Dictionnaire de théologie catholique/ORDRE. ORDINATION II. L'origine et le développement de la hiérarchie

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 11.2 : ORDÉRIC VITAL - PAUL (Saint)p. 37-51).

II. Origine et développement de la hiérarchie. —

On ne saurait admettre, tout d’abord, que la hiérarchie sacrée ait eu comme point de départ les charismes. En quelques mots, éliminons ce système historiquement insoutenable. Sans doute, les charismes furent extrêmement abondants dans l'Église naissante. Mais saint Paul, tout en croyant à l’origine divine des charismes, ne tient pas ces manifestations de l’Esprit pour essentielles dans l'Église. Bien plus, en face de ces manifestations, il affirme le droit de l’autorité, à qui il appartient de sauvegarder et la foi reçue et les commandements du Seigneur, et l’enseignement des apôtres et l'édification de l'Église tout entière ; cf. Gal., i, 8 et I Cor., xii, 1-xiv, 40. La distinction historique du charisme et du ministère est classique ; cf. H. Bruders, Die Verjassung der Kirche bis zum 175, Mayence, 1904, p. 62-103.

L’autorité, les apôtres la possèdent, la tenant de Jésus-Christ lui-même. Parmi eux, saint Pierre jouit d’une primauté de rang qui établit déjà dans le collège apostolique une hiérarchie organisée. Cette hiérarchie va se développer au fur et à mesure que les apôtres se choisiront, selon les besoins, des aides et des successeurs.

I. PREMIÈRES AFFIRMATIONS DU POUVOIR SACERDOTAL DANS LA HIÉRARCHIE APOSTOLIQUE.

Aussitôt après l’ascension, Act. i, 9-11, sur l’initiative de Pierre, les apôtres et les disciples procédèrent, au remplacement de Judas. On sait comment le choix du nouvel apôtre fut laissé en dernier ressort au « Seigneur ». Id., i, 15-26. Ainsi donc, Matthias, tout comme les autres apôtres, reçut directement de Jésus le pouvoir sacré. Nul rite spécial n’intervient ici. C’est toujours le pouvoir d’excellence de Jésus-Christ par rapport aux sacrements qui agit efficacement.

Le miracle de la Pentecôte marqua pour les Douze l’accomplissement de la promesse du Sauveur ; cf. Joa., xiv, 26. Rien ne nous autorise à supposer que cette venue extraordinaire de l’Esprit marquait pour les apôtres et pour les disciples la communication d’un pouvoir sacerdotal. Même après avoir reçu l’Esprit, les simples disciples demeurent toujours bien distincts du groupe des apôtres. C’est à ceux-ci, et à eux seulement, qu’appartient l’autorité qui règle la vie religieuse, prend les décisions opportunes et accomplit les rites sacrés prévus par le Christ.

Les disciples, en effet, dont le nombre s’accroît au fur et à mesure des conversions opérées par la prédication apostolique, nous apparaissent, dans les Actes et les épîtres, comme les membres d’une religion nouvelle, par laquelle ils se distinguent en plusieurs points essentiels des autres hommes, juifs et gentils, et vivent entre eux dans une étroite communion. Sans doute, les premiers chrétiens, juifs convertis, furent exacts aux observances mosaïques et, aussi longtemps qu’existèrent le temple et leur nation, ils restèrent courbés sous ce joug. Même saint Paul, qui prêche l’abolition de la Loi dans les Églises en dehors de la Judée, Act.. xv, 2 ; Gal., n ; 11-15, soumit à la circoncision Timothée, né d’une mère juive, Act., xvi, 3, fit vœu de nazirat selon le rituel mosaïque et alla au temple offrir les sacrifices requis à cet effet, id., xxi, 23-27, et cela, à la demande des chefs de l'Église de Jérusalem, pour prouver que « lui aussi, Paul, observait la Loi ». Sur cette fidélité de l'Église de Jérusalem au mosaïsme, voir S. Irénée, Cont. heer., III, xii, 15, P. G., t. vii, col. 910, et Eusèbe, H. E., II, xxiii, t. xx, col. 196.

Néanmoins, tout en continuant à prendre part à la vie nationale et religieuse d’Israël, les nouveaux convertis forment une société religieuse à part, bien distincte. La séparation d’avec les juifs s’affirme dus la première prédication de Pierre, Act., ii, 40 ; leurs réunions se tenaient dans le portique de Salomon et personne n’osait se mêler à eux, id., v, 12-13. Les prêtres juifs et les sadducéens comprirent bien le sens de cette séparation, puisqu’elle est pour eux prétexte à persécuter les disciples du Christ, iv, 1, 21 ; v, 18, 40, qu’ils appellent dédaigneusement les « Nazaréens », xxiv, 5, secte que plus tard les juifs de Rome déclarent être partout en butte à la contradiction, xxviii, 22. D’autre part, les païens savent distinguer les disciples du Christ du peuple juif dont cependant ils sont originaires ; à Anlioche, ils les appellent chrétiens, xi, 26 ; cf. I Pet., iv, 16. Bien que Paul n’emploie pas le mot de chrétiens pour désigner la communauté religieuse primitive, on sent, aux expressions employées par lui pour désigner les adeptes de la nouvelle religion, que ceux-ci forment un groupe à part, le groupe de ceux qui ont été appelés, Rom., i, 6 sq. ; viii, 28 ; I Cor., i, 2, 24 ; ou élus, Rom., viii, 33 ; Col., iii, 12 ; Tit., i, 1. Il distingue entre ceux du dehors et ceux du dedans, 1 Cor., v, 12 ; cf. I Thess., iv, 12 ; Col., iv, 5 ; I Tim., iii, 7, et il détourne les chrétiens de toute participation à la vie des infidèles, II Cor., vi, 14-16.

On pourrait, dans Paul, trouver cent autres expressions qui marquent bien le caractère d’unité sociale de la religion nouvelle, dont les disciples du Christ sont membres. Ils sont 1' « Israël de Dieu », c’est-à-dire le véritable Israël, Gal., vi, 16 ; cf. Act., xv, 14 ; xviii, 10 ; ils forment la vraie cité d’Israël, Eph., m. 20, l'Église qui est la maison de Dieu, I Tim., iii, 15 ; cf. I Cor., iii, 9 ; Gal., vi, 10 ; Eph., ii, 19. ou la maison du Christ, Heb., iii, 6.

Cette unité sociale apparaît encore dans la métaphore du corps mystique dont le Christ est le chef, Eph., i, 22-23. Et, d’ailleurs, saint Paul proclame à plusieurs reprises l’unité de ce corps religieux : I Cor., vm, 4, 6 ; Rom., iii, 30 ; Eph., iv, 4 sq. ; I Tim., ii, 5 ; Rom., v, 12, 19 (tous morts en Adam, tous reconciliés par l’obéissance du seul Jésus-Christ) ; II Cor., v, 14 (le Christ seul mort pour tous) ; Gal., ni, 27 ; Col., ni, 11. Cette unité apparaît dans les noms que les chrétiens se donnent entre eux : ils sont les disciples, c’est-à-dire ceux qui suivent la même doctrine et ont la même foi, Act., ix, 36 ; x, 45 ; II Cor., vi, 15 ; les frères, mot que l’on trouve fréquemment dans les Actes et les épîtres de Paul ; les saints : ils sont l'Église, mot qui résume tous les liens d’unité. Cette unité sociale des disciples du Christ se fonde extérieurement sur la doctrine apostolique prêchant à tous la même foi, Col., i, 23 ; cf. I Cor., xv, 11 ; et imposant à tous le même modèle de doctrine, Rom., vi, 17 ; cf. I Cor., xv, 1 sq. ; Eph., iv, 5. Elle repose également sur l’union dans la charité, I Cor., xii, 31 ; Act., iv, 32 ; laquelle se manifeste par la pratique de l’aumône, id., iv, 34, Gal., ii, 10 ; I Cor., xvi, 1 ; II Cor., viii, 1 ; ix, 2. Cf. II Cor., ix, 12 sq. Elle s’appuie enfin sur les mêmes éléments du culte, la fraction du pain, symbole parfait de la charité, I Cor., x, 16 sq. ; le baptême en rémission des péchés, Act., ii, 38 ; cf. ix, 18 ; x, 47 ; ix, 5, lequel agrège le fidèle, quel qu’en soit le ministre, au seul Jésus-Christ, I Cor., i, 12 sq. ; cf. Rom., vi, 3 ; Eph., iv, 1-6.

Mais ce corps, dont l’unité s’affirme si explicitement, n’est pas une organisation démocratique. Une autorité s’exerce à son endroit, et c’est l’autorité des apôtres.

Autorité suprême de Pierre tout d’abord, manifestant la primauté dont Jésus-Christ l’a revêtu par

rapport aux autres apôtres. Les Actes nous montrent ce pouvoir s’exerçant à Jérusalem, soit pour punir, Act., v, 1 sq., soit pour administrer, vi, 1 sq., ou encore en Samarie, viii, 20, et dans les villes de Lydda et de Joppé, ix, 31 sq. Pierre prend la parole au nom de tous, i, 15 ; ii, 14 ; iii, 12 sq., et décide souverainerrient sur les questions portées au concile de Jérusalem, xv, 7 sq. On sait d’ailleurs que la prééminence que les textes semblent parfois donner à saint Paul en ce qui concerne l’apostolat des gentils n’infirme en rien la primauté de Pierre. Bien plus, l’incident d’Antioche, où Paul « résista » à Pierre ne fait que confirmer cette primauté ; cf. Xavier Roiron, Saint Paul, témoin de la primauté de saint Pierre, dans Recherches de science religieuse, 1913, p. 514 sq.

Mais, au point de vue spécial qui nous occupe, il s’agit surtout d’affirmer sur le peuple chrétien des temps apostoliques l’autorité que possèdent les apôtres en vue de sanctifier les âmes. Or, ici, une première discrimination semble s’imposer. Il y a, dans la primitive Église, un double apostolat. Faute de distinguer l’un de l’autre, on s’engage dans bien des rJfficultés. « Il y a un apostolat ecclésiastique, celui des Douze, auquel nous ne pouvons renoncer… ; mais il y a pareillement un apostolat charismatique, dont l’existence ne semble guère contestable, et c’est précisément celui dont il est question dans les textes précités de saint Paul, I Cor., xii, 28-30 ; Eph., iv, 11-12. Apôtres, prophètes, évangélistes, docteurs, ils étaient tous institués pour le service de la parole divine, en un temps où celle-ci devait être toute-puissante ; ils constituaient des charismes supérieurs, que saint Paul recommande de désirer ardemment, I Cor., xir, 31 ; mais ces charismes eux-mêmes formaient une sorte de hiérarchie, dans laquelle l’apostolat occupait le premier rang, à cause de sa plus grande perfection… Premiers dans la hiérarchie charismatique, comme ils sont premiers dans la hiérarchie ecclésiastique, on a pu croire que les apôtres étaient les mêmes des deux côtés : en réalité, ils n’ont de commun que le nom et cette primauté ; en eux-mêmes, ils sont totalement différents. Les Douze ont été choisis et envoyés par le Christ historique, pour être en lui et par lui le fondement de l'Église ; les autres apôtres n’apparaissant qu’au sein de l'Église naissante, déjà formée dans les Douze, déjà gouvernée par eux, et avec une mission qui n’est ni du même genre ni du même ordre que la leur. » J. Bouché, art. Apostolat, dans le Dictionnaire de Droit canonique, t. i, col. 680 ; cf. L. Fonck, Quæstiones paulinæ, Rome, 1910, p. 66. Quand nous parlons ici de l’autorité des apôtres vis-à-vis de l'Église, il s’agit donc uniquement de l’autorité des Douze. Strictement, nous devons nous en tenir au pouvoir d’ordre possédé par les apôtres en vue de la sanctification des fidèles ; mais, « quoique distincts, les trois pouvoirs apostoliques quridiction, magistère, ordre) sont liés : des trois, le pouvoir de juridiction est le premier ; les deux autres sont placés sous son obédience… Le pouvoir d’ordre rentre d’une certaine manière sous le pouvoir de juridiction ; comme le propre de la juridiction est de régir impérativement tous les actes de la vie chrétienne vers la fin surnaturelle, les actes du pouvoir d’ordre ne sauraient échapper à cette loi générale. Bien que, en soi, le pouvoir d’ordre puisse être exercé sans le pouvoir de juridiction, et même, si l’on ose dire, contre lui, un tel usage n’en demeure pas moins profondément illicite et irrégulier. La juridiction est donc la première dans l’office apostolique. » J. Bouché, id., col. 684-685.

Rien d'étonnant que les Actes des apôtres et les épîtres mettent surtout en relief la juridiction apostolique sur l'Église naissante. On v retrouve l’exer cice de leur triple mission, mission d’enseignement, mission de gouvernement, mission de sanctification. Voir Apôtres, 1. 1, col. 1651-1653. Le pouvoir d’ordre préside à la mission de sanctifier les fidèles. L’administration du baptême, dont il est fait plusieurs fois mention dans les Actes, ii, 41 ; viii, 12-13, 16, 38 ; ix, 18 ; x, 48 ; xi, 16 ; xviii, 8 ; xix, 5 ; xxii, 16 ; et dans les épîtres, Rom., vi, 3 ; I Cor., i, 13-17 ; xi, 13 ; Gal., iii, 27 ; Eph., v, 25 ; Col., ii, 12 ; Tit., iii, 8 ; I Pet., iii, 21, bien qu’il n’indique pas nécessairement en celui qui en est le ministre un pouvoir d’ordre, suppose ordinairement ce pouvoir. Les apôtres ont parfois administré eux-mêmes le baptême. Le texte de I Cor., i, 14-15, nous fournit un témoignage explicite de saint Paul en ce qui le concerne ; et il est à supposer que les trois mille convertis du premier sermon de saint Pierre furent baptisés par les soins des apôtres eux-mêmes. De plus, l’imposition des mains par laquelle les simples baptisés recevaient le Saint-Esprit, c’est-à-dire, la confirmation, était un rite sacré réservé aux apôtres, Act., viii, 17-19. Et ce pouvoir est dit « un don de Dieu », id., 20 ; cf. Act., ii, 38 ; xix, 1-6 ; Heb., vi, 1-2. De plus encore, la fraction du pain (eucharistique) est célébrée par les apôtres. On en trouve un témoignage probable dans Act., xx, 7 (et selon quelques-uns, xxvii, 35) ; un témoignage certain dans I Cor., x, 16. Nous ne parlons ici que pour mémoire de l’imposition des mains par laquelle étaient constitués les chefs des nouvelles églises fondées par les apôtres. Voir plus loin, col. 1235.

