Dictionnaire de théologie catholique/OLIVA Jean-Paul

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 11.1 : NAASSÉNIENS - ORDALIESp. 505-506).
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2. OLIVA Jean-Paul, de la Compagnie de Jésus (1600-1681). — Né à Gênes Je 4 octobre 1600, d’une famille illustre qui a donné deux doges à la république, il entra au noviciat le 22 décembre 1616 ; devenu prêtre il s’acquit bientôt un grand renom de prédicateur. Supérieur du noviciat et recteur du Collège germanique, il n’en continua pas moins ses prédications avec beaucoup d’éclat, soit à la cour pontificale, soit dans les principales villes d’Italie. Le R. P. général Goswin Nickel ayant demandé à la congré gation générale de 1661 de lui désigner un vicaire avec droit de future succession, Paul Oliva fut élu avec l’approbation spéciale d’Alexandre VII. La mort du Père Nickel (31 juillet 1664) le fit général de droit comme de fait. Il mourut à Rome le 26 novembre 1681.

Son généralat fut traversé par un certain nombre d’affaires épineuses ; il fallut défendre la Compagnie contre l’accusation d’encourager par la doctrine du probabilisme le laxisme moral, accusation qui trouvait des échos dans la Compagnie elle-même (La Quintinye, Thyrse Gonzalès) ; il fallut empêcher les jésuites français, tout spécialement le P. de La Chaize, de soutenir trop ouvertement le roi de France dans sa lutte contre le Saint-Siège, et expliquer, non sans peine, au pape Innocent XI les raisons de leur attitude ; il fallut régler tant bien que mal les conflits soulevés en Indo-Chine entre les missionnaires jésuites et les vicaires apostoliques. Tout ceci appartient devantage à l’histoire qu’à la théologie. On retiendra néanmoins l’attidude prise par le général dans la question du probabilisme.

Dès 1666, Oliva recevait du P. de la Quintinye, un jésuite français de la province d’Aquitaine, un long rapport où celui-ci se plaignait des mesures prises contre lui par ses supérieurs immédiats, à cause de l’attitude qu’il se permettait vis-à-visdes doctrines morales de la Compagnie. Texte dans Dôllinger et Reusch, Geschichte der Moralstreitigkeilen, t. ii, Nôrdlingen, 1882, documents, p. 1-12. A diverses reprises La Quintinye s’était rigoureusement élevé contre la théorie que « la bonne foi excuse toujours du péché », et il avait dénoncé les funestes conséquences qui en résultaient tant au point de vue de la vie chrétienne, qu’à celui du bon renom de la Compagnie. Non moins vigoureusement protestait-il contre un aspect de cette thèse qu’autour de lui ses collègues prônaient comme la doctrine propre de la Compagnie : En inquiunt, germana socielalis doctrina, en dogma quod tenent omnes jesuitse ut a multis audivi ssepius, quod nempe ibi nunquam sit peccaium ubi non sil actualis el prœsens cognitio qua judicet opérons se mole operari ; quia, ut volunt, talis cognitio est necessarium quid et essentiale ad peccandum. On voit que notre jésuite avait lu et médité les Provinciales. — Le 17 août 1666, Oliva répondait à ce mémoire, et sa réponse était en définitive une fin de non recevoir ; le général ne voulait pas comprendre qu’il y avait une question du laxisme. Le P. de la Quintinye devrait se persuader qu’il y avait des docteurs plus savants que lui : Cum i ?a Va non dubilet pro sua religiosa humilitale, quin doctiores ipsa passim occurrant plures, sic etiam delrectare nullatenus débet eorumdem placitis, sua visa suasque sanetorum Patrum aliorumque doctorum interpretationes pacale religioseque postliabere. Notre volonté, continuait le général, est que toutes ces discussions cessent, et que l’on obéisse modestement et religieusement aux ordres des supérieurs ; il renvoyait aux paragraphes de la règle prescrivant cette obéissance. Dôllinger-Reusch, loc. cit., p. 12-13.

