Dictionnaire de théologie catholique/SACREMENTS II. La notion 3. La notion du sacrement chez saint Augustin

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané ( Tome 14.1 : ROSNY - SCHNEIDERp. 267-270).

III. LA NOTION DU SACREMENT CHEZ SAINT AUGUSTIN.

Avant saint Augustin, le concept de signe efficace n’a été exposé par les Pères, d’une manière suffisante, que pour deux sacrements, le baptême et l’eucharistie. Les Pères montrent ces deux sacrements composés de deux parties : l’une externe et visible, appelée par les grecs, fi.uaT7jpi.ov, par les latins, signum, figura ou mieux, sacramentum ; l’autre, invisible, qui est la vertu du Saint-Esprit produisant la grâce de la régénération baptismale, ou le corps et le sang du Christ avec les effets spirituels qui en sont le fruit dans la communion. Dans une certaine mesure, la même conception est appliquée au sacrement de confirmation. Les autres sacrements sont envisagés avec moins de précision. Leur nature se prête d’ailleurs moins à une application identique de la notion de symbole ou signe efficace. Pour ce qui est du mariage, les Pères, dans leurs commentaires sur Eph., v, 22-23, n’ajoutent rien au symbolisme proposé par saint Paul. Toutefois, certains font allusion aux effets sanctifiants du mariage. C’est aussi à ce point de vue des effets sanctifiants qu’ils se placent pour parler de la pénitence. De l’ordre, ils affirment simplement l’efficacité du rite de l’imposition des mains et ils précisent quels pouvoirs sont concédés par l’ordination. Le symbolisme de ce sacrement sera développé plus tard par Augustin et Innocent I er esquisse celui de l’extrême-onction.

Saint Augustin va faire progresser le concept de signe efficace, principalement parce qu’il va l’étudier, non plus en fonction de tel ou tel sacrement désigné, mais pour lui-même. Dégageant une idée encore confusément exprimée par les l’ères antérieurs, saint Augustin distinguera, dans la notion de sacrement, deux éléments superposés l’un à l’autre, une partie visible, le sacramentum. une partie invisible, la virtus sacramenti. Aliud est sacramentum, aliud l’irtus sacramenti. In Joa., tract. XXVI. n. 11. P. L., t. XXXV, col. 1011. Distinction féconde et dont on n’a peut-être pas tiré tout le parti possible. « Dans son accepl ion la plus restreinte, le sacrement aiigiistinien est un signe sacré qui éveille l’idée d’une chose religieuse dont il est l’image : ce signe est un élément matériel ; a ce signe est lié le don spirituel et destiné à sanctifier l’homme : — la cause efficiente du sacrement, c’est-à-dire ce qui fait d’un élément matériel le signe d’une réalité spirituelle et ce qui lie à cet élément le don de cette réalité spirituelle signifiée, c’est la formule de bénédiction du ministre ; — enfin, l’instituteur des sacrements, c’est Jésus-Christ. Telles sont les quatre idées essentielles à la définition de saint Augustin. » P. Pourrat, La théologie sacramentaire, p. 21.

1° Premier élément : le sacrement, signe sensible d’une chose sainte. C’est l’élément qu’on pourrait appeler générique et qui déborde le cadre de nos sept sacrements. Signa, cum ad res divinas pertinent, sacramenta appellantur. Epist., cxxxviii, n. 7, P. L., t. xxxiii, col. 827 ; cf. De civ. Dci, t. X, c. v, t. xli, col. 282. Ainsi, dans son acception la plus générale, le « sacrement » peut n’être qu’un signe, naturel ou conventionnel, d’une chose sainte. En ce sens, Augustin appelle « sacrements » les choses et les rites qu’aujourd’hui nous appelons sacramentaux, voir ce mot, col. 467. par exemple, le sel bénit donné au baptisé, De catech. rudibus, n. 50, t. xx, , col. 344-345, les exorcismes du baptême, Serm., ccxxvii, t. xxxviii, col. 1099-110 I. la tradition du symbole et de l’oraison dominicale aux catéchumènes, Serm., ccxxviii, n. 3, t. xxxviii, col. 1102. C’est en ce sens encore que les rites de l’ancienne Loi, sauf la circoncision, parce qu’ils ne faisaient qu’annoncer le Christ et le salut, sans les apporter, étaient des sacrements. In ps. lxxxiii, enarr. n. t. xxxvi, col. 930. Cf. Contra Faustum, t. XIX, c. xiii, t. xi. ii, col. 355.