Ce sont là les fonctions sacrées qui constituent le « ministère » exercé par les apôtres en vue de la sanctification des âmes, c’est-à-dire le ministère afférent au pouvoir d’ordre. Ce ministère, saint Paul le revendique hautement pour lui-même. Il se dit le dispensateur des mystères divins, I Cor., iv, 1 ; il parle aux anciens d'Éphèse du ministère qu’il a reçu du Seigneur Jésus, Act., xx, 24 ; il en parlera plus' tard aux Corinthiens, II Cor., iv, 1 ; xi, 18, et à Timothée,

I Tim., i, 12. Ce que saint Paul affirme de lui-même, il le faut également affirmer de tous les apôtres, car, bien que tenant directement son pouvoir de JésiisChrist, saint Paul déclare qu’il est l'égal des Douze dans l’apostolat ; cf. Gal., ii, 7 sq. ; I Cor., ix, 1-2 ; xv, 9-10.

Toutefois l’existence du pouvoir sacré s’affirme plus explicitement et plus conformément au développement de l'Église, dans l’institution de nouveaux ministres, destinés à aider les apôtres ou même à les remplacer dans les Églises par eux fondées.

II. LES APOTRES ONT INSTITUÉ DES MINISTRES SACRÉS DANS LES ÉGLISES PAR EUX FONDÉES. —

II ne s’agit pas d'étudier l’origine des différents ordres, tels que nous les connaissons aujourd’hui, et de discuter les différentes hypothèses mises en avant par la critique indépendante pour infirmer les solutions proposées par les théologiens catholiques. Cet aspect du problème a été exposé aux différents articles correspondant à chacun des ordres ; voir, en particulier. Diacre, Évêque, t. iv, col. 703 ; t. v, col. 1656 On veut simplement trouver ici, sous chacune des dénominations employées pour désigner les ministres sacrés de la primitive Église, l’indication d’un pouvoir sacré, s’exerçant à l’endroit du corps mystique de l'Église pour le sanctifier, ou à l’endroit du corps réel du Christ dans l’eucharistie, pour offrir à Dieu le sacrifice ; ce qui implique, en ceux qui possèdent ce pouvoir sacré, une participation réelle au sacerdoce de Jésus-Christ.

Diacres.

Une première institution a lieu presque au lendemain de la Pentecôte, l’institution des « Sept », Act., vi, 1-7. Bien qu'élus à l’occasion du 

service des tables, les Sept sont des ministres sacrés d’un rang inférieur.

Cette assertion n’est pas infirmée par l’hypothèse insoutenable de Goguel, Le livre des Actes (t. ni de l'Introd. au N. T.), p. 191-193, s’inspirant de Wellhausen et de Loisy. Cet auteur veut cpie Act.. vi, 1-7 soit une légende tardive, élaborée à l'âge apostolique, pour établir la supériorité des apôtres et des évêques sur les ministres inférieurs : les prétendus diacres auraient été les égaux des apôtres qui se les seraient adjoints en vue de les aider dans leur propre ministère. Cette hypothèse, arbitrairement élaborée, contredit les traditions anciennes les plus dignes de foi, et se heurte à la continuité historique bien établie entre les diacres de Jérusalem et ceux de l'Église postapostolique ; cf. S. Irénée, Cont. hier., III, xii, 10 ; IV, xlv, 1, P. G., t. vii, col. 904, 1013.

L’hypothèse qui assimile les « Sept » aux presbytres-épiscopes de la primitive Église de Jérusalem, H. Wendt, Die Apostolgeschichtc, 9e édit., Gœttingue, 1913, In Act. VI, 1-0, est tout aussi irrecevable. Les critiques catboliques enseignent aujourd’hui unanimement que les Sept sont les premiers diacres. Cette conclusion est également admise par C. Gore et C. H. Turner, The Church and the Ministrꝟ. 2e édit., Londres, 1919, p. 236 et par J. A. Robinson, The Christian Ministry in llw apostolic and subapostolic Age, p. 8182, Londres, 1921.

Ministres sacrés ils le sont, les Sept, car leur pouvoir dépend de l’imposition des mains et des prières qui l’accompagnent. Act., vi. 6. Et les fonctions sacrées, inhérentes à leur ordre, paraissent être la prédication, vi, 10 ; vii, 2-63 ; viii, 5, l’administration du baptême, vin, 38. Ce qui a permis à toute la tradition de voir en ces Sept les premiers diacres de l'Église. Voir Diacrk, t. iv, col. 708-709.

D’ailleurs, sans méconnaître les acceptions plus larges du mot Siaxoveïv, ce terme, employé par saint Paul pour définir son ministère spirituel, marque bien dans ce ministère un pouvoir sacré. Saint Paul, en elTet, revendique pour lui-même le même apostolat qui a été conféré par Jésus aux Douze, et il le tient de Jésus-Christ lui-même : cf. Gal., n. 7 sq. ; I Cor., ix, 1-2 ; xv, 9-10. Il agit comme possédant l’autorité nécessaire. Au point de vue de la sanctification des âmes, il est le dispensateur des mystères divins,

I Cor., iv, 1. Or, il parle aux anciens d'Éphèse, Act., xx, 24, du ministère (Siocxovîa) qu’il avait reçu du Seigneur Jésus. Il en parlera également aux Corinthiens, II Cor., iv, 1 ; xi, 18, et à Timothée, I Tim., i, 12. Le ministère (Staxovta) dont il parle. I Cor., xii, 5 ; Eph.. iv, 12, est bien d’ordre spirituel et « pour l'édification du corps du Christ » : cf. II Cor., m, 7-9 ; v, 18 ; II Cor., vi, 3.

Aussi Paul déclare-t-il qu’il a été fait le ministre Stâxovoç de Jésus-Christ, en vertu du don de la grâce de Dieu, qui lui a été donnée par l’opération de sa vertu. Eph., ni. 7 ; Col., i. 23, 25. C’est Dieu qui l’a rendu idoine à devenir « diacre » de la nouvelle alliance.

II Cor., ni, 6. Mais il étend cette dénomination à ses coopérateurs tant itinérants que sédentaires, II Cor., (v, 4 ; voir, pour Timothée, I Thess.. iii, 2 ; pour Tychique, Eph., vi, 21 ; Col., iv, 7 ; pour Épaphras, Col., i. 7.

Quelques années plus tard, la signification de Siotxovîa, Siàxov.ç se précisera sous la plume de saint Paul et ces termes seront exclusivement réservés à désigner des ministres sacrés, inférieurs aux épiscopes et presbytres, mais leurs assistants dans le gouvernement des Églises ; cf. l’hil.. i, 1 ; I Tim.. iii, 8, 12. La I re à Timothée laisse clairement entendre que les diacres appartiennent à la hiérarchie sacrée : la probation exigée pour leur ministère, ni, 10, l’in dique ; cf. H. Dieckmann, De Ecclesia, i, n. 421. Les écrits de l'âge apostolique confirment cette interprétation. La Didaché, xv, 1, 2, les nomme à la suite des épiscopes et énumère les qualités requises pour leur office de prophètes et de docteurs. Clément, dans / Cor., xlii, 4, rappelle que « les apôtres établirent leurs prémices comme évêques et diacres des futurs croyants ». Chez saint Ignace, les diacres forment le troisième rang de la hiérarchie sacrée, après les évêques et les presbytres ; cf. Eph., ii, 1 ; Magn., n ; vi, 1 ; xiii, 1 ; Trait., ii, 3 ; ni, 1 ; vii, 2 ; Phil., suscription ; iv ; vii, 1 ; x, 2 ; Smyrn., viii, 1 ; xii, 2 ; Polyc, vi, 1. Leur existence et leur autorité reposent sur le fait de l’institution divine. Trait., iii, 1 ; Smyrn., viii, 1 (voir Diacres, col. 706-707) ; voir aussi, de saint Polycarpe, la lettre aux Philippiens, v, 2, 3. Le sens du mot Siàxovoç est désormais fixé ; le diaconat signifie l’ordre sacré immédiatement inférieur aux presbytres. Aussi la Vulgate réserve-t-elle exclusivement le terme diaconus aux seuls passages où la signification d’ordre sacré est indiscutable, Phil., i, 1 ; I Tim., iii, 8, 12.

Prêtres.

Les anciens, 7rpea6ÙT£pot, sont fréquemment nommés dans les écrits du temps apostolique. Les Actes parlent des anciens à qui les disciples

envoyèrent des aumônes à Jérusalem par l’intermédiaire de Barnabe et de Paul, xi, 30. Avec les apôtres, ces anciens sont chargés de trancher la question des rites judaïques, xv, 2, 4, 6, 23 (41) ; xvi, 4. Ils s’assemblent chez Jacques, pour recevoir Paul à Jérusalem après son troisième voyage apostolique, xxi, 18. Dans tous ces textes, à la rigueur de sa signification littérale, le terme icpec6)T£poç n’indique pas nécessairement que 1' > ancien » est revêtu d’un caractère et d’un pouvoir sacré. Il pourrait simplement indiquer que l’ancien possède une réelle autorité de préséance et d’honneur, tout comme la ysp^uata d’Israël avant et après l’Exode, iii, 10 ; iv, 29, etc., ou encore au temps des Machabées, II Mac. i, 10 ; xi, 27, tout comme les anciens du peuple, gardiens chez les Juifs contemporains de Jésus, des anciennes traditions, assesseurs du grand sanhédrin à côté des princes des prêtres et des scribes ; cf. Matth., xvi, 21 ; xxi, 23 ; xxvi, 47, 57 ; xxvii, 1. 3, 12, 20, 41 ; xxviii, 12 ; et parall. ; Act. iv. 5. 8.

En réalité, les npsaèÛTepoi des premières communautés chrétiennes avaient plus qu’une préséance due à leur âge ou à leur autorité ; ils participaient au pouvoir sacré des apôtres dans le gouvernement de l'Église. Même les seuls textes que nous avons cités jusqu’ici semblent le supposer.

1. Actes : Église de Jérusalem. — Dans l'Église de Jérusalem, en effet, les anciens apparaissent constamment aux côtés de Jacques pour la gouverner. Une première mention en est faite à Act., xi, 30 : ils recueillent les aumônes destinées aux chrétiens de Judée, fout comme les apôtres le faisaient avant l’institution des Sept. Il est donc à présumer qu’adjoints à l'évêque de Jérusalem à peu près dans les mêmes conditions que les « Sept » aux apôtres, ils exerçaient un certain pouvoir sacré. « Puisque les Sept furent institués par les Apôtres avec des prières et l’imposition des mains, il n’est pas douteux que les anciens aussi aient été élevés à la participation du pouvoir apostolique par des cérémonies pareilles. Vraisemblablement, lorsque les Apôtres commencèrent à se disperser, que le nombre des lidèles s’accrut dans de grandes proportions et que la foi se répandit en dehors de Jérusalem, le besoin se fit sentir d'établir des chefs nouveaux, de préposer aux fidèles des hommes ayant reçu une large part de l’autorité et du pouvoir apostoliques, aptes par conséquent à faire la liturgie et à gouverner la communauté », Michiels, L’origine de l'épiscopat, Louvain, 1900, p. 146.

Cette impression se fortifie quand on considère le rôle joué par les « anciens » au concile de Jérusalem. Aet.. xv. Les anciens occupent, dans l'Église, à la tête des fidèles, et immédiatement après les apôtres, une plæe éminente. Le texte des Actes ne les sépare pas des apôtres, voir xv, 2, 4, 6, et ils sont appelés, avec les apôtres, à donner la solution du problème proposé. Il s’agissait, on le sait, de décider si la circoncision devait être imposée aux convertis de la gentilité. La décision négative, prise après les discours de Pierre, de Paul, de Barnabe et de Jacques, est luise au nom des apôtres et des anciens, et elle est. comme telle, communiquée aux frères d’Antioche, de Syrie et de Cilicie. Aet., xv, 22, 23. Et saint Luc dit expressément au c. xvi, 4. que ce sont là les décisions prises par les apôtres et par les anciens qui étaient à Jérusalem : Ta Sôy^-onra xà xsxpifiiva ûttô tojv à-oaTÔXcov xai tcov TrpsaëuTÉpcov tïôv êv 'IepouaxXïjp.. De quoi il résulte que les anciens prenaient une part active à l’administration de l'Église ; ils appartenaient donc à la hiérarchie munie des pouvoirs sacrés.

2. Épître de Jacques.

L'épître catholique de saint Jacques apporte, en faveur de cette doctrine, un argument d’un grand poids. Cette épître est écrite aux douze tribus dans la dispersion. A la tête de ces communautés se trouvent aussi des anciens. Le célèbre passage relatif à l’extrème-onction en fait foi :

Quelqu’un parmi vous est-il malade, qu’il appelle les anciens de l'Église et que ceux-ci prient sur lui, l’oignant d’huile au nom du Seigneur. Et la prière de la foi sauvera le malade et le Seigneur le relèvera, et, s’il a commis des péchés, rémission lui sera accordée. » v, 14-17. On a fait remarquer que ces anciens de l'Église ne sauraient être ici de simples vieillards. Si l’onction devait être donnée par des laïques, pourquoi serait-elle exclusivement réservée aux plus anliens ? De plus, l’expression : anciens de l'Église marque bien que ces anciens appartiennent à la hiérarchie sacrée. Voir sur ce point. Extrême-onction, t. v. col. 1898. Mais tout doute est enlevé du fait que ces anciens de l'Église doivent conférer un rite sacré. L’onction faite parles anciens présente, en effet, tous les caractères d’un rite sacramentel. Il n’est question que de l’action et de la prière des anciens ; on ne parle pas de la foi ni des supplications clés malades. Ce rite sacré a donc quelque chose d’officiel ; sa valeur est indépendante des dispositions eu sujet. De plus, il est accompli au nom du Seigneur, c’est-à-dire très probablement par l’ordre, en vertu de l’institution du Sauveur. Et l’effet, santé du corps, sans doute, mais encore et surtout salut de l'âme par la rémission des péchés et la collation de la grâce, indique à proprement parler une action sacramentelle. Bref, nous trouvons ici tous les éléments du rite sacramentel. Voir Extrême-onction, col. 1899-1911. Or, qui a le pouvoir de conférer un rite sacramentel, possède une participation du sacerdoce de Jésus-Christ.

3. Actes : Église d'Éphèse. — Tels sont les anciens que nous rencontrons encore dans l'Église d'Éphèse, fondée par saint Paul, Aet., xviii, 21. Dans l’allocution que leur adresse l’Apôtre, xx, 18-35, nous apprenons la nature de leurs fonctions : ils sont recteurs de leur Église, pasteurs des fidèles, intendants de Dieu, et c’est à eux qu’il incombe de veiller sur le troupeau, ꝟ. 17-35 et surtout 28, où saint Paul leur applique le terme d'ÈTrioxÔTrouç. Ainsi donc, les anciens sont à Éphèse ce qu’ils sont à Jérusalem : ils gouvernent l'Église sous la haute direction de Paul, tout comme ceux de Jérusalem gouvernent sous la direction de Jacques. Ils forment un collège fermé, un conseil presbytéral institué par les Apôtres.

