Dictionnaire de théologie catholique/INSPIRATION DE L'ÉCRITURE

E. Mangenot.
Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 7.2 : IMPANATION - IRVINGIENSp. 409-508).

INSPIRATION DE L’ÉCRITURE. I. Nom. II. Existence. III. Nature. IV. Étendue. V. Effet principal : l’inerrance.

I. Nom.

Le mot « inspiration », qui désigne dans la langue théologique l’action que le Saint-Esprit a exercée sur les écrivains sacrés pour les déterminer à écrire, avec son concours constant et sous son influence directe, les vérités qu’il voulait ainsi manifester aux hommes, est d’origine biblique. Il dérive, en elïet, de deux passages du Nouveau Testament, que nous expliquerons. Saint Paul a dit que l’Écriture était GeoTTvsuCTTOç, II Tim., iii, 16, et la Vulgate latine a traduit cet adjectif composé en marquant ses éléments composants par la formule correspondante : divinilus insp/ra/rt. L’Écriture est donc, de sa nature, divinement inspirée. D’aulre part, saint Pierre affirme que les hommes de Dieu, c’est-à-dire les prophètes de l’Ancien Testament, ont parlé ûttô IIveûpiaTOç àyto’j (pep6|i.£voi., II Pet., i, 21, et le traducteur latin a traduit les termes qui expriment l’action de l’Esprit Saint : Sancto Spiritu inspirati. Les prophètes de l’ancienne alliance étaient donc inspirés pour communiquer les oracles divins. L’action du Saint-Esprit, qui a rendu l’Écriture divinement inspirée et qui inspirait les prophètes d’Israël, est donc, à bon droit, désignée par le mot d’inspiration.

Toutefois, ce nom d’origine biblique fut rarement employé dans l’antiquité chrétienne. Les écrivains grecs se servaient d’un autre nom, ÈTCtnvoia, qui procède de la même racine, Trveîv, souffler, que 7TveiJii.æ et ôeoTTveuiTOç et qui signifie aussi l’action inspiratrice de Dieu sur les auteurs sacrés. L’historien juif Joséphe est le premier qui s’en soit servi, quand il dit que, chez ses coreligionnaires, ce n’est pas au premier venu, qu’il a été donné d’écrire l’histoire, « mais aux seuls prophètes qui, ayant appris les choses de la plus haute antiquité, xaxà tyjv èniKvoi.oi.v xrjv ixtzo toù Œoù, ont aussi écrit clairement les choses de leur temps, comme elles se sont passées ». Cont. Apion., i, 7. C’est du même terme, ininwiac, que se sert l’auteur de la Cohortatio ad Grxcos, attribuée parfois à saint Justin, n. 12. P. G., t. vi, col. 264. Saint Irénée l’emploie aussi, quand il parle de l’inspiration de la version des Septante, version faite xax’èT : Î7Tvoi.av toù eeoG. Cont. hær., iii, 21, 2, P. G., t. vii, col. 948. Origène disait encore que personne ne pouvait interpréter les Écritures inspirées X^9’-^ è7ri.TCVoîaç xal èswTspaç Suvâfzscoç, Cont. Celsum, t. IV, n. 30, P. G., t. XI, col. 1073.

Quand, plus tard, les Pères dirent expressément que les Écritures elles-mêmes étaient ŒÔTrvsuCTTai, ils appliquaient plus rarement cette épithéte aux écrivains sacrés, qu’ils déclaraient plutôt Œoçspôfxevoi. ou TTveufjLaTOcpôpoi.. Saint Hippolyte toutefois dit que les prophètes étaient GeéiceuvaTOi. et Qeo~j xal Xôyou È^ ?)-YY )TaL N. Bonwetsch, Studien zu den Kommentaren Hippolijis : u Bûcher Daniel und Holien Liede, dans Texte und Untersuchungen, Leipzig, 1897, t. xvi, fasc. 2, p. 20. Origène prouve que les écrits de l’Ancien Testament étaient GsoTrveûaxaç ypa(p(i.q, par le fait de l’accomplissement des prophéties messianiques qu’ils contenaient. De principiis, t. IV, n. 6, P. G., t. XI, col. 352. Le nom abstrait GeoTTVcuaTÎa est rarement employé. Seuls les protestants modernes l’ont mis en circulation par le terme de thàtpncustie. Ainsi L. Gaussens a publié un ouvrage intitulé : Théopneuslie, inspiration plénière des saintes Éiritures, Paris, Londres, 1842 ; il empruntait ce nom grec, qui n’était pas encore usité en français, au langage employé depuis longtemps au delà du Rhin. Avant-propos, p. 1.

