est précédée de la prescience, sans laquelle il ne saurait y avoir de prédestination. La prescience elle-même n’est pas la cause qui a la priorité : mais c’est parce que ceux qui auront choisi le bien par leur initiative personnelle obtiendront la lin conforme à leurs dispositions, que Celui qui connaît toutes choses avant qu’elles arrivent a prévu leur sort. Traité 111.. t. i. p. 436-437.

Ni la prescience, ni le -poop’.auéç divin ne nuisent à la liberté humaine, au moment où l’acte libre se produit dans le temps. Cette prescience et cette prédétermination éternelles n’influent en rien sur cet acte. Traité I. 20. p. 107. Car le premier élan, la première initiative vers le bien ou le mal vient de la volonté créée. Ibid., 16, p. 403. Sans cloute la grâce de Dieu est absolument indispensable pour opérer le bien : de Dieu nous vient et la volonté et le vouloir et le faire, quand il s’agit du bien ; et quand il s’agit du mal, la soustraction de la grâce concourt, cjvTpÉyst., à la production de l’acte mauvais. Ibid. Mais Dieu ne forçait pas Jean â choisir ceci ou cela ; il coopérait seulement s’jvrjpysL, pour qu’il voulût plutôt le bien par sa grâce, qui habitait en lui. Et que la grâce habitât en lui, Jean en était cause, s’étant montré digne. (Il ne s’agit point ici, d’après le contexte, d’un mérite proprement dit.) Ibid., 18, p. 403. De même, Dieu ne forçait pas Hérode à prendre tel ou tel parti à l’égard de Jean. Il a choisi librement ce qu’il a voulu. Et s’il n’a pas reçu la grâce qui l’aurait aidé à vouloir le bien, si cette grâce lui a été supprimée, c’est à cause de la mauvaise disposition de sa volonté, « parce que la lumière de la grâce ne peut pas habiter avec les ténèbres de la méchanceté volontaire », et il ne faut pas que ceux qui ont choisi librement d’être enténébrés soient illuminés, malgré eux i. Ibid., 19, p. 406. Le choix de Jean et celui d’Hérode ont été prévus par Dieu de toute éternité ainsi que la conduite que Dieu tiendrait à l’égard de chacun d’eux. Et cela a été non seulement prévu mais prédéterminé après et d’après cette prescience. Et cela s’est réalisé dans le temps conformément à ce plan. Ibid.. Cf. Traité III, 12, p. 437. Comme les choses devaient arriver et comme il était de la nature de chacune d’elles d’arriver ou d’agir, ainsi Dieu les a prévues et prédéterminées. Traité I, 20, p. 408. La grâce est dite prendre les devants, repo7)yEÏo6at, à cause de l’impuissance native de la créature ; elle est dite « suivre », la volonté libre ayant l’initiative. En réalité, la grâce et la volonté libre agissent conjointement et en même temps : c’est une ouvepvla. Mais Dieu ne fournit sa coopération pour le bien qu’à ceux qui d’abord se sont orientés librement vers le bien ; de même qu’il ne donne pas sa coopération au mal, mais abandonne à leur volonté ceux qui le choisissent. Traité III, 13, p. 437.

Le théologien byzantin, on le voit, laisse tout le mystère dans la prescience divine, pour mettre en relief la liberté de la créature. Il reste bien par là dans la ligne de la théologie grecque, quoique, en plusieurs endroits de son exposé, l’influence de la théologie occidentale, et surtout celle de saint Thomas, soit manifeste. Four lui, il se déclare d’accord avec les grands docteurs de [’Église : Denys le Grand, Athanase, les trois flambeaux de l’univers, c’est-a-dire Basile, Grégoire de Xazianze et Jean Chrysostome, Augustin, Cyrille d’Alexandrie, Théodoret, Maxime le Confesseur, Jean Damascène. Ibid., 14, p. 439 ; Traité IV, 1, p. 440. Il n’a au contraire, qu’une médiocre estime pour Anastase le Sinaïte et ne reconnaît aucune autorité à Diodore de Tarse.