1. Pastorales. - La première épître à Timothée

nous montre également les anciens investis d’un pouvoir gouvernemental et doctrinal dans l'Église. « Ceux qui gouvernent bien, ol xa^ûç 7cpoza~&>TZç doivent être jugés dignes d’un double honneur, » v, 17, c’est-à-dire d’une rétribu Lion plus abondante, « surtout ceux qui s’appliquent à la parole et à l’enseignement. » Il ne semble pas qu’on doive distinguer des anciens sans fonction et des anciens directeurs, TcpoECTTwTEç, ou chargés du ministère de la parole, comme l’insinue J. Réville, Les origines de l'épiscopat. Paris, 1894, p. 293 sq. Présider, travailler par la parole el par l’enseignement sont les fonctions normales du presbytérat. Seulement tous les anciens ne sont pas également zélés. Les plus zélés ont droit à des égards particuliers ; mais tous doivent être respectés. Il ne faut accueillir aucune dénonciation contre un ancien à moins qu’elle ne soit appuyée de deux ou trois témoins, v, 19.

Tout aussitôt après, ꝟ. 22, saint Paul recommande à Timothée de ne conférer l’imposition des mains à personne d’une manière précipitée et de ne participer en rien aux fautes d’autrui. Il serait, en effet, responsable des péchés commis par ceux qu’il ordonnerait à la légère. Il ne semble guère douteux que saint Paul ait eu ici en vue l’imposition des mains pour l’ordination au presbytérat. « Cela ressort avec évidence du contexte : après avoir parlé de la vénération due aux anciens et de la conduite à tenir à l'égard de ceux qui manquent à leur devoir, il passe naturellement à cette recommandation de ne les ordonner jamais qu’après mûr examen. L’Apôtre a un soin spécial de prévenir les fautes de ces anciens et surtout l’effet funeste du mauvais exemple qu’ils pourraient donner ; pourquoi ? sinon parce qu’il s’agit des supérieurs ecclésiastiques. Les anciens sont donc les recteurs de la communauté, mais ils sont soumis à l’autorité de Paul et de Timothée. son délégué, qui les établissent par l’imposition des mains », Michiels, op. cit., p. 154. D’ailleurs, saint Paul rappelle à Timothée qu’il reçut l’imposition des mains du corps des anciens, [jtzzà STuOsæwç ttov j^eiptôv toû TrpeaêoTipîoo, iv, 14. Quand donc Paul imposa les mains à ce disciple, il y avait près de lui le corps des anciens, qui imposèrent les mains, sinon comme consécrateurs, du moins comme prenant part à la fonction liturgique. Ce qu'évidemment ils n’auraient pu faire, si eux-mêmes n’avaient pas reçu auparavant la même faveur. Il faut conclure que les anciens étaient « ordonnés » par un rite sacré, l’imposition des mains.

Cette imposition des mains est le rite par lequel Paul et Barnabe établissent pour les fidèles des anciens dans chaque Église. ^stpoTovyiaavxeç Se ocÔtoïç rrpsoëuxépouç xar' êxxÀTjaîav, Aet. xiv. 22. Et il est évident que la recommandation faite à Tite de « constituer » des anciens dans chaque ville de Crète suppose le même rite consécratoire, Tit., i, 5. Les anciens dont il est question ici font à coup sûr partie de la hiérarchie sacrée, puisque deux versets plus loin, ꝟ. 7. ils sont identifiés avec les « épiscopes ». De plus, l’indication fournie par saint Paul, à savoir que les

anciens » doivent être constitués xa-r' êxxXyjaîav, xotTà 7t6Xi.v, semble bien indiquer qu’il s’agit d’une institution générale dans chaque Église, chaque cité.

5. Épîtres catholiques.

Cet exposé de la doctrine paulinienne touchant les anciens nous permet de fixer le sens du mot TrpscëÔTSpoç, tel que nous le rencontrons dans l’inscription de la deuxième et de la troisième épître johannique, et surtout dans I Pet., v, 1 sq. Les « anciens » sont ici les collègues de saint Pierre et le terme d' « ancien » est à coup sûr l'équivalent d' évêque ». Ce sont les anciens, chargés de gouverner le troupeau, qui en sont les directeurs, les régents, les surveillants, èjctffXoreouvTSÇ, f. '.',

Sans doute, dans l'épître de saint Pierre, si les fonctions des anciens apparaissent identiques à ce que Paul en dit dans Act., xx, 17 sq., leur autorité n’est pas ici rattachée explicitement à une consécration, alors qu’ailleurs cette institution est indiquée ; mais elle est implicitement supposée, car les anciens sont « préposés au troupeau de Dieu ; » ils sont les « remplaçants du Christ ; » c’est donc en vertu de l’autorité de Dieu et du Christ qu’ils dirigent les fidèles.

G. Épître de saint Clément aux Corinthiens. — La lettre de saint Clément aux Corinthiens nous apprend que ceux-ci s'étaient révoltés contre leurs TcpeaêuTspouç, xlvii, 6. Il s’agit ici, non de vieillards proprement dit, mais de dignitaires de l'Église. Le contexte, en effet, rappelle le souvenir des factions qui avaient divisé la communauté, et toute la lettre prouve qu’il s’agit d’une sédition contre l’autorité spirituelle. L’auteur écrit plus loin, liv, 2, qu’il est nécessaire que le troupeau du Christ, jouisse de la paix avec ses anciens établis, fiera tcôv xaOsaTajiivcov npza6uTsp<ov. Il a des raisons d’insister sur l'établissement, c’est-à-dire l’institution du presbytérat. Car cette institution est précisément ce qui confère aux anciens l’autorité et les rend pasteurs légitimes du troupeau du Christ. Et il était opportun de le rappeler aux Corinthiens en révolte. Un peu plus haut, il avait rappelé les auteurs de cette institution : « Ceux qui ont été établis, roùç xaraoTaGévraç, soit par eux (les apôtres), soit ensuite par les autres hommes illustres, ce n’est pas sans injustice qu’on les chasse de leur fonction. » xliv, 3. La formule à dessein vague : « les autres hommes illustres » nous laisse une marge assez considérable pour établir le cadre de la hiérarchie primitive, qui n'était pas nécessairement et uniquement constituée par les èniax.ov : oi et les Trpea6ÙT£poo. Voir plus loin. Ces autres hommes illustres, auxquels aucun nom propre n’est affecté, sont désignés comme étant les successeurs des apôtres dans leur pouvoir épiscopal, ꝟ. 1, 2.

Plus loin encore, Clément parle des anciens : « Vous qui avez jeté les semences de la révolte, soumettezvous aux anciens. Corrigezvous, convertissez-vous, fléchissant les genoux de votre cœur. » lvii, 1. Celle métaphore un peu hardie, empruntée à la prière de Manassé, roi de Juda, captif à Babylone, semble indiquer un pouvoir des anciens sur les âmes. Cette hypothèse est pleinement vérifiée par le passage suivant, i.xiii. 1 : « II est juste de courber la tête et, saisissant l’occasion de se soumettre, de s’incliner devant ceux qui se trouvent être les directeurs de nos âmes. toÏç >j71depxouai.v àpyjiyoTç tcôv iu^cov r)(xtôv, afin que, laissant là ces vains troubles, nous atteignions le but dans la vérité. » Les anciens sont donc des directeurs spirituels ayant droit à l’obéissance des fidèles. Voir également // Clementis. xvii, 3, 5. Il est difficile d’indiquer plus clairement un pouvoir sacré. Enfin un dernier passage indique encore l’institution presbytérale : « Bienheureux les anciens dont la course ici-bas est achevée… ; ils n’ont plus à craindre d'être expulsés de la place qui leur avait été assignée, ànto toû [Spuuivou aÙTOÙ ; tottou. » xliv, 5.

Nous omettons à dessein la controverse soulevée par certains critiques, même catholiques, à savoir si tous les anciens étaient revêtus d’un caractère sacré, comportant des pouvoirs spirituels institués par Jésus-Christ ou si plusieurs d’entre eux appartenaient simplement à un ordo purement honorifique. Cette question sera traitée à l’art. Prêtre. Il nous suffit de constater que tout au moins un certain nombre d’anciens devenaient tels et étaient constitués chefs dans les Églises par l’imposition des mains, sorte de consécration donnée par les apôtres, leurs délégués ou leurs remplaçants, et que plusieurs de leurs fonctions

impliquaient un véritable pouvoir sacré. Or, les textes auxquels nous avons fait appel pour l'époque apostolique le démontrent abondamment. L’opposition des termes vso>Tspoi et Tcpsa6ÛT£pût. qui est fréquente dans la lettre de Clément et qu’on retrouve aussi dans la première épître de saint Pierre n’infirme en rien cette conclusion. Newrepoç est employé littérairement par opposition à jtpso6ÛTepoç et signifie les inférieurs, les simples fidèles. Cf. Michiels, op. cit., p. 161-163.

Quant aux « presbyties ». contemporains des apôtres, et dont Papias prétend recueillir les dires, leur personnalité est laissée dans une ombre telle que nous n’en pouvons retirer aucun enseignement, au point de vue qui nous occupe. Cf. Papias, ii, 3, 15.

Évèques.

Le mot iniax^noç est employé

dans la littérature profane. Mais il figure aussi, avec ses congénères èmaxon-f] et È7uaxora.ïv dans maints endroits de l’Ancien Testament. Voir Évêque, t. v, col. 1658-1659. 'Emaxoraïv a la signification générale de surveiller, inspecter, gouverner, et par dérivation, punir, juger. Rien d'étonnant donc qu’il ait été admis dans la langue du Nouveau Testament pour désigner les chefs de l'Église, par opposition aux ministres inférieurs, Siàxovot, et aux simples fidèles.

Ainsi donc, à part I Pet., ii, 25, où il est appliqué à Jésus-Christ lui-même, il désigne constamment un personnage revêtu d’une mission d’autorité et de surveillance. On le trouve employé en ce sens dans Act., xx, 28 ; I Tim., iii, 2 sq. ; Phil., i, 1 ; Tit., i, 7 sq ; I Pet., v, 2 ; et, dans les écrits apostoliques non inspirés, dans l'épître clémentine, / Cor., xlii, 4, 5 ; la Didachè, xv, 1. Le substantif abstrait correspondant imaxony] se lit Act., i, 20 ; I Tim., ni, 1 ; Clément, / Cor., xliv, 1, 4.

Une seule question nous intéresse à propos des « surveillants » de la primitive Église ; leurs fonctions comportaient-elles un caractère sacré, indice d’une participation au sacrement de l’ordre, institué par NotreSeigneur Jésus-Christ ?

La réponse affirmative ne peut faire l’ombre d’un doute. Il est certain, en effet, que dans la plupart des cas, sinon toujours, les deux termes 7rpec6t>TepO[. et Ètugxotïoi sont synonymes. Voir Évèque, col. 16591662. Or, nous avons déjà vu que les anciens étaient chargés d’une fonction sacrée. Mais entrons plus avant dans l’examen des textes.

1. Actes.

Dans le discours de Milet, saint Paul adresse aux « anciens » ces paroles significatives : « Soyez attentifs et à vous et à tout le troupeau sur lequel l’Esprit Saint vous a établis évêques, pour gouverner, ttoiu.cuveiv, l'Église de Dieu qu’il a acquise par son sang », Act., xx, 28. Même en prenant ici le mot ÈTrtaxoTroç comme un nom commun, il n’en est pas moins vrai que ces dignitaires ecclésiastiques sont « établis par l’Esprit Saint », c’est-à-dire qu’une consécration divine est à la source de leur ÈTuaxoTrr). L’Esprit Saint leur a donné la mission de gouverner, de régir l'Église : la figure noi[j.<x’ivsiv exprime fréquemment cette idée de gouvernement, d’autorité dans l'Église ; cf. Joa., xxi, 16 ; Eph., iv, 11. Et il ne s’agit pas d’une surveillance ou d’une administration d’ordre temporel, comme le pourrait laisser supposer l'étymologie du mot èmaxoizii, mais il s’agit d’un gouvernement d’ordre doctrinal et spirituel. Les ꝟ. 29 et 30, faisant allusion aux propagateurs possibles d’hérésie, ne laissent aucun doute à cet égard.

2. Épître aux Philippiens.

L’adresse de l'épître aux Philippiens « à tous les saints dans le Christ Jésus, qui sont à Philippes, et aussi aux évêques et aux diacres », Phil., i, 1, semble une dérogation aux habitudes épistolaires de l'époque, le salut étant envoyé 18

d'Église à Église, sans mention des ministres qui les dirigent. Non pas, certes, que les Églises autres que celle de Philippes fussent dépourvues d'évêques, de prêtres et de diacres — saint Clément n’atteste-t-il pas l’existence de surveillants et de diacres dans toutes les Églises apostoliques, xlii, 4 ? — mais, quelle que soit la raison de l’exception faite ici par saint Paul, elle n’en atteste pas moins le rôle prépondérant exercé par les évêques et les diacres dans l'Église de Philippes.

3. Êpilres pastorales.

Quant à leurs fonctions, on doit dire, en général, qu’ils sont pasteurs d'âmes, cf. Act.. xx, 28 ; Eph., iv, 11, sédentaires et attachés à un troupeau » déterminé, se distinguant par là de tous ceux, apôtres, évangélistes, prophètes, docteurs, qui font partie d’une hiérarchie itinérante. Eph., iv, 11. Mais les épîtres pastorales nous apportent d’autres précisions.

