Dictionnaire de théologie catholique/RÉDEMPTION II. Genèse de la foi catholique 3. Tradition patristique : Perpétuité de la foi

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 13.2 : QUADRATUS - ROSMINIp. 259-262).

III. Tradition patbistique : « PiiiiPÉruiTii de la foi ». —

Mise en possession d’une doctrine aussi explicite, il est difficile d’imaginer comment l'Église aurait pu ne pas s’y tenir, à plus forte raison de concevoir qu’elle en ait dévié. De fait, envisagé sans parti pris, le rôle de la tradition ecclésiastique à cet égard apparaît avant tout comme celui d’une fidèle et active conservation.

Néanmoins, d’après les historiens adverses, entre la période patristique et le Moyen Age, où le dogme de la rédemption prit sa forme actuelle, il y aurait la plus flagrante discontinuité, avec la circonstance aggravante des pires déformations au regard de l'Écriture et du sens moral. La sotériologie chrétienne aurait d’abord passé par une phase archaïque, « celle des Pères de l'Église, … dominée par la notion mythologique d’une rançon payée par Dieu à Satan ». A. Sabatier, La doctrine de l’expiation et son évolution historique, p. 90. Thèse classique chez les protestants depuis Chr. Raur (Loskaufsou Redemplionstheorié), reproduite à ce titre par d’innombrables vulgarisateurs, souvent d’ailleurs embellie d’un prétendu marché (Tauschtheorie), qui se complique lui-même d’une clause frauduleuse par où Dieu jouerait son partenaire (Listlheorie), en attendant que J. Tunnel, sous le pseudonyme d' « Hippolyte Gallcrand » puis sous son propre nom, entreprît de l'ériger à la hauteur de la science. A quoi s’ajouterait, d’après A. Ritschl et Ad. Harnack, une divergence entre l'Église latine et l'Église grecque, celle-ci faisant dépendre uniquement le salut de l’incarnation. Une indifférence très répandue sur la portée de la passion du Christ achèverait le tableau.

En réalité, il ne s’agit là que de synthèses polémiques ou cavalièrement simplifiées, qu’on élève à plaisir au mépris des faits les plus certains, et dont la critique objective a déjà fait bonne justice. Il nous suffira de présenter ici les conclusions acquises, avec un minimum de documentation à l’appui, en renvoyant, pour une justification plus étendue, aux monographies déjà nombreuses, voir à la bibliographie, col. 199°), dont cette doctrine fut l’objet surle terrain positif.

Pour ne rien dire de l’insuffisance parfois dérisoire du dossier qui les soutient, un vice radical de méthode est commun aux plus monumentales comme aux plus sommaires des systématisations pseudo-historiques au nom desquelles il est entendu que la tradition catholique devrait être déboulée sans appel de ses prétentions à une perpétuelle stabilité in codent sensu eademque sententia, finîtes ont le tort de ne s’attacher qu'à des phénomènes de surface, et qui n’intéressent que la spéculation théologique ou moins encore, en

négligeant les manifestations plus banales, mais d’autant plus représentatives, où s’accuse la permanence du donné chrétien. Quand il s’agit d’un corps organisé, il est pourtant clair que ces dernières sont celles qui comptent le plus. Or tout, de l’extérieur comme de l’intérieur, contribue à montrer que, dans le cas présent, l'Église n’a pas défailli.

Données externes.

En fait, de ces événements

qui ont agité l’histoire de certains dogmes dans l’antiquité, celui de la rédemption n’en connut jamais aucun. Ses vicissitudes sont donc tout internes, sans autres péripéties que les modalités de sa présentation.

1. La prétendue crise marcionile.

Au dire de J. Turmel, Histoire des dogmes, t. i, p. 329-332, la tradition ecclésiastique aurait passé, vers le milieu du iie siècle, par un tournant décisif.