La Quintinye se le tint pour dit. Mais l’accession au trône pontifical du pape Innocent XI (21 septembre 1676), dont on savait qu’il était le ferme ennemi du laxisme, sembla lui fournir une occasion plus favorable. Le jésuite français s’adressa donc direcment au pape. Lettre du 8 janvier 1679, ibid., p. 17. Il s’y plaignait de la façon dont le général avait reçu ses premières doléances et mettait sous les yeux d’Innocent XI tant son mémoire de 1666 que la réponse d’Oliva. Le 2 mars 1679 paraissait le fameux décret condamnant 65 propositions d’un laxisme évident. Voir Laxisme, t. ix, col. 72 sq. Les plaintes du jésuite Thyrse Gonzalès (voir son art., t. VI,

col. 1103), qui depuis quinze ans luttait en Espagne contre le probabilisme et ne pouvait obtenir d’Oliva l’autorisation de publier son livre, arrivaient aussi aux oreilles du pape. Voir Innocent XI, t. vii, col, 2009. Le Saint Office était saisi et, dans sa séance du 26 juin 1080, ayant entendu le rapport de Brancate de Lauria sur le livre de Gonzalès, il décida deux choses : On écrirait à Gonzalès pour l’encourager à continuer énergiquement la lutte et l’assurer que tout ce qu’il avait dit ou écrit en faveur du probabiliorisme était agréable au pape, en second lieu on enjoindrait au général des jésuites de prendre diverses mesures pour enrayer le développement du probabilisme. De ce protacole il a été publié une double rédaction.

Injungenduni pariter P. Injungatur P. Generali

Generali Socletatis.lesu de Societalis Jesu, de ordine

ordine Sanctitatis suæ ne Sanctitatis su », ut non modo

ullo modo permittat Patripermittat Patribus Societa bus Socictatis scribere pro tis scribere pro opinione ma opinione minus probabili et gis probabili et impugnare

impugnare sententiam asscsententiamasserentiumquod

rentium licitum non esse in concursu minus probabi sequi opinionem minus prolis opinionis cum probabi babilem in concursu magis liore sic cognita et judieata

probabilis sic cognitæ et licitum sit sequi minus pro judicata :  ; verum etiam relate babilem ; verum etiam scri ad omnes Universitates Sobat omnibus Universitatibus

cietatis mentem Sanctitatis Societatis mentem Sanctita suæ esse ut quilibet pro suo tis suæ esse ut quilibet prout

libito libère scribat pro opisibi libuerit libère scribat

nione magis probabili et pro opinione magis proba impugnet contrariam præ- bili et impugnet contrariant

dictant eisque jubeat ut prædictam ; eisque jubeat ut

mandato Sanctitatis suæ mandato Sanctitatis suae

omnino se submittant. Texte omnino se submittant. Texte

d’après Concina, Storia del d’après J. Brucker, dans

probabilismo, t. i, Lucques, Études, t. xci (1902, t. ii,

1743, p.568 ; surlesrédactions p. 847) ; reproduit dans

diverses voir DollingerDenzinger-Bannwart, Enclii Reusch, op. cit., t. i, p. 128, ridion, n. 1219. n. 1 ; et ici, t. vii, col. 20092010.

Quoi qu’il en soit des nuances assez importantes qui séparent ces deux rédactions, une chose reste claire : on voulait, au Saint-Office, que la Compagnie ne persistât pas à considérer le probabilisme comme sa doctrine propre et qu’elle permît à ceuxde ses membres qui le voudraient (un Thyrse Gonzalès par exemple) de s’en affranchir et de soutenir l’opinion contraire, c’est à dire le probabiliorisme. C’est bien d’ailleurs ce que comprit le général, comme en fait foi une annexe au précédent procès-verbal, datée du 8 juillet 1680.

Intimato prasdicto ordine Sanctitatis suæ P. Generali Societatis Jesu per R. P. D. Assessorem, respondit, se in omnibus quanto citius pariturum, licet nec per se ipsum nec per suos prædecessores fuerit unquam interdictum scribere pro opinione magis probabili eamque docere. Concina, ibid. ; Denz., ibid., note.

Pourtant l’exécution de l’ordre ne fut pas tout à fait ce qu’on aurait pu attendre. Le général envoya bien à la Compagnie une circulaire, le 10 août 1680 ; cette circulaire met bien les jésuites en garde contre le laxisme, mais elle ne parle pas dans le sens précis du décret du Saint-Office, elle ne donne pas aux membres de la Compagnie latitude d’abandonner le probabilisme et à plus forte raison de le combattre. En voici le texte intégral.

