Dictionnaire de théologie catholique/SCHOLARIOS Georges II. Œuvres

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 14.2 : SCHOLARIOS - SZCZANIECKIp. 13-29).

35, qui l’avait emprunté à l"Avr{$pi]aic. xxrà tôv xaX6mxôv xeqxxXalcov de Mélèce Syrigos, tout d’abord parce que ce n’est pas une homélie mais une réponse dogmatique à une question ; ensuite, parce que la pièce est apocryphe, comme nous le dirons.

Le Sermon pour le vendredi suint est aussi de contenu dogmatique. Il répète une bonne partie de ce qui avait été dit dans le Sermon pour l’Annonciation sur l’état primitif de l’homme, le péché originel et le plan divin de l’incarnation. En ce discours, comme en la plupart des autres signales jusqu’ici, l’orateur s’inspire visiblement de saint Thomas d’Aquin.

Il est difficile d’assigner une date précise au Sermon pour la Transfiguration. Contentons-nous de savoir qu’A fut lu au palais impérial, sous l’empereur Jean VII. L’orateur y exprime un palamisme discret et insiste surtout sur les raisons qui poussèrent le Sauveur à manifester sa gloire aux trois disciples préférés.

Le Panégyrique des saints apôtres Pierre et Paul fut donné le 29 juin 1456 dans un monastère de l’Athos, peu de temps après la démission de Gennade de la charge patriarcale. Sous l’impression des événements récents, l’orateur recommande avec insistance à son auditoire la charité fraternelle. Il trace un tableau émouvant des désastres temporels et spirituels causés par la domination des Infidèles et déclare que la fin du monde approche. Il termine en exhortant ses auditeurs aux œuvres de miséricorde spirituelle et corporelle, à la confession — et à ce propos, il rappelle aux prêtres l’obligation de garder le secret de la confession — à la pratique des vertus monastiques.

Le n. 12 : Sur les regrets de saint Pierre après son reniement n’est ni un sermon ni un panégyrique, mais un morceau de rhétorique pieuse, où Gennade, vraisemblablement déjà retiré au mont Ménécée, s’est efforcé d’exprimer les sentiments de l’apôtre Pierre, après son triple reniement. Le morceau est d’une belle inspiration. On remarquera surtout les passages sur la primauté de Pierre, la nécessité de la grâce et le mystère de la prescience divine.

Le Sermon pour la décollation de saint Jean-Baptiste, dont Chrestos Papaioannou avait donné, en 1900, une fort mauvaise édition dans 1’'ExxXr ( aiaaTi>à)’AXr ( (kia, t. xx, p. 385-388, 430-434, fut écrit, le 15 juin 1466, au mont Ménécée, pour être lii, non pour être prêché. C’est un tribut de reconnaissance au saint précurseur. Le contenu en est d’ordre historique et ascétique.

Le Sermon pour la nativité de Xotre-Seigneur, qui nous est parvenu dans cinq manuscrits autographes, fut composé au mont Ménécée, en 1467. C’est un discours dogmatique de contenu très riche. L’influence de la théologie occidentale y est particulièrement sensible. L’auteur fait sienne la théorie augustinienne de la Trinité (p. 227, n. 21 ; 236, 15 ; 237). Il parle successivement de l’origine et de la destinée de l’âme humaine, de l’état primitif et de la chute, de la préparation messianique, de la convenance et de la réalisation du mystère de l’incarnation.

l)u fragment autographe du Panégyrique de saint Démétrius il ressort que le discours fut prononcé à Thessalonique, après la prise de Constantinople (p. 245, 2 16). L’orateur reproche aux Thessaloniciens leur peu de ferveur à fréquenter les offices, leur crainte exagérée des infidèles, leur ivrognerie. Il développe cette idée que l’éclat et la valeur du martyre dépendent moins des tourments subis que des dispositions intérieures du patient.

seize pièces ne représentent évidemment qu’une petite partie des sermons et panégyriques composés par Scholarios. Pendant plusieurs années, en elïet, il a prêché chaque vendredi, au palais impérial. Il a prêché également pendant et après son patriarcat. Il lui est arrivé enfin d’écrire des discours sur des sujets

religieux, sans qu’il se soit propose de les prononcer. Un bon nombre des sermons qu’il donna à la cour ont dû se perdre, ainsi que bien d’autres écrits, lors de la prise de Constantinople. Quelle qu’ait été la valeur des sermons perdus, nous pouvons cependant affirmer que la plupart de ceux que nous possédons constituent des morceaux choisis, que l’auteur a pris soin de revoir soigneusement et de transcrire lui-même dans les dernières années de sa vie. Nous pouvons donc juger en connaissance de cause de son genre et de son talent.

b) Oraisons funèbres et monodies (p. 247-294). —

Nous avons dans cette section six morceaux particulièrement intéressants au point de vue historique, à savoir cinq oraisons funèbres et la Lamentation de Scholarios sur les malheurs de sa vie.

ï.’Éloge funèbre de Marc Eugénicos, archevêque d’Éphèse (1444) décrit la mort de Marc comme la pire des catastrophes pour les orthodoxes. L’orateur s’y accuse et s’y excuse de certains torts qu’il a eus à l’égard du défunt et de ceux de son parti. — l.’Éloge funèbre du despote Théodore Paléologue, frère des empereurs Jean VII et Constantin XII, fut prononcé en 1448, trois mois après les funérailles du défunt. Georges explique, au début, la cause de ce retard. Au moment où il fut enlevé par une mort inopinée, Théodore s’apprêtait, dit-on, à commettre le crime de lèse-patrie. L’orateur se félicite de ce que la divine providence ne lui ait pas laissé le temps de réaliser son triste dessein. — L’Éloge de l’impératrice mère Hélène Dragazès, morte en 1450, est adressé à l’empereur Constantin lui-même. C’est moins une oraison funèbre qu’une lettre de consolation à l’empereur. Scholarios y donne en passant les preuves de l’immortalité de l’âme, et écrit une petite dissertation sur les neuf fruits du Saint-Esprit énumérés par saint Paul (Gal., v, 22-23). — La Monodie sur la mort d’Hélène, fille du despote Démétrius, autre frère de Constantin XII, fut composée peu de temps après YÉloge de l’impératrice mère (p. 276, 30). Hélène fut enlevée à la fleur de l’âge, Scholarios déplore cette mort prématurée en des termes d’où la rhétorique n’est pas absente. — Rien d’artificiel, au contraire, dans YÉloge de Théodore Sophianos, prononcé au monastère de Vatopédi, le 28 septembre 1456. Gennade, qui vient de donner sa démission de patriarche et s’est réfugié à l’Athos, laisse parler son cœur. Théodore, son neveu, a été d’abord son élève très brillant, puis son collaborateur dévoué, son compagnon de captivité après la prise de Constantinople, son assistant enfin au patriarcat. Une émotion intense anime tout le morceau, qui est par ailleurs très important pour la biographie de Scholarios.

Il faut en dire autant de la Lamentation sur les malheurs de sa vie, écrite au mont Ménécée en 1460, que deux autographes, les mss Paris 1289 et 1294, nous ont conservée. On peut dire que Scholarios devait ce morceau à la postérité. Ayant vu de ses yeux la Constantinople des basileis et celle de Mahomet II, il nous devait de les comparer entre elles. Il n’y a pas manqué, et il l’a fait avec une émotion poignante. La pièce abonde en détails historiques sur la vie et les œuvres de l’auteur, sur la triste situation de l’Église grecque dans les premières années de la domination musulmane.

c) Discours et professions de foi à Florence (p. 2 375). —

Nous comprenons sous ce titre sept pièces d’inégale longueur : a. Le billet d’envoi à l’assemblée des Orientaux d’un premier discours qualifie de --/pyxX^aiç ou de cro|i.60’jXr), où Scholarios exhorte ses compatriotes à conclure l’union avec les Latins. — b. Cimier discours lui-même, qu’on peut diviser en deux parties : l’union est possible, les Latins ayant démontré que les Pères occidentaux et les Pères orientaux tendent pour le fond sur la question du Filioque ; l’union est nécessaire pom sauver Constantinople. La rejeter serait une Inconséquence périlleuse et inexcusable. —

c. Trois autres discours (n. 3, I, .">) dans lesquels le problème de l’union est examiné sous tous ses aspects : l’union doit être véritable, e’est à-dire fondée sur la vérité dogmatique. C’est cette vérité qu’il faut considérer avant tout avantage terrestre ; une union purement « économique » ne ferait qu’aggraver la situation. L’union véritable vaudra aux Byzantins et la protection divine et le secours de leurs frères, les Latins. Une pareille union n’est pas impossible. Le concile est vraiment œcuménique. Il est facile de montrer que les Pères s’accordent entre eux sur la procession du Saint-Esprit (n. 3. p. 306-325). Le grand obstacle à surmonter, c’est la honte qu’il y aurait à changer d’avis ; mais il n’y a aucun déshonneur à admettre un éclaircissement sur un point de dogme qu’on avait rejeté jusqu’ici par prudence. Les Grecs n’ont aucune innovation à se reprocher : qu’ils méprisent seulement la vaine gloire, et tout ira bien (p. 322, lui. Où est le déshonneur à accepter la décision de l’Eglise infaillible, représentée par les cinq patriarches ? Les anciens conciles n’ont interdit que les additions contraires à la foi. Eux-mêmes ont fait des additions, et ils n’ont pu priver les conciles futurs du pouvoir d’en faire à leur tour. Aussi, même si les Latins n’exigent pas des Grecs qu’ils ajoutent le Filioque au Symbole, il faut faire cette addition, car il faut confesser sa foi extérieurement (n. 4, p. 325-315). Quant aux moyens a employer pour arriver à l’entente, ils sont faciles à trouver. Il n’y a qu’à consulter l’Écriture et les Pères. Il faut remarquer, du reste, que tous les Pères ne sont pas é^aux en talent et en science. Les uns ont enseigné explicitement tel point de doctrine que d’autres ont passé sous silence, ou qu’ils n’ont exprimé que d’une manière implicite et équivalente : se taire n’est pas contredire. On arrivera facilement a s’entendre si l’on applique ces règles à la question du Filioque. Qu’on parte seulement du principe incontestable que les Pères pris dans leur ensemble ne sauraient se contredire entre eux (n. 5. p. 346-372). <I. L’avis de Scholarios en faveur de l’union. Les Pères grecs et les latins ont, dit-il, enseigné la même doctrine sur la procession du Saint-Esprit en employant des formules différentes ; Scholarios donne l’identité des deux formules grecque et latine à peu près dans les mêmes termes que le décret d’union de Florence, concile vraiment œcuménique (n. 6, p. 372-374). — e. l.a formule de conciliation proposée par Scholarios, et envoyée aux latins antérieurement à la déclaration précédente. Elle coïncide pour le fond avec celle-ci, mais elle est moins explicite dans les termes : c’est pourquoi elle fut rejetée par les Latins, qui voulaient écarter toute ambiguïté (n. 7. p. 375).

Saut la dernière, qui nous est fournie par Sihestiv Syropoulos dans ses Mémoires sur le concile de Florence, éd. Creighton, p. 243-24 l. ces pièces ont éveillé, chez beaucoup, des doutes sur leur authenticité, à cause de leur contenu nettement unioniste. Les Grecs modernes ont nié couramment cette authenticité. Nous l’établirons plus bas col. 155 i sq.

Le discours justificatif contre l’accusation de latinisme, placé après les discours prononces à l-’lorencc est une auto-apologie, tirée du Vaticanus 1823, copie autographe. Comme l’a conjecture le cardinal G. Mcrcali, Appunti scolariani, dans le Bessarione, t. xxxi. 1920, p. 109-121, le morceau doit avoir été écrit avant le Concile, Scholarios est soupçonné de pactiser avec les Latins et d’être plus ou moins favorable à leurs doctrines erronées. C’est pour défendre sa réputation d’orthodoxie qu’il prend la plume. Il défie ses ennemis de dire quelle est sa véritable pensée sur les questions

Controversées entre GreCS et Latins pour la bonne raison qu’il n’a dévoilé à personne ses sentiments intimes. Cette apologie est à rapprocher d’une Lettre à ses disciples, où il fait également allusion aux attaques dont il est l’objet, à cause de ses fréquentations latines. Cf. t. iv, ]>. 403-410.

2. Les traités sur la providence et la prédestination. —

Ces cinq petits traités étaient déjà publiés et réunis dans P, G., t. clx. Scholarios a écrit ces dissertations dans l’ordre où les donne le t. i.

Les trois premières furent adressées à Joseph de Thessalonique, qualifié d’abord de moine (IIe traité), puis d’exarque et de père très saint (IIIe traité). La première date de l’année 1459, la deuxième du 15 juillet 1467 ; la troisième suivit de près la seconde. La quatrième, adressée à Théodore Agallianos, alors gTand économe de la Grande Église, vint quelque temps après la troisième. La cinquième est un court complément ajouté par l’auteur aux quatre autres ; toutes ont dû être composées au mont Ménécée.

La question de la providence et de la prédestination, véritable palestre pour les philosophes et les théologiens », (p. 438, 34-35), est abordée dans son ensemble dans le premier traité, le plus long et le plus important. Les quatre autres éclaircissent des points particuliers déjà touchés. La terminologie, en effet, va en se précisant, et la doctrine, sans changer, revêt des formes nouvelles qui la rendent de plus en plus limpide. La question de la providence et de la prédestination étant connexe à celle de la prescience divine et à celle des rapports de la grâce et de la liberté, Scholarios est amené à s’expliquer sur ces divers points. Les passages capitaux sont : dans le premier traité, les paragraphes 18-19, p. 404-407, où est étudié à titre d’exemple le cas d’Hérode et de saint Jean-Baptiste ; et dans le troisième traité, les paragraphes 11-14, p. 435-439. Fruit de la pleine maturité, ces traités constituent le chefd’œuvre théologique de Georges Scholarios.

3. Les traités sur l’âme. —

Les traités sur l’origine de l’âme humaine et ses destinées ne sont pas moins remarquables. Ils sont également au nombre de cinq, les deux premiers étant consacrés à l’origine de l’âme, les trois autres aux fins dernières. Tous ont dû être écrits au monastère du Prodrome, au mont Ménécée, car ils portent tous le nom de Gennade. Ils sont donc, eux aussi, l’œuvre de la pleine maturité. Aucun d’eux, dans les suscriptions des manuscrits, ni’porte de date précise. L’ordre dans lequel ils sont publiés paraît bien correspondre à l’ordre historique de composition. Le premier a été adressé à un ami, qui n’est pas nommé ; le second à Théophane. évéque de Média, qui avait composé un traité sur l’origine de l’âme et l’avait fait parvenir à Gennade par un intermédiaire en sollicitant sa critique (p. 187, 5 6). Le troisième fut écrit pour le bléromoine Sabbatios, du couvent du Sinal, qui, de passage au monastère du Prodrome, présenta à Gennade les Réponses de Symionde Thessalonique à Gabriel de la Pentapole, en attirant son attention sur la quatrième, qui traite du sort des âmes après la mort. Les deux derniers répondent a des questions posées par un certain Jean, qualifié de vicaire, Sixoûoç, de l’archevêque de Thessalonique. Des cinq, le second seul avait été édité jusqu’ici en appendice à un ouvrage devenu vite rare. l"EiriTOU, ’}] Lovi.y.^ç de Nicéphorc Blemmidès, il d’Eugène Bulgaris, Leipzig, 1784, [IIe partie, p. 77102. C’est pourquoi il ne paraît pas avoir été remarqué par les théologiens occidentaux.

l.a première dissertation établit par des arguments empruntés à la philosophie, à l’Écriture sainte et à la tradition palristiquc orientale et occidentale, la thèse du créatianisme et de l’animation médiate : l’âme humaine créée Immédiatement par I)ieu et infusée dans l’embryon déjà suffisamment organisé, c’est-à-dire vers le quarantième jour après la conception. L’âme raisoncable ; i été précédée par une Ame végétative, puis par une Ame sensitive, qui ont disparu pour lui faire place et la laisser seule informer lo corps. L’auteur répond longuement aux objections que l’on peut formuler contre la thèse créât ianiste. et montre que celle-ci est confirmée par le mystère de l’incarnation du Verbe.

