Dictionnaire de théologie catholique/PERFECTION CHRÉTIENNE

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 12.1 : PAUL Ier - PHILOPALDp. 617-633).

PERFECTION CHRÉTIENNE.


I. En quoi consiste la perfection chrétienne ?
II. Ses degrés (col. 1226).
III. Est-elle possible ici-bas ? (col. 1230).
IV. Est-elle obligatoire ? (col. 1235).
V. L’état de perfection (col. 1244).
VI. Conclusion (col. 1249).

I. En quoi consiste la perfection chrétienne ?

— Il semble, à première vue, qu’aucune question ne soit plus facile à résoudre. Le sens commun ou le bon sens vous répondront immédiatement : « Un homme parfait est un homme qui n’a pas de défauts, qui possède toutes les qualités ; un chrétien parfait sera celui qui pratiquera parfaitement la morale chrétienne, donc qui évitera tout péché et accomplira parfaitement tous les commandements. » Mais, si nous consultons les théologiens, la chose ne paraît plus aussi simple. Le P. Zimmermann définit la perfection chrétienne : « l’excellence morale surnaturelle, grâce à laquelle le chrétien accomplit tout le bien possible pour lui. Au concret, elle consiste dans un côté négatif, à éviter toutes les fautes pleinement délibérées et, le plus possible, les fautes semi-délibérées, et un côté positif, à accomplir, autant que possible, tout le bien commandé ou conseillé par Dieu. » Revue d’ascétique et de mystique, 1930, p. 80. Cette définition, remarque le P. de Guibert, risque d’attirer à son auteur « le reproche de moralisme trop peu relié aux grandes réalités dogmatiques qui dominent toute notre vie spirituelle ». Ibid. Ces « grandes réalités dogmatiques » ne sont autre chose que la grâce sanctifiante, dont les accroissements « assurent le futur degré de notre possession de Dieu au ciel, et, partant, de notre perfection définitive in termino ». Ibid., p. 81. Il faudrait donc, pour éviter le reproche de moralisme, substituer ou du moins ajouter à l’idée d’une perfection morale celle d’une perfection, en quelque sorte ontologique, mesurée non plus par les accroissements de nos aptitudes psychologiques à faire le bien et à éviter le mal, mais par les accroissements de notre grâce sanctifiante ; c’est là une conception de la perfection chrétienne déjà rejetée par Suarez, De statu perjectionis, c. iv, n. 10-11.

Le congrès ascético-mystique en l’honneur de saint Jean de la Croix, tenu à Madrid en 1926, résume en ces termes la conception de la perfection chrétienne selon le Docteur mystique : « La perfection chrétienne consiste dans l’absence d’habitus défectueux plus ou moins volontaires et dans l’union intime avec Dieu, produite par la charité à un degré tel que notre volonté soit rendue entièrement conforme à la volonté divine. » Cf. Rev. d’asc. et demyst., 1930, p. 314. On peut remarquer que les deux parties de cette définition ne se contre-balancent pas exactement : « l’absence d’habitus défectueux » appellerait, dans la seconde partie, la présence d’autres habitas et non pas « l’union intime avec Dieu », qui est un acte. — D’autres théologiens, qui font aussi consister la perfection chrétienne dans l’union intime avec Dieu produite par la charité, en ont tiré cette conclusion que la contemplation mystique au sens strict, pour autant qu’elle n’est autre chose quc l’exercice passif ci éminent des vertus de foi et de charité, constitue la perfection par excellence ; clic est le terme final auquel doit tendre toute vie chrétienne qui, par ailleurs, ne rencontre pas d’obstacles insurmontables pour l’obtention de cette lin. » La vie spirituelle, août-sept. 1930, p. [26]. C’est l’opinion de dont .1. 1 luijben, soutenue aussi parle P. Garrigou-Lagrange, ibid., oct. 193(1, ]>. [35]-[37].

Les théologiens ne s’entendent donc pas sur la définition de la perfection chrétienne. Le concept de la sainteté ne paraît pas davantage éclairci ; tantôt un lu distingue de la perfection, tantôt on l’y ramène. La sainteté actuelle d’une âme se mesure au degré de grâce sanctifiante qu’elle possède, et la perfection de la vie qu’elle mène a l’empire toujours plus complet d’une charité théologique toujours plus intense sur tous les actes de cette vie », dit le P. de Guibert, Rev. d’asc. et de mi/st., 1927, p. 229 ; un peu plus loin, il énonce que l’objet de la théologie spirituelle est la perfection de la vie chrétienne comme voie à la sainteté la plus haute possible », p. 240. Par contre, essayant de dégager la conception que le peuple chrétien et l’Église se sont faite de la sainteté, le P. Delehaye aboutit à cette définition : « Le saint est le héros dans l’ordre moral et religieux ; c’est le chrétien parfait. » Sanctus, Bruxelles, 1927, p. 235 ; cf. Rev. d’asc. et de myst., 1927, p. 198-199.

La question qui nous occupe étant envisagée comme une question d’ordre théologique, on ne s’étonnera pas que nous en demandions la solution à la plus grande autorité théologique de l’Église catholique, à saint Thomas d’Aquin. En quoi le Doctor communis fait-il donc consister la perfection chrétienne ?

1° Les « parfaits », par opposition aux incipientes et aux proficie.ntes (Sum. theol., IIa-IIæ, q. xxiv. a. 9 ; q. clxxxiii, a. 4 ; I a -1 1^, q. lxi, a. 5 : In ///" m Sent., dist. XXIX, q. ï, a. 8). — La distinction de trois classes de chrétiens, par rapport au degré de leur vertu ou de leur charité, était traditionnelle dans l’Église : saint Thomas invoque à ce sujet l’autorité de saint Augustin et celle de saint Grégoire le Grand. Le texte de saint Augustin, cité en abrégé dans le Sed contra de l’a. 9 de la q. xxiv, se lisait in extenso dans P. Lombard, /// Sent., dist. XXIX : il s’agit de la charité : Sed numquid mox ut nascitur, eliam prorsus per/ecta est ? Immo ut per/iciatur, nascitur ; cum jueril nata, nutritur ; cum fueril nutrita, roboratur ; cum fuerit roborala perficitur. Saint Grégoire le Grand, cité dans le Sed contra de l’a. 4 de la q. clxxxiii, avait dit : Très sunt modi conversorum : inchoatio, medietas, atque perfectio ; et encore : aliu<t sunt virtutis exordia, aliud profeclus, aliud perfectio.

Qu’est-ce donc qui distingue l’une de l’autre ces trois classes de chrétiens ? Ce sont les occupations, ou mieux les préoccupations auxquelles ils sont portés par le degré de leur charité : distinguuntur secundum diversa studia, ad qu.se homo perducitur per caritalis augmentum. Q. xxiv, a. 9. Les commençants s’appliquent principalement ad recedendum a peccato, et resistendum concupiscentiis ejus, quæ in conlrarium caritatis movent. Les progressants se proposent principalement d’avancer dans le bien. Enfin, les parfaits ad hoc principaliter intendant ut Deo inlucreant et eo fruantur. — Les « parfaits », selon ce texte de saint Thomas, ce sont donc ceux qui ont, pour ainsi dire, terminé les deux premières tâches assignées à l’homme dans la vie présente, déclina a malo et jac bonum : il ne faut pas définir leur perfection par ce qui constitue leur occupation principale et dire : ils sont parfaits en tant que Deo inluvrent et eo jruuntur ; non, ils sont parfaits, et c’est pourquoi il leur est loisible d’être uni 1 - à Dieu et de jouir de lui. La perfection est bien conçue comme une chose morale. — On peut considérer l’article du Commentaire in IIlum Sent, comme une première ébauche de l’article de la Somme théologique que nous venons d’étudier : qu’on les compare et l’on verra ce que la pensée du.Maître a gagné en précision. Les trois classes de chrétiens sont distinguées non plus secundum dlversa studio…. (voir plus haut), mais secundum aliquos notabiles effeclus quos in habente carilalem earitas relinqu.it. Le premier elïet, c’est d’éloigner l’homme du péché. Le second : ui jam ftduciam de liberatione peccaiorum habens ad bonum adipiscendum se extendat ; qu’on veuille bien remarquer la phrase suivante et l’on verra en quoi consiste, pour saint Thomas, la perfection : in hoc statu (dans l’état des progressants ) prsecipua cura est de adipiscendis bonis, dum homo semper ad perjectionem anhelat. fin fin, le troisième effet produit par la charité est ut homo jam ad ipsa bona quasi connut ri tus, quodammodo sibi connaturalia habeat ipsa et in eis quiescat et delectetur : on voit qu’il n’est question, en tout cela, que du bien moral ; le parfait est celui à qui la pratique du bien est devenue comme naturelle. Un peu plus loin, on nous dit que cette perfection de la charité comporte deux degrés : unus est secundum quod in bonis communibus quasi jam secura conquiescii (perfecta earitas), et secundum hoc dicitur perjecta ; alius secundum quod ad quirlibet diffleilia manum mittil, et secundum hoc dicitur perjectissima ; vcl perfecta quantum ad station vise, perjectissima quantum ad statum patrise.

Dans la D-ll 36, q. lxi, a. 5, saint Thomas, à la suite de Plotin, dislingue quatre manières dont peuvent être réalisées les quatre vertus morales : en Dieu, ces vertus existent excmplariter ; dans l’homme, prout secundum lias virtutes recte se habet in rébus humanis gerendis, ces vertus s’appellent polit iese, quia homo secundum suam naturam est animal politicum ; mais, parce que l’homme doit s’efforcer de ressembler à Dieu, comme le philosophe le dit in 10. Ethicor., et comme il en a reçu le commandement dans ]’Écrll lire, ces vertus vont se réaliser en lui d’une manière plus parfaite et porteront le nom de purgatorîss en ceux qui tendent à la ressemblance divine, et de jam purgati unimi en ceux qui seront parvenus à cette divine ressemblance ; ces dernières vertus sont celles des bienheureux vel aliquorum in hac vila perfeclissimorum : on peut donc penser que saint Thomas considère les précédentes comme celles des parfaits. Voici donc le portrait du parfait : sa prudence le porte a mépriser omnia mundana divinorum eonlemplalione, et à diriger toute sa pensée vers les seules choses divines : sa tempérance à rclingiicrr. in quantum natura patitur, quæ corporis usas requirit’, sa force fait que anima mm Irrreatur propler recessum a corpore et accessum ad superna ; sa justice enfin ; // uda anima consential ad hujusmodi proposai viam. I >e toute évidence, la perfection ici proposée n’est plus si u I c ment une perfection morale : on peut l’appeler une perfection religieuse, ou. si l’on veut, philosophique, puisqu’elle (’tait déjà l’idéal du philosophe. Cf. Van Lieshoul. l.a théorie plolinienne de la vertu. Essai sur la genèse d’an article de la Somme théologique de saint Thomas, Fribourg (Suisse), 1926.

2° Les "parfaits" secundum intellectium et secundum volontati (commentaire in l Cor., u. leç. 1 : in Hebr., I. leç 2).

Deux passages du Nouveau Testament donnent à s : iini Thomas l’occasion de distinguer entre la perfection de l’intelligence et celle de la volonté ; c’est la parole « le s ; iint Paul aux Corin thiens : Sapientiam loquimur in 1er perfeclos, I Cor., u. 6 ; el celle de l’épître aux Hébreux, v, 14 : Perfectarant et solidus cibus, eorum qui pro consueludine i i et i Halos habent sensus ad discretlonem l">m < « malt. Sont parfaits necundum intellectum ceux dont l’esprit

s’élève au-dessus des choses charnelles et sensibles el qui peuvent donc saisir les choses spirituelles et intelligibles » ; sont parfaits secundum voluntatem ceux « dont la volonté, s’élevant au-dessus des choses temporelles, adhère à Dieu seul et à ses commandements. In I Cor., loc. cil. Selon le commentaire de l’épître aux Hébreux, « il y a deux sortes de perfection, l’une selon l’intelligence : elle est le fait de qui est de bon jugement et sait discerner et juger ce qu’on lui propose ; l’autre est affaire d’amour (secundum uffectum) : elle est le produit de la charité, c’est elle qui fait que Ton s’attache totalement à Dieu ». Pour saint Thomas, les « parfaits », dont il est question dans ces deux épîtres, sont ceux qui possèdent l’une et l’autre perfections, quia quæ in sacra Scriplura traduntur, pertinent ad afjectum et non tantum ad intellectum ; pour posséder un jugement droit dans les choses religieuses, il faut éprouver de la sympathie à leur égard : unusquisque enim secundum quod est dispositus, sic judicat. Comme on ne se propose pas ici d’étudier historiquement le concept de perfection, particulièrement le rapport qui pourrait exister entre les « parfaits et les « initiés », on se contentera de renvoyer, sur cette dernière question, à la note du P. de Grandmaison, dans Jésus-Christ, t. ii, p. 625-H31, Paris. 1929. Cf. Guignebert, Quelques remarques sur la perfection et ses voies dans le mystère paulinien, dans Rev. hist. phil. relig., t. viii, p. 412-429.

3° La perfection consiste-t-clle dans l’accomplissement des préceptes ou dans celui des conseils ? (Suni. IheoL. Ila_Uîc) q. ci.xxxiv, a. 3 ; q. clxxxvi, a. 2 ; Conl. gent., t. III, c. < : xxx-cxxxi : Quodl., i, a. 14, ad 2° m : Qusest. disp. de carilate, a. 11, ad 5um ; Opusc, xvii, Contra pesti/cram doctrinaux retrahenlium homincs a religionis ingressu, c. vi ; Opusc, xviii, De perfectione vitse spiritualis, e. vi, vii, vin.) —

Pour qui serait désireux d’étudier ces textes de saint Thomas dans leur contexte historique, signalons l’article de P. Glorieux, Pour qu’on lise le « De perfectione », dans la Vie spirituelle de juin 1930, p. [97]-[126], et le compte rendu de l’ouvrage du Dr M. Bierbaum, licltclorden und W’eligeistlichkeit an der Universilût Paris. Texte und t’nlersuchungen zum literarischen Armutsund Exemptionsslreite îles XIII..lahrhuntlerts ( 1255-1272). dans la Rev. d’ascét. et de mysl., 1921, p. 76-81. On y voit que le De perfectione, réponse au Contra adversarium perfectionis christian ; r de Gérard d’Abbeville. aurait eu deux éditions, la sec le ajoutant Cinq chapitres à la première (les c. xxi-xxv), la première ayant paru fin 1269 et la seconde dans les premiers mois de 1270 ; que le Contra retrahentes serait d’octobre 1270 el les articles de la If II », le 1272-1273.

La perfection chrétienne consiste-t-elle dans l’accomplissement parfait des commandements, ou dans les conseils, c’est-à-dire dans les renoncements recommandés, non imposés, par 1T’. angile. en un mot, dans les conseils dits évangéliques ? Pu faveur de celle dernière opinion, ne peut on apporter la parole du Seigneur : Si ris perfectus esse, rade, rende… et reni ? I.e Christ ne met-il pas la perfection dans le fait de tout quitter et de le suivre’.' II » ’. q. clxxxiv, première objection. D’autre part, si perfectto Christian » vitse consista in preeceplis, sequitur quod pcrjeciio sit de nécessitait’salulis. el quod omnes ad eam lenentur. quod palet esse falsum, Ibid., seconde objection. Retenons d’ores et déjà ce quod palet esse /disant, qui nous livre la pensée foncière de saint Thomas relativement a l’obligation d’être parfait. Mettre la perfection dans les conseils évangéliques, c’était l’erreur fondamentale de ceux que combat le Contra retrahentes’, ils pri datent qu’on ne devait pas entrer en religion avant de s’être exercé dans la pratique des préceptes. C. m i : > tradition s’opposait a ce renversement di ports entre les préceptes et les conseils ; l’abbé Moïse, dans les Conférences des Pères, ne disait-il pas : jejunia, vigiliee, meditalio Scripturarum, nuditas ac prioatio omnium facuUalum non pekfectio sed perfectionis INSTRUMENTA sunt, quia non in ipsis consista disciplina’illius finis, sed per Ma pervenitur ad finem ? et encore : ad perfectionem caritaiis istis gradibus aseendere nitimur ? Cité Il ii -1K’, q. clxxxiv, a. 3, et Cont. retrahentes, c. vi. L’abbé Moïse avait donné la distinction libératrice ; il ne restait pins à saint Thomas qu’à la mettre en l’orme :

Respondeo dicendum quod perfectio dicitur in aliquo consistere dupliciter : uno modo per se et essentialiter, alio modo secundario et accidentaliter. l’er se quidem et essentialiter consistit perlectio christianafi vita> in caritate ; principaliter quidem secundum dilectionem Dei, secundario autem secundum dilectionem proximi, de quibus dantur præcepta principalia divin » legis… Secundario autem et instrumentaliter perfectio consistit in consiliis, qua ; oninia, sicut et præcepta, ordinantur ad caritatem ; sed aliter et aliter : nam præcepta alia a præceptis caritatis ordinantur ad removenda ea quæ sunt caritati contraria, cum quibus scilicet caritas esse non potest ; consilia autem ordinantur ad removendum impedimenta actus caritatis, quæ tamen caritati non contrariantur, sicut est matrimonium, occupatio negotiorum ssecularium, et alia hujusmodi. II’i-II^, q. clxxxiv, a. 3.