Cum sinceritatem doctrinæ sive ad fidem, sive ad mores pertinentis indefesso studio coluerit hucusque Societas, ausa nuper est nihilominus aditum contra, nos tentare calumnia, et inspirante fortasse nonnullius ex domesticis vel impudentia vel imperitia, nos apud supremum Ecclesiae tribunal reos agere, quasi compluribus in academiis morum scientiam proliteamur omnino degenerem, et, relicto plerumque regio tramite, pro sententiis magis pro DICT. DE THÉOL. CATH.

babilibus atque tut is, alias venditemus periculi plenas, nec minus auctorum numéro, quam argumentorum pondère destltutas. Id quam immerito jactaverint adversarii, promptum fuit nobis ostendere, productis proeter loges S. P. Ignatii, ut ita dicain, primogenias, congregationum quoque generalium decretis, et litteris decessorum meorum, meisque ipsis nunquam interrupla série continuatis, unicum sub aspeetu ponere sensum Societatis universæ atque conatum, quo satis refelluntur obtrectatorum mendacia, tam lama ; nostræ insultantium, quam veritati.

Monet nos lamen hæc ipsa maligni rumoris aura pra-cludere querimoniis viam, et exquisitiore in dies delcctu opinionum moralium, eam solidioris et securioris doctrinse laudem, quam ab initio complexa est Societas, et mordicus deinde retinuit, etiam ad posteros propagare. Sic procul ab invidia seu laxitatis noxiæ seu novitatis periculosa : scopam assequemur a S. Legislalore nobis in docendo propositum, qui nempe fuit : Proximos ad cognitionem et amorem Dei et salulem animarum juvare. Quare moralis cathedræ ubique Professoribus, et præsertim in quacumque Universitate serio mandamus (ut meo nomine R. V. omnibus et singulis intra istam Provinciam commendabit) eorum quæ in hune finem decrevere simul cum congregationibus generalibus decessores niei, quæque ipse toties addidi, executionem, quam si negligere quispiam compertus fuerit, ac disciplina ; rigorem doctrinis mollioribus labefactare, illum a docendi munere statim removeant Provinciales pro tempore, quorum in re tanti moment i conscientiam oneramus. Non ideo iamen cogimur in quacunque controversia benigniores respuere sententias. Imo e contrariis interdum aliquæ cæteroqui admodum prboatie ne proferantur a Magistris in Societate nec a Moderatoribus permittantur, persuadet recta ratio et religiosa prudentia. Displicet igitur nimia in jure divino humanoque interpretandi indulgentia, moderatio justa displicet. Non enim duritiem sed soliditatem exigimus doctrinac, per quam denique, ut S. Augustinus monuit : Non solum Veritas sed etiam charitas exhibeatur a nobis. Texte publié par J. Friedrich, d’après le ms. latin. Monac. 26 472, dans Beilidge zur Geschichle des Jesuiten-Ordens, édités parmi les Abhundlungen de l’Académie de Munich, hist. Klasse, t. xvi Munich, 1883, p. 170-171.

Entre l’ordre formel donné par le Saint-Office le 26 juin et l’exécution par le P. Oliva le 10 août, le P. Brucker suppose une série de tractations entre le général et le pape. « Oliva réussit évidemment à faire comprendre au Souverain Pontife que cette mesure (la lettre du 10 août) était préférable à ce que lui prescrivait le décret du 26 juin ; car il n’a jamais fait la notification demandée, ce qui ne s’expliquerait pas, si Innocent XI ne l’en avait dispensé. » La Compagnie de Jésus, Paris, 1919, p. 528. Seule la publication des pièces d’archives permettrait d’établir le bien-fondé de ces conjectures. Il reste qu’à un moment grave le général n’a pas su donner le coup de barre que la plus haute autorité de l’Église jugeait nécessaire.

Prédicateur en renom, le P. Oliva a laissé un certain nombre de volumes de Sermons (en italien) prêches les uns au Palais apostolique, 21n-fol., Rome, 1659 ; d’autres en divers lieux, in-4°, Rome, 1660, supplément en 1665 ; d’autres, ce sont les plus nombreux, dans les maisons de la Compagnie (Sermoni domeslici, 10 vol. in-8°, Rome, 1670-1682). On lui doit aussi six volumes in-fol. de commentaires (moraux ) sur la Sainte Écriture : In selecta Scriplurse loca commentationes, sur la Genèse et le Cantique, sur Esdras, sur les évangiles du carême et des sujets divers, 1677-1679. On a recueili aussi deux volumes de ses Lettres, in-4°, Rome, 1681, même édit. à Venise et à Bologne ; quelques lettres nouvelles dans une édit. de Bologne, 2 vol. in-12, 1703 et 1704. Sommervogel a relevé les diverses lettres publiées en d’autres recueils.

Sommervogel, Bibliothèque de lu Comp. de Jésus, t. v, col. 1884-1892, et les travaux mentionnés au cours de l’article.

É. Amann.

T. — XI

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