Même doctrine, mêmes preuves sous une forme moins didactique et abrégée dans le second traité adressé à Tbéophane de Média. Sur la fin. l’auteur donne les raisons de la conception virginale de Jésus. et affirme très clairement la conception immaculée de la Mère de Dieu (p. 501, 22-30).

S’inspirant d’une courte réponse de Syméon de Tbessalonique, Gennade expose, dans le troisième traite, écrit pour le moine Sabhatios, sa doctrine sur les fins dernières. Il distingue clairement trois catégories d’àmes : les àmes de ceux qui sont parfaitement purs : elles vont immédiatement au ciel en compagnie du Christ, où elles jouissent de la béatitude naturelle, en attendant de recevoir, après la résurrection, la béatitude surnaturelle, glorification du corps et la vision immédiate et face à face de la divinité ; les àmes des réprouvés, morts en état de péché mortel : elles sont aussitôt entraînées en enfer par les démons, mais leur supplice n’est que commencé avant le jugement dernier, il sera complet après la résurrection ; les âmes de ceux qui meurent dans la charité, mais avec des fautes vénielles et sans avoir suffisamment fait pénitence pour leurs péchés : elles voient leur entrée au ciel retardée plus ou moins longtemps. Les prières de l’Église aident à abréger le temps de leur épreuve. Où vont-elles et que souffrent-elles ? Questions que Gennade estime de peu d’importance, puepov Siocçépf. (p. 513, 15). Syméon de Tbessalonique les envoie au paradis terrestre, en compagnie du bon larron. Les Latins les placent dans le purgatoire, brasier situé au point de jonction de l’air et de l’éther. Gennade préfère leur donner comme séjour la région des « télonies », c’est-à-dire cette partie de l’air infestée par une classe spéciale de démons appelés tcXÛvloi ou douaniers d’outre-tombe. Là, elles souffrent non la peine du feu, mais plutôt des peines d’ordre moral, dont les démons par leurs vexations, sont les principaux agents. Cf. article Purgatoire dans l’Église gréco-rvsse après le concile i>k Florence, t. xiii, col. 1328 sq.

C’est manifestement sous l’influence de Syméon que Gennade, dans le présent traité, n’accorde aux âmes justes, avant le jugement dernier, qu’une béatitude naturelle. Ailleurs, et notamment dans les deux derniers traités dont il nous reste à parler, il enseigne clairement que l’âme juste est pleinement heureuse, naturellement et surnaturellement. aussitôt après la mort, et que sa félicité, au jour de la résurrection, ne sera pas augmentée en elle-même. Elle sera simplement complétée, en ce sens que le corps aura part au bonheur de l’âme et sera revêtu de privilèges spéciaux. L’âme de saint Paul a reçu, aussitôt après sa séparation du corps, cette couronne de justice que le grand Apôtre attendait. Voir p. 522, 12-23 ; 526, 20-25 ; 536, 6-10. De même, le châtiment des âme ; ? damnées ne variera pas au jour du jugement, si ce n’est en tant que le corps sera associé a la peine.

A cette dernière différence (ires, c’est la même doctrine que nous trouvons résumée dans le quatrième traité, adressé à Jean, vicaire de l’archevêque de Tbessalonique. Mais Gennade y traite deux autres questions : celle de la qualité et de l’intégrité des corps ressuscites et celle de la conservation de certains corps dans le tombeau. Contre un certain homme sage, qui n’est pas nommé, il affirme que le corps ressuscité sera intègre et que, dès lors, les différences sexuelles ne seront pas supprimées. Sur la conservation et la non dissolution de certains cadavres, il donne une réponse fort judicieuse. Il n’ignore pas que, dans l’opinion du vulgaire, la conservation du cadavre est prise pour un signe de sainteté, s’il est desséché, pour un signe de malédiction, et notamment un effet de l’cxcommunica tion, s’il est gontlé. D’après lui, ce critère simpliste est fort sujet à caution.

Dans le dernier traité, adressé au même Jean, est examinée ex professa la question du purgatoire, en tant qu’elle constitue une divergence entre l’Église romaine et l’Église orientale. Cette divergence, d’après Gennade, se réduit à fort peu de chose et l’accord entre les deux Églises existe sur la substance du dogme. Les Orientaux n’admettent pas pour les âmes du Purgatoire de feu purificateur, mais un châtiment temporel d’ordre intérieur et moral. Gennade repousse l’interprétation que donnent les Latins du fameux passage de saint Paul, I Cor., iii, 12-15, et s’en tient à l’exégèse de saint Jean Chrysostome. Il admet une certaine mitigation passagère des peines des damnés par les prières de l’Église et des vivants et croit possible, à titre tout à fait exceptionnel et par dérogation à l’ordre établi par Dieu, la délivrance de quelques damnés, se basant sur certains récits qui circulaient un peu partout chez les Grecs et les Latins depuis le haut Moyen Age. Il termine en énumérant les autres divergences qui existent entre l’Église romaine et l’Église orientale : à savoir la question de l’azyme, l’addition du Filioquc au Symbole et la doctrine qu’il exprime, la communion des laïques sous une seule espèce, innovation latine de date récente, contre laquelle, dit-il, aucun traité polémique n’a encore été écrit par les Orientaux.

3° Tome II. Traites polémiques sur la procession du Saint-Esprit. —

Ce n’est qu’une partie, la principale, de ce que Scholarios nous a laissé sur le sujet. Le reste est donné au début du t. ni. Ces traités sont directement consacrés à l’étude de la question dogmatique considérée en elle-même, l’addition du Filioquc au Symbole en tant que question distincte de la doctrine n’étant touchée qu’en passant.

1. Le premier traité (p. 1-268), déjà publié d’une manière fort défectueuse par Nicodème Métaxas sous le titre : rswpytoo toû SxoXapôou tô awza.yiJ.oc, èmypaçôp-evov « ’OpOoSô^ou xaTaçôyiov », Constantinople, 1627 ou 1628, fut composé à l’automne de 1444, à la suite des conférences contradictoires qui eurent lieu au palais impérial, à Constantinople, entre le dominicain Barthélémy Lapacci, évêque de Cortone, légat pontifical, et Georges Scholarios, en présence de l’empereur Jean VII Paléologue, du despote Théodore, du patriarche catholique de Constantinople Grégoire Mammas, du cardinal Francesco Condulmer, neveu du pape Eugène IV, et de beaucoup de Latins et de Grecs.

L’ouvrage est divisé en six parties, dont voici les titres en abrégé : a) Les causes du schisme, b) Doctrine et autorité de saint Augustin, c) Théorie générale des images de la Trinité dans les créatures, d) Les arguments des Latins, e) La formule des Grecs a Pâtre per Filium.) Accord des Pères grecs et latins. D’après cette division, on voit que l’auteur concentre tout son effort sur la tradition patristique grecque et latine. Presque rien sur la preuve scripturaire ; peu d’attention aux raisonnements purement scolastiques. (/est le contraste parfait avec la méthode suivie par Photius dans la Mystagogie du Saint-Esprit. Abondante pour ce qui regarde les Pères grecs, la documentation de Scholarios est beaucoup plus imparfaite sur la tradition latine. De celle-ci il n’étudie bien que saint Augustin, et spécialement le De Trinitate, qu’avail traduit en grec le moine Maxime l’Ianude. sur la fin du m" siècle. Il est beaucoup mieux renseigné sur la théol latine postérieure au schisme. Non seulement il a In saint Thomas, qu’il prend plus ! i partie, il n’ignore pas la théorie des processions divines de l’école franciscaine, à l’exposition de laquelle il consacre tout un chapitre du deuxième traité (p. 386-390). Il rapporte généralement d’une manière claire les arguments de ses adversaires et cite loyalement les passages patristiques qu’ils font valoir. Ce qu’on peut lui reprocher, c’est de faire le silence sur certains passages Us l’ères grecs particulièrement explicites On n’y trouve, par exemple, aucune citation de Cyrille de Jérusalem, de Didyme l’Aveugle, d’Épiphane, qui fut pourtant cité au concile de Florence, et l’on y cherche vainement certains témoignages de Cyrille d’Alexandrie. Il ne cite pas une seule fois l’hotius, dont il blâme la conduite au synode de Sainte-Sophie de 879-880, pour s être réconcilié avec l’Église romaine sans examen de la doctrine sur la procession du Saint-Esprit (p. 11). Par contre, il fait état de la lettre apocryphe, Son ignoramus du pape Jean VIII à Photlus sur le Filioque, dont il défend l’authenticité. Cf. ici, t. viii, col. 610.

2. Le deuxième traité (p. 209-467) est un remaniement du premier rédigé peu de temps après pour l’empereur de Trébizonde, Jean Comnène, à qui il est dédié. Seule l’épttre dédicatoire avait été publiée jusqu’ici à Londres, en 1858, par Simonidès, puis par 1 lcrgenrOther dans P. G., t. cl, col. 665-668, d’après un manuscrit viennois. L’ouvrage est divisé en quatre parties : a) Introduction, b) Exégèse des textes controversés (il s’agit uniquement de textes des Pères grecs), c) Accord des l’ères orientaux et occidentaux. d) Arguments positifs de l’opinion grecque. L’auteur nous avertit qu’il a voulu faire quelque chose de plus abrégé, de plus clair, de plus documenté au point de vue patristique. Le fond doctrinal est sans doute le même, mais l’ordre des matières, la méthode d’exposition varient.

3. Le troisième traité (p. 458-495), dont Dosithée de Jérusalem avait donné une édition incomplète et fort mauvaise dans son T6[zoç àyàTnjç.p. 252-291, reproduite dans P. G., t. clx, col. 668-691, n’est qu’un href résumé des deux autres sous forme de confession de foi. Pour se faire lire du public instruit, Scholarios s’est décidé a condenser ses conclusions. Il a visé, en même temps, à répondre aux attaques des unionistes, qui ont essayé de le mettre en contradiction avec lui-même » Le texte même de la confession de foi est accompagné, tout le long, de passages patristiques qui en appuient les affirmations. Au moment où il rédige cet opuscule, Scholarios porte encore le prénom de Georges. Le traité a été composé en 1449. Cf. Œuvres, t. iii, p. 173.

4° Tome III. Suite îles œuvres polémiques. Questions scripturaires et théologiques. Œuvres apologétiques. —

Le t. ni ne renferme pas moins de 46 dissertations ou opuscules, dont 22 étaient complètement inédits, et 86 ont été tirés de manuscrits autographes. Le tout est divisé en trois grandes sections : Œuvres polémiques ; Questions scripturaires et théologiques ; Œuvres apologétiques.

l. Œuvres polémiques.

Les œuvres polémiques se subdivisent elles mêmes en cinq sections.

a) Polémique antilatine (20 pièces, p. ] 204). ie n. 19 est un simple extrait légèrement modifié du n. 3 : Examen de quelques passages des Pères lutins sur la procession du Suint Esprit. Le n. 17 : Rapport des antiunionistes à l’empereur sur le concile de Florence (novembre 1 152), ne porte pas la signature de Scholarios ; mais on ne peut douter qu’il en soit l’auteur, ou du moins l’inspirateur, comme on peut le déduire de la note autographe qui le précède dans le Dionysianus Athonensis tSO. Cette pièce avait déjà été éditée dans l’ouvrage rarissime de Nectaire, patriarche de Jérusalem, intitulé [Iepl yy/j, ’toû Traita, éd. de Dosithée, lassy, 1682, p. 233-236. Tous les autres morceaux ont pour but de combattre la doctrine catholique de la procession du Saint-Esprit ou le concile de Florence.

La série s’ouvre par deux Dialogues sur la procession du Saint-Esprit portant respectivement les titres de : Ne6çp<ov r, ’Aspou.u6îa et de : ’OX61av6ç. Le premier date de 1416, le second vraisemblablement de 1451, car au moment où il l’écrit, Scholarios est devenu depuis peu (-pô u.t>cpoij), le moine Gennade, ce qui arriva en 1450. L’archimandrite russe Arsenii les avait édités séparément à Novgorod, 1896, d’après une copie médiocre. La nouvelle édition repose sur des autographes.

.Malgré les cinq années qui les séparent, ces deux écrits se suivent dans l’édition. Le sujet austère de ces entretiens est rendu presque attrayant par les habiletés de l’écrivain. Les allusions aux événements contemporains n’y sont pas rares. Scholarios s’y défend contre les attaques des unionistes, qui l’accusaient d’avoir fait volte-face, lui même temps, surtout dans le second dialogue, il répète sa thèse sur la procession du Saint-Esprit, et révèle toutes les subtilités de la controverse entre partisans et adversaires du concile de Florence. Tout en restant dans les limites du dogme catholique, les unionistes faisaient à leurs adversaires des concessions verbales étonnantes ; ils allaient jusqu’à dire : « Le Fils n’est pas le principe du Saint-Esprit. Le Saint-Esprit s/CTropeûeTai du Pè-e seul » (p. 28 et 34), incluant dans les mots àp/v, et sxTTops’jeaOsa l’idée de principe sans principe, qui ne convient, en effet, qu’au Père. On remarquera aussi, dans le Neoçpwv, comment l’auteur repousse l’idée que les malheurs de Byzance seraient le châtiment de l’abandon de l’union de Florence (p. 15-20), et dans l"OX61av6ç, l’apologie de Nil Cahasilas, qui avait affirmé que la persistance’de la division entre les deux Églises était duc au refus du pape de s’oumettre la question de la procession du Saint-Esprit au jugement d’un concile œcuménique (p. 43-48). Enfin, dans l"OX6.av6ç. Scholarios avoue avoir adhéré pendant quelque temps à la doctrine qu’il combat maintenant (p. 23, 22-30) et il reconnaît clairement la primauté du pape, tout en niant son infaillibilité (p. 11-42).

Les n. 6 et 7, de l’édition, doivent dater de la fin de 1449 ou du début de 1450. Ils sont, en effet, postérieurs à l’Exposition de ta foi orthodoxe ou troisième traité sur la procession du Saint-Esprit, compose en 1449, comme nous l’apprend Scholarios lui-même dans son Manifeste aux habitants de Cnnstantinople du 27 novembre 1 152 (voir p. 173, 1. 15-16 de ce volume). Par ailleurs, quand il les écrit, l’auteur n’est pas encore moine. Dosithée a fondu arbitrairement en un seul ouvrage ces deux opuscules unis à [’Exposition île la foi orthodoxe, et en a donné, dans le Tou.oç àyx-r, :, p. 272-291, une fort mauvaise édition, reproduite dans I’. (i.. t. CLX, COl. 691-71 1. Ces écrits répètent une partie du contenu des deux grands traités sur la procession du Saint Esprit, l.e premier se rapporte a la preuve patristique, le second au raisonnement théologique. Dans le n. ti, Scholarios revient longuement sur l’autorité de saint Augustin, grand appui des Latins. L’autre opuscule (n. 7) reprend l’objection coutumière des polémistes contre la doctrine catholique : affirmer que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils, c’est nécessairement introduire deux principes dans la Trinité. Ces Latins ont beau rejeter cette conséquence. Elle leur est Imputable, tant qu’ils ne renoncent pas au principe qui l’engendre, et il faut fuir leur communion. Le court n. cS, Épichérème contre la procession du Saint-Esprit < ab utroque » et réponse des Latins, est étroitement apparenté a l’opuscule précédent (cf. p. I65), ainsi qu’au, 71* chapitre si/llogistiquc de Marc d’Ëphèse et à la réponse qu’y lil Scholarios (cf. p. 7077). C’est le simple exposé d’une objection des Crées et la réponse qu’y font les Latins. Nous avons là vraisemblablement un écho dos discussions de Florence. Scbolarios explique on ne peut plus clairement à ses compatriotes un point capital de la théologie latine sur la procession du Saint-Esprit.

Le n. 9, Brève apologie des antiunionistes (p. 77-100), publié par Dositbée sous un titre fantaisiste et reproduit tel quel dans P. G., t. clx, col. 713-732. date à peu près certainement de 1 151 ou du début de 1452. On y trouve des renseignements intéressants sur le concile de Florence, l’attitude qu’y eurent les Grecs, les événements des années qui suivirent. Scbolarios cherche à justifier son opposition et celle de ses amis au concile, dont il attaque l’œcuménicité, tandis qu’il proclame oecuménique le concile tenu à Constantinople en 879-880 sous Photius, et le synode des Blakbernes de 1285 qui condamna Jean Beccos et l’union conclue a Lyon en 1274. Il parle de la politique religieuse de l’empereur Jean Vil Paléologue, de sa tolérance à l’égard des adversaires de l’union et dit qu’il mourut t privé des honneurs de l’Église » pour avoir simulé le latinisme jusqu’au dernier moment. Au demeurant, il traiter les Latins d’hérétiques (p. 95, 18 sq.). Il lui suffit de dire qu’ils s’éloignent de l’antique tradition et qu’il faut fuir leur communion jusqu’à ce qu’ils effacent le Filioque du Symbole.

