Dictionnaire de théologie catholique/JUSTICE (Vertu de) I. Notion et nature de la justice

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 8.2 : JOACHIM DE FLORE - LATRIEp. 296-305).

JUSTICE (Vertu de).
I. Notion et nature de la justice.
II. De l’injustice (col. 200 » ).
III. Divisions de la justice (col. 20tl).
IV. La justice vertu cardinale (col. 2015)
V. Des vertus annexesàla justice (col. 2018).

I. Notion et nature de la justice.

La justice considérée comme une vertu.

Dans sa quatrième conférence du carême 1906, le P. Janvier, trace de la vertu de justice ce superbe tableau : « Dans le commerce des choses et dans les actes, dit-il, la justice tient scrupuleusement la balance entre ce qui nous appartient et ce qui appartient aux autres. Ni directement, ni indirectement l’honnête homme ne ravit aux personnes ou aux sociétés quelque chose de leur bien. Il achète et vend les objets ce qu’ils valent, il rend ce qu’il a reçu, dix talents pour dix talents, cent pour cent mille pour mille ; il réclame ce qui lui revient, sans exiger un as de plus ; il ne prend ni le bœuf, ni l’âne, ni le champ, ni la femme, ni la santé, ni la liberté, ni la vie de son prochain. Il proportionne sa conduite aux obligations qui l’attachent aux personnes, son attitude est de la bonté vis-à-vis des inférieurs, de la fraternité vis-à-vis des égaux, du respect et de l’obéissance vis-à-vis de ses chefs, de la tendresse vis-à-vis de son épouse et de ses enfants, du dévouement vis-à-vis de ses amis, de la vérité, de la loyauté partout. Les bienfaits le trouvent reconnaissant, l’iniquité l’indigne et arme son bras pour la juste vengeance, la misère émeut sa pitié, ouvre les mains de sa libéralité, et les générosités de sa magnificence répondent à la grandeur des causes qui sollicitent son appui. Si la Providence l’élève au pouvoir, il ne profite pas de son passage sur le trône pour payer ses dettes aux frais du trésor, il ne succombe pas à la tentation de s’enrichir aux dépens de la multitude qu’il gouverne, il sort des palais plus pauvre qu’il n’y était entré, il distribue les charges selon les mérites des personnes et non selon les places que l’on occupe dans sa famille ou dans sa faveur ; ainsi d’un bout à l’autre de l’empire chacun reçoit la part qui lui est due. Son commerce avec les autres peuples ou les autres souverains est réglé par les mêmes principes, son rêve est sans doute de grandir sa patrie, de développer sa prospérité au dedans, son prestige au dehors, mais il sait que dans les rapports de nation à nation, comme dans les rapports de personne à personne, il est des sacrifices qu’il faut faire, des droits qu’il faut respecter, que la noblesse et la supériorité « rime nation ne se mesurent pas à la force de ses armes, ni à l’étendue de son territoire, mais bien au caractère immaculé de sa justice. Le voilà devant Dieu de qui il a tout reçu, la chair et le sang, le vouloir, la liberté : l’honnête homme répand à la face de l’Être souverain le torrent de sa vie. Là, point de réserve ; à mesure que ses arbres produisent des fruits, que ses champs produisent des épis, que son esprit engendre ses pensées, que son cœur enfante ses amours, l’honnête homme en verse la meilleure substance aux pieds de l’Éternel, essayant, autant qu’il le peut, de payer sa dette à Celui qui l’a créé. D’un bout à l’autre du monde moral, la justice tient tête à l’amour de soi, et le réduit à ses proportions légitimes, dans tous ses actes, sous toutes ses formes, sème ses bienfaits de l’individu à l’individu, de la personne à la famille, monte du ci oyen à la société, descend des gouvernements aux sujets, se transmet des nations aux nations, s’élance avec de l’encens très pur, avec de l’amour et des adorations très chaudes, de la terre au ciel. Vertu magnifique et sublime qui nous fait sortir de nousmême, et communiquer au monde entier une participation au bien dont notre âme est pleine. » E. Janvier, Exposition de la morale catholique, iv. La vertu (Carême 1906), Paris, 1906, p. 153-155.

Dans cette étude sur la vertu de justice, nous prenons pour guide l’Ange de l’école, saint Thomas d’Aquin, dont nous exposons fidèlement, mais à grands traits, la solide doctrine, puisant largement, à cet effet, dans la Somme Ihéologique, es Questions disputées et le Commentaire sur le M dire des Sentences.

D’après une célèbre définition approuvée par saint Thomas, la justice est une volonté constante et perpétuelle de donner à chacun ce qui lui appartient : Justifia, perpétua et constans voluntas est, jus suum unicuique tribuens. Sum. theol., I 1 IIe, q. lviii, art. 1.

En d’autres ternus, la justice est une disposition habituelle de l’âme selon laquelle, d’une volonté constante et perpétuelle, on rend à chacun ce qui lui appartient, Justifia est hibitus, secundum quern aliquis constanti et perpétua voluntate jus suum unicuique tribuit. Ibid.

Cette définition, fait observer saint Thomas, est excellente, pourvu qu’on l’entende co : n 113 il convient. Toute vertu, en effet, étant une disposition habituelle qui est principe d’un acte bon, la vertu doit se définir par l’acte bon portant sur la matière propre de cette vertu. Or, comme nous le verrons un peu plus loin, la justice porte sur ce qui a rapport à autrui, comme, sur sa matière propre. Donc l’acte de la justice est indiqué par comparaison à sa propre matière et à son objet, quand on dit : qui rent à chicun ce qui lui appartient ; car, ainsi que le remarque saint Isidore de Séville dans ses Élijmjlogies, I. X, littera 1, le juste est ainsi appelé parce qu’il garde le droit : Justus dicitur, quia jus cuslodit. Conséquemment la justice, principe d’action en cet agent mirai qu’est l’homme, se définit : une disposition habituelle qui fait que l’homme, d’une volonté constante et perpétuelle, rend à chacun ce qui lui appartient.

" Si je voulais remonter jusqu’au principe, dit Bossuet, dans son sermon sur la justice, il faudrait vous dire que c’est en Dieu premièrement que se trouve la justice, et que c’est de cette haute origine qu’elle se répand parmi les hommes. Là il iii, - serait aisé de vous faire voir que Dieu étant souverainement juste, il gouverne et le monde en général, et le genre humain en particulier, par une justice éternelle ; et que c’est cette attache immuable qu’il a à ses propres lois qui fait remarquer dans l’Univers un esprit d’uniformité et d’égalité qui se soutient de soi-même au milieu des agitations et des changements infinis dans la nature. Ensuite nous verrions comme la justice découle sur nous île cette sonne céleste pour Eaire en nos âmes l’un des plus beaux traits de la divine ressemblance : et de là nous conclurions que nous devons imiter par un amour ferme et inviolable de l’équité et des lois, cette constante uniformité de la justice divine. Ainsi il n’y aurait pas lieu de douter que la justice ne dût être constante..Mais comme je me propose de descendre par des principes connus à des vérités de pratique, je laisse ces hautes spéculations pour vous dire que la justice étant définie, comme tout le monde sait, une volonté constante et perpétuelle de donner à chacun ce qui lui appartient : constans et perpétua volunlas jus suum cuique tribuendi, il est aisé de connaître que l’homme juste doit être ferme, puisque même la fermeté est comprise dans la définition de la justice. Et ce tainement, chrétiens, comme par le nom de vertu nous prétendons désigner non quelque acte passager, ou quelque disposition changeante, mais quelque chose de fixe et de permanent, c’est-à-dire une habitude formée, il est aisé de juger que, quelque inclination que nous ayons pour le bien, elle ne mérite pas le nom de vertu, jusqu’à ce qu’elle se soit affermie constamment dans notre cœur et qu’elle ait pris, pour ainsi parler, tout à fait racine. Mais outre cette fermeté que doit tirer la justice du génie commun de la vertu, elle y est encore obligée par son caractère particulier, à cause qu’elle consiste dans une certaine égalité envers tous, qui demande pour se soutenir un esprit ferme et vigoureux, qui ne puisse être ébranlé par la complaisance, ni par l’intérêt, ni par aucune autre faiblesse humaine. » Œuvres oratoires, édit. Lebarcq, t. v, Paris, 1892, p. 102.

La justice peut s’entendre en un double sens : au sens strict, et, dans ce cas, elle ne vise que l’égalité ou l’harmonie établie par les actions requises entre un homme et un autre homme ; au sens large, et elle se prend alors de toute harmonie établie entre tout ce qui est distinct, même simplement à titre de partie dans un même sujet. « La justice proprement dite, enseigne saint Thomas, exige la diversité des suppôts ou des personnes : aussi bien elle n’existe que d’un homme à un autre homme. Mais dans un même homme, on prend, par mode de similitude les divers principes d’action comme des agents différents ; tels la raison, l’irascible et le concupiscible. Et, à cause de cela, par mode de métaphore, on parlera de justice, en un seul et même homme, selon que la raison commande à l’irascible et au concupisciLle et que ceux-ci lui obéissent ; ou, d’une façon générale, selon qu’à chaque partie qui est dans l’homme se trouve attribué c ? qui lui convient. » Loc. cit., a. 3.

Cette justice, principe d’action visant, à proprement parler, les rapports des hommes entre eux, est une vertu, car elle fait que l’acte de l’homme est bon, c’est-à-dire conforme à la raison, dans ses rapports avec les autres, et par elle l’homme aussi est constitué bon.