Dans la I re à Timothée, iii, 1 sq., voici ce qui se rapporte aux » surveillants » : « C’est une vérité certaine : Si quelqu’un désire l'épiscopat, il désire une œuvre bonne. L'évêque doit donc être irréprochable, n’avoir épousé qu’une seule femme, être sobre, prudent, grave, chaste, hospitalier, capable d’enseigner ; non porté à boire et à frapper ; mais modéré, ennemi des contestations, désintéressé, et surtout gouvernant bien sa maison, tenant ses enfants soumis, en toute chasteté, car si quelqu’un ne sait pas gouverner sa propre maison, comment gouvernera-t-il l'Église de Dieu ? Non néophyte, de peur qu’enflé d’orgueil, il ne tombe dans la condamnation du diable. Il faut aussi qu’il ait un bon témoignage de ceux qui sont dehors, afin qu’il ne tombe pas dans l’opprobre et dans les filets du diable. » De même, Paul fait, au sujet des évêques, les recommandations suivantes à Tite, Tit., i, 5-9 : « Si je t’ai laissé en Crète, c’est pour que tu établisses les choses qui manquent, et que tu constitues des anciens dans chaque ville, ainsi que je te l’ai prescrit. Si donc quelqu’un est sans reproche, n’ayant épousé qu’une seule femme, et si ses enfants sont fidèles, non accusés de débauche ou d’indiscipline (choisis-le). Car l'épiscope doit être irréprochable, comme dispensateur de Dieu, nullement altier, ni colère, ni porté à boire et à frapper, ni avide d’un gain honteux, mais hospitalier, bon, sobre, juste, saint, continent, fortement attaché aux vérités de la foi, qui sont conformes à la doctrine, afin de pouvoir exhorter selon la saine doctrine, et confondre ceux qui la contredisent. Car il y a beaucoup de rebelles, beaucoup de semeurs de vaines paroles, et de séducteurs. II faut leur fermer la bouche, parce qu’ils causent la subversion de toutes les familles, enseignent ce qu’il ne faut pas pour un gain honteux… »

Dans ces deux textes, l’apôtre insiste surtout sur les qualités morales requises pour l'épiscopat. Néanmoins, le fait qu’il requiert des « surveillants » une perfection plus que commune, semble indiquer que leur charge dépasse celle d’un simple intendant, économe, contrôleur ou administrateur financier. On songe bien plutôt à la charge pastorale de ceux qui « mettent leur sollicitude dans les choses du Seigneur », et pour lesquels saint Paul exigeait aussi pareille perfection. Cf. I Cor., vii, 32 sq. Interprétation corroborée par l’expression xaXôv ëpyov qui désigne la charge de l'épiscopat primitif : fonction belle, haute, sublime, à laquelle un néophyte n’est pas préparé et qui requiert une vertu déjà éprouvée. Mais il y a un point important à signaler : les « surveillants » doivent « être fortement attachés aux vérités de la foi qui sont conformes à la doctrine, afin de pouvoir exhorter selon la saine doctrine, et confondre ceux qui la contredisent ». L’enseignement des vérités de la foi est donc une partie de leurs fonctions. Et cette fonction appartient en propre aux

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

épiscopes, comme faisant partie de leur charge, et non pas par une délégation de la communauté ou par une substitution aux détenteurs de charismes.

4. Saint Pierre.

Ce sont donc bien des pasteurs

d'âmes, comme saint Pierre l’insinue dans sa première épître, à l’imitation du Christ, chef des pasteurs, « pasteur et surveillant des âmes des fidèles », ii, 25, pasteurs d'âmes qui doivent « veiller sur le troupeau à eux confié, non par nécessité, mais spontanément selon Dieu, non en vue d’un gain honteux, mais de plein gré, non comme dominant sur l’héritage du Seigneur, mais se faisant de cœur le modèle du troupeau ». v, 2-3.

5. Saint Clément.

L'épître de saint Clément aux Corinthiens appuie cette doctrine. L’auteur insiste sur la nécessité de la soumission, l’ordre étant à ce prix. Et il cherche, dans la nature, dans la création entière, dans la constitution de l’armée des exemples de l’ordre qui doit régner dans la religion par la conformité des volontés humaines à la volonté de Dieu. xx-xxxvti. Le corps humain est un autre exemple, qui nous mène tout droit à la conception de l’organisation ecclésiastique, xxxviii. Ces considérations l’amènent à parler de la volonté divine touchant l’organisation du culte dans l'Église. Déjà, dans l’Ancien Testament, toute une organisation positive, issue de la volonté divine, réserve au grand-prêtre, aux prêtres et aux lévites des fonctions liturgiques spéciales, et les distingue des laïques, xl. L’analogie fait transporter dans la religion chrétienne la subordination des pouvoirs et la distinction entre la hiérarchie et le peuple. Quelle est cette hiérarchie ? « Les apôtres, envoyés par le Seigneur Jésus-Christ, nous apportèrent l'Évangile ; Jésus-Christ a été envoyé par Dieu. Le Christ est donc l’envoyé de Dieu ; les apôtres sont les envoyés du Christ : l’une et l’autre mission se firent donc régulièrement de par la volonté de Dieu. Après avoir donc reçu leurs instructions, et après avoir été confirmés par la résurrection de Notre-Seigneur Jésus-Christ, pleins de foi en la parole de Dieu, ils s’en allèrent avec la conviction donnée par l’Esprit-Saint, porter la bonne nouvelle de la venue du royaume de Dieu. Prêchant donc dans les bourgs et les villes, ils établirent leurs prémices (premiers disciples), après les avoir éprouvés par l’Esprit, surveillants et diacres des futurs fidèles. Et ce n'était pas une nouveauté : depuis longtemps les surveillants et les diacres avaient été l’objet d’une prédiction. L'Écriture, en effet, dit quelque part (citation large d’Is., i.x, 17) : « J'établirai leurs sur « veillants en justice, et leurs ministres en fidélité. » Et quoi d'étonnant si (les apôtres), à qui cette œuvre a été confiée par Dieu dans le Christ, ont établi ceux que je viens de dire ? » xlii, 1-xliii, 1.

Ce texte est extrêmement important ; il atteste le droit divin dans la constitution et la permanence de la hiérarchie ecclésiastique. Dieu a député le Christ ; le Christ a investi les apôtres ; ceux-ci ont organisé l'Église, établissant les surveillants et les ministres conformément aux instructions du Christ. Tel est le témoignage clair et formel de l'Église de Rome, dès la fin du I er siècle. L’appel fait par Clément à Is.. i.x, 17, (qu’il ne cite pas d’ailleurs textuellement) n’infirme pas la valeur de son témoignage historique ; s’il ne le fortifie pas au point de vue doctrinal, il est néanmoins une preuve nouvelle que surveillants et diacres, à la fin du premier siècle, sont dans l'Église des ministres revêtus d’autorité, des pasteurs d'âmes.

Mais ce n’est pas tout. Clément rappelle les titres authentiques à la succession apostolique parmi les ministres institués dans l'Église. Une nouvelle comparaison tirée de l’Ancien Testament amène la théorie de la succession. Dieu avait fait le choix d’une tribu,

T. — XI — 39

d’une famille pour lui confier le service divin et la direction du culte. Clément fait donc le récit de la verge d’Aaron, fleurissant et portant des fruits dans le tabernacle, tandis que les verges des autres tribus demeuraient stériles. Par le choix divin de la tiibu de Lévi et de la famille d’Aaron, Dieu voulut prévenir tout désordre en Israël. « Ainsi, conclut Clément, nos Apôtres savaient par Notre-Seigneur Jésus-Christ qu’il y aurait lutte au sujet de la dignité de la surveillance, TÎjç èmaxoKTjÇ. C’est pourquoi, doués d’une prescience parfaite, ils instituèrent les susdits (surveillants et ministres), et ensuite ils établirent la règle qu'à leur mort d’autres hommes éprouvés reprissent leur ministère (ttjv XsiTOupyîav). En conséquence, ceux qui furent établis par eux, ou ensuite par les autres hommes illustres, avec l’assentiment de toute l'Église, et qui ont accompli sans reproche leur fonction (Xsitoupy^cocvTaç) près du troupeau du Christ, modestement, paisiblement et dignement, et qui depuis longtemps ont reçu de tous un excellent témoignage, ceux-là, à notre jugement, il n’est pas juste de les destituer de leur fonction (-rîjç XôiToupyîaç). Oui, nous commettrions un grand péché, en destituant de leur charge, èr.iG-aOTZTjÇ, ceux qui ont offert les dons d’une manière irréprochable et sainte… » xliv, 1-4.

Ces nouvelles observations de Clément s’expliquent par le fait qu'à Corinthe, devant l’insubordination de certains fidèles, il était nécessaire de rappeler la légitimité des pasteurs établis depuis la mort des apôtres, de telle sorte que les « surveillants » de création récente ont la même autorité que ceux qui furent établis par les apôtres eux-mêmes. Clément déclare donc que les apôtres ont établi dans les églises des « surveillants » et des « ministres » ;. qu’ils ont voulu qu'à leur mort, d’autres hommes éprouvés leur succédassent dans leur ministère apostolique. Ayant recueilli leur pouvoir, ces successeurs des apôtres ont, à leur tour, établi des surveillants et des diacres dans les églises. Ainsi se trouve réalisé le dessein des apôtres de ne point laisser l'Église veuve de pasteurs, même après leur mort. A cette mort des apôtres, on attache une importance exceptionnelle, car elle eût tari dans sa source même le gouvernement des âmes, si une loi de succession et de transmission de ce pouvoir n’avait été établie. Ce pouvoir de transmission est ici nettement affirmé par Clément.

Mais la lettre de Clément permet de déterminer une des fonctions des « surveillants ». Jusqu’ici, nous avons constaté qu’ils étaient pasteurs d'âmes, que le ministère de l’enseignement leur appartenait normalement. Mais voici une nouvelle expression bien caractéristique de leur ministère : ils remplissent une XeiToupyîa (le mot revient à trois reprises dans le texte cité), et cette liturgie consiste à « présenter les dons », TrpoævsY^wfsç rà Stopa, c’est-à-dire, sans aucun doute possible, les dons eucharistiques. Le terme îrpocscpépeiv se rattache à l’idée de sacrifice ; cf. xl, 2, 4, le substantif 7tpoa<popà et, xli, 2, trois fois le verbe -npoocpépeiv sont employés pour désigner les sacrifices du temple.

Ainsi donc, dans l'épîlre de Clément, on trouve l’affirmation de l’institution divine d’un pouvoir communiqué par les apôtres aux « surveillants », pouvoir qu’il est impossible, vu son origine divine, d’enlever aux dits surveillants ; et, de plus, l’affirmation que ce pouvoir a pour objet, non seulement d’une manière générale le gouvernement du troupeau du Christ, mais d’une manière spéciale l’offrande du sacrifice eucharistique, pour le bien de ce troupeau.

6. La Didachè.

Cette précieuse affirmation se retrouve dans la Didachè, xiv, xv : « Le jour du Seigneur, réunissez-vous, rompez le pain (eucharistique) après avoir confessé vos péchés, afin que votre sacri fice soit pur… Car le Seigneur a dit : « Qu’en tout « lieu et en tout temps, un sacrifice pur me soit « offert, parce que je suis un grand roi, dit le Sei « gneur, et mon nom est admirable parmi les nations « (Malæh., i, 11). » Élisez-vous donc des surveillants et des diacres dignes du Seigneur, des hommes doux, désintéressés, vrais et éprouvés : car ils accomplissent pour vous, eux aussi, le ministère des prophètes et des docteurs. Ne les méprisez donc pas, car ils sont vos dignitaires avec les prophètes et les docteurs. »

Il est bien évident, tout d’abord, que l’auteur de la Didachè établit une étroite relation entre l’oblation eucharistique et la fonction des « surveillants ». La connexion des idées est exprimée par oôv. De plus, l’oblation eucharistique est un véritable sacrifice, impliquant en celui qui l’offre, une participation au sacerdoce de Jésus-Christ. La citation de Malachie est significative à ce sujet. D’ailleurs, l’auteur de la Didachè connaît l’eucharistie, ix, 1, 5, et aux c. ix et x, il a déjà parlé de la manière de la célébrer dignement. Ces exhortations concernaient les simples fidèles. Pourquoi, au c. xv, demander, en vue de la célébration eucharistique des surveillants et des ministres, doués de toutes les qualités morales dont parlent les Pastorales, sinon en raison des rapports intimes qu’ils doivent avoir, par suite de leurs fonctions mêmes, avec l’eucharistie ? Un document du iie siècle nous éclairera sur ce point, complétant les renseignements que nous avait déjà fournis l'épître clémentine aux Corinthiens. D’après saint Justin, en effet, le président des frères (le surveillant, vraisemblablement) consacre le pain et le viii, et la distribution des éléments eucharistiques se fait au peuple par les diacres. Apol., i, 65, P. G., t. iv, col. 428 (voir col. 1227).

D’ailleurs, la Didachè nous représente surveillants et diacres comme des ministres de la prédication, puisqu’ils accomplissent eux aussi pour les fidèles l’office des prophètes et des docteurs. Prophètes et docteurs appartenaient à la hiérarchie itinérante ; surveillants et diacres sont des dignitaires de la hiérarchie stable.

Conclusion. — Nous faisons nôtre, la conclusion de M. Michiels, op. cit., p. 209, dont nous avons résumé la pensée en tout ce qui précède. Cet auteur conclut « en faisant la synthèse des données fournies par les sources du i er siècle sur le caractère des surveillants. La fonction existe dans toutes les Églises au témoignage de l'épître de saint Clément ; elle consiste dans la célébration de l’eucharistie, le service de la parole de Dieu et le ministère pastoral. Son institution est apostolique et divine : les premiers surveillants furent institués par les apôtres ; depuis la mort des apôtres ils sont établis par leurs successeurs. La Didachè assigne aux surveillants le même office. Les Actes et les Pastorales sans parler de l’eucharistie, attestent que les surveillants sont les lieutenants de Dieu, les représentants du Christ, les pasteurs des églises, les ministres de la parole divine. Il y a des surveillants dans les Églises de la Didachè, à Philippes, à Éphèse, à Rome, à Corinthe, et en général dans toutes les Églises fondées par saint Pierre, saint Paul et les autres apôtres. Il n’y a aucun motif de supposer que certaines communautés en soient dépourvues, ni que leurs attributions aient changé de nature. Ils sont les recteurs, les préfets ecclésiastiques, gouvernant en corps leur troupeau, sous l’autorité supérieure des apôtres, de leurs délégués ou de leurs successeurs. »

Autres personnages revêtus d’un pouvoir sacré.


Une phrase de la Didachè donne lieu à une remarque importante : « Élisez-vous des surveillants et des diacres dignes du Seigneur…, car ils accomplissent

pour vous, eux aussi, le ministère des prophètes et des docteurs. Ne les méprisez pas, car ils sont vos dignitaires avec les prophètes et les docteurs. »

Est-ce à dire que prophètes et docteurs aient possédé les mêmes pouvoirs sacrés que les surveillants ? Une solution affirmative semble indiquée, au sens où on la déjà exposée à l’art. Évêques, t. v, col. 1663, avec une légère restriction que nous estimons indispensable pour faire cadrer le fait avec les données de l’histoire, savoir que « les apôtres et leurs successeurs immédiats établirent dans les Églises comme ministres du culte un certain nombre de ceux (pas Décessai rement tous) qu’ils voyaient en possession des charismes de prophétie et de doctrines. » Nous ajouterons même que leur choix ne s’est pas limité aux docteurs et aux prophètes, mais qu’il a pu s'étendre à d’autres charismes. C’est l’objet de ce paragraphe spécial.