Le n. 10 est tout à fait intéressant, non seulement inédit mais complètement inconnu jusqu’ici. Ce n’est malheureusement qu’un extrait, mais un extrait considérable et autographe, que nous a conservé le Parisinus 681 du Supplément grec. Répondant à un ami qui lui avait demandé son sentiment sur le grand discours natique de Bessarion pour l’union, prononcé à Florence devant l’assemblée des Crées, les 13 et 14 avril 1439 (cf. P. G., t. clxi, col. 543-612), Scholarios avoue ne l’avoir parcouru qu’à la suite de la démarche do son correspondant : mais il déclare que le principe qui lui dicte son appréciation lui est familier depuis longtemps. Que reproche-t-il donc à Bessarion ? D’abord, d’avoir visé moins à donner la pensée des Pères qu’à réfuter les fausses interprétations de Marc d’Éphèsc (p. 101, 12 sq.) ; en particulier de n’avoir pas examiné dans le détail les passages des Pères latins, mais d’être parti de l’idée qu’ils enseignaient que le Fils est cause du Saint-Esprit et d’avoir ramené à cette doctrine l’enseignement des Pères orientaux, établissant à la légère l’équivalence des propositions hv. et Sut ; ensuite, de s’être contenté des applaudissements de gens qui n’entendaient rien à la théologie et n’étaient avides que d’honneurs et d’argent ; enfin d’avoir eu trop de confiance en lui-même et de n’avoir pas sollicité l’appui de ceux qu’il considérait auparavant comme des maîtres et qu’il savait être vraiment au courant de la question (p. 112, 8 sq.). Il est permis de découvrir sous ce dernier reproche un peu d’amertume personnelle. L’importance du morceau gît moins en ces critiques qu’en l’aveu tout à fait explicite que Scholarios fait de son unionisme. Nous reviendrons plus loin sur ses déclarations.

Les sept documents qui suivent (n. 11-17) ont été écrits pendant les années 1 150-1 152 et se rapportent a l’activité antiunioniste de Scholarios qui, dans le courant de 1450, a revêtu l’habit monastique. Le nouveau moine déploie tous ses efforts pour conjurer ce qui constitue à ses yeux le plus grave péril pour sa patrie : l’abandon de la doctrine des ancêtres sur la procession du Saint-Esprit et l’acceptation du décret d’union de Florence. L’ambassade envoyée par l’empereur Cons tantin XII au pape Nicolas V par l’intermédiaire de Bryennios n’a pas eu son approbation. Au courant des accords conclus et des conditions posées par le pape, il redouble ses exhortations et déclare sa résolution irrévocable de ne pas communiquer avec le cardinal-légat,

Isidore de Kiev, et de ne pas faire mémoire du pape tant que le Filioque n’aura pas été effacé du Symbole.

Les cinq derniers documents (n. 13 17) portent une date déterminée. Le premier : Lettre à Déméirius Paléologue, frère de l’empereur Constantin, fut écrit vrai semblablement au début de 1 150. Il comprend deux parties. Scholarios tait d’abord le panégyrique de son correspondant, tout dévoué aux antiunionistes (p. 1 17 126) ; la seconde partie (p. 126-136) est d’ordre dogmatique : exposé succinct de la doctrine de la procession du Saint-Esprit, où a passé un extrait du troisième traité sur la procession du Saint-Esprit (p. 127-128). Cette lettre avait été publiée par Sp. I.ampros dans le t. ii des lla>, a(, o>, ovsi.a xal IIeXo7Cowv] ?iaxà, Athènes, 1912.

La Lettre au grand-duc Luc Salants, contre l’union de Florence (n. 12) a élé publiée par Constantin Simo nidès, à Londres, en 1858, d’après une source qu’il n’indique pas, sous le titre : TswaSiou toù D^oXaptou oLpyizmo’Ôttou KcûvaTavTivooTOXsMi : xal otxouji.svt.xoo TCa-rpiâpxou tô nzpi èxrropeûasax ; toù Travayîoo rivej[lcc-ïoç ÈTrtCTTOÀtixaîov 7rpco"rov fîiêXîov. Les éditeurs l’ont prise dans le Parisinus 1297, du XVIe siècle. Le morceau est de caractère dogmatique et a pour but de fortifier le grand-duc dans son opposition à l’union. Scholarios s’y défend du reproche que lui faisaient les Latins d’être le destructeur de l’union. Comment romprait-il l’union, puisque l’union n’existe pas et que tous les Byzantins, ou à peu près, lui sont opposés ? Il déclare, en terminant, que les espoirs d’un secours venu d’Occident sont illusoires, et exhorte son correspondant à tenir ferme à la foi des ancêtres. La lettre fut écrite après le départ du patriarche Grégoire Mammas de Constantinople (cf. p. 151, 1 sq.), c’est-à-dire en 1451.

Les documents 13-17 intéressent surtout l’histoire et, sauf le n. 17, Lettre au despote Déméttius Paléologue (25 décembre 1452), avaient déjà été publiés dans le recueil de Lampros, op. cit., t. H, p. 89 sq. La lettre au despote Démétrius (n. 17) fut écrite le 25 décembre 1452, après la proclamation solennelle de l’union, le 12 décembre de la même année. Elle était accompagnée, semble-t-il, de la Liste des écrits antiunionistes donnée sous le n. 18, que nous a conservée le Parisinus 1289, autographe. Il s’agit, non de toutes les œuvres polémiques écrites par Scholarios contre les Latins et l’union de Florence, mais des productions les plus récentes composées d’octobre 1451 à décembre 1452. A la fin, Scholarios parle de quatre déclarations antiunionistes souscrites par les métropolites signataires du décret de Florence. La dernière remonte à l’arrivée à Constantinople de la délégation des hussites de Prague, conduite par le prêtre anglais Constantin Platris, c’est-à-dire à l’automne de 1451. A propos de ces signataires du décret de Florence, on lira avec intérêt la note autographe, inédite, publiée sous le n. 21, où Scholarios passe en revue les ecclésiastiques qui assistèrent au concile, et indique soigneusement ceux qui signèrent, ceux qui ne signèrent pas et ceux qui se dédirent.

La Lamentation sur la proclamation de l’union à Florence (n. 19), déjà éditée par S. I.ampros, op. cit., t n. p. 77-88, est un morceau curieux, qui sent un peu la rhétorique. L’auteur déplore l’inutilité de ses efforts pour empêcher ce qui est arrivé et termine par une prière où il exprime l’espoir de voir revenir ses compatriotes à la doctrine des ancêtres.

Le dernier morceau de la polémique antilatine (n. 23) intitulé : ïlepl tûv lep-ôv sloôScov : Des saintes enlrccs, fut écrit avant la prise de Constantinople, sans que l’on puisse préciser davantage. Scholarios l< posa a la demande d’un ami qui l’avait Interrogé sur le symbolisme des introlts ou entrées liturgiques en usage dans son Église. Ces entiers sont au nombre de I l’une qui a lieu à l"E<rjrepivoç Suvoç ou vêpres, les deux autres à la messe. Le sujet, d’ordre purement liturgique, devient polémique sous la plume de Scholarios, pane qu’il répond aux critiques des Latins sur le rite de la grande entrée. Lorsque le diacre porte solennellement les oblats de l’autel de la prothèse a l’autel du sacrifice, les assistants font des prostrations ou mêlâmes, comme si le pain et le vin étaient déjà consacrés : d’où le reproche d’idolâtrie souvent formulé parles Latins à l’adresse des Grecs. Avant Scholarios, plusieurs théologiens byzantins, entre autres Nicolas Cabasilas et Syméon de Thessalonique, avaient donné de ceci des explications plausibles. A Florence même, après la signature du décret d’union, les Latins avaient interrogé de nouveau les Grecs sur cette cérémonie. Notre théologien critique plusieurs des réponses fournies et en apporte de nouvelles, qui n’ont pas eu d’écho chez les Grecs modernes, sans doute parce qu’ils ne les ont pas connues. Gabriel Sévère, au début du xviie siècle, dans l’opuscule qu’il a composé sur la question (cf. Richard Simon, Fides Feclesiæ orientalis seu Gabrielis métropolite ? Philadelphiensis opuscula, Paris, 1C71), s’inspire de Syméon de Thessalonique et fait siennes les solutions que notre auteur trouve dénuées de fondement. Celui-ci prend d’ailleurs l’offensive contre les Latins sur la question de la forme du baptême et celle des azymes. Le lecteur remarquera qu’à propos de la forme de l’eucharistie et de l’épiclèse, l’auteur parle d’une manière assez obscure, et n’attaque pas les Occidentaux sur ce point.

b) Polémique antibarlaamite. —

Au xve siècle, malgré les décisions officielles qui étaient intervenues, la controverse palamite n’était pas encore complètement épuisée à Byzance. On trouvait encore, à cette époque, des partisans d’Acindyne et de Barlaam, qui se confondaient souvent avec les « latinophrones », sans parler des Latins, qui soutenaient tous la thèse du Calabrais. Scholarios fut amené à dire son mot sur cette question. Il le lit en deux opuscules, l’un d’allure polémique, adressé à un mandataire impérial, (3aaiXix6ç, appelé Jean, qui l’avait interrogé sur deux points : a. sur la signification d’un passage faussement attribué à saint Théodore Graptos (il appartient en réalité à saint Nicéphore, patriarche de Constantinople, Anlirrheticus I adversus Conslantinum Copronymum, 41, P. ( ;., t. c, col. 304 C-305 A), dans lequel est clairement affirmée l’identité, en Dieu, de l’essence et de l’opération ; b. sur une objection des acindynistes touchant la procession du Saint-Esprit ; l’autre, irénique, où est traitée ex professo la question de la distinction entre l’essence divine et ses opérations.

Le premier (p. 20L22K), dont on avait déjà une édition tronquée, donnée par Dosithée (cf. P. ( ;.. t. clx, col. 649-664), fut composé au mois d’août 11 15. L’auteur commence par résoudre l’objection des acindynistes sur la procession du Saint-Esprit ainsi conçue : si, d’après l’Écriture, le Saint Espril est également l’Esprit du l’ère et l’Esprit du Fils, il est naturel d’en conclure qu’il tient son existence, qu’il procède des deux. On devine la réponse de Scholarios, qui vient de ter miner ses deux grands traités polémiques contre le dogme catholique, au moment où il écrit. Puis, il fait un exposé sobre et clair de la question palamite. A l’en croire, Acindync et ses partisans ne posaient entre l’essence divine et son opération ou ses attributs qu’une distinction de pure raison, ce que nos BCOlaS tiques appellent une distinction de raison raisonnante. Lui, Scholarios, enseigne une distinction réelle, niais

elte distinction pu Ht ; quiv lh : ir i peu pi ;. i la dis

tinelion virtuelle Imparfaite de nos théologiens, ou mieux, semble t il. à /(/ distinction formelle a parle ni (le Sent, l’aiailleurs, il maintient l’existence de la lumière diabolique increce.

Le second opuscule (p. 228-230), intitulé : Ilept toû t : ù>ç SiotxpLvovrai. xi Œîoti. èvépyeiai 7rp6ç ts àXXï)Xaç xai, rr, v Œîxv ouoiav, ffi staiv èvépyeiai xal èv f t cîmv, fut composé après la prise de Constantinople, au couvent du Prodrome sur le mont Ménécée, à la demande d’un ami. Scholarios y donne son opinion définitive sur le palamisme, opinion qui n’est pas la clarté même. Elle a été exposée ici à l’article Palamiti. (Controverse), t. xi, col. 1799-1802.

c) Contre la simonie. —

Dans sa Lettre contre la simonie (p. 239-251), adressée à l’empereur Constantin en 1451, Scholarios dénonce l’une des plaies de l’Eglise byzantine. Il voit dans la simonie la cause principale des malheurs publics. C’est une espèce d’hérésie pire que celle des macédoniens, un crime assimilable à la trahison de Judas. C’est un mal très difficile à guérir, une impiété qui ne profite pas à ceux qui la commettent, puisque la grâce du Saint-Esprit n’est pas vénale. Notre théologien enseigne, en effet, l’invalidité des ordinations simoniaques : l’ordonnateur ne peut rien communiquer et l’ordinand ne reçoit rien (p. 243, 8-25 ; 245, 3-22). Une note autographe du Parisinus 1289 nous apprend que cette lettre contre la simonie fut écrite deux ans avant la chute de Constantinople. Dosithée en avait donné une édition fort défectueuse et incomplète dans le T6u.oç àY<xTrr)< ;, ]>. 307-312 (cf. P. < ;.. t. CLX, col. 731-737). La nouvelle édition vient d’un autographe, le Parisinus 1289, sauf pour la lettre d’envoi à l’empereur, éditée pour la première fois.

d) Polémique contre les juifs. —

Des deux opuscules contre les juifs (p. 231-374) le premier est surtout de caractère polémique et porte bien son titre : Réfutation île l’erreur judaïque ; l’autre appartient plutôt à l’apologétique : c’est un aperçu assez maigre sur les principales prophéties messianiques. Les deux furent composées à Constantinople, lors du troisième pontificat de Scholarios, c’est-à-dire en 1464. Us étaient déjà connus par l’édition qu’en donna Albert Jahn en 1893, dans ses Anecdota grseca théologien, d’après le Bernensis 579, du xv° siècle. La nouvelle édition repose en partie sur un autographe, en partie sur une copie revue par l’auteur.

Le premier opuscule est composé sous forme de dialogue entre un chrétien et un juif qui finit par se convertir. Cette réfutation du judaïsme par la Bible et par l’histoire est remarquable. La plupart des arguments n’ont rien perdu de leur valeur ni de leur actualité. Les théologiens remarqueront ce qui est dit sur l’affaiblissement de la nature humaine par le péché originel (p. 278, 35 sq.), sur le renouvellement de l’univers à la fin des temps (p. 2.SS, 21 sq.), sur l’influence de la volonté dans l’acte de foi (p. 295, 18 sq.), et les historiens apprendront que Scholarios avait pour père un Thessalien émigré à Byzance (p. 252, 25), et que la situation des chrétiens sous le joug musulman était bien meilleure que celle des juifs (p. 292, 15 sq.).

e) Contre Mare d’Éphise. Réfutation de ses chapitres syllogistiques sur la procession du Saint-Esprit (p. 476538). —

C’est l’ouvrage unioniste de Georges Scholarios dont l’authenticité a été le plus contestée. Celle authenticité sera établie plus bas avec celle des autres écrits unionistes de Tailleur. Au témoignage de la critique interne s’ajoute celui des quatre bons manuscrits du xv siècle qui nous ont conservé le texte. Ces manuscrits sont des recueils unionistes de contenu à peu près identique, dérivant d’une source commune, qui paraît être te copie de Joseph de Méthonc. alors « pie celui ci s’appelait encore le prêtre Jean Plusiadenus. Tous les quatre, en effet, portent, à la fin de la

Réponse de Scholarios et en tête (le l’écrit de liessarion continuant la réfutation des syllogismes de Marc, la note suivante attribuée a Jean l’Iusjadenus.


Ces chapitres, le très savant Georges Scholarios les réfuta à Constantinople, à la demande du défunt Grégoire le patriarche ! alors grand protosyncelle..Mais il en restait d’autres qui] négligea d’exécuter. Aussi, le défunt patriarche, étant venu a Rome, pria le liés savant cardinal évèquc de Nieee d’y répondre. Celui-ci. accédant à sa demande, en lit justice en peu de mots, afin que, disait-il, ces syllogismes de l’évéque d’Éphèse ne restassent pas sans réfutation et que les gens simples et ignorants ne les considérassent pas comme irréfutables, parce qu’on les a laissés sans réponse.