La vertu humaine, dit saint Thomas, est celle qui rend bon l’acte humain et fait que l’homme lui-même est bon. Virtus human est qiuv bonum reddil aetum humanum, et ipsum hominem bonurn fæit. Ibid

Tout ce qui a une règle et qui n’est pas déterminé de soi à suivre celle-ci, a ht soin qu’on l’y dispose. Le cheval qui doit sauter l’obstacle le sauterait sans dressage, s’il y était déterminé par sa nature. On ne le dresse point à hennir. Mais parce que la réfile <h saut n’est pas incluse dans les manifestations spontanées de sa nature, on l’y soumet en créant en lui, artificiellement, des dispositions spéciales.

Or, c’est l’honneur de l’homme de n’être point déterminé naturellement à tout ce qu’il doit faire. On pourrait lui MUihaitcr plus de ho. nés d » s/>< sillons naturelles ÇU’ll n’en a ; niais ce ne serait que reculer le problème, RlCfco ou non, la nature a des eh. mins étroits ; le naturel est toujours identtque a lui-même,

La vie humaine, elle, riche de virtualité n’est déterminée, ni à un genre d’objets, ni à une façon définie de les atteindre. Elle devra donc chercher sa rectitude non dans l’infaillibilité relative de la nature, mais dans les recherches et l’intimation de la raison.

Mais l’application de la règle rationnelle aux divers pouvoirs de l’âme peut avoir lieu de deux façons. D’abord, par manière d’action passagère de la part de la raison, de passivité pure de la part de ce qu’elle règle. Mais cette manière paraît bien imparfaite au regard de la vie morale. Une direction ainsi imposée du dehors, et s’adressant à des pouvoirs doués de spontanéité, serait une sorte de violence, et la violence implique toujours difficulté.

Un tel mode de régulation n’eût donc pas suffi aux puissances de l’âme. Il fallait que la règle y fût pour ainsi dire imprimée, qu’elle s’y trouvât comme une qualité inhérente, de telle sorte que la rectitude de la règle devînt la forme d’être de la puissance réglée, comme sa seconde nature, avec cette différence que cette forme d’être inclinant la raison qui est nature aussi mais non déterminée à un serl cas, en garderait la souplesse. Ainsi serait obtenu le facile essor de l’action droite, autant du moins que le permet cette vie, autant que le permet, aussi, la dislocation originelle qui s’est produite dans les rouages de la nature.

En effet, ce qui procède d’une tonne d’être est toujours agréable et facile. L’action est pénible, dans les deux sens du mot, quand la nature y contredit. Il fallait donc que la rectitude imposée à nos pouvoirs tendît à y devenir naturelle. C’est ce qui a lieu, à litre imparfait, par de bonnes dispositions inch alivis. et. à titre parfait, par ce qu’on appelle liabitus, c’est-à-dire non pas habitude au sens français du mot, mais disposition fixée, dont notre activité réglée sera l’usage. Au lieu d’un système de coups de force, dit le’P. Sertillanges, le gouvernement de notre âme sera ainsi un gouvernement régulier. Une certaine suite, uniformitas, pourra se manifester dans son œuvre. Les inclinations habituelles qu’il aura créées, qu’il utilisi i a. seront comme des réserves de forces disciplinées. Ressource immense, pour les emplois soudains d’une raison par elle-même lointaine, repenlina sunt ab habitu. A. D..Sertillanges, La philosophie morale de saint Thomas d’Aquin, Paris, llllti, p. 104.

Or, ces dispositions habituelles, destinées à faciliter le travail vertueux, prennent le nom de vertus. Leurs contraires sont les vices. Cf. S.Thomas ; Quxsliones disputais, De virtutibus in communi, q. unica, a. 1.

Nous avons vu plus haut la définition que donne saint Tlwmas de’la vertu 1 humaine : c’est Une disposition habituelle qui rend bon celui qui la possède et qui rend bonne son œuvre. Cela même qui dispose un agent à une action bonne, c’est-à-dire réglée en conformité avec sa nature, cela aussi le rend bon en soi.

Or il en est ainsi de la justice. L’acte de l’homme, en effet, est rendu bon du fait qu’il atteint la règle de la raison, règle d’où les actes humains lirent leur rectitude. Puis donc que la justice rend droites les opérations humaines, il est manifeste qu’elle rend bonne Pauvre de l’homme. Au témoignage de Cieéron, c’est principalement en raison de la justice que les hommes sont appelés bons, Ex -justifia prircipue viri boni nornintinttir. Cieéron, De o/ficiis. I. I, in tit. De justifia, clrea princ. Aussi bien, est-il dit, au même endroit. i eu elle la splendeur de la vertu atteint son maximum d’éclat. In en virtutis splendor est ma.rimus. »

2° Siège de la vertu de justice : la volonté. —

La j’tist ice est donc une vertu. Mais quel en est le siège dans l’homme’?

C’est dans la volonté que réside la vertu de justice coin me dans son Sujet. La justice, en elfel, n’a pas pour objet de diriger un acte de connaissance, car nous ne sommes pas appelés justes par le fait que nous conj naissons exactement quelque chose. Il s’ensuit que le ; sujet de la justic-’n’est point la raison ou l’intelligence, | qui est une faculté de connaître. Mais parce que nous j (sommes qualifiés de justes du fait que nous accomplis-’sons quelque chose avec droiture, et que d’autre part, j le principe de l’opération est une faculté appétitive, puisqu’il ne peut pas être une faculté de connaissance, il faut de toute nécessité que la justice réside dans quelque faculté appétitive comme dans son sujet.

Or il y a un double appétit : l’appétit rationnel ou la volonté et l’appétit sensitif. Le premier, qui suit l’intelligence, aime le bien sous forme absolue, sous forme universelle. Dans le second, au contraire, ce n’est pas la raison commune du bien, la forme universelle du bien, qui attire l’amour ; c’est tel ou tel bien particulier, c’est telle ou telle forme individuelle du bien, qui détermine le mouvement passionnel. Il n’y a, au fond, qu’une première inclination sensible : l’inclination vers le bien, l’amour du bien. Mais cette inclination fondamentale donne naissance à deux appétits : l’un, appelé par saint Thomas, l’appétit de concupiscence ; et l’autre l’appétit d’irascibilité. Le premier tend au bien en tant queie bien est simplement bien. L’appétitd’irascibilité, ïe colère, tend, lui, vers un bien difficile à atteindre, « t précisément parce qu’il est difficile à atteindre ; c’est particulièrement pour cette raison que cet appétit tend vers le bien. Il y a là comme une sorte de surexcitation de l’âme. C’est le caractère propre de l’irascibilité.

Mais rendre à chacun ce qui lui est dû ne peut pas procéder de l’appétit sensitif, soit concupiscible soit irascible, car : 1a perception sensible ne s’étend pas au point qu’elle puisse considérer la proportion « le l’un à f autre ; en d’autres termes, elle ne peut pas s’élever jusqu’à l’universel, et l’idée de proportion est une idée universelle ; c’est là le propre de la raison.

Il en résulte que la justice ne saurait prendre pour sujet l’irascible ou le concupiscible, mais seulement la volonté Juslitia, cum non ad actnni cognoscitiuumdirigendum ordinetur, sed sit operis appetilus intelleclivi direction, ipsa non in intelleclu. ncque in parte aliqua sensus, sed in voluntate est lanquxim in proprio subjecto. Sum. Lheol., ibid., a. 1.

>Et l’article 9 conclut par ces paroles si précises : (’Inde juslilia non potest esse sicut in subjecto in irascibili i et concupiscibili, sed solum in viduntate…

Voilà pourquoi, ainsi que nous l’avons vu plus haut, le terme de volonté entre dans la définition même de la justice.

La justice vertu générale.


Comment devons-nous concevoir cette vertu de justice’.' Est-elle seulement une vertu générale ? Est-elle aussi une vertu particulière ?

La justice, dit saint Thomas, règle l’homme dans ses rapports avec autrui : Acliones (hominis) quæ sunt ad allerum indigent speciali rectificatione… Et ideo circa lias est specialis inrtus, quæ est juslilia. a. 2. ad 4°m.

Or, ceci peut se faire de deux manières. Ou bien elle le règle dans ses rapports avec autrui considéré indiidui llement, ou bien avec autrui pris en général, pour Mitant que celui qui sert une communauté sert tous les membres de cette communauté. Il s’ensuit que la iusti< i-, sous sa raison propice, s’étendra également aux deux cas.

Mais il est manifeste, continue saint Thomas, que t*His ceux qui sont compris dans une communauté quelconque se réfèrent à cette communauté comme les parties se réfèrent au tout. Or la partie, dans ce qw’clle est, appartient au tout ; d’où il résulte que tout oe. qu’il y a de bien dans la partie peut être réglé et dirigé vers le bien du tout. Il suit de là que le bien de Chaque vertu, celle-ci réglant l’homme en mi-même on

dans ses rapports avec quelques autres personnes particulières, peut se référer au bien commun, auquel la justice dispose. A ce titre, les actes de toutes les vertus peuvent appartenir à la justice, selon que celle-ci dispose l’homme au bien com.nun.

Et, pour autant, conclut saint Thomas, la justice est appelée une vertu générale. Et quantum ad hoc justili t dicitur uirlus gêner dis, a. 5. C’estence sens qu’il faut entendre le not juste, dans ce passage d’Ézéchiel : Si juslus se averteril a justifia sui et feceril iniquitilem, omnes juslitiee cjus, quas feceral, non recordabuntur. Ezech., xviii, 24. De même, du premier livre de la sainte Écriture jusqu’au dernier, ceux qui aiment Dieu et sont constants dans sa Loi sont appelés justes : Hie sunt generaliones Noe : Noe inr justus atque perfeetus fuit in generali > libus suis, cum D20umbulwil, Gen., vi. 9 et Qui justus est, jusliftcetur, adhuc ; et sanctus sancti/icetur adhuc. Apoc, xxii, 11.

