Dictionnaire de théologie catholique/RÉSURRECTION DES MORTS III. L'enseignement de la tradition 2. Les institutions et la liturgie

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 13.2 : QUADRATUS - ROSMINIp. 565-567).

sière. Mais c’est un symbolisme admirable que représente la cérémonie de l’inhumation, entourée de toutes les prières de l’Église, relativement à nos espérances futures et à la résurrection : « La mort, dans la doctrine chrétienne, est un châtiment où sombre toute vanité terrestre et où la chair, souillée par le péché, revient à la poussière d’où elle a été tirée. Cependant, elle n’est pas une destruction absolue et définitive : l’âme immortelle est inaccessible aux atteintes du trépas et le cadavre lui-même est réservé à la résurrection future… Quelle signification mystérieuse de nos espérances que ce dortoir, selon l’expression si douce cçéée par le christianisme, où le fidèle sommeille, se reposant de sa journée, dans l’attente du réveil, eos qui dormicrunt ; requiescanl a laboribus, IThess., iv, 11 ; Apoc, xiv, 13 ; ce champ bénit auquel l’Église a confié une semence mortelle qui doit germer à l’immortalité, seminatur in corruplione, surget in incorruptione. I Cor., xv, 42. » J. Besson, art. Incinération, dans le Dict. apol. de la foi cath., t. ii, col. 633-634.

L’espérance de la résurrection est elle-même parfois gravée dans l’inscription funéraire. Le mot, y.oirrrrptov, déjà par lui-même si expressif, se double parfois de l’apposition, ëwç àvaoTâaewç, la tombe est un dortoir jusqu’au jour de la résurrection, Épilaphe de Thessalonique, voir art. Achaïe, dans le Dict. d’archéologie chrél., t. i, col. 1340. Voir ici même d’autres exemples, art. Épigraphie chrétienne, t. v, col. 341-342.

Le symbolisme de la résurrection future est une des raisons qui motivent, dans la discipline de l’Église, l’interdiction de la pratique de la crémation des corps. Voir ce mot, t. iii, col. 2310 sq.

Le culte des reliques.


Le culte des reliques est aussi une institution qui plaide en faveur du dogme de la résurrection. Voici la formule précise et achevée qu’en donne saint Thomas d’Aquin : « Il est manifeste que nous devons avoir de la vénération pour les saints de Dieu, qui sont les membres du Christ, les fils et les amis de Dieu, et nos intercesseurs auprès de lui. Nous devons donc, en souvenir d’eux, vénérer dignement tout ce qu’ils nous ont laissé, et principalement leurs corps qui furent les temples et les organes du Saint-Esprit habitant et agissant en eux et qui doivent être configurés au corps du Christ par la gloire de la résurrection. C’est pourquoi Dieu lui-même glorifie comme il convient leurs reliques, en opérant des miracles en leur présence. » Sum. theol., III 11, q. xxv, a. 6.

Le concile de Trente a canonisé cette doctrine dans son décret de la xxv* session sur l’invocation, la vénération et les reliques des saints et sur les images sacrées. Si « les corps des martyrs et des autres saints qui vivent avec le Christ doivent être vénérés par les fidèles », c’est qu’ « ils furent les membres vivants du Christ et le temple du Saint-Esprit (cf. I Cor., iii, 16 ; vi, 19 ; II Cor., vi, 16), qui doivent par lui être ressuscites à la vie éternelle et glorifiés ». Denz.-Bannw., n. 985 ; Cavallera, Thésaurus, n. 820.

La liturgie.


1. Quelques textes de liturgies anciennes. —

Le P. Segarra, op. cit., p. 101 sq., rapporte, d’après le Liber ordinum, publié par dom Férotin, dans Monum. Ecclesix liturg., t. v, 1904, plusieurs textes de la liturgie mozarabe. Voici le début d’un office pour un défunt, n. 43, col. 148-149 : Requiem eternam det tibi Dominus : lux perpétua luceal tibi, elrepleal splendoribus animam tuam, et ossa tua revirescanl de loco suo. Et voici les prières qui suivent immédiatement : Christe Rex, Unigenite Patris altissimi, qui es angelorum et requics omnium in te credentium animarum, lacrimabililer quesumus, ut noslras nunc pius oraliones exaudias… Sicque animam ejus nunc splendoribus reple in regione vivenlium ut lempore judicii, sumto corpore quod hoc delinetur in tumulo, a te se graluletur suscipi celesli in regno. Ossa quoque ejus, que modo casu corruplibililalis