Synthèse parfaite et lumineuse, dont on ne peut retrancher un mot. La réponse aux deux objections, avouons-le, ne nous donne pas une aussi complète satisfaction. Dans la parole du Seigneur, saint Thomas discerne quelque chose qui est quasi via ad perfectionem : c’est le vade, vende… et da pauperibus ; et quelque chose in quo perfectio consistit : c’est le sequere me, qu’il entend métaphoriquement. Ibid., ad lum. Nous parlerons de l’ad 2um lorsqu’il sera question de l’obligation d’être parfait : notons seulement pour l’instant que la solution donnée ici à « cette difficile et très importante question » « laisse dans l’étonnement « quelques-uns des commentateurs. A. Lemonnyer, Somme theologique de saint Thomas, La vie humaine, ses /ormes, ses états, traduction française, Paris, 1926, p. 510.

Les deux termes d’instrumenta et de via, qui marquent le rapport des conseils à la perfection, admettent de nombreux synonymes : præambulum et præparatorium, Quodl., i, loco cit., et surtout dispositiones, Cont. gent., t. III, c. cxxxi ; d’où l’on dira que les conseils pertinent ad perfectionem instrumentaliter et disposilive. II a -II*, q. clxxxvi, a. 2. Mais aurait-on beaucoup gagné à ne point faire consister la perfection dans les conseils, si l’on devait reconnaître qu’ils sont des moyens absolument nécessaires pour parvenir à la perfection ? Or, ne semble-t-il pas que saint Thomas en. vienne là, en ce c. vi du Contra retrahentes, où il veut préciser le rapport des conseils à la perfection ? Après avoir dit expressément : aliter tamen ad præcepla caritatis ordinantur alia præcepla legis, aliter autem consilia ; ad finem enim aliquid ordinatur ut sine quo finis haberi non potest, sicut cibus ad vilam conservandam (et l’on comprend que ceci s’applique aux préceptes) ; aliquid vero ordinatur in finem sicut per quod et facilius et securius et perfectius finis obtinetur (et ceci évidemment s’applique aux conseils), ce qui relève déjà singulièrement l’importance des conseils par rapport à la perfection, il ajoute formellement : sic igitur, cum duplex sil modus observandi præcepla, perfeclus scilicet et imperfectus, est et duplex exercitium præceptorum : unum quidem quo aliquis excrcilatur in perfecta observantia prœceptorum, et hoc idem exercitium fit per consilia. .. ; aliud autem est exercitium in imperfecta observantia prœceptorum, quod fit in vita sœculari absque consiliis. Nous retrouverons cette question, lorsque nous traiterons de 1’ « état de perfection ». Cf. col. 1247.

Dans la Question disputée de caritate, loc. cit., saint Thomas tire une conséquence de la distinction établie entre ce qui constitue la perfection principaliter et per se et ce qui ne lui appartient que secundario et quasi per uccidens ; c’est a savoir : in lus quæ principaliter et per se ad perfectionem pertinent, sequitur quod sit major perfectio ubi hsec inveniuntur magis, sicut quod perfectior est qui majoris est caritatis ; in liis autem qu » consequenti et quasi per uccidens ad perfectionem pertinent, non sequitur inagis simpliciter (ce qui veut dire, sans doute, qu’il y ait [dus de perfection) ubi magis inveniuntur, unde non sequitur quod magis pauper sit magis perfeclus.

Mais les conseils évangéliques n’ont pas uniquement avec la perfection le rapport de moyen à fin ; conditions plus ou moins indispensables de la perfection, ils en sont aussi des effets et des marques distinctives : secundo pertinent ad perfectionem in quantum sunt quidam per/eelæ caritatis effectué ; qui enim perfecte diligit Deum, ab lus se relruhit quæ eum relrahere possunt ne Deo væel. De carit., ibid. Cf. Cont. gent., t. III, c. cxxxi : possunt ctiam (consilia) dici perfectionis efjeelus et signa ; cum enim mens vehementer amore et desiderio alicujus rei afpcitur, consequens est quod alia postponat. Remplaçons maintenant les substantifs par des adverbes, nous aurons la triple distinction de la Ila-Ila-’, q. clxxxvi, a. 2, qui va nous introduire dans un nouveau domaine : Ad perfectionem aliquid pertinet tripliciler : uno modo essentialiter… ; tertio modo [qu’on nous permette cette transposition j instrumentaliter et dispositive… ; alio modo consequenter : sicut Ma quæ consequuntur ex perfeclione caritatis, pula quod aliquis maledicenli benedicat, et alia hujusmodi impleat, quæ, elsi secundum præparationem animi sint in præceplo, scilicet impleantur quando nécessitas requirit, tamen ex superabundantia caritatis procedil, quod eliam præter neccssilalem quandoque talia impleantur. On voit que ce que saint Thomas avait dit tout à l’heure des conseils évangéliques, il le dit maintenant de cette autre espèce de conseils, constituée, en n’importe quel domaine, par tout ce qui dépasse le devoir proprement dit et, par conséquent, est objet de conseil et non plus de précepte. Or, chose remarquable, alors qu’il ne veut pas qu’on fasse rentrer les conseils évangéliques dans la perfection, il paraît parfois identifier la perfection avec cette autre espèce de conseils, si bien que « matière de conseil » et « matière de perfection » vont devenir synonymes. Cf. In IIlu™. Sent., dist. XXIX, q. i, a. 8, qu. 2, ad 2um : cum scimus fralrem posse liberari per mortem corporis a morte animée sine periculo animée nostræ, lune tradere animant pro fratribus non est perfectionis, sed necessitatis ; alias autem est perfectionis. Dans le commentaire sur la I Tim., à propos du texte : ut perfectus sit homo Dei ad omne opus bonum insiructus, saint Thomas déclare : Tune ergo homo est perfectus, quando est inslructus, id est paratus ad omne opus bonum, non solum ad ca quæ sunt de necessitate salutis, sed eliam ad ea quæ sunt supererogationis. Dans le De caritate, a. 11, ad 4um, ad 7um, ad 9um, reviennent les mêmes distinctions entre ce qui est de necessitatc caritatis et de perfeclione ipsius, ou entre les choses quæ pertinent ad nécessitaient salutis et celles quæ pertinent ad perfectionem vitæ, ou enfin entre ce qui est de necessilale præcepli et de perfeclione consilii.

4° La perfection consiste-t-elle spécialement dans la charité ? (Ila-II 16, q. clxxxiv, a. 1 ; q. xxiii, a. 4, ad. l"m ; Quodl., III, a. 17 ; De caritate, a. 3 ; Cont. retrahentes, c. vi ; De perfectione vitæ spiritualis, c. i.)

— D’après ce que nous avons vu jusqu’ici, la perfection consiste donc dans l’accomplissement des commandements, poussé jusqu’au delà des limites de l’obligation, jusqu’au surérogatoire. Mais l’Écriture. et particulièrement l’Évangile, attribuent une importance spéciale, dans les commandements, au précepte de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain, en un mot à la charité ; il était donc tout naturel que l’on se demandât si la perfection de la vie chrétienne ne consisterait pas spécialement dans la perfection de la charité. La réponse ne pouvait être douteuse et saint Thomas la lisait en toutes lettres dans Col., ni, 14 : super omnia autem hœc, carilatem habele, quod est vinculum perfectionis ; ce que la Glose commentait ainsi : ctt’tera præcepta perfection faciunt, in quantum scilicet ad caritatem ordinantur, caritas autem omnia ligat, cf. C.ont. retrah., c. vi ; quia scilicet omnes alias virtutes quodammodo ligat in unilalem perfectam, dit saint Thomas, au Sed contra de la q. clxxxiv, a. 1. Mais bien d’autres textes de l’Écriture se présentaient encore à l’appui de la thèse ; notamment I Tim., i, 5 : finis præcepli caritas est ; où la Glose déclarait expressément : caritas est finis, ici est perfeclio ; præcepti, id est prseceptorum omnium, quorum impletio est dilectio Dei et proximi ; cf. (’.ont. retrah, c. vi.

La raison, par laquelle saint Thomas justifie cette prédominance accordée à la charité dans la perfection, est tirée du principe philosophique quod unumquodque dicitur esse perjecium in quantum altingit proprium fmem, qui est ultima rei perfectio ; or, c’est la charité qui nous unit à Dieu, qui est ultimus finis humanie mentis ; donc scciindum carilatem specialiler atlenditur perfeclio christianse vit se. Voilà toute la preuve de la q. clxxxiv, a. 1. D’autres preuves pourraient être tirées du rôle que joue la charité parmi les vertus, selon saint Thomas : toutes les autres vertus dépendent d’elles aliqualitcr, q. xxiii. a. 1, ad l l, m ; elle en est motor, mater et radix. De carit., a. 3.

L’ad 2 nm de l’a. 1 de la q. clxxxiv soulève une question de vocabulaire, qui a divisé les théologiens, cf. Garrigou-Lagrange, Perfection chrétienne et contemplation, t. i, p. 170-171. Dans le titre et dans le corps de l’article, saint Thomas employait le terme specialiler pour caractériser la part de la perfection de la charité dans la perfection tout court ; comme spécialement « s’oppose à généralement », on peu ! dire que, selon saint Thomas, la perfection de la vie chrétienne consisterait généralement dans la perfection de toutes les vertus, dans l’accomplissement parfait de tous les commandements, et spécialement dans la perfection de la charité, dans l’accomplissement parfait du commandement de l’amour de Dieu et du prochain. Mais voici que l’ad -’"" paraît faire de la perfection de la charité l’essence même de la perfection chrétienne, la perfection des autres vertus n’en étant plus qu’un élément accidentel, comme la couleur de la peau par rapport à la perfection du corps humain : specialiler devient simpliciter : et ideo secundum caritatem aitenditur simpliciter perfeclio christianse vitse, sed secundum alias virtutes secundum quid ; et quia quod est simpliciter est principalissimum ri maximum respectu alioTum, inde est quod perfeclio nirilalis est principalissima respectu perfectionis quæ attenditur secundum alias virtutes. Comme on le voit, la terminologie de saint Thomas est un peu flottante : principal et secondaire ne sont pas tout à fait synonymes d’essentiel et d’accidentel. Sur ces questions de vocabulaire, consulter Suarez, De statu perfectionis, c iii, qui fait justement remarquer qu’il pourrait bien n’y avoir la qu’une question de mots, Cf. n. 5 et n 22. I.a perfection de In vie chrétienne consiste plus spécialement encore dans l’amour de Dieu (II’il’, ’i < i wi. a..{ ; Cont, gent., l. lll. c. cxxx, cxxxi, cxxxrv ; be carttale, a. ii, ad 6 Bn| j (’.ont. retrahentes, c. vi : l >< perfeclione vitse tptrtlualis, c. n et vi). si la perfection chrétienne consiste spécialement dans la charité, il est bien évident qu’elle consistera dans la peib i hou de l’amour de Dieu d’abord ri seulement en second lieu dans la perfection de l’amour du prochain : car les deux préceptes de la charité ordinem quemdum ad invicem habent secundum ordinem carilatis ; nam id quod principaliter caritale diligendum est, est summum bonum, quod nos beatos effleit, scilice Deus ; secundario vero diligendus ex caritale est proximus. .. primo igiiur et PRiNCiPALii er consistit spiritualis vitse perfeclio in dilectione Dei… ; secundario vero consista spirilualis vitse perfeclio in proximi dilectione. De perf. vitse spir., c. n ; cf. Cont. retrah., c. vi : patel igiiur quod pr^cipue in affecta caritatis ail Dcum perfeclio christianse vitse consistit.

Il s’ensuit que quanto plus fteri potest quod etiam aclu mens feratur in Dcum. tanto vita hominis perfectior eril, utpote fini intimior. Cont. gent., t. III, c. cxxx ; et que, par conséquent, la vie contemplative est la souveraine perfection : optimum hominis est ut mente Dco adhærcat et rébus divinis ; summa perfeclio humanæ vita’in hoc consistit quod mens hominis Deo vacel, ibid., c. cxxxi ; contemplativa vita etiam in hoc perfeelior est, quod paucioribus indiget ; ad quam quidem vilam perlinere videtur quod lotaliter homo divinis rébus vacet : quam quidem perfectionem doclrina Christi homini suadet, ibid., c cxxxiv. Cf. De perf. vitse spirit., c. vi : etsi comprehensorum perfeclio non sil nobis possibilis in hac vita, œmulari lamen debemus ut in similitudinem perfectionis illius, quantum possibile est, nos trahamus, et in hoc perfectio hujus vitse consistit ad quam per consilia invilamur… ; omnia igiiur consilia quibus ad perfectionem invitamur, ad hoc pertinent ut animas hominis ab affeclu rerum temporalium averlatur, ut sic liberius mens lendat in Dcum contemplando, amando et ejus voluntatem implendo.

Quelque parfaite que soit la vie contemplative, elle ne représente pas encore pourtant le sommet de la charité et, par conséquent, de la perfection : quidam in lantum deleclantur in vacatione divinse contemplationis, quod eam deserere nolunt, etiam ut divinis obsequiis mancipentur ad salulrm proximorum ; quidam vero ad lantum culmen caritatis ascendant, quod etiam divinam contemplationem, licet in ea maxime delectentur, prsetermittunt, ut Deo sentant in salulrm proximorum… ; et hœc perfeclio est proprie prselatorum et prsedicatorum et quorumeumque aliorum, qui procurandse saluti aliorum insislunl. De carit., a. 11. ad (ium.

II. Les degrés or les espèces de perfection.

A vrai dire, les degrés de perfection que saint Thomas distingue dans la charité. De perf. vitse spirit., c. m. en constituent plutôt de véritables espèces, dans plusieurs desquelles on peut encore reconnaître des degrés proprement dits.

1° t. a perfection suprême, absolue, ou perfection simpliciter (IIMI^, q. xxiv, a. S ; q. clxxxiv, a. 2 : De carit., :. Kl : De perf. vitse spirit., c. iii). En ce qui concerne l’amour de Dieu, en quoi consiste toul spé cialement la perfection, primus ci summus perfectionis gradua divinse dilectionis convenit soli Dco, soit que l’on considère cet amour ex parle dilecti ou ex parle diligrnlis. l’.x parle dilecti, le degré suprême de la perfection consiste /// aliqnid lantum diligatur quantum ililigibilr est ; ex parle diligentis, ni aliquid diligatur secundum totam facultatem diligrnlis. Or, Dieu est infiniment aimable, et. par conséquent, aucune créature ne peut l’aimer aillant qu’il mérite d’être aimé, parce qu’aucune créature ne peut aimer Infiniment.. De perf. vitse spirit., c. m. Les autres textes eilés n’ajoutent rien a cet expose : seulement ce qui est nommé ici primus ri summus perfectionis qradus est appelé perf ection a lise lue a l’art, 2 de la q, ci xxxiv ci perfection simpliciter dans le De caritale. 2° L" perfection des bienheureux, ou perfectio I’ii : ii. "U lie. rOTALIS ium>im. OU PERFECTIO SECUNDUM NATURAM (II 1 II’. (|. XXIV,

a. 8 ; q. xi.iv, a. 1, ad 2um ; q. clxxxiv, a 2 ; /)< car/L, a. W ; De perf. vitte spirit., c. iv ; /// Bp/ !., r/, leç. I : //i /Vi/7., ///, leç. 2). L’amour « le Dieu ne pouvant être parfait dans la créature < -.r parte objecti, ne peut l’être que ex parte diligentis, ut scilicet secundum suant totam oirtutem creatura rationalis diligai Deum. De perf., c. iv. C’est ce que saint Thomas nomme, dans le De caritate, l’amour parfait secundum naturam rationalis creaturse, quando rationalis creatura seeun dum suum passe ad Deum diligemlum coiwcrtitiir. S’autorisant de deux textes de l’Écriture, Deut., vi, 5 el t. ue., x, 27, où l’on déclare que Dieu doit être aimé ex toto corde, ex Iota anima, ex Iota jartitudine et ex omni mente, le coeur se rapportant à l’intention, la mens à la connaissance, l’âme ad affectum et la force ad exeeulioncm, saint Thomas affirme que notre amour de Dieu ne sera parfait secundum naturam que si niliil in lus omnibus nobis desit quin totum aciualiier convertatur in Deum. De perf.. ibid. Ailleurs, il n’énumère pas ainsi toutes les facultés de l’homme qui doivent être actualiter appliquées » Dieu pour que son amour de Dieu soit absolument parfait ; il ne mentionne que le cœur, ou l’affectus, ou l’action : </uod totum cor hominis actualiter semper jeratur in Deum. q. xxiv, a. 8 ; per/eclio quæ uttenditur secundum total ilatem absolutam ex parte diligentis, prout scilicet affectas secundum totum suum passe semper actualiter tendit in Deum, q. clxxxiv, a. 2 ; ut totam uctionem suum référât in Deum actualiter. In Phil., iii, leç. 2. Or, une telle application à Dieu de toutes nos facultés, une’adhésion » toujours actuelle, n’est pas possible pour nous en cette vie ; c’est la condition des bienheureux. Saint Thomas voit cette espèce de perfection secundum totalitatem absolutam ex ]>arle diligentis. mentionnée par saint Paul dans Phil., iii, 12 : non quod jam arceperim. mit jam perfeclus sim, sequor uutem si quo modo comprehendam, et il montre comment est réalisé dans le ciel, d’une manière absolument parfaite, le commandement de l’amour de Dieu ex toto corde, ex tota mente, ex tota anima et ex Iota fortitudine. De perf., c. iv, C’est dans le commentaire sur Eph., vi, leç. 4, que cette perfectio patriæ est qualifiée de perfectio totalis abundantiæ.