Jusque-là régnait la conception primitive qui faisait du Christ un rédempteur politique, son retour glorieux devant enfin réaliser cet affranchissement de la puissance romaine auquel il avait sacrifié sa vie. A quoi Marcion aurait substitué l’idée mythique d’une lutte contre les puissances invisibles, dont le Sauveur triomphe en succombant d’abord sous les coups du dieu mauvais. Il aurait interpolé dans ce sens les anciens textes chrétiens, qui subsistaient de Paul, de Jean, d’Ignace d’Antioche : ce qui aurait contraint l'Église à remanier à son tour ces écrits, de manière à leur donner la forme orthodoxe sous laquelle ils se lisent maintenant. La théorie du rachat au démon, censée dominante chez les Pères à partir de cette époque, attesterait l’intluencc durable de l’hérétique asiate et en indiquerait la direction.

Pas plus que l’inversion de l'Évangile qui en est la base, voir col. 1928, ce bouleversement des origines chrétiennes n’a jusqu’ici reçu l’adhésion d’aucun historien. Tout s’oppose à ce qu’il puisse être jamais pris au sérieux.

En effet, tout autant que celui qui l’aurait censément précédé, le nouveau concept de la rédemption qui forme la clef de voûte du système n’est guère qu’une conjecture en l’air. A peine trouve-t-on la trace de ce mythe chez des disciples tardifs, alors que pas un de ses adversaires contemporains n’en laisse deviner l’existence chez Marcion ou ne lui reproche d’avoir innové sur ce point. Toutes les apparences, dès lors, sont plutôt pour qu’avec plus ou moins d’illogisme il soit ici resté dans la ligne de l'Église : de même que son docétisme ne l’empêchait pas de retenir dans son Apostolicon les textes pauliniens relatifs au sacrifice du Christ, son dualisme a fort bien pu ne pas donner lieu aux déductions que la logique abstraite semblerait appeler.

Quant à la part faite aux « droits » du démon dans la théologie patristique, elle a un tout autre caractère, voir col. 1939, et le synchronisme de leurs manifestations tend à établir qu’elle a influencé la sotériologie du marcionisme postérieur au lieu de s’en inspirer. Voir J. Rivière, Un exposé marcionite de la rédemption, dans Bévue des sciences religieuses, t. i, 1921, p. 185207 et 297-323. Cf. ibid., t. v, 1925, p. 634-642.

Au demeurant, quoi qu’il en soit des positions prises par Marcion lui-même, voir t. ix, col. 2022, on ne s’explique pas comment il aurait pu dominer à ce point l'Église qui l’a si formellement combattu. La cascade d’interpolations dont résulterait la littérature chrétienne primitive ne fait qu’ajouter à cette première invraisemblance, au nom d’une critique interne étrangère à toute méthode scientifique, voir Éd. Dujardin, Grandeur et décadence de la critique, Paris, 1931, p. 41-112 et 132-148, le paradoxe d’une franche impossibilité.

2. Cours normal de la pensée chrétienne.

Une fois

dissipé le mirage pseudo-critique de ce drame imagi naire, la doctrine de la rédemption n’apparaît plus qu’avec une destinée sans éclat, dont les phases et formes normales de la pensée patristique marquent à peine le cours.

Elle ne peut que tenir peu de place dans l'œuvre toute pastorale et d’ailleurs si restreinte des Pères apostoliques. De même chez les Apologistes, absorbés, à l’exception de saint Justin, par la défense du christianisme au dehors. N’en est-il pas de même pour les autres dogmes proprement chrétiens ? Certaines lacunes, dans le cas présent, n’ont pas plus de signification.

Avec la fin du 11e siècle et le début du m s’ouvre, au contraire, dans l'Église, l'ère des théologiens. Sans avoir spécialement retenu leur effort, il serait étonnant que la sotériologie n’eût pas recueilli quelque bénéfice de leurs réflexions. Elle survient de fait, par manière tout au moins de vues occasionnelles, chez Clément et Tertullien, beaucoup plus encore dans la défense de la tradition opposée à la Gnose par saint Irénée, où l’on a pu, avec à peine une certaine exagération de langage, très justement signaler « un Car Deus homo précoce », A. Réville, De la rédemption, p. 19, et dans l’abondante littérature exégétique d’Origène. Il n’est pas un aspect de la foi commune qui n’y soit touché.