Ce fut donc à Constantinople, à la demande de Grégoire Mammas, alors grand protosyncelle, que Scholarioa écrivit sa Réponse. Comme Grégoire resta protosyncelle jusqu’au milieu de l’année 1444, époque où il fut nommé patriarche de Constantinople, cette Réponse est donc antérieure à cette date ; mais il est évident qu’elle est de trois ou quatre ans plus ancienne. En 1444, en effet, Scholarios s’est déjà déclaré contre l’union, et c’est cette année-là même qu’il promet à Marc d’Éphèse mourant de lui succéder dans la luttecontre le latinisme. Selon toute vraisemblance, ce fut aussitôt après le retour de Florence, dans les premiers mois de 1440, que Grégoire fit auprès de Georges la démarche dont parle Jean Plusiadenus. Notre théologien se mit sans retard au travail. Après avoir parcouru attentivement les xsoàÀata ouXXoYiaTi.xà de l’archevêque d’Éphèse — on peut croire qu’il les a eus tous en main, cf. l’art. Marc Eugenikos, t. ix, col. 1984 — il s’aperçut qu’il y avait là beaucoup de répétitions, et dix-sept seulement sur cinquante-six lui parurent mériter l’honneur d’une réponse ; il passa les autres. Cela ne faisait point l’affaire de Grégoire Mammas, qui aurait voulu qu’on n’épargnât aucun des syllogismes de Marc. Voilà pourquoi, ne pouvant plus s’adresser à Scholarios, passé au camp des antiunionistes, il supplia plus tard Bessarion, de parfaire l’œuvre si bien commencée. La réfutation de Scholarios, unie à celle de Bessarion, avait été publiée par Hergenrôther dans P. G., t. clxi, col. Il sq. La nouvelle édition amende le texte en plusieurs endroits.

Ceux qui éprouvent tant de difficulté à admettre l’authenticité de cet écrit de Scholarios n’ont peut-être pas remarqué que ce dernier y vise moins à nous livrer sa pensée personnelle sur la procession du Saint-Esprit. bien qu’à plusieurs reprises il se déclare assez ouvertement pour la doctrine catholique, qu’à ruiner les arguments de Marc, à montrer qu’ils sont inefficaces, à dire à l’archevêque d’Éphèse : « Voilà ce que vont te répondre les Latins. »

2. Questions scripturaires et théologiques (p. 315-443).

Scholarios a laissé un certain nombre de questions quodlibétiques sur des textes scripturaires ou des sujets de théologie. Le t. m des Œuvres en contient dix-sept de cette sorte, parmi lesquelles six se rapportent à des sujets scripturaires, les autres à des sujets de théologie scolastique.

Les six questions scripturaires, représentent tout ce que notre Byzantin a légué à la postérité en fait d’exégèse biblique :
a) Le délaissement de Jésus sur lu croix : explication des paroles : Deus meus, Deus meus, quare derelequisli me ? prononcées par le Sauveur sur la croix. —
b) Sur l’apparition de Jésus à Marie-Madeleine et ù Thomas.
c) Sur le reniement de saint Pierre et le chant du coq. -
d) L’heure de la crucifixion de Jésus. —
e) Sur le second avènement du Sauveur et la résurrection des corps : Scholarios soutient que ceux qui vivront à la parousie, les pécheurs comme les justes, ne passeront pas par la mort. —
f) Sur l’arbre de vie et l’arbre de lu connaissance.

Les onze questions théologiques sont d’étendue et d’importance inégales et ont trait à divers points de dogme et de morale :
a) Sur i incarnation du Fils de Dieu, œuvre de jeunesse avant pour but de montrer comment le Fils de Dieu seul s’est incarné, et non le Père et L’Esprit, maigre l’unité d’essence dans la Trinité.
b) I Sur le titre de serviteur donné ù Jésus-Christ. (écrite en 1464), terme à proscrire en théologie.
c) Sur la rareté des miracles au temps présent, œuvre de la vieillesse, où l’on trouve un tableau sévère des mœurs du clergé byzantin sous la domination turque et où Scholarios exhale son pessimisme en annonçant la fin du monde comme toute prochaine. —
d) Sur l’humanité île Jésus-Christ, déjà publiée dans P. (i., t. ci.x, col. 1 157-1 162, traite de l’extension de l’œuvre rédemptrice à toute l’humanité parce que Jésus-Christ est le nouvel Adam. -
e) Sur les progrès des anges dans la béatitude, opuscule bâti sur le modèle de saint Thomas, Sum. theol., I", q. lxii, a. 0, avec conclusion identique ; l’auteur rappelle en passant les idées maîtresses de l’angélologie thomiste. —
f) Sur la double connaissance des anges, autre réminiscence thomiste sur la connaissance matutinale et la vespérale. —
g) Sur la liberté des méchants quand ils commettent le péché, leçon de théologie morale sur les actes humains empruntée à saint Thomas. —
h) Stérilité de la foi sans les bonnes œuvres, énumération curieuse des bonnes œuvres que doit pratiquer un chrétien, une quarantaine. —
i) Marie plus glorieuse que les séraphins, commentaire de cette assertion du mélotle saint Cosmas. —
j) Supériorité de saint Paul sur les autres saints, après la sainte Théotocos, morceau dont l’authenticité n’est pas absolument certaine ; c’est peut-être un simple extrait d’un panégyrique de saint Paul. —
k) Sur la distinction des personnes divines, de l’année 1464, simple note écrite à la suite d’un rêve, que Scholarios a pris pour une communication surnaturelle. La solution est dirigée contre la thèse thomiste : le Saint-Esprit peut se distinguer du Fils sans procéder de lui.

3. Apologétique à l’adresse des musulmans (p. 434475). —

a) De la seule voie qui mène les hommes au salut. —

Quelque temps après la prise de Constantinople, Mahomet II voulut se renseigner sur la religion de ses sujets chrétiens. Accompagné des hommes les plus instruits de son entourage, il alla trouver le patriarche Gennade et le questionna longuement sur le christianisme. Après le second entretien — car il y en eut trois — Mahomet II demanda au patriarche de donner par écrit la substance de ce qu’il avait dit. De là sortit le premier opuscule en question. Le morceau est d’une belle venue, approprié aux lecteurs auxquels il est destiné. En voici la marche générale. Toute chose est ordonnée à une fin. La fin de l’homme est d’atteindre Dieu, de jouir de lui. C’est par l’exercice de ses facultés supérieures d’intelligence et de volonté qu’il y tend ; et comme le moteur de toute cette activité est la volonté libre, il était nécessaire que le Créateur donnât à l’homme une loi pour diriger sa marche. La première loi donnée fut la loi naturelle. Mais la chute originelle a corrompu, quoique non complètement (p. 437, 4), la nature humaine ; les hommes sont tombés dans l’idolâtrie la plus avilissante. C’est alors qu’a été donnée à un petit peuple la loi écrite pour préparer l’avènement d’une économie plus parfaite. Au temps marqué. Dieu voulut réaliser par lui-même la restauration de l’humanité et lui apporter la loi définitive, la loi de grâce, après laquelle il n’y a pas à en attendre une autre différente ou plus parfaite. Pour cela, il était nécessaire en quelque façon que Dieu se fît homme. Aucune contradiction, aucune impossibilité dans l’incarnation d’un Dieu, puisque Dieu est tout-puissant. C’est le fils de Dieu, le Verbe, qui a pris une nature humaine dans l’unité de sa personne et en a lait son instrument pour opérer notre salut. La l"i donnée par lui ne contredit pas, mais perfectionne la loi île Moïse. Elle a été annoncée par les prophéties de l’Ancien Testament, par les oracles païens et les sibylles, et pressentie par les plus sages d’entre les Grecs et les Égyptiens. F.lle a fait fleurir sur la terre des vertus surhumaines, renversé les idoles, triomphé de longues persécutions, enfanté de nombreux martyrs. Rien en elle de contradictoire, de fictif, de terrestre : tout y est vrai, spirituel, divin.

Cependant le mystère de l’incarnation pose le mystère de la Trinité, grosse difficulté pour des monothéistes. Après avoir déclaré que ce mystère nous a été révélé par le Dieu fait nomme, Scholarios cherche à montrer par la raison que la trinité des personnes ne détruit ni l’unité ni la simplicité de l’être divin, et il recourt pour cela à l’analogie tirée de l’âme humaine, analogie si bien développée par saint Augustin et saint Thomas : Dieu, Esprit pur, se connaît et s’aime ; le terme de sa connaissance est le Verbe ; le terme de son amour est le Saint-Esprit. Notre théologien cherche aussi à rendre accessible à ses interlocuteurs le mystère de l’incarnation et l’immutabilité du Verbe par la comparaison dela parole humaine considérée dans ses trois états : verbe intérieur, parole parlée, parole écrite (p. 446-447). Puis il décrit rapidement l’œuvre de Jésus, la mission du Saint-Esprit, la prédication des apôtres confirmée par les miracles de toutes sortes, la merveilleuse propagation du christianisme. Il termine en déclarant qu’après la loi évangélique, il n’y a lias a attendre pour l’humanité une révélation nouvelle. A plus forte raison, une autre législation en contradiction avec celle de Jésus et la détruisant ne saurait-elle venir de Dieu. Si Dieu permet que des imposteurs se donnent encore pour sc> envoyés, ce fait n’infirme pas la conclusion : la seule voie du salut est la doctrine de Jésus et de ses disciples. Elle contient en elle, et d’une manière éniinente, tout ce que la sage isse antique a produit de meilleur. Si parmi les chrétiens il y a des hérésies et des schismes, ces divisions ne proviennent point d’évangiles différents, mais de la diversité des interprétations d’un même texte, où l’on a vainement cherché à découvrir des contradictions. a Que le seul et unique Dieu en trois personnes, le maître de la vérité, nous conduise tous à la connaissance de la vérité sacrée, seule perfection et béatitude de l’bommel » Tel est le souhait final de Gennade, qui n’a pas craint d’attaquer assez ouvertement, quoique sans le nommer, le faux prophète qui a nom Mahomet.

Il ne faut point confondre cet écrit authentique avec le dialogue apocryphe de même titre qui circule depuis le xvie siècle sous le nom du patriarche Gennade. Cet apocryphe est l’œuvre d’un unioniste grec de la fin du xv siècle, extrait presque tout entier d’un écrit pseudoathanasien, composé lui-même sur la fin du xiv° ou au début du xv° siècle, par un Grec hostile au dogme catholique de la procession du Saint-Esprit, et dont le texte se trouve dans P. G., t. xxviii. col. 773-796, sous le titre : "ETEpod tiveç à7roxpïo-£i.ç. Incipii : ’Kp< ! >— r, oiç a’Tt èoTi Wsoç. I.e faussaire le copie en abrégeant et y faisant quelques changements jusqu’à la question xviii inclusivement (cf. P. G., t. cit., col. 78 !) A), l.a principale modification regarde la procession du Sain t-Esprit ab utroque, que le pseudo-Athanase rejette (cf. P. G., col. 777 H) et que le faussaire admet. I.e reste du travail de ce dernier a consisté à inventer le titre suivant : Toû alSeai|i.coTàTOi) 7raTpidtpyou Kcova-TavTivou 7ToXecoç TewaSiou DyoXapCou (316Xtov oôv-iou.6v te y.atl aaçèç nepi tivcov xEçaXaUov ttjç rjUETÉpotç 7tîo-te(oç 7TEpl cov Y) SiàXE^iç yEyovE 1-lSTà’A|AOip5 TOÛ Moc/oufiÉtoo, fj y.’/X è^iyéypxK- : y.iI Iepi TÎJÇ ô80ô tt ; ç ator/iptaç àvOpô— <ov.’Epco-ràôTo’jpyoç.ôo’j 7racpi.depyr i < ; à : toxpcvExai. C’est sous ce titre que Jean Alexandre Brassicanus (ou Kohlburger), professeur de littérature classique à Vienne († 1539), l’a publie, en f">30, avec une traduction latine. Trois ans après, parut a Paris une autre traduction latine du même dialogue, qui est présenté par l’éditeur comme absolument inédit. Cette traduction latine est celle de Georges Hermonyme de Sparte, qui vivait dans la seconde moitié du xv c siècle et qui pourrait bien être l’auteur de la supercherie. Elle a été reproduite dans plusieurs collections patristiques, notamment dans la Bibliotheca Patrum, édit. de Paris, t. iv, Bill. p. 951 sq., et dans celle de Lyon. t. XXVI, p. 530 sq. C’est celle que donne E.-.I. Rimmel dans ses Monumenia fidei Ecclesise orientalis, t. i, Iéna, 1850, p. 1-10, et aussi Ilcrgenrôther dans P. G., t. clx, col. 319-332. Ces deux auteurs qualifient ce plagiat de Confessio fidei prior Gennadii patriarclw. Quant au texte grec, Jean de Fucht en donna une nouvelle édition avec traduction latine à Ilelmstadt en 1611 (cf. E. Legrand, Bibliog. hellénique du XVIIe siècle, t. v, p. 14), édition reproduite par Christian Daum dans son ouvrage : /). Hieronymi theologi grseci dialogus de S. Trinitate… Unie accesserunt hac edilione Gennadii Scholarii patriarchse Constantinopolitani dialogus de via salulis humanæ inscriplus ; ejusdem Conjessio de fidei nostnv articulis ; item oratio ad unum et trium personarum Deum ; omnia gnvco-latina… Cygnea ? (= Zvvickau, en Saxe), 1677. Enfin W. Gass a publié de nouveau le texte grec de C. Daum, qu’il a collationné avec l’apocryphe pseudo-athanasien, dans la seconde partie de son ouvrage : Gennadius und Pletho, Brestau, 1844, p. 16-30. J.-C.-T. Otto démontra le premier, en 1850, le caractère apocryphe de la pièce dans Siedners Zcitschrift fur historische Théologie, t. xx, 1850, p. 389417. Cf. aussi t. xxxiv, 1851, p. 111-121, de la même revue. Les savants se sont généralement rangés à l’avis d’Otto. Ainsi W. Gass, Symbolik der griechischen Kirche, Berlin, 1872 ; Jon Michalcescu, ©r ( aaupoç ttjç ôpGoSo^îaç : Die Pckenntnisse und die wichtigsten Glaubensze.ugnisse der griechisch-orientalischen Kirche, Leipzig, 1901, p. 253 (Michalcescu reproduit le texte grec du dialogue dans son recueil, p. 255-261, c’en est la dernière édition) ; A. Palmicri, Theologia dogmatica orthodoxa, t. t, Florence, 1911, p. 440-441. D’autres en sont encore à parler de simples interpolations. Ainsi Mesoloras, Euu.eoXi.xr, rr, c ; Ôp0086l ; ou’AvaToX’.xr, : ’ExxXTjataç, t. i, Athènes, 1904, p. 71.

b) l.a confession de foi de Gennade. —

Aussitôt rédigée, L’unique voie du salut des hommes fut traduite en langue lurco-arabe et envoyée au sultan. Celui-ci trouva le morceau trop compliqué et demanda au patriarche de composer quelque chose de plus clair. Dans l’intervalle, sans doute, avait eu lieu le troisième entretien. Gennade se mit à l’œuvre, et donna sous la forme d’une confession de foi un bref exposé de la foi chrétienne divisé en douze articles, dont les onze premiers commencent par nKTTSoojZEv, et le douzième énumère sept motifs de crédibilité. Les éditions antérieures ont divisé arbitrairement le morceau en vingt articles, c’est ce qu’on a appelé plus tard la Confession de foi du patriarche Gennade. Le titre authentique semble avoir été le même que celui du premier exposé. c’est-à-dire : L’unique t’oie du salut des hommes, comme on peut le conclure de la suscription de la pièce dans le l.ciuriotanus Athoncnsis }’… S4, copie revue par Scholarios, qui a servi de base a la nouvelle édition avec deux autres autographes. Ces sources coupent court à toutes les discussions qui ont eu lieu à son sujet entre les critiques. On trouvera un aperçu de ces discussions dans Œuvres, I. iii, ]). xxxv-xlii.

C’est faute d’avoir saisi le caractère apologétique de C( Ile pièce que les théologiens se sont étonnés de certaines expressions, par exemple du mot £$Uo(i.a, attribut, propriété, emplove pour désigner les personnes divines, celles-ci étant considérées comme les principes et les sources de tous les autres attributs divins (p. 453, 20 sq.) : que d’autres ont disserte sur le platonisme de Scholarios, alors qu’il aurait fallu parler d’influence de la théologie latine, spécialement pour ce qui regarde l’analogie de la trinité dos personnes tirée de l’âme humaine et do ses facultés d’intelligence et de volonté. De là vient enfin qu’un grand nombre ont voulu faire de ce bref exposé un livre symbolique de l’Église gréco-russe, ce qui est inexact. Sou contenu, en effet, fait abstraction de toutes les divergences dogmatiques entre les Églises, et cela intentionnellement, car il s’agit d’exposer à des infidèles les dogmes distinctifs du christianisme et de les amener à le professer.