3° La perfection de conseil ou de surérugation (fl a -II 16, q. xxiv, a. 8 ; q. xliv, a. 4, ad 3um ; q. clxxxiv, a. 2 ; In Eph., rr, leç. 4 ; In Phil., iii, leç. 2 ; De carit.. a. Il ; De perf., c. vi). — Etsi comprehensorum perfectio non sit nobis possibilis in hac vita, œmulari tamen debemus ut "ïn simililudinem perfectionis illius, quantum possibile est, nos trahamus, et in hoc perfectio luijus vitæ consista, ad quam per consilia invitamur. De perf., c. vi. Nous pouvons donc, nous devons même, selon saint Thomas, nous efforcer d’imiter la perfection des bienheureux, qui consiste, nous le savons, dans une application permanente de toutes nos facultés à Dieu, et cette imitation nous est facilitée par la pratique des conseils évangéliques ; la seule pratique des conseils évangéliques ne constitue pas, mais elle permet de réaliser ce troisième degré ou cette troisième espèce de perfection. Celle-ci consiste en ce que homo sludium suum deputel ad vacandum Deo et rébus divinis, prsetermissis aliis, nisi quantum nécessitas præscntis vitæ requiril, q. xxiv, a. 8 ; en ce que homo. quantum possibile est, se abslrahal a rébus tempuralibus etiam licitis, quæ occupando animum impediunt actualem motum cordis in Deum, q. xi.iv, a. 4, ad 3um ; en ce que, enfin, ab affeclu hominis cxcluditur non solum itlud quod est caritati contrarium. sed eliam omne itlud quod impedit ne affectas mentis totalité/- dirigatur ad Deum. q. clxxxiv, a. 2. Le De carit.. a. 10, nous apprend que impeditur homo in hac vita, ne lotaliter mens ejus in Deum feratur. ex tribus :

primo quidem ci contraria inclinatione mentis, c’est-à-dire par le péché mortel ; secundo per occupationeni stecularium rerum ; tertio vero ex inftrmitale pressentis

vitæ, c’est-à-dire par les nécessités de la vie et ex ipsa corporis gravitate : les conseils évangéliques

viennent nous délivrer du second empêchement et nous permettre de mener la vie contemplative, en quoi consiste précisément noire troisième espèce de perfection.

On peut remarquer des nuances dans la manière dont saint Thomas caractérise ce second empêchement, qui met obstacle à noire vie contemplative : tantôt c’est occupalio stecularium rerum, comme nous venons de le voir, tantôt c’est affeclus temporolium, comme il s’exprime dans le De perfections, c vi : tanto perfectius animus hominis ad Deum diligendum fertur, quanta mugis ab affeclu temporalium revocatur ; le texte de saint Augustin, qui suit cet aphorisme, semblerait indiquer qu’il s’agit d’un affeclus désordonné : venenum caritalis est spes adipiscendarum aut relincndarum temporalium rerum ; augmentum vero ejus cupidilatis diminulio ; perfectio vero nulla cupidilas. Quoi qu’il en soit, que cet attachement aux choses temporelles soit licite ou illicite, il partage le cœur et la vie ; le supprimer, c’est faire plus large la part de Dieu, c’est consacrer tout son cœur et tout son temps à Dieu et aux choses divines : omnia igitur consilia… ad hoc pertinent ut animus hominis ab affeclu rerum temporalium avertatur, ut sic liberius mens tendat in Deum, conlemplando, amando et ejus voluntatem implendo. De perf., c. vi.

A propos de ce troisième genre de perfection, nous voyons apparaître une expression, une distinction, que nous aurons encore plus d’une fois l’occasion de rencontrer : c’est la distinction entre une perfection quæ ipsam speciem caritalis consequitur. ou quæ pertinet ad esse caritalis, et une perfection sine qua caritas esse potest, oi quæ pertinet ad bene esse caritalis ; et cette dernière consiste, dit le De carit.. a. 11. in remotione occupationum sœcularium, quibus affeclus humanns retardatur ne libère progrediatur in Deum. Enfin, cette perfection est aussi dénommée perfection de subrogation, dans le commentaire de Phil.. IH, leç. 2 : alia (perfectio) est supererogalionis. quando quis ultra communem statum inhseret Deo, quod fit removendo cor a temporalibus et sic magis appropinquat ad palriam, quia quanto déficit cupidilas, tanto plus crescit caritas.

Ce dernier membre de phrase, où l’on reconnaît la pensée de saint Augustin, nous laisse entendre que le troisième genre de perfection comporte différents degrés ; ces degrés se mesureront à la grandeur des renoncements que nous nous imposerons pour mieux vaquer à Dieu et aux choses divines, suivant cet autre texte de saint Augustin : Tanto magis inhæretur Deo, quanto minus diligitur bonum proprium. D’où saint Thomas tire cette conclusion : Igitur secundum ordinem propriorum bonorum. quæ homo propler Deum conlemnit, est atlendendus ordo eorum quibus ad perfeclam Dei inhœsionem pervenitur. De perf.. c. viii.

4° La perfection commune, ou d’obligation, dite encore perfectio essentialis ou sufficientie (ll a -II °e, q. xxiv. a. 8 ; q. xiiv, a. 4, ad 2um ; q. clxxxiv, a. 2 ; a. 3, ad 2um et3um ; In III" m Sent., dist. XXIX, q. I, a. 8, qu. 2 ; De carit., a. Il ; In Eph., ri, leç. 4 ; 7n Phil., iii, leç. 2 ; De perfectione, c. v). — La charité est parfaite ex parte diligentis. quando diligit tantum quantum potest ; ce principe, selon saint Thomas, peut recevoir trois applications et légitimer la distinction de trois espèces de perfection : celle des bienheureux, celle qui est de subrogation et enfin celle qui est d’obligation. On aime donc Dieu autant qu’on le peut d’une troisième manière : ita quod habitualiter aliquis totum cor suum ponat in Deo ; ita scilicet quod nihil cogilet, vel velit, quod divinse dilectioni sit contrariuin ; el hsec perfeclio est commuais omnibus caritatem habenlibus. Q. xxiv, a. 8. On pourrait ergoter et se demander si cette perfection, en quelque sorte toute négative, répond vraiment à la définition posée au point de départ : aime-t-on vraiment Dieu autant qu’on le peut, quand on se contente de ne rien penser ni vouloir qui soit contraire à l’amour de Dieu ? Il semble bien que saint Thomas soit quelque peu embarrassé pour trouver là cette » totalité » de l’amour prescrite par le commandement divin. N’y a-t-il pas quelque subtilité à distinguer aliqua lotalilas perfectionis quæ sine peccato pnvtermitli non potest, aliqua autem quæ sine peccato prætermittitur, dum tamen desit contemptus ? Q. clxxxvi, a. 2, ad 2um. Quoi qu’il en soit, c’est un fait : saint Thomas enseigne que la totalité de l’amour peut s’entendre d’une manière pour ainsi dire atténuée, mais qu’ainsi entendue elle constitue encore une espèce de perfection.

Tertia autem est perfectio, quæ neque attenditur secundum totalitatem ex parte dihgibilis, neque secunduni totalitatem ex parte diligentis quantum ad hoc quod semper actu feratur in Deum, sed quantum ad hoc quod excludantur ea quæ répugnant motui dilectionis in Deum ; et hoc dupliciter : uno modo, in quantum ab afîectu hominis excluditur omne illud quod contrariatur carilali, sicut est peccatum mortale ; et sine tali perfectione caritas esse non potest ; unde est de necessitate salutis. Q. clxxxiv, a. 2.

Cette espèce de perfection est dite perfectio sufficientiw, quam habet homo secundum quod luibet quod sibi est necessarium ad salutem ; et saint Thomas la trouve mentionnée dans l’épître de saint Jacques : ut silis perfecti et integri in nulle déficientes. In Eph., vi. leç. I. Elle est aussi appelée perfectio essentialis : Caillas habet per/ectioncm quantum ad esse suum, secundum quod est perfecta in specie sua ; et hsec est perfectio suffleientise, et ad hanc omnes ienentur, sicut ail caritatem ; quia caritas lia bel quanlitalem déterminaient ! citra quant non porrigitur ; et in hoc slal perfectia essentialis ipsius. In //P"" Sent., toc. cit. Cf. De carit., a. Il : et Il’-II’. q. clxxxiv, a. 3, ad 3° ni.

En vérité, si l’on réfléchit à toul ce que comporte cette perfection su/ficienlitc, on ne sera pas trop étonné que saint Thomas la considère comme le plus bas degré de la perfection chrétienne) mais enfin comme un degré déjà appréciable de perfection. Est autem infimiis divins dilectionis gradus ut nihil supra etini. nul contra eum, aut.rqtialiler ci diligatur : a quo qraiiu perfectionis qui déficit, nullo modo implet prse ceptum. Q. a xxxiv, a. -’î. ad 2°’". Ne rien aimer contre Dieu, plus que Dieu, autant que Dieu : n’est-ce pas toul simplement le premier degré d’humilité de saint Ignace ? Ne suppose i il pas que quand on m’offrirait le domaine de l’univers, quand on me menacerai ! de m’ôter la vie, Je ne mettrais pas menu’en délibération la possibilité- de transgresser un commandement « le Dieu OU des hommes qui m’oblige SOUS peine de péché mortel 7 Qu’on lise le chapitre v du

De perfectione et l’on se rendra compte que ce n’est pas

une petite affaire que de réaliseï ce degré d’amoUr de

Dieu qui constitue cette pcrteclin su/fit ientite néees

aire au salut.

/ i degrés supérieurs de la perfection commune (II’il’, q. xxiv, a. I. ad I"" 1 ; q. clxxxiv, a. 2. ad.."" : a. 3, ad 2’"" : in 1 1 P"' Sent., disl XXIX, q. i, a. 8, qu. 2 el 3 ; De perfectione, c. xm-xvi). — "u venons de le voir, la perfection que nous pou vous appeler commune, par opposition à la perfection à laquelle nous avons accès par la voie îles conseils évangéliques, comporte un degré Inférieur d’amour

d( I >ieu qui est de nécessité de salut Ce qui laisse entendre que les autres degrés mle sont pas. Ces

degrés supérieurs de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain ne constitueraient-ils pas une autre espèce de perfection, à laquelle saint Thomas n’a pas donné de nom particulier, mais que nous pourrions appeler la perfection proprement dite, selon la distinction établie par saint Thomas lui-même entre ce qui est de nécessité et ce qui est de perfection ? Cf. supra, col. 1224. Cum id quod cadit sub prsecepto, divers imode possit impleri, non efficitur transgresser prsecepti aliquis ex hoc quod non optimo modo implet, sed suffleil quod quoeumque modo impleat illud ; non est transgressaiprsecepti, qui non attingit ad medios pebfeciionis gradus, tlummodo attingat ad in/imum. Q. clxxxiv, a. 3, ad 2° 1°. L’n commandement peut être accompli de bien des manières, mais celui qui le donne n’entend pas nécessairement qu’il soit accompli de la meilleure manière possible : il y a de la marge laissée à la générosité du bon serviteur. Il y a là tout un domaine qui constitue la perfection de la charité, non plus quantum ad esse suum, mais quantum ad bene esse ; cf. In IIlum Sent., loc. cit., qu. 2 : tout ce qui dépasse cette quanlitalem delerminalam citra quam non porrigitur (caritas) rentre dans ce domaine.

Or, la grandeur de la charité peut être envisagée de deux points de vue différents : secundum intensionem. scilicet ut perfeele diligat ; et secundum objecta vel effeclus, ut perfecta facial, ibid. ; ou mieux : carilali non convenu quantitas dimensiva, sed solum quantiias virtualis, quæ non solum attenditur secundum numerum objectorum, ut scilicet plura vel pauciora diliguniur. sed etiam secundum intensionem aclus, ut mugis rcl minus aliquid diligatur. H a -II*’, q. xxiv, a. 4. ad l uni. En deux mots, la charité peut croître en extension ou en intensité : du moins la charité envers le prochain, car il semble bien que la charité envers Dieu ne puisse croître qu’en intensité. C’est à propos de l’amour du prochain que saint Thomas partage le domaine de la perfection proprement dite, ou perfection quantum ad bene esse, en trois régions, si l’on peut dire : primo quidem secundum extensionem dilectionis. ut scilicet aliquis non solum diligat amicos et notas, sed etiam extraneos. et ulterius inimicos ; secundo secundum intensionem, quæ ostenditur ex his quæ homo propter proximum rontemnit ; tertio quantum ad effectum dilectionis, ui scilicet homo pro proximis impendat non solum temporalia, sed etiam spiritualia, el ulterius seipsum. Q. CLXXXIV, a.’-'. ad i iiT ". La différence*des deux derniers points de vue parait un peu subtile, mais ce n’est pas le lieu de nous y attarder. Dans les trois chapitres XIV, XV et xvi du De perfectione. saint Thomas étudie cet te perfection de l’amour du prochain quæ cadit sub consilio, précisément à ce triple point de vue : set undum extensionem, quantum ad intensionem et quantum atl effectum.

Il est bien évident que cette cinquième espèce de perfection si du moins on peut la distinguer de la troisième en ce qui concerne ramour de Dieu ; le De

perfectione, cf. c. vi et xiii, ne semble connaître d’autre

perfection de conseil, en ce qui concerne Dieu, que la perfection à laquelle OH accède pal la voie des conseils i’angéliquet admet une Infinité de degrés, au moins quant à l’intensité : l’amour peut croître a l’infini. II"-II’. q. xiv. a. 7.

III. La perfection bsi blli possibli ici bas ? (ilII’, q, xi. a. 8 ; q. uv. a. I. ad 2<"" ; a 6 q. ci. xxxi v. a. 2 ; De caritate, a. 10 ; Cont. gent., I. III, C. I xxx : Cont. rrtrahenles. c. vi ; De perfecl., c. i > On devine aisément la réponse que donnera saint I honias a cette question ; elle consistera à distinguer entre perfection et perfecl ion et a conclure qu’lUll

taine espèce n certain degré de perfection est pOS

lible Ici bas. mais non toute espèce de perfection : et que, notre chante étant Susceptible de CTOtl l’infini, la perfection absolue M peut pas exister l>u reste, les différentes espèces de perfections reconnues par saint Thomas l’ont été précisément à l’occasion de cette question sur laquelle il est revenu plusieurs fois. A ce propos, qu’on nous permette de signaler une curiosité assez piquante : dans la Somme théologique, q. xxiv, a. 8, et q. clxxxiv, a. 2, les objections qui précèdent la thèse tendent à prouver que la perfection n’est pas possible ici-bas, les Sed contra eï la thèse sont doue orientés dans le sens de l’affirmative ; dans la q. xi. iv, a. (i, et surtout dans la Quæst. disp. de carilate, a. 10, c’est le contraire : les objections précédent es deviennent des Sed contra et vice versa, et la thèse est orientée dans le sens de la négative ; mais, chose plus curieuse, dans le De caritate, la réponse aux objections est suivie de la réponse aux Sed contra, c’est-à-dire aux raisons apportées en faveur de la thèse !

L’antinomie.

C’est que saint Thomas se trouvait

en présence de textes de l’Écriture et de la tradition qui pouvaient appuyer l’une ou l’autre thèse.

L’Écriture affirme que nul homme ici-bas ne peut éviter le péché : I Joa., i, 8 : Si dixerimus, quoniam peccalum non habemus, ipsi nos seducimus ; Jac, iii, 2 : In mullis ojfendimus omnes ; donc personne ne peut être parfait ici-bas ; c’est la deuxième objection à la thèse affirmative dans la q. xxiv, a. 8, et dans la q. clxxxiv, a. 2 ; c’est, au contraire, la première raison apportée en preuve de la thèse négative dans le De caritate.