Avant d’appliquer cette notion aux rites dont la nature lui impose une acception plus restreinte, Augustin étudie « c concept de signe au point de vue philosophique. C’est d’ailleurs ce qui donne à sa théologie sacramentaire un aspect nouveau et personnel. Augustin avait emprunté aux Alexandrins une théorie complète des signes, qu’il expose dans deux ouvrages : De doetrina christiana et De magistro.

Dans le De doetrina christiana, il emprunte à Origène sa définition du signe : signum est res præter speciem quam ingerit sensibus, aliud aliquid ex se faciens in cogitationem venire. L. I, n. 2, t. xxxiv, col. 19-20. Ainsi les traces d’un animal sont un signe de son passage, la fumée est un signe du feu, le cri d’un être vivant fait connaître ce qu’il désire, le son de la trompette indique le mouvement d’une armée, etc. Les paroles, par lesquelles nous manifestons les sentiments de notie âme, sont les signes les plus expressifs. Les sacrements rentrent dans la catégorie des signes : ils sont des objets matériels et sensibles qui font penser à des objets spirituels et religieux. Augustin prend ici l’exemple du pain et du vin : Ista (panis et calix) ideo dieuntur sacramenta, quia in eis aliud videtur, aliud intelligitur, fructum habet spiritualem. Serm., CCLXXii, t. xxxviii, col. 1216. De même l’eau du baptême : Aqua sacramenti visibilis est… abluit corpus, et significat quod fit in anima. In epist. Joannis ad Parthos, tract. VI, n. 11, t. xxxv, col. 2026. Ainsi, dans le sacrement, entre le signe sensible et la chose.signifiée, il existe un rapport de similitude, même si le signe est d’ordre matériel et la chose signifiée d’ordre spirituel. Si enim sacramenta quamdam similitudinem carum rerum quarum sacramenta smil. non haberent, sacramenta non essent. Epist., xc.vm, n.’.), t. xxxiii, col. 363. Bien qu’ils soient d’institution divine (voir plus loin), les sacrements ne sont pas des signes purement conventionnels (signa data) ; ils sont dans une bonne mesure, des signes naturels (signa naturalia) : la volonté divine qui a définitivement établi le rapport de signe à chose signifiée a trouvé dans la manière d’être ou d’agir du signe un fondement à SOI ! choix. De doetrina christiana, t. II, n. 3, t. xxxiv, col. 57. De ce double symbole, Augustin donne plusieurs exemples : dans l’eucharistie, le pain qui, sanctifié par la parole du prêtre, est devenu le corps de Jésus-Christ est le symbole, le signe de cette unité qui rassemble les fidèles dans le corps mystique de Jésus : Commendatur vobis in isto pane quomodo unitatem amare debeatis. De même, le chrême est le signe visible de l’Esprit-Saint : sacramentum Spiritus Sancti. De même que l’huile entretient le feu, ainsi l’Esprit-Saint, descendu sur les apôtres en forme de langues de feu, cuit les néophytes, après leur baptême, dans les flammes de la charité. Serm., ccxxvii, t. xxxviii, col. 1099, 1100.

2° Deuxième élément : la vertu du sacrement. —

Le véritable sacrement, au sens strict du mot, est celui qui n’est pas seulement le signe d’une réalité spirituelle correspondante, mais dont la collation entraîne de plus la production certaine de cette léalité spirituelle. Il faut donc qu’au sacrement proprement dit soit attachée une vertu (virtussacramenti) productrice de l’effet signifié. Dans les écrits de saint Augustin, la virtus sacramenti représente une réalité d’une compréhension assez souple et qui, transposée dans le langage théologique moderne, pourrait aussi bien s’appliquer à la grâce produite par le sacrement qu’à l’élément agissant du sacrement. Faute d’avoir souligné ces deux acceptions difïéi entes du même mot, on s’est parfois trouvé en face de réelles difficultés dans la manière d’interpréter la pensée de saint Augustin.