La grâce sanctifiante étant la racine de toutes les vertus surnaturelles, cette grâce elle-même est appelée justice surnaturelle, ou justice de Dieu, non pas la justice dont il est juste lui-mêmj, mais la justice dont il nous rend justes. Unica formilis causa[justificationis noslrie est juslilia Dei, non qui ipse juslus est, sed qua nos justos jacit. Concil. Trident., sess. vi, c. vu.

En un sens donc la justice comprendra toutes les autres vertus, non pas pour les absorber et, pour ainsi dire, les fondre en elle, mais pour les utiliser et les orienter vers sa fin propre. Car la justice que la partie doit au tout, dans une collectivité, exige., d’une part, la justice à l’égard des autres parties qui intègrent ce tout, et, d’autre part, la bonne disposition de la partie envisagée, telle que la procurent d’autres vertus. Nul n’est bon citoyen en lésant son prochain ; nul ne l’est non plus en faisant de soi-même, un ignorant, un paresseux, un débauché, c’est-à-dire, à l’égard du corps social, une non-valeur ou un être nuisible.

Il y a, conséquemment, une justice qui, gardant la raison propre qui la distingue, c’est-à-dire, de vertu se référant à autrui, embrasse les actes de toutes les vertus, même des vertus qui ont pour objet propre la sanctification du sujet qui agit, et mëritî, à ce titre, d’être appelée une vertu générale.

La justice vertu spéciale.


- Mais cette justice, sous sa raison de vertu générale, est-elle une vertu distincte, constituant une disposition habituelle spéciale ? Oui, répond saint Thomas, pourvu qu’elle envisage le bien commun comme son objet propre et spécial.

Parmi toutes les vertus qui disposent l’homme au bien, soit en lui-même, soit par rapport à d’autres, il en est une d’ordre spécial, qui incline l’homme au bien, en vue de la communauté sociale dont tout homme est appelé à faire partie en raison de sa nature même. Cette vertu, ayant pour objet un bien qui n’est pas le bien individuel du sujet comme tel, mais le bien de l’ensemble et le bien du sujet seulement à titre de partie en vue de cet ensemble, appartient essentiellement à la vertu de justice. Mais comme elle a pour objet le bien du tout et non le bien d’autres particuliers distincts du sujet en qui elle se trouve, elle n’a point la raison de justice particulière ; sa raison de justice est générale. On l’appelle du nom de justice légale, parce que le bien commun qu’elle a pour objet est aussi l’objet que la loi se propose d’obtenir par ses prescriptions. Cette vertu existera principalement dans le chef de la société ; mais (.-Ile doit aussi exister dans tous les membres de la soeitété, bi<-n qn’a un titre moindre : Juslilia legalis, est qascdnm specialis virlus seeundum suum rssentiam. secundnm quod respicit commune bonum ut propriurn objrrtum. Et sic in principe princip diter et quasi arckilecltmicc ; in subdi’lis autem srcundario et quasi udministralive, a 11.


Outre cette vertu de justicelégale et générale, nous devons en admettre une autre, d’un caractère entièrement distinct et appelée du nom de justice particulière. La justice légale, dit saint Thomas, n’est pas essentiellement toute vertu ; mais il faut qu’en dehors de la justice légale qui dispose immédiatement l’homme au bien commun, il y ait d’autres vertus à l’incliner vers les biens particuliers. Or ces biens particuliers peuvent se rapporter au sujet lui-même ou à quelque autre personne distincte de lui.

De même donc que, en dehors de la justice légale, il faut qu’il y ait quelques vertus particulières pour régler l’homme vis-à-vis de lui-même, comme la tempérance et la force ; de même aussi, outre la justice légale, il doit exister une certaine justice particulière chargée de régler l’homme à l’endroit des choses concernant les autres personnes : Sicut prseter fuslitiam legalem oportet esse alignas virtutes particulares quæ ordinent hominem in seipso, puta temperantiam et fortitudinem ; ita etiam prseter justitiam legalem oportet esse particularem quamdam justitiam, quæ ordinet hominem circa eu quæ sunt ad alieram singularem pérsonam, a. 7.

Cette vertu de justice particulière a une matière spéciale et déterminée. Quelle est-elle ?

Saint Thomas pose en principe que tout ce qui peut être redressé par la raison est matière de la vertu morale. Or peuvent être redressées par la raison, et les passions intérieures de l’âme, et les actions externes, et les choses extérieures qui servent à l’usage de l’homme. Par les actions externes et les choses extérieures on règle les relations d’un homme avec un autre, tandis que selon les passions intérieures on considère la droiture de l’homme en lui-même. Il en résulte que, comme la justice est relative à autrui, elle ne porte point sur toute la matière de la vertu morale, mais seulement sur les actions externes et sur les choses en tant que par elles, un homme est coordonné aux autres, a. 8.

La matière de la vertu morale se partage en deux grands genres : le premier, qui regarde l’ordonnance du sujet vis-à-vis du sujet, et ce sont les [lassions : le second, qui regarde les dispositions du sujet par rapport aux autres, et ce sont les choses ou les actions extérieures qui le mettent en relation avec eux. La justice a seulement le second genre de matière. Toutefois, la question se pose encore de savoir si les passions ne peuvent pas entrer dans cette matière. C’est un point qui demande à être examiné de plus près, bien qu’il ait déjà été touché auparavant. Saint Thomas répond par la négative. La justice, en effet, porte sur ce qui regarde autrui. Or les passions, en elles-mêmes, nous concernent exclusivement ; elles ne regardent point les autres directement, mais seulement d’une façon indirecte, c’est-à-dire, à raison de leurs effets. Et voilà pourquoi la justice n’a point pour matière les liassions, a. 9.

Donc la justice particulière a pour objet les rapports des hommes entre eux considérés comme des unités indépendantes dont chacune a son bien propre distinctement et séparément, il suit de là qu’elle ne s’occupe directement que de ce qui peut intéresser ers rapports en eux-mêmes, c’est-à-dire des actions extérieures ou de l’objet de ces uel ions. I.es passions, par clles-inènics, ne relèvent point de la justice, mais seulement de la force ou de la tempérance.

Acte propre de la vertu de justice.

L’acte propre de la vertu de justice, dit saint Thomas, consiste à rendre à chacun ce qui lui appartient : Proprius actus insiiiiw nihil aliud est quam reddere unteuique <P""’siiuin est…. a. 11, c’est à dire, de rendre à chacun lonl ce qui lui est dû, de telle sorte que jamais, ni d’aucune manière, on IIC lui cause le plus léger dommage. I » <>ii<l’objet de la justice particulière est défini par le droit d’autrui.

Ce droit peut trouver satisfaction soit par le moyen de nos actes, comme lorsque je salue l’homme qui a droit à mon respect ; soit par le moyen des choses qui sont en usage dans la vie humaine, par exemple si je rends un dépôt ou paye une dette. Il s’ensuit que le juste milieu, médium rationale, qai est le but de toute vertu morale, doit être cherché ici non par rapport au sujet moral, comme lorsqu’il s’agit de tempérance ou de force : mais par rapport aux personnes et aux choses auxquelles l’action est relative.

La justice concernant autrui et prenant pour matière des actions et des choses, sera satisfaite quand autrui aura lieu d’être satisfait, et autrui aura lieu d’être satisfait quand les actions et les choses qui nous mettent en rapport avec lui seront mesurées par la raison conformément à ce qui convient au rapport que lui-même entrelient avec nous, soit à titre habituel, soit dans la circonstance.

Or la mesure en question est ce qu’on nomme équité, c’est-à-dire égalité de ce qui est mesuré avec ce qui revient à la personne intéressée en justice. Il y a donc là un juste milieu imposé à la raison, et non pas constitué par elle. C’est moi qui détermine, par raison, ce que je dois manger à table ; ce n’est pas moi qui détermine ce que je dois payer, quand je dois tant. Le juste milieu ne s’établira donc pas ici entre le trop et le trop peu que la raison détermine ; mais entrele trop et le trop peu qui se trouvent déterminés par des relations positives, extérieures au sujet, et que sa raison ne pourra que reconnaître : Cum justitia, versetur circa exteriores operationcs et rcs, médium in eu est médium rei consistens in quadam proporlionis œqualitate rei exterioris ad exteriorcm pérsonam, a. 10.

La justice et les autres vertus.

Si l’on compare entre elles, dans l’ordre humain, les vertus qui perfectionnent la partie affective de l’homme, nous devons dire que la vertu de justice est celle qui l’emporte, en excellence, sur toutes les autres : Cum justitia tant moralis quam legalis sit virlus existera in voluntate et qua ad alterum homo ordinatur, ea est omnium virtutum moralium excellenlissima…, a. 12.

C’est elle, en effet, qui, à titre de justice particulière, rend la société possible, et qui, à titre de justice générale ou légale, procure le bien de cette société. Or, en dehors du bien divin, objet propre des vertus théologales, rien de plus excellent que le bien de la société. Nous sommes nés pour vivre en société : or la société n’est pas possible, si chacun ne reste à sa place, si celui-ci usurpe sur les biens de ses frères, à son profit, à leur détriment. « Partout, dit le P. Janvier, où la raison nous impose le respect d’autrui, une règle dans nos relations avec lui, un sentiment vient entraver son action, ouvrir une voie à tous les crimes par lesquels en pensées, en désirs, en paroles, en actes, nous outrageons nos frères : ce sentiment, c’est l’égoïsme ou l’adoration de nous-mêmes. Il faut dans la volonté une énergie nouvelle qui l’arrache à la tyrannie de l’amour-propre, qui crée en elle une disposition inébranlable à rendre à chacun ce qui lui appartient, qui saisisse cet égoïsme farouche quand il se lève, l’oblige à courber la tête et à se sacrifier lui-même. La justice prise dans son sens le plus large, en tant qu’elle règle lotis nos rapports avec les autres êtres, remplit ce rôle.