Saint Paul oppose quod perfectum est à quod ex parle esl comme ce qui est de l’éternité à ce qui est du temps présent : Cum venerit quod perfectum est, evacuabitur quod ex parle est, I Cor., xiii, 10 ; Non quod jam acceperim, aut jam perfectus sim, Phil., iii, 12 ; et son autorité est invoquée en faveur de la thèse négative dans la q. clxxxiv, a. 2, obj. 1, et dans le De perf., c. iv. — Un texte du De perfeclione justitiæ de saint Augustin revient souvent à la mémoire de saint Thomas lorsqu’il traite de la perfection : In Ma plenitudine caritatis quæ erit in patria, carilalis præceptum illud implebitur : Ditiges Dominum Deum luum ex loto corde luo… Cur ergo non præciperetur homini ista perjectio, quamvis eam in hac vita non habeat ? Non enim recle curritur, si quo currendum est nesciatur. Quomodo autem scirctur si nullis præceptis ostenderetur ? Cf. Cont. retrah., c. vi ; q. clxxxiv, a. 3, corp. et ad 2um ; ce texte a fourni le Sed contra de la thèse négative de la q. xliv, a. 6. Enfin, saint Grégoire est invoqué en faveur de la thèse négative dans la troisième objection de la q. clxxxiv, a. 2 : ut Gregorius dicit super Ezech., nom. xiv : Amoris ignis qui hic ardere inchoal, cum ipsum quem amat viderit, amplius in amore ipsius ignescit. — Outre ces autorités, les principales raisons invoquées en faveur de la thèse négative se ramènent à deux : d’abord la perfectibilité indéfinie de la charité, q. xxiv, a. 8, obj. 3, et De carit., a. 10, troisième Sed contra ; ensuite, la proportion inévitable de notre amour à notre connaissance, proportion affirmée par saint Augustin, et le caractère évidemment fragmentaire de notre connaissance actuelle de Dieu ; cf. De carit., second Sed contra.

En faveur de la thèse affirmative, on pouvait apporter les textes de l’Écriture qui semblent faire de la perfection un devoir, soit VEstole perjecti de l’Évangile, q. clxxxiv, a. 2, Sed contra, soit le Diliges Dominum Deum tuum ex toto corde tuo du Dcut., q. xliv, a. 6, obj. l, et De carit, a. 10, obj. 1 ; la perfection est obligatoire, donc elle est possible, car Dieu ne commande pas l’impossible. Et saint Augustin, dans le texte célèbre, où il énumère les étapes de la croissance de la charité, ne reconnaît-il pas qu’elle peut arriver à la perfection : cum fuerit roborcila, per/icitur ; cum autan ad perjectionem venerit, dicit : Cupio dissolvi et esse cum

Christo ? Cf. q. xxi. a. 8. Sed contra. - En dehors de ces autorités, l<- De caritate apporte, en faveur de l’affirmative, des raisons qui témoignent, en saint Thomas, d’un bel optimisme et qui permettraient facilement de kranger parmi les précurseurs de l’humanisme dévot » : Ciirilas in hac vita potest resislere omni peccato et tentalioni (obj. 1) : Yoluntas est domina sut actus, sed diligere Deum est actus voluntatis, ergo volunlas humana potest totaliler et perfecle jerri in Deum (obj. 0) ; la bonté divine, objet de la charité, est ce qu’il y a de plus délectable ; il ne paraît donc pas difficile de s’y attacher continue et sine inlermissione (obj. 7). Enfin, d’autres raisons sont prises de considérations plus abstraites : afjectus noster in hac vita immédiate fertur in Deum per dileclionem ; sed quando intellectus immédiate feretur in Deum, perfecle et totaliler ipsum cognoseemus ; ergo nunc perfecle et totaliler Deum diligimus (obj. ï>) ; ce qui est simple et indivisible, si ediquo modo habetur, totum habetur : or l’amour de charité est simple et indivisible ; donc… (obj. 8).

La thèse négative.

La solution de l’antinomie

doit être cherchée dans la distinction de plusieurs espèces de perfection, spécialement dans ce que saint Thomas appelle une perfection secundum naturam et une perfection secundum tempus. Perfectum secundum naturam dicitur cui non deesl aliquid corum quæ nota sunt haberi a natura Ma, c’est-à-dire quand un être possède tout ce que sa nature lui permet de posséder : l’intelligence de l’homme sera parfaite de cette manière, quand elle connaîtra tout ce qu’une intelligence humaine est capable de connaître. Perfectum secundum tempus dicitur quando nihil deesl alicui eorum quæ nalum est habere secundum tempus illud : sicut dicimus puerum perfectum quia habet ea quæ requiruntur ad hominem secundum œtatem Mam. Or, la charité, en quoi consiste la perfection de la vie chrétienne, pour être parfaite secundum naturam ralionalis creaturse, exigerait que l’homme aimât Dieu secundum suum posse, c’est-à-dire dans toute la mesure où un cœur humain est capable d’aimer Dieu. Cette formule du De caritate va se préciser dans la II a -IIæ : l’homme aime Dieu autant qu’il le peut, quand tout son cœur se porte toujours vers Dieu non seulement habilualiter, mais actualiter, q. xxiv, a. 8 ; quand il est, peut-on dire, toujours et tout entier en acte d’amour de Dieu.

— Or, c’est là une chose impossible dans la vie présente, in qua impossibile est, propter humanavitæ infirmitedem, semper actu cogitare de Deo, et moveri dilectione ad ipsum, ibid. Le De caritate décrit cette infirmité de la vie présente, qui ne nous permet pas de penser toujours à Dieu et de l’aimer toujours actualiter : ce sont les nécessités de la vie : le dormir, le j manger, et alia hujusmodi, sine quibus vila duci non potest ; et ulterius ex ipsa corporis gravilale anima deprimitur, ne divinam lucem in sua essentia videre possil. ut ex tali visione caritas perficiatur ; par cette dernière proposition, on voit que saint Thomas fait rentrer la perfection de la charité produite par la vision intuitive dans le domaine de la perfection de l’homme secundum naturam ralionalis creaturse.

Le Cont. gent., t. III, c. cxxx, contient aussi une description des impedimenta quibus (homo in hac vila) retrahitur, ne totaliler possil in Deum jerri ; ces impedimenta proviennent soif du corps, cujus suslentalioni et quieti curam impendere oportet, soit des facultés inférieures de l’âme : nom commolioncs phantasmatum et perturbaliones passionum perturbant quiclem mentis, quæ est necessaria ad hoc quod mens libère feratur in Deum. El hxc quidem impedimenta totaliler ab homiue tolli non possunt quamdiu in mortali corpore vivit : oportet enim quod ad ea quæ sunt necessaria mortali vita intendaî ; per quod impeditur ne actu in Deum semper tendere possil. Si l’on ajoute à ces impedimenta cet te autre faiblesse de la nature humaine, affirmée par l’Écriture, qu’elle ne peut pas, en cette vie, éviter tout péché, et cette autre vérité que notre charité in hac vila semper potest profleere, De carit., a. 10, troisième Sed contra, on verra que la perfection que l’homme peut atteindre ici-bas est une perfection relative et non une perfection absolue, la perfection simpliciler, cf. q. xxiv, a. 8, ad 3um et q. clxxxiv, a. 2, ad 2um, et que, par conséquent, à condition de la bien entendre, la thèse négative peut se soutenir.

Mais alors que va-t-on répondre aux arguments de la thèse affirmative ? — 1. Tu dois, donc tu peux ; la perfection est obligatoire de par le commandement divin, donc elle est possible. Saint Thomas se débarrasse lestement de cette objection dans la q. xlix, a. G, ad lum : ratio illa probat quod aliquo modo (prœceptum de dilectione Dei) potest impleri in via, licet non perfecte. La réponse du De caritate, ad l nm, est plus subtile et introduit une distinction sur laquelle nous reviendrons quand nous traiterons de l’obligation d’être parfait : hoc quod dicitur : Diliges Dominum Deum luum ex loto corde luo, intelliyitur esse præceptum secundum quod iotalitas excludit omne illud quod impedil perfeclam Dei inhœsionem ; et hoc non est præceptum, sed finis præcepli ; indicatur enim nobis per hoc non quid faciendum sit, sed potius quo tendendum sit, ut dicit Augustinus. Le texte de saint Augustin visé ici est celui du De perfections justitiæ, cité ci-dessus col. 1231.

2. Caritas in hac vila potest resislcre omni peccato et lenlationi ; ergo caritas in hac vila potest esse perjccla. De carit., obj. 4. Que la charité puisse résister à la tentation de telle sorte que l’homme ne puisse être entraîné par elle au péché mortel, saint Thomas le concède ; mais il conteste qu’il soit au pouvoir de l’homme quod nullo modo lentalione afjiciutur : hoc enim pertinet ad perjectionem patriæ.

3. Voluntas est domina sui aelus ; ergo volunlas humana potest tolaliter et perfecte ferri in Deum, obj. 6. Oui, la volonté est maîtresse de son acte, répond saint Thomas, mais seulement quantum ad hoc quod agat, non quantum ad hoc quod continue in uno actu persévère ! , cum conditio hujus vitse requirat ut actus et volunlas ferantur ad multa.

I. La bonté divine, objet de la charité, est ce qu’il y a de plus délectable : il ne paraît donc pas qu’il soit difficile de s’y attacher continue et sine inlcrmissionc, obj. 7. C’est vrai, répond saint Thomas, si l’on ne tient compte que de l’objet, mais il faut aussi tenir compte du sujet : à ce point de vue in hac vila non potest esse lotis deleclalio continua, quia contemplatio mentis humanse non est sine aclione viriulis Imaginatives et aliarum virium corporalium, quas necesse est laxari diuturnitate actionis propter corporis infirmitatem, unde impeditur delectatio, Voila bien ici. pour le dire en passant, la perfection chrétienne identifiée i la contemplation, s ; ms que l’on distingue d’ailleurs entre contemplation active et passive, acquise cl infuse.

."). I.a cinquième objection parlait de ce principe que affectas noster in hac viia immédiate fertur in Deum per dilectionem et qu’une faculté, qui atteint immédiatement son objet, l’atteint parfaitement et totalement. Dans sa répense, saint Thomas ne résout pas directe ment cette objection : il se contente de redire qu’il n’est pas possible in Cette Nie lll ahsqur lliliTlllissiolir

affectus aclualiter feratur in Deum.

6. la huitième objection, qui partait de l’indivis ! bilité de la charité pour conclure que l’on ne pouvait l’avoir aliquo modo sans l’avoir tout entière, saint Thomas répond que ce qui est simple et indivisible admet cependant une mesure. îles degrés, non secundum augmentum quantitalis, sed secundum (ntenstonem qualitatii

3° La thèse affirmative. La thèse négative paraît avoir les préférences de saint Thomas ; il ne nous dit pas quels adversaires il combat, mais il semble viser des tendances analogues à celles des futurs quiétistes, tant il insiste sur l’impossibilité d’une contemplation ininterrompue, continue et sine inlcrmissionc. Et pourtant, comme nous l’avons dit, c’est bien par l’affirmative qu’il répond à la question : Utrum aliquis in hac vila possit esse perfectus, dans la IIa-IIæ, q. clxxxiv, a. 2, qui représente sans doute la dernière étape de sa pensée à ce sujet. D’ailleurs, dans le De caritate, il accordait déjà que l’homme peut ici-bas écarter les deux premiers impedimenta qui l’empêcheraient ne tolaliter mens cjus in Deum feratur : à savoir le péché mortel et le souci des affaires du monde, occupatio ssecuiarium rerum ; et qu’il pouvait ainsi réaliser deux espèces ou degrés de perfection, la perfection commune, qui est d’obligation, et la perfection de subrogation ou la vie contemplative, qui est une imitation de la perfection des bienheureux ; et, nous l’avons dit aussi, après avoir réfuté les arguments de la thèse affirmative qu’il combattait dans cet article 10, il s’appliquait à répondre aux arguments apportés à l’appui de la thèse négative, c’est-à-dire de la thèse même qu’il venait de soutenir dans le corps de l’article et dans la réfutation des objections. Sans doute, ou éprouve quelque répugnance à désigner encore par ce terme de perfection des états ou des degrés de vie spirituelle qui ne sont pas la perfection simpliciler, mais l’Écriture elle-même ne le fait-elle pas’? à quelques lignes d’intervalle, saint Paul ne nie-t-il pas qu’il soit parfait et ne se range-t-il pas cependant au nombre des parfaits ? Phil., ni, 12-15 : non quod jam perjectus sim… ; quicumque ergo perjeeti sumus, hoc senliamus. Cf. q. xxiv, a. 8, ad lum : d’une part, l’Apôtre negat de se perfectionem patriæ, mais, d’autre part, il se reconnaît comme un perjectus viator. Oui, il y a des parfaits en ce monde, d’une perfection relative, c’est entendu, mais néanmoins d’une véritable perfection : ils aiment Dieu autant qu’ils le peuvent, étant données les conditions imparfaites et les imperfections inévitables de la vie présente ; ils ne réalisent pas la perfection secundum niduram ralionalis créatures, mais secundum tempus. Le précepte de l’amour de Dieu plene et perfecte in patria implebitur ; in via autem impletur imperfecte ; et tamen in via tanto unus alio perfeclius implet, quanta magis acccdil per quamdam similitudinem ad patriæ perfectionem. Q. XLIX, a. 6.

On objecte : 1. Que perfectio caritatis requiril quod homo sit omnino absque peccato, ce qui est impossible dans la vie présente. De carit.. a. 10, premier Sed contra. Saint Thomas répond que l’homme peut éviter le péché mortel ; quanl nu péché véniel, non répugnai perfectioni vise, sed perfectioni patriæ, parce que le péché véniel non tollit habitum caritatis, sed impedit actum cjus ; or, la différence entre la perfection de la terre et celle du ciel est précisément quc celle-ci consiste d ; ins un amour de Dieu toujours en acte, tandis tpie celle la consiste dans une disposition habituelle d’amour : <///< » / habilualiter ali<juis lolum cor suuin ponat in Deo. Q. xxiv. a. s.

2. Que l’amour est proportionné à la connaissance ; or. notre connaissance actuelle de Dieu est imparfaite, donc notre amour actuel de Dieu ne peut être parfait, Dr carit.. second Sed contra. Saint Tbomas répond très subtilement que, en elle t. la perfection de noire amour de 1)ieu en cet te vie est proport ionnec a nol rc connaissance de Dieu : ici bas. notre connaissance de Dieu est surtout négative, nous saxons ce qu’il n’est pas plutôt que ce qu’il est ; de même la perfection de notre amour : elle est en quelque sorte négative et consiste i n ce que nunquam in contrariant ejus feratur mens. plutôt qu’en ce que tempei actu in ipsum feramur.

3. Que ce <iui est susceptible d’accroissement > indé linis ne peut être appelé parfait, ce qui veut dire achevé, terminé, à quoi l’on ne peut rien ajouter ; or, telle est notre charité ici bas, De carit., troisième Sed contra. Saint Thomas concède que la perfection à laquelle nous pouvons al teindre ici-bas n’est pas la perfection simpliciter, la perfection absolue, qui n’appartient qu’à Dieu ; ni la perfection secundum humanam naturam, qui ne sera réalisée qu’au ciel ; c’est une perfection secundum tempus, c’est-à-dire essentiellement progressive : ea vero quæ sic. perfecta sunt, hubent quo crescant, ut de pueris palet ; et ideo caritas in hue vil<i semper habet quo crescat.

On trouvera dans la Vie spirituelle, I. i, p. 3112-320, p. 409-417, et t. ii, p. 00-58, une étude de dom B..Maréchaux sur La construction ascétique de saint Augustin, où l’on montre quelle est, d’après saint Augustin, le principal guide de saint Thomas en cette question, « la perfection réalisable dans la vie présente ».

IV. La perfection est-elle obligatoire ? — Faut-il distinguer entre tendre à la perfection et la posséder ? Saint Thomas le fait dans son commentaire de III Sent., dist. XXIX, q. i, a. 8, sol. 2, quoique, dans la première objection de la qu. 2, à laquelle correspond précisément cette solutio 2, il semble bien n’y mettre aucune différence. La question à résoudre était celle-ci : Utrum omnes teneantur ad caritatem perfectam ? sa réponse sera négative ; or, à sa thèse négative, il oppose l’axiome de saint Bernard : ne pas avancer, c’est reculer ; donc, conclut-il, omnes tenentur ad perfectionem caritutis tendere. Que peut bien être, en effet, l’obligation de tendre à la perfection, sinon l’obligation de dépasser la limite du devoir strict, l’obligation de progresser dans la perfection, l’obligation de se rapprocher de plus en plus de la perfection absolue, qu’on ne peut d’ailleurs jamais atteindre en cette vie ? En outre, l’obligation de tendre à la perfection se distingue-t-elle de l’obligation d’aimer Dieu autant qu’on le peut, de l’obligation d’accomplir toujours le plus parfait, quand ce plus parfait est en notre pouvoir ? Dans la quatrième et dernière des objections de la qu. 2 qui nous occupe, saint Thomas formule à peu près en ces termes la thèse opposée à sa thèse négative : Ergo quilibet débet pro Deo fæere totum quod potest. Potest autem ad opéra perfection is se extendere. Ergo tenetur ad illa. Il semblerait donc que, pour saint Thomas, être tenu à la perfection, être tenu de tendre à la perfection et être tenu d’accomplir toujours le plus parfait, soient des expressions à peu près synonymes. Enfin, la question de l’obligation d’être parfait a besoin d’être encore précisée selon qu’il s’agit de l’ensemble des chrétiens : Utrum omnes…, ou de la catégorie spéciale des s parfaits », ou de ceux qui ont embrassé l’état de perfection.

