Dictionnaire de théologie catholique/PRIÈRE .I. Nature de la prière

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 13.1 : PRÉEXISTENCE — PUY (ARCHANGE DU)p. 92-97).

PRIÈRE. — L’étude qui Va Suivre sera de caractère strictement Idéologique, c’est a dire qu’elle S’inspirera uniquement des travaux des théologiens Catholiques sur la prière, el suit ont de ceux de saint Thomas d’Aquin et de Suarez, « en qui l’on entend toute l’École ». Nous négligerons donc volontairement tous les travaux des auteurs contemporains, croyants ou incroyants, consacres goit a la psychologie, sud a {’histoire, soit enfin à la philosophie de la prière. (Notre bibliographie contiendra néanmoins l’indication de quelques-uns de ces ouvrages, que pourront consulter

ceux qui s’intéressent a ces questions.) las théologiens, en effet, ne se demandent pas comment on prie,

comment on a prie et si l’on peut tirer du fait de la prière des conclusions métaphysiques ; ils n’envisagent la prière qu’en tant qu’elle est un devoir de l’homme ; ils établissent sa nécessité, son obligation ; iK enseignent quand et comment il faut prier, etc. lai un mot,

nous s nés ici en morale, pour dire ce que doit être

la prière selon les Instructions du christ ci de l’Église, cl conformément aux doctrines de la théologie catho lique.


I. Nature de la prière.
II. les espèces de prières (col. IfcO).
III. Légitimité et convenance de la prière (col. 199).
IV. Nécessité et obligation de la prière (col.. Il H.
V. Qualités et conditions de la prière (col. 212).
VI. Qui peut-on prier ? (col. 223).
VII. Que peut on demander ? (col. 228).
VIII. aleiirs et efficacité de la prière (col. 234).

I. Nature de la prier].

I. définition. Vvanl de proposer leurs propres définitions de la prière, les théologiens recueillent, pour en faire la synthèse ou la critique, celles qui leur viennent de la tradil ion. particulièrement des Pères.

C’est ainsi que saint Thomas, Snni. theol., Il’11’. <l lxxxiii, a. 1, cite successivement : i. le pseudo-I tenys, qui dit au c. m du De div. nom. : A nie omnia nl> oratione incipere est utile, sicui Dec nos ipsos tradentes et un tentes ; 2. Isidore, qui, in lil>. X Etymol., enseigne que : orare idem est ac dicere ; 3. Cassiodore, pour qui oratio dicitur quasi mis ratio ; I. saint Augustin, qui dit fn lit<. <te Verb. Dom., sermo v, que : oratio petitio quædam est ; 5. saint Jean Damascène, qui, au I. 1Il du De ftd. orth., c. xxiv, définit la prière : petitio decen tium a Deo ; 6. de nouveau le pseudo-Denys, ibid., qui affirme que : quando orationibus invocamus Deum, reuelata mente adsumus ipsi ; 7. de nouveau enfin, saint Jean Damascène, ibid.. qui définit encore la prière : ascensus mentis in Deum. Dans son commentaire sur les Sentences, t. IV, dist. XV, q. iv, a. 1, saint Thomas cite encore les définitions suivantes : 1. du pseudo-Augustin, De spiritu et anima, c. i. : oratio est pius affeclus mentis in Deum directus ; 2. d’Hugues de Saint-Victor, De modo orandi, c. i : oratio est devolio quiedam mpunctione procedens ; 3. de saint Grégoire, Moral.. I. XXXIII, c. xxin : orare est amaros gemilus in compunrtione resonare. Enfin, pour revenir à la fameuse question de la Somme théologique mentionnée ri-dessii dans l’ad’.', de l’art. 2, saint Thomas transcrit ( texte de saint Jean Chrysostome, In Gènes. boni, xiii Considéra quanta est tibi enneessa félicitas, quanta glorit attributa, orationibus fabulari eum I)eo. cum (.Urist. miscere colloquia, optare quod velis, quod desiderai tulare.

Pour appuyer ses définitions de la prière d’autorité ! patristlques Suarez nous apporte encore d’autres

textes : 1 saint Jérôme. Eplst., < xxxix. Ad < ijprianum Sam oratio, ju.rta grammalicos, omnis terme loquet, lium est. eu jus etymologiam sic explicant oratio < ratio. In Sert plu ris autem tandis, difficile orafit juita hune sensum legimus, ttû qusc ad prea crationes pertinet, De religione, tr. I., Ite oratione, des* tione ei tir, ris canonicis, I. I. c i. n. l ; 2 saint Augustii Serm.. < xxx. De tempore : Quid autem est oratio, nis ascensio anima de ierreslribus ad cseleslia, inquisitii tupernorum, invisibilium desiderium, ibid. n mon n’est pas de saint Augustin ; il figure dans I’. I. t. xxxix. COl. 1886-1887, sous le n. i xxiii (alias. {), lempore, ii xxx) des Sermones tuppositilii) ; du De spiritu et anima, c. i. est < de par Suarez autre meut que par saint Thomas : Oratio rsl <, , nvrrsio mentit

m Deum, per pium et liumilrm affectum, ibid : t. s. dut Basile, llom. m a arlijrem Julitlam : Oratio est bon cujusdam petitio, qusc ml Deum a plis efjunditur, ibid.. c. n. n. 2 ;.">. saint Grégoire de Nysse, De rot’Oratio conversatio et s, rm< ( inatlo eum Deo est. et malorum subversio mpeccatorum emendalio, >t encore Oratio est petitio bonorum, que Deo eum tupplicot ofjertur, ibid., n. : >-, 6. Jean Chrysostome : / nem Angeltt copulamur… Angelorum est intérim eorum superant dtgnitatem, liquident maftu Angelorum dignitate colloquium miscere cum Deo, ibid. I. II, c. i, n. 3 ; 7 saint NU, qui dit qu’il faut prii ce qu’il explique ainsi ; Sensm est eonsideratio cun rentia. et compuncttone, et <l"l : >rc animl, eum tuspiriis sine roee, ibid., n. i : s. encore Jean Chrysostomi lib. I De orando Deum : … Deus, qui nob honoris largiatur, ni dignos nos habuerlt qui cum ips< colloquamur, noslraque Dota apud ipsum deponamus nom vere eum Deo con/abulamur, quotles vacamus </ cationi, ibid., n. â. Le P Vermeerscfa virtutibus religionis et pietatis…, Bruges, 191 Cite enrôle (elle définition de la prière, qu’on trouve