hoc in sepulcro jacent recondita, supremo examinis die revirescentia resurganl in gloria immorlalitalis induta ; atque ab exitio morlis secunde ereptus, gaudium vite perpétue potiatur securus, ut eleclorum numéro insertus, ani/elorum catervis unitus rura paradisi vernanlia mereatur ingredi lelus…

Autre texte, tiré de la Missa generalis defunclorum, col. 421-422 : Vere sanctus, vere benedictus es, Domine Deus noster, auctor vite et conditor… ; qui necessitalem animarum recedenlium a corporibus non interilum voluisli esse, sed somnium, ut dissolulio dormiendi roboraret fiduciam resurgendi : dum in te credentium vivendi usus non amitlitur, sed transfertur, et fidelium tuorum mutatur vita, non tollitur. Cujus institutionem nulla diversilas morlis, nullum indicium indicte mortalilatis inludit, et ila opéra tuorum digitorum perire non paleris : ut quicquid hominum per morlis varielatem lempus labefeccrit, aura discerpserit, terra obsorbuerit, pulvis involverit, gurgis inmerscril, piscis exesseril, vel quicquid in vetustissimum mare fuerit redaclum, le jubenle, terra redivivum restituât, induatque incorruptionem, deposita corruplione… Ces textes sont du vie siècle environ.

Mais voici quelques autres témoignages. Dans la description de la messe gallicane, les lettres dites de saint Germain de Paris s’expriment ainsi à propos de la lecture des diptyques : Nomina defunctorum ideo hora illa recitantur (avant le baiser de paix et la préface, après l’oblation) qua pallium tollitur, quia lune eril rcsurreclio mortuorum quando advenienle Christo cœlum sicut liber plicabitur, P. L., t. lxxii, col. 93. Cf. Duchesne, Origines du culte, p. 211-213. — Dans une collecte, post nomina recitala, extraite du recueil de Mone, Laleinische und griechische Messen, Francfort-sur-le-Mein, 1850, p. 17, nous lisons : Recitala nomina Dominus benedicat et accepta sil Domino ut hujus oblatio, nostrisque prœcebus inlercessio sufjragetur, spirilibus quoque karorum nostrorum lœtis sedibus conquiescant, et primi resurrectionis gaudia consequantur. Per D. N. etc.

Dans la messe celtique, le texte de la préface, tel du moins que le donne le Missel de Sloive, est une confession de la Trinité : le prêtre invoque Dieu… per quem salus mundi, per quem vita hominum, per quem resurrectio mortuorum, per quem majestatem tuam laudanl angsli, etc. Voir ici, t. x, col. 1382.

Dans les messes orientales, l’épiclèse se termine ordinairement par une allusion au jugement dernier, le pain et le vin eucharisties devant nous obtenir à ce moment « la sanctification des âmes et des corps ». Voir ici Épiclèse eucharistique, t. v, col. 195, 196, 205, 206. Mais le rite persan, à la fin de la lecture des diptyques, comporte ce vœu : Veniat, Domine, Spiritus tuus sanctus et requiescat super oblalionem hanc seroorum tuorum, eamque benedicat et sanctificet, ut sil nobis Domine, ad propitialionem deliclorum et remissionem peccalorum, spemque magnam resurrectionis a morluis et ad vilam novam in regno cœlorum… (trad. Renaudot). Voir ici, Orientale (Messe), t. xi, col. 1458.