1° Tout le monde est-il obligé d’être parlait ? — 1. Le pour et le contre. — L’article 1 1 du De caritate qui porte ce titre ( Utrum omnes teneantur ad perfectam caritatem) ne comprend pas moins de douze videtur quod sic, de douze arguments qui permettraient de prouver la thèse affirmative. Signalons les principaux :

a) Le plus important de tous, celui contre lequel saint Thomas déploiera tant d’ingéniosité, se tire du précepte de l’amour de Dieu, tel qu’il est formulé par l’Ecriture : Diliges Dominum Deum luum ex loto corde. A plusieurs reprises, saint Thomas avouera que, en ce qui concerne l’amour de Dieu tout au moins, il n’y a pas à distinguer la zone de l’obligatoire au delà de laquelle s’étendrait la zone du surérogatoire : Sic igitur præceplum ilileclionis Dei… nullis lerminis coarctatur, ut possil dici quod lanla dileclio Dei codât sub præeepto, major autem dileclio limites præcepti excédais sub consilio cadat ; sed unieuique prweipitur ut

Deum diligat quantum potest, quod ex ipsa forma prie cepti apparet. Contra retrait.. c. vi…i IIa-IIæ, q. clxxxiv, a. 3. assimile à ce point de vue le précepte de l’amour du prochain a celui de l’amour de Dieu.

/< i La perfection consiste à rapporter à Dieu tout ce qu’on lait non seulement habitualiter, mais àctualiter ; or. saint Paul nous eu tait une obligation, I Cor., x..’il : Sive manducatis…. omiiia in gloriam Dei facite. I)e carit.. obj. 2 et 3.

c) Les perfectionnements apportés à la Loi ancienne par l’Évangile s’imposent au chrétien de necessilaie saluiis ; or, ces perfectionnements étendent l’obligation jusqu’au domaine de la perfection : pnvdicta adimpletio ait perfectionem pertinet ; et c’est pourquoi Jésus termine sa réforme de la Loi par cette sentence : Estote perfecti, sicut l’aler vester cœleslis per/eclus est. De carit., obi. I.

dj C’est être parfait, selon saint Augustin, que d’être prêt à mourir pour ses frères ; mais à cela nous sommes tenus, selon 1 Joa., iii, 16 : Et nos debemus pro fralribus animas ponere. De carit., obj. 9 ; In ///um Sent., loc. cit., obj. 2.

e) C’est être parfait que d’aimer Dieu autant qu’on le peut : perfectio caritatis in hoc consislit ut aliquis facial pro Deo quod potest, quia nullus facit ultra passe ; mais à cela nous sommes tenus par la justice ; car, selon Aristote. Deo et parenlibus non possumus reddere œquivalens, sed sufficit ut quilibet eis reddat quod potest. De carit., obj. Il ; In III am Sent., obj. 4. A l’appui de cette exigence, on peut encore invoquer le texte de l’Eccl., ix. 10 : Quodcumque fæere potest munus tua, inslanler operare. Cf. q. ci.xxxyi, a. 2, ad 2um.

f) Mourir pour le Christ est une œuvre de charité parfaite ; mais mourir pour le Christ est obligatoire en certaines circonstances. Donc. In 1 1 Ium Sent., obj. 3.

g) Xe pas avancer dans la vie spirituelle, c’est reculer, dit saint Bernard, ce qui signifie sans doute pécher. Donc, il y a pour tous obligation d’avancer, de progresser. Mais progresser, c’est tendre vers la perfection. Ergo omnes tenentur ad perfectionem caritatis tendere. Ibid., obj. 1.

De quelles autorités, de quels arguments, saint Thomas va-t-il pouvoir étayer sa thèse négative ?

a) Le Sed contra du De caritede n’aurait sans doute pas contenté saint Augustin : Xullus tenetur ad id quod non est in ipso ; sed habere perfectam caritatem non est a nobis, sed a Deo ; non ergo potest esse in præeepto.

b) Celui du commentaire In IIIum Sent, ne satisferait pas nos contemporains, qui demanderaient à distinguer entre péché mortel et péché véniel : Quilibet peccat omittens id ad quod tenetur ; si ergo omnes tenentur ad perfectam caritatem, omnes imper/ecti damnarentur ; quod jalsum est. Quelle que soit la valeur de l’argument, une chose est certaine à priori pour saint Thomas, c’est qu’on n’est pas damné pour n’être pas parfait ; la perfection n’est pas de necessitale salutis. C’est sans doute tout ce qu’il prétend prouver, en sorte que sa question aurait eu besoin d’être précisée par l’addition : sub peccato mortali ou de necessilate saluiis. S’il en était ainsi, il paraîtrait difficile d’invoquer l’autorité de saint Thomas dans la controverse récente : « péché véniel ou imperfection ? »

c) Pour imposer l’obligation d’être parfait, on invoquait la teneur du précepte de l’amour de Dieu, la forma priecepti ; or, en maintes circonstances, le Christ. ex ipso modo loquendi. a bien montré que ce qui est matière de perfection n’est pas imposé, mais laissé à notre bonne volonté : Unde ex ipso modo loquendi apparet lurc (il s’agit de l’odium et abnegatio sui ipsius) a Domino proposila esse quasi ad perfectionem pertineant (et, par définition, ce qui est matière de perfection s’oppose à ce qui est matière de précepte). Sicut enim dicil : Si vis perfectus esse … » non necessitalem imponens, sed voluntati relinquens ; Ua dicit : Si quis vult post me venire … » quod Chrusostomus exponit, dicens : « non coactivum facit sermonem, non cnim dicit : Si nolueritis, oportet ha>c vos pati. » De perfectionne, x.

2. La thèse négative.

Elle s’établit par la distinction de deux sortes de perfection : celle quæ ipsam speciem caritatis consequitur, ulpote qu.se. consista in remotione cujuslibet inclinationis in contrarium caritatis, et celle-là est obligatoire, puisque, sans elle, la charité ne peut exister ; et celle sine qua caritas esse potest, quapertinet ad bene esse caritatis. quæ scilicet consistit in remotione occupationum sarularium quibus afjectus humanus relardatur ne libère progrediatur in Deum, et celle-ci n’est pas obligatoire, cum quælibet caritas sufficiat ad salutem. De carit., a. 11. Par cette réponse, on voit que saint Thomas se place toujours au point de vue d’une obligation sub gravi, d’une obligation dont l’inobservance entraînerait la perte du salut.

La réponse du commentaire In IIl am Sent., loc. cit., sol. 2, substantiellement la même, est cependant plus nuancée. Outre la distinction d’une perfection quæ pertinet ad esse caritatis et d’une autre qux pertinet ad bene esse caritatis, saint Thomas signale encore un double accroissement de la charité, une double perfection de la charité : una secundum intensionem, scilicet ut perfecte diligat ; alia secundum objecta vel effectua, ut perfecta facial. Or, à l’un et l’autre de ces points de vue, il y a un minimum de perfection nécessaire au salut, qui constitue la perfection quæ pertinet ad esse caritatis : quia caritas habet quanlitatem delerminatam ulroque modo, citra quam non porrigitur. Il semblerait s’ensuivre que tout ce qui dépasse ce niveau, soit en intensité, soit en extension, serait facultatif, puisqu’il est du domaine de la perfection quæ pertinet ad bene esse caritatis ; cependant, saint Thomas n’est pas tout à fait de cet avis : pour ce qui est de la perfection quantum ad bene esse, dit-il. distinguendum est ; quia ad perfeclionem quæ est per intensionem tenetur tenderc, quamvis non leneatur eam habere ; sed ad perfeclionem qua est secundum objecta non tenetur quis neque lendere, neque eam habere. sed tenetur eam non eontemnere, nec contra eam se obfirmare. El la raison de cette distinction, ajoute-t-il, c’est que præmium essentiale ud quod tendere tenemur. mensuratur secundum intensionem caritatis, non secundum magniludinem factorum, quia Drus mugis pensai ex quanto quam quantum fiai. Nous reviendrons plus loin sur l’obligation de ne pas mépriser la perfection quæ est secundum objecta et de ne pas se raidir contre elle ; quant à ce qui concerne l’obligation de tendre à la perfection quæ est fier intensionem, mais non de la posséder, nous

croyons qu’il faut l’entendre comme saint Thomas entend l’obligation d’aimer Dieu de toul son cœur ; ce précepte, en cltet, selon saint Augustin, nous indiquerait plutôl quo tendendum sit que quid fæiendum sil. De carit., a. 10, ad 1°’».

Il semble inutile d’insister : qui dit perfection dit nécessairement chose non obligatoire ; perfection obligatoire sérail une contradiction dans les termes. Ko quæ sunt perfectionis non codant sub prsecepto, sed sub consilio. 1I*-II », q. xliv, a. I, obj. 3. Seulement répétons que, pour saint Thomas, perfection s’oppose a obligation grave ci non a obligation légère, si bien qu’il a pu écrire cette proposition, qui paraît bien renfermer aussi une contradiction : les parfaits ne sont

pas obligés d’exiler les péehés véniels ! l’er/eclionis

rsl Itngua non offendere et peccata ventala vitan

hoc nullua /ai ii, eliam apostolif ci go petfecti non obli gantur ad i a quæ stinl pir/ri lioms. In IN""’Sent., loc.

cit.. qu..’î. deuxième Sed contra.

3. La réponse aux argumenta de la thèse affirmative

a) Le précepte de l’amour de Dieu ne nous obll| i I U i aimei Dieu autant que nous le pouvons et, par

conséquent, à être parfaits ? Certes, il paraît difficile d’échapper à cette conclusion, et pourtant saint Thomas va s’y efforcer, et ce de diverses manières. La plus célèbre, celle qui consiste à déclarer que la charité doit être envisagée comme fin et non comme matière de précepte, lui a été fournie par saint Augustin, dans le fameux texte du De perfectione justitiæ, auquel saint Thomas se réfère si souvent : indicatur enim nobis per hoc non quid fæiendum sil. sed potius quo tendendum sit, ut dicit Augustinus. De carit., a. 10, ad l 1’» 1. Cf. ci-dessus, col. 1233. Le texte de I Tim., i, 5 : Finis pnvcepti caritas est, est aussi invoqué à l’appui de cette théorie. Q. ci.xxxiv, a. 3. Si l’amour de Dieu est la fin vers laquelle il nous faut tendre et non seulement un moyen d’atteindre notre fin, on comprend, dit saint Thomas, que le précepte de l’amour de Dieu soit exprimé en des termes aussi absolus, aussi généraux : in fine non adhibetur aliqua mensura, sed solum in his qua’sunt ad finem, sicut medicus non adhibet mensuram quantum sanat, sed quanta medieina vel diseta utatur ad sanandum ; ibid. (cf. Contra rclrah., c. vi) : et c’est pourquoi totalitas quædam fuit drsignanda circa prieceptum de diteclione Dei. IIa-IIæ, q. xiiv, a. 4. Donc, si le précepte de l’amour de Dieu est formulé d’une manière aussi absolue, c’est parce qu’il indique non quid fæiendum sit, sed potius quo tendendum sit.

Si le précepte concerne la fui vers laquelle il nous faut tendre et non les divers moyens à prendre pour atteindre cette fin, il s’ensuit que celui qui n’atteint pas la fin, mais qui ne s’en détourne pas, n’enfreint pas le précepte, quoiqu’il ne l’accomplisse pas parfaitement. Perfecte quidem impletur prseceptum, quando pervenitur ad finem quem intendit prsecipiens ; impletur autem sed imperfeete, quando, etsi non pertingat ad finem prsectpienlis. non Ionien receditur ab online ad finem. Q. XLIV, a. (i. Sicut miles, qui légitime pugnat, Itcet non

vincat, non inde culpatur, nec pœnam meretur, ita eliam qui in via hoc priveeplum non implel. nihil contra divinam dilectionem a gens, non peccat mortaliter. Ibid., ad 2’"". Ainsi, ce précepte de l’amour de Dieu, si formel, si absolu, se ramène à une altitude toute négative : ne rien faire qui soit contraire à la charité ; donc ne rien aimer contre Dieu, plus que Dieu, autant que Dieu. On remarquera le non peccat mortaliter qui marque bien la position de saint Thomas relativement à l’obligation d’être parfait.

Une autre manière de restreindre à un minimum l’obligation qui naît du précepte de L’amour de Dieu nous est fournie par lad 2° m de l’a. 3 de la q. CLXXXIV ; somme tonte, elle repose sur un principe de théologie morale, dont saint’Thomas refuse ailleurs, q. xi.iv. a. I. ad I » " 1. de faire l’application au précepte de la charité, à savoir que modus virluosi actus non est in præcepto. Voici le raisonnement : cum id </uo, l cadil sub prsecepto diversimode posait impleri, non effleitur transgressor prseeeptt aliquts ex hoc quod non opiimo modo implel. sed mfflcit quoti quoeumque modo impleat illud ; perfectio autem divine dilectionis untversaliter quidem cadil sub prsecepto, sed transgressionem prsecepti eoadit qui quoeumque moilo perfeclionem divinse dilectionis atttngit : est aillent infimus diviniv dilectionis gradua ut nihil supra eum. aul contra eum. oui sequaliler ci diligatur ; ne pas al teindre ce degré, c’esl transgresser le précepte, mais ne pas atteindre Us degrés supérieurs n’est pas transgresser le précepte. Au moins totaliter, est il dit au c. VI du Contra relralicnles. ou nous retrouvons à peu près le même enseignement : /" autem

rOTALITBB ab idiservanlia hujns prsxeptl déficit qui

Deum in suo ouiore non omnibus prsefert ; qm vero Ipsum prsefert omnibus ut ulltmum fuient, implel quidem prêt ceptum vel perfectiua vel minus perfecte tecundum quod magta vel minus dellnetur altarum rerum amore, Il semble bien que cet accomplissement, plus ou moins parfait, ou plutôt plus ou moins imparfait, d’un précepte sous lequel tombe, saint Thomas l’avoue, perfectio divinæ dilectionis universaliter, en soit plutôt une transgression plus ou moins considérable, transgression qui ne sera pas totale, qui ne constituera pas un péché mortel, mais transgression partielle, qui constituera un péché véniel. Saint Thomas le dit équivalemment dans le non peccal mortaliter que nous avons relevé tout à l’heure.