Elle s’empare de nos sentiments intérieurs, et là, dans le sanctuaire de notre âme, dans le secret de nos pensées et de nos désirs, de nos espérances et de nos affections, elle nous contraint à respecter d’une manière rigoureuse le droit de nos frères : elle nous interdit même par une volonté, même par un jugement enseveli au fond de notre coeur, île ravir ce qui ne nous appartient pas ; elle met un frein à notre langue et l’empêche de dépouiller qui que ce soit de son bien, de son honneur, de sa liberté. » E. Janvier, Exposition de la morale catholique, iv, La vertu (Carême, 1900), Paris, |1906], p. 151 et 152.

II. De l’injustice.

Après avoir examiné la vertu de justice en elle-même, nous devons maintenant considérer le vice qui lui est opposé, et c’est l’injustice. Au prix ainsi attribué à la justice correspondra la malice de son contraire, à savoir, l’injustice.

L’injustice est-elle un vice spécial ?

Oui, répond saint Thomas. En effet, l’injustice s’oppose à la justice. Or la justice est une vertu spéciale. Donc l’injustice est un vice spécial.

D’après le saint docteur, l’injustice est de deux sortes : Celle d’abord qui s’oppose à la justice légale. Celle-là, dans son essence, est un vice spécial, pour autant qu’elle vise un objet spécial, savoir le bien commun, qu’elle méprise. Mais, dans l’intention, elle est un vice général, parce que le mépris du bien commun peut conduire l’homme à tous les péchés. Sous un autre point de vue, l’injustice s’entend, d’une certaine inégalité par rapport aux autres ; selon que l’homme veut avoir plus de biens, par exemple, de richesses ou d’honneurs, et moins de maux, de fatigues ou de dommages. De ce chef, l’injustice a une matière spéciale : et elle est un vice particulier opposé à la justice particulière. Sum. Iheol., II » IJæ, q. lix, a. 1. Ce vice spécial qu’est l’injustice, quand donc existet-il, et quelles sont les conditions qu’il requiert du côté de celui qui agit : l’homme est-il dit injuste, du fait qu’il commet quelque chose d’injuste ? — Non, celui-là n’est pas nécessairement un injuste qui a fait une chose même gravement injuste. La justice ou l’injustice du fait étant jugée par rapport à autrui, non par rapport au sujet moral, il devient possible qu’on fasse une chose réellement et actuellement injuste sans être injuste en la faisant. En effet, l’homme qui prend le bien d’autrui par erreur fait une chose qui est injuste, en tant qu’elle lèse autrui et offense le droit, chose essentiellement objective. Mais cet homme n’est pas un injuste ; car ce qui fait la justice ou l’injustice du sujet, ce n’est pas l’objet en soi ; c’est l’objet secundum quod objicitur, c’est-à-dire, tel qu’il est jugé.

— De plus, l’injustice peut procéder de tendances qui n’ont, de soi, nul rapport avec autrui et, de soi, n’affectent pas toujours la nature de nos biens. Celui qui vole un objet par colère ou par concupiscence, pèche sans doute ; il pèche même doublement, puisque deux vertus se trouvaient intéressées à son acte. Mais ce n’est pas l’injustice, en lui, qui a produit cet acte injuste. Il n’est donc pas, à proprement parler, un injuste. La passion calmée, on le retrouvera respectueux du bien d’autrui. Facere injustum ex intenlione ri ex electione est proprium injusli, secundum quod injustus dicitur qui habet injusliliæ habilum ; sed facere injustum prseler intentionem, vcl ex passiinc potest (iliquis absque habilu injustifiée… Ibid., a. 2.

Dans quelles conditions y a-t-il injustice.

Mais du côté de celui qui subit ou souffre l’injustice, que faut-il pour que, en cfît, nous puissions parler d’injustice ? Faut-il qu’il y ait opposition de sa part, de telle sorte que l’injustice n’existerait plus, si lui-même y consentait ?

Nul, répond saint Thomas, ne subit une injustice, à moins que sa volonté n’y soit opposée : Nullus palitur injustitiam nisi nolens, a. 3.

Dans son concept même, l’action procède de l’agent ; la passion, au contraire, selon sa raison propre, provient d’un autre ; d’où il suit qu’un même être ne peut pas, sous le même rapport, être agent et patient. Or, dans l’homme, le principe propre de l’action est la volonté. Il s’ensuit que, de soi et à proprement parler, l’homme fait ce qu’il fait de sa volonté propre ; au contraire, il est, à proprement parler, passif quand il subit quelque chose en dehors de sa volonté. La raison en est que, en tant qu’il veut, le principe vient de lui et, par suite, de ce chef il est plus agent que patient. Donc, ce qui est injuste ne peut, de soi et à parler rigoureusement, être fait par personne qu’il ne le veuille ; ni être subi par personne, que sa volonté ne s’y oppose. Mais accidentellement et, pour ainsi dire, matériellement, ce qui de soi est injuste peut être fait par quelqu’un qui ne le veut pas, comme si quelqu’un accomplit une chose injuste sans y penser ; ou peut être subi par quelqu’un qui le veut, comme lorsque quelqu’un donne, de son plein gré, à un autre, plus qu’il ne lui doit.

Lorsque quelqu’un, par sa propre volonté, ou de son plein gré, donne à un autre ce qu’il ne lui doit pas, il ne commet, ce faisant, ni injustice ni inégalité. C’est qu’en effet l’homme possède les choses par sa volonté, c’est-à-dire, qu’elles ne sont siennes qu’autant qu’il veut qu’elles le soient. Si donc quelque chose lui est enlevé, ou par lui-même ou par un autre, de son plein gré, il n’y a plus là aucune violation de proportion. Conséquemment la justice et l’égalité demeurent parfaitement intactes : Homo per suam voluntatem possidet res ; et ita non est preeter proporlionem, si ei aliquid sublrah dur secundum propri’im voluntatem, vel a seipso vel ab alio, a. 3, ad lum.

L’individu, continue saint Thomas, peut être considéré sous deux aspects : d’abord en lui-même, en tant qu’il forme un tout à part. De ce chef, s’il se cause quelque tort oudommag-, il pourra se rendre coupable d’un autre péché, par exemple, d’intempérance ou d’imprudence, mais non d’injustice ; car de même que la justice est toujours relative à autrui, il en est de même de l’injustice. — Sous un second aspect l’individu humain peut être envisagé en tant qu’il est quelque chose de la cité, savoir une de ses parties ; ou quelquî chose de Dieu, à titre de créature et d’image. Sous ce rapport, celui qui se tue volontairement ne se fait point injure, à lui-même, mais il fait injure à la cité et à Dieu. Et voilà pourquoi il est puni tant selon la loi divine que selon la loi humaine, a. 3, ad 2um.

Il suit de là que tout péché de l’homme contre lui-même implique plus ou moins un péché d’injustice contre la société dont il est le membre, et plus encore contre Dieu à qui il se doit tout entier, corps et âme.

Le suicide constitue donc une injustice, sinon à l’égard de celui qui le commet, du moins envers la société et envers Dieu… De. même celui qui tue quelqu’un sur sa demande, comme l’écuyer de Saill, n’est pas injuste envers ce quelqu’un ; il n’en est pas moins très injuste. Son injustice se reporte sur le corps social, qu’il a privé de son chef ou de l’un de ses membres.-A supposer que la société y conseil’ît, l’homicide ne serait plus injuste envers elle ; mais il le serait à l’égard de l’ordre universel et de son chef, ou de Dieu.

On n’est donc injuste qu’à l’égard d’autrui, et être injuste à l’égard d’autrui c’est être injuste à l’égard de la volonté d’autrui, par conséquent, en dehors de son consentement. En effet, comme l’action morale procède de l’agent moral en tant qu’il veut, ainsi la passivité qui lui correspond est subie par le sujet de l’action en tant qu’il ne veut pas.

A parler matériellement, le fait que quelqu’un commet quelque chose d’injuste et celui qu’un autre le subit s’accompagnent toujours. Mais, si nous parlons formellement, il se peut que quelqu’un fasse quelque chose d’injuste, ayant l’intention de causer du dommage à autrui ; et cependant celui qu’il veut ainsi léser ne souffrira pas d’injusti e, ’a ee qu’il la subit de s n plein gré. Et inversement, il se peut que quelqu’un gouffre quelque chose d’injuste s’il subit une injustice contre son gré ; et cependant celui qui se rend coupable de cette injustice sans le savoir ne commettra point d’injustice au sens formel, mais seulement d’une façon matérielle, a., ’J. ad 3um.

Saint Thomas termine cette question en disant que tout péché d’injustice qui implique une lésion du droit d’autrui, ou un empiétement sur ce que sa volonté raisonnable doit naturellement vouloir, de telle sorte qu’il en résulte naturellement pour lui une opposition qui l’irrite et l’alllige, est, de soi, ou par son objet et de son espèce, un péché mortel.