2. La liturgie romaine actuelle. —

C’est principalement dans l’office des défunts que la liturgie romaine fait allusion aux espérances chrétiennes de la résurrection future. Dans les différentes messes pro defunclis, elle a rassemblé les textes scripturaires les plus consolants à cet égard. L’épître de la messe pour la commémoraison de tous les défunts est empruntée à I Cor., xv ; l’évangile est tiré de Joa., v. La messe d’enterrement a pour épître I Thess., iv, 13 sq., et l’évangile retrace la scène touchante entre Jésus et Marthe, avant la résurrection de Lazare, Joa., xi, 21-27. La messe d’anniversaire relate l’histoire des Machabées, nisi enim eos, qui cecideranl, resurrecturos speraret, II Mac, xii, 42-46, et, à l’évangile, rappelle la promesse du Christ : hxc est voluntas Palris ut omnis qui videt Filium et crédit in eum, habeat vilam œlernam, et ego resuscilabo eum in novissimo die, et la promesse de la résurrection est répétée, comme un refrain, à trois reprises, Joa., vi, 39, 44, 55. La promesse, reprise au ꝟ. 55, a pour gage l’eucharistie, gage de la vie éternelle et, pour cette raison, forme la conclusion de l’évangile de la messe quotidienne, dont l’épître se contente de redire, avec l’auteur de l’Apocalypse, xiv, 13, le bonheur de ceux qui sont morts dans le Seigneur : ils ont conquis le repos.

La prose Dics iras débute par la scène du jugement et de la résurrection générale :

Tuba mirum spargens sonum

Per sepulcra regionum,

Coget omnes ante thronum.

Mors stupebit et natura,

Cum resurget creatura,

Judicantï reaponsura…

L’oraison commune pro uno dejuncto exprime nettement l’espoir d’une résurrection glorieuse, ul in resurreclionis gloria, inler sanctos et eleclos luos resuscitatus rcspirel.

L’office lui-même est rempli de la pensée de la résurrection. A matines, les répons 1 et 2, du premier nocturne, attestent la croyance à la résurrection, le. premier emprunté à Job, xix, 25-27, le second rappelant la résurrection de Lazare. Le. texte de Job revient, au troisième nocturne, dans la leçon viii. Nous avons dit plus haut, voir col. 2505, que le sens littéral de ce passage ne suggérait pas l’idée de la résurrection générale à la fin des temps. Mais le sens dogmatique que la liturgie lui a accordé ici à la suite de nombreux Pères lui confère, au point de vue de l’enseignement traditionnel, une valeur indiscutable en faveur du dogme de la résurrection. Voir Ami du Clergé, 1926, p. 802. Les laudes débutent par cette antienne où se manifeste l’espérance chrétienne : Exsultabunt Domino ossa hiuniliala ! et Tant ienne du Benedictus rappelle les paroles de Jésus à Marthe : Ego sum resurrectio et vila…

Le rituel reflète la croyance de l’Église dans les diverses bénédictions des cimetières. Bénédiction d’un nouveau cimetière, tit. viii, c. 29 : Bcnedicatur et sanctificctiir hoc cœmclerium, ut humana corpora hic posl viliv cursum quiescenlia, in magno judicii die simul cum felicibus animabus mereuntur aiipisci ville perennis gandin. Et l’oraison finale demande que la consolation éternelle soit largement impartie corporibus quoque. eorum in hoc rœmelerio quiescenlibns, el tiibarn primi Arrhangcli exspeclanlibus. Pareillement, dans la formule de réconciliation d’un cimetière-. violé, l’Église adresse au Christ cette belle prière : Hoc cœmclerium peregrinorum luorum, cecleslis palriæ incolalum exspectanlium, benignus purifica et reconcilia ; et hic lumulalorum el lumular.dorum corpora, de potentia et pietale liur resurreclionis ad gloriam incorruplionis, non damnant, sed glorificans resuscila.

Mais ce n’est pas seulement l’office et la messe des morts qui attestent, dans la liturgie catholique, cette croyance à la résurrection future. L’oraison de l’Avent, à la vierge Marie, résume en quelques mois tous les espoirs du chrétien au moment de la venue du Christ, ul qui, angelo nunlianlc, Christi J’itii lui incarnalionem cognouimus, per passionem ejus et crucem, ad resurreclionis gloriam perducamur. Le dimanche des Rameaux, un symbolisme merveilleux s’exhale des palmes d’olivier toujours vertes : Inlcllexil jam Ma hominum beala mulliliido pric/ignrari quia Redemplor nosltr huma ni s condolens miser ! is, pro tetius mundi vila eum mortis principe esscl pngnaturus, ac moriendo Iriumpluiitirus. .. Quod nos quoque plena fide, el jaclum, el significalum relinentes, le Domine sancte Pater omnipotens… supplieiler exoramus ; ul in ipso, atque per ipsum, cujus nos membra jitri voluisli, de morlis imperio uictoriam reportantes, ipsius gloriosm resurrectionis participes esse mereamur. Symbolisme de résurrection future et d’immortalité, dont sont encore plus ou moins consciemment imprégnées certaines régions de la France, où c’est la coutume de porter, au jour des Rameaux, des branches de buis bénit sur les tombes.