Les traités II, 1Il et IV ont surtout pour but de démontrer l’universalité de la providence divine contre certaines erreurs ou certaines formules inexactes, qui avaient dès longtemps cours dans le monde byzantin. On se posait, en particulier cette question : Dieu a-t-il fixé de toute éternité, par un décret bien arrêté, le mode et le moment de la mort de chaque homme, ou bien a-t-il abandonné cet événement au hasard des circonstances et au mécanisme des lois de la nature ? Des solutions divergentes avaient été données, au i ours des siècles, tandis que saint Basile avait affirmé très clairement que rien dans le monde n’était livré au hasard et que le terme de la vie de chacun était fixé par Dieu, Diodore de Tarse et, après lui, Anastase le Sinaïte, avaient nié l’existence d’un pareil décret. Naguère.Marc d’Éphèse avait, à son tour, abordé le problème dans une lettre à un certain moine Isidore. Cf. P. G., t. clx, col. 1193-1280. Il s’en était tiré en disant que les paroles de saint Basile n’avaient pas une portée générale, mais restreinte ; que ce docteur ne s’était pas exprimé avec la rigueur d’un théologien, mais avait parlé par à peu près, et dans un but d’édification. Lac. cit., col. 1198 B. En réalité, il n’y a que la mort des élus qui soit prédéterminée, Tvpocoptan.évoç. La mort des autres hommes est physique, çucrixàç, c’est-à-dire abandonnée au jeu des lois naturelles. C’est contre cette interprétation du texte de saint Basile qu’est dirigé le second traité de Scholarios, bien que l’archevêque d’Éphèse n’y soit pas nommé. Le nom de celui-ci apparaît seulement dans le troisième traité (p. 427-428), où Scholarios donne des détails intéressants sur l’écrit de Marc, et s’attache spécialement à réfuter la thèse de Diodore de Tarse, beaucoup plus radicale que celle de l’archevêque d’Éphèse. Le quatrième traité, adressé à Théodore Agallianos, touche également la même question. Georges enseigne avec insistance que rien dans le plan divin du monde n’a été laissé au hasard ; que tout a été non seulement prévu mais prédéterminé, fixé à l’avance ; que la providence s’étend non seulement aux bons, mais aussi aux méchants, et que le mode et la date de la mort des uns et des autres, comme aussi toute la trame de leur vie, ont été arrêtés de toute éternité et sont réalisés dans le temps conformément à ce plan éternel. Il y a du reste une providence spéciale pour les élus. Dieu s’occupe d’eux avec un soin particulier, parce qu’il a prévu qu’ils useraient bien de sa grâce et parviendraient à la lin bienheureuse. A proprement parler même, les termes de TtpoopiÇsw, 7rpoopia[j.6< ;, ne s’appliquent qu’à eux ; ils désignent la providence en tant qu’elle regarde les élus. Le décret divin, en tant qu’il regarde les réprouvés, se nomme à71080y.t[j.aaîa. Voir Traité IV, 7, p. 444-445, où Scholarios fixe la terminologie à employer pour désigner les divers aspects du gouvernement divin. Sur la question du De vitse termino chez les Byzantins, cf. M. Jugie, Theologia Orientalium, t. ii, p. 208-215.

2° Théorie des processions divines. La procession du Saint-Esprit. —

La théorie augustinienne et thomiste des processions divines (procession selon l’intelligence et procession selon la volonté ou l’amour) a trouvé en Scholarios à la fois un censeur et un approbateur. Le censeur se fait entendre dans tout le 1. II du premier grand traité sur la procession du Saint-Esprit (t. ii, p. 44-91). Scholarios est alors dans toute l’ardeur de sa campagne antiunioniste. Voyant que les Latins tiraient de la théorie psychologique de la Trinité un argument en faveur de la procession du Saint-Esprit ub iilroque, il fait de cette théorie une critique serrée. Il reproche aux Latins d’attribuer a celle analogie une important qu’elle n’a pas, vu qu’elle est sans fondement scriptu raire, au moins pour ce qui regarde la seconde procès sion. Nulle part, dit-il, l’Écriture n’affirme que ! < Saint-Esprit soit l’amour, surtout l’amour mutuel du Père et du Fils : ce qui introduit deux principes dans la Trinité et ce qui ne prouve pas nécessairement que le Saint-Esprit reçoive son existence à la fois du l’ère et du Fils. Saint Augustin est le seul, parmi les Pères, a avoir enseigné cela. II a déduit cette conception de principes aristotéliciens. Nous ne sommes pas obligés de le suivre. Mais, son accès polémique une fois passé, notre Byzantin a oublié cette critique et il est revenu, dans ses derniers écrits, à la conception latine, qu’il avait déjà faite sienne avant le concile de Florence dans son opuscule Sur l’incarnation du Fils de Dieu. Cf. t. m. p. 356, et plus haut, col. 1511. Nous la trouvons en effet, longuement développée dans les deux écrits Sur l’unique voie du salut des hommes, adressés au sultan Mahomet II. en 1456, voir col. 15 12 ; dans sa Lettre à Pléthon (1150), t. iv, p. 129-130 ; dans son opuscule Sur Dieu un et Irine et contre les athées et les polythéistes, ibid., p. 181-188 ; mentionnée enfin dans le Sermon sur la nativité de Jésus-Christ, de 1467. Cf. t. I, p. 227, 236-237.