Les charismes sont énumérés par saint Paul en quatre passages de ses épîtres, 1 Cor., xii, 8-10 ; I Cor., xii, 28-30 ; Rom., xii, 6-8 ; Eph., iv, 11. Ce dernier passage surtout mérite d'être retenu, car il indique que les charismes, apôtres, prophètes, évangélistes, pasteurs et docteurs, sont établis par Dieu « pour la perfection des saints, pour l'œuvre du ministère, eîç ëpyov S'.axovioeç pour l'édification du corps (mystique') du Christ. » L’objet propre de ces charismes est donc en étroite liaison avec la sanctification des fièdles, laquelle, avec le sacrifice, est la principale fin du sacerdoce. Rien d'étonnant donc que le pouvoir du sacerdoce ait été. à l’origine de l'Église, communiqué par les apôtres de préférence à ceux que des pouvoirs charismatiques relatifs à la sanctification des âmes semblaient désigner comme les plus idoines pour ce ministère. Cette interprétation s’appuie sur différents textes des livres apostoliques. Lesvctes, xiii, 1-5. signalent, dans l'Église d’Antioche, des prophètes et des docteurs » qui « offraient au Seigneur les saints mystères » et qui « imposèrent les mains » à Saul et à Barnabe. Sans préjuger ici de la valeur exacte, au point de vue sacramentel, de l’imposition des mains conférée à Saul et à Barnabe, il reste que la célébration de l’eucharistie est nettement affirmée comme une prérogative de ces prophètes et docteurs. On ne saurait ici interpréter autrement XeiTOupYoûvTW^ 8è otù-rciv tcô xupîw. De plus, quand saint Paul faisant rénumération des charismes, I (.or, xii, 28, d éclare que « Dieu a établi dans l'Église premièrement les apôtres, secondement des prophètes, troisièmement des docteurs. » le rang très élevé et singulier où Paul place apôtres, prophètes, docteurs dans la hiérarchie ecclésiastique ne peut s’expliquer que parce que ces charismes de la hiérarchie itinérante possédaient un caractère sacré éminent. vraisemblablement celui que nous appellerions aujourd’hui caractère épiscopal. Certes, plusieurs prophètes n’appartenaient pas à la hiérarchie sacrée ; cf. I Cor., xiv. 28 ; Act, xi, 27 ; xxi, 10 ; mais parmi les prophètes quelques-uns, certes, au don prophétique, joignaient les prérogatives du pouvoir sacerdotal ou épiscopal. Témoin Jude et Silas que les Actes nous présentent comme des prophètes, xv, 32. Et Silas tout au moins, compagnon de saint Paul dans sa deuxième mission, xv, 40 ; xvii, 4, nous est présenté par les deux épîtres aux Thessaloniciens comme un chef d'Égl’se, presque au même titre que Paul. I Thess., i, 1 ; II Thess., i, 1.

On remarquera enfin que, f’ans l'énumération d’Eph.. iv, 11, de I Cor., xii, 28 (cf. Eph., ni. 5), les prophètes sont nommés immédiatement après les anôtres, avant les docteurs et les pasteurs. Bien plus, Eph.. ii, 20 rappelle que les fidèles sont les concitoyens <es saints, et de la maison de Dieu, bâtis sur le fondement des apôtres et des prophètes. Il est néces saire de rendre compte de l’autorité exceptionnelle que saint Paul leur attribue dans l'Église ; et il n’est pas possible de satisfaire à cette exigence, si on ne leur reconnaît pas un caractère sacré éminent.

On pourrait invoquer l’autorité de la Didachè en faveur de cette manière de voir. Voir le texte col. 1220. Les 'prophètes et les docteurs semblent chargés, comme les anciens et les surveillants, du ministère de l’eucharistie : faut-il entendre, x, 7, eù^ocpia-eïv ôctk 6éXoocuv, dans le sens de la célébration eucharistique, ou de simples prières eucharistiques ? Quoi qu’il en soit, les prophètes sont décrits à l’instar des « grands-prêtres » de l’Ancien Testament, xiii, 3, par conséquent comme des supérieurs hiérarchiques du plus haut degré. On laisse entendre qu’ils sont supérieurs aux È7rîaxo7rot, et aux diacres, xv, 1. Le seul moyen d’expliquer correctement ces textes et ces rapprochements est de supposer, comme on l’a déjà dit, que certains prophètes possédaient un caractère sacré dans la hiérarchie ecclésiastique. Voir plus loin, col. 1238, à propos de Act., xiii, 1-3.

On doit en dire autant, à un degré peut-être inférieur, des « docteurs » que vraisemblablement il faut, tout au moins dans Eph., iv, 11, identifier avec les pasteurs. Paul en parle à plusieurs reprises, Rom., xii, 7 ; I Cor., xii, 28 ; Eph., iv, 11 ; mais toujours ces 818â.GX.urji viennent, dans la hiérarchie, au troisième rang, après les apôtres et les prophètes : premier indice du caractère sacré dont au moins certains d’entre eux étaient revêtus. De plus, l’identité des pasteurs no'.[j.évsc, et des docteurs S18aG>caXoi dans Eph., iv, 11, nous permet de rapprocher ceux-ci des « surveillants », ÈttÎcx&tcoi., que le Saint Esprit a établis pour être pasteurs de l'Église eu Seigneur. Act., xx, 28. Enfin, les arguments invoqués pour les prophètes, Act., xiii, 1 5, et Didachè, xv, 1, valent pour les docteurs dont le nom, dans ces deux textes, est accolé à celui des prophètes.

Parmi les charismes, certains « évangélistes », Eph., iv, 11, devaient, eux aussi, être revêtus d’un caractère sacré. Philippe, l’un des sept diacres hellénistes, est qualifié d'évangéliste, Act., xxi, 8 ; mais Timothée, qui avait le pouvoir sacerdotal complet, reçoit de saint Paul la recommandation de remplir la charge d'évangéliste, tout en remplissant son ministère. II Tim., iv, 5.

Il faut enfin faire une place à part à deux catégories de personnages de la primitive Église, dont le nom à la suite du développement de la hiérarchie, n’a reçu aucune précision : les TcpoXoTÔ.j.evoi et les Y)Yoû[i.evoi.

Les « présidents » sont nommés par saint Paul dans I Thess., v, 12, 13. « Nous vous recommandons, écrit-il aux Thessaloniciens, de considérer ceux qui travaillent pour vous, et qui vous sont préposés dans le Seigneur, et vous instruisent, d’avoir une charité surabondante à cause de leur œuvre. » La contexture de la phrase (un seul pronom commandant les trois participes, toùç xotoôjvtojç… xaî. rcpoïaTajiivo’jç… xat vouOsToùvTaç) montre bien' que les mêmes personnages travaillent, gouvernent, enseignent. En comparant ce texte avec I Tim., v, 17, où il est question du respect que Timothée doit avoir pour les « anciens » qui président bien, qui travaillent par la parole et la doctrine, on ne peut hésiter à reconnaître que les 7tpoïaTâ(i.evoi de Salonique sont les mêmes personnages que les 7rpec6ÛT£pot et les èttloxottoi des autres Églises. Saint Paul fait également allusion aux « présidents », Rom., xii, 8.

Les y)yoû[i.£Vot sont nommés dans l'épître aux Hébreux. L’auteur, s’ariressant aux fidèles, leur adresse les exhortations suivantes : « Souvenez-vous de vos préposés, qui vous ont prêché la parole rie Dieu… Obéissez à vos préposés, et soyez-Jeur soumis

(car ce sont eux qui veillent, comme devant rendre compte de vos âmes)… Saluez tous vos préposés et tous les saints. » xiii, 7, 17, 24. Clément de Rome, qui a connu et utilisé l'épître aux Hébreux, désigne les supérieurs ecclésiastiques sous le nom de qyoû(xsvoi., i, 3 ; xxi, 6. On sait d’ailleurs que les deux expressions toùç 7rpoYiyou[z.é)ouî T/jç sxxA-qaiaç, et twv 7TpoïaTa[xé/ojv t ?jç sxxÀ'/jenaç se retrouvent dans le Pasteur d’Hermas, Vis., II, ii, 6 ; iv, 3 ; III, ix, 7, pour désigner les « anciens » de l'Église.

Il n’est pas possible d’admettre ici la thèse de Harnack, Prolegomena zur A'.Sa^Y), dans Texte und Untersuchungen, t. ii, fasc. 1, 2, p. 94, note 8, et de Sohm, Kirchenrecht, t. i, p. 28, réservant le mot de riyoûji-evoi aux prédicateurs doués de la parole. Le texte des Actes, xv, 22, pourrait être invoqué en faveur de cette opinion ; mais on doit observer qu’appliqué à Silas et à Barsabas, r)Yoô|i.svoi est un simple adjectif et non un substantif. D’ailleurs, on sait que Silas était prophète, et qu'à ce titre il avait une autorité supérieure dans la hiérarchie. Voir ci-dessus. Quoiqu’il en soit le terme yjyoô^svoi a toujours impliqué une autorité : voir, dans la version desSeptante, Ezech., xliii, 7 ; Mich., vii, 5 ; II Parai., xxxi, 13 ; I Mach., xiv, 16, et dans l'épître de Clément aux Corinthiens, v, 7 ; xxxii, 2 ; xxxvii, 2, 3 ; li, 5 ; lv, 1, cf. lxi, 1. Les riyoù^svoi « ne sont pas de simples délégués de la communauté, des prêcheurs sans autorité, des maîtres quelconques, mais des chefs qui ont droit à la soumission… Ces chefs sont des pasteurs, leurs fonctions rappellent celles des anciens ; et, de fait, parmi les judéo-chrétiens, les Églises avaient des anciens à leur tête. Toutefois, comme 7)Y 01 V eV01 a un sens très général, nous pensons que toutes les autorités, par exemple aussi les apôtres, y sont comprises avec les anciens ». Michiels, op. cit., p. 171.

Une chose frappe l’esprit, dans cette recherche des manifestations premières des pouvoirs sacerdotaux, c’est qu’il n’existe encore, dans le langage ecclésiastique de l'âge apostolique, aucun nom propre pour désigner les chefs revêtus des pouvoirs sacrés : anciens, surveillants, pasteurs, préposés, chefs, apôtres, prophètes, docteurs, évangélistes, tous ces qualificatifs de la hiérarchie stable ou itinérante ne nous disent pas par eux-mêmes les pouvoirs spéciaux de ceux qu’on appelait ainsi. Un seul mot aurait pu caractériser nettement le pouvoir sacerdotal, Ispsôç ; mais ce mot était vraisemblablement encore réservé à Jésus-Christ, seul vrai prêtre. Cf. Heb., v, 5-6 ; vi, 19-20, 26 ; xiii, 1-2 ; ix, 11-12. Les mots àpx'.spsûç et ispsôç ne s’appliqueront à l'évêque et au prêtre de deuxième rang qu’une fois la hiérarchie à trois degrés (évêques, prêtres, lévites) organisée en opposition avec la foule des simples laïques. Cf. S. Clément, Ad Cor., xl.

5° Conclusion : Caractère de pouvoir réservé inhérent au sacerdoce chrétien. — Ainsi, de toute cette étude des textes de l'époque apostolique, il résulte clairement que, dès les premières années de l'Église, la distinction entre le « clergé » et les laïques est fondée non sur une nécessité pratique de bon ordre, mais sur l’institution divine, promulguée par les apôtres. Cette conclusion va directement contre la thèse de certains protestants libéraux, renouvelée d’anciens hérétiques, selon laquelle, au début de l'Église, tous les chrétiens se considéraient comme prêtres et pouvaient, au besoin, baptiser, célébrer l’eucharistie, faire observer la discipline. C’est la thèse, avons-nous déjà dit, mise en relief par Edwin Hatch, The organization oj the early Christian Clmrch, 5e édit., Londres, 1895. Plus nous avancerons dans notre étude, et plus nous constaterons combien cette thèse se heurte aux faits de l’histoire les mieux établis.

Pour nous en tenir d’abord à l'époque strictement apostolique, il suffira de relever les textes sur lesquels certains auteurs prétendent appuyer leur étrange théorie, I Pet., ii, 5, 9 ; Apoc, v, 10 ; xx, 6, et de montrer comment ces textes, dans leur sens obvie et selon l’interprétation des saints Pères se retournent contre ceux qui en invoquent l’autorité.

Saint Pierre, rappelant une parole de l’Exode, xix, 6, écrit aux premiers chrétiens : « Soyez vousmêmes posés sur lui [le Christ] comme des pierres vivantes, un édifice spirituel, un sacerdoce saint, pour offrir des hosties spirituelles, agréables à Dieu, par Jésus-Christ… Vous êtes la race élue, le sacerdoce royal, la nation sainte, etc. » Or, dans ces textes, le sens métaphorique est prédominant. Les expressions « pierres vivantes », « édifice spirituel », « offrande d’hosties spirituelles », « race élue », « nation sainte » montrent qu’ici saint Pierre parle par métaphore, et qu’il ne faut pas, en conséquence, prendre les expressions « sacerdoce saint », « sacerdoce royal », en un sens tellement strict qu’il faille considérer tous les chrétiens indistinctement comme des prêtres. Comparez Rom., xii, 1 ; Heb., xiii, 15, 16 ; Phil., iv, 18. Cette interprétation s'étend aux deux passages de l’Apocalypse qu’on a coutume d’alléguer, saint Jean proclamant que Jésus-Christ a fait ses fidèles « rois et prêtres », paoriXsîav xal tepsîç, v, 10, et montrant que les élus seront, au ciel, « prêtres de Dieu et du Christ » et « régneront avec lui mille ans ». xx, 6.

L’interprétation des Pères les plus autorisés montre bien en quel sens il faut retenir ces expressions. On pourrait tout d’abord dire que les simples fidèles sont prêtres parce qu’ils offrent vraiment, avec le prêtre proprement dit et en union avec lui, le sacrifice eucharistique. Voir Messe, t. x, col. 1284-1285. Mais, précisément, cette participation au sacrifice eucharistique suppose, dans le chrétien, la possibilité d’offrir à Dieu ces sacrifices spirituels, improprement dits, dont il est si souvent question dans l'Écriture, sacrifice du propre corps et des convoitises, Rom., xii, 1 ; sacrifice des exercices de la vie chrétienne en général, I Pet., ii, 5 ; sacrifice de la prière, Heb., xiii, 15 ; sacrifice de la bienfaisance et de l’aumône, Heb., xiii, 16 ; Phil., iv, 18 ; sacrifice même de la foi en Notre-Seigneur Jésus-Christ, Phil., ii, 17. C’est en ce sens très large que les Pères ont compris le sacerdoce et le sacrifice des simples chrétiens. Voir Origène, In Leviticum, homil., ix, 1, cꝟ. 9, P. G., t.xii, col. 508, 521 ; Clément d’Alexandrie, Adumbrationes in I Pet., P. G-, t. ix, col. 730 ; S. Ambroise, Exposilio in Lucam, t. V, 33 ; t. VIII, 52, P. L., t. xv (1845), col. 1645, 1781 ; S. Augustin, De civilate Dei, t. XX, c. x, P. L., t. xli, col. 676 ; S. Léon le Grand, Serm., iv, 1, P. L., t. liv, col. 14 ; S. Maxime de Turin, De baptismo, tract. iii, P. L., t. lvii, col. 777, 778. La doctrine des Pères est que la vie chrétienne tout entière, et dans ses détails, peut être considérée comme un sacrifice spirituel que chacun de nous doit continuellement offrir à Dieu ; et c’est pour cette offrande que tout fidèle reçoit, dans son initiation au christianisme, un sacerdoce spirituel qui fait de lui un « prêtre » au sens large du mot. Le catéchisme du concile de Trente a repris cette explication, part. III, c. vii, n. 23 sq. ; cf. Mazzella, De Ecclesia, n. 527 sq.