Sous le premier aspect, la grâce produite, la virtus sacramenti correspond à ce que les théologiens modernes appellent res sacramenti. Ainsi, le don du baptême, c’est la purification spirituelle et invisible de l’âme, figurée et produite par l’ablution corporelle. Quiest. in Heptateuchum, t. IV, q. xxiii, t. xxxiv, col. 727. Ainsi, le pain et le vin eucharistiques sont une nourriture isible, mais ceux qui s’en nourrissent, adultes ou enfants, reçoivent en eux « un fruit spirituel », qui est la vie. In Joa., tract. XXVI, n. 11-13 ; XXVII, n. 5, t. xxxv, col. ICI 1-1612, 161° ; cf. Serm., clxxiv, n. 7, t. xxxviii, col. 944. Ainsi, la virtus du sacrement du chrême, c’est l’Esprit-Saint donné à l’âme afin d’y produire l’amour. In epist. Joannis ad Parlhos, tract. VI, n. 10, t. xxxv, col. 2025. En somme, ce don lié au sacrement et qui se différencie d’après la nature du rite sacré, c’est la grâce elle-même, produite dans l’âme par le sacrement. C’est en prenant la virtus sacramenti dans cette première acception qu’Augustin a pu écrire que « la grâce est la vertu des sacrements », gratia quæ sacramentorum virtus est. In psalm. lxxvii, n. 2, t. xxxvi, col. 983 ; cf. In Joa., tract. XXVI, n. Il ; XXVII, n. 5, t. xxxv, col. 1611, 11)17.

Mais, pour Augustin, la virtus sacramenti est encore ce qii, dans le signe élevé à la dignité de sacrement, est capable de produire l’effet spirituel. Parlant du baptême, Augustin se demande : Unde isla tanta virtus aquæ, ut corpus tangat et cor abluat… ? In Joa., tract. LXXX, n. 3, t. xxxv, col. 1840. C’est ce qu’il appelle la vertu manens, par opposition à la parole qui la produit, mais qui passe. Cette vertu intérieure au sacrement appelle nécessairement, lorsque le sujet est suffisamment disposé, l’action sanctificatrice du Christ ou du Saint-Esprit. Dans la controverse donatiste, saint Augustin insiste fréquemment sur ce point, et c’est par là qu’il rétablit, malgré les objections des adversaiies, la thèse catholique de la validité des sacrements conférés par des ministres hérétiques ou schismatiques. « Saint Optât déclarait que l’action de l’homme, dans la célébration du sacrement, est purement ministérielle : c’est Dieu qui agit en réalité. Saint Augustin reprend ces explications et les précise par sa théorie de l’Église, qui est parla intimement liée à sa doctrine sacramentaire. D’après le saint docteur, l’Église est l’organe du salut ; c’e.-.t par elle, en se soumettant à son autorité, que l’homme peut arriver à la connaissance de la vérité révélée ; c’est par son intermédiaire aussi que la grâce nous est donnée… L’Église continue donc ici-bas l’œuvre d’enseignement et de sanctification opérée autrefois par le Christ ; ou plutôt, le Christ, par son Église, continue à enseigner et à sanctifier le monde. De sorte que les actes de l’Église sont en réalité les actes du Christ lui-même. Cf. Epist., cxi, n. 18, t. xxxiii, col. 045 ; Serm., cxxix, n. 4, t. xxxviii, col. 722 ; De doctrina christiana, t. III, n. 44, t. xxxiv, col. 82 ; In psalm. xxx, enarr. ii, n. 4, t. xxxvi, coi. 232, etc. Or l’Église agit par ses ministres, par ceux qui ont reçu le « caractère » de l’ordination et qui..ont ainsi officiellement investis du pouvoir d’exercer les fonctions sacrées. La conséquence de cette doctiine, c’est que l’acte du ministre conférant un sacrement est un acte même du Christ agissant par son Église. » P. Pourrat, op. cit., p. 126127. Il suffit donc que la « parole » du ministre soit posée pour que soit produite, dans le sacrement, la virtus qui entraîne l’action sanctificatrice du Christ ou de l’Esprit-Saint. Ecce quia Christus etiam ipso lavacro aqute in verbo ubi ministri corporaliter videntur operari, ipse abluit, ipse mandat. Contra litteras Petiliani, t. III, n. 59, t. xliii, col. 379. De même, peu importe la volonté des parents ou la foi des ministies, seul l’Esprit-Saint, dans le baptême, opère la sanctification : Facit hoc unus Spiritus, ex quo reqencratur oblatus… Aqua igitur^exhibens jorinsecus sacramentum gratin-, et Spiritus operans intrinsecus beneficium gratin’… régénérant hominem in uno Christo ex uno Adam generatum. Epist., xcviii, n. 2, t. xxxiii, col. 360. On pourrait multiplier les textes. Cf. Quiest. in Heptateuchum, t. III, q. i.xxxiv, t. xxxiv, col. 712 ; Epist., lxxxix, n. 5, t. xxxiii, col. 311 ; In Joa., tract. V, n. 18, t. xxxv, col. 1 121 : Contra lilt. Petiliani, t. III, n. 65-67, t. xliii, col. 383-381. L’action de l’homme est donc purement ministérielle ; c’est le Christ ou l’Esprit-Saint qui agit par lui. Nous assistons ici à un développement d’une doctrine traditionnelle, esquissée jadis par Origène, plaçant dans l’invocation de la Trinité la puissance purificatrice du baptême, voir col. 503, accentuée par les Pères grecs et latins du IVe siècle, notamment Basile et Grégoire de Nazianze, voir col. 505, et Ambroise, 514, et qui prélude à la doctrine de la causalité instrumentale des scolastiques qui en sera le couronnement.