Quant à la procession du Saint-Esprit, nous avons parlé de ses écrits unionistes, où il s’est rallié au dogme catholique. Il nous reste à exposer sa pensée sur ce sujet, une fois qu’il fut passé dans le camp de Marc d’Ëphèse et des antiunionistes. Ses œuvres complètes ne renferment pas moins de cpiatorze dissertations de tout genre sur cette question, parmi lesquelles viennent d’abord les deux grands traités, qui remplissent presque tout le t. n. Partout se retrouve la même thèse qui n’est autre que la thèse photienne : le Saint-Esprit procède du Père seul, c’est-à-dire tient de lui seul son existence. Le Fils n’est pour rien dans cette communication vitale par laquelle le Père l’ait surgir éternellement la troisième personne au sein île la Trinité. Le Père seul est principe, source, cause dans les processions divines. Lui seul est Père et spirateur, - ?.ty ; p xal TrpoSoXsùç. I.a 7rpoêoXï) tout comme la r : aTpÔT7 ; < ; est la propriété incommunicable de son hypostase. Il n’existe aucune relation d’origine entre le Fils et le Saint Esprit. Scholarios n’admet en aucune façon l’explication des théologiens catholiques affirmant que le Père est le principe primordial, le principe sans principe du Saint-Esprit, mais qu’il communique au Fils, en l’engendranl. la vertu spirative, par laquelle le Fils aussi participe à la production du Saint-Esprit, et ((institue avec le Père un seul et unique principe de la troisième personne. Cet unique principe, c’est le Père et le Fils non en tant qu’ils sont deux, mais en tant qu’ils sont un : c’est la divinité qui est le Père et le Fils émettant le Saint-Esprit. Ce point de vue, le théologien byzantin le repousse de toutes ses forces, l’expulse de toutes les formules par uni.- exégèse qui se retrouve chez les polémistes, ses devanciers, au moins à partir du XIIIe siècle. Ce qui est nouveau chez lui, c’est l’éclectisme avec lequel il l’ail siennes les diverses explications ilu X’A TOÛ HoG, c’est la subtile souplesse qu’il déploie a combiner, concilier, expliquer ces interprétations. On peut affirmer qu’on entend en lui toute la polémique byzantine. A certains endroits sans doute, il fait aux Latins des concessions que presque personne avant lui ne leur aail consenties. Il leur accorde, par exemple, que certains Pères grecs oui employé parfois la formule èx -roù Ilarpàç 81à toù)".<, > èxTcopeiSeTai to LlvsGu.a, lorsqu’il est question non de la procession leniporclle, ꝟ. 7tp6080ç J(p0VlXT), ou mission. -bi.y.z, mais de la procession éternelle. Mais c’est une concession illusoire, car il ajoute aussitôt que la prépo sitiou 81<£, quand il s’agit des processions ml inlru cl qu’il n’j a aucun rapport avec les créatures, n’a jamais chez les Pères le sens causal, c’est à dire n’exprime jamais la relation d’origine. Le Slà TOU flou signifie à la fois :
I" n’, -j l" « .>. conjointement avec le Fils ;
2° [LZTT. toù Tloû, en compagnie du Fils ;
3° oùx èxtôç toù Ttoû, non en dehors du Fils ;
4° [zerà tov Tîôv, après le Fils ;
5° l’union dans l’essence, la consubsîantiali’é des personnes, tt, v (T’jvdçetav xa-r’oùatav, x6 ôu.ooô<nov ;
6° la distinction des personnes, rr/v Siâxpiaiv tùv OJCOcraictecùv et leur manifestation mutuelle par le fait de cette distinction, èVçxvaiç àtSioç ;
7° l’ordre des personnes, ttjv Ta^tv Ttôv 7rpoaw710v ;
8° la médiation purement nominale et conceptuelle du Fils.

Cet ordre des personnes, tel qu’il a été énonce par le Sauveur dans la formule baptismale, n’a en soi rien d’absolu ; du moins, nous n’en pouvons rien savoir d’après la Révélation : Traité I, t. ii, p. 201. Suivant le point de vue auquel on se place, le milieu peut être occupé aussi bien par le Père ou le Saint-Esprit que par le Fils. Ibid., p. 146-148 A. Le diagramme trinitaire peut être aussi bien un angle qu’une ligne droite ou un triangle ; mais quand il s’agit d’indiquer l’origine des personnes, c’est-à-dire leur relation respective par rapport au Père, seul principe des deux autres, c’est l’angle qui est la meilleure figure, et c’est le diagramme que Scholarios affectionne : le Fils et le Saint-Esprit sont comparés à deux fleuves sortant de la même source, à deux branches poussant de la même racine, à deux frères engendrés par le même père. Ibid., p. 109-203.

Telle est la doctrine à laquelle notre théologien tente de rallier tous les Pères, tant les grecs que les latins, y compris saint Augustin lui-même. Il est bien persuade d’avoir trouvé la vraie solution. Il déclare avoir écrit par le mouvement et sous l’illumination de la grâce divine. T. ii, p. 5. Il n’y a aucun danger, dit-il à un endroit, que je manque la vérité, ibid., et je n’admettrais pas facilement qu’un autre puisse trouver quelque chose de plus vrai que ce que j’ai écrit. Ibid., p. 261. Il se ravise pourtant aussitôt, et déclare qu’étant homme, il ne possède point le charisme de l’infaillibilité. Il est prêt à se soumettre à la décision d’un vrai concile œcuménique, même si cette décision est contraire à ce qu’il vient d’enseigner. Cf. t. ii, p. 5 et 19 I 495. La définition de Florence, il la rejette pour des raisons diverses, cf. la conclusion du Traité I. t. ii, p. 257-262, et l’Extrait contre, le discours de Bessarion, t. III, p. 111-115, par exemple, parce que certaines formalités, d’usage dans les anciens conciles œcuméniques, n’ont pas été observées.