Mais la thèse de M. Hatch prétend s’appuyer sur des textes postérieurs à l'âge apostolique et dont le sens obvie semble nier la distinction entre prêtres et laïques. On allègue un certain nombre de cas où la prédication et l’administration du baptême étaient confiées aux laïques. Sans discuter chacun des exemples allégués sur ces deux points, nous reconnais

sons qu’autrefois, comme aujourd’hui d’ailleurs, mais à titre exceptionnel, des laïques ont baptisé ; cf. Tertullien. De baptismo, n. 17, P. L., t i, col. 1217. D’ailleurs les sacrements n’exigent pas tous, pour être valides, le caractère sacerdotal en celui qui les administre. Il faut aussi reconnaître qu’en certains cas, dans la primitive Église, des laïques, doués de charismes ou d’une exceptionnelle autorité, ont porté la parole dans les assemblées chrétiennes : tel Origène, cf. Eusèbe, H. E., VI, xix, 16-18. Mais le point important du débat doit se concentrer sur la célébration de l’eucharistie. La consécration de l’eucharistie faite par un laïque a toujours été considérée comme invalide et sacrilège ; voir saint Irénée sur le cas de Marcus, Cont. lurr., i, xiii, 2. P. G., t. vii, col. 579 ; Firmilien de Césarée, S. Cypriani Epist., lxxv, 10, Hartel, p. 816 sq. Saint Cyprien lui-même, estimant invalides les ordinations de Kovatien et des hérétiques, ne croit pas à la validité de leurs consécrations eucharistiques. De cathol. Ecclesiæ unitate, 17 ; Epist., lxx, 2, édit. Hartel, p. 226, 768. M. Hatch assure cependant que saint Ignace d’Antioche regardait comme valide la consécration opérée par des laïques, et il cite Eph., xx, 2 ; Philad., iv, et surtout Smyrn., viii, 1. Mais il faudrait prouver tout d’abord que les trois textes invoqués visent bien une eucharistie semblable à celle de l'Église catholique et une eucharistie célébrée par des laïques. Or, il n’y a pas de doute que l’eucharistie des dissidents visés par Ignace ne différât de celle de l'Église, ces dissidents étant vraisemblablement les docètes, dont il est question Smyrn., vii, 1. Et rien ne prouve qu’il ne s’agisse d’une eucharistie célébrée par des prêtres dissidents eux-mêmes ou tout au moins non délégués par l'évêque.

L’autorité de Tertullien. à demi montaniste ou montaniste déjà déclaré, ne saurait être retenue. Nous nous contentons de renvoyer à Tixeront, Hist. des dogmes, t. i, 9e édit., p. 448, et plus complètement, L’ordre et les ordinations, p. 43-48 ; cf. Ch. Pesch. Prælect. dogmaticse, t. vii, n. 612 et plus loin, col. 1229.

77I. DÉVELOPPEMENT ULTÉRIEUR DE LA HIÉRARCHIE Ecclésiastique. — 1° La hiérarchie à trois degre’s à partir du IIe siècle. — 1. Les Pères apostoliques. — Vers le milieu du iie siècle, le Pasteur d’Hermas paraît encore s’en tenir aux formules de l'âge strictement apostolique : apôtres, docteurs, zTiLoy.onoi. et diacres. Vis., III, v, 1.

L'Église de Smyrne appelle Polycarpe « un docteur apostolique », S'.SâoxaXoç à7 ; oGToÀtxcç. Mart. Polyc, xvi, 2. Mais ce « docteur « est un évêque, au sens que nous attachons aujourd’hui àcemot, /61'rf. ; cf. S. Irénée Cont. hær., III, ni, 4, P. G., t. vii, col. 851. Et, dans l'épître de Polycarpe sont nommés successivement les prêtres, adresse et v, 3 ; vi, 1 ; xi, 1 ; et les diacres, v, 2, 3.

C’est qu’en effet, dès le début du iie siècle existe — et saint Ignace d’Antioche en est le principal témoin dans ses épîtres — une hiérarchie comprenant trois degrés parfaitement distincts avec un nom approprié à chaque degré, l'évêque, désormais unique et chef monarchique de sonÉglise, voirÉvÊQUES.col. lG68sq., les prêtres, souvent désignés par un nom collectif, 7rp£c6uTspiov, et les diacres, eux aussi nommés au pluriel, mais sans former groupe comme les précédents. Voir Eph., v, 1, 3 : vi, 1 ; Magn., iii, vi ; TralL, n, iii, vii, xiii ; Philad.. iii, vii ; Smyrn., vii-ix. En dehors d’eux, il n’y a pas d'Église. Et ce qui est remarquable, au point de vue qui nous occupe, c’est que, pour Ignace, « l'évêque, ses prêtres et les diacres (sont) désignés dans la pensée de Jésus-Christ, èv yiû[rf IvjffoD XpioTOÛ, lequel, selon sa volonté propre, xocxà tô l ! 8tov OéX^jxa, les a établis et confirmés par l’EspritSaint ->. Philad.. adresse.

A côté de la division de la hiérarchie en trois degrés, il y a donc ici l’affirmation très nette de l’institution divine, par Jésus-Christ, de cette hiérarchie. Mais, de plus, la succession apostolique s’y trouve implicitement exigée pour que soit valide la succession dans les pouvoirs. En effet. les épîtres ignatiennes attestent expressément, en 107, « que Polycarpe était évêque de Smyrne, Onésime d'Éphèse, Damas de Magnésie, Polybe de Tralles ; que Philadelphie avait le sien. Aux fidèles de cette ville, (Ignace) parle avec éloge « des Églises qui avaient « envoyé leurs évêques à Antioche, en Syrie ». Philad., x, 2. Comme la plupart des Églises d’Asie Mineure, sinon toutes, avaient des sièges épiscopaux tout au commencement du iie siècle, il faut bien admettre que ces sièges pouvaient exister déjà dix ou vingt ans plus tôt, à savoir du vivant de l’apôtre saint Jean. Il suffît de lire les lettres d’Ignace pour se convaincre que cette hiérarchie ne datait pas de la veille, qu’on ne venait pas d’innover. » Michiels, art. Évêques, dans le Dict. apol. de la foi cath., t. i, col. 1770 ; voir, sur l’origine apostolique des Églises primitives, Évkques, col. 1672-1682 ; Michiels, art. cité, col. 1766-1778.

Pour Ignace, l'évêque possède dans son Église un rôle prépondérant. Il est seul le chef : les prêtres doivent lui être soumis, comme les cordes à la lyre. Eph., iv, 1. L'évêque est l’image de Dieu le Père, les prêtres représentent le collège apostolique. Magn., vi, 1. L’ordre même dans lequel les prêtres sont constamment nommés après l'évêque montre leur infériorité. Enfin, l’expression 7rpeo6uTÉpi.ov montre que les prêtres forment un corps soumis à l’autorité monarchique du seul évêque, qu’ils doivent se borner à encourager. TralL, xii, 2. Toujours nommés 'en troisième lieu, les diacres sont inférieurs aux prêtres et leur sont soumis. Magn., n. Ainsi, le devoir des fidèles est principalement d'être soumis par la foi et l’obéissance à la hiérarchie, mais spécialement à l'évêque. « Ignace ne suppose pas qu’il soit jamais permis de se séparer de l’autorité dans ses vues ou sa conduite : il faut être soumis à l'évêque, au presbytérium, aux diacres, Eph., ii, 2 ; v, 3 ; xx, 2 ; Magn., n, iii, 1 ; vi, 1, 2 ; xiii, 2 ; TralL, ii, 1, 2 ; xiii, 2 ; Philad., vii, 1 ; Smyrn., viii, 1 ; Polyc, iv, 1. Plus particulièrement, Jésus-Christ étant la sentence du Pèie, et les évêques qui vivent sur la terre étant dans la doctrine de Jésus-Christ, èv 'Iy)ooû XpLCTOÛ yvwu.7), il convient de partager la doctrine de l'évêque. Eph., m, 2 ; iv, 1. C’est en ne se séparant pas de JésusChrist, de l'évêque et des préceptes des apôtres que l’on se nourrira de l’aliment chrétien, que l’on s’abstiendra de l’herbe étrangère qui est l’hérésie. TralL, vi, 1 ; vii, 1. Puis, ceux qui sont de Dieu et de JésusChrist sont avec l'évêque ; les schismatiques n’hériteront pas du royaume des cieux. Philad., ni, 2, 3. Et, comme l'évêque est le centre doctrinal et disciplinaire, il est aussi le centre liturgique de l'Église : « Que cette eucharistie soit tenue pour légitime ((Σ ; 6a(a) qui se fait sous l'évêque et sous celui à qui il l’a accordé… Il n’est permis, sans l'évêque, ni de baptiser, ni de faire l’agape (ou l’eucharistie) : ce qu’il approuve est ce qui plaît à Dieu, afin que tout ce qui se fait soit ferme et valide. » Smyrn., viii, 1, 2. J. Tixeront, Histoire des dogmes, t. 1, 9e édit., p. 139-140.

Ce passage de la lettre aux Smyrniotes implique, pour les simples prêtres, auxquels s’adresse évidemment la recommandation, le pouvoir de baptiser et de célébrer l’eucharistie. « Il est remarquable, ajoute J. Tixeront, qu’Ignace, qui ne veut pas que les prêtres baptisent ou consacrent sans l’autorisation de l'évêque, n’ajoute pas qu’ils ne doivent pas non plus,

sans cette autorisation, imposer les mains pour l’ordination et faire d’autres prêtres, diacres ou évêques. Pourquoi ? Sans doute parce que, ne reconnaissant pas à ces prêtres ie pouvoir de conférer l’ordination, toute recommandation à ce sujet lui semblait inutile ; car, d’ailleurs, il était bien plus important, pour éviter les schismes, qu’ils s’abstinssent d’ordonner, — s’ils pouvaient le faire — qu’il n'était important qu’ils s’abstinssent de baptiser ou de célébrer sans y être autorisés. Autant dire que les prêtres que saint Ignace avait en vue n'étaient que des prêtres de second ordre, incapables de communiquer le sacerdoce.' Le presbytérat simple remonte sûrement au début du iie siècle. » L’ordre et les ordinations, p. 74-75.

La lettre à Polycarpe, véritable petit traité de pastorale, confirme ce qui précède sur les droits des évêques, mais y ajoute les devoirs corrélatifs, tant au temporel qu’au spirituel ; voir I, 2 ; ni, 1 ; ii, 1 ; iv ; v. Sur les textes d’Ignace démontrant l’existence de la hiérarchie à trois degrés, on se reportera à la collection Textes et documents, Les Pères apostoliques, iii, Ignace d’Antioche, Paris, 1910, par Auguste Lelong. préface, p. xxxviii-xl.

2. Les Pères apologistes.

On trouvera naturellement dans leurs écrits fort peu de choses sur le sacrement de l’ordre, qui appartient à la constitution intime de l'Église. Toutefois, à propos de l’eucharistie, saint Justin nous livre une indication précieuse. Décrivant la liturgie eucharistique, il rappelle qu’on apporte au « président des frères « , du pain et un calice d’eau et de vin. Après les prières eucharistiques et l’action de grâce du « président et les répons du peuple, ceux qu’on appelle « diacres » donnent à chaque assistant une part du pain eucharistique et du vin mélangé d’eau. Apol., i, 65 ; cꝟ. 67. P. G., t. vi, col. 428, 429. Le rôle de celui qui préside est ici une donnée singulièrement importante : « Dans l’assemblée décrite par Justin, il y a le Xoc6ç, et il y a le npoea-uoiç tgSv àSeXcpwv, puis, entre le peuple et son chef, les Siâxovoi. Le ^poecxcôç est celui qui préside habituellement : cet office suppose que celui qui l’exerce est digne de l’exercer ; cf. Dial. cum Tryph., cxvii, 2, P. G., t. vi, col. 745. Le TrpoeaTwç prononce la prière seul, et le peuple répond Amen. Il fait l’homélie, commente la leçon, morigène les frères. On lui remet les offrandes à distribuer aux pauvres. Appelons-le par son nom. C’est l'évêque. » P. Bâti (Toi, L’eucharistie, la présence réelle et la transsubstantiation, 5e édit., p. 19.

3. Les Pères controversisles.

Nous devons nous arrêter tout particulièrement à saint Irénée.

Tout en invoquant, à la suite de Papias, le témoignage de certains « presbytres » qui pouvaient n'être pas de véritables chefs ecclésiastiques, Irénée connaît très certainement la succession hiérarchique de l'Église catholique. Les ministres sacrés sont désignés par lui indifféremment par les termes Ètcîcxotioi et 7Tp£a6ÛTepoi, la distinction du sens entre ces deux termes n'étant pas encore nettement établie. Voir Irénée (Saint), t. vii, col. 2428. Mais la doctrine même de saint Irénée connaît la distinction du véritable épiscopat et du simple presbytérat : « Ce ne sont pas tous les prêtres qui sont dépositaires, au même titre, de la tradition apostolique, mais ceux qui, dans les Églises, sont les successeurs des apôtres, ce sont les chefs ; ce sont, à Rome, les papes, dont Irénée dresse la liste, Cont. hær., III, iii, 3, P. G., t. vii, col. 849-851, et, dans les plus anciennes Églises, ceux dont il pourrait donner la liste, ce qu’il ne fait pas pour ne pas être trop long, n. 2, col. 848, se bornant, après avoir établi celle de Rome, à mentionner celles de Smyrne et d'Éphèse, n. 4, col. 852-853.

Irénée détache ceux qui commandent dans les Égl ses. I, x, 2 ; IV, xxvi, col. 553 et 1055-1056. Par opposition aux successeurs authentiques des apôtres, il signale et stigmatise ceux qui absistunt a principali successione, IV, xxvi, n. 2 ; cf. n. 3, col. 1054. La traduction latine rend toùç 71psa6uxépouç -rr^ç 'Exxvvjataç Act., xx, 17, par eonvocalis episcopis et prcsbijteris qui erant ab Epheso et a reliquis proximis civitatibus ; ici la distinction même des noms se dessine, III, xiv, 2, col. 1)1 1… Dans le texte, IV, xxxiii, 8, col. 1077, apparaissent le caractère d’ensemble organisé ce l'Église et le rôle, (.ans cette organisation, de l'épicopat : agnilio vera est apostolurum doctrina, et anliquus Ecclesise status, in universo mundo, et characler corporis Christi secundum successiones episcoporum, quibus illi eam, quæ in unoquoque loco est, Ecclesiam tradiderunt ; cf. III, iv, 2 ; V, xx, 1, col. 855 et 1177. » F. Vernet, art. Irénée (Soint), col. 2428-2429.