dans VEpist. ad fratres de monte Dei Oratio* s/ hominis Deo adhserentis afjectio, et familiaris quttdam et pla alloculio, el statio illuminalm mentis ml fruendum quam diu lieel. Cf. P /… t. I l XXXrV, COl

t" La synthèse thomiste. Saint rhomas rattach

prière à la vertu de religion et la range, avec la « I.

lion, parmi m’s actes Intérieurs, qui sont aussi ses a principaux, tandis qu’il range parmi ses actes exte ricins l’adoration, per qmim alii/uis suum eorp ::~

Deum venerandum exhibet. Cf. en tête des q. i xxxii et i xxxii de la I I 1 1’. De plus, il ne reconnaît. à vrai dire, qu’une sorte de prière, la prière de demande,

mais qu’il considère comme un tout complexe renfermant des parties diverses, parmi lesquelles se trouve 17 !

    1. PRIÈRE##


PRIÈRE. DÉFINITION

172

Voralio, cf. q. lxxxiii, a. 17 ; en sorte que le mot oratio peut s’entendre dans un sens large, et en ce sens la prière comprend quatre parties, on pourrait dire quatre phases, quatre mouvements : Yobsecralio, Yoratio, la postulat io et la gratiarum actio ; ou dans un sens restreint, et en ce sens Yoratia n’est plus que Yascensus

n Deum, le commencement, ou plutôt le prélude de la

prière, cf. ibid., ad 2 nm.

Voici deux définitions de la prière données par saint Thomas -.oratio ratianis est actus. appticantis desiderium’iluntatis ad eum gui non est sub potestate nostra sed supra nos, scilicet Deum, In /V llm Sent., dist. XV, q. iv, a. 1, sol. 1 ; oratio est gusedam explicatio propriæ voluntatis apud Deum ut eam implcat, Sum. theol., III », q. xxi, a. 1.

Psychologiquement, la prière, comme le commandement, est, selon saint Thomas, un acte de la raison prat ique, laquelle n’est pas seulement apprehensiva, mais encore causativa ; la raison, en effet, « peut être cause de quelque chose de deux manières : d’une première manière, sicut necessitatem imponens ; c’est de cette manière qu’elle commande non seulement aux puissances inférieures et aux membres du corps, mais encore aux hommes qui sont sous notre dépendance ; c’est la causalité du commandement. D’une seconde manière, sicut inducens et guodammodo disponens : c’est de cette manière qu’elle agit lorsqu’elle demande l’accomplissement de quelque chose à qui ne lui est point soumis, mais égal ou supérieur. » Sum. theol., IIMI*, q. lxxxiii, a. 1 : cf. //) IV™ Sent., toc. cit. Dans ce dernier texte, saint Thomas a commencé par rappeler les sens profanes du mot oratio et affirmé que ce mot est passé du langage judiciaire dans la langue religieuse.

Si l’on objecte certaines définitions des Pères qui paraissent faire de la prière un acte de la volonté ou de la sensibilité (afjectivæ partis), comme celui du pseudo-Dcnys, sicut Deo nos ipsos tradentes et unienles, de saint Jean Damascène, asrensus mentis in Deum, du pseudo-Augustin, pius afjectus mentis in Deum directus, et d’Hugues de Saint-Victor, devolio gusedam ex compunctione procedens, cf. supra, col. 170, saint Thomas répondra que ces formules ne sont pas de véritables définitions exprimant l’essence de la prière ; elles n’en montrent que certains aspects ; ainsi le texte du pseudo-Denys nous dit non pas ce qu’est la prière, mais à quoi elle tend, quelle en est la fin, guia hoc prsecipue est in oratione pelendum ut Deo uniamur ; celui du Damascène ; nous l’avons déjà vii, ne concerne que les préliminaires de la prière, oportet (petentem) accedcrc ad eum a guo petit, vel loco sicut ad hominem, vel mente sicut ad Deum, Sum. theol., toc. cit., ad 2° m ; Yafjectus mentis in Deum directus dont parle ici le pseudo-Augustin ne serait pas, selon saint Thomas, In IV im Sent., toc. cit., ad l u " quelque sentiment ayant Dieu pour objet, mais le désir de l’homme transmis à Dieu, si l’on peut dire, ut in illum guo afjectus mentis desiderantis explendus est ; enfin, dire, avec Hugues de Saint-Victor, que la devolio est une prière, c’est une manière de parler ; ce n’est pas une prière proprement dite, mais une sorte d’équivalent de la prière, comme le fait de tendre la main ou d’exposer ses besoins : recogitatio necessilalum propriarum, et creetio spei ad Deum, vel indicatio sui desiderii, vel etiam humiliatio spiritus ad Deum sunt gusedam oraliones per quamdam interprelationem, ibid., ad 2° » ’.