On voit, par ces déclarations, que son adhésion a la thèse photienne n’excluait pas la crainte d’errer. De la ient sans doute le ton relativement modère de sa polémique. Quelle différence avec Photius, que, du reste, il ne cite jamais ! Celui-ci n’a pas de mots assez forts, assez violents pour caractériser l’abominable hérésie des Latins ; il abonde en injures à leur adresse. Scholarios. lui, n’ose traiter d’hérétique l’Église romaine, cf. t. m. p. 15 et 95, et a ses fidèles il donne l’épithète de séparés, de dissidents, non celle d’hérétiques ou de schismatiques ; cf. t. iv, p. 206. Pour lui, les Latins sont simplement suspects d’hérésie, jusqu’à Ce que soil éclaircie la doctrine exprimée par le P/ lioque. Quant à la formule photienne : Spiritus a Pâtre solo procedit, elle lui paraît suspecte en quelque chose : « Nous ne la canonisons pas. dit-il : nous ne la proclamons pas publiquement, mais seulement dans les en Ircliens privés ; car ni nous n’acceptons de proclamer ce qui n’a pas eu l’assentiment de l’Église universelle, ni nous ne voulons nier la vérité : Traité I. I. VI, t. ii, p. 256 ; cf. Traité IL ibid., p. 172, où il distingue entre le xïjp’jvtxx, c’est à dire l’enseignement officiel, el le (V> ; Lv c’est à dire la simple doctrine, la théologie. Le Èx TOÛ Ilxrpoç U.0V0U appartient non au x^puy ; *’/, mais au 86y[iM. C’est bien la sa véritable et définitive position sur la question. Nous en trouvons l’expression dans sa note sur la distinction des personnes ( ivincs. dont il déclare avoir reçu la substance en un SOIlge miraculeux, en 1 164 : Il faut s’en tenir à la doctrine traditionnelle et acceptée de tous, et confesser simplement que le Saint-Esprit procède du l’ère. Sous-enten<lre autre chose est périlleux. T. III, |>. 133. Ce n’est plus tout à fait, on le voit, la position de Photius, mais une position de neutralité et d’expectative. Seholarios finit par n’être ni tout à fait latin ni tout à fait grec, après avoir été successivement l’un et l’autre.

Si maintenant nous cherchons à deviner les raisons profondes qui l’ont déterminé à abandonner les unionistes pour Ne rallier au parti de Mare d’Kphèse. il faut. semble-t-il, mettre en première ligne l’amour propre national. Après s’être convaincu de l’accord foncier dis l’ères grées et des Pères latins sur la procession du Saint-Esprit, au point de se faire fort de démontrer cet accord en l’espace de deux heures (cf. le 1° discours à Florence, t. i, p. 299), il s’est arrêté aux difficultés qui sitrouvent dans l’une et l’autre thèse. Pour n’avoir pas a donner un dément i aux an( êtres, qui depuis Photius axaient combattu la doctrine latine, il a opté pour la thèse de Mare et l’a défendue avec toutes les habiletés de l’avocat. Flatté d’avoir été choisi par l’évêque d’Éphèse pour défendre le dogme national, il a employé à cette tâche toutes les ressources de son génie. Au lieu d’examiner la question sur le pian de l’union, il l’a considérée désormais sous l’angle de la controverse et de la polémique. Ne pouvant, malgré tout, oublier ie qui avait déterminé ses premières convictions. voyant en particulier toute la difficulté qu’il y avai à faire de saint Augustin un disciple anticipé de Photius - il est allé, nous l’avons dit. jusqu’à tenter ce tour de force il a fini par conclure : tant que les Latins resteront sur leurs positions : tant qu’ils refuseront de nous donner cette petite satisfaction d’effacer du symbole ce petit mot Filioque, nous autres nous resterons sur les nôtres. A supposer qu’il soit impossible de concilier entre eux les Pères latins et les Pères asiatiques, nous devons nous déclarer pour ces derniers. qui sont les nôtres, jusqu’à ce qu’un nouveau concile vraiment oecuménique vienne trancher définitivement le débat. Cf. Traité I, t. I, p. 230-234.

Kst-il téméraire de supposer que les unionistes l’auraient eu de leur côté, s’ils avaient su s’y prendre ? Il aurait fallu le mettre en avant et lui donner le beau rôle. Il avait tellement conscience de sa supériorité. qui était réelle ! Ce qui nous fait hasarder cette hypothèse, c’est le caractère de l’homme, tel qu’il se révèle dans ses écrits. L’insistance qu’il met a parler des honneurs que reçurent certains unionistes en récompense de leur conduite : ce dépit non voilé contre Bessarion, qui. au lieu île consulter de plus savants que lui, ceux qu’il considérait auparavant comme ses maîtres, a pris sur lui de concilier à la hâte et sans examen approfondi les l’ères grecs et les l’ères latins et de démontrer l’équivalence des prépositions èx et Su£ (t. iii, p. 110-113. 1 1 5 I : tout cela nous porte a croire que les unionistes auraient pu facilement se l’attacher, s’ils avaient touché la corde sensible.