Cette activité des intelligences croyantes ne fait que s’accroître aux deux siècles suivants. Aussi l'œuvre du Christ est-elle au moins eflleurée, au passage, non seulement par les exégètes, ceux-là surtout qui entreprennent, comme V Ambrosiaster et Pelage, le commentaire de saint Paul, ou les orateurs sacrés dont plusieurs ont composé des séries méthodiques de catéchèses, mais par les théologiens tels que saint liilaire, saint Cyrille d’Alexandrie ou saint Augustin, qui n’ont pas manqué d’en saisir le rapport avec les grandes controverses doctrinales du temps. Quelques synthèses dogmatiques, dont les principales sont le De incarnatione Verbi de saint Athanase, la Grande catéchèse de saint Grégoire de Nysse et VEnchiridion de saint Augustin, commencent à dégager le lien de la rédemption avec l'économie générale du surnaturel. Bien que moins personnels, en résumant la doctrine des maîtres, les écrivains postérieurs prennent encore la valeur de témoins.

A elle seule une histoire aussi monotone et aussi paisible n’est-elle pas une garantie de continuité? Toujours est-il que les jalons ne manquent pas à la critique pour vérifier, sous réserve des explorations plus approfondies que peuvent mériter les points délicats, la courbe suivie dans l’espèce par le courant de la tradition.

2° Données internes : Croyance de l'Église. — Par suite du pli qu’ils tiennent de leur formation religieuse ou de leur déformation confessionnelle, il est difficile, sinon même impossible, aux historiens façonnés par le protestantisme d’apercevoir ou d’apprécier autre chose, dans le passé chrétien, que la série des opinions individuelles, quand ce n’est pas des excentricités, auxquelles le sujet de la rédemption a pu donner lieu. Mais, par de la ces épiphénomènes, la véritable histoire peut et doit découvrir la foi profonde et simple dont l'Église vivait.

1. Indices contraires ? — Quelques textes ont donné l’impression à des critiques hâtifs, par exemple A. Sabatier, op. cit., p. 44, que l'Église n'était pas encore bien fixée sur le sens de la passion. Celui, par exemple, où, parmi les questions discutables, saint Irénée, Cont. hær., i, x, 3, P. G., t. vii, col. 556, indique celleci : « Pourquoi le Verbe s’est-il incarné et a-t-il souffert ? » De même lorsque saint Grégoire de Nazianze, Or., xxvii, 10, P. G., t. xxxvi, col. 25, range « les souffrances du Christ » au nombre des matières dans les1935 RÉDEMPTION. CHEZ LES PÈRES : PREMIERS DÉVELOPPEMENTS 1936

quelles « réussir n’est pas sans profit », mais échouer est sans péril ».

Remis dans leur contexte, ces passages ne visent que la part faite à la spéculation, une fois la régula fidei préalablement mise in luto. La preuve en est qu’un peu plus haut, I, x, 1, col. 549, le même Irénée donnait comme l’un des articles de la foi universelle le fait que « le Fils de Dieu s’est incarné pour noire salut : Chez Grégoire, on lit pareillement. Or.. i., 28, P. G., t. xxxvi, col. 061, que, pour être sauvés, « nous avions besoin de l’incarnation et de la mort d’un Dieu ».

D’autres ont allégué, d’une manière non moins malencontreuse, un mot de saint Augustin, Cont. Faust., xxvi, 7, P. L., -t. xlii, col. 483, déclarant renoncer à dire, pour l’abandonner à Dieu, cur omnia Ma in carne ex utero feminæ assumpta poli Christus] voluerit. Ce qui réserve seulement le problème spéculatif de savoir pourquoi l’incarnation a eu lieu « dans une chair i en tout semblable à la nôtre, tandis qu’ailleurs les credenda de Christo, pour l'évèquc d’Hippone, comprennent expressément, De flde et oper., ix, 14, P. L., t. xl, col. 206, qux perpessus et quare.

Il suffirait, au demeurant, de se rappeler que tous les Pères ont lu et plusieurs commenté le symbole. Saint Ambroise atteste à quel point la portée dogmatique de ses formules était alors réalisée, quand il déclare, lu Luc., vi, 101, P. L., t. xv (édition de 1866), col. 1782 : 7p.se est enim Christus qui nalus est ex Virgine, … ipse qui mortuus est pro peccatis nostris et resurrexit a mortuis. Unum si relraxeris, retraxisli salulem tuam.