La pièce donne bien la substance de l’opuscule précèdent sur l’unique voie du salut ; mais elle passe le développement historique sur les trois lois successives : naturelle, écrite et évangélique. Quoique plus court, l’exposé des mystères île la Trinité et de l’incarnation est plus clair, grâce aux comparaisons qui sont développées. La doctrine des fins dernières est mise plus en relief, et l’article 12 sur les preuves de la vérité du christianisme, où certains ont voulu voir un horsd’œuvre, rainasse en une énumération impressionnante des idées éparses dans la première rédaction.

Comme le premier opuscule, cet abrégé fut traduit en langue turco-arabe. Il semble que la traduction primitive ait été exécutée par des Grecs connaissant la langue turque et écrite en caractères de cette langue, mais telle que nous la possédons, en arabe transcrit en caractères grecs, la traduction est fort défectueuse et a exercé la sagacité des turquisants et arabisants qui ont essayé de reconstituer son texte en caractères arabes. Sur les diverses éditions de ce petit écrit, voir (Euvres, t. iii, p. xli-xlii.

c) Demandes et réponses sur la divinité de Jésus-Christ (p. 458-475). —

Sous ce titre est pour la première fois édité, d’après deux autographes, un dialogue entre Gennade et deux pachas turcs. L’entretien roule sur la divinité de Jésus-Christ et le mystère de l’incarnation. Gennade expose les principaux motifs de crédibilité à ces vérités aux deux infidèles, qui le quittent en lui demandant de leur communiquer ce qu’il avait écrit sur la foi chrétienne après ses entretiens avec le sultan et lui promettent de revenir. Pour une analyse détaillée, voir l’introduction au t. iii, p. xlii-xlv.

5° Tome IV. Polémique contre Pléthon. Œuvres pastorales, ascétiques, liturgiques, poétiques. Correspondance. Chronographie. —

Comme on le voit, le contenu du t. iv est particulièrement varié. On y trouvera réunies les pièces relatives à la polémique contre Gémistos Pléthon (p. 1-189). La théologie dogmatique, morale et ascétique, la liturgie, la philosophie, la littérature, l’histoire surtout, ont beaucoup à puiser dans le recueil.

1. La polémique contre Pléthon. —

Les morceaux donnés sous cette rubrique sont au nombre de six, d étendue très inégale, de contenu philosophico-théologique.

a) Contre les difficultés de Pléthon au sujet d’Aristote : Kortà tôv IlÀrOcovoç iiropuâv è-’Aç, <.n-’j-i’Lz’. (p. 1116). —

De cet ouvrage, divisé en deux livres, le premier seul avait été édité par Minoïde Mynas, Georges Scholarios, Paris, 1858, d’après deux mss du xix c siècle, dont le texte est médiocre. La nouvelle édition repose sur deux mss en partie autographes, en partie re visés pur l’auteur.

L’ouvrage a pour but de réfuter l’opuscule de’orges Pléthon intitulé : Hepl d>v’Ap’.TTo-réLr, * ; Trpoç ll>.7.70jva iuupéçercu. Cf. P. G., t. CLX, col. 889-932. Le t. I, de beaucoup le plus Important, répond aux quatre premiers chapitres de Pléthon ; le second s’attaque aux autres griefs formulés contre le Stagyrite par l’ami de Platon. D’après son propre témoignage,

Scholarios entreprit cette défense d’Aristote non pas tant pour l’amour du philosophe que pour la défense de la religion chrétienne, (.eue fut point, de son côté, désir d’exalter Aristole au dessus de Platon. Contre Platon lui-même il ne nourrit aucune animosité et sait reconnaître ses mérites. Il ne s’occupe, du reste, (le lui qu’en passant. Mais il a remarqué dans l’écrit de Pléthon un parti-pris de dénigrer le philosophe dont la doctrine, quoique non exemple de graves erreurs, s’adapte le mieux aux dogmes chrétiens. Le ton général de cette défense manque totalement d’aménité. Déjà le bruit circulait que le détracteur du Stagyrite avait composé un ouvrage injurieux pour le christianisme et ne tendait à rien moins qu’à ressusciter le vieux paganisme gréco-romain, à substituer au Christ les dieux de l’Olympe. Cf. art. Pléthon, t. xii, col. 2396, 2400.

De toute cette apologie en faveur d’Aristote la partie la plus importante est celle qui répond au premier grief formulé par Pléthon : le Stagyrite fait le monde éternel et ne lui donne aucune cause efficiente ; il ne s’est pas élevé à la notion d’un Dieu créateur ; son Dieu n’est que cause finale et motrice de l’univers. Scholarios s’inscrit en faux contre cette interprétation de la pensée du philosophe. Étudiant la signification technique de certains mots, comme S7jji.toupY£Ïv, xiveïv, tcoieïv, il s’efforce de démontrer qu’Aristote a fait de Dieu la véritable cause efficiente du monde, bien que celui-ci soit contemporain de Dieu, c’est-à-dire éternel I Qui a raison, de Pléthon ou de Scholarios ? Les historiens modernes de la philosophie sont plutôt de l’avis de Pléthon. Nous croyons qu’une lecture attentive du défenseur d’Aristote est capable d’amener une revision du procès.

D’après les renseignements fournis par la lettre-dédicace adressée à Constantin Paléologue, le futur Constantin XII, la composition de l’ouvrage est à placer dans la seconde moitié de l’année 1443 ou au début de 1444, sûrement avant le 23 juin 1444, date de la mort de Marc d’Éphèse, au jugement duquel l’ouvrage fut soumis. A la réponse de Scholarios, Pléthon opposa une réplique, où il maintint ses positions et rendit à son adversaire, en fait d’aménités, la monnaie de sa pièce. Cette réplique est dans P. G., t. clx, col. 743-746.

b) Lettre d’envoi de l’ouvrage précédent à Marc d’Éphèse. Cette lettre, déjà éditée dans P. G., t. clx, col. 743-746, et de nouveau par Lombros, Ila-XaioXôyEioc xal neXo7rovv7]cnaj « x, t. ii, p. 241-243, est courte mais fort intéressante. Elle nous montre Georges pleinement réconcilié avec Marc, et nous apprend que celui-ci fut le premier maître et éducateur de celui-là.

cj Lettre à Gémistos Pléthon à propos de son ouvrage contre les Latins (p. 118-151). — Déjà publiée par V.-Cl. -D. Alexandre, Traité des lois, Paris, 1858, p. 313369, et reproduite par P. G., t. clx, col. 599-630, cette lettre fut écrite en 1450, au moment où l’auteur s’apprêtait à revêtir l’habit monastique. Elle a pour but de féliciter Pléthon de son opuscule sur la procession du Saint-Esprit contre les Latins (cf. P. G., t. clx, col. 975980). En s’attaquant au dogme latin, Pléthon s’est lavé de l’accusation qui pesait sur lui de vouloir ressusciter le paganisme. Et là-dessus Scholarios déclenche une attaque en règle contre le néopaganisme et ses adhérents cachés ou déclarés. Il montre la supériorité du christianisme sur le polythéisme, des Pères de l’Église sur Platon et Aristote. On est un peu étonné de cette sortie à propos d’un opuscule sur la procession du Suint-Esprit, et l’on voit qu’ici encore Scholarios polémique contre Pléthon tout en le couvrant de fleurs. C’est que, comme il l’écrira plus tard, il savait di longtemps que le philosophe (le Mistra était l’auteur du fameux Traité des lois. Vprès quoi viennent des considérations polémiques sur le dogme des Latins. Scho larios reproche à Pléthon d’avoir fait aux Latins une dangereuse concession en attribuant au Fils une sorte de supériorité sur le Saint Esprit, du fait que le lila la propriété éternelle d’envoyer le Saint-Esprit qui explique pourquoi il est nommé te sec l dans la formule trinitaire, La lettre se termine par des attaques contre les unionistes byzantins.

d) Les trois documents qui suivent ont rapport, de près ou de loin, au Fameux Traité des lois de Gémistos Pléthon. Sauf la Lettre à la princesse du Péloponèse, qui n’a été éditée qu’en 1912 pars. Lambros, op. cit., t. ii, p. 19-23, ils étaient connus depuis longtemps. Lu Lettre à l’exarque Joseph avait vu le jour dans l’ouvrage déjà cité de V. Cl. Alexandre sur Pléthon, op. cit., p. 4121 il. d’où elle a passé dans P. G., t. cjlx, col. 633-648. Quant au pelit traité Contre les athées et les polythéistes, on le trouvait dans le Gennadios und Pletho de Y. Cass, Brestau, 1844, p. 31-53, dans l’ouvrage d’Alexandre, et, d’après celui-ci, dans la P. (L. I. cit., col. 568-596. l.a nouvelle édition améliore les précédentes sur de nombreux points, basée qu’elle est sur trois autographes pour la Lettre à l’exarque Joseph, et quatre pour le Traité contre les athées et les polythéistes.

La Lettre éi la princesse du Péloponèse, c’est -à-dire Théodora, femme de Démétrius Paléologue, despote de Mistra. a <lù élre écrite en 1 15 : 5, avant la prise de Constantinople. Gennade la remercie de lui avoir envoyé le manuscrit autographe du Truite des lois de Pléthon et le lui renvoie pour qu’elle le livre elle-même aux llammes. Il donne, à ce propos, quelques détails sur l’auteur, le contenu et les sources de cet ouvrage.

I.a Lettre a l’exarque Joseph (p. 155-172), écrite au mont Ménécée vers 1 157, nous fournil de nouveaux détails sur le livre de Pléthon et sa destruction par Gennade lui-même, devenu patriarche.

C’est encore au couvent du Prodrome, au mont Ménécée, et sans doute peu de temps après le précédent que fut composé l’opuscule intitulé : Sur Dieu un et trine et contre les athées et les polythéistes (p. 172-189). Là encore, Pléthon est visé (p. 180-181). Gennade y réfute successivement les athées ou partisans du hasard. a6eot Y) a’j-roii.aTta-rai, et les polythéistes, l’our prouver l’existence de Dieu, il fait principalement appel à l’ordre du monde. Après avoir démontré les contradictions du polythéisme, il essaie de persuader aux juifs le dogme de la Trinité en expliquant le texte de Gen., v, 26. S’inspirant de la théorie trinitaire développée par saint Thomas, il montre que l’âme humaine est une image de la Trinité divine par ses opérations immanentes de connaissance et d’amour.

2. Œuvres pastorales et ascétiques (p. 190-309). —

Sous ce titre viennent 1 1 pièces d’étendue et d’importance inégales. Les œuvres pastorales sont celles que Scholarios a composées, alors qu’il était patriarche de Constantinople, a l’occasion de sa charge, Tilles sont très peu nombreuses ; a cela rien d’étonnant, puisque les irois patriarcats de Gennade ont été fort courts et ne lui ont guère laissé le loisir d’écrire. A s’en tenir à cette définition, on ne peut compter parmi les œuvres pastorales que les n. 2-7 de celle section, le n. 1, intitulé : Ce qu’un évique doit savoir et enseigner, étant hors cadre comme antérieur a I 117, et d’une authenticité

seulement probable. C’est un pelit catéchisme, où l’influence de la théologie latine est prépondérante, spécialement pour ce qui regarde les sacrements.

I.e n.’2 : Lettre au moine Maxime Sopliianos et il Ions les moines du monastère du Sinai ( 1 l"> I ll">(>), déjà édité par le patriarche Nectaire de Jérusalem dans son’Etcitop-yj -r ?, ç Σpoxo<7|.u>cr 1 ç Irsz’jpiy.c. éd. de Venise, 180°), p. 21.") 221, roule sur une série de questions d’ordre canonique et liturgique. Les Latins y sont liai tes non d’hérétiques, mais de dissidents, à qui il faut refuser la communion, mais auxquels on peut distri buer l’àvrlScùpov ou pain bénit, Les prélats orthodoxes peuvent les bénir et leur donner leur main a baiser. Lettre an moine Joachim du Sinaï, où Gennade défend de réordonner les clercs hétérodoxes, latins ou autres, Conformément aux anciens canons. — Réponses aux questions de (ieorqes. despote de Serbie (1454-1456), série de 15 réponses très courtes sur des questions dogmatiques, canoniques et liturgiques. — Lettre pastorale sur la prise de Constantinople (p. 21 1-231), écrite à l’automne de 1454, Importante pour la biographie de Scholarios et la connaissance du milieu trouble ou ii vit. Il présente la catastrophe de 1453 comme un châtiment divin. Lettre pastorale annonçant la démission prochaine de Gennade (7 octobre 1451), écrite peu de temps après la précédente. - Lettre èi la moniale Sophrosyné, sœur de la princesse Théodora, femme du despote de Mistra, Démétrius Paléologue (1462 1 Itil). Gennade lui adresse l’ouvrage qui suit. — Sur le premier service de Dieu ou Loi évangélique en abrégé (1 158), p. 230-264, un des meilleurs opuscules de Scholarios, déjà édité par Serge Macraios, Constantinople, 1806, p. 7-62, et par Nicodème THagiorite, Ktjtcoç /apÎTov, 1819, p. 223-249 ; excellent résumé de la morale évangélique. — Apologie au sujet du silence (p. 254-27 1], cette apologie personnelle, écrite immédiatement après le troisième patriarcat, vers 1464-1465, est adressée à un ami. Théodore Branas. C’est un réquisitoire amer contre les faux-frères. Sur la différence entre les péchés véniels et les péchés mortels (p. 274-284), dissertation de théologie morale, qui s’accorde en général avec la doctrine catholique sur le sujet, mais en diffère sur un point important. D’après le théologien byzantin, il faut distinguer trois sortes de péchés mortels ou véniels : ceux qui sont consommés dans la pensée, ceux qui sont consommés par la langue, ceux qui sont consommés par l’action extérieure. Les péchés consommés dans la pensée, si leur matière est grave, sont des péchés mortels. Mais les péchés consommés par la langue, c’est-à-dire par la parole, ne sont mortels que si effectivement ils sortent de la pensée pour se traduire en paroles ; s’ils s’arrêtent au premier stade de la simple pensée, ce ne sont que des péchés véniels. De même, les péchés qui sont consommés par l’action extérieure, comme l’adultère, ne seront péchés mortels qu’au dernier stade, celui de l’action. A l’état de simple pensée, voire même à l’état de parole, ce ne seront que des péchés véniels. Scholarios voit aussi le péché mortel dans le plein consentement intérieur, mais seulement pour les péchés qui, comme la haine, l’envie, sont consommés dans l’acte intérieur lui-même. Le même opuscule traite aussi brièvement des vices capitaux et des vertus opposées.

Questions capitales. Ces questions regardent les huit manières de pécher, les sept modes de la pénitence, les sepl péchés capitaux, les douze degrés de l’orgueil, les quatre choses requises pour le sacrement de l’eucharistie, le triple blasphème contre le Saint-Esprit. Le tout est fort intéressant, surtout la question sur l’eucharistie, et trahit des influences latines.