Enfin, il est une troisième façon de limiter [’obligation qui résulte du précepte d’aimer Dieu de tout son cœur, c’est de reconnaître que cette totalité » de l’amour, qui est prescrite, peut s’entendre de plusieurs manières : quodammodo lotaliter diligitw Deus ab homine in hac vila, in quantum nihil est in affecta ejus contrarium dilectioni diuinæ. De carit., a. 10, ad ôum. Il y aurait ainsi plusieurs sortes d’amour total, plusieurs « totalités » de l’amour ; une seule d’entre elles serait obligatoire sub gravi : Diligcre Deum ex toto corde tenentur omnes ; est lumen aliquu totalitas perfectionis, quie sine peccato (mortali) præte.rmitti non potest, aliqua autem, qu ; r sine peccato (mortali) prxlcrmitlitur, dum tamen desit contemptus. Q. clxxxvi, a. 2, ad 2° m.

b) L’obligation dont parle saint Paul, de rapporter à Dieu tous ses actes, ne peut s’entendre d’une référence toujours actuelle, parce que cela est impossible en cette vie. De carit., a. 11, ad 2um. Il faut l’entendre d’une référence « virtuelle », ce qui n’est pas autre chose que habere Deum ullimum finem ; une référence simplement « habituelle » ne suffirait pas. Ibid., ad 3, lm. Cf. I*-U*, q. i.xxxviii, a. 1, ad 2um.

c) Le mot de l’Évangile Estote per/ceti paraît se rapporter à l’amour des ennemis, où il faut distinguer ce qui est de necessitale preecepti et ce qui est de perfectione consilii. De carit., ad 4um. C’est bien vite dit. Qu’il y ait des degrés de perfection dans l’amour du prochain comme dans l’amour de Dieu ; qu’on y puisse aussi distinguer un degré au-dessous duquel on ne puisse descendre sans enfreindre « totalement », comme dirait saint Thomas, le précepte de l’amour du prochain, et des degrés supérieurs qui marquent un accomplissement plus ou moins parfait, ou plus ou moins imparfait, du précepte général, aussi absolu et aussi total, à sa manière, que le précepte de l’amour de Dieu, tout le monde peut l’admettre. Mais que ces degrés supérieurs constituent des degrés de perfection non obligatoire, c’est ce qui, certainement, ne ressort pas de l’Estote perfecti de l’Évangile, qui paraît bien, au contraire, faire rentrer dans le domaine de l’obligation ce qui est précisément perfection par rapport au minimum requis pour que le précepte soit rempli « d’une certaine manière », d’une manière imparfaite. Mais nous ne pouvons nous attarder et rechercher par quels moyens saint Thomas se tirera de cette difficulté. Cf. De perfect., c. xiv ; De carit., a. 8 ; IIa-IIæ, q. xxv, a. 8-9. La solution paraît lui avoir été donnée par saint Augustin et consister à reconnaître, ici encore, que VEstote perfecti indique plutôt quo lendendum sit que quid faciendum sil ; saint Augustin dit, en effet, dans VEnchiridion, que : isla (à savoir aimer ses ennemis, faire du bien à ceux qui vous haïssent) sunt per/ectorum filiorum Dci, ad quæ quidem se débet omnis fidelis extenderc, et humanum animum ad hune affectum orando Deum secumque luctando perducere ; tamen hoc lam magnum bonum tantæ multitudinis non est, quam tamen credimus exaudiri cum in oratione dicimus : Dimitte nobis… Cité De perfect., c. xiv. Saint Thomas respecte l’interprétation traditionnelle de l’Évangile, qui distingue dans le précepte de l’amour du prochain, comme dans celui de l’amour de Dieu, ce qui est de necessitale prsecepli et de per/ectione consilii, ce qui est d’obligation sub gravi et ce qui ne l’est pas.

d) La quatrième autorité invoquée par les partisans

de la thèse affirmative était le texte de saint Jean : L’/ nos debemus pro fratribus animas ponere, qui paraît bien nous obliger a ce que tout le monde qualifiera de perfection de la charité : Majorent caritatem… Saint Thomas se déballasse de cette objection en posant en principe ce qui est précisément en question, à savoir que perfection « et obligation » sont des termes qui s’opposent, que, par conséquent, si un acte de charité parfaite devient obligatoire, il sort du domaine de la perfection ». Cum scimus fratrem posse liberari per mortem corporis a morte animæ sine periculo animæ nostræ, tune tradere animant [ira fratribus non est perfectionis set/ necessitalis ; alias autem est perfectionis. In ///u » > Sent., loc. cit., ad 2um ; cf. De carif., a. ii, ad9 nm. Saint Thomas ne commet-il pas ici, salua reverentia. une pétition de principe ? Mais les adversaires de la thèse négative, ceux qui prétendent que nous sommes tenus d’être parfaits, n’entendent-ils pas, eux aussi. par perfection ce qui n’est pas strictement obligatoire ? Autrement la question n’aurait pas de sens ; mais, ainsi posée, ne renferme-t-elle pas une contradiction ? n’est-il pas absurde de se demander si l’on est obligé de faire ce qui n’est pas obligatoire ? La question paraît donc mal posée : il ne faudrait pas demander si l’on est tenu d’accomplir ce qui ne serait que de conseil et non de précepte, mais si l’on ne serait pas tenu d’accomplir tout le bien qu’on peut, s’il ne faudrait pas abandonner la distinction d’un bien obligatoire et d’un bien facultatif, s’il ne faudrait pas prendre à la lettre les préceptes généraux de l’Écriture ; il n’y aurait de facultatif, dans la morale chrétienne, que ce qui, manifestement, nous est proposé comme tel, la pauvreté volontaire et la continence, les conseils » proprement évangéliques ; tout le reste serait matière d’obligation, grave ou légère, suivant les cas. L’objection suivante pose précisément la question de cette manière.

e) Saint Thomas reconnaît que sicut diligcre Deum ex toto corde tenentur omnes, ita etiam omnes tam religiosi quam sœculares tenentur aliqualiter facere quidquid boni possinl : omnibus enim communiter dicitur : « Quodcumque facere potest manus tua, instanter operare. » Ila-IPe, q. clxxxvi, a. 2, ad 2um. Voici donc encore un commandement divin aussi général, aussi absolu, que ceux de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain. Saint Thomas va lui appliquer les mêmes procédés qu’à ces derniers. De même que, dit-il. est aliqua totalitas perfectionis (ou dilectionis) qu ; v sine peccato prætcrmitli non potest. aliqua autem quæ sine peccato prætermittitur, dum tamen desit contemptus : de même ici est aliquis modus hoc præceptum implendi. quo peccatum vitatur : scilicet si homo faciat quod potest secundum quod requirit conditio sui status, dummodo contemptus non adsil agendi meliora, per quem animas firmatur contra spiritualem profeclum. Ibid. Le parallélisme nous fait entendre qu’il y a plusieurs manières de comprendre ce que veut dire « faire tout ce que l’on peut » ; il y aurait ici aussi aliqua totalitas quæ sine peccato pnrlcrmitli non potest, aliqua autem quæ sine peccato pnvtcrmittitur ; faire tout ce que l’on peut absolument parlant, accomplir tout le bien possible, choisir toujours le meilleur, le plus parfait, qui soit a notre portée : cette manière parfaite d’accomplir le précepte de l’Écriture ne s’impose pas sub peccato mortali ; ce qui est requis, c’est que homo faciat quod potest secundum quod requirit conditio sui status. Ceci a besoin d’être expliqué. Le De carilate, ad llmn.nous dit que le devoir de rendre à Dieu et aux parents tout ce qu’on peut (et parentibus et multo magis Deo tenetur homo rependere totum quod potest). doit s’entendre secundum communem modum humanæ vitse, supra quem potest aliquis aliquid erogare, ad quod tamen ex née laie prsecepli non tenetur ; qu’est-ce donc, en définitive, que cette « commune mesure de là vie humaine » qui détermine le minimum obligatoire de ce que nous devons à Dieu et à nos parents, au delà duquel se trouve le domaine du surérogatoire laissé à notre générosité ? Les formules précédentes, le secundum quod requirit condilio status hominis, le secundum communem modum humaine vitæ, doivent être interprétées, il nous semble, par l’ad 4° m de Vin /// » « > Sent., toc. cit. Ici, saint Thomas déclare formellement que sicut Deus non exigit a nobis quantum ipsc dédit nobis, quia non possumus, ita non exigit a nobis quantum possumus, quia hoc effet contra rationem nostri status. Et cette ratio nostri status qui s’oppose à ce que Dieu exige de nous tout ce que nous pouvons, c’est le caractère de notre libre arbitre dans la vie présente : cum homines in statu isto non habeant liberum arbitrium detcrminatum, non exigitur quod totum posse expendatur in servitium Dci : hoc erit in patria, quando juin defectus incidere non poterit ; sed su/fuit quod nihil de posse nostro contra Deum expendamus, et Ma quæ nobis determinata sunt faciamus : alias periret ratio nostri status. Notre libre arbitre, ici-bas, n’est pas déterminé ad unum, comme il le sera dans l’autre vie : or, in illis quæ non sunt determinata ad unum, non potest tota potentia obligari ad aliquid unum, quia periret ratio conlingenliæ secundum quam aliquid deficere potest in minori parle. En somme, il s’agit de tenir compte de la condition actuelle de l’homme, de l’homme moyen, secundum communem modum humanæ vitæ, et de ne pas lui imposer un joug qu’il ne pourrait porter ; si sa volonté tendait infailliblement et sans difficulté vers ce qui lui est présenté comme bien, il n’y aurait pas d’inconvénient à l’obliger à tout donner, à donner tout ce qu’il peut ; mais il n’en est pas ainsi ; on se contentera donc de lui imposer sub gravi le strict minimum : quod nihil de posse nostro contra Deum expendamus et Ma quæ nobis determinata sunt faciamus.

A une condition pourtant, c’est qu’il ne méprise pas ce qui dépasse ce strict minimum : dummodo contemplas non adsit agendi meliora, per quem animus firmatur contra spiritualem profeclum. Q. clxxxvi, a. 2, ad 2um. Le moment est venu de nous occuper un peu de cette fameuse restriction mise par saint Thomas à sa thèse négative. Remarquons d’abord que cette formule diffère de celle du commentaire in IIJum Sent., que nous avons citée plus haut (cf. col. 12 : 57) : sed tenetur eam (perjectionem quæ est secundum objecta) non contemnere, née contra eam se obfirmare ; ici, le mépris et le raidissement de la volonté contre la perfection étaient présentés séparément comme deux choses à éviter également ; là, le mépris est envisagé comme la cause du refus et du raidissement de la volonté à l’endroit du progrès spirituel. Le contexte du dummodo eontemptus… ne permet pas de douter que, pour saint Thomas, celui qui se trouve dans ce déplorable étal d’âme ne soit gravement coupable ; cela ressort encore de l’enseignement de la I l’-I l : i. q. uv, a. 3, sur la négligence : dupliciter conlingere potest quod negligentia sit peccalum mortale : uno modo ex parle e/us quod preetermtttitur per negligentlam : quod quidem si tit de necessitate salutis, erit peccalum mortale ; alio modo ex porte causée… et hoc prsecipue conlingit quando negligentia sequitur ex conlemplu ; altoquin si negligentia constatât in prtelertntsstone alicujus quod non sit de necessitate salutis, nec lux liât ex conlemplu… tune negligentia non et mortale peccalum, sed venlale. Saint

Thomas nous donne la raison de cette malice du mépris ; c’est, dit-il. que, par lui, VOluntOI in tunliun est

vernissa circa ta quæ sunt Del, ut toioiiier a Del carttate dr/iriid. ibid. ; le mépris de la perfection, qui aboutit m refus catégorique de’oui progrès spirituel ! est en

opposition, en contradiction, avec l’amour de Dieu.

Comment cela ? I on ene I donnée dans le Quod

libet III, a. 14 : quamvis lieitum sit al> aliquo bono opère abstinere, lamen illicitum est impedimentum opponere quominus in illud bonum opus proeedere possil ; cujus ratio est, quia prætermillere aclum virtutis potest aliquis absque peccato, co quod prærepta afflrmaliva quæ sunt de aclibus virtutum non obligant ad semper ; sed

IMPEDIMENTUM BONI OPERIS DIRECTE VIRTUTI CON trariatur, et ideo cadit sub prohibitione præcepli negativi, quod obligat ad semper. Ainsi donc, ce mépris qui nous fait opposer un refus formel à tout ce qui n’est pas strictement obligatoire, à toute inspiration, à tout appel vers une perfection supérieure, ce mépris qui déclare équivalemment à Dieu : vous me commandez cela, vous l’aurez, parce que je ne puis pas faire autrement sous peine d’être damné, mais vous me conseillez ceci, vous ne l’aurez pas, parce que c’est bien assez de vous accorder ce que vous exigez sous peine de damnation, ce mépris directe earitati conlrariatur, lolaliter a Dci caritate déficit, il est la négation même de l’amour.

j) L’objection tirée de la nécessité où l’on peut être de mourir pour le Christ se résout de la même manière que celle qui se tire de l’obligation qui peut s’imposer de mourir pour le prochain ; à savoir, quand il y a nécessité, il n’y a plus « perfection » : perjectionis est quod homo persecutionibus se ofjerat, quando incumbit periculum jidei ; sed quod comprehensus non negel, hoc necessitalis est. In III" m Sent., loc. cit., ad 3 U ">.

g) Enfin, à ceux qui s’appuient sur la parole de saint Bernard pour affirmer que omnes tenentur ad perjectionem carilatis tendere. saint Thomas concède que cela est vrai de projectu qui est secundum intensionem. in quem débet homo semper conari. Ibid., ad lum.

2° Les « par/ails » sont-ils tenus ad omnia quæ sunt perjectionis, ad id quod melius est ? — Si tous les chrétiens ne sont pas tenus, comme nous venons de le voir, à cette perfection de la charité quæ est secundum objecta, les « parfaits » ne le seraient-ils pas ? C’est ce. que saint Thomas se demande dans le commentaire des Sentences, t. III, dist. XXIX, q. i, a. 8, qu.3.En faveur de l’affirmative, on pourrait faire valoir les raisons suivantes : 1. Il est dit dans l’Évangile : Cui plus committitur, plus ab eo exigitur, Luc, xii, 18 ; n’est-ce pas le cas des parfaits ? Et ita videtur quod tencantur ad ea quæ perjectionis sunt. — 2. Sicut se habet imper feclus ad communia, ita se habet perjeelus ad ca quæ perjectionis sunt. Sed imperfeelus teneiur ad communia. Ergo cl perfectus ad ca quæ perjectionis sunt. — 3. L’Apôtre se tenait pour obligé à l’évangélisalion du monde, ce cpii est sans nul doute une œuvre de perfection ; et ce ne pouvait être qu’en raison de sa qualité de parfait ; ergo illi qui habent perjeelam caritalem tenentur ad ea quæ perjectionis sunt.

A ces raisons, saint Thomas oppose, l’aphorisme de saint Paul : ubi spiritus Domini, ibi libcrlas ; quanta aliquis plus habet de caritate, plus habet de libcrlale ; et. par conséquent, ceux qui possèdent une charité par faite jouissent aussi d’une liberté parfaite. Donc, le parfait minus habet de obligutionc ; ergo obligalus est ad minora quam alii. Les parfaits seraient ils donc dis pensés de la loi morale ? Allons-nous verser dans l’ano misme ? Nous verrons tout à l’heure qu’il n’en est rien. Mais voici qui paraît vraiment singulier : un deuxième Sed contra propose l’argument suivant : l’er fecttonts est llngua non ofjendere et peccata veniala nilarr ; srd hoc nullus facit, etiam apostolt ; ergo perfectl non obtigantur ad ea qua perjectionis sunt. Les « parfaits » ne seraient-ils donc pas tenus d’éviter les péchés véniels ?

La solution donnée à la qu. 2 est assez brève : elle

consiste a allirmcr. sans apporter de prime, que Je « parfait t non obligatnr ad opéra perjectionis nisi sicut alii : mais que obligatur ad intenstus Deum dlligendum //ru bonis acceptis. Retenons cel aveu. D’ailleurs, ajoute saint Thomas, celle obligation ne lui pèse pas, car ad hoc ex habita caritatis perfecto inclinatur.

Le Quodlibet, I, a. 14, ne contredit il pas le commentaire « les Sentences, en posant en principe que perfeeti tenentur ad id quod melius est ? obj. 2. L’ad 2’"" nous fournit une distinction qui permet de répondre que non : cum dicitur quod perfeeti tenentur <id id quod melius est, verum es/ si intelligatur de his qui dieuntiw perfeeti propter perfectionnent caritatis ; hufusmodi enim obligantw ex lege interiori qu^e inclinando obligat ; unde <td hoc obligantur secundum mensuram suie perfectionis. Cette obligation, qui provient ex lege interiori qu.se inclinando obligat, peut-elle être encore appelée une véritable obligation ? Il ne le semble pas : c’est, pour ainsi dire, une sorte de nécessité physique plutôt qu’une nécessité morale ; c’est la force « extatique » de l’amour décrite par l’Aréopagite : est autan extasim jaciens divinus amor, non sinens sui ipsorum amantes esse, sed amalorum, cité Quodl., III, a. 17.

La réponse à la première objection tirée du texte de saint Luc concède que le parfait tenctur ad plus et perfectius agendum, mais nie qu’il soit tenu ad opéra alia fæienda. In III^ m Sent., loc. cit., ad lu » 1. L’ad 2um nie purement et simplement le présupposé de la seconde objection, à savoir que sicut se habet imperfectus ad communia, ita se habet perjectus ad ea quee perfectionis sunt. Illa ratio falsum supponit, nisi intelligatur de perfectis qui voverunt aliqua perfectionis opéra. — Enfin, ad 3um, saint Thomas répond que, si saint Paul se tenait pour obligé à l’évangélisation du monde, ce n’était pas en raison de sa qualité de pari ait. mais propter officium prælationis. Et il ajoute, pour expliquer ce que l’on dit, en sens contraire, de la liberté des parfaits à l’égard de la loi morale : perfeeti non minus tenentur, sed minus ex debito moventur ; quia amor magis eos quam debitum (navet, eliam in his quæ debent ; et quantum ad hoc dicitur major in eis esse liberlas.

3° Les religieux sont-ils tenus « ad habendam perfectionem caritatis et ad omnia quæ ad perfectionem vitse pertinent » ? (II a -IIæ, q. clxxxvi, a. 2 ; In III™ Sent., dist. XXIX, q. i, a. 8, sol. 3 ; De caritate, a. 11, ad 12°° » ; Quodl., 1, a. 14, ad 2um) — La question, que nous formulons d’après le De caritate, est un peu différemment posée dans la ll a -Il x : utrum quilibet religiosus teneatur ad omnia consilia ; mais cela revient au même. La raison la plus spécieuse que l’on puisse invoquer en faveur de l’affirmative consiste à dire que les religieux « font profession » de perfection, profitentur perfectionem vitæ, donc se vouent à la perfection, font vœu de perfection. De carit., obj. 12 ; IIMIæ, obj. 1. D’autre part, si les religieux ne sont pas tenus ad omnia quæ sunt perfectionis, c’est-à-dire, ad omnia consilia, mais seulement à certains conseils, aux conseils évangéliqucs, il n’y a plus de différence entre les religieux et les fidèles qui, restés dans le monde, pratiquent aussi ces conseils, quia multi in sœculari vita existentes aliqua consilia implent, ut patet de his qui conlinentiarn servant. II » -II », obj. 3.