3° Troisième élément : la cause efficiente liant au signe sensible le don d’une réalité spirituelle. —

Toutefois, si l’action de l’homme est purement ministérielle, c’esi elle cependant qui prend l’initiative et qui fait le sacrement par lequel Dieu agira dans l’âme du chrétien. L’enseignement d’Augustin sur la cause efficiente du sacrement est le même que celui d’Ambroise et de Cyprien. C’est la parole du ministre, la bénédiction du prêtre qui fait le sacrement, donnant à l’élément matériel sa signification sacramentelle, liant à cet élément matériel un don spirituel objectif. Les textes sont ici classiques : Detrahe verbum, et quid est aqua nisi aqua ? Accedit verbum ad elementum et fit sacramentum, etiam ipsum tanquam visibile verbum. In Joa., tract. LXXX, n. 3, t. xxxv, col. 1810. Et c’est précisément cette parole du ministre qualifié qui donne au sacrement la vertu de produire son effet sanctifiant. On a vu dans cette affirmation d’Augustin un prélude à la doctrine de la forme des sacrements. Voir ici Matière et forme des sacrements, t. x, p. 346. L’exégèse du texte compris en ce sens n’est exacte que d’une manière très approximative. En léalité, la pensée d’Augustin s’étend ici à autre chose qu’à ce qui constitue strictement la forme du sacrement. Pour Augustin comme pour Ambroise, voir ci-dessus, col. 521, ce qui rend l’eau capable de purifier le cœur dans le baptême, c’est d’abord la bénédiction préalable qu’elle reçoit : Quia baptismus, id est salutis aqua, non est salutis, nisi Christi nomine consecrata, qui pro nobis sanguinem judit, cruce ipsius aqua signatur. Serm., ccclii, n. 3, t. xxxix, col. 1551 ; cf. De buptismo, t. V, n. 28 ; t. VI, n. 47, t. xliii, col. 190, 215. Mais, conformément à ce qui a été dit ici. t. x, col. 340, il est probable que le mot verbum désigne aussi l’invocation de la Trinité qui accompagne l’effusion baptismale. Peut-être même désigne-t-il encore la profession de foi faite par le baptisé pendant l’acte lui-même : Unde ista tanla virtus aquæ ut corpus tangat et cor abluat, nisi faciente verbo : non quia dicitur, sed quia crcditur ? Nam et in ipso verbo aliud est sonus transiens, aliud virtus manens… Mundatio igitur nequaquam fluxo et labili tribucretur elemento, nisi adderetur in verbo. In Joa., tract. LXXX, n. 3, t. xxxv, col. 1810. Quelle que soit l’interprétation à donner au mot verbum ici employé par Augustin, une chose est certaine, c’est « qu’il y a dans la parole, une force qui reste après qu’elle a été prononcée > (Pourrat, op. cit., p. 55) et qui donne au sacrement le pouvoir de produire son effet surnaturel.