3. Œuvres liturgiques et poétiques (p. 310-397). —

Scholarios a laissé un certain nombre de petites coin positions en prose et en vers se rapportant à la prière privée ou publique. Ce sont, pour la plupart, de courtes prières adressées à Dieu ou à ses saints. Presque toutes étaient inédites. Sous le titre : Œuvres liturgiques nous n’avons compris que les pièces en prose. Les composi lions en vers métriques ou syllabiques onl été rangées parmi les Œuvres poétiques.

a) Des douze numéros que porte celle seclion le premier, Intitulé : Prières pour métanies et résumés partiels des psaumes (p. 310 313) est de beaucoup le plus long. Les prières pour métanies sont un recueil de prières appartenant à divers ailleurs. Seules la première et la neuvième portent le nom de Scholarios. i.a troisième et la dixième sont peut être aussi de sa composition. Les autres paraissent sous le nom de saints ou de personnages célèbres. La première prière, série de courtes invocations destinées à être récitées pendant les prostrations orientales appelées mitantes, se termine par la traduction de l’antienne mariale do Bréviaire latin Arc, rtgina cœlorum, à laquelle manquent seulement les mots : Salve » orta. Ce n’est pas le seul endroit où Scholarios fait appel à l’euchologe latin. A la fin de la neuvième prière, œuvre de Scholarios. se lit dans le Lanriotanm F. 84, fol. 9 v°, la traduction de la collecte du commun des fêtes de la sainte Vierge : Concède nos lamulos tuos, etc. Le Résumé partiel des psaumes ou Prières tirées des psaumes, est. peut ou dire, une sotte de petit bréviaire à l’usage des moines qui vivent isolés dans leurs cellules, spécialement des bésycfaastes. Scholarios l’a composé pour son usage personnel et pense qu’il pourra Être utile à d’autres. Son travail a consisté à ne conserver des psaumes que les prières directes, les élans du cœur adressés au Seigneur. Ce sont, en toute vérité, (es prières extraites des psaumes, par lesquelles l’âme parle directement à Dieu. Ce bréviaire, qui tient en moins de quinze pages, avait déjà été édité deux fois : d’abord à Bucarest, en 1749, cf. E, Legrand, Bibl. hell. du xrme sièele, t. i, p. 372 : puis par Nieodème l’Haghiorite, à C.onstantinople. en 1799, dans l’ouvrage cité plus haut. La nouvelle édition est tirée du Diongsianus 440. revu et corrigé par Scholarios lui-même. On remarquera, p. 328, en note, la curieuse note autographe sur saint Augustin, qui répète ce que notre Byzantin a plusieurs fois écrit ailleurs sur l’autorité doctrinale de ce Père. Des onze prières qui suivent, huit sont éditées pour la première fois, à savoir les n. 2, 3, 5, 7, 9, 10, Il et 12. Elles sont à la fois pleines de piété et de doctrine.

Quant aux Œuvres poétiques, comprenant 13 numéros, ce sont, comme les œuvres liturgiques, de courtes pièces, dont les plus étendues ne dépassent pas 4 pages. Les dix premières sont en vers métriques ; les autres appartiennent à la poésie rythmique des mélodes chrétiens. Sur le nombre, il y a trois épitaphes authentiques (n. 3, 5, 6) et une fort douteuse, celle de Marc d’Éphèse (n. 10).

4. Correspondance (p. 398-503). —

Scholarios a écrit de nombreux traités didactiques sur divers sujets sous forme de lettres. Ces écrits ne rentrent pas sous la présente rubrique, qui a été réservée aux lettres proprement dites, excluant tout but didactique. Elles ont été divisées en deux sections : a) Lettres signées « Georges Scholarios » (avant la fin de 1450), au nombre de 34 ; b) Lettres signées Gennade Scholarios » fà partir de la fin de 14-50), au nombre de 7. Parmi ces lettres, cinq avaient déjà été publiées par Boissonnade dans le t. v de ses Anecdota ijrwca, Paris, 1838, une par Emile Legrand, Cent-dix lettres de 1-rançois Philelphe, Paris, 1891, p. 313-314, une autre (epist. xxiv, i Marc d’Éphèse) par L. Petit, en 1920, dans P. O., t.xvii, p. 404-470. Dès 1912, Sp. Lambros les avait toutes recueillies dans le t. n de ses QacXaioXôyetoi xal QeXoKOwnoiaxà, dont une édition remaniée parut en 1921. l.a nouvelle édition, sans apporter de pièces nouvelles, fournit un texte sensiblement amélioré en bien des endroits et établit une chronologie certaine ou approximative pour la plupart des numéros.

Outre la Lettre à Mare d’Éphèse, dont l’importance a été signalée par L. Petit, les plus dignes d’attention sont les suivantes : La lettre à ses élèves, sur la décadence de la culture littéraire et philosophique à Byzanie au temps de l’auteur, par comparaison avec la scolastique occidentale et l’humanisme naissant de l’Italie in. 2). --- La lettre a ton élève.Iran, sur les négociations unionistes qui ont précédé le concile de Florence (n. 5). - La lettre au pape Eugène 1 V, écrite avant le concile, qu’un fervent catholique s’adressant au Père commun des fidèles pourrait signer (n. L5). L’/ lettre a Ajnbroise Traversari pour lui demander un petit coin de son monastère », où Scholarios pourra loger, sans déranger la communauté, pendant le temps que dureront les sessions du concile a Florence (n. 21). La lettre èi l’empereur Constantin, écrite à la veille de revêtir l’habit monastique ; capitale pour la biographie de Scholarios, nous apprenant son vœu de jeune homme d’abandonner le monde pour servir Dieu ; les obstacles qui l’ont empêché de réaliser plus tôt son dessein ; les attaques des jaloux et des envieux contre sa personne : l’opportunité de sa retraite, au monienl où l’empereur lui témoigne toute son amitié. - - La lettre èi Manuel Raoul Oisès, qui nous conte la curieuse et triste histoire de l’aventurier Juvénal, un apostal rêvant de rétablir la religion païenne, et trace d’une plume alerte et sûre les règles du pouvoir coercitif de l’Église contre les hérétiques et les apostats : ce qu’on pourrait appeler la théologie de l’Inquisition, l.a doctrine de Scholarios sur cette délicate question est à la fois modérée et énergique et cadre, dans son ensemble, avec la doctrine et la pratique de l’Église catholique (n. 2 de la IIe série). — La lettre au grand-duc Lue Notaras, cachant sous des flatteries hyperboliques un blâme de la politique opportuniste pratiquée par le grand-duc dans la question de l’union avec les Latins (n. 5 de la IIe série).

5. Chronographie (p. 504-512). —

Tout ce que Scholarios nous a laissé en fait d’histoire proprement dite se réduit à ce morceau, intitulé : Xpovoypacpia. Cette curieuse chronographie va d’Adam à l’année 1 172, date à laquelle l’auteur l’a transcrite dans le Parisinus 1280, et annonce la fin du monde pour l’année 14931494, cette année 1494 coïncidant, d’après le calcul de Scholarios, avec la fin du septième millénaire depuis la création de l’homme. Une note sur les destinées de l’empire byzantin et les curieuses coïncidences signalées à son sujet mérite d’être remarquée.

6. Tome V. Résumé de la Somme contre les gentils et de la 1°-’partie de la Somme théologique de saint Thomas d’Aquin. —

Ces deux résumés, restés inédits jusqu’à présent, ont été tirés d’un autographe, le Parisinus 1273. Le résumé de la Somme contre les gentils est beaucoup plus développé que celui de la Somme théologique et équivaut presque à une traduction littérale. Pour la Somme theologique l’auteur nous avertit lui-même qu’il s’agit de simples notes, àirocr^siwæiç uvéç, titre modeste, qu’il ne faut point trop prendre à la lettre, surtout pour certains traités qui ont été exploités plus abondamment.

Pourquoi Scholarios entreprit-il ce travail ? Il nous le dit dans sa préface. Ce fut un motif d’utilité personnelle. L’estime qu’il professait pour les deux Sommes de saint Thomas était telle qu’il ne pouvait s’en séparer. Or, même après sa démission du patriarcat, il eut encore une vie assez agitée. Las d’avoir toujours à transporter avec lui les deux Sommes thomistes, il résolut d’en faire un résumé pour son usage, estimant que ce résumé pourrait aussi être utile à d’autres. De saint Thomas il fait le plus grand éloge, saluant en lui un excellent interprète de la théologie chrétienne, qui a ramassé en un tout facile a saisir les diverses parties qui la composent. Sans doute, ce Latin n’est pas complètement orthodoxe : il s’écarte en deux points de la doctrine de l’Église orientale, à savoir sur la procession du Saint-Esprit et sur la distinction entre l’es sence de Dieu et son opération ; mais sur tout le reste il est Irréprochable. A propos des deux divergi signalées, Scholarios a soin de mettre à COUVerl son orthodoxie personnelle en rappelant qu’il a écril de ouvrages pour défendre les i heses orientales. On re I quera pourtant qu’il n’a pas gardé la même attitude > l’égard de chacune des deux questions. Alors qu’il a passé purement et simplement les articles qui, tanl dans la Somme contre les gentils que dans la Somme théuluyique, traitent de la procession du Saint-Esprit a Pâtre et Filio, il a résumé, sans les accompagner delà moindre remarque, les nombreux articles où saint Thomas affirme l’identité en Dieu de l’essence et de l’opération et en général de tous les attributs. Four expliquer cette différence de traitement, on peut penser qu’en approfondissant davantage la doctrine thomiste, notre théologien s’est aperçu que eelle-ci coïncidait pour le fond avec la sienne, telle du moins qu’il l’a exposée dans l’opuscule : Ile-pi toù ticoç 810cxptvovTai aï Œï*’. êvépyetai, dont nous avons parlé plus haut.

Tant pour la forme cpie pour le fond, ces résumés thomistes ne méritent que des éloges. Pour te qui regarde la forme, on admirera la grande limpidité et le parfait classicisme du style, ainsi que la propriété des termes philosophiques et théologiques. Sous ce rapport, Gennade est, pour une bonne part, tributaire de Démétrius Cydonès qui, au xive siècle, avait rendu en un grec impeccable les deux Sommes de l’Ange de l’École. Gennade n’a pourtant pas copié servilement son prédécesseur. Et c’est en tant qu’abréviateur de la pensée thomiste qu’il mérite des éloges. Cet effort est surtout remarquable dans le résumé de la I a, où notre auteur a visé à l’extrême concision de la forme, tout en n’oubliant rien d’essentiel.

Au demeurant, les diverses parties de l’œuvre thomiste sont représentées dans ces résumés d’une manière inégale. Notre Byzantin a pris plus aux unes qu’aux autres, suivant le but spécial d’utilité personnelle qui le guidait. Il s’est attardé sur celles qui n’avaient aucun équivalent dans la théologie byzantine et où le génie du docteur latin affirme le plus son originalité et sa supériorité. De la Somme contre les gentils c’est le 1. IV qu’il a le plus exploité. Dans la I", il n’a tiré que 38 pages des longs traités de Dieu et de la Trinité, tandis qu’il a consacré 26 pages au traité des anges, 15 au traité de la création corporelle, 50 au traité de l’homme, 28 au traité du gouvernement divin.

A de rares except ions près, tous les chapitres de la Somme contre les gentils, et toutes les questions de la Somme théologique avec chacun de leurs articles figurent dans ces résumés. N’a été passé délibérément que ce qui regarde la procession du Saint-Esprit ab ulroque. Il faut y ajouter une dizaine de chapitres de la Somme contre les gentils (1. II. c. xxxvjii, î.x, i.xxiv, i.xxv ; I. III, c. v. vi, xiii, xlii, xliv) de contenu strictement philosophique. Les citations scripturaires sont soigneusement rapportées.

7. Tome VI. Résumés, traductions et commentaires thomistes. —

C’est encore saint Thomas d’Aquin qui fait tous les frais du t. VI. Tout le contenu en était également inédit et, comme pour le t. v, tout a été trouvé dans des autographes.

1. Le premier morceau est un Résumé de la /"-// » (p. 1-153), semblable au résumé de la première partie du même ouvrage, publié dans le t. v. Sauf quelques exceptions, tous les articles sont signalés plus ou moins longuement, Les réponses aux objections ne sont pas négligées et attirent parfois davantage l’attention de l’abréviateur « pie le corps de l’article lui-même. Ce résumé a été trouvé dans le Vaticanus I’".

2. Traduction et commentaire du De ente et essentia » de saiid Thomas d’Aquin (p. 15 1 326). Ce double travail est antérieur aux résumés des Sommes et doit se placer entre Mil et 1450, d’après les indications précises de notes autographes. Il est dédie a l’élève préféré de Scholarios, Matthieu Macariotès.

l.’épître dédicatoire, qui précède le commentaire dans les manuscrits autographes, renferme nu magnifique éloge de saint Thomas et nous montre Scholarios aussi bien renseigné sur les théories de l’école franciscaine que sur les doctrines de saint Thomas et de l’école dominicaine.

L’admiration pour saint Thomas ne diminue pas dans l’avant-propos dont, sur le tard de sa vie, Scholarios fit précéder son commentaire. L’Ange de l’École est toujours pour lui le philosophe et le théologien incomparable. C’est pourquoi, lui, Scholarios, a traduit en grec un grand nombre de ses écrits. Mais il a soin d’avertir ses lecteurs qu’il n’a pas suivi Thomas en tout. Là où le docteur latin s’écarte de la doctrine de l’Église orientale, en particulier sur la procession du Saint-Esprit, il n’a pas craint de le contredire. Les points de divergence entre les deux Églises, pense-t-il, se réduisent, en fait, à la question du Filioque et à celle du palamisme.

Le chapitre xciv (p. 281-285) touche à la question du palamisme. Scholarios y prend parti assez ouvertement pour l’alamas ; cela se comprend aisément, quand on songe qu’au moment où il écrit son commentaire, il est en pleine lutte contre les Latins. Comme les anlipalamites en appelaient à l’autorité de saint Thomas, Scholarios cherche à l’expliquer dans un sens favorable à sa thèse. Il ne triomphe, du reste, de Barlaam, d’Acindyne et de leurs disciples qu’en leur prêtant la pure doctrine nominaliste, tandis qu’il découvre un accord à peu près complet entre Grégoire l’alamas et les scotistes. Il déclare, en terminant, qu’il n’a examiné ici cette question que superficiellement et qu’il se propose d’en traiter ex professo dans une dissertation à part, ce qu’il a fait.

3. Traduction du commentaire de saint Thomas d’Aquin du "De anima « d’Aristote (p. 327-581). —

Cette traduction paraît avoir été exécutée avant le concile de Florence. Elle est très soignée et l’on peut soutenir sans paradoxe qu’elle est supérieure à l’original, par le fait que Scholarios a ajouté au texte de saint Thomas les références du texte d’Aristote. Ces références, il les a multipliées, si bien qu’on peut suivre presque ligne par ligne le texte grec d’Aristote accompagné de son commentaire thomiste.

8° Tome VU. Commentaires et résumés des ouvrages dvristote (p. 1-509). —

Ce volume est tout entier consacré à la philosophie aristotélicienne. Il contient des commentaires, des résumés et annotations et de simples notes marginales.

1. Commentaires. Sous ce titre est compris un grand ouvrage tripartile où Scholarios commente l’Isagogè de Porphyre, le livre des Catégories et le livre de l’Interprétation d’Aristote.

La première partie, intitulée : Prolégomènes à la logique et il l’Isagogè de Porphyre, s’ouvre par une longue épître dédicatoire à Constantin Paléologuc, le seul morceau qui fût publié avant l’édition des œuvres (cf. Sp. Lambros, op. cit., t. ii, p. 14-18). D’après cette dédicace, la date de composition se place vers 14321 135 ; le but a été de fixer la substance des leçons données par le professeur de philosophie ; les sources, ce sont non seulement les anciens commentateurs d’Aristote. mais aussi les modernes, parmi lesquels figurent Averroès. A. vicenne, Gilbert de La Porrée, Albert le Grand, Thomas d’Aquin. Mais Scholarios ne cite pas ses souries. C’est au lecteur à les rechercher à travers tout le commentaire. La méthode suivie est celle de nos scolastiques, et en particulier celle de saint Thomas d’Aquin. Les commentaires sont divisés en leçons ou entretiens. àvorpKiœiÇ r, ÔLltXtaÇ. Chaque leçon débute, en général, par des préliminaires ; on Indique ensuite la division générale du texte du maître, puis on le commente morceau par morceau. Suivent des questions sur le texte et quelquefois hors du texte. Et dans l’élu-Cidation de ces questions, on procède encore à la manière des Latins : d’abord la position de la question, puis les objections, puis l’exposé de la vérité, puis la réponse.m difficultés. De tous les commentateurs grecs d’Aristote notre Byzantin fut le premier à suivre cette méthode, comme il le déclare lui-même, ’_ !. Annotations sur divers ouvrages d’Aristote. - Ces annotations tiennent à la fois i résumé ei du commentaire et regardent principalement les livres de la Physique (p. 349-408), le De tœlo (p. 109 129), le De anima (p. 429-45 1) ; mais les opuscules : De memoria il rtminiscentia, - De somno <t vigilia, - De insomniis. — De divinalione per somnum, - De animalium motione, — lu* seneetule et juventute, - De respiratione it surtout De meteorologicis, s< ni aussi représentés. Ie texte autographe de ces notes, conservé dans le seul Valicanus ii~>. cesse brusquement au IVe livre De meteorologicis. Le tout c< nstitue une sorte de mémento de la philosophie d’Aristote et rappelle, pour la métl. c de. les résumés des deux Sommes thomistes. Il faut sans doute y voir une œuvre de jeunesse, composée du temps où l’auteur enseignait la philosophie.