Scholion : de la prière « secundum sensualitatem >. 1 me la prière soit un acte de l’intelligence ou de la olonté, c’est en tout cas un acte de l’esprit, des facultés supérieures de l’âme. Pourtant, à propos de la prière du Christ, saint Thomas se demande s’il n’y a pas aussi une prière de nos facultés inférieures, de notre appétit sensible. Cꝟ. 7/1 //P! » > Sent., dist. XVII. q. i.

a. 3, qu..’i ; Sum. theol., III 1, q. xxi, a. 2. La réponse est évidemment négative. Le cor meum et caro meu exullaverunt in Deum vivum doit s’entendre du retentissement dans l’appétit sensible des mouvements de l’appétit rationnel : caro exultât in Deum vivum non per actum carnis ascendentem in Deum, sed per redundantiam a corde in carnem, inguantum appetitus sensitious seguitur motum appetitus rationalis. Sum. theol., ibid., ad 1’"'.

La synthèse suarézienne.

1. Suarez remarque

d’abord que les théologiens ont coutume de distinguer une triple acception du mot firière : a) dans un sens très large, on dit que le mot prière désigne toute bonne action ; la glose ordinaire sur le sine inlermissione orale de I Thess., v, 17, autorise cette acception : « Priez sans cesse, c’est-à-dire vivez toujours saintement ; celui-là prie toujours qui toujours agit bien. » Op. cit., t. I, c. i, n. 2. Suarez rejette comme absolument impropre cette acception du mot prière, qui a de plus le tort de favoriser la distinction établie par Wiclef d’une triple prière, mentale, vocale, vitale : « Cette dernière, il la faisait consister dans les bonnes œuvres, afin de ravaler les autres et de déclarer qu’elles n’avaient aucune importance. »

b) D’une manière générale, on a coutume d’entendre par le mot prière tout mouvement intérieur de l’âme vers Dieu, soit par la pensée, soit par le cœur, omnis interior motus animi in Deum, sive per ejus cogilalionem, sive per afjectum, ibid., n. 6. C’est l’ « oraison mentale », à laquelle Suarez consacrera son second livre. La définition qu’il en donne ici paraît bien y inclure la simple méditation ; pourtant, il déclare se rallier aux explications de Clicntove sur la définition de la prière selon saint Jean Damascène (ascensio mentis in Deum). explications qui semblent établir une distinction entre la prière et la méditation, ibid., n. 7. Mais nous reviendrons sur ce sujet, cf. col. 176 sq..

c) Enfin, le sens propre qu’on donne au mot prière est celui de demande, oratio proprie significare dicitur pelilionem, et particulièrement de demande adressée à Dieu. Entendue dans ce sens, la prière peut d’ailleurs être vocale ou mentale, n. 8 ; il ne faut donc pas confondre prière mentale au sens de demande formulée mentalement, et oraison mentale au sens d’interior motus animi in Deum.

2. Mais la définition du Damascène : pelitio decenlium a Deo, et celle de saint Basile : boni cujusdam pelitio guæ ad Deum a piis efjunditur, doivent-elles être maintenues ? N’introduisent-elles pas dans l’essence de la prière des éléments qui n’en font pas partie ? a) Contre Navarre, qui pourtant peut revendiquer en sa faveur l’autorité de saint Thomas, In I V jn » Sent., dist. XV, q. IV, a. 1, sol. 4, Suarez maintient la définition restrictive du Damascène. Ibid., c. ii, n. 2. La raison qu’il en donne, c’est que tout le monde s’accorde à reconnaître que la prière est un acte de religion qui honore Dieu ; or, celui-là n’honore pas Dieu, mais l’outrage plutôt (sed potius contumelia illum afjicil), qui lui demande quelque chose de mauvais. Ibid., n. 3.

b) En revanche, Suarez ne maintient pas, dans la définition de la prière, la restriction de saint Basile : a piis, parce que, dit-il, une véritable prière peut être aussi produite ab impiis, c’est-à-dire par ceux qui sont en état de péché. Ibid., n. 2.

c) Enfin, Suarez n’est pas d’avis qu’on introduise d’autre restriction dans la définition de la prière, par exemple qu’elle soit faite decenter ; parce que la demande qu’on fait à Dieu de choses convenables l pelitio decentium a Deo), même si parfois elle se fait d’une manière, en un temps ou en un lieu qui ne conviendrait pas, conserve néanmoins ce qui est essentiel à la prière et est su stanticllement bonne, bien qu’elle possède 17 :

    1. PRIÈRE##


PRIÈRE. DKl-INITiON

174

quelque défaut accidentel ; tandis que la demande qu’on fait à Dieu de choses qui ne conviennent p ; is (petitio rei indecentis) ne conserve pas ce qui fait l’essence de la prière. Ibid., n. 5.

3. La prière, en tant que pelilin. est-elle un acte de la volonté ou de l’intelligence ? Suarez, sur ce point, partage l’avis de saint Thomas, de Cajetan et < ! < tons les thomistes : c’est un acte de l’intelligence, parce que, môme purement mentale, c’est une locutio. Ibid., c. m. n. (i. Ce que dit ici Suarez de la prière-demande ne vaudrait-il pas de toute prière ? et la véritable définition de la prière, de toute prière, même de |’ « oraison mentale », ne serait-elle pas celle de saint Grégoire de Nyssc : conversât io et sermocinalio cum Deo ? Et Suarez analyse brièvement le « langage intérieur i qui sert à la prière mentale : si l’on y fait bien attention, dit-il, un langage intérieur ne se fait pas autrement, et ne paraît pas humano modo pouvoir se faire autrement, que par la représentation ou image mentale des mots de nos langues coin ailles ; personne, en effet, et il est facile de s’en rendre compte, ne parle intérieurement qu’en exprimant mentalement des mots dans la langue qui lui est familière, Ibid., n. 13.