Saint Augustin reproduit les mêmes vues sur la confirmation et sur l’eucharistie. Ces deux sacrements se composent aussi d’une matière et d’une bénédicl ion. Pour la confirmation, voir Contra littcras Petiliani, t. ii, n. 239, t. xliii, col. 342. Pour l’eucharistie, voir De Trinitate, t. III, n. 10, t. xlii, col. 873. En étudiant ces deux textes, surtout le dernier, on s’aperçoit que la pensée d’Augustin est mobile et parfois déroutante : elle passe, sans transition, des paroles sacramentelles qui sont dans l’Évangile à la prédication des paroles évangéliques en général. Ce serait néanmoins fausser la pensée d’Augustin que de l’interpréter dans le sens calviniste. Calvin, en effet, et, avec lui, les protestants pour la plupart, fondent sur le dernier texte d’Augustin leur théorie de la composition des sacrements : « Le sacrement, écrit Calvin, consiste en la parole et au signe extérieur… Par la parole, il ne faut pas entendie un murmure qui se place sans sens et intelligence, en barbotant à la façon des enchanteurs, comme si par cela se faisait la consécration : mais il nous faut entendre la parole qui nous soit preschée, pour nous enseigner et nous faire savoir que Veut dire le signe visible… Or, nous voyons qu’il (saint Augustin) requiert prédication aux sacrements, de laquelle la foy s’ensuive. » Institution chrétienne, t. IV, c. xiv, n. 4, dans Corpus reformat., t. xxxii, col. 881. « Si l’obscurité du tractatus XXX permet de l’alléguer en faveur d’une pareille doctrine, une critique impartiale est obligée de convenir que telle n’est pas la conception augustinienne du sacrement. Les formules de consécration sont valables par elles-mêmes, elles agissent indépendamment des dispositions du ministre et de celles du sujet. » Pourrat, op. cit., p. 57. Cf. De baptismo contra donalistas, 1. Y, n. 28, P. L., t. xliii, col. 190. Voir ci-dessus, col. 522.

Toutefois, une nuance est à remarquer dans la pensée d’Augustin. Il s’agit de la « fructuosité » du sacrement reçu en dehors de l’Église catholique, ’fout sacrement reçu dans la vraie Église par un sujet bien disposé est fructueux, quel que soit l’étal de péché ou de perversité du ministre. Cont. littcrus Petiliani, t. I, n. 3, t. xliii, col. 247 ; Contra epist. Parmeniani, I. II, n. 22 sq., ibid., col. 65 ; Scnu.. i.xxi. n..’! 7. t. xxxviii. col. 100 ; De baptismo, t. IV, n. 18, t. XLIII, col. 165-166. Augustin maintient celle doctrine dans le cas d’un mourant bien disposé recevant le baptême de la main d’un hérétique ; son baptême lui remet ses péchés. De baptismo, t. VI, n. 7 ; 1. Vil, n. KM), t. XLIII, col. 200, 211-2 12. Mais il n’est plus aussi allirmatif quand, en dehors tu cas de nécessité, un catéchumène

de bonne foi se fait baptiser dans l’église schismatique : il le considère comme « blessé » et gravement atteint par le « sacrilège du schisme ». De baptismo, t. I, n. 6, t. xliii, col. 113. « L’évêque d’Hippone, dit à ce propos J. Tixeront, est ici impressionné par la doctrine de saint Cypricn, doctrine qu’il a faite sienne, .ur l’Église, organe unique de la sanctification et unique lieu de salut et de rémission des péchés. Le baptême des schismatiques est au fond celui de l’Église, et ainsi le baptême vrai ne se trouve pas que dans l’Église, mais en elle seule il se trouve d’une façon efficace pour le salut : nec in qua sola (Ecclesia) unus baptismus habetur, sed in qua sola unus baptismus salubriter habetur. Contra Cresconium, t. I, n. 34, t. xliii, col. 403. » Histoire des dogmes, t. ii, p. 404. Cf. Pourrat. op. cit., p. 132 sq.

L’auteur des sacrements.

Cet auteur, c’est le

Christ. C’est en vertu de sa volonté que la parole du ministre peut faire d’un objet matériel un signe sacramentel efficace. Comme la définition augustinienne du sacrement convient surtout au baptême et à l’eucharistie (bien qu’elle puisse s’étendre aux autres sacrements), c’est pour ces deux sacrements surtout que saint Augustin parle d’institution divine. Quædam pauca (signa)… ipse Dominus et apostolica tradidit disciplina, sicuti est baptismi sacramentum et celébratio corporis et sanguinis Domini. De doctrina christiana, t. III, n. 13, t. xxxiv, col. 71 ; cf. In psalm. lxxxiii enarr., n. 2, P. L., t. xxxvii, col. 1050. On le voit, baptême et eucharistie ne sont donnés ici qu’à titre d’exemples plus obvies. Dans un autre texte, Augustin ajoute même : et si quid aliud in Scripturis commendatur. Epist., liv, n. 1, t. xxxiii, col. 200.