3. Xoles marginales aux Irais premiers livres de la l’hysique » (p. 486-509). —

Nous avons là comme un essai des Annotations, regardant certains passages des trois premiers livres du De physica auscultatione, avec ictte différence que ces notes se rapprochent plus du ci mmentaire que du résumé.

9° Tome viii. Fin des œuvres et des traductions philosophiques. Grammaire. Varia.

1. Suite des a uvres et des traductions philosophiques.

a) Division sommaire des cinq premiers livres de la Physique d’Aristote (p. 1-133). —Sous le titre de : Aialpccnç x.îoaLa’.coSr.ç, Scholarios donne un commentaire succinct des cinq premiers livres du De physica auscultatione, visant surtout à mettre en relief la telle ordonnance, la suite logique impeccable de l’original et la perspicacité des commentateurs qui ont retrouvé et fait ressortir le plan génial du Stagyrite.

b) Prolégomènes à la Physique d’Aristote tirés de divers auteurs (p. 134-1 02). — Ces extraits, intitulés : HpoXeyôpxva r, 7cpo6scùpoou, evoc, viennent en grande partie de saint Thomas ou d’un autre Latin, que les éditeurs n’ont pas réussi à identifier. Le premier extrait est la traduction du début du commentaire thomiste sur la Physique d’Aristote. Il y a un court extrait de Simplicius. Suivent de brèves annotations de Scholarios lui-même.

c) Traduction du commentaire thomiste du « De physico audilu » d’Aristote (p. 163-254). — Cette traduction ne regarde que les deux premiers livres, et encore avec des lacunes. Le reste, s’il a jamais existé, n’a pas été retrouvé.

d) Traduction de l’opuscule De jallaciis » de saint Thomas d’Aquin (p. 265-282). — La traduction de cet opuscule, dont l’authenticité est discutée, est par endroits assez libre, quoique toujours intelligente. Certaines omissions s’expliquent par le fait que les passages en question roulent sur des mots latins, auxquels le traducteur aurait dû substituer des mots grecs de son invention.

e) Traduction de lu « Dialectique > (Summulæ logicœj de Pierre d’Espaqne (p. 283-337). — Le Pierre d’Espagne qui a composé les Summulæ logicales est bien celui qui devint pape sous le nom de Jean XXI (12701277). Quant à la traduction grecque des Summulæ, elle a toute une histoire et divise en deux camps, depuis trois quarts de siècle, les historiens de la philosophie. L’origine de la querelle vient de la première édition de cette traduction par Élie Ehinger en 1597, à Au^s bourg. Dans le manuscrit utilisé (Monacensis 648), la traduction est présentée comme un ouvrage de.Michel Psellos, et porte le titre de Synopse sur la logique d’Aristote : Y.’.z rijv’ApiororiXouç Xoyix r ; > oûvo<] » iç. Ayant remarqué la presque identité de ce résumé avec le texte des Summulæ logicales de l’ierre d’Espagne, Karl l’raiiil. dans son Histoire de la logique en Occident, t. ii. Leipzig, 1864, p. 264 293, émit l’idée que l’opus cule de lieue d’Espagne n’était qu’une traduction de la Eûvo^iç de Michel Psellos. Contredit par le Fran eais Ch. Thurot, Prantl maintint sa thèse et la fortifia par de nouveaux arguments dans les éditions ulté rieures de sun ouvrage. Il publia même, en 1877, une disseï talion spéciale sur la question, à laquelle Thurot répondit. Les historiens de la philosophie et de la litté rature byzantine qui ont écrit depuis cette controverse ont pris parti tantôt pour le premier, tantôt pour le second. Dans un article paru en 1.NÎI0 et aussi dans sa monographie sur le pape Jean XXI, Papsl Joannes XXI, Munster, 1898, p. 16 sq., R. Stapper reprit la question en étudiant la tradition manuscrite et ruina à peu lires complètement la thèse de Prantl. Cependant la question ne parut pas résolue à plusieurs, et l’on voyait encore, en ces dernières années, des historiens sérieux hésiter à se prononcer dans un sens ou dans l’autre, ou même soutenir encore l’opinion de Prantl. La nouvelle édition vide définitivement le débat, car elle repose sur trois manuscrits autographes réclamant pour Scholarios la paternité de la traduction grecque et affirmant par le fait même que les Summulæ logicales n’ont rien à voir avec Michel Psellos et sont bien l’œuvre de Pierre d’Espagne. Rectifier en ce sens l’article Jean XXI, t. viii, col. 632.

f) Traduction du « De sex principiis » de Gilbert de La Porrée (p. 338-350). — Le texte latin de cet opuscule n’est pas la limpidité même. On pardonnera à Scholarios les libertés qu’il s’est données pour ne pas être incompréhensible. A maint endroit, en effet, la traduction devient plus ou moins paraphrase ou commentaire.

2. Grammaire. —

Composé à la demande de Manuel Sébastopoulos, cet ouvrage est sans doute le premier que Scholarios ait publié. Il l’a divisé en deux parties, qu’il intitule Première introduction et Seconde introduction èi la grammaire. En fait, la première répond à ce que nous appelons la morphologie (p. 351-424). La seconde (p. 425-498) est un curieux lexique, disposé selon les lettres de l’alphabet. De ce lexique on peut dire que c’est avant tout un recueil de mots rares, bien que les mots usuels s’y trouvent aussi.

Il y a, dans la première partie, un passage intéressant directement la théologie. S’occupant de la préposition Stà et de ses diverses significations, Scholarios a été amené à changer sa première rédaction, qui était toute favorable à la doctrine catholique pour ce qui regarde l’interprétation de la formule des Pères grecs sur la procession du Saint-Esprit : ex ila-pôç Stà toû Tloû èx7î&peÙ£Tat. Relisant plus tard cette œuvre de jeunesse dans l’actuel Ambrosianus 291, l’auteur a complètement raturé sa première rédaction et lui a substitué un nouveau texte, où se lisent les diverses significations de la préposition 810n inventées pour enlever à la formule grecque toute force probante en faveur de la procession éternelle du Saint-Esprit a Pâtre per Filium.

3. Varia (p. 499-507). —

Sous ce titre viennent six courts morceaux, dont plusieurs ne sont que des notes marginales. Le n. 1 est une brève dissertation sur la nature du bonheur d’après Aristote et Plotin. II a pour but de concilier les débilitions du bonheur données pal ces philosophes. Les n. 2, 3 et 4 sont des notes margi nales au (’.unira errores Grœcorum de Manuel Calicas, aux Lettres de saint Basile et au Contra Celsum d’Origène. Le n. 5 est un brel éloge d’Aristote signé de Gen

nade.

10° Authenticité des écrits unionistes de Scholarios.

Par écrits unionistes de Geoi ges Se holarù s mais enten clous : 1. Les déclarai ions et les discours faits par lui au concile de Florence en faveur de l’union ci de la doctrine catholique sur la procession du Saint-Esprit, imprimés dans le t. i des Œuvres complètes (voir plus haut, col. 1531 sq.) ; 2. La Réfutation des chapitres sy (logistiques de Marc d’Éphèse, qui termine le t. iii (voir plus haut. col. là 10)

L’authenticité, ou du moins, l’intégrité de ces piè a été rejetée ou mise en doute par plusieurs auteurs. Sans parler de ceux qui, comme Ailatius et Jean-Matthieu Caryophylle, ont dédoublé ou même triplé le personnage de Scholarios p » ur résoudre le problème, il faut nommer, parmi ces auteurs, E. Renaudot, Gennadii patriarchse homilise…, Paris. 1709, p. 13, 52-53, qui a cru à des interpolations dans les discours de Florence, a cause d’allusions qu’il a cru y découvrir à la prise de Constantinople. M lis il n’y a pas trace d’allusions de cette sorte dans les textes publiés. Renaudot était, par ailleurs, peu a même d’apprécier exactement le rôle de Scholarios à Florence, parce qu’il lui attribuait faussement les discours sur le Purgatoire qui appartiennent à Marc d’Éphèse. Plus récemment, Théodore Frorriann, Krilische Beitrâge : ur Geschichte der Florentiner Kircheneininung, Halle, 1872, p. 86 104, n’a rejeté comme apocryphes que les pièces n. 1 et 2. c’est-à-dire le Billet de Scholarios à l’assemblée des Orientaux (t. i, p. 295-296) et l’Exhortation sur la n êc sssité de secourir Constantinople ou 7txpy.Y.t)rs.ç, (ibid., p. 296-306). Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. vu />, p. 1000, note 1, a adopte la conclusion de Fromann. Spanheim, Acta sanctorum, aug. t. i, p. 194, avait rejeté eu bloc tous CCS discours comme apocryphes. Bien plus nombreux encore ont été les critiques qui ont nié la paternité de Scholarios pour ce qui est de la Réfutation des syllogismes de Marc d’Ephèse. Fabricius, Bibliotheca grseca, éd. Harlès, t. xi, p. 392, et, à sa suite. Hefele, Tûbing. Theol. Quartalschrift, 1848, p. 107-191), et Rochol, Bessarion. Studien zur Geschichte der Renaissance, Leipzig, 1901, p. 73, l’ont attribuée à Grégoire Mammas. Hergenrôther, Préface aux œuvres île Bessarion dans P. G., l. clxi, col. 3-7, et tout récemment I.. Monter, Kardinal Bessarion <ds Theologe, Humanist und Slaatsmann, I. i, Paderborn, 1923, p. 232-235, hésitent à se prononcer et laissent la question en suspens.

Après l’édition complète des œuvres, l’autheaticit des écrits en question ne peut donner lieu à au ua doute sérieux. Voici les preuves de notre assertion tout d’abord pour les discours prononcés à Florence :

1. Il y a, en premier lieu, le témoignage concord ni des trois mss qui nous les ont conservés : le Laurentianus 3 (Ici Convenu soppressi, V Ambrosianus 252 et le Parisinus 422. Ils sont presque entièrement remplis par les Arles du concile ilr Florence, rédigés par l)>r.> thée de Mitylène, nu des évoques grecs qui assistèrent au concile, et ne présentent aucune trace d’interp dation. I.e premier est un autographe de.Iran Plusiadenus. qui devint évêque unioniste de Mclhone suis le nom de Joseph. I.a véracité du récit de Dorothée n’a jamais été sérieusement contestée par les critiques. Ce’('cit. beaucoup plus complet que celui de SyropOUlOS, dont le caractère tendancieux n’échappe à personne, concorde généralement avec lui et ne le contredit nulle part. Four ce qui regarde en particulier l’attitude « hGeorges Scholarios au concile, l’accord est parlait entre eux. Sans doute, Syropoulos ne donne pas le texte des discours de Georges ; mais, nuire qu’il nous a conservé le texte de la form de de c inciliation rédigée par Scholarios et adoptée par la majorité des Grecs, "PCit., p. 2 13 2 11, il nous mon tic en lui un partisan décidé de l’union, qui, avant le dépari des Grecs pour Ferrare, les exhorte a se rendre au concile et leur donne d’excellents conseils sur la manière de mener les dis tussions dogmatiques, ibid., >. 19-50, et qui. au m > >iient d’entamer les débats sur le Filioque, est d’avis de commencer par la question dogmatique. Ibid., p. là’.'.

2. Far ailleurs, loin de nier l’authenticité des discours en question et de mettre en doute l’adhésion publique de Georges a l’union, le même Syropoulos affirme équivalemment l’un et l’autre, lorsqu’il raconte, op. cit., p. 264, que tous les magistrats impériaux qui assistèrent au concile, oi fipxovreç donnèrent un avis favorable à la conclusion de l’union. Il ne se contentèrent pas de dire cela de vive voix, mais chacun exprima son vote par écrit sous forme de profession de foi à la procession du Saint-Esprit du Père et du Fils, ou du l’ère par le Fils. Or, parmi ces : i.y/yj-zz se trouvait Georges Scholarios. ainsi que les deux autres Georges : Georges Gémiste Pléthon et Georges Amiroutzès. Tous les trois donnèrent une adhésion absolument explicite au dogme catholique. Tous les trois, après le concile, chantèrent la palinodie et attaquèrent ce qu’ils avaient d’abord admis. Scholarios n’est do i pas un isolé. Ce qu’il a fait. les deux autres Georges l’ont l’ait également. Il ne reste donc aucune raison sérieuse de mettre en doute l’authenticité de la pièce où s’ex prime le plus explicitement son adhésion au dogme sur la procession du Saint-Esprit, nous voulons parler du rapport adressé à l’empereur à l’occasion de la consultation demandée à chacun des membres de l’assemblée des Grecs quèce n° 6, t. i. p. 372-37 I). Ce rapport, qui nous a été conservé par Dorothée de Mitylène dans son Histoire du concile de Florence, ressemble de tout point aux autres professions de foi qui furent présentées alors à l’empereur et notamment à celle de ( reorges Amiroutzès, dont nous axons récemment publié le texte. Échos d’Orient, t. xxxvi. 1937, p. 175-180.

3. Four les discours proprement lus devant l’assemblée des Grecs, Marc d’Éphèse y fait également allusion dans la brève relation qu’il écrivit sur le concile pour justifier sa conduite. Il écrit : « Œ là on en vint aux paroles d’accommodement et de conciliation e l’an des nôtres -.’avisa.le dire qu’il éta t bon de faire la oaix et de, le nonte’q le les sain s étaient d’accord entre eux, de peur que les Occidentaux ne parussent contredire les Orientaux. » Relatio de rébus a se in si/nodo Florentin i gestis, ô. éd. F. Petit dans P. ()., t. xvii. p. llii-117. Nous avons ici le signalement des discours unionistes de Scholarios.

i. Commentant ce passage de Mare, Josepb de Méthone, qui est un contemporain, bien qu’il ne paraisse pas avoir assisté au concile, identifie, fausse ment, a notre avis, celui dont veut parler l’évêque d’Éphèse avec Isidore de Kiev : m lis il ajoute aussitôt : A Isidore de Russie lit écho le savant Scholarios, qui composa et présenta trois dise uns sur la paix ecclésiastique et démontra avec beaucoup d’éloquence que les saints d’Occident et d’Orient s’accordaient entre eux. Avec les accents bien dignes d’un chrétien, il exhorta à prendre le parti de la paix. » Refutatio Muni Ephesini, 1’. G., t eux, col. H172 H C.

Quant à la Réfutation des syllogismes de Marc, nous avons déjà dit plus haut, col. là 11. à quelle occasion ce travail lut composé, comment sou authenticité est attestée tant par les quatre manuscrits du xv siècle qui nous l’ont conservé que par la critique interne. Aidant qu’on peut le conjecturer, il fut exécuté dès 1 liii, aussitôt après le retour de Florence. On sérail tenté de croire que Marc d’Éphèse eut veut de la chose el que ce fui la le motif de sa lettre à Georges. Il tait allusion, (ai effet, à un nouveau revirement de son ancien élève v ers la Ihesc latine : i’.pislola a I Georgium Scholarium, éd. F. Petit, dans P. 0., t. cit., p. 160. Malgré la réponse de Scholarios, qui est obscure, l’hy pothèse reste plausible : car, dans celle réfutation. Georges vise moins à faire coanaiire ses sentiments personnels qu’à démontrer que les arguments de Marc contre les I.a fins son I dénués de Ion le force probante. Parfaitement au courant de la théologie Latine, il Joue vis à Ni-- de l’évêque d’Éphèse, le rôle d’un Latin, et il le joue parfaitement. Il ne faut pas exclure pourtant une autre conjecture. La finale de la Réponse à Marc est si acerbe qu’elle peut nous autoriser à penser que la réfutation fut eerite ab iruto. aussitôt après cette réponse : et ee serait eneore en 1440. 1. titre à Mure d’Éphèse, t. iv, p. Il ; ». Scholarios dit. en effet, qu’il lera connaître son sentiment au moment opportun, même s’il doit déplaire à Mare ou au pape.