Angélologie.


Mlle est en étroite dépendance de la doctrine thomiste. ( est ce que l’on voit en lisant les n.."> et 6 des Questions théologiques, t. iii, p. 396-407. Pour le théologien byzantin comme pour saint Thomas, chaque ange constitue une essence différente ; les anges connaissent par des espèces infuses : leur épreuve a été très (ourle. Leur béatitude ne peut recevoir d’accroissement substantiel. On peut cependant admettre pour eux un progrès accidentel provenant :
1. des révélations que Dieu leur fait, soit immédiatement soil médiatement, sur le gouvernement de l’univers par s ; i providence ;
2. de l’actuation de leur science naturelle habituelle. Seholarios f ; iit sienne aussi la théorie augUStinienne et thomiste de la double connaissance des anges : connaissance matinale et connaissance espe raie. Sur l’époque de la création des anges, il signale les deux opinions qui axaient cours chez les Byzantins, les uns admettant qu’ils furent créés en même temps que le ciel et la terre, les autres que leur création pré céda celle du cosmos. De toute manière, dit-il, il faut tenir qu’ils furent créés dans le temps. Contre Pléthon pour Aristote, 1. I. I. iv, p. 13. 1.’existence d’un ange gardien pour chaque homme est affirmée à plusieurs reprises. Cf. t. i, p. 7, 110, 123 ; t. iv, p. 302.

Origine de l’âme humaine.


Nous avons vu plus haut. col. 1532, que notre théologien avait consacre deux dissertations à l’origine de l’âme humaine et nous avons signalé sa doctrine sur cette question. Il y a intérêt à noter les preuves scripturaires qu’il apporte en faveur de la thèse créatianiste pour réfuter soit la théorie de la préexistence des âmes, soit le traducia nisme. Ces textes sont Gen., ii, 7 : IV. xxxii, lô : Zach., xii. 1 ; Joa., v, 17.

5° Mariologie. Des trois homélies mariales de Seholarios signalées plus haut on peut tirer un petit traité de mariologie. A l’article Immaculée Conception, t. vii, col. 954-950, nous avons rapporté le passage de l’homélie sur l’Assomption où est indiquée la sainteté initiale de Marie et sa préservation du péché originel a primo instanti coneepiionis. Ce n’est pas le seul endroit où notre auteur ait affirmé d’une manière tout à fait explicite le dogme catholique, que beaucoup d’Orientaux dissidents rejettent de nos jours. Déjà dans [’Homélie sur l’Annonciation, 42, t. i, p. 40, Marie est déclarée véritablement bénie, « parce que seule, entre toutes les femmes, elle a ignoré complètement les hontes de la première malédiction ». Dans le Second traité sur l’origine de l’âme, 20, t. i, p. 501, nous trouvons un passage, dont la clarté ne laisse rien à désirer : « La Vierge, toute-sainte, parce que née de la semence, ne devait pas être exempte du péché originel, car ses parents, quoique d’une vertu incomparable, avaient participé, eux aussi, au sort commun ; mais la grâce de Dieu la délivra complètement, tout comme si elle était née sans semence, afin qu’elle put fournir une chair toute pure à l’incarnation du Verbe divin. C’est pourquoi, parce que complètement soustraite à la culpabilité et à la peine originelles, et parce que seule parmi tous les hommes, favorisée de ce privilège, elle fut absolument inaccessible dans son âme aux brouillards des pensées mauvaises et devint ainsi dans son corps et dans son âme un temple divin. » Le disciple de saint Thomas n’a pas craint, sur ce point, d’abandonner son maître.

Seholarios est favorable à l’assomplion glorieuse de Marie au ciel en corps et en âme, après qu’elle eut passe par la mort ; il ne présente pas néanmoins cette doctrine comme appartenant à la foi, mais comme la conjecture la plus sage et la plus convenable. Il écarte résolument l’idée que le corps de la Mère de Dieu ait pu subir la corruption du tombeau : il ne condamne pas absolument l’opinion de ceux qui pensent que ce corps est conservé incorruptible au paradis terrestre en attendant la résurrection générale : Sermon pour la fête de l’Assomption, 11, t. i, p. 205.

Notre théologien célèbre aussi en la Mère de Dieu la coopérât rice a Druvrc de la rédemption des hommes. Il lui donne équix alemment le nom de corédemptrice en l’appelant notre libératrice, noire rédemptrice, notre évergète après Dieu, en tant que cause secondaire cl ministérielle : £è awretpav icxà 0eov xal ^liortv y.’/X eùepYéTiv, Ôaoxi êv 67coupyoû rà ; r’. >tal Siax6vou, xjoA Eopev L-P. ôu.oXoyo0u£v. Prière « lu Vierge, t. iv, p Cette coopération de la Vierge a notre salut est déve loppée dans le Sermon sur PAssomption. 10, I. I, p. 2H3 204.

I il autre point que Seholarios met bien en lumière est la sainteté acquise de Marie’, ses progrès Ince dans la vertu, touL ce qui fait d’elle le modèle de la vie parfaite. Le sermon pour la fête de la présentation au temple, t. i, p. 161-172, est tout entier consacré à développer ce thème.