Sed contra : en matière de perfection, on n’est tenu qu’à ce à quoi l’on s’oblige ; or, tout religieux ne s’oblige pas ad omnia, sed ad aliqua determinala, quittant ad hœc, quidam ad illa ; et, par conséquent, non omîtes tenentur ad omnia. L’état religieux est quædam disciplina vel exercitium ad perfectionem perveniendi. ad quam quidem aliqui pervenire nituntur exerciliis diversis ; or, il est évident que l’on ne peut exiger de celui qui travaille à réaliser une fin, qu’il soit déjà en possession de cette fin, mais seulement qu’il y tende ; ainsi, celui qui a embrassé l’état religieux, n’est pas tenu de posséder la charité parfaite, et, par la même raison, non tenetur ad hoc quod illa impleat quæ ad perfectionem caritatis conset/uuntur ; tenetur autem ut

ml ni implenda inlendat ; cintra quod facit contemnens ; unie non lia cit. si en prsetermitlat, sed si en conlemnat ; similiter etiam mut tenetur ad omnia exercitia quibus ad perfectionem pervenitur, sed ad illa quæ determinate sunt ci taxala secundum regulam quam professus est. IIa-IIæ, loc. cit. Le Quodlibet, I, a. 11, ad 2 a ™, ajoute une raison qui ne s’applique pas seulement aux religieux, mais a tous les chrétiens, même parfaits : rcliglosi non tenentur nisi tut ni tut quæ obligantur ex vota suie professionis ; alioquin effet obligatio ad in/initum, cum tamen natura et ars et ornais lex certos terminos habeanl ; toute obligation véritable doit être strictement déterminée, délimitée, et ne peut s’étendre à l’infini.

A l’objection qui consiste à prétendre que les religieux proftteittur perfectionem, font profession ou vœu de perfection, saint Thomas répond que ce n’est pas exact : perfectionem caritatis nullus profiletur, sed profïtentur aliqui slatum perfectionis, qui consistit in his quæ organice ordinantur ad perfectionem caritatis, ut paupertas et jejunia, unde perfectio caritatis non cadil eis sub voto, sed est eis finis atl quem pervenire conantur per ea quæ vovnl. De carit., ad 12um. On pourrait se demander si les principes de saint Thomas ne s’opposeraient pas au vœu du plus parfait qu’ont émis certains saints. — L’autre objection, qui voudrait conclure du fait que des séculiers pratiquent certains conseils à l’obligation pour les religieux de les pratiquer tous, se résout par la distinction entre conseils et conseils : quædam consilia sunt quæ, si prætermitterentur, tota vita hominis implicaretur negotiis sœcularibus, et ideo ad omnia talia consilia observanda rcligiosi tenentur ; sunt autem quædam consilia de quibusdam melioribus parlicularibus actibus quæ prætermitti p ; >ssunt absque hoc quod vita hominis sœcularibus actibus implicetur, et, par conséquent, ces conseils ne s’imposent pas à tous les religieux. II^-II 36, ad 3um.

V. L’état de perfection. — 1° Ce qu’il faut entendre par un état de perfection ( I Ia-IIæ, q. clxxxiv, a. 4 ; De perfectione vitse spirituulis, c. xvii ; Quodl.. I, a. 14, ad 2um : Quodl.. III. a. 17). — Perfection et étal de perfection sont choses bien différentes : on peut être parfait sans être dans un état de perfection et vice versa ; c’est ainsi que aliqui sunt in statu perfectionis qui omnino caritate et gratia carent, sicut mali episcopi aut mali religiosi. IIa-IIæ, loc. cit., Sed contra. (Remarquons, en passant, que c’est la première fois que saint Thomas mentionne la grâce sanctifiante en parlant de la perfection.) Qu’est-ce donc qu’un état de perfection’? Un élat, au sens où le prend ici saint Thomas, est une condition sociale perpétuelle, celle d’homme libre ou d’esclave : status perlinet proprie ad liberlatem vel servitutem. sive in spiritualibus sive in civilibus. Q. clxxxiii. a. 1. Ici, nous sommes in spiritualibus. Or, dans une société donnée, ad hoc quod aliquis adipiscatur statum liberlalis vel servitutis, requiritur primo quidem obligatio aliqua vel ubsolulio : secundo requiritur quod obligatio prædicta cum aliqua solemnilale fiât. Par conséquent, in statu perfectionis proprie dicitur aliquis esse, non ex hoc quod habet actum diltctionis perfeclæ, sed ex hoc quod obligal se perpeluo cum aliqua solemnitatr ad ea quæ sunt perfectionis. Q. clxxxiv, a. 4. L’état de perfection est donc un état de servitude : celui qui s’y engage aliène à perpétuité sa liberté ; il se consacre, il se voue ad ea quæ sunt perfectionis.

Le De perfectione. c. xvii, et le Quodlibet. III, a. 17, distinguent deux sortes d’aliénation de la liberté pour se consacrer ad ea quæ sunt perfectionis : l’une partielle et temporaire, l’autre totale et perpétuelle ; l’état de perfection n’est réalisé que par cette dernière. Sic ergo dum aliquis Deo oovel aliquod particularc opus, puta peregrinationem, aut jejunium, aut aliquod hujusmodi, non simplicilcr conditionem vel slatum mutavit. sed secundum quid titnium. Si vero totaux vitam suam valu Deo obligavit, ut in operibus perfectiouis ei deserviat. jam simpliciter condiiionem vel statuai perfeclionis assumpsit. De perj’., loc. cit.

Se vouer pour la vie ad ea qui ? sunt perfeclionis n’est pas nécessairement être parfait. Saint Thomas revient à plusieurs reprises sur ce point ; sans parler de ceux qui manquent à leurs engagements, conlingit quud aliqui se obligant ad id quod non servant, q. clxxxiv, a. 4, cf. De perf., c. xvii, on peut faire observer qu’embrasser l’état de perfection n’est pas faire profession d’être parfait, mais seulement de tendre à la perfection : homines statum perfedionis assumunt, non quasi profttentes seipsos perjectos esse, sed profilentes se ad per/eetioncm iendere. Q. clxxxiv, a. 5, ad 2um : cf. , q. clxxxvi, a. 2, corp. et ad lum.

2° Qu’il y a deux étals de perfection : celui des évêques et celui des religieux (IP-II’, q. clxxxiv, a. 5 ; De perfeetione, c. xviii et xx ; Quodl., I. a. 14, ad 2um ; Quodl., III, a. 17). — Saint Thomas emprunte cette idée à l’Aréopagite, qui, dit-il, attribuit per/eclion’eai episcopis tanquam per/cctioribus, et religiosis, quos vocal monachos, vel therapeutas, id est Deo familiarités, tanquam perjcctis. IP’-Ipf, loc. cit., Sed contra. Pour prouver la thèse, il faut montrer que religieux et évêques s’obligent à perpétuité ail ea qine sunt perfeclionis cum aligna solemnitate. Laissons de côté la solennité de ces engagements perpétuels, pour nous attacher à déterminer seulement à quelles œuvres de perfection s’obligent, selon saint Thomas, religieux et évêques.

D’après la Somme théologique, loc. cit., religiosi se voto uslringunt ad hoc quud a rébus ssecvdaribus se abslineant, quibus licite uli poterant, ad hoc quod liberius Dru vaceni ; la formule se précisera dans la suite : somme toute, le religieux s’oblige à observer les Mois conseils dits évangéliques, de pauvreté, chasteté et obéissance, qui constituent bien, en effet, des œuvres de perfection. Similiter etiam episcopi obligant se ad ea qu.se sunt perfedionis pastorale assumentes offlcium, ad quod perlinel ut animant suam ponat (pastor) pro ovibus suis ; donner sa vie pour ses ouailles serait donc l’œuvre de perfection à laquelle l’évêque s’engagerait ; celle formule va aussi se préciser dans le De per/ectione, c. xviii, et le Quodl., 1, a. 14, ad 2 U " qui vont nous présenter deux manières originales de distinguer ou même, si l’on veut, d’opposer les deux genres d’oeuvres de perfection auxquelles s’obligent respec tivement les religieux et les évêques.

Dans le De perfectione, la symétrie est complète : d’une part, la triple voie par laquelle on s’avance vers la perfection de l’amour de Dieu, scilicel abrenuntiando exterioribus bonis, relinquendo uxorem et alias cogita tiones carnales, et abnegando seipsum (c’est-à-dire propriam voluntatem), voilà les œuvres de perfection auxquelles s’oblige à perpétuité le religieux ; d’autre part, la perfection île l’amour du prochain, qui (par une sm trie un peu artificielle !) comprend aussi trois choses, ut scilicel inimici diligantur eisque servia tur. et ut aliquis animant suam pro fratribus ponat (cl ceci se réalise quand on se consacre entièrement et à perpétuité au service du prochain), et quod proximis spirltualia impendantur, telles sont les œuvres de perfection auxquelles s’oblige l’évêque,

Dans le Quodl., I. la distinction esi prise d’un autre point de ne : s<mi dits posséder l’étal de perfection, v est-il déclaré, qui solemniter obligantur ad aliquid perfectloni annexum ; mais quelque chose peut être annexum perfectloni an, uns. et il ne s’agit certainement que de l’amour de Dieu, de deux manières : uno modo stcui præambulum ri prseparatortum ad perfecttonem, ni paupertas, nisiiins ri hufusmodt, galbas hnmu retrahitur n curis sœcularlum rerum, ut liberius

Vacel lu ijii.i sunt Del, el tel est le loi des religieux ;

alio vero modo aliquid est annexum per/eelioni carilatis ut effeelus, ut scilicet aliquis curant animurum suscipiat ; est enim perfectse caritidis ut aliquis propter Dei amorem pnrtcrmillat dulcedinem contemplatives vitse, quam mugis amaret, et accipiat activavitæ occupationes ad procurandum proximorum salutem ; et c’est ce que font les évêques.

Mais comment peut-on assimiler l’étal épiscopal à un état de perfection, étant donné que les évêques ne renoncent pas aux biens de ce monde et que le Seigneur a fait de ce renoncement une condition nécessaire de la perfection" ? Potest aliquibus videri quod status pnvlationis non sit perfectus, quia divitias ris possidere licet, cum tamen Dominas dirai : Si vis perfectus esse, vende… De perferl.. c. xix. Il est longuement répondu à cette objection dans le chapitre suivant. Cf., q. clxxxiv, a. 7, ad lum. — D’autre part, si le fait d’assurer le ministère pastoral, d’avoir charge d’âmes, établi ! l’évêque dans un état de perfection, n’en doit-on pas dire autant des presbyteri curati et des archidiaconi ? II a -IIT, q. clxxxiv, a. li. Non, répond saint Thomas : l’autorité de l’Aréopagite s’y oppose (Sed contra) ; et la raison, c’est que non obligantur vincdlo perpelui voti ad hoc quod curam animarum retineant, tandis que l’évêque est lié à perpétuité à son diocèse ; on en peut donner aussi cette raison que cura episcopalis cum solemnitate consecrationis commillitur, cura autem archidiaconatus vel plebanutus cum simplici injunctione. Ibid., ad 2 uni. Cf. Quodl., III, a. 17.

Nous ne nous arrêterons pas à la question de la supériorité de l’étal épiscopal sur l’état religieux, cf. q. clxxxiv. a. 7 ; q. clxxxv, a. S ; Depcrfecl., c. xixxx ; ni, à plus forte raison, à la question de la supériorité de l’état religieux sur l’état des presbyteri curali el des archidiaconi, cf. q. clxxxiv, a. 8 ; De perfecl., c. xxii-xxvii ; Quodl. III. a.. 17. Nous ne nous occuperons plus désormais que de l’étal de perfection des religieux.

3° But de l’état de perfection des religieux. - Les formules que nous avons déjà rencontrées : quod a rébus sœcularibus se ubstiueaut. ad hoc quod liberius Deo vaceni, q. clxxxiv, a. 5 ; quibus homo retrahitur a curis sivrularium rerum, ut liberius vacet his quai sunt Dei, Quodl., i, a. M, ad 2 1 "", indiquent clairement que, pour saint Thomas, le but de l’état religieux, c’est d’établir l’homme dans ce troisième degré de perfection, qui n’est autre chose que la vie contemplative, imitation de la vie des bienheureux. Il s’agit de débarrasser l’homme de ces impedimenta qui l’empêchent d’être tout entier et continuellement occupé de Dieu : religionis status principaliter est institutus ml perfectionem adipiscendam per qussdam exercitia quibus tolluntur impedimenta prrfecltv carilatis, q. CLXXXVI, a. 1, ad lum ; c f. a, 2. ad : (’"" : Cont. genl., t. III, c. cxxxi.

La perfection que tend à réaliser l’état religieux, saint Thomas le remarque lui-même, est donc une perfection d’un genre particulier ; c’est une perfection qu’on peut appeler religieuse, comme nous l’avons dit au début de cet article, cf. col. 1221. à propos de la théorie plotinienne de la vertu, reprise par saint Thomas : perfectio ad quam pr. ulula (consilia) dtsponunt in vacatione mentis circa Deum consistit ; unde ri prsedtc lorum professores religiosi dlcuntur, quasi se Deo et sua in modum cujusdam sacriflcii dedteantes, et quantum ad res per paupertatem, el quantum ad corpus per continentiam, ri quantum ad voluntatem per obedientiam.

Cont, tient., ibid. L’état religieux n’a pas pour but de rendre L’homme parfait au sens moral du mol. mais.le

le rendre parfaitement religieux, c’est à dire consacre

tout entier au servie- île Dieu : religin est qua-dma l’irlus prr quam aliquis ad Dei srrvilium et cullum ah

qutd exhibel ; d ideo antonomastlce religiosi dlcuntur Uli qui m totaltler mam ipant dinmo servllto, quasi holocaus luni Deo ofjerenles. Q. clxxxvi, a. 1. Cette remarque

nous paraît de la plus haute importance pour hu-n comprendre la question qu’il nous reste à examiner : à savoir, si la pratique des conseils évangéliques est nécessaire pour parvenir à la perfection.

1° L’état de perfection religieuse requiert essentiellement Ui pratique des conseils évangéliques. — Nous n’avons pas l’intention de reproduire ici tout ce que saint Thomas enseigne à ce sujet, n’ayant pas à traiter de l’état religieux, mais de la perfection chrétienne ; nous voudrions seulement, dans les nombreuses pages qu’il consacre à démontrer que la pauvreté, la chasteté et l’obéissance sont nécessaires ail perfectionem religionis, recueillir ce qu’il a pu dire relativement à la nécessité des conseils évangéliques ad perfectionem carilatis, pour la perfection chrétienne, pour la perfection tout court.

1. La pauvreté volontaire (IIa-IIæ, q. clxxxvi. a. 3 ; Conl. <ient., t. III, c. cxxxii-cxxxvi ; De per/ectione, c. vu et xx). — Contrairement à ce que nous venons d’affirmer sur le but principal que saint Thomas paraît assigner à l’état religieux, l’article 3 de la q. clxxxvi débute par cette déclaration : status religionis est quoddam exereitium et disciplina per quam pervenitur ad perfectionem caritatis ; c’est qu’en effet, dit à son tour l’article 7 de la même question, l’état religieux peut être envisagé de trois manières : comme un moyen de tendre à la perfection de la charité, comme un abri contre les préoccupations extérieures, comme un holocauste enfin, par lequel le profès s’olîre, lui et ce qui lui appartient, totalement à Dieu ; et saint Thomas montre ensuite comment la pratique des conseils évangéliques permet de réaliser ces trois fins de l’état religieux. En ce qui concerne la première, dont seule nous voulons nous occuper ici, voici son raisonnement : « Pour s’exercer à la perfection, il est requis que l’on éloigne tout ce qui pourrait empêcher l’afïection de tendre complètement à Dieu, en quoi consiste, la perfection de la charité. Ces empêchements sont au nombre de trois : le désir des biens extérieurs : il est supprimé par le vœu de pauvreté ; le désir des délectations sensibles, parmi lesquelles les délectations charnelles occupent le premier rang : il est exclu par le vœu de continence ; enfin, le désordre de la volonté : il est exclu par le vœu d’obéissance. »

Le tout est de savoir si ces trois vœux sont des moyens absolument nécessaires, ou simplement des moyens très utiles, pour parvenir à la perfection de la charité. Or, nous avons déjà fait remarquer, cf. col. 1223, qu’au c. vi du Contra retrahentes, saint Thomas paraissait bien affirmer qu’en dehors des conseils et dans la vie du siècle l’observation parfaite des préceptes ne se rencontrait pas.