1. C’est du moins ce qui se passe ordinairement, au dire de Suarez. Ibid., C. iv, n. H. l’ourlant, même en Cette vie, même pour la prière de demande, l’homme ne peut il pas parler à Dieu en se servant d’un langage Intérieur dégagé de ces conceplibus verborum sensibi

Hum, de ces images mentales des mois de sa langue, a la manière des ailles ou des âmes « séparées 7 Su. ne/ le croit ; cela ne lui paraît pas Impossible, ni minieu leux, ni très extraordinaire. Ibid. Mais en quoi consiste

alors celle locutio pure SpirituallS ? C’eSl une chose

difficile à expliquer, il n’y a même rien de plus difficile.

Ibid., n. 1.

5. Mais parler à Dieu, vocalcinent OU mentalement, fût-ce par ce langage purement spirituel, est-il absolu ment indispensable pour qu’il y ait prière ? Il faut dis tinguer : au sens précis du mot, oui, la prière consiste à parlera Dieu formellement de quelque manière que ce soit ; au sens large du mol, non ; il peut y avoir prière sans locutio formelle, par ce qu’on pourrait appe 1er le langage du rieur. C’est ce qui se produit dans

la contemplation, in altissima contemplatione, lorsque

l’âme, dans un acte simple et quasi Intuitif, se rend présente à Dieu et se rend I >icu présent. et lui est I <- 1 1 < ment unie par le cour et s’absorbe, pour ainsi dire, tellement en lui qu’elle ne peut plus émettre la moindre parole. Ibid., I. ii, c.xii, n. 17. Telle serait, d’après Suarez, l’oraison i de silence » ou « dans le silence. doni parlent les myslici doclores nul spirituelles viri ; on pourrait dire, à la rigueur, qu’alors il se fait dans l’âme un silence in/rrniini et spirilualr ; mais, en cet étal. l’Ame n’est pourtant pas inerte : l’intelligence et la volonté continuent de s’exercer.

li. Faut-il aller plus loin et admettre, comme le font certains spirituelles viri in theologia muslica multum exercitati, qu’il peut arriver que l’Ame, dans l’oraison mentale ou dans la contemplation, cesse absolument toute opération tant de l’intelligence que de la olonté et néanmoins soit censée prier encore actuellement cl pratiquer une sorte d’éminente contemplation » ? ibid., n. I C’est ce qu’ils appellent l’oraison de silence OU le sommeil spirituel, pendant lequel l’esprit se tient éveillé ; il ne dit rien, mais il écoule ou attend « la réponse du Seigneur ». Ce silence ait eut if serait encore une prière, non plus une prière i actuelle. si l’on veut, mais au moins une prière « virtuelle « : le pauvre qui a demandé l’aumône et qui attend, ne peut-on pas dire qu’il demande toujours ? Ibid., n. I.

Suarez n’accepte pas ces I bénins : non, dans cet état, l’ame ne prie plus, parce qu’il ne peut v avoir de prière mentale sans un acte d’intelligence OU de volon té, n. 5. La prière mentale est actuelle ou elle n’est pas, n. <S. D’ailleurs, cette prétendue suspension volontaire de l’activité mentale est chose psychologiquement impossible : mens nunquam vocal omni actu. sed ab uno immédiate transit in alium. n. 11. « Quand l’homme se tait et n’entend pas encore la parole de Dieu, mais se tient dans l’attente, il est impossible qu’alors il soit vraiment vide de tout acte d’intelligence ou de volonté à l’égard de Dieu ou des choses divines, à moins qu’il ne pense à autre chose, ou ne dorme, ou ne soit extra se. » N. 22. Finalement, cependant. Suarez acceptera que cette attente silencieuse de la réponse divine soit encore une prière, a condition qu’on reconnaisse que ce silence attentif comporte des actes d’intelligence et de volonté : Quoi qu’il en soit de la question de savoir si ce mode de prière est Utile, opportun, a conseiller, il ne paraît pas douteux qu’il soil possible, pourvu qu’on ne le fasse pas consister in vacaitate et carentia omnis aetus intellecius rri miuntatis ; car alors il n’y aurait plus prière, mais « >M. N’. 23. Sur l’oraison de silence, on trouvera de très

beaux textes dans’Histoire littéraire du sentiment religieux en France de 1 1 Bremond, notamment des textes de François de Gugny, t. vii, p. 317-319 ; el dans son Introduction à In philosophie de In prière, notamment des extraits du i*. Grou. p. 225-227. Cf. aussi Jean Rigoleuc, Œuvres spirituelles. Paris. 1931, p. 163-183, qui renvoie lui-même, p. 166, au P. Vlvarea de Paz, au P. Louis Dupont, au P. Maximilicn S.ind rus il au P. de I. angle.

7. Enfin, peut on descendre plus bas encore et admettre qu’il existe une prière qui ne comporterait mèilie

pas ce minimum d’activité meni.de qu’on reconnatl

dans l’oraison de silence, l’attente silencieuse, autre nieiii dit l’attention ? L’&me prie t elle encore quand la distraction Involontaire ou le sommeil viennent la

surprendre pendant l’oraison mentale’.' On l’a

tendu, et

ici comment on l’explique : par la prière actuelle. attentive, l’Ame a été dune certaine

manière jointe et unie a Dieu ; or. tant qu’elle m

change pas d’elle-même cette attitude et ne se distrait pas volontairement, elle est censée demeurer dans la même disposition a l’égard de Dieu ; ci. me. en rah i et effet, on peut dire que la prière dure, bien que I d’Intelligence ou de volonté qui constitue la prièn

actuelle ait cesse d exister. Su. inI. op ni. |. M, c. xii, n.’.i. SuareC n’a pas de peine à montrer « pie l.i permanence d’un effet n’eut raine pas celle de s ;, cause : quand le mouvement qui produit de la chaleur ient a

cesser, bien que la chaleur persiste, on ne peu t pas dire

cependant que le mouvement continue (ormaliter,

mais tOUt BU plus ri rt un II 1er : ainsi en est-il de la prière : bien qu’on puise dire que la prière persiste nrlunliler

dans son effet (l’union a Dieu), elle ne dure pas cependant proprie et formaliter. Ibid., n lu. Il va sans dire que l’t union » a Dieu dont il s’agit, qui demeure pendant la distraction ou le sommeil, n’est pas l’union par la pensée et par l’amour ou par la pensée amoureuse ; ce n’est pas l’union - actuelle. mais seulement

habituelle : c’est l’amour qui subsiste au fond du cœur quand son objet a disparu du champ de la ionscience ; c’est le feu qui couve sous la cendre : egt inio.car nwiim vigilat Nous sommes ici dans le domaine de la subeoiiscience.