En effet, le péché mortel est celui qui est contraire à la charité, d’où vient la vie de l’âme. Or, tout dommage causé à autrui répugne, de soi, à la charité, qui incite à vouloir le bien des autres. Puis donc que l’injustice consiste toujours dans un dommage eausé à autrui, il est manifeste que commettre l’injustice est, en soi, un péché mortel. Ce péché ne deviendra véniel qu’en raison de l’insullisance de la matière :, ou pour tout autre motif extrinsèque ; mais, par sa nature, il est essentiellement un péché mortel. Cum juslilia semper consistul in nocumento alterius, maaifestum est quod facere injuslum, ex génère suo est peccatum morlale, a. 4.

III. Divisions de la justice.

Nous avons déjà distingué deux espèces de justice : la justice particulière et la justice générale ou légale, c’est-à-dire la justice qui s’exerce à l’égard des particuliers et la justice qui s’exerce à l’égard du groupe. C’est, en effet, du côté de l’objet qu’on regarde pour qualifier une vertu, comme c’est du terme qu’on fait état pour spécifier un mouvement. Sum. theol., H » II » e, q. lxi, a. 1, ad 4um.

Justice commutative et justice distributive. Leur distinction.

La justice particulière se partage, à son tour, en deux espèces En effet, l’individu, dont la justice particulière a souci, peut être en relation soit avec un autre individu qui le traite ou refuse de le traiter selon son droit ; soit avec le groupe ou les représentants du groupe, qui le traitent ou refusent de le traiter selon ce qui convient à sa place dans ce groupe. Le premier rapport donne lieu à la justice des échanges ou justice commutative ; le second à la justice des répartitions, ou justice distribulive. La première est exercée par les particuliers ou par les chefs en tant cpie particuliers : la seconde est exercée par les chefs, ou par les particuliers en tant qu’ils acceptent l’action de chefs ou jouent eux-mêmes, à l’égard d’un groupe enclavé dans le premier, le rôle de chefs.

Toute justice s’occupe des rapports des hommes entre eux, soit à titre de partie à partie, soit à titre de partie au tout, soit au litre du tout aux parties. Les rapports des parties au tout forment l’objet de la justice générale ou légale. Les deux autres sortes de rapports constituent le domaine de la justice particulière, qui prendra le nom de justice commutative. quand elle règle les rapports des parties aux parties. et le nom de justice distributive. quand elle règle les rapports du tout aux parties ; En d’autres termes, la justice commutative règle I s rapports entre les personnes privées ; la justice distributive. entre la société et chacun de ses membres. Cf. Sam. theolog., II » liai, q. i.xi, a. 1.

La justice distributive consiste à maintenir le droit de chacun, à donner à chacun la position légale qui lui appartient dans L’ensemble social. Si la société est un organisme, chaque membre a droit à sa place, a la sphère d’action qui lui est marquée par la nature mime de l’ensemble, et il est aussi important pour le tout d’assurer à chacun Cette place spéciale que de sormellrc chacun a la loi et à ses décisions. H n’y a pus fie système ocial vigoureux, ivanl et durable.

là où chaque membre n’a pas sa part d’activité propre, sa liberté personnelle, là où l’ensemble ne cède pas à la partie ce dont celle-ci a besoin pour s’intéresser à son tour à l’ensemble, tout comme la liberté et le droit de chacun dépendent du respect que celui-ci observe envers la Loi et qui exclut tout caprice individuel ! La justice commutative embrasse les rapports des membres fie la société entre eux, leur commerce réciproque et les contrats qui en résultent.

Celte division doit être considérée comme nettement spécifique. Ce qu’on doit aux individus, comme individus, et ce qu’on doit aux individus comme membres fin groupe doit se distinguer comme se distinguent Us individus et le groupe. Or, pour saint Thomas, l’individu et le groupe ne se distinguent pas uniquement comme l’un et le multiple ; le groupe, comme tel, est quelque chose de nouveau, de spécifique ; donc aussi ce qui lui est dû ; donc aussi ce qui est dû à ses membres en tant qu’ils sont ses membres. Ce qu’on doit à un particulier, c’est à lui, simplement, qu’on le doit. Ce qu’on doit à un citoyen comme tel, c’est à la cité en lui que cela est dû. Dans le premier cas, on argue du bien propre ; dans le second, du bien commun. Le titre est différent, donc aussi le devoir, et, ultérieurement, la vertu qui le commande. Juslilia distributiva et commutativa non solum dislinguunliir secumtum uiuun et multa sed secundum diversam debiti rationem. Alio enim modo debetur alicui id quod est commune, et alio modo id quod est proprium, a. 1, ad 51u « .

Il s’ensuit que, dans l’un et l’autre cas, la juste mesure s’établira d’une façon spécifiquement différente : flans la justice distributive, dit saint Thomas après Aristote, il s’établit selon la proportionalité géométrique ; dans la justice commutative, selon la proportionalité arithmétique. En d’autres termes dans la justice distributive, la juste mesure ne se prend pas selon l’égalité de la chose à la chos-, mais selon la proportion des choses aux personnes : de telle sorte cpie comme une personne est au-dessus d’une autre personne, fie même aussi la chose qu’on donne à l’une dépasse celle qu’on donne à l’autre. In juslilia distributiva non accipitur médium secundum œqualitatem tei ad rem, sed secundum proporiioncm rerum ad personas, ut scilicet sicut una persona excedit aliarn, ila etiam res quie datur uni personx, excédât rem qwee datur alii, a. 2. La considération de la personne est. donc ici au premier rang ; c’est elle qui détermine, et cela à titre direct, la quotité de la dette. L’égalité de la justice, l’équité s’établit non de chose à chose, comme dans une vente, mais de chose à personne, chaque membre du corps social recevant en honneurs ou en bénéfices, comme d’ailleurs en devoirs, ce qui correspond à sa situation dans l’ensemble. C’est ce qu’Aristote a appelé une équité selon le mode géométrique, non (irilhmélique. C’est-à-dire que l’égalité requise est une égalité fie proportions, non de quantités directement comparées. Deux Citoyens inégaux eu valeur sociale reçoivent inégalement ; mais ils n’en sont pas moins traités également ; car ce que reçoit chacun est à chacun ce que la chose reçue par l’autre est à l’autre. Telle doil être L’égalité devant la loi. C’est, suivant l’exemple de saint Thomas, comme quand nous disons que trois sont à deux ce que six sont à (/autre. De part cl d’autre, en effet, se Irouve la proportion sesquial1ère, dans Laquelle la partie plus grande contient la partie moindre plus une moitié : mais il n’y a pas égalité en ce qui dépasse, car six dépassent quatre de deux unités, tandis que frais m ; dépassent deux que d’une Saint Thomas, ibid. Au contraire, dans les échanges, dont les achats et les veilles son t le cas type, la personne n’intervient qu’au second plan V proprement parler, ce qui est dû ici, est dû à cauw d’une chose, qui, appelant une autre chose, en détermine la quotité ou la nature. L’égalité se fait donc de chose à chose, non de chose à personne. Il en résulte que cette égalité sera arithmétique, non géométrique comme tout à l’heure. Si j’ai reçu dix, je rends, en équivalent, dix. Alors je suis en règle avec la justice. Sed in rommulalionibus redditur aliquid aliui singulari personæ propler rem ejus quæ accepta est, ut maxime patel in emplione et venditione quibus primo invenitur ratio commutalionis. Et ideo oportet ad ! quare rem rei, ut quanlo iste plus habet quam suum sit, de eo quod est allerius, lantumdem restituai ei cujus est. Et sic fit œqualitas secundum arilhmeticam medielalem, quæ ullenditur secundum parem quantitatis excessum. Ibid.

La différence entre la justice des échanges individuels et Injustice des répartitions sociales ne gît donc pas en ce que ces dernières n’ont égard qu’aux personnes et les autres qu’aux choses. Personnes et choses interviennent dans les deux. Mais en justice de répartition, lis personnes interviennent à titre div. et ; les choses uniquement en tant que signe, effet ou concomitance de la qualité sociale des personnes. Au contraire, en justice d’échange, ce qui intervient à titre direct, ce sont des choses, c’est-à-dire des réalités matérielles ou des actes, et les personnes ne sont engagées que comme élément déterminateur de ces choses. In actionibus et passionibus, condilio personæ facit ad quantitalem rei : major enim £st injuria si perculiatur princeps quam si percutiatur privata persona. Et ita conditio personæ in distributiva justitia atlenditur secundum se : in commutaliva autem secundum quod per hoc diversifïcatur res, a. 2, ad 3um. 2° Objet de l’une et de l’autre justice.

Que faut-il

maintenant penser de l’objet, ou, comme dit saint Thomas, de la matière de ces deux variétés de justice : est-elle la même, ou bien est-elle diverse ? Entendons que la matière est ce sur quoi porte précisément la vertu.

La justice porte sur des opérations extérieures, q l’il s’agit de distribuer ou d’échanger. Mais quoi ? Ce peuvent être des choses matérielles, des réalités touchant aux personnes, enfin du travail. Des choses matérielles : on enlève ou restitue à autrui ce qui lui appartient ; des réalités tenant à la personne : des honneurs par exemple ou. leur contraire, les injures ; du /rotwï en fin dans le sens le plus la~ge du mot, comme lorsqu’on fait à un autre ou qu’on exige de lui un ouvrage quelconque.

Pour répondre à la question posée, il faut distinguer entre la matière éloignée et la matière prochaine. Si l’on considère la matière éloignée de l’une et de l’autre justice, c’est-à-dire les choses, res, qu’on échange ou distribue, la matière est la même pour la justice dislributive et pour la justice commutative ; car les biens peuvent être distribués du commun aux particuliers, ou être échangés de l’un à l’autre : et de même aussi » il est une certaine distribution et une certaine compensation réciproque des travaux onéreux. Si accipiamus ut materiam ulriusque justitiæ ea quorum operationes sunt usus, eadem est materia distribulii>æ cl commutalivæ justitiæ ; nam et res dislribui possunt a i-ommuni in singulos, et commutari de uno in alium ; et etiam est qundam dislribulio laboriosorum operum et recompensatio, a. 3.