Doctrine sacramentaire.


Dans le petit opuscule intitulé : Ce qu’un éoêque doit savoir, t. iv, p. 1’.10-197, dont l’authenticité n’est pas absolument certaine. Scholarios enseigne clairement le septénaire sacramentel dans l’ordre suivant : le mariage, l’ordre {~xv.z .spx), le baptême, l’onction du chrême (ypiapia S : x u, opou), la communion ou synaxe, la pénitence ou confession (us-ràvoia t-v. èi ; o ; ioXÔY’/ i’Jl Ç) et l’onction de l’huile (yoin.z èXoclou). Il y a sept sacrements, ni plus, ni moins. L’auteur le démontre par l’efficacité propre de chaque sacrement. Tous les sacrements opèrent la grâce immédiatement. Chacun est constitué par une matière et une forme déterminées : cbpicr|iivT)V Ss ôXvjv xal ôpiajxévov sTSoç s/si ; il a aussi une cause instrumentale déterminée, t6 7Conf)Ttx6v, yj y.5XXov opyocvucov aiTiov. Quant à la cause principale de tous les sacrements, àpx"1Y txov aïxiov, c’est la sainte passion du Seigneur qui la constitue ; c’est d’elle et à cause d’elle que la grâce coule pour ceux qui les reçoivent. L’origine divine de chaque sacrement et sa mention dans l’Écriture sont clairement indiquées. L’auteur ne trouve dans l’Écriture aucune mention du sacrement du saint-chrême, tô u.’ja7/)p’.ov toC %sloi [vjpo’j ; mais, dit-il, le disciple de saint Paul, le très saint Denys le signale dans ses divins écrits. Ces notions si nettes et si denses de doctrine décèlent une influence latine prépondérante. L’auteur a connu les décrets du synode de Paphos dans l’île de Chypre, tenu sous le métropolite Germain Pessimandros aux environs de 1260 ( ?). Il s’inspire aussi de l’opuscule du moine Job le Iasite sur les sept sacrements.

La doctrine de Scholarios sur l’eucharistie est particulièrement remarquable. Il est le premier à avoir acclimaté chez les Grecs le mot u.stouct’.co’ï !. ;, équivalent exact du latin transsubstantiatio, bien qu’il ne l’ait pas inventé, puisque ce mot fait sa première apparition dans la traduction grecque de la Confession de Michel Paléologue (1274). Il s’assimile la doctrine thomiste sur l’explication philosophique de ce terme et sur les accidents eucharistiques dans son Sermon sur l’eucharistie, auquel les théologiens catholiques firent si souvent appel pour réfuter l’hérésie protestante..

Non moins intéressante est sa doctrine sur la forme de l’eucharistie et l’épiclèse. Cette doctrine est entièrement conforme à la théologie catholique et contredit ouvertement l’opinion des gréco-russes modernes. C’est d’abord dans le Sermon sur l’eucharistie, navre de jeunesse, que nous trouvons la première affirmation de sa pensée sur ce point. Il fait tenir à Notre Seigneur parlant à ses disciples le langage suivant : « Je VOUS donne la formule de cette merveilleuse opération (= la conversion des oblats au corps et au sang du Seigneur) et j’y attache le pouvoir de l’effectuer. La vertu de mes paroles, en effet, changera tout pain et tout vin en mon corps et en mon sang, lorsque vous voudrez vous souvenir de moi et m’avoir comme compagnon et comm hôte intérieur vous donnant la force d’accomplir tout bien, i T. i, p. 12 1. Notre auteur s’exprime d’une manière plus explicite dans une question sur les élé ments constitutifs de l’eucharistie. Après avoir indique comme condition première indispensable pour réaliser le sacrement la présence d’un ministre légitimement ordonné, il poursuit : Deuxièmement il est requis que le ministre lasse l’action sacramentelle selon la forme établie par l’Église. Or, la véritable forme de l’Église se résume en ces quatre points : toul d’abord, il faut un autel consacré, Immobile ou mobile ; on ne peut célébrer n’importe où. Deuxièmement, il faut offrir la matière conve table, celle qui fui employée p » ur la pre mière institution du sacrement, lorsque Notre -Seigneur livra à ses disciples son propre corps et son propre sang en leur donnant du pain et du vin ; sans une telle matière, point de sacrement véritable, ’troisièmement, il faut appliquer à cette matière les paroles du Seigneur : i Prenez et mangez. - Buvez-en tous. et ce qui suit, par lesquelles se produit la transsubstantiation par la puissance de Celui qui le premier les proféra en nous recommandant de faire et de dire de même. Ces paroles, en effet, sont comme la cause propre du sacrement : sans elles, ou si on les modifie en quelque manière, le sacrement ne peut se produire. Quatrièmement, le ministre doit se proposer d’accomplir ce sacrement, et il faut que son intention soit véritable et ferme ; par elle, en effet, la force des paroles du Seigneur est appliquée en quelque façon à la matière. T. iv, p. 309.

