Dictionnaire de théologie catholique/RÉVÉLATION I. Concept de la révélation 1. Notion de la révélation

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 13.2 : QUADRATUS - ROSMINIp. 583-584).

RÉVÉLATION.
I. Concept de la révélation.
II. Possibilité de la révélation (col. 2595).
III. Nécessité de la révélation (col. 2604).
IV. Transmission de la révélation (col. 2612).

I. Concept de la révélation.
1. Notion de la révélation.
2. Définition analytique de la révélation d’après la doctrine catholique.
3. Conceptions erronées sur la révélation.
4. Espèces.

I. NOTION DE LA RÉVÉLATION.

ÉtymologiqilCment le mot révélation à : rox(iXu<Jji.ç, cpavépwaiç, signifie l’enlèvement d’un voile, matériel ou spirituel, qui gêne la vision ou l’intelligence d’une chose. D’une manière générale, c’est la manifestation d’une vérité auparavant cachée ou inconnue ou au moins obscure. Elle csj/divine, si elle est faite par Dieu ; humaine si elle l’est par l’homme. A son tour, la révélation divine est naturelle ou surnaturelle.

La première (révélation naturelle) est inscrite dans l’ordre même de la création. Elle existe du fait que Dieu a donné à l’homme des facultés de connaissance par lesquelles celui-ci est en mesure de passer, par la démonstration, du domaine des choses visibles à celui des invisibles. Cette possibilité, la Bible l’affirme souvent. Saint Paul, dans l’épître aux Romains, la proclame avec solennité en un passage majestueux. « La colère divine, écrit-il, éclate du haut du ciel contre l’impiété… car, ce qui se peut savoir de Dieu est manifeste parmi eux. Dieu le leur a montré, ô ©eôç yàp aù-roïç è<pavépwae. En effet, ses perfections invisibles, son éternelle puissance, sa divinité sont, depuis la création du monde, rendues visibles à l’intelligence par le moyen de ses œuvres. Ils sont donc inexcusables… » Rom., i, 20 ; voir dans le même sens, Act., xiv, 16, 17 ; xvii, 24 sq.

L’auteur de la Sagesse insistait déjà sur ce point quand il reprochait au monde d’avoir donné dans l’erreur du culte des éléments, et affirmait que cette idolâtrie aurait dû être évitée, car des créatures on peut s’élever au Créateur. Sap., xiii, 1 sq.

La révélation naturelle, à laquelle s’en tiennent les rationalistes, n’est pas cependant considérée comme une révélation proprement dite, elle fait partie de l’ordre naturel des choses. Pour fixer les idées il suffit de rappeler la doctrine exprimée au concile du Vatican, dans la constitution Dr fide catholica, c. ii, De rêvelatione. Nous y lisons : Eadem sancta mater Ecclesia tenet et docet, Deum, rerum omnium principium et finem, naturali humanæ rationis luminee rébus creatis certo cognosci posse, …attamen placuisse ejus sapientiæ et bonitati alia eaque supernaturali via seipsum ac œterna voluntatis sua : décréta humano generi revelare dicenle apostolo : Multifariam multisque modis olim Deus loquens patribus in prophetis : novissime diebus istis locutus est nobis in Filio (Heb., i, 1). Denzinger-Bannwart, n. 1785 et 1786.

En cette étude il s’agit de la révélation d’ordre surnaturel : elle se distingue de la première dont nous venons de parler. D’une manière très brève, Chr. Pesch en a marqué ainsi les différences : Quævis autem revelatio definiri potest : verilatis per divinam testi ficationem manifestatio. Revelatio naturalis fit per facla, revelatio supernaturalis per verba. Prselect. dogmat., 1. 1, 6e -7e éd., n. 151. Elle est la manifestation d’une vérité par Dieu et en dehors de l’ordre de la nature. Le mot (à.nox’i.-Xoiiç, à7TOxaXÙ7TTSiv, 9avepoyv, yvcopiÇeiv, SyjXoûv) révélation, qui est d’un usage courant, dans la sainte Écriture, exprime la découverte de choses cachées.

C’est d’elle que parle l’apôtre saint Paul, quand il écrit aux Corinthiens : « Ce sont des choses que l’œil n’a point vues, que l’oreille n’a point entendues, et qui ne sont pas montées au cœur de l’homme… c’est à nous que Dieu les a révélées par son Esprit ; car l’Esprit pénètre tout, même les profondeurs de Dieu. » I Cor., Il, 9-10. On rapproche quelquefois de ce texte paulinien particulièrement clair le texte des synoptiques relatif à « ce qui est caché mais qui finira bien par se découvrir ». Matth., x, 26 ; Marc, iv, 22 ; Luc, viii, 17. Mais le contexte immédiat de ce passage invite à ne pas urger ce texte qui est fort général. Par contre, il convient de mettre en spéciale lumière la réflexion de saint Jean au début du IVe évangile : « Dieu, nul ne l’a jamais vu ; mais le Fils unique, qui est dans le sein du Père, celui-là nous l’a expliqué, èE^yr^ctio. » Joa., i, 18.

Puisque les saintes Écritures nous font connaître les vérités à croire et les devoirs à pratiquer, la révélation surnaturelle, dont il est question en ces textes, concerne l’ordre religieux, et tout spécialement celui qu’a fait connaître Jésus. C’est proprement le « mystère » du Christ, dont parle saint Paul : « C’est par révélation que j’ai eu connaissance du mystère que je viens d’exposer en peu de mots. Vous pouvez, en les lisant, reconnaître l’intelligence que j’ai du mystère du Christ. Il n’a pas été manifesté aux hommes, dans les âges antérieurs, comme il a été révélé de nos jours par l’Esprit aux saints apôtres et aux prophètes de Jésus-Christ. » Eph., iii, 3 sq. Sur ce texte, cf. Hagen, Lexicon biblicum, t. iii, col. 687 sq. ; Cornely-Merk, Compendium introductionis, p. 525 sq. ; Cremer-Kôgel, Diblisch-theolagisches Wôrterbuch des neutestamentlischen Griechisch aux mots à7uoxaÀÛ7TTM, col. 578 sq. ; cpavepoùv, col. 1109 sq. ; yvcopiÇeiv, col. 257 sq.

Par rapport à la fin, la révélation est privée ou publique selon qu’elle est destinée à un individu en particulier ou à une collectivité, tels que le peuple israélite pour l’Ancien Testament et l’humanité entière pour la Nouvelle Alliance, apportée par le Christ. Les révélations privées sont possibles et réelles en certains cas, mais relativement rares. En toute hypothèse, elles demeurent nécessairement subordonnées à la révélation publique, à la lumière de laquelle elles doivent être jugées et appréciées. Elles n’appartiennent pas au dépôt général et universellement obligatoire de la révélation chrétienne, c’est pourquoi celui qui se refuserait à les accepter pourrait parfois commettre une imprudence ou faire acte de témérité, mais il ne saurait être taxé d’hérésie. Dans cet article ne sera étudiée que la révélation surnaturelle publique, close avec les apôtres. Voir Didiot, art. Révélation du Dict. apol., t. iv, col. 1005 et sq. Mais l’on ne s’interdira pas de faire appel à des expériences mystiques d’ordre privé.