Suarez ne veut pas non plus, el, i plus forte raison. qu’on donne le nom de prière à certains états purement affectifs OU émotifs qu’elle peut produire en nous

cl qui peuvent subsister quand clic même a déjà a ssé Il arrive quime : me qui pensait a Dieu et l’aimait avec suavité éprouve de la distraction et pense à un objet qui n’a plus aucun rapport avec Dieu, mais conserve néanmoins, pendant cette distraction, eamdem sensus suavitatem et deleeiabilem affecium, 12 Que

peuvent bien être ces états allectifs en l’absence de la prière qui les avait fait naître, sinon « une certaine disposition du corps et de ses humeurs, en vertu de laquelle on revient facilement ad priorem a/Jectum, à l’occupation qui l’a produite, quand l’attention revient i ? N. 14.

Conclusion.

- Une bonne définition, disent les

logiciens, doit contenir le genre prochain et la différence spécifique ; de plus, elle doit convenir toti définit » et soli deftnito. Nous devons clone commencer par nous demander quels sont les actes religieux que l’on désigne généralement par ce mot de prière : en d’autres termes, déterminer son extension d’après l’usage. Puis il nous faut examiner ce groupe d’actes religieux, voir ce qu’ils ont de commun et de distinctif ; en d’autres termes, déterminer la compréhension du mot prière, non à priori, mais d’après l’observation. A suivre ces règles, il n’y a pas de doute que, des trois définitions de la prière qu’on trouve dans les Pères : « demande faite à Dieu, entretien avec Dieu, élévation de l’âme vers Dieu », cf. J. de Guibcrt, Essence de la prière et prière pure, dans Revue d’ascétique et de mystique, 1930, p. 227, il n’y a pas de doute que ce ne soit la seconde qui s’applique le mieux toti et soli definito : toute prière n’étant pas une « demande faite à Dieu » et toute « élévation de l’âme vers Dieu » n’étant pas une prière. Somme toute, on pourrait adopter la définition de Mutz : « une dévote et humble élévation de l’âme vers Dieu pour exprimer devant lui nos sentiments et nos désirs ». Ibid., p. 228. Ajoutons d’ailleurs que cet « entretien avec Dieu », ou plutôt cette locutio ad Deum, peut se faire par le langage du cœur aussi bien que par celui de l’esprit.

Nous avons dit : « entretien avec Dieu, ou plutôt locutio ad Deum » ; car, bien que les termes d’entretien ou de « colloque » par lesquels on désigne la prière suggèrent l’idée d’un dialogue, notre prière, hélas ! n’est bien le plus souvent qu’un monologue. A ce sujet, Bellarmin distinguait trois degrés de prière : « Le premier est celui de ceux qui prient, mais n’entendent pas de réponse et ne savent s’ils sont exaucés (an audiantur ; faut-il traduire : s’ils sont entendus ?) ; le second est celui de ceux qui ont quelques raisons de croire qu’ils sont exaucés (habent aliqua signa quod audiantur), mais n’entendent pas de réponse ; le troisième est celui de ceux qui vraiment conversent avec Dieu et Dieu avec eux. Ceux-ci reçoivent des lumières, n’ont pas de distractions et ne se fatiguent pas en priant, parce qu’ils écoutent plus qu’ils ne parlent. » Cité par E. Raitz von Frentz, Rev. d’ascët. et de myst., 1926. p. 143.

Puisque prier c’est parler à Dieu d’une manière ou d’une autre, c’est « exprimer devant lui nos sentiments et nos désirs », et puisque, selon saint Augustin, ce n’est pas seulement la bouche ou le cœur qui parlent, mais aussi notre action, pourquoi ne pourrait-on pas dire que toute bonne action est une prière et que, par conséquent, tant qu’on demeure attentif à éviter ce qui met en danger de déplaire à Dieu et qu’on tâche de faire en tout sa volonté, on prie sans prier, et Dieu entend ce langage » ? Bossuet, cite par Landriot, appendice à V Instruction pastorale pour le carême 1^62, dans Œuvres, 2e éd., t. iii, Paris, 1864, p. 144. Landriot a recueilli un grand nombre de textes scripturaires ou patristiques, de théologiens, de prédicateurs ou d’auteurs spirituels, où l’on retrouve cette idée qu’une bonne vie est le meilleur des sacrifices, la meilleure des prières qu’on puisse offrir à Dieu ; cf. t. ii, p. 207209 ; t. iii, p. 91-100, 108-110, 132-146. Que peut-on tirer de ces textes ? Tout juste le contraire de ce que l’on veut y trouver, à savoir que toute bonne action, sans être une prière proprement dite, équivaut à une prière : « on prie sans prier », dit fort bien Bossuet. Le

théologien se doit d’adopter un langage plus précis que l’orateur ; il a le droit de reconnaître que celui-ci recourt à des figures de mots ; dire qu’une bonne action est une prière ou un sacrifice, c’est employer les mots prière et sacrifice non dans leur sens propre, mais dans un sens métaphorique. En vérité, cependant, une bonne vie deviendra une vraie prière quand elle baignera, si l’on peut dire, dans la prière : quand elle sera rapportée à Dieu par l’offrande formelle, plus ou moins fréquente, que nous en ferons à la gloire de Dieu, quand elle sera accompagnée de ce regard amoureux sur Dieu qui constitue la prière du cœur et qui, chez les saints, est pour ainsi dire permanent. Cf. Le témoignage de Marie de l’Incarnation, ursuline de Tours et de Québec, texte préparé et publié avec une introduction par D. Jamet, Paris, 1932.