On sait que Funk a recueilli les textes où Irénée rapporte l’enseignement des prêtres, disciples des apôtres. Presbgterorum reliquia' ab Irenœo seroatæ, Patres apostolici, t. i, p. 378. L'évêque Polycarpe est appelé ài : oCTToXi.xôç Trpsa6ÙTSpoç. Episl. ad Elorinum, dans Eusèbe, II. E., V, xx, P. G., t. xx, col. 485. Certains « prêtres » d' Irénée sont à coup sûr des évêques ; cf. Demonslratio, édit. Weber, iii, 61.

4. Clément d’Alexandrie et Origène.

Ni l’un, ni l’autre ne se sont préoccupés directement de l’ordre. Néanmoins, ils connaissent la hiérarchie ecclésiastique à trois degrés.

Clément partage nettement l'Église en clercs et en laïques et, parmi les premiers, personnes élues, npQGOTca. èxXexTric, il distingue les évêques, les prêtres, les diacres. Psedag., III, 11, P. G., t. viii, col. 677 ; Strom., III, 12, col. 1180, 1189 ; VI, 13, t. ix, col. 328 ; VII, 1, col. 405 ; ici il n’est question que des prêtres et des diacres. Voir Clément d’Alexandrie, t. iii, col. 167.

Origène parle de la hiérarchie, surtout des évêques et des prêtres, à propos de la rémission des péchés, qui est dévolue à ceux qui président dans l'Église, et qui constitue le pouvoir des clefs revendiqué par les évêques. In Judices, homil. ii, 5 ; In Matth., t. xiv, n. 14, P. G., t.xii, col. 961 ; t. xiii, col. 10121013. Et précisément, à propos des condamnations portées par l'Église contre les clercs pécheurs, Origène fait nettement allusion aux trois degrés de la hiérarchie : « Il est humiliant, écrit-il, de se lever dans l'église du banc des prêtres, de se voir expulsé du rang des diacres. » In Ezech., homil., x, 1, P. G., t. xiii, col. 740. D’autre part, dans son homélie sur le ps. xxxvii, 1, P. G., t.xii, col. 1372, il parle en ces termes de l’autorité de la hiérarchie sur les simples fidèles : « Tous les évêques, les prêtres, les diacres, nous instruisent ; pour nous instruire, ils emploient des réprimandes et des paroles dures… » Ailleurs, il parle du rôle du prêtre comme confesseur, lequel doit être un médecin habile et expérimenté. In ps. XXX vii, homil., ii, 6, P. G., t.xii, col. 1386 Il apparaît bien dans la pensée d’Origène que l'évêque seul n’est pas le détenteur du pouvoir des clefs, mais que les fidèles ont le choix entre plusieurs médecins ; cf. In Luc, homil., xvii, P. G., t. xiii, col. 1846. Sur tous ces points, voir Origène et A. d’Alès, L'édit de Calliste, Paris, 1914, c. ix. On retrouvera plus tard quelques traits de la théologie d’Origène sur le rôle de l'évêque rians le traitement i’u péché chez Méthode d’Olvmpe ; cf. J. Farges, Les idées morales et religieuses de Méthode d’Olympe, Paris, 1929, p. 136 ; 147-150 ; 153-155.

5. Tertullien.

Vers la même époque, en Occident, Tertullien est un témoin de la hiérarchie à trois degrés. Sans doute, sur l’organisation des corn

munautés chrétiennes, Tertullien n’enseigne rien ex professa. Nous trouvons cependant toute la doctrine relative à la hiérarchie, éparse dans ses œuvres. Il distingue très nettement les clercs et les laïques, De baplismo, n. 17, P. L., t. i, col. 1217. Et ces derniers ne doivent pas s’ingérer dans les fonctions que Tertullien appelle sacerdotales, sacerdotalia munera, De prsescriptione, c. xli, P. L., t. ii, col. 56 ; sacerdotale officium, De virg. velandis, c. ix, col. 902. Parmi les clercs, l'évêque est au sommet de la hiérarchie, avec pleins pouvoirs pour enseigner, gouverner, administrer les sacrements. Les prêtres et les diacres ne viennent qu’après l'évêque. De baptismo, loc. cit. Le ministère épiscopal représente excellemment la tradition apostolique : les évêques, en elïet, ont été institués pour diriger les chrétientés naissantes, tels Polycarpe à Smyrne institué par saint Jean, Clément à Rome, par saint Pierre. De prsescripl., c. xxxii, col. 44. Chef de l’ordre sacerdotal, — summus sacerdos — l'évêque est, comme tel, ministre ordinaire des sacrements, baptême et confirmation, De baptismo, loc. cit. ; pénitence, De pudicitia, c. xviii, P. L., t. ii, col. 1017 ; eucharistie, Apolog., c. xxxix, P. L., t. i, col. 469 ; De corona. c. iii, t. ii, col. 79 ; et il use de son autorité pour prescrire à la communauté des jeûnes et d’autres pratiques, De jejunio, c. xiii, P. L., t. ii, col. 972. L’ambition des évêques est source de schismes, De baptismo, n. 17, col. 1217.

En dessous de l'évêque, se trouve le prêtre, presbyier, qui participe au même sacerdoce. A défaut de l'évêque, le prêtre préside l’assemblée des fidèles et distribue l’eucharistie. Apolog., loc. cit. ; De corona, c. ni, t. ii, col. 79. Le nom de summus sacerdos donné à l'évêque prouve qu’on reconnaissait au prêtre une participation au même sacerdoce. Mais il faut reconnaître que Tertullien n’avait pas encore les idées très nettes de la théologie postérieure sur les pouvoirs d’ordre et de juridiction et la distinction des deux pouvoirs ; cf. A. d’Alès, La théologie de Tertullien, Paris, 1905, p. 218-219. Nous savons d’ailleurs que Tertullien fut prêtre de l'Église de Carthage et plusieurs de ses écrits témoignent de son zèle sacerdotal. Le De anima, c. ix, t. ii, col. 659, montre une âme recourant à sa direction.

Les diacres n’ont qu’un rôle beaucoup plus effacé. Néanmoins, ils appartiennent normalement au troisième degré de la hiérarchie. De baptismo, n. 17, t. r, col. 1218 ; De prsescript., c. xli, t. ii, col. 56 ; De juga in pers., c. xi, col. 113 ; De monogamia, c. xi, col. 943.

Évêques, prêtres et diacres enseignent ; les laïques vocantur discentes ». De baptismo. n. 17, t. i, col. 1217.

Ainsi donc, Tertuillen, encore catholique, vénère le sacerdoce chrétien. « S’il lui arrive de dire, après saint Pierre, I Pet., ii, 9, et saint Jean, Apoc, i, 6 ; v, 10 ; xx, 6, que tout chrétien est prêtre, nos veri sacerdotes, De oralione, c. xxviii. t. i, col. 1194, il ne méconnaît pas la distance qui sépare ce sacerdoce métaphorique du sacerdoce proprement dit, et réserve également les droits de la hiérarchie ecclésiastique, De baptismo, loc. cit. ; cf. De corona, c. III, t. ii, col. 79. Mais, du jour où il prit en main la cause de la nouvelle prophétie, par la force des choses il se trouva le porte-parole et le porte-étendard de l'élément laïque, en voie d’insurrection contre les chefs de l'Église. Ceux-ci devinrent de faux pasteurs, De corona. c. i, t. ii, col. 77, lions dans la paix, cerfs au combat, toujours prêts à fuir devant le loup. De fuga, c. xi, col. 113. L'épiscopat ne fut plus que la tyrannie d’un homme, De fuga, c. xiii, col. 118, une odieuse contrefaçon de l’institution apostolique. Les revendications se précisent dans l’exhortation

à la chasteté : « Est-ce que, même laïques, nous ne sommes pas prêtres ? Il est écrit, Apoc, i, 6 : // nous a faits royaume, prêtres de Dieu son Père. Entre clercs et laïques, la différence est constituée par l’investiture de l'Église, qui honore les uns d’une préséance. Où il n’y a plus ni assemblée, ni préséance, vous sacrifiez, vous baptisez, vous êtes prêtre pour vousmême, de plein droit. Mais où se trouvent réunis trois fidèles, fussent-ils laïques, là est l'Église. » De exhortatione castilatis, c. vii, t. ii, col. 922. La même conception démocratique de l'Église se retrouve, plus développée, dans le traité de la monogamie. Au nom de l’ancienne Loi et au nom de saint Paul, Tertullien étend aux simples fidèles le précepte apostolique de la monogamie. De monogamia, c. vii, xii, P. L., t. ii, col. 937, 947… L’ascension de l'élément laïque vers les prérogatives du sacerdoce était le dernier mot des revendications montanistes. Tertullien, devenu un niveleur, n’a plus qu'à nier l'Église hiérarchique : il le fera dans le De pudicilia… » A. d’Alès, op. cit., p. 492-493.

6. Saint Hippolyte.

C’est à l’occasion de la pénitence à appliquer aux clercs coupables qu’Hippolyte signale la hiérarchie à trois degrés, évêques, prêtres et diacres, Calliste maintenant, à son dire, dans le clergé des évêques, des prêtres et des diacres qui avaient été mariés deux et trois fois. Philosophumena, ix, 12, P. G., t. xvi c, col. 3386. Dans le Commentaire sur Daniel, il décrit l'Église sous la figure du paradis, où croissent des arbres d’essences variées : patriarches, prophètes, apôtres, martyrs, vierges, docteurs, évêques, prêtres et lévites, i, 17, édit. Bonwetsch, p. 28.

La Tradition apostolique d’Hippolyte décrit, avec une précision qui laisse peu de chose à désirer, la discipline occidentale du début du troisième siècle. Elle affirme la constitution de la hiérarchie ecclésiastique, comprenant les évêques, les prêtres et les diacres, auxquels elle adjoint même les degrés inférieurs de lecteur et de sous-diacre, sans compter les veuves, les vierges et les fidèles doués du charisme de guérison (exorcistes ?). Sur l’attribution à Hippolyte, dom Connolly, The so called egyptian Church Order and derived documents, dans Texts and ttudies, t. viii, fasc. 4, Cambridge, 1916. Un essai de traduction latine dans Duchesne, Origines du culte chrétien, 5e édit., appendice. Voir ci-dessous, col. 1247.

7. Saint Cyprien.

La théologie de saint Cyprien relative au sacrement de l’ordre est tout aussi complète. Pour nous en tenir au point précis du développement de la hiérarchie à trois degrés, il résulte des textes de Cyprien que la division du clergé en évêques, prêtres, diacres, est un fait acquis depuis longtemps, de nouveaux développements s'étant déjà affirmés. Nous résumons ici A. d’Alès, La théologie de saint Cyprien, p. 309 sq.

Pour Cyprien, l'Église repose sur les évêques, Epist., xxxin, 1, éd. Hartel, p. 566. Les évêques sont les successeurs des apôtres et, comme tels, d’institution divine, Epist., ni, 3, p. 471 ; xlv, 3, p. 602 ; Sententiæ episcoporum, 79, p. 459 ; Epist., lxxv, 16, p. 821. Au-dessous des évêques, les autres ordres, nommément celui des diacres, procèdent de leur initiative. Dieu fait les évêques, les évêques font les diacres, Epist., ni, 3, p. 471 ; xlviii, 4, p. 608 ; lv, 8, p. 629 ; lix, 4, 5, p. 670, 672. Le nom episcopus exprime un pouvoir de gouvernement. Mais Cyprien emploie plus souvent le mot sacerdos, qui exprime les fonctions du culte divin. Les noms autistes, præpositus, pastor, gubernator, répondent aux divers aspects du pouvoir monarchique exercé par l'évêque pour la direction de l'Église et l’administration des sacrements. L'évêque est ici-bas le juge

sans appel établi par Dieu ad tempus. Epist., lix, 5, p. 672. Pontifex n’est pas appliqué aux évêques. « Ce nom, que Tertullien jetait à la face de l'évêque de Rome comme un outrage, De pudicitia, n. 1, t. ii, col. 980. sembla avoir conservé jusqu’au milieu du troisième siècle un relent de paganisme. » Bientôt cependant, l'Église allait s’en emparer, et Pontius, diacre de Cypricn et son biographe, l’emploie pour son héros. Vita Cypriani, 9, p. xcix. A l'évêque appartient en propre la chaire, cathedra, insigne de son pouvoir d’enseignement et de gouvernement, Epist., ni, 1, p. 469. Il a autorité pour expliquer les Écritures, Epist., lv, 14, p. 633 ; lviii, 4, p. 659 ; liv, 3. Voir d’autres références dans A. d’Alès.

Les prêtres sont associés à l’administration épiscopale et ont part au respect dû à l'évêque. Ils siègent près de lui à l'église, Epist., xl, p. 585 ; ils forment son conseil ordinaire, Epist., xiv, 4, p. 512 ; xxix, p. 548 ; cf. xlix, p. 610. Ils le suppléent en cas de nécessité, Epist., v, 2, p. 479 ; xvi, 4, p. 520 ; xviii, 1, p. 524, soit dans l’administration de la pénitence, soit dans la célébration de l’eucharistie. Les diacres, créatures de l'épiscopat (cf. Epist., m, 3, p. 471), doivent servir évêques et prêtres dans le ministère et peuvent en certains cas les suppléer. Ils accompagnent l'évêque ou le prêtre à l’autel, Epist., v, 2, p. 479. Ils distribuent l’eucharistie, De lapsis, 25, p. 255. Ils interviennent même en cas de nécessité dans l’administration de la pénitence. Epist., xviii, 1, p. 524.

8. Didascalie et Constitutions apostolique^. — Nous pourrions arrêter ici nos investigations parmi les auteurs du iiie siècle, car l’enseignement de la plupart de ceux que nous avons cités déborde déjà le cadre de la hiérarchie à trois degrés. Néanmoins, il convient encore de relever les assertions de la Didascalie, document oriental de la fin du iiie siècle (voir t. iv, col. 734 sq.). Ici, en effet, on nous montre « les membres de l'Église nettement partagés en clercs et laïques, les diaconesses cependant tenant à la fois des deux ordres. Le chef de la communauté chrétienne est l'évêque. La Didascalie ne tarit pas sur ses prérogatives et sa dignité. Il est à la tête des fidèles, vi, 14, 11, prince des prêtres, docteur et père après Dieu dont il tient la place, ix, 26, 4 ; à lui le droit et le devoir de prêcher et d’enseigner, v, 11 ; de reprendre et de juger ceux qui pèchent, vu, 18, 2, 3, de remettre les péchés, vii, 20, 9 ; c’est à lui qu’il appartient de consigner le baptisé, de lui donner le Saint-Esprit, de distribuer l’eucharistie, ix, 32, 4 ; 33, 2. Il commande aux prêtres et aux diacres et sans lui on ne doit rien faire, iv, 1, 1 ; ix, 1-3. Beaucoup de ces textes rappellent les épîtres de saint Ignace. » Tixeront, Hist. des dogmes, t. i, p. 496. Pour plus de détails, voir t. iv, col. 742-743. On doit rapprocher de la Didascalie les six premiers livres des Constitutions apostoliques, voir t. iii, col. 1520, qui n’en sont qu’un remaniement. On y rencontre les mêmes indications sur la hiérarchie à trois degrés. On y attribue à Yévêque tous les pouvoirs d’enseignement et d’administration des sacrements ; aux prêtres l’enseignement ; aux diacres le soin d’aider l'évêque, surtout dans la distribution des aumônes. Voir en particulier t. II, c. xxvi.