Conclusion. — Le concept augustinien de sacrement et son extension à la pénitence, au mariage et à l’ordre. — Nous pouvons conclure avec P. Pourrat : « Le sacrement, au sens restreint, est donc un signe matériel d’un objet spirituel dont il est l’image, institué par Jésus-Chriot, et auquel est lié, par la formule de bénédiction du ministre, l’objet spirituel signifié et destiné à sanctifier les hommes. Cette définition ne se trouve formulée nulle part dans les écrits de saint Augustin ; les idées qui la composent sont développées çà et là, et l’historien qui les synthétise court le risque de dépasser la pensée de l’évêque d’Hippone. En réalité, saint Augustin n’a foi mule que la première partie, que le terme générique de la défini. ion : le sacrement est un signe sacré d’un objet spirituel. Cf. De civ. Dei, t. V, c. v, t. xi.i, col. 282. Il n’a pas ignoré, surtout quand il parlait du baptême et de l’eucharistie, l’élément spécifique, c’est-à-dire l’efficacité de ce signe. Mais il ne l’a pas mis en formule et on ne l’y mettra guère avant le xiie siècle. C’est pourquoi saint Augustin et tous les auteurs jusqu’à Pierre Lombard, donnent le nom de sacramentum indistinctement à toutes sortes de rites. » Op. cit., p. 29-30.

Par contre, pouvons-nous ajouter, la théoiie du sacrement augustinien ne s’applique pas à la pénitence. Augustin ne l’appelle même pas expressément un sacrement. Voir cependant ici t. i, col. 2430. L’expression sacramentum pœnitentiæ est employée pour la première fois par Victor de Cartenna. De pssnilentia, c. xx, P. L., t. xvii, ccl. 994. Mais il s’agit du « mystère » de la pénitence. Cf. Cavallera, Le décret du concile de Trente sur la pénitence et l’extrême-onction, dans le Bulletin de Toulouse, 192 1, p. 131. D’ailleurs l’ai tribut ion du De pœnitentia à Victor de Cartenna reste douteuse. Voir ici, t. XII, ccl. 820. Pour Augustin comme pour les autres docteurs des premiers siècles, la pénitence était avant tout une discipline et la réconciliation était l’aboutistissemen ! des exercices pénitentiels. L’efficacité du « sacrement » était attribuée à tout l’ensemble de ces exercices. L’application à la pénitence du concept augustinien de sacrement sera l’oeuvre du Moyen Age. Voir Pénitence, t.xii, col 945 sq. ; 953 sq. ; 974 sq. ; 1027 sq., etc.

La distinction sacramentum et virtus sacramenti n’est plus applicable purement et simplement au mariage et à l’ordre. Reprenant la formule de saint Paul, Eph., v, 22-23, saint Augustin voit dans le lien indissoluble du mariage le sacramentum, c’est-à-dire le signe, le symbole de l’union de Jésus-Christ avec son Église. De bono conjugali, c. xxi, n. 32, t. xl, col. 394. Cf. In Joa., tract. IX, n. 2, t. xxxv, col. 459. C’est par là que le mariage chrétien comporte une indissolubilité absolue, bien plus forte que dans le lariage naturel. De bono conjugali, loc. cit. Il est à îoter toutefois qu’Augustin appelle parfois le lien conjugal res sacramenti. De nuptiis et concupisc, t. I, c. x, n. 11, t. xliv, col. 420, comparable au caractère baptismal ou à celui de l’ordre. De bono conjugali, loc. cit. L’expression sanctitas sacramenti dont Augustin se sert pour désigner le mariage chrétien semble bien indiquer que ce mariage doit produire dans l’âme un effet sanctifiant. Il y aurait donc peu à faire pour appliquer strictement le concept augustinien du sacrement au sacrement de mariage. Voir ici t. i, col. 2431.

Quant à l’ordre, Augustin ne se soucie pas de lui appliquer son concept du sacrement. Toutefois la chose serait relativement facile, puisque l’ordre est étudié par Augustin parallèlement au baptême, pour réfuter les erreurs donastistes. On trouvera ici, t. xi, col. 1279, le résumé de la doctrine de saint Augustin touchant ce sacrement.

Saint Augustin