Mais si, considérant ce qu’on peut appeler la matière prochaine, nous envisageons, non plus les choses matérielles, les réalités personnelles, le travail, mais la manière dont tout cela est mis en œuvre, nous trouvons de part et d’autre une matière diverse. La justice distributive, en effet, dirige dans la distribution ; tandis que la justice commutative dirige dans les échanges qui peuvent être envisagés entre deux personnes. Si autem accipiamus ut materiam ulriusque justitiæ actiones ipsas principales, quibus utimur personis, reèus et operibus, sic invenitur utrobique alia materia ; nam distributiva justitia est directiua distributionum, commutaliva vero justitia est directiva commutationum, quæ attend i possunt inter duas personas. Ibid.

Justice et compensation.

La dernière question posée par saint Thomas au sujet de la justice prise en général est relative à ce que l’on peut appeler d’une manière assez impropre la compensation. Et le problème est celui-ci : quelqu’un subit cela même qu’il a fait subir à d’autres ; la justice est-elle alors satisfaite, ne l’est-elle qu’ainsi, l’est-elle toujours ainsi ? Tel est le sens de la question un peu obscure : Utrum justum sit simpliciter idem quod conlrapassum ? Pour le bien entendre il convient de remarquer que les mots subir, pâlir doivent être pris ici dans le sens très général et philosophique du latin pati, et par exemple pâli c’est d’ahord endurer une peine, mais c’est aussi simplement payer sa dette.

Ceci posé, saint Thomas fait remarquer qu’à prendre les choses en rigueur de terme, la compensation, conlrapassum, implique l’égalité absolue, entre action accomplie et passion subie. Ici seulement il y a stricte, compensation. Le cas le plus clair est celui du talion : à s’en tenir au texte de la loi mosaïque (comme d’ailleurs à celui d’autres lois anciennes) il y a égalité entre les actions injurieuses par lesquelles a été lésée la personne du prochain et ce qu’on fait souffrir ou endurer à celui qui les a commises : « Tu donneras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure. » Ex., xxt, 23-2L

Mais il y a encore, dit saint Thomas, contrapassum, dans un sens secondaire quand il s’agit non plus dé dommag s personnels, mais de dommag ; s réels. : quelqu’un a porté atteinte au bien d’autrui, on portera atteinte à son bien. Il est possible enfin de pousser plus loin l’extension du mot conlrap mum.etde l’appliquer aux échanges volontaires, où chaque partie est à la fois active et passive. Qui cède à autrui une pièce de drap contre un bœuf est à la fois agent et patient : patient, puisqu’il subit un dommage en perdant son drap, agent en ce qu’il acquiert quelque chose qu’il n’avait pas. Saint Thomas fait d’ailleurs remarquer, avec beaucoup de justesse, qu’ici le mot passion est pris dans un sens assez impropre : volunlarium enim diminua de ratione passionis.

Tels sont les différents cas où l’on peut voir compensation ; or on va prouver que si, en loules circonstances, on égalisait absolument passion subie et action faite la justice commutative. pourrait en être lésée., en d’autres termes que le justum et le conlrapassum ne sont pas toujours équivalents.

Des exemples vont le montrer : Quelqu’un fait injure à une personne plus élevée que lui-même en dignité : l’action dans ce cas est plus grave que ne le serait la passion de même espèce qu’il subirait lui-même. Qui frappe un prince n’est pas seulement frappé en retour, mais puni de manière beaucoup plus grave.

De même, si quelqu’un a causé du dommage à autrui dans ses biens, contre la volonté de celui-ci, il n’y aurait pas de rapport exact entre l’action accomplie et la passion subie, si l’on se contentait d’enlever à l’auteur du dommage exactement ce qu’il s’est approprié. De la sorte en effet le. coupable ne subirait lui-même aucun dommage, ainsi la simple restitution ne saurait satisfaire la justice lésé-. Le coupable en effet n’a pas seulement porté oréjudice à une personne privée, mais encore à la société, dont, par son acte, il a contribue à ébranler la sécurité. Aussi la loi mosaïque prescrit-elle à juste titre : « Si un homme dérobe un bœuf ou une brebis… il restituera cinq bœufs pour le bœuf, et quatre brebis pour la brebis. » Ex., xx, 1.

Enfin dans nombre d’échanges volontaires, la passion ne serait pas toujours égale, si quelqu’un donnait sa ebose à lui en échange de celle d’un autre, parce qu’il pourrait arriver que celle-ci fût plus précieuse que la sienne propre. Le troc est en définitive une forme d’échangi s souvent injuste. Et voilà pourquoi il faut, suivant une mesure justement proportionnée, égaler la passion à l’action dans les échanges. C’est précisément à cette tin qu’ont été inventées les monnaies, qu’on substitue aux choses elles-mêmes dont elles payent le prix. A. 4.

Enfin quand il s’agit non plus de justice conunutative, mais de justice distributive, cette doctrine du contrapassum ne trouve même plus à s’appliquer. Ici, en effet, l’égalité ne se fait pas de chose à chose, mais de chose à personne. A la différence de ce qui se passe en justice d’échange, ce sont les personnes et non les choses qui interviennent à litre direct dans la justice de répartition. Ila-II », q. i.xi.

IV. La justice vertu cardinale.

Vertus théologales, morales, cardinales.

- Dans la justification, avec la rémission des péchés et la collation de la grâce sanctifiante, des principes d’action surnaturelle, des énergies d’ordre divin nous sont donnés ; ce sont les vertus infuses. Les unes sont dites théologales, non seulement parce qu’elles ont Dieu pour cause et que c’est à Dieu que nous en devons la connaissance, mais surtout parce que, nous ordonnant vers Dieu, elles ont Dieu lui-même pour objet et pour motif. Ce sont : la foi, l’espérance et la charité.

Les autres vertus sont dites morales, parce qu’elles ont pour objet les devoirs moraux de l’homme et que, par elles, l’homme devient moralement bon. A la différence des vertus théologales qui disposent l’homme, comme il convient, vis-à-vis de la fin dernière de la vie humaine, les vertus morales le disposent à prendre les moyens d’atteindre cette fin.

Les vertus morales sont naturelles ou acquises, surnaturelles ou infuses. Les premières disposent l’homme au bien simplement honnête : les secondes le disposent au bien surnaturel et divin. La fin de l’homme étant surnaturelle, les moyens pour l’atteindre doivent être de même nature, et les vertus qui y disposent auront le même caractère. Elles ne sauraient donc être acquises par les efforts de l’homme ; elles viennent de Dieu seul et sont infusées par lui, dans la justification, en même temps que la grâce sanctifiante et les vertus théologales.

Quatre de ces vertus portent le nom de cardinales, parce qu’elles forment l’axe de toute la vie morale. Cardinalis a cardine dicitur, in quo ostium vertitur dit saint Thomas. Kl ideo proprie virtuies cardinales dicuntur in quibus quodammodo vertitur et fiindutur vita moralis, sicut in quibusdam principiis lidis vitse ; proplrr quod et hujusmodi virtuies principales dicuntur. — Qusestiones dispulaiæ, de virtutibus cardinalibus. Q. unie, a. 1.

Ce sont :
la prudence, qui éclaire et dirige la conduite par le discernement ce ce qui est à faire ou à éviter ;
la justice, qui porte à rendre à chacun ce qui lui est dû ;
la force, qui écarte les obstacles et triomphe des difficultés dans l’accomplissement du devoir ;
la tempérance, qui modère la concupiscence et la maintient dans de justes limites.

Ces quatre vertus cardinales servent de centre autour duquel se groupent beaucoup d’autres vertus secondaires et subordonnées. Parmi toutes ces vertus, les unes se rapportent à l’intelligence et sont d’ordre intellectuel ; les autres se rapportent à la volonté. C’est dans cette dernière faculté que réside la vertu de justice.

La justice vertu cardinale.

C’est avec, raison que la justice est comptée au nombre des vertus cardinales. Cette vertu règle les rapports d’un individu à un autre, des membres de la société comme parties d’un tout, et enfin de l’homme à Dieu, en tant que certaines obligations le lient à Dieu, bien qu’il n’y ait pas de place ici pour une justice rigoureuse, à cause du défaut d’égalité. Elle se définit : une vertu infuse qui nous porte à rendre et à garder à chacun le bien qui lui est dû : définition qui s’applique également à la justice conunutative, à la justice légale et à la justice distributive. Virlus cardinalis justitiæ generice sumptu, dit Pesch, deflniri potest : habitus infusus ad reddendum et servandum unicuique bonum ipsi debitum. Justifia commutativa est virtus infusa ad reddendum et servandum omni individuo (plujsico vel morali, semper tamen rationali, ut patel) secundum perfeetam œqualitatem quidquid ipsi ex stricto jure debetur. Juslitia legalis est virtus infusa ad reddendum et servandum rcipubliciv, quidquid ipsi a partibus suis (capile et membris) debetur. Justifia distributiva est virtus, qua illi, qui habent auctoritalem publicam, bona et onera communia singulis subditis distribuunt pro eorum conditionibus, facultatibus, meritis. C. Pesch, Prælecliones dogmaticæ, Fribourg-en-B., 1911, t. ix, p. 107.