Et ceci nous amène à ce que Landriot appelle l’esprit de prière, qui s’apparente assez étroitement avec la « prière pure » ou l’ « essence de la prière » de H. Bremond. Cf. J. de Guibert, loc. cit., p. 220-234.

L’esprit de prière, dit Landriot, ce n’est aucune prière eu particulier… : c’est, si l’on peut s’exprimer ainsi, ta partie subtile et éthérée de c.iacun de ces exercices, qui remonte dans les hautes régions de l’âme, et y forme comme un réservoir habituel de saintes pensées et de pieux sentiments dont le parfum s’exhale, lors même que l’âme s’occupe des devoirs extérieurs… L’esprit d’une c.iose est la quintessence de cette chose… De même, l’esprit de prière… : c’est une nuile essentielle, composée de ce qu’il y a de plus divin (lins les rapports de l’âme avec le ciel, et qui, venant à surnager dans notre âme, y brûle perpétuellement en l’Iionneur de Uieu. Alors, toutes nos actions, nos pensées, nos désirs, nos volontés, sont imprégnés de cette huile céleste ; tout dans notre être et dans notre vie devient une prière continuelle, un hymne sans fin, une immolation de tous les instants… L’esprit de prière est comme une vapeur céleste qui domine toute notre vie, qui l’enveloppe tout entière… L’homme ne peut pas toujours réciter des prières voc des, toujours méditer, toujours être agenouillé dans les églises ; mais lou ours il peut avoir en son cœur cet esprit de prière qui s’exiialede l’âme comme le parfum de la Heur, et qui embjume par une brise céleste toutes les heures de la vie… Le principe, la racine véritable et l’essence la plus intime de la prière, ce qui la constitue et la rend agréable à Dieu, c’est la soumission à la volonté du Seigneur et le désir de lui plaire… T. iii, p. 83-92.

Cet esprit de prière ne nous abandonne pas un seul instant, lors même que nous n’en avons pas toujours la conscienc " réfléchie : c’est le soleil de notre âme, et au milieu de la multiplicité des affaires, au milieu du bruit de ce monde et des nuages de la terre, ce soleil intérieur luit pour nous et fait tressaillir notre cœur par des jubilations d’autant plus profondes qu’elles semblent inaperçues. Ibid., p. loi.

Cependant, il est dillicile que cette disposition habituelle de l’âme, ne se manifeste point souvent par des actes réfléchis ; quand l’âme est pleine, il se lorme nécessairement des puits artésiens, et l’eau vole dans toutes les directions. De li, ces aspirations secrètes du cœur, ces oraisons jaculatoires, qui s’él incent coin ne les étincelles d’un feu ardent… Ibid.. p. 117. (C’est nous qui avons souligné.)

En somme, de quoi s’agit il’? Mais tout simplement, il nous semble, de ce que les théologiens appellent la dévotion, qui naît de l’amour et nous porte à nous adonner totalement et généreusement au service de Dieu ; cꝟ. 1I’-II’q. LXXXII. Dévotion serait le terme technique dans la langue exacte de la théologie ; les psychologues non théologiens parleraient d’ « esprit religieux », les auteurs spirituels d’ « esprit surnaturel ». Tous ces termes seraient, en tout cas. préférables â celui d’ « esprit de prière, qui repose sur une conception pour le moins discutable de la prière. Pour saint Alphonse, l’esprit de prière est tout simplement l’habitude de recourir à Dieu en tout, tout de suite et toujours. Cf. Bouchage, Pratique des vertus, t. iii, p. 318319.

II. PRiftRE et.f fini ta TlON. — La méditation est-elle une prière ? Cf. J. de Guibcrt, Rev. d’ascët. et de myst..

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    1. PRIÈRE##


PRIÈRE. NATURE

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1930 p 337-344. H. Hremond répond catégoriquement non. « Méditer n’est pas prier, dit expressément saint François de Sales. [Aucune référence ! Dans le Traité de l’amour de Dieu, 1. VI. c il. la méditation est cependant désignée comme le « premier degré de lorai. son ou théologie mystique ».] Et plus philosophiquement Mgr Paulot. Pesez, je vous prie, tous les mots de ce texte Chaque opération, envisagée dans son point de vue formel, est exclusive de l’autre. Une méditation formelle n’est pas une prière formelle. Quand on médite, on ne prie pas ; quand on prie, on ne médite pas. Raisonner explicitement et prier explicitement sont deux choses inconciliables dans le même instant.. Hist. litt…, t. viii, p 362-363 ; cf. Introd. à la philosophie de la prière, n 66 note : « la méditation n’est pas tant l’oraison que l’introduction à l’oraison », [citation, d’ailleurs, inexacte de Lchodey, Les noies de fora, son mentale, p 131 qui avait écrit « l’introductrice de l’oraison