En ce qui concerne la pauvreté volontaire, la thèse de l’a. 3 de la q. clxxxvi semblerait aussi, au premier abord, en faire une condition absolue de la perfection : inde est quod ad perfectionem caritatis acquirendam primum fundamentum est voluntaria paupertas, ut aliquis absque proprio vivat, dicenle Domino : « Si vis perfectus esse, vende omnia qux habes et da pauperibus. » Mais l’ad 4um lui apporte un tempérament : la possession des richesses, si elle la rend plus difficile, ne rend pas cependant la perfection impossible. Le c. vu du De perfectione se maintient dans la même note : l’exemple d’Abraham prouve qu’on peut être parfait tout en possédant de grands biens ; le Maître n’a pas donné ce conseil, parce qu’il serait impossible aux riches d’être parfaits, mais parce qu’ils ne le peuvent être facilement ; mais ce n’est pas une raison pour taxer d’inutilité le conseil du Seigneur ; Abraham fut parfait au milieu des richesses, cela ne tire pas à conséquence : c’est là un de ces faits extraordinaires plus admirables qu’imitables, pour la plupart des

hommes ; par conséquent, on peut affirmer que, s’ils veulent être parfaits, ils doivent suivre le conseil du Seigneur.

Tournons quelques pages : nous voici au c. xx. ou saint Thomas doit concilier le caractère de parfaits qu’on attribue aux évêques avec ce fait qu’ils peuvent posséder tant les biens de leurs Eglises que leur propre patrimoine ; n’est-ce pas contraire au Si vis perfeclus esse’.' Non, car on peut poser en thèse qu’il est possible d’arriver à un certain degré de perfection sans l’abandon actuel de ses biens ; les conseils du Seigneur, et celui de vendre ses biens pas plus que celui de tendre la joue gauche à celui qui vous frappe sur la droite, ne doivent pas être entendus au sens littéral : non est ergo de necessilate perfeclionis ut hujusmodi (consilia) opère compleantur, sed hœc intelliyenda sunt secundum animi jirœpurationem ; c’est-à-dire, en ce qui concerne les biens de ce monde, la perfection ne demande pas qu’on les abandonne effectivement, mais qu’on soit toujours prêt à les abandonner, qu’on possède cette œquanimitalem inopiam tolerandi, dont parle saint Augustin. L’exemple des saints doit nous servir à interpréter les paroles du Seigneur ; or, il y a eu dans l’Église des évêques d’une incontestable sainteté qui n’ont pas pratiqué cet abandon effectif des richesses ; donc on peut être parfait sans observer à la lettre le conseil évangélique de la pauvreté. Qu’on lise maintenant le c. cxxxiv du Conl. gent., t. III, quomodo paupertas sil bona, et l’on y trouvera une excellente mise au point de cette question de la pauvreté volontaire.

2. La continence perpétuelle (IIa-IIæ, q. clxxxvi, a. 4 ; Cont. gent., t. III, c. cxxxvii-cxxxviii ; De perfectione, c. viii-ix). — La continence perpétuelle n’a pas seulement pour but de nous débarrasser des soucis de famille que le mariage impose à l’homme et de lui permettre de mener la vie contemplative ; elle possède aussi aliquam idoneilatem ad perfectionem adipiscendam. De perf., c. vin. Le motif en est que l’usage du mariage développe le désir, lequel absorbe la raison et la retarde dans ce mouvement vers Dieu, qui constitue la perfection. IP-II 36, loc. cit. Saint Augustin l’avouait : Nihit esse sentio quod magis ex arce pirtulis deficiat animum virilem, quam blandimenta feminee corporumque ille contactus, sine quo uxor haberi non potest. Et saint Thomas de conclure : donc la continence est tout particulièrement nécessaire pour atteindre la perfection. De perf., c. vin. Faut-il entendre au pied de la lettre ce maxime necessaria ? non, sans doute ; car quelques lignes plus loin, il n’est plus question que de huius vise utilitas. Les formules du Cont. gent. sont aussi modérées. C. cxxxvii-cxxxviii.

C’est que, en effet, il fallait sauvegarder la possibilité d’être parfait dans le mariage, puisque aussi bien des hommes de vertu très parfaite ont usé du mariage, tels Abraham, Isaac et Jacob ; Cont. gent., c. cxxxviii ; plus loin, l’on nomme encore Moïse. Il faut, pour cela, une force d’âme peu commune, mais, enfin, elle peut se rencontrer : quanto virtus mentis est fortior, tanto minus potest per quwcumque a sua altitudine defici (on reconnaîtra ici l’expression employée tout à l’heure par saint Augustin). Ibid. Cependant ces cas exceptionnels ne tirent pas à conséquence : le fait que les patriarches ont su unir la perfection avec l’usage des richesses et du mariage, ce qui tenait à la grandeur de leur vertu, ne doit pas donner présomption à des gens de vertu moins affermie. Ila-II 06, loc. cit., ad 2um. Ne peuvent imiter les patriarches et parvenir à là perfection dans le mariage que ceux qui possèdent leur force d’âme. De perfect., c. vin.

3. L’obéissance (IIa-IIæ, q. clxxxvi. a. 5, 8 ; De perfectione, c. x). — Il n’y a pas lieu de s’arrêter longtemps sur la nécessité ou l’utilité de la pratique de ce troisième conseil évangélique pour l’acquisition de la perfection. D’abord est-ce bien un conseil évangélique ? Non invenitur (Christum) dédisse consilium de obedientia, a. 8, obj. 1. Et saint Thomas paraît assez embarrassé pour retrouver ce conseil dans l’Évangile : consilium obedienlis’, dit-il, includitur in ipsa Christi sequela ; qui enim obedit, sequitur alterius voluntatem, ibid., ad lum ; allusion au Si bis perfeclus esse, sequere me. Ailleurs, a. 5, Sed contra, il fait ce raisonnement : la perfection de l’état religieux consiste avant tout à imiter le Christ, mais, dans le Christ, c’est l’obéissance qui est surtout mise en évidence. Enfin, dans le De per/ectione, l’obéissance religieuse est présentée comme la réalisation la plus parfaite, après le cas des martyrs, du conseil de Vodium et abneyatio sui ipsius donné par le Seigneur : Si quis vult venire post me, abneyet semelipsum. C’est bien un conseil, et non un précepte, comme le fait remarquer saint Jean Chrysostome. Or, après la vie, nous n’avons rien de plus cher au monde que la liberté ; y renoncer pour Dieu, c’est donc réaliser de la manière la plus parfaite le conseil évangéliquede Yabneyaiio sui ipsius : aliqui vero libertati propriæ voluntatis tolaliler ubrenuntiant, se propler Deum cdiis subjicienles per obedientiæ votum.

Maintenant, ce renoncement total à la libre disposition de soi-même, de son activité, de son temps, car « le vœu d’obéissance religieuse s’étend à l’organisation de toute la vie », a. 5, ad 4um, est-il nécessaire pour l’acquisition de la perfection ? La preuve que saint Thomas essaie d’en donner nous paraît démontrer seulement la nécessité de la direction, la nécessité d’avoir un guide, auquel nous obéirons in his quæ pertinent ad exercitium per/ectionis, ibid., ad lum, mais en cela seulement : < quiconque s’entraîne et s’exerce pour atteindre un but déterminé, doit suivre la direction de quelqu’un et se soumettre pleinement à son autorité, comme c’est le cas des disciples à l’endroit de leur maître. » A. 5. Encore moins que la pauvreté volontaire et la continence perpétuelle, la pratique du conseil de l’obéissance religieuse ne paraît donc être une condition nécessaire, un moyen indispensable de perfection.

VI. Conclusion. Pour revenir à notre point de départ, nous pouvons nous demander quelle conception, en résumé, saint Thomas se fait de la perfection chrétienne. Nous pouvons répondre hardiment qu’elle est pour lui chose essentiellement morale, puisqu’elle consiste principalement dans l’amour de Dieu le plus actuel, le plus intense qu’il soit possible à l’homme de posséder ici-bas ou dans le ciel : ut animas Itominis ab afjectu rerum temporalium aoerlatur, ut sic liberius mena lendat in Deum, contemplando, amando et ejus voluntatem implendo. De perfect., c. vi. Que cet amour procède de la grâce sanctifiante et s’accroisse avec elle, saint Thomas n’en doule pas : mais il constitue une réalité distincte de la grâce sanctifiante ; avec lui, nous restons dans le plan, dans la sphère, dans le domaine psychologique de l’action, dans le domaine moral par conséquent ; avec la « rare sanctifiante, nous descendons, si pou peu ! dire, dans le plan, dans la sphère, dans le domaine infrapsychologique de la substance, dans le domaine ontologique par conséquent. Que si de n’insister pas, lorsque l’on parle de la per feetion chrétienne, sur les grandes réalités dogmatiques qui dominent toute noire Vie Spirituelle expose an reproche de moralisme, il faudrait donc en accuser loul d’abord saint Thomas.

Maintenant, que cette union psychologique à Dieu

par la contemplation, l’amour et l’ace plissement

de sa volonté soii le fruil de grâces actuelles ordinaires ou de la grâce mystique, que nous l’acquérions par

noire effort, OU qu’elle nous soil donnée et pour ainsi « lire imposée par l’action souveraine ci envahissante de Dieu, cela ne i hange pas ^a nature, el l’on ne oii

DICl Dl i m mi i i moi, .

pas pourquoi « la contemplation mystique au sens strict, pour autant qu’elle n’est autre chose que l’exercice passif et éminent des vertus de foi et de charité, constituerait la perfection par excellence ». Dire que l’union produite par la grâce mystique sera plus forte, plus intense, plus continuelle, qu’elle aboutira à un accomplissement plus parfait de la volonté divine, cela se comprend aisément : l’amour ressenti, l’amourpassion est plus obsédant, plus tyrannique, que l’amour commandé, que l’amour de volonté..Mais l’amour mystique ne dépend pas de nous, il est un don gratuit que Dieu accorde à qui il lui plaît ; ce n’est pas lui qui nous est commandé par le grand précepte : Diliyes Dominum Deum tuum ex loto corde luo ; cet amour ne se commande pas, et l’on ne peut pas dire, par conséquent, qu’il soit « le terme final auquel doit tendre toute vie chrétienne ». Le terme final auquel doit tendre toute vie chrétienne, c’est d’aimer Dieu activement, de toute notre âme, de toutes nos forces, en attendant qu’il nous soit donné de l’aimer passivement, quand la vision intuitive fixera pour toujours notre cœur dans l’amour béatifique.

Alvarez de Paz, De vita spirituali qusque perfeclione, Lyon, 1608 ; Arintero, Escalas de amor ?/ la verdadera perfecciôn crisliana, Salamanque, 1926 ; Barthier, De la perfection chrétienne et de lu perfection religieuse d’après saint Thomas d’Aquin et saint François de Sales, Paris, 1901 ; Bellarmin, Quinta controoersia qeneralis, t. II, De monachis ; Cathrein, Unvollkommenheit und lassliche Sùnde, dans Zeitschrift fiir Aszese und Mystik, 1928, p. 115-137, 221-239 ; F. Chatel, La contemplation est-elle nécessaire pour parvenir à la perfection ? Arras, 1925 ; II. Dclehaye, Sunclus. Essai sur le culte des saints dans l’antiquité, Bruxelles, 1927 ; E. Elter, Sitne in doctrina morali sancti Thomas locus pro imperfectionibus positivis non peccaminosis ? dans Gregorianum, 1929, p. 20-51 ; Garrigou-I.agrange, Perfection chrétienne et contemplation selon saint Thomas d’Aquin et saint Jean de la Croix, Saint-Maximin ; Péché véniel et imperfection, (tans Vie spirit., t. viii, p. 583-592 ; La fin ultime du péché véniel el celle de l’acte imparfait dit < imperfection », dans Rev. thom., 1924, p. 314-317 ; Imperfection et péché véniel, dans Vie spirit., t. xi, p. [85]- [88] ; Le moindre bien (imperfection ) et le moindre mal, ibid, , t. xv, p, [1 ]-[14] ; La tendance à la perfection et les actes de charité imparfaits, dans liev. thom., 1928, ]). 388-111 ; Utrum perjectio carilatis codai SUb prmcepio an snb consilio ? dans Divus Thomas, 1924, p. 102109 ; p. Glorieux, Pour qu’on lise le De perfections, dans Vie spirit.. t. xxiii, p. [97 H 120] ; M. Grabmann, Katholisches Pricstertum und christliches Vollkommenheitsideal

nach (fer Lehre des hl. Thomas von Aquln, dans y.eilschr. fiir Asz. und MgsL, I. ii, p. 189-209 ; Ciiiigncbert, Quelques remarques sur la perfection et ses voies dans le mystère paulinien, dans ReP. d’hist. el de phil. reliq., 1929, p. -112-129 ; l’r. Ituerth, De impcrjcclionc positiva, dans (rcqnrianum, I. V, p. 102-100 ;.Janvier, La perfection dans la vie chrétienne,

conférences « le X.-n. de Paris, carême 1923 ; Keusch, Die

Aszettk des hl. Alfons Maria von Ligori, im l.ichte der l.chre

vom getstllchen Leben in alter und neuer Zelt, Paderborn,

1920 ; Quelques notes sur la spiritualité de saint Alphonse ii,

Liguori, dans Vie spir., t. xvi, p. [189]- [210] ; Klinger, Der

Stand der ehristlichen Vollkommenhetl nach der Lettre des hl.

Thomas von Aquln, 1920 ; A. Landgraf, Dos Wesen der lassllchen Silnde in der Scholastlk bis Thomas von Aquin, Bamberg, 1923 ; Le Gaudier, De perfecttone olue spiritualls, Paris, 1619 ; A. Lemonnyer, La oie humaine, ses formes, ses

états, traduction française de la Somme theol. de saint Thomas d’Aquin, ll’-lP’, q. ci i-( i.w i ; Van Lieshout,

Lil théorie plnliniennc de la vertu. Essai SUT la genèse d’un

article de la Somme theol. île saint l’humas (III

(j. i.xi, a..">), Fribourg (Suisse), 1926 ; Lotttn, Doctrine de

saint Thomas sur Teint religieux, dans Vie spir., I. H.

06 ; il Marchetti, Le seuil de l’ascétique, dans Rev.

d’asc. et de mqsl., I. I, p. 30-10 ; Ta per/t-ionc delta pila crisliana seconda S. TomnULSO, dans t, n i/orianiun, t. I, p. Il 77 ; Due saisi delta paroln perjezione, ilnd., p, 286-298 ;

La sfera dl allloilâ délia carltà, ibid., t, ii, p 13 11 ; Laper* festone crisliana seconda II S, card. Bellarmin, ibid., t. m. p. 317-335 ; B. Maréchaux, La construction ascétique de saint Augustin, dans Vie spir.. i. i, p. 312-326, 109-417 ; t, ii,

ll

10 p. 50-58 ; A. Meunier, Imperfection ou péché véniel, dans lier, eccl. de Liège, Janv. 1932, ». 201-210 ; Pa « serini, De hotninum alatibus <-i offlciii inspectiones murales ad ulttmas septem quæsliones Secundte Secundte, Lucques, 1732 ; Pegues, Commentaire français littéral de la Somme théologique (le saint’l’humas d’Aquin, t. xi, Les étals, Paris et Toulouse, 1921 ; A. Pottler, Le P. Louis l.idlemant et les grands spirituels de son temps, t. i, Paris, 1927 ; Hait/, von Frentz, La nie spirituelle d’après le bienheureux Robert Bellarmin, dans Hei>. d’ase. et de mystique, 1920, ». 113-150 ; Ranwez, Péché véniel et imperfection, dans Ephem. theol. Lovan., 1926, p. 177-200 ; 1928, p. 32-49 ; Kibtl, L’ascétique chrétienne, 3e édit., Paris, 1902 ; Richard, Le perfectiorisme et saint Thomas, dans lier. Ihom., 1928, p.1-26, 276-281, 555-565 ; Riggenbach, Der BegH# « ferre /E : <ite ; im Ilebriierbrief, dans Neue kirch. Zeiischr., t. xxxiv, l>. 1 H 1-195 ; Rossignoli, De disciplina christianm perfectlonis, Ingolstadt, 1600 ; Schellinkx, Autour du problème de l’imperfection morale, dans Ephem, theol. Lovan., 1927, p. 195207 ; Schram, Theologia myslica ad usum direclorum animarum, Paris, 1848 ; Suarez, De statu » erlectionis, 1623 ; Thomas a Vallgornera, Mysliea theologia dii’i Thomiv, Turin, 1911 ; Videmari, La perfezionee lo stato di perfezione nei preli, nei frati, nei vescovi, Milan, 1921 ; Viller, Martyre et perfection, dans Rev. d’ase. et de myst., 1925, p. 3-25 ; La spiritualité des premiers siècles clvrétiens, Paris, 1930 ; O. Zimmermann, Lehrbueh der Aszetik, l-’ribourg-en-B., 1929 ; Vom Wesen der Vollkommenheil, dans Zeiischr. fur kath. T/ieoL, t.XLix, p. 387-401 ; Die Pflichl zurV ollkommenheit, ibid., p. 516-528 ; Arten der Vollkommenheil, dans Zeiischr. fur Asz. u. Myst., 1926, p. 229-251.

A. Fonck.