1. La sainte Écriture, en maints passages, enseigne que la justice est une vertu, et la place avec les autres vertus cardinales. Témoin ce texte du Livre de la Sagesse : « La divine Sagesse enseigne la tempérance et la prudence, la justice et la force, qui sont, ajoute l’écrivain sacré, les choses les plus utiles à l’homme dans cette vie. » Sap., viii, 7.

Nombreux sont les textes où elle recommande et prescrit les devoirs imposés par la justice conunutative, la justice légale tant à l’égard du pouvoir civil que vis-à-vis des pouvoirs spirituels, et la justice distributive. Qu’on nous permette d’en citer quelques-uns.

a) Le décalogue énonce en termes brefs l’interdiction du vol : Non furtum faciès. Ex., xx, 15 ; les divers libres bibliques, qu’il s’agisse du Deutéronoine, des prophètes, des hagiographes insistent sur les modalités diverses par lesquelles on peut violer ce précepte fondamental : SU lera dolosa abominatio est apud Dominum, et pondus œquum voluntas ejus, disent les Proverbes xx, 1, et ce texte pourrait être commenté par une multitude d’autres.

b) Pour ce qui est de la justice légale, le Sauveur en a posé le principe avec une netteté qui exclut toute discussion : « Rendez à César ce qui appartient à César. » Matth., xxii, 21. Les apôtres, avec, une insistance, qui a bien son prix au moment où ils écrivent, font la théorie de cette justice légale : qu’il sullise de rappeler deux textes classiques de saint Paul : « Que toute personne soit soumise aux autorités supérieures : car il n’y a pas d’autorité qui ne vienne de Dieu, el celles qui existent ont été instituées par Dieu… Rendez donc à tous ce qui leur est dû : le tribut à qui vous devez le tribut, l’impôt à qui vous devez. l’impôt, la crainte à qui vous « levez, la crainte, l’honneur à qui vous devez l’honneur. » Rom., xiii, 1, 7. « Nous avons tous été baptisés dans un seul Esprit, pour former un seul corps, soit juifs, soit païens, soit esclaves, soit libres Mais maintenant il y a beau coup de membres, et un seul corps. L’œil ne peut pas dire à la main : je n’ai pas besoin de ton aide : ni la tête dire aux pieds : vous ne m’êtes pas nécessaires.

Mais, au contraire, les membres du corps qui paraissent h 6 plus faibli s sont les plus nécessaires. Et si unmei ibre soutire, i « mis les membres souffrent avec lui ; ou si un membre est honoré, tous les autres s’en réjouissent avec lui. » 1 Cor., xii, 13, 20, 23, 20.

c) Quant à ce que nous avons appelé la justice distributive, c’est encore aux avertissements des prophètes qu’il faudrait se reporter pour en trouver une minutieuse description. Le texte suivant, tiré de la Sagesse exprime au mieux les devoirs des détenteurs de la puissance publique : « Écoutez donc, ô rois, et comprenez ; apprenez juges des confins de la terre. Car la puissance vous a été donnée par le Seigneur, et la force par le Très-Haut, qui interrogera vos œuvres et sondera vos pensées ; parce qu’étant les ministres de son royaume, vous n’avez pas jugé équitablement, ni gardé la loi de la justice, ni marché selon la volonté de Dieu. » Sap., vi, 2, 3, 4.

2. Les Saints Pères sont unanimes à faire de la justice une vertu cardinale.

De tous les Pères, saint Ambroise est peut-être celui qui en a le mieux exprimé la théorie générale. Après avoir énuméré les quatre vertus cardinales, il s’étend sur la notion et les caractères de la justice dont il fait ressortir la splendeur : Et quidem s< imus virtutes esse quatuor cardinales : temperantiam, justiliam, prudentiam, fortiludinem. In Luc, t. V, n. 62. P. L., t. xv, col. 1758. Il définit la justice, la vertu, quie suum cuique tribuit, alienum non vindicat, utilitatem propriam negligit, ut communem xquilalem custodi, t. De officiis, I. I, c. xxiv, n. 115. P. L., t. xvi, col. 62. — Justiliæ autem pietas est prima in Deum, seeunda in palriam, lerlia in parentes, item in omnes. Ibid., c. xxvii, n. 127, col. 65 ; voir aussi c. xxviii, n. 130, 135, 136.

Saint Augustin enseigne que la justice est une des quatre vertus cardinales et il en décrit, d’après Cicéron, les fonctions variées, rcligionem, pictalem, gratiam, vindicationem, observationem, verilatem, paclum, par, legem, judicatum. De diversis quæslionibus LXXXIll, q. 31, P. L., t. xl, col. 20, 21.

Dans son traité du libre arbitre, il définit la justice une vertu qui fait rendre à chacun ce qui lui est dû. Jam justiliam quod dicamus esse, nisi virtutem qu sua cuique tribuuntur ? Et il ajoute qu’il ne connaît pas d’autre notion de la justice. Nulla mihi alia justitiæ notio est. De libero arbitrio, t. I, c. xiii, n. 27, P. L., t. xxxii, col. 1235.

D’après saint Grégoire le Grand, l’édifice spirituel de notre âme est soutenu avec vigueur par les quatre vertus de prudence, de tempérance, de force et de justice. C’est sur ces quatre angles que cet édifice subsiste, parce que la structure de toute bonne œuvre, s’élève sur ces quatre vertus. Solidum mentis nostrse œd.ficium, prudentia, tempcranlia, lorliludo, justitia suslinet. In quatuor vero angulis domus ista subsislit, quia in his quatuor rirtutibus tota boni operis structura consurgit. Moral., t. II, c. xlix, n. 76, P. L., t. lxxv, col. 592.

Prééminence de la justice.

La vertu de justice a la prééminence parmi toutes les vertus morales… C’est dans la justice, dit Cicéron, que la vertu brille de son plus vif éclat ; c’est par elle que les hommes sont appelés bons ou honnêtes. In justitia virtutis splendor est maximus, ex qua boni viri nominantur. De officiis, t. I, c. vii, n. 20. Cela est vrai qu’il s’agisse de la justice légale ou de la justice particulière. Si nous parlons, en effet, de la justice légale, il est manifeste, dit saint Thomas, qu’elle est la plus belle de toutes les vertus morales, pour autant que le bien commun l’emporte sur le bien particulier de l’individu. Et, en ce sens, Aristote déclare que la plus belle des vertus paraît être la justice ; ni l’étoile du soir, ni l’étoile du malin ne sont aussi dignes d’admiration. Kal ?ià toôto tcoX-Xcr-tç y.potTÎaTï) tejv àpe-rwv slvzi Soxs’i Sixato ûv/j, y.xï oû0 "è ; T.e oçoilO’éâ>oç outco Oxùji.aaToç. Ethic. Nie, t. V, c. iii, édit. Berlin, p. 1 129 b.

Dans l’ordre humain, en effet, et en deçà des vertus théologales épanouies dans la charité, il n’est rien qui approche de la beauté et de l’excellence de cette vertu.

La justice particulière elle-même est supérieure, en excellence, aux autres vertus morales. Celles-ci, en effet, sont louées uniquement d’après le bien du sujet vertueux qu’elles assurent ; la justice, au contraire, est louée selon que l’homme vertueux est ce qu’il doit être par rapport aux autres ; de telle sorte que la justice, dit saint Thomas, est, d’une certaine manière, le bien d’autrui : Et sic justitia quodammodo est bonum allerius. Sum. theol., Ha [Iæ, q. lviii, a. 12.

Il est nécessaire, enseigne Aristote, que les vertus les plus utiles aux autres comptent parmi les plus grandes, car la vertu est une puissance bienfaisante. Aussi bien voyons-nous que les forts et les justes sont le plus honorés ; parce que la force est utile aux autres dans la guerre, et la justice leur est utile dans la guerre et dans la paix Rhet., t. I, c. ix, p. 1366 b.

V. Des vertus annexes a la justice. La justice, en sa notion la plus rigoureuse, consiste dans la volonté habituelle de rendre à autrui ce qui lui est dû, en prenant ce dû dans le sens d’une égalité géométrique ou arithmétique, et tel que de justes lois le comprennent et le sanctionnent. Il s’ensuit que si tel groupe d’actions vertueuses, tout en participant de cette notion, s’en éloigne en quelque chose, il faudra y voir une justice à part et le placer au rang des vertus annexes. Or, d’après la définition que nous venons de donner, la première condition de la justice est de concerner autrui, de rectifier notre action à son endroit. Toute vertu qui tendra à ce résultat pourra donc être appelée, de ce fait, une justice. Mais ce nom ne lui conviendra pas en rigueur, si elle se trouve déficiente par rapport à quelque autre condition, à savoir si elle ne peut prétendre à l’égalité, ou si elle concerne ce qui est dû non dans le sens plein que lui communique la loi, mais dans un sens exclusivement moral, qui pourra encore comporter des degrés.

Dans les vertus qu’on adjoint à une vertu principale, dit saint Thomas, deux choses sont à considérer : premièrement, ces vertus doivent s’accorder en quelque chose avec la vertu principale ; elles doivent également rester, sur quelque point, en deçà du concept parfait de cette vertu. Si, en effet, elles y étaient de tout point conformes, elles ne sauraient être distinguées de la vertu dont il s’agit ; si elles nis’y rapportaient en rien, elles ne pourraient pas y être adjointes. In virtutibus quæ adjunguntur aLcui principali virtuti, duo sunt consideranda : prirrn quidem, quod virtutes illx in aliquo cum principali virtute conveniant ; secundo quod in aliquo deficiant a per/ecta ralionc ipsius. Sum. theol., Il » Use, q. lxxx, a. unie.