Dans l’opuscule Sur les saintes entrées (t. iii, p. 196201), il est moins clair. Mais l’insistance qu’il nul a répéter que c’est Jésus-Christ qui opère lui-même par sa toute-puissance la transsubstantiation, et la signifl cation qu’il attribue au geste par lequel le prêtre mou tre les dons après les paroles du Seigneur prouvent qu’il n’a pas changé de sentiment : « Lorsque le prêtre fait le geste indicatif, dit-il, notre attention se porte sur ce qui est montré comme sur Notre-Seigneur en personne avec tout le respect, la crainte et la foi qui conviennent. » Loc. cit., p. 202-203. Nulle part il n’attribue au Saint-Esprit la conversion des dons.

On ne peut douter pourtant qu’il n’ait aperçu la difficulté que présente la formule épiclétique des deux liturgies byzantines de saint IJasile et de saint Jean Chrysostome avec ce qu’il dit sur la forme de l’eucharistie. Il ne devait pas ignorer le commentaire de Nicolas Cabasilas sur la liturgie, et il avait assisté aux discussions de Florence sur la question. La manière dont il résout cette difficulté est à la fois claire et simple cl s’harmonise parfaitement avec la doctrine des théologiens catholiques sur l’intention du ministre dans l’administration des sacrements. Elle tient en ces quelques mots, qui se lisent à la fin de la question dogmatique sur les éléments constitutifs du sacrement de l’eucharistie : « Par l’intention du ministre, la force des paroles du Seigneur est appliquée en quelque façon à la matière. Ce but, cette intention du ministre, est manifesté par les prières, parce que si les autres conditions sont réalisées mais que fasse défaut l’intention d’opérer le sacrement, celui-ci n’est pas produit. T. iv, p. 309.

Quelles sont ces prières qui manifestent l’intention du ministre ? Nous croyons ne pas nous tromper en disant que Scholarios lait allusion ici avant tout à la formule épiclétique. Celle-ci, en effet, manifeste très clairement l’intention, le désir explicite qu’a le célébrant de voir les dons olïerts transformés au corps et au sang de Jésus-Christ. Qu’importe que cette manifestation vienne après que les paroles dominicales ont élé prononcées ? Vu l’importance capitale de l’intention, il est bon, il est utile qu’elle apparaisse à la face de l’Église dans une formule spéciale. Cette formule, c’est l’épiclèse, qui ne porte pas seulement, du reste, sur le mystère de la transsubstantiation proprement dil. mais aussi sur les effets salutaires que doit pro duire L’eucharistie dans les communiants et sur le corps mystique du Christ en général. Dans l’opuscule Sur 1rs saintes entrées, loc. cit., p. 201-202, notre théologien assigne à l’épiclèse un autre but : celui de traduire l’Impuissance du ministre humain à accomplir le mystère. Cette double explication est à la l’ois 1res simple et très bien adaptée à l’ensemble des cérémonies qui, dans la liturgie byzantine, entourent le moment solennel de la consécration. Il est curieux qu’aucun théologien occidental n’ait songé. Voir l. Jugie, l.a forme de l’eu eharistie d’après Georges Scholarios, Échos d’Orient, t. xxxiii. 1934, ». 289-297.

A propos du sacrement de pénitence, signalons que Scholarios est en parfait accord avec la théologie catholique sur l’existence d’une peine temporelle due aux péchés, mémo pardonnes, commis par les adultes déjà baptisés et sur la nature de la satisfaction sacramentelle, deux points sur lesquels beaucoup île théologiens gréco-russes de nos jours ont abandonne les positions traditionnelles. Les textes essentiels ont été donnes à l’article PURGATOIRE DANS L’ÉGLISE GRÉCO-RUSSE IPRÈS ri : CONCILE DE FLORENCE, lOC. cit. Notre théologien est moins heureux, lorsqu’il nie la validité dos ordinations simoniaques.

Fins dernières.


Sur les deux points qui ont fait l’objet de controverses entre Grecs et Latins et qu’ont définis les conciles unionistes de Lyon (127 Il et de Florence, à savoir l’existence du purgatoire, l’époque et la nature des rétributions d’outre-tombe, Georges Scholarios se classe parmi les unionistes et son enseignement concorde, pour le fond, avec la doctrine catholique. Cette concordance a déjà été établie pour ce qui regarde le purgatoire. Cf. l’article Purgatoire, loc. cit. Nous avons vu aussi plus haut, col. 1533, en analysant les traités sur L’âme humaine, que notre théologien enseignait la béatitude surnaturelle des âmes saintes aussitôt après la mort, après avoir adhéré durant quelque temps à l’opinion bizarre qui n’accorde a ces âmes qu’une béatitude d’ordre naturel avant le jugement dernier.