2. Assertions courantes.

Rien de plus facile, au contraire, que de se rendre compte avec quelle force et quelle netteté l'Église tenait la mort du Christ comme le moyen objectif de nous obtenir devant Dieu la grâce de la rédemption. Non pas que d’autres lins secondaires ne viennent également s’y ajouter, alors comme aujourd’hui, sur lesquelles il serait inutile de s'étendre ; mais, plus ou moins développée, celle-là se retrouve partout comme une constante qui apparaît dès l’origine et ne se dément jamais. Voir Le dogme de la rédemption. Essai d’i’tude historique, p. 1(11-278.

a) Il en est ainsi déjà chez ceux qu’on peut nommer les primitifs. « C’est à cause de l’amour qu’il avait pour nous, écrit saint Clément de Rome, I Cor., xlix, 6, que Jésus-Christ a donné son sang pour nous, suivant la volonté de Dieu, et sa chair pour notre ; chair et son âme pour nos âmes. » Saint Ignace aime à le représenter comme souillant la mort « à cause de nous » (Si' rJ.àcA, Polgc, iii, 2 ; Snu/rn., i, 2 ; Trait., ii, 2, et « de nos péchés » (urcèp twv àj^apTiôiv 7)u.côv). Smyrn., vii, 1. Ailleurs, Rom., vi, 1, il s’inspire visiblement de saint Paul, Rom., iv, 25, tandis que saint Polycarpe, Pliil-, viii, 1 et ix, 2, unit au même texte celui de saint Pierre, I Pctr., ii, 22-24. Il n’est pas besoin d’autres sondages pour mesurer le niveau moyen de la foi chrétienne dès le premier jour. Avec les Pères apologistes, qui s’adressent au monde païen, le Christ est surtout présenté comme le maître des intelligences et le vainqueur du démon. Mais saint Juslin ne laisse pas de connaître le rôle salutaire, Apol., i, 32, 50 ; Dial., 71, 134, 135, et, soit d’après le rituel lévitique, Dial, 40-41, 111, soit d’après le chapitre un d’Isaïe, Dial., 13, 89, ( »."), la valeur expiatoire de sa passion. Clément d’Alexandrie, qui, dans ses traités philosophiques, ne semblerait admettre qu’une rédemption de caractère intellectuel ou mystique, Prolr., 10-11 ; Pœd., i, 8 et ni, 12, n’ignore pas non plus que le Christ s’olTrit en « sacrifice pour nous », Strom., v, ii, P. (>.. t. ix. col. 108, et que sa mort « expia celle que nous devions pour nos péchés », Quis dives sain., 23, tbtd., col. 628. Cꝟ. 37 et 12, col. (il 1 et 649.

b) Reaucoup plus riche est, naturellement, la pensée des théologiens immédiatement postérieurs.

A notre déchéance saint Irénée oppose notre « récapitulation » dans ci par le Christ, en soulignant, avec Clément de Rome, le mystère de substitution qui préside à notre rachat, Cont. tuer., V, i, 1, P. G., t. vii, col. 1121, et plus souvent encore, d’après saint Paul, l’obéissance réparatrice du nouvel Adam, ibid., III, xviil, 5-7 et Y, xvi. 3, col. 935-938 et 1168, qui « nous a rendu l’amitié de Dieu en apaisant pour nous le Père contre qui nous avions péché ». V, xvii, 1, col. 1169. Cf. Y, xiv. 3, col. 1 162-1163 ; Dem. apost. præd., 31-42. Voir Irénée (Saint), t. vii, col. 2469-2179.

Origène applique tour à tour au Sauveur, en les entourant de longs commentaires, et la page d’Isaïe sur le serviteur souffrant, In Johan., xxviii, 14, P. G., t. xiv, col. 720-721 ; cf. In Lev., i, 3, P. G., t.xii, col. 408, et le texte de saint Jean sur « l’agneau immolé devenu, d’après des lois ineffables, la purification du monde entier », In Johan., vi, 35, P. G., t. xiv, col. 292, et ceux de saint Paul sur notre réconciliation avec Dieu par le sang du Christ, In Rom., ni, " 8 ; iv, 12 et v, 1, P. (i.. t. xiv, col. 946-951 et 1002-1005. Voir Origène, t. xi, col. 1542-1543.