Ce n’est pas l’avis du P. de Guiberl : « N’est-il pas un peu exagéré de ne faire commencer réellement I orafson qu’au moment où la volonté échauffée prend Burnaturcllement contact par l’affection avec le Bien divinl Les actes, même discursifs, de l’intelligence, précédés d’actes préliminaires de prière fervente, .lien liant avec l’aide de Dieu à mieux comprendre ventes ou mystères, ne sont-ils pas déjà une vrai.- oraison7° Rev d’ascét. et de my st., 1920, p. 184, note.. La m< Mon, dans l’oraison mentale discursive, n’est pas une simple préparation ou prélude, mais une partie de cette oraison môme. » // « ., 1930, p. 342. Il est vrai que, sous ce mot « ..raison., le P. de (.uibert ne nul pas exactement ce que Hremond met sous le mol I puisque, pour lui, l’oraison n’est une prière <|U. au | sens général d’élévation de l’âme è Dieu en vue de le mieux servir en se sanctifiant soi même, . P. 341 I I i Saint Thomas dislingue nettement la méditation de la prière : « Le mot de contemplatio, dit-il, s emploie parfois en un sens strict pour l’acte de l’Intelligence

méditant les choses divines… Il s’emploie aussi de façon plus générale pour tOUt acte par lequel I aine, se séparant des affaires extérieures, s’occupe uniquement de Dieu ; ce qui peut arriver de deux manières : ou quand l’homme.route Dieu qui lui parle dans I Ecriture sainte, Ce qui se Tait par la lectioi OU quand lui même parle à Dieu, ce qui a lieu dans VoratlO. Quant B la meditatio, elle est, par rapport aux deux autres parties, comme un iul eruiediaire : car. nous servant de ce que Dieu nous d’il dans l’I’aiiture. nous nous mettons, grâce à la méditation, en sa présence par la peu

sée et l’atïectlon ; et lui étant ainsi présents ou l ayant

présent, nous pouvons lui parler par la prière (oratio) ; et c’est pourquoi I [ugues de Saint-Victor, dans le pas

sage cité | De modo orandi, c. i Est ce bien là que saint Thomas a trouve cette division de la contemplation.

J’ai beau relire ce chapitre, je ne l’y trouve pas |. dis tiuuue trois parties dans la contemplation : la lecture, la méditation et la prière (oratio) Mais, l ne s ensuit pas que celle Ci doive être un acte produit par le don de Sagesse, bien que cette sagesse, par la méditation, pieparc la voie à la prière. In P..Se/1L.dist. W.qiv. a 1, qu. 2. ad 1 "". Ce texte se passe de commentaire : encore que, par la méditation, nous nous mettions en présence de Dieu (ci præsentamur ; prtesentali ei vel prœsentem eum habentes) par la pensée et l’affection, la méditation n’est pourtant pas encore la prière, quj consiste à parler à Dieu : elle n’en est que la préparation ou le prélude : pour parler à quelqu’un, il teut évidemment d’abord se trouver en sa présence, se présenter à lui. Simulions, en passant, ce texte d’Hugues de Saint-Victor sur la nécessite de la méditation pour la prière : Sic ergo orationi sancta meditatio necessarta est, ut omnino perfecta esse oratio nequeat, si eam meditatio non comiletur aut prsecedat, Loc. cit.

Suarez est d’avis que l’oraison mentale, cet. exercice », op. cit., t. II, c. i, n. 5, tant recommande par tes Pères et les auteurs spirituels, comprend quatre actes successifs qui sont, d’après la Scala claustraitum cf ici t. M, art. GuiguL, col. 1966) : la leclio.U meditatio, Y oratio et la contemplatio ibid., c a, , m 2 Et voilà du coup la méditation tout a la fois distinguée de la prière au sens strict, qui est, pour Suarez, la prier, demande, et rangée parmi les. parties. intégrantes de l’oraison mentale ou prière au sens large Suarez accepte la définition qu’en donne la Scala. ; Meditatio est studiosa mentis aclio, occultæ veritalis notitiam ductu proprim raiionis investigans. ibid., n. 4. Mais ainsi entendue, la méditation n’est pas nécessairement une prière, même au sens large du mot. Pour qu elle le sort. lieux conditions sont nécessaires : Il faut d abord qu’elle procède ex afjectu orandi, id est colendi Deum per adm mentis. Ibid. Laméditation satisfera à première condition ; elle sera un hommage rendu à D îe u ^ deux manières : d’abord, wtendendo ipsarn meditalionem ut cultum quemdan, Del, en considérant !.. méditation elle même comme une sorte de culte ou d’hommage rendu à Dieu et en te voulant comme telle.

n, Pest elle pas, ., , elle., puisqu’elle s’appuie M, r la fo, s’exerce fréquemment par des a. tes de foi et qu,, ., p, i s’v passe n’a pas d’autre but que de soi, , ,

toujours davantage notre Intelligence à Dieu r& dément, en ordonnant.notre méditation au culte de Di eu c’est-à-dire en nous y proposant dexdter en

, 1(, us une plus grande estime de la globe et de te majesté divines, un plus fervent esprit de l>nr.- ….. dévotion plus ardente. Ibid I.a seconde condition requise pour que la méditation soit vraiment une prière, c’est qu’elle soit, , rat, que, c’est ad, re que le .ù, pour but d’exciter OU d’attiser en BOUS des senti

me „t, , parce que tel doit être te but de l’oraison men

taie ; autrement, elle ne serait pas un acte de religion

ou de charité, et par conséquent elle ne serait pas une

prière. ""<I. » ., ,, .,

Ces deux condltlpns m pour que te médita

Uon so, t une prière, Suarez les voit Indiquées dans la parole du ps. kviii ; Meditatio cordis nui in tuosemper. Bien que te méditation soit surtout œuvre d’intelligence, le psalmlste l’appelle méditation du cœur, quia et ex afjectu extre ei ad illum Un De plus la méditation doit se faire en p Dieu quia Iota débet re/erri ad cultum e/us.el

DOurOUOl tous les ailleurs spirituels cns,, .„ent qU, 1 faut commencer l’oraison mentale par se met ! présence de Dieu Ibid.

m p

„n acte qui procède de la vertu de religion CI i Thomas, Sum. theol., Il II M Lxxxiii, a.3 ; ln/1 Sent, dlst. XV, q. iv, a. I, qu. 2.