Conclusion. — De cette enquête, on peut conclure que le développement du sacerdoce en une hiérarchie à trois degrés, comprenant évêques, prêtres et diacres, est un fait acquis dans l'Église universelle depuis le début du iie siècle, tout au moins en Orient et, un peu plus tard, en Occident. Ces trois degrés de l’ordre sont considérés partout comme appartenant à l’institution divine, promulguée par les apôtres et leurs successeurs immédiats au nom des apôtres. Voir,

d’une manière spéciale, sur la distinction de droit divin de l'épiscopat et de la prêtrise, Évêques, t. v, col. 1668 sq. Nous pouvons donc nous arrêter ici et porter désormais nos investigations sur des développements plus étendus de la hiérarchie sacrée.

Les ordres inférieurs.

De ces ordres inférieurs au diaconat, Benoît XIV n’hésite pas à

écrire : Horum ordinum originem indagare est operosum, assequi vero fere impossibile. De synod., t. VIII, c. ix, § 5. De bonne heure, la nécessité se fit sentir de donner aux diacres des aides dans leurs divers offices matériels et religieux.

Jusqu'à l’identification de la Tradition apostolique d’Hippolyte, on considérait la lettre du pape Corneille à l'évêque Fabius, écrite en 251, comme le plus ancien document faisant mention du sous-diaconat et des ordres mineurs. Dans Eusèbe, H. E., VI, xliii, P. G., t. xx, col. 622. Parlant de Novatien, le pape écrit : « Il n’ignore pas que dans celle-ci (l'Église de Rome)… il y a quarante-six prêtres, sept diacres, sept sous-diacres, quarante-deux acolytes, cinquantedeux exorcistes, lecteurs et portiers, plus de quinze cents veuves et indigents ; et la grâce et la charité du Maître les nourrit tous. » Nous avons dit que la Tradition apostolique antérieure d’une quarantaine d’années, connaît, elle aussi, des ordres inférieurs. Ci-dessus, col. 1230.

Au iiie siècle, on connaissait donc, à Rome et en Occident, cinq ordres inférieurs au diaconat, donc une hiérarchie à huit degrés, en comptant l'épiscopat comme un degré distinct du simple presbytérat. Les cinq ordres inférieurs étaient au fond un dédoublement du diaconat. Mais, au ive siècle, l’Ambrosiaster se rendait compte que cette division rigoureuse des fonctions ne correspondait pas exactement avec ce qui s'était passé à l’origine de l'Église, et malgré son désir de la retrouver dans Eph., iv, 11-12, il convenait qu’il y fallait quelque bonne volonté. In Epist. ad Ephes., iv, 11-12, P. L., t. xvii, col. 587. D’autre part, les papes Damase probablement (dans les Canones synodi romanorum ad gallos episcopos, P. L., t. xiii, col. 1181 sq.), Sirice, Epist.. i, 10-15, 19 ; v ; vi, P. L., t. xiii, col. 1138 sq., 1155, 1164, Innocent I er, Epist., ii, ni, xvii, xxxvii, xxxix, P. L., t. xx, col. 470, 486, 526, 603, 606, Zozime, Epist., ix, P. L., t. xx, col. 670 sq. ont donné des règles précises pour l’admission aux ordres mineurs et l’accès aux plus élevés. Les clercs ne doivent être mariés qu’une fois et avec une vierge ; à partir du diaconat, ils doivent observer la chasteté ; cf. Arabrosiaster, In Epist. I ad Timoth.. ni, 12-13, P. L., t. xvii, col. 470.

En Orient, on alla moins loin, et l’on se contenta en dessous du sous-diaconat du seul lectorat. Il y eut sans doute des exorcistes, des chantres, sans compter les confesseurs, les vierges, les diaconesses, Const. apost., VIII, xxvi ; xxviii, 7-8, 6 ; xxiv. On trouve également dans le pseudo-Ignace, les chantres, les portiers, les (ossores, xoTuôJvxaç, les exorcistes, les confesseurs, Ad Antioch., xii, Funk, Patres apostolici, t. ii, p. 171. Saint Épiphane met, après les vierges, les exorcistes, les interprètes (des langues), les fossores, les portiers, et tous les ministres établis pour la bonne discipline. Expositio fidei, 21, P. G., t. xlii, col. 824-825 ; cf. Conciles d’Antioche (341), can. 10 ; de Laodicée, can. 23, 24 ; in Trullo, can. 4. Mais tous ces « ministres » n'étaient pas regardés comme étant dans les ordres. Les Constitutions' apostoliques sont formelles. « Le confesseur n’est pas ordonné…, la vierge n’est pas ordonnée…, la veuve n’est pas ordonnée…, l’exorciste n’est pas ordonné. » VIII, xxiii-xxvi. L’ancienne Église gréco-byzantine a toujours distingué entre les ordres proprement dits,

conférés par l’imposition de la main de l'évêque, /stpoTOvia ou ^eipoOscfia, et les dignités ou fonctions ecclésiastiques conférées aux clercs déjà constitués dans les ordres, soit par une simple nomination, soit même par un rite auquel parfois l’imposition des mains est jointe, mais sans collation d’ordre proprement dit, simples npoyeipéasiç. Il faut donc s’en tenir à la conclusion de J. Morin : en Orient la hiérarchie est à cinq degrés, ne comptant en dessous du diaconat que le sou^diaconat et le lectorat. De sacris Ecclesim ordinationibus, Paris, 1655, part. II, exercit. xiv, c. ii, p. 192-194.

1. Les sous-diacres.

Les sous-diacres sont mentionnés dans plusieurs lettres de saint Cyprien, notamment viii, 1 ; ix, 1 ; xxix ; xxxiv, 4, édit. Hartel. A Rome, nous avons vu par la Tradition apostolique et la lettre de Corneille qu’ils existaient dès le m c siècle ; mais leur institution peut être antérieure. La Didascalie, ix, 34, 3 nous apprend qu’ailleurs on en créait le nombre nécessaire au service de l'Église. Mgr Duchesne explique ainsi l’origine des sous-diacres de l'Église romaine : « Fabien, le prédécesseur de Cornélius, avait constitué les sept régions ecclésiastiques et les avait réparties entre les sept diacres… Il faut noter, du reste, que le nombre des régions, non seulement est égal, dès l’origine, à celui des diacres et des sous-diacres, mais qu’il a évidemment influé sur celui des acolytes. Quarante-deux acolytes, cela fait six par région. Ajoutez le sous-diacre, vous avez, dans chaque région, sept clercs inférieurs au diacre, les six acolytes et le sous-diacre, qui est comme l’acolyte en chef. Il y a donc lieu de considérer les fonctions de sous-diacre et d’acolyte comme un développement de celles de diacre. Du reste, ces trois catégories de clercs ont ceci de commun qu’elles sont attachées au service de l’autel, ce qui n’est pas le cas pour les clercs inférieurs. » Origines du culte chrétien, p. 332. Sur cette dernière remarque, voir le diacre Jean. Epist. ad Senarium, 10. P. L., t. i.ix. col. 405.

On trouve mention des sous-diacres en Espagne, au concile d’Elvire (303), can. 30 ; et. plus tard, au I" concile de Tolède, can. 2, 3, 5, 20. En Orient, ils sont nommés dans les Canons des Apôtres, can. 43 (42), au concile d’Antioche (341), can. 10 ; au concile quinisexte, can. 4, 6, 13, 15. Voir F. Lauchert, Die Kanones der wichtigsten altkirchlichen Concilien, Fribourg-en-B., 1896. Les Constitutions apostoliques déclarent que le sous-diacre est le ministre des diacres, Û7r/)p£T0ti yâç> eîaiv Staxôvwv, VIII, xxviii, 8. Cette expression, qu’on trouve également dans saint Basile. Epist., liv, P. G., t. xxxii, col. 400, indique qu’il est question d’eux dans le concile de Laodicée, can. 21, 22, 24, 25.

L’office des sous-diacres variait selon les besoins des Églises qui les avaient instituées. Les textes anciens montrent que leur principale attribution était d’aider les diacres au ministère de l’autel ; ils prenaient les oblations des mains de ceux qui les offraient, les posaient sur l’autel, veillaient sur les tombeaux des martyrs, prenaient soin du luminaire et des préparatifs nécessaires aux offices, se tenaient avec les diacres à la porte de l'église pendant la communion pour empêcher les entrées et les sorties, étaient employés comme messagers dans les temps de persécution. Ces offices inférieurs montrent que le sousdiaconat ne fut primitivement pas compté parmi les ordres majeurs. Sur tous ces points et sur l'évolution du sous-diaconat, voir Sous-diacres.

2. Acolytes.

Voir ce mot, t. i, col. 312 sq. Il faut observer, comme on l’a dit, que l’Orient ignora cet ordre, en tant qu’ordre. L’origine de l’acolytat est vraisemblablement romaine. Pourtant la Tradition

apostolique l’ignore encore. Avant Nicée, on ne signale guère l’acolytat qu'à Rome et à Carthage. La lettre du pape Corneille, le Liber pontificalis, édit. Duchesne, t. i, p. 161, les lettres de saint Cyprien, cf. Epist, t lxxvii, 3, Hartel, p. 835, assignent aux acolytes Une place après les sous-diacres.

A partir de l'édit de Constantin, les témoignages relatifs aux acolytes se multiplient et deviennent plus clairs. Voir Acolyte, dans le Dictionnaire d’archéologie, t. i, col. 350. Les acolytes orientaux ne doivent pas être considérés comme appartenant à un ordre ecclésiastique : on ne trouve pas trace de rite d’ordination, sauf chez les Arméniens. H. Denzinger, Ritus orienlalium… Wurzbourg, 1863, t. ii, p. 282.

Sur leurs fonctions, on consultera les deux articles ci-dessus signalés, et Tixeront, L’ordre et les ordinations, Paris, 1925, p. 92-93. On notera seulement que la fonction de porter l’eucharistie dans un sac de lin semble confirmée par un texte de Jean diacre (vie siècle), où il est question des sacramentorum portanda vasa, Epist. ad Senarium, 10, P. L., t. lix, col. 405. Et cette fonction les distingue des exorcistes : Hoc ordine difjerunt quod exorcistis porlandi sacramentel eaque sacerdotibus ministrandi negata potestas est. Id., ibid. En ce qui concerne la fonction d’accompagner l'évêque en portant l’huile du saintchrême, on notera également un texte romain nouvellement exhumé par M. Andrieu, Revue des Sciences religieuses, 1925, p. 242. Nunquam absque chrismate pergere. ut ubicumque ad pontificem se junxerit et ipse aliquam confirmationem facerc voluerit, semper paratus sit ad ministerium suum implendum. L’Orrfo romain d’où ce texte est extrait est vraisemblablement du viie siècle.

3. Exorcistes.

Voir ce mot, t. v, col. 1780, et, dans le Dictionnaire d’archéologie, les art. Exorcisme, Exorciste, t. v, col. 964. Voir également ici Épigra PHIE CHRÉTIENNE, t. V, COl. 322.

4. Lecteurs.

C’est l’ordre mineur sur lequel nous possédons les plus anciens témoignages. Voir Lecteur, t. ix, col. 117. — Il faut noter, au sujet du lectorat, que cet ordre, seul parmi les quatre inférieurs au sous-diaconat, est compté comme un ordre par les orientaux. Voir art. cité. col. 119-120. Constitutions apostoliques, VIII, xxii.

5. Portiers.

Chez les Grecs, les portiers étaient les officiers chargés de garder la porte du côté des hommes ; ils ne comptaient pas parmi les clercs, Const. apost., II, lvii, 10. En Occident, ils sont peu nommés. On en trouve mention dans la lettre de Corneille (voir ci-dessus), et, en Orient, sans que cependant cette fonction constitue un ordre, dans les Const. apost., II, xxvi, 3 ; xxviii, 5, les canons de Laodicée, can. 24. Le concile in Trullo laisse entendre que le portier ne fait pas partie de la hiérarchie sacrée : c’est la discipline observée généralement en Orient.

Les fonctions principales du portier étaient, comme le nom l’indique, d’ouvrir les portes de l'Église, de surveiller ceux qui entraient afin d'écarter les indignes, ce qui suppose des qualités physiques exceptionnelles. A cette fonction s’est ajoutée, après le ve siècle, la charge d’annoncer les offices par le son des cloches ; cf. De septem ordinibus Ecclesiæ, ii, P. L., t. xxx. col. 152, et Revue bénédictine, t. viii, p. 97-104 ; t. xl, p. 310. Voir Portier. Sur l’apparition progressive des ordres mineurs, consulter Fr. Wieland, Die genêt. Eniwicklung der sog. « ordines minores » in den drei ersten Jahrhunderten, Rome, 1897 (supplément à la Rômische Quartalschrift).

Dès la fin du ive siècle (10 février 385). le pape Silice, écrivant à Himérius. évêque de Tanagone, trace les règles relatives à la promotion des clercs

depuis le lectorat jusqu'à l'épiscopat. Jaffé. Régenta n. 255 ; cf. Cavallera, Thésaurus, n. 1310.

On consultera tout d’abord la bibliographie des articles Diacres, t. iv, col. 731 ; Évêques, t. v, col. 1700-1701 ; Acolyte, t. r, col. 316 ; Exorciste, t. v, col. 1786 ; Lecteur, t. ix, col. 117 ; on se reportera également aux articles Église et Évêques du Dictionnaire apologétique de la Foi catholique de A. d’Alès, t. i, col. 1248-1268, et 1750-1786 ; ainsi qu'à plusieurs articles du Dictionnaire d’archéologie et de liturgie : Acolyte, t. i, col. 348 ; Diacre, t. iv, col. 738 ; Épiscopat, t. v, col. 202, avec sa copieuse bibliographie, col. 237-238 ; Exorcisme, exorc isfe.ibid., col. 964 ; Fossoyeurs, t. v, col. 2065 ; Lecteur, t. VIII, col. 2241.

Ajouter : F. Prat, La théologie de saint Paul, 7e édit. 1923, t. ii, p. 362 sq. ; H. Lietzmann, Zur altchristlichen Verfassungsgeschichte, dans Zeilschrift [iir wissensch. Théologie, 1913, t. lv, p. 97-153 ; Tixeront, L’ordre et les ordinations, Paris, 1925 ; H. DiecUmann, De Ecclesia, t. i, n. 410 sq. ; M. d’Herbigny, Theologica de Ecclesia, thèse xxxiv.