Par cela donc, ajoute saint Thomas, que la justice se réfère à autrui, comme il ressort de ce qui a été dit plus haut, toutes les vertus qui se rapportent à autrui, peuvent, à raison de cette convenance, être annexées à la justice.

D’autre part, la justice consiste à rendre à autrui ce qui lui est dû selon l’égalité, comme on le voit par ce qui a été dit précédemment. Une vertu se référant à autrui restera donc de deux manières en deçà d.’la raison de justice : d’abord, en tant qu’elle n’atteint pas l’égalité ; ensuite, parce qu’elle n’a pas le caractère de chose due.

Vertus n’impliquant pas l’égalité de ce qui est dû avec ce qui est donné.

Il y a, en effet, des vertus qui visent à rendre ce qui est dù, maisqui ne peuvent point espérer établir une égalité. Comment ferait-on pour rendre à Dieu ce qu’on lui doit ! cela même qu’on lui donne vient de lui, et c’est lui qui en inspire le g ste. C’est ce qu’exprime le Psalmiste dans cette parole : « Que rendrai-je au Seigneur pour tout ce qu’il m’a donné ? » Ps., cxv, 3.

La vertu de religion, qui rend à Dieu le culte qui lui est dû, est donc, en même temps qu’une justice, une justice déficiente.

Aux pan nts, non plus, il n’est pas possible de rendre tout ce qu’on doit, et la raison est proportionnellement la même. C’est pourquoi la pieté filiale sera jointe à la justice sans se confondre avec elle.

1 c même encore ce qui est dû à la vertu, aux dévouenii nts dont font preuve à notre endroit ceux qui gèrent nos intérêts, nous instruisent, nous gouvernent, etc., ne prête à aucune égalité rigoureuse. La vertu ne se paye pas, se trouvant placée, en tant que bien de la raison au-di ssus de toute réalité extérieure. En effet, la verlu est le triomphe de la raison, car la raison, selon le mot de saint Thomas, Sum. theal., la 1 1°, q. lxiii, a. 2, ad 3um, par la vertu prend possession d’elle-même et des appétits. Un certain culte (observantia), impliquant, unis ou distingués suivant les cas, l’honneur, l’obéissance, la crainte, la reconnaissance, etc., se trouvera, de ce chef, annexé à la justice.

Voilà donc trois vertus qui sont jointes à la justice sans se confondre avec elle, parce que tout en concernant un autre que le sujet qui agit et en lui rendant ce qui lui ( st ùù. au titre le plus strict, elles sont, impuissantes à acquitter cette dette dans sa totalité.

Vertus n’impliquant pas strictement la notion de dû.

Mais d’autres vertus peuvent être considérées comme annexes à la justice, parce que la raison de dette au sens strict du mot ne peut leur convenir.

Or il y a deux sortes de dettes : la dette légale et la dette morale, et à chacune de ces espèces de dette correspond un droit spécial. Le droit légal appartient à la justice proprement dite, comme la dette légale à la vertu principale de. justice. La dette morale relève de la simple honnêteté, c’est-à-dire qu’elle est ce qu’on doit par honnêteté, par vertu. Et parce que le mot dette implique une nécessité morale, la dette morale dont il est ici question présente un double degré.

1. Au premier ; elle est tellement nécessaire que, sans elle, l’Honnêteté morale ne saurait être conservée : et ici le concept de dette est mieux réalisé qu’il ne le sera dans le second degré. Vue avec ce caractère de nécessité nettement accentué, la dette morale peut être envisagée soit du côté de celui qui doit, soit du côté de celui à qui l’on doit.

Dans le premier cas, la dette fait une obligation à l’homme de se présc uter à autrui tel qu’il est, dans ses paroles et dans ses actes. On adjoindra donc à la justice la vérité, verilas, par laquelle, dit Cicéron, on exprime fidèlement, ce qui est, ce qui fut ou ce qui sera. Et ideo adjuni/itur justifias iteritas, prr qitcan, ut Tullius dicil (De invent. lib. II, aliquant. anle fin.), immutata ta quæ sunt, aut juerunl. nul jutura sont, dicuntur. Sum. theol., q. lxxx, a. unie.

Le second cas est susceptible de deux hypothèses, lui effet, la dette morale peut également être considérée du côté de celui à qui l’on doit, en ce sens (prou rend à quelqu’un, par voie de compensation, selon qu’il a lui-même agi. S’il est question du bien l’ail par autrui, alors on parle de la gratitude, où se trouve comprise la volonté de récompenser autrui, en souvenir de son amitié et de ses bons offices. Et sic. dit saint Thomas, adjungitur justitim gratia, in </"", ut Tullius dicit (ibid.). amicitiarum et offteiorum alterius menwriii, ri allcrius rcinuncrandi voltintas continctur. S’il est question du mal, alors s’ajoute à la justice le soin de la vindicte, qui consiste, comme le marque Qloéron, > repousser, par la défense ou par l’attaque, la violence ou l’injure dont on a été victime. L’/ sic

adjuni/itur juslili ; c vindicatif), per ipiuin, ut TuiliUS dicil (ibid.l, vis aut injuria dejciulendo. <iul uteiscendo pmpuls(dur.

2. A un second degré, la délie morale existe encore

niais non plut en ce sens que, si elle n’est pas acquittée, l’honnêteté morale, ou l’harmonie des rapports sociaux, ne serait Ras conservée dans sa perfection substantielle. Pourtant l’acquittement de cette dette morale donne à ces rapports plus de souplesse et de beauté. C’est cette dette qu’ont en vue la libéralité, l’i fjabilite ou l’amitié et les autres vertus de ce genre. Cicéron les a omises dans, son énumération, dit saint Thomas, parce qu’on n’y trouve plus grand’chose de la notion de dette. Aliud vero debitum est necessarium, sicut conferens ad majorem honeslatem, sine quo lamen hanestas conservari potest, quod quidem debi’am attendit liberalitas, affabilltas, sive amicilia, aut alia hujusmodi, quæ Tullius prmtermiltil in prædicta enumeratione, quia parum habent de ratione debiti. Ibid ;

Saint Thomas donne à ces vertus annexes le nom de parties potentielles, en désignant par là ces autres vertus qui participent en quelque manière de la raison propre de la justice, mais ne la reproduisent point totalement. Ainsi qu’on vient de le voir ces parties potentielles de la justice sont au nombre de huit : la religion, la piété, le respect (observantia), la reconnaissance, la vengeance (vindicatio), la vérité, l’amitié, la libéralité.

Saint Thomas en ajoute une autre qu’il appelle, à la suite d’Aristote, l’épikie, èrrLeîxstx, et qu’il fau<diait appeler en français la « largeur d’esprit ». Voir Épikik, t. v, col. 358. Tandis que les autres vertus précédemment énoncées se rattachaient à la justice particulière, celle-ci est à adjoindre, comme un indispensable complément, à la justice générale ou légale. Elle a pour objet de contrebalancer l’esprit formaliste qui va si vite à l’esprit pharisaïque. L’épikie a pour rôle en effet, d’incliner la volonté à se porter, comme il convient, là où se trouve réalisée la notion de justice, malgré l’obstacle apparent d’un texte de loi formulé en sens contraire. Son objet propre est donc d’incliner la volonté de l’homme à suivre, toujours ce que l’équité naturelle requiert lorsqu’il peut y avoir conflit entre le droit naturel et le droit légal. C’est la sauvegarde suprême de la justice, au point le plus délicat et le plus essentiel, alors qu’une observance étroite et mal entendue d’un texte de loi ferait agir contre les droits imprescriptibles de la plus élémentaire équité. Et c’est par l’étude de cette vertu que saint Thomas couronne son traité de la justice et de ses parties.

La source principale reste toujours Aristote, que saint Thomas n’a guère fait que commenter. Voir surtout FAhic. Nicom., 1. V ; Politic, t. I, III, IV : Cicéron, De ofliciis, t. I, c. vii-xviii, a été, lui aussi, copieusement utilisé. La doctrine de saint Thomas est exposée : Sum. llteol., I a II æ, q. LV-i.xvin (théorie générale des vertus) et Il a H », q. i.vmcxx ; Quæstiones disputâtes, q. ii, de virtutibus in comtn >ni, de virtutibus cardinalibus ; et aussi dans le Comment, sur les Sentences ; voir A. D. Sertillanges, La philosophie morale de saint Thomas. Paris, 11)11, — De saint Thomas dérive immédiatement T. Bègues, O. P., Co/miicn/uire français littéral de la Somme theologique, Paris, 1910, t. xi et xii ; voir aussi les principaux auteurs récents de théologie morale : M. làberatorc, InstitUtioneS elhie.e el / « ris nalunc, Prato, 1887 ; A. Feneili, Iiuttlutioncs philosof >hiæ moralis, Rome, t. i, 1808 ; V. C.alhrein, Bîltlosophia moralis, Fribourg-en-H., 1805 i A. Lclimkulil, Theologia maralts, I. [ ; G. Mare, InstitUtioneS morales, l.i ; Cli. 1Vm-|i, l’rccleeliones dogmaticr, Fribourg-en-U., t. vui : I) i irtutibus in generei t. i : De virtutibus moralibus, - l’ami les prédicateurs, voir Bossuet, dans.1. Lebarcq, Œuvres oratoires

de Bossuet, Paris, IN’./l el 1802, i. m et ; Mgr d’ilulst,

Conférences de N.-D., carême de 1898 ; Janvier, Exposition de la monde catholique, iv, La vertu, carême de 1006.

Dom J. lS.u cuRR.


JUSTICE ORIGINELLE. -
I. Définition.
II. Problème apologétique (col. 2021).
III. Problème dogmatique (col. 2024)
IV. Problème théologique (col. 2081).