Faut-il, en terminant, rappeler la récitation du symbole, soit à la messe, soit dans l’administration du baptême et de la confirmation, les interrogations posées au catéchumène, où nous retrouvons l’affirmation de la croyance à la résurrection : El exspeclo resurrcctioqem mortuorum et vilam venluri sœculi.

Conclusion. —

Après avoir ainsi interrogé l’enseignement traditionnel de l’Église, tel que nous le livrent les documents du magistère, interprétés par les Pères, on peut conclure que, si la pensée de l’Église est restée strictement fidèle aux données de l’Écriture et particu lièrement de saint Paul, mettant en relief presque exclusivement la résurrection glorieuse promise aux membres fidèles du Christ ressuscité, elle s’en est tenue aux trois points doctrinaux affirmés dès le début : résurrection des morts à la fin du monde, résurrection universelle, résurrection des mêmes corps qui auront vécu pendant cette vie. Tout au plus peut-on distinguer une insistance plus particulière à affirmer, au point de vue moral des dioits de la justice divine, l’identité numérique des corps ressuscites. En ce qui concerne les corps des élus, l’enseignement traditionnel se situe entre deux extrêmes : transformation complète des corps en corps totalement spiritualisés, d’une part, et, de l’autre, maintiendesconditionsdu flux perpétuel des éléments s’agrégeant et se desagrégeant. Mais, si l’identité numé. ique des corps doit être maintenue comme une condition primordiale de l’exercice de la justice divine à leur égard, il faut confesser, aussi bien pour les damnés que pour les élus, mais surtout pour les élus, une véritable transformation des conditions actuelles de l’existence. Ces considérations posent un nouveau problème : à quelles conditions peut être, doit être sauvegardée cette identité ? La solution de ce problème est-elle une vérité considérée par l’Église comme appartenant à son enseignement dogmatique, ou relevant simplement de la spéculation théologique ou philosophique ? Il faut avouer que les Pères n’ont rien affirmé à ce sujet. Tous leurs efforts, en insistant sur l’identité nécessaire aux corps icssuseités, a été de sauvegarder les droits de la justice a l’égard des corps, unis sur cette terre à l’àme dans le bien comme dans le mal, et c’est pourquoi ils se sont insurgés contre l’hypothèse de corps nouveaux, célestes, spirituels, n’ayant aucun point de contact avec les corps possédés en cette vie, hypothèse qu’ils prêtaient, assez gratuitement semble-t-il, à Origène et aux disciples d’Oiïgène.

La question qui se pose maintenant est donc beaucoup moins de savoir si les théologiens ont maintenu fermement la tradition catholique sui les trois point ! dogmatiques signalés tout au début, que de chercher si hurs écrits ont apporté quelque lumière à la solution du problème relatif à l’identité des corps ressuscites. Disons immédiatement qu’aucun progrès ne semble s’être affirmé à cet égard et que le champ de la spéculation théologique et philosophique paraît être demeuré libre.


IV. Les spéculations des théologiens.
Après un court aperçu du maintien de la doctrine traditionnelle cheI. les théologiens de la préscolastique, nous ferons le bilan des spéculations théologiques relatives au problème principal de l’identité des corps ressuscites et à certaines questions subsidiaires.

I. MAINTIEN DE LA DOCTRINE TRADITIONNELLE CHEZ LES THÉOLOGIENS DE LA PRÉSCOLASTIQUE.

Suite de l’enseignement traditionnel.


Malgré la croyance explicite, nettement affirmée depuis près de