Enfin, pour établir l’authenticité de nos pièces, on peut recourir à un argument d’ordre plus général, qui entraîne la conviction : nous voulons parler des aveux multiples, implicites ou explicites, que Scholarios nous a laissés de son unionisme. durant une période donnée de sa vie. c’est-à-dire pendant sa jeunesse, axant, pendant et même un peu après le concile de Florence. Nous Tie pouvons iei relever tous ees témoignages, pour lesquels nous renvoyons le lecteur au t. viii des Œuvres, Appendice v, p. 33*-47*. et à notre article : L’unionisme de Georges Scholarios, dans les Échos d’orient, t. xxxvii, p. 65-86. Qu’il nous suffise de rapporter deux aveux explicites. Nous empruntons le premier a la Critique du discours de Bessarion à Florence (t. iii, p. 115-116), fragment autographe, resté inconnu jusqu’à l’édition complète des œuvres. l’allant de l’addition du Filioque au symbole qui, d’après lui, a été la véritable cause du schisme, il écrit :

Examinant moi-même, après tant d’autres, cette question, je trouvai que les obstacles provenant de l’addition ne devaient pas nécessairement causer le schisme. Il eût été mieux, sans doute, qu’on n’eût rien ajouté ; mais cette témérité une fois accomplie et passée dans l’usage, il fallait la tolérer, si toutefois l’addition exprimait la vérité. Je disais donc que c’était sur ce point que le concile général dont nous espérions la convocation prochaine aurait à porter son attention. Quant à moi, ne faisant aucune addition, me gardant de toute communion avec les Latins, je recherchais si l’addition exprimait en quelque manière la vérité. Devant l’affirmative, on n’aurait plus à traiter les Latins d’hérétiques et d’hétérodoxes ; ce qui ne devait pas empêcher ceux a qui ce droit appartient de demander et de déterminer la réparation de la transgression… Je trouvais donc que les docteurs occidentaux disaient bien cela, et que quelques-uns des nôtres en portaient témoignage ; et comme il était impossible que les docteurs de l’Église fussent trouvés m ?nteurs, j’en concluais qu’il n’y avait pas à rejeter la communion des Latins, puisqu’ils croyaient et professaient une doctrine vraie. Je ne supposais pas non plus, cela va de’soi, que la vérité proclamée par de si grands docteurs put être le principe de quelque absurdité ou fausseté. Voilà pourquoi en toute simplicité et du fond du cœur je me réconciliai avec les Latins, et fis sentir sans répit la lourdeur de mon bras à ceux qui les accusaient sans mesure. Je pris la défense de leur foi en plus d’un écrit, et je les déchargeai d’une foule d’absurdités auxquelles ont voulu les réduire, — je devrais dire : auxquelles ont voulu réduire les docteurs de l’Église - ceux qui ont composé contre eux de longs traités. Aussi fus-je qualifié de latinophrone. Mes envieux trouvèrent là une belle occasion de m’attaquer, ne pouvant découvrir d’autre moyen de me nuire, i II faut, disaient-ils, que cet homme-la soit couvert d’opprobres et la mène dure, lui qui ne calomnie pas la religion des Latins et ne pense pas que ceux-ci soient des impies parce qu’ils répètent une formule chère a tous les docteurs. El sans doute, en condamnant l’ignorance de ces gens-la, des propos dignes d’un Latin m’ont échappé et, comme il arrive en ces sortes d’écrits, j’ai pu. dans l’ardeur de la querelle, me montrer t rop indulgent pour les Latins, I rop dur pour mes adversaires. On a pu me croire alors loul dévoue au latinisme, contempteur et adversaire déclaré de nos traditions, ’aux. en effet, pour qui ne pas calomnier les Latins et ne pas proférer conl re eux les pin-, injures était un si^ne (le bienveillance .i leur égard, el qui trouvaient la matière > entretenir leur fureur contre moi, que ne devaient-ils pas ressentir, en me voyant amené < les défendre ? Quant a moi, un certain peint d’honneur me poussai ! a cela. Comment faire autri mut en de p : ireils sujets, lorsqu’on est jeune, sei : iil-on doué du tempérament le pins pacifique ?

Il est fort regrettable quc l’extrait autographe contre le discours de lîessarion s’arrête à cet endroit, car les aveux que nous venons d’entendre viennent après des déclarations antiunionistes très caractéri secs, où Scholarios défend la doctrine de Photius. La suite devait sans doute raconter l’évolul ion de sa peu sec et donner les raisons de sa palinodie.

Un autre aveu 1res court apparaît dans le Second dialogue sur lu procession du Saint-Esprit. Le person nage appelé Euloge, qui représente Scholarios. repro che au protagoniste des latinophrones, appelé Benoit, son changement radical de position dans la question de la procession du Saint-Esprit : Hier encore, lui dit-il. ta plume féconde attaquait l’addition. »

Mais toi aussi, riposte Benoît, il fut un temps où tu conseillais de faire l’union avec les Latins. » Je ne puis le nier, répartit Euloge. Je n’étais pas assez fou, en effet, pour ne pas désirer l’union avec eux : mais je voulais une union sortable et basée sur la vérité ; quant à signer une paix aussi onéreuse, je n’y avais jamais songé moi-même, et je n’aurais pas cru que d’autres osassent le faire. Que si, au sujet des Latins, il m’est arrivé de penser comme vous autres vous pensez maintenant, sache que depuis longtemps j’ai rejeté cette doctrine et que je suis revenu au dogme de nos pères, auquel je tiens mordicus, prêt à tout perdre plutôt que de l’abandonner, persuadé que je suis qu’il n’y a rien de plus conforme à la vérité » (t. iii, p. 23). Voilà qui est clair, et ne laisse place à aucun doute.

Sans doute Scholarios n’a pas toujours été aussi franc. En maints endroits de ses écrits, il a passé sous silence ou cherché à atténuer ce cru’il considérait comme une défaillance. Voir Échos d’Orient, art. cit. Mais ces atténuations ne peuvent effacer les déclarations si nettes qu’on vient de lire. Il ne reste, dès lors. aucune raison sérieuse de mettre en doute l’authenticité des écrits unionistes que les manuscrits nous ont transmis sous son nom.

11° Écrits perdus. —

Les huit volumes de textes qui composent les œuvres complètes de Scholarios sont loin de représenter tout ce qu’il a écrit. D’après son propre témoignage, plusieurs ouvrages ou pièces furent perdus lors de la prise de Constantinople. C’est ainsi que des dix écrits de genre divers qu’il énumère dans une note autographe du Parisinus 1289 et qui furent composés en 1452-1-453 — tous avaient pour but d’empêcher la proclamation de l’union — deux numéros seulement nous restent sûrement. Cf. t. iii, p. l-li, 179180. Nous avons dit plus haut, col. 1529, que de nombreuses homélies prononcées par lui devant la cour, alors qu’il était encore simple laïc, ne nous sont pas parvenues non plus.

Disparus également certains écrits unionistes, entre autres une Réfutation du grand ouvrage de Nil Cabasilas sur la procession du Saint-Esprit, mentionnée dans la Réponse aux sylloç/ismes de Mure d’Éphèse. Cf. t. iii, p. 496-497, où il est parlé d’AvTippr ; cT£i.ç Trpôç Ka6dco-’Xav. Cette réfutation de Nil, les notes marginales au Contra errores Grœcorum de Manuel Calecas (n. 2 des Varia, t. viii, p. 502-503) la font déjà prévoir. Dans la même Réponse à Marc, on trouve aussi une allusion à un opuscule sur la signification des prépo silions oVI. et v.îtv.. a moins qu’il ne s’agisse d’une dissertation d’ensemble sur la procession du Saint Esprit. Cf. I. m. p- 537.

Plusieurs traductions d’ouvrages philosophique saint Thomas n’onl pas été retrouvées, en partit ulier le Commentaire des seconds analytiques d’Aristote, qui lut l’un des premiers travaux de Scholarios. Cf. t. vii, p. I. Comme nous l’axons noté pins haut, du Commen imre de lo Physique d’Aristote mnous sent parvenus que les deux premiers li les. el em incomplète.

12° Écrits apocryphes. Le nombre des écrits apocryphes qui nous sont parvenus sous le nom de ges Scholarios « si relativement considérable, si l’on songe qu’il s’agit d’un personnage mort sur la lin du xv siècle Ces apocryphes n’ont pas peu contribué à dérouter les historiens sur son compte. Voici les principaux :

1. I.e petit opuscule polémique intitulé : Kr.TX ttjç rôv Vorrfvcovêv ax66âT< ;) vqoTelccç, xal irepl toû 6ti où 8eî èv [t’tskdoN yevéo6ai ii, uo v nxYû>Y^ av i ^ ? èx tcovOslcov xav6vov fj àit68etÇiç reéçuxev, Sn Se xal nepi y£uxi>v [epécûv, que Dosithée publia sous le nom de Gennade Scholarios dans le Tou.oç iy-i.Tri]< ;, p. 312-315 (cf. P. G., t. clx, p. 737-7 I I). Comme l’a établi le cardinal G. Mercati, Scritti supposii di Gennadio Scolario, dans Bessurione, t. xxxv, ]>. 164, cet écrit appartient à Nicolas d’Otrante, l’interprète bien connu entre Latins et Grecs, lors des négociations qui eurent lieu après la prise de Constantinople par les croisés, au début du xiiie siècle.

2. La Defensio quinque capitum sgnodi Florentinæ, publiée sous le nom de Scholarios dans l’édition romaine des Actes du concile de Florence, parue en 1577, et dans plusieurs autres éditions postérieures. Cet ouvrage est de Joseph de Méthone. Cf. l’article : Joseph de Méthone, t. viii, col. 132(5-1329.

3. Par suite d’une erreur de Renaudot, op. cit., on a faussement attribué à Scholarios, jusqu’à la publication des Discours de Marc d’Éphèse sur le Purgatoire par L. Petit, dans P. O., t. xv, p. 19, seize pièces contenues dans le Parisinus 1292, qui sont l’oeuvre authentique de Marc d’Éphèse. Voir Introduction du t. i des Œuvres, p. xxvi-xxvii.

4. Dialogue sur la voie du salut des hommes, dont il a été parlé suffisamment plus haut, col. 1542 sq.

5. La soi-disant Homélie sur l’eucharistie, publiée par E. Renaudot, op. cit., p. 29-35, à la suite de l’homélie authentique sur le même sujet. Cette réponse dogmatique fait une claire allusion au calvinisme. Renaudot l’avait tirée de V Avzipçpaiç, xarà tûv xaXGivixcov xstpx-Xocuov de Mélèce Syrigos, éditée par Dosithée, Bucarest, 1690. On la trouve dans P. G., t. clx, d’après l’édition de Renaudot.

6. Un Panégyrique de saint Léonce d’Achaïe, dont Sp. Lanr>ros a publié un long fragment dans ses IIx>.x’.oVjYStaxain£Xo ; rovv7)aiaxà, t. ii, Athènes, 1912, p. 101-168. Le morceau est anonyme. La critique interne s’oppose à l’attribution à Scholarios.

7. Le même Lambros, op. cit., p. 171, a attribué aussi à Scholarios un opuscule intitulé : llepl <J/i>X^Ç’qui est l’œuvre de saint Maxime le Confesseur. Cf. P. (’, .. t. xci, col. 353.

8. Expositio lillerarum quie in scpulcro Constanlini Magni inscriptse crant, publiée par Anselme Banduri, Imperium orientale, t. i, p. 184, et reproduite dans P. G., t. clx, col. 767-774. On ne peut attribuer cette prophétie baroque, annonçant la destruction de l’empire turc pour un avenir fort lointain, à Scholarios, qui croyait la fin du monde toute prochaine et la fixait même à l’année 1494.

9. Toû rroocoTaTou recopytou toû SyoXocpîou sic tô àyXaÔTio-ov ybmq tcov M£Xiaaï)vcôv oV èvTaX[xocTOç toû xpa-aioTaToo. paooXéwç’Icùàwou toû 1 1 ocXaioXoyou èx-XoyJ ] èx Siaçôpcov Irrropicôv. Cette dissertation sur la famille des Mélissènes, contenue dans le Berolinensis 1456, fol. 1 10 v°, du xvif-xviir siècle, n’a aucune chance d’appartenir à Scholarios, vu le style, la manière et le contenu. Elle a dû être composée par quelque membre ou ami des Mélissènes.


III. Doctrine.

En dressant l’inventaire de l’héritage laisse par Scholarios. nous axons été amené plus d’une fois à signaler, en passant, sa doctrine sur certaines questions théologiques. Nous n’avons pas a répéter ce qui a été dit. Par ailleurs, dans plusieurs articles de ce Dictionnaire, la pensée de notre théologien a déjà été exposée : voir les articles :
IMMACULÉE Conception, t. vu. col. 554-566 ;
Palamite (Controverse), t. xi. col. 1799-1801 ;
Péché originel » ans l’Éolisi gréco-russe, i. ii. col. 609 ;
Primauté du pape dans l’Église byzan « ne, t.xin, col. 374 ;
Purgatoire i>ans l’Église gréco-russe iprbs le concile de Florence, t. xiii, col. 1329-1331.
Notre enquête se limitera donc ici à quelques points précis, que le théologien byzantin a traités ex professo et qui présentent un véritable intérêt.

Nous parlerons du théologien, et non du philosophe : l’œuvre philosophique de Scholarios en effet n’a rien d’original. Ce que notre auteur a écrit de plus personnel en ce genre, ce sont deux livres contre (iémiste Pléthon et le commentaire du De ente et essentia. Mais là, encore, on ne trouve rien de bien nouveau.

Quant à la théologie de Scholarios. elle est sous la dépendance étroite de la scolastiquc occidentale et spécialement de la doctrine thomiste. Plie constitue, à ce point de vue, un phénomène unique dans l’histoire de la théologie byzantine dissidente. Scholarios a eu beau se défendre d’être latinophrone. Il l’est sûrement, et à un haut degré. Nous l’avons entendu, col. 1550, exprimer son admiration pour saint Thomas. Ailleurs, on lit cette exclamation : « Plût au ciel, ô excellent Thomas, que tu ne fusses pas né en Occident ! Tu n’aurais pas été dans la nécessité de prendre la défense des déviations de l’Église de là-bas. entre autres de celle qu’elle a subie au sujet de la procession du Saint-Esprit, et de celle « pii regarde la distinction entre l’essence de Dieu et son opération ; et tu serais maître impeccable en dogmatique, comme tu l’es dans ce traité de morale (la P-II*). » Cf. t. vi, p. 1. On pourrait donc résumer en gros la théologie de notre Byzantin en disant qu’il a souscrit à tout ce que contiennent les deux Sommes thomistes, à l’exception des deux points indiqués. Mais pour les détails, il y aurait plus d’une divergence à relever, parmi lesquelles viendrait en première ligne celle qui regarde l’immaculée conception, Scholarios enseignant très explicitement le dogme catholique actuellement défini.

Les questions particulières sur lesquelles la doctrine de notre auteur mérite d’être signalée se rapportent :
1° à la providence et à la prédestination ;
2° aux processions divines en général et à la procession du Saint-Esprit en particulier ;
3° aux anges ;
4° à l’origine de l’âme humaine ;
5° à la mariologie ;
6° aux sacrements en général et à l’eucharistie en particulier ;
7° aux fins dernières.

Doctrine sur la providence et la prédestination.


La doctrine développée dans les cinq petits traités sur la providence et la prédestination qui ont été mentionnés plus haut, col. 153’, peut se résumer ainsi : de toute éternité, Dieu connaît comme présent, tout ce qui a été, tout ce qui est, tout ce qui sera, y compris les déterminations des créatures libres et leurs pensées les plus secrètes. II connaît ces choses non en elles-mêmes, puisqu’elles n’ont pas une existence éternelle, mais en lui-même, en qui tout préexiste idéalement. Comment les connaît-il en lui-même ? Scholarios se contente de dire : de la manière qui lui est propre, par l’infinité de sa science et l’abondance de sa sagesse, en tant qu’il est la cause unique et première de tout. Non seulement il connaît tout à l’avance, mais il préi é c mine tout. rrpoopKei.. Rien dans le plan divin du monde n’est laissé à l’aventure ; t on I est lixé à l’avance. Mais, au moins quand il s’agit de fixer le soi i des créât uros libres, la prescience précède la prédétermination ou prédestination, rrpoopiojioç. La prédestination se divise en prédestination proprement dite, qui regarde les élus, et en réprobation, qui regarde ceux qui manquent la fin dernière. C’est le regard lixé sur sa