I, prière soil un acte de religion, i Ecriture l< marque dans cette parole du ps cxi. : Dirigatur oratio mea sicui incensum in eonspectu tuo. La raison le prouve par ce syllogisme : L’objet propre de te vertu de rei ï, on, c’est de rendre È Dieu le respect et I honneur

auxquels, 1 adroit, et donc tous les actes par lesquels On rend a Dieu ce respect appartiennent a la VeitU de

religion. Or, par te prière, on rend àDleu ce respect, en tant que par elle On se soumet., lui et nm pro avoir besoin de lui comme de l’auteur de tout bien Donc, manifestement, la prière relevée, , propre de la vert n de religion. Tel est l’enseignement de la somme Cf Catéchisme romain, part. IV, c. n. n. i..m pourrait objecter que « l’office de la religion pareil être de présenter a Dieu son culte et ses cérémonies et que la

prière ne paraît pas apporter quelque chose a Dieu. mais plutôt chercher à obtenir de lui quelque chose saint Thomas repond, tbtd., ad 3 ;  : » En priant [homme livre à Dieu son esprit, qu’il lui soumet paru

rospe t et <|u’il lui présente d’une certaine manière (et quodammodo preesentat, c’est-à-dire dont il lui fait présent i. comme il est dit dans le texte de Denys. Et c’est pourquoi, de même que l’esprit de l’homme l’emporte sur ses membres corporels et sur toutes les choses extérieures qu’on emploie au service de Dieu, ainsi la prière l’emporte sur tous les autres actes religieux.

Mais, quand ils se posent ce problème : ulrurn oraiio sit actus rcligionis, les théologiens ne se demandent pas seulement si la prière est un acte de religion, mais encore si elle procède de la vertu de religion, ou de quelque autre vertu, ou de quelque autre habilus de l’âme, par exemple de l’un des dons du Saint-Esprit. L’âme de l’homme pourrait être comparée à un arbre dont le tronc porterait deux branches charpentières, l’intelligence et la volonté, desquelles sortiraient divers rameaux, qui sont les vertus et les dons. De quelle branche, de quel rameau procède la prière ? Or, voici la difficulté : « La vertu de religion, étant une partie potentielle de la vertu de justice, réside dans la volonté aient in suhjecto ; mais la prière, comme on l’a vu antérieurement, est un acte de la raison pratique, donc appartient à la partie intellective de l’âme (pertinct ad parlent intellectivam) ; donc, elle ne paraît pas être un acte émanant de la vertu de religion, mais plutôt du don d’intelligence, dont le rôle est d’élever l’âme à Dieu. » lbid., objectio l a. Dans les Sentences, Inc. cit., saint Thomas s’objecte que, d’après certaines définitions traditionnelles, on pourrait aussi la rattacher aux dons de sagesse ou de science. A l’objection principale, saint Thomas répond, ibid., ad 1’"" : « La volonté meut les autres puissances vers la fin à laquelle elle tend ; résidant en la volonté, la religion pourra donc ordonner à l’honneur de Dieu les actes des autres puissances. Or, parmi celles-ci, c’est l’intellect qui est la plus haute et la plus voisine de la volonté. C’est pourquoi, après la dévotion, qui émane de la volonté elle-même, c’est la prière, par laquelle la religion meut vers Dieu l’intellect humain, qui tient le premier rang parmi les actes de religion. »

Mais enfin, si la prière est un acte de la raison, dont la religion, c’est-à-dire la volonté, « se sert pour témoigner à Dieu du respect », comme il est dit dans les Sentences, Inc. cit., peut-on maintenir cette affirmation, qu’on y trouve aussi, que la prière est un acte « élicite » de la vertu de religion : cum Deo reverentiam exhibere sit actus lalriæ, oratin actus latrise erit clicitive’.' Dans l’article de la Somme, clicitive est remplacé par proprie. Suarez distingue : « La prière, dit-il, est un acte produit immédiatement (immédiate elicitus) par la vertu de religion quand afjectum pelendi, c’est-à-dire pour ce qui concerne le désir, la détermination de prier ; mais, pour ce qui est de la prière elle-même, c’est un acte impéré, en tant que la locutio, en quoi consiste formellement la prière, est un acte intellectuel, bien que, en tant qu’acte moral et vertueux fin esse moral ; et virtutis), on puisse la considérer aussi comme un acte élicite, avec un grand nombre de théologiens. » Op. cit., t. I, c. vii, n. 7. Cette distinction n’a pas l’heur de plaire à Jean de Saint-Thomas, qui la réfute longuement, Cursus theol., In II* m -// « ’, q. lxxxiii. a. 3, éd. Vives, t. vii, p. 759-709 ; cf. Vermeersch, op. cit., p. 6.

Sclwlia : 1° Pour que la prière soit un acte de religion, il n’est pas nécessaire qu’on sache qu’elle l’est et qu’on la veuille comme telle ; il suffit que l’on reconnaisse que l’on a besoin du secours de Dieu et qu’en priant on veuille se soumettre à Dieu. Suarez, loc. cit., n. 13. 2° En revanche, il peut advenir qu’une prière soit totalement dépourvue de cette qualité, qu’elle ne soit pas un acte de religion et donc pas une vraie prière : « si quelqu’un, par exemple, n’envisageant que son intérêt (ex nimio afjectu ad suum commodum vcl

alio simili), ne pense nullement, lorsqu’il demande quelque chose, a se soumettre à Dieu et à l’honorer, ni à reconnaître sa toute-puissance et la dépendance où il se trouve à son égard, mais est uniquement préoccupé d’obtenir le bien qu’il désire ou d’échapper au mal qu’il redoute », ibid., n. Il ; cf. Bremond, llisl. titt…, t. vii, p. 10.