Dans la cinquième question scripturaire, intitulée : .sur le second avènement du Seigneur et sur la résurrection des corps, il déclare que ceux qui vivront au moment de la parousie ne passeront pas par la mort, mais seront subitement changés en l’état de résurrection. Cette doctrine est conforme à la tradition des Pères grecs, fondée elle-même sur l’enseignement explicite de saint Paul. Mais, tandis que l’Apôtre ne parle directement que des justes, Scholarios, à la suite d’autres exégètes, étend l’exemption de la mort aux méchants de la dernière génération humaine. Eux aussi seront changés, mais ce sera pour eux l’immortalité douloureuse et crucifiante. La résurrection et le changement des corps seront suivis du déluge du feu purificateur, qui est clairement distingué du feu de l’enfer. L’enfer est situé dans les profondeurs de la terre. Après le jugement dernier, les démons de l’air et les damnés iront y rejoindre la catégorie des démons qui s’y trouvent enchaînés depuis le commencement. Cf. t. "m, p. 332-333, 335-336.

Scholarios est partisan d’une certaine mitigation des peines des damnés par les prières de l’Église. Il ne répugne pas non plus à la délivrance tout à fait exceptionnelle de quelques damnés par une intervention miraculeuse. Cf. IIIe el Ve traités sur l’âme, t. i, p. 511, 525, 533-535.

Il est de ceux qui ont cru fermement à une fin prochaine du monde (cf. t. i, p. 184, 211 ; t. iii, p. 94, 383 ; t. iv, 270) et ont tenté même d’en fixer la date précise. D’après lui, cet événement devait se produire à la lin du septième millénaire de la création, c’est-à-dire en i 193, d’après la chronologie byzantine.

l’n nombre considérable d’auteurs de tout genre onl été amenés à parler plus ou moins longuement de Georges Scholarios, de sa vie, de ses écrits, de sa doctrine. Aucun ne l’a fait s ; ins y mêler, en général, beaucoup d’erreurs, de sorte qu’ose éoumération détaillée serait fort peu utile. Os trouvera dans les Introductions aux Œuvres tous renseignements utiles sur les auteurs qui se sont occupés (le Scholai los et de ses œuvres, l ne table des noms propres cites dans tes introductions facilite la consultation. Voir l’Appendice m du t. viii, p. 10*-1 l’. Nous n’indiquons ici que les ouvrages et écrits lis plus importants parus avant l’édition complète.

Il faut mettre en première ligne la disseitalion consldé rable d’Eusèbe Ftenaudot, Gennadii palriarchm Constanti nopolitani homilue de sacramento eucharistie ?, etc., l’aiis. 1709, repioduite dans i". (, ., t. i i. col. 249-312, où il est parlé, non sans erreurs, île la vie et des écrits ; Dosithée de Jérusalem, H’. ::<>. év’TspoiToX’ju.orç iratptapys-wffôvToiv, Bucarest, 1715, p. 911-914 ;  !.. Allatius, De Georgiis ci ci}rnm scriptis, reproduit par Pabricius, Bibliotheca greeca, éd. Mariés, t. xi, p. 349-393 (fourmille d’erreuis) ; W. i.ass. Gennadius und Pletho. Aristotelismus und Plalonismus in (1er griechischen Kirche, Brestau, 1844 ; J. Drnseke, ’Lu Georgios Scholarios, dans Bgzantinische Zellschrift, t. iv, 18 !)r>, p. 561-580 ; K. Krumbacher, Geschichte der bgzanti nischen Literatur, 2’éd., 1897, p. 119-121 ; TryphonE. Evangélidès, CewâSlOÇ |j 6 —y/P/ ï’.’ic. TcpÛTOÇ |tE*a r / /P. t.i’, ’: L, jiivr.Lu : 7ta-pt<ip/T)Ç, Athènes, 1896 ; (iermanos. métropolite de Sardes, £-„u, 60), stç îo-J{ irocrpiap/otouq xaTaXt&yo’j ; KiovjravTtvo’jitoXEfci ; iitÔTriC i) utîmç xai : r r, I" partie, Constantinopie, 1933, ouvrage paru d’abord en articles dans lu revue’OpOoSûfjt’a. L’auteur consacre une notice assez longue à SchoiariCS et utilise déjà les premiers volumes de l’édition complète. Durant le cours de l’édition nous avons publié plusieurs articles sur les œuvres et la doctrine de Scholarics en diveises revues : 1° dans les Échos d’Orient, t. xxvii, p. 300-325, La publication des œuvres de Georges Scholarios ; t. xxxiii, p. 289-297, La forme de l’eucharistie d’après Georges Schohu-ios ; t. xxxiv, p. 151-159, Les œuvres pastorales de Georges Scholarios ; t. XXXVI, p. 65-86. L’unionismede Georges Scholarios ; 2° dans la revue Bgzantion, t. iv, p. 601-637, sur le contenu du t. Il ; t. v, p. 295-314, Écrits apologétiques de Gennade à l’adresse des musulmans ; t. x, p. 517-530, La polémique de Georges Scholarios contre Plé thon. Nouvelle édition de sa correspondance ; 3° dans les Mélanges Mandonnet, t. i, p. 423-440, Georges Scholarios et saint Thomas d’Aquin ; 4° dans la revue Angelicum, t. vii, p. 303-313, Georges Schohu-ios. Questions scriplnraires et théologiques., , T

M. Jucie.