En Occident, Tertullien emprunte à saint Paul le parallèle des deux Adam, Adv. jud., 13, et revendique énergiquement, à rencontre des docètes, la réalité de la chair du Fils de Dieu, qui lui permit de s’offrir en sacrifice pour nos péchés, ibid. 14 ; cf. Adv. gnost. scorp., 7 et Adv. Marc, ni, 18, de nous racheter, De fuga, 12, et de nous réconcilier avec Dieu au prix de son sang, Adv. Marc, v, 17, de substituer sa mort à celle des pécheurs. De pud., 22. Toutes assertions qui foisonnent en termes plus ou moins équivalents chez saint Cyprien. Voir^ld Fort., 3 et 5 ; Ad Demetr., 26 ; De bono pat., 6 ; De lapsis, 17 ; De opère et eleem., 1-2 ; Epist., lxiii, 4, 13, 14 et 17.

Il n’est pas jusqu'à l’uniformité de ces témoignages qui ne traduise l’identité d’une même foi sous la variété convergente de ses expressions.

Premiers développements.

Sur ces données

élémentaires la méditation des intelligences ne manquait d’ailleurs pas de s’exercer. Effort encore tout occasionnel et qui n’aboutit qu'à des vues fugitives, mais auquel la doctrine de l'Église est déjà redevable de précieux enrichissements.

1. Justification dogmatique.

En plus des innombrables citations partielles qui font valoir l’un ou l’autre des passages où s’exprime la parole de Dieu, on trouve dès ce moment quelques véritables démonstrations.

Que Jésus-Christ ait été une victime pour le péché et qu’il se soit offert pour la purification des pécheurs, toutes les Écritures l’attestent », écrit Origène. Pour le prouver, l’auteur de réunir les principaux témoignages de saint Paul, avec une conclusion qui en dégage la portée. In Rom., vi, 12, P. G., t. xiv, col. 1095. Cf. S. (.vrille d’Alexandrie, Derecla fidead reginas, P. G., t. i.xxvi, col. 1289-1297.

Un dossier beaucoup plus considérable, où figurent, avec paraphrase à l’appui, tous les textes, soit de l’Ancien, soif du Nouveau Testament, qu’exploitent encore aujourd’hui nos manuels, est constitué par saint Augustin au cours de la controverse pélagienne. Y’oir De pecc. meritis et remiss., i, xxvii, 40-xxviii, 56, P. L.. t. xi. iv, col. 131-141. Enquête dont il totalise ainsi le résultat, 56, col. 141 : Universa Ecclesia tenet, quæ adversus omnes pro/anas novilales vigilare débet, omnem hominem separari a Dco nisi qui per medialorem Christian reconciliatur Deo. née separari qucmqucim nisi peccatis interctudenlibus posse, non ergo reconciliuri nisi peccalorum remissione… per imam viclimam verissimi sacerdotis. 1937 RÉDEMPTION. CHEZ LES PÈRES : ESSAIS DE THÉOLOGIE 1938

Plus encore que de montrer l'érudition scripturaire de leurs auteurs, ces sortes de justifications ont l’intérêt de faire saisir pour ainsi dire sur le vif la conscience ferme qu’ils avaient, en l’occurrence, de « garder un dépôt ».

2. Conclusions théologiques.

Il n’est pas rare, d’autre part, qu'à la simple assertion de la foi vint en même temps s’ajouter le prolongement de quelques déductions.

Forcément l'œuvre du Sauveur ne pouvait que gagner en précision au travail qui s’accomplissait alors autour de sa personne. D’autant que celle-là servait habituellement de subslralum pour fixer la notion correcte de celle-ci. Comment le Christ sauverait-il le genre humain s’il n’en faisait partie et à la fois ne le dépassait ? Argument classique contre le docétisme et l’apollinarisme d’une part, l’arianisme ou le nestorianisme de l’autre, aux termes duquel sa parfaite humanité et sa parfaite divinité s’imposaient comme conditions indispensables du salut.

Sur la doctrine même de la rédemption, un langage commençait à se constituer qui en décrivait le contenu. « C’est la mort du Christ qui est devenue en Occident le punctum saliens. Dès avant saint Augustin, elle est considérée un peu sous tous les aspects possibles : comme sacrifice, comme réconciliation, comme substitution pénale. Saint Ambroise lui découvre (?) un rapport avec le péché comme une dette. » Ad. 1 larnack, Dogmengeschichle, 4e édit., t. iii, p. 54. Or on a pu voir, col. 1935-6, que ces diverses catégories ne sont pas moins familières aux Pères grecs des iie et ine siècles. Elles restent, bien entendu, tout aussi courantes au ive, où, pour exprimer la substitution inhérente à la mort du Christ, sont usuels les termes àvu4°JX 0V > àvTtXuTpov, àvràXXaYU.7 ;, voir S. Athanase, De incarn. Verbi, 9, P. G., t. xxv, col. 111 ; S. Cyrille de Jérusalem, Cal., xiii, 2, P. G., t. xxxiii, col, 773 ; S. Grégoire de Nyssc, Cont. Eunom., v et xi, P. G., t. xlv, col. 693 et 860, tandis que la valeur du sacrifice de la croix est régulièrement spécifiée par les épithètes iXacr^ptoç, xaGapaioç ou autres semblables. Voir, par exemple, Eusèbe de Césarée, Dem. eu., i, 10, P. G., t. xxii, col. 88 ; S. Basile, In Ps. xlviii, 4, P. G., t. xxix, col. 441 ; S. Grégoire de Nazianze, Or., xxx, 20, P. G., t. xxxvi, col. 132.

Tout en restant une grâce, la médiation du Fils de Dieu ne laisse pas d’apparaître, à qui regarde la situation des pécheurs, avec un certain caractère de nécessité. « Qu’est-ce, en effet, lit-on déjà dans VÉpître à Diogncle, ix, 4, qui pouvait couvrir nos péchés sinon sa justice ? » Avec plus ou moins de rigueur, le même raisonnement est appliqué au mystère de sa mort. Voir S. Basile, In Ps. xlviii, 4, P. G., t. xxix, col. 440 ; S. Jean Chrysostome, In Hebr., hom., v, 1, P. G., t. lxiii, col. 47 ; S. Ambroise, In Ps. xlvii, 17, P. L., t. xiv (édition de 1866), col. 1208 ; In Luc., vi, 109, P. L., t. xv, col. 17*0 :  ! 's. -Ambroise, In I Cor., vii, 23, P. L., t. xvii, col. 233 ; Ps. -Jérôme, In II Cor., v, 15, P., L. t. xxx (édition de 1865), col. 819.

Mais, si cette intervention était jusqu'à un certain point nécessaire, il va de soi qu’elle fut largement suffisante. Cujus sanguinis pretium polerat abundare ad universa mundi lolius redimenda peccala, note saint Ambroise, In Ps. xlviii, 14, P. L., t. xiv, col. 1217. Ainsi encore, en Orient, saint Cyrille de Jérusalem, Cal., xiii, 33, P. G., t. xxxiii, col. 813. Équivalence traduite, à l’occasion, par les termes juridiques àv-rîppo7roç, spécial à saint Jean Chrysostome, In Hebr., hom, xvii, 2, P. G., t. lxiii, col. 129, ou àvrà^oç qui revient à satiété dans la polémique de saint Cyrille d’Alexandrie contre Nestorius. Voir en particulier In Johan., XI (xviii, 7-9), P. G., t. lxxiv, col. 585 ; De recta fide ad reginas, 7, P. G., t. lxxvi, col. 1208 ;

Epist., xxxi et l, P. G., t. lxxvii, col. 152 et 264. Cf. Cyrille d’Alexandrie (Sain 1), t. iii, col. 2515 ; Cyiulle de Jérusalem (Saint), ibid., col. 2550-2551.

Autant de points sur lesquels, en traits épars, la théologie patristique préludait aux questions que l'École devait un jour se poser et aux réponses qu’elles devaient y recevoir.