II. Existence.

Il ne s’agit pas ici de prouver que tous les livres de la Bible ont été inspirés par le Saint-Esprit et sont ainsi l’œuvre de Dieu. Seul, au dire de Léon XIII, encyclique Propidentissimus Deus, le magistère vivant et propre de l’Église est capable d’établir très solidement l’autorité complète, divine et infaillible des Livres saints. J. Didiot, Traité de la sainte Écriture. Paris, Lille, 1894, p. 45 ; cf. p. 152, 153. Le magistère ecclésiastique l’a fait, en dressant le canon ou la liste complète des livres inspirés qui ont Dieu pour auteur. Voir Canon des Livres saints, t. iii, col. 1550 sq. Il s’agit présentement de prouver que les juifs et les chrétiens ont toujours cru à l’existence de livrés divins, rédigés sous l’inspiration divine par des hommes, chargés d’une mission spéciale, et que ces livres sont, dans l’ensemble, ceux qui constituent l’Ancien et le Nouveau Testament. Or, pour prouver cette croyance, nous interrogerons les Écritures juives et chrétiennes elles-mêmes, considérées non comme des œuvres divines (ce qui serait un cercle vicieux), mais comme des documents historiques qui attestent la foi des juifs et des chrétiens. Nous interrogerons aussi les écrivains ecclésiastiques et les théologiens et nous indiquerons les preuves diverses qu’ils donnaient de leur foi. Finalement les décisions de l’Église, dont nous admettons l’autorité divine et infaillible, établie par ailleurs, voir Église, et qui est par elle-même un motif puissant et perpétuel de crédibilité et un irréfragable témoignage de sa divine mission, comme dit encore Léon XIII, loc. cit., établiront infailliblement l’existence de l’inspiration des livres sacrés des juifs et des chrétiens.

I. CROYANCE DES JUIFS EN L’EXISTENCE DE LIVRES INSPIRÉS.

1o Le Pentateuque lui-même mentionne l’ordre donné par Dieu à Moïse d’écrire certains événements de l’histoire des Israélites et certaines parties de la législation qu’il donnait à son peuple. Après la défaite des Amalécites à Raphidirn, Jahvé commanda à Moïse de la raconter « dans un livre », selon la traduction des Septante, Exod., xvii, 17, pour que le souvenir en fût gardé en Israël. Deut., xxv, 17-19. Moïse, est-il dit ailleurs, Exod., xxiv, 4, écrivit « toutes les paroles de Jahvé », celles qui précèdent immédiatement cette mention et qui règlent les conditions de l’alliance que Dieu avait conclue avec les Israélites. C’est « le livre de l’alliance », que Moïse lut au peuple assemblé et dont celui-ci s’engagea à observer le contenu. Ce livre comprend Exod., xx, ll-xxiv, 3. Les bases de cette alliance, de nouveau révélées à Moïse, furent encore mises par écrit sur l’ordre de Dieu. Exod-, xxxiv, 10-28. Dans le titre d’une liste des campements d’Israël au désert, Num., xxxiii, 1, 2, il est dit que Moïse, par ordre de Jahvé, écrivit les marches et les stations, c’est-à-dire, dans le sens le plus strict, la liste qui précède, xxxiii, 3-49, ou, selon quelques commentateurs, une relation des marches d’Israël depuis la sortie d’Egypte jusqu’au moment où le récit est parvenu, relation dont la liste ne serait qu’un résumé. Le reste de la législation mosaïque de l’Exode et des Nombres est présenté comme révélé par Dieu à Moïse, sans qu’il soit dit nulle part que Moïse l’écrivit. Si, à la fin de sa vie, le législateur, « ayant achevé d’écrire les paroles de cette loi dans un livre » Deut., xxxi, 24, c’est-à-dire le Deutéronome, le fit placer à côté de l’arche par les lévites, 25, 26 ; cf. Jos., i, 7, 8 ; viii, 31, 32, 34, il n’est pas dit que ce livre ait été écrit par l’ordre de Dieu. Mais le cantique de Moïse, Deut., xxxii, 1-43, a été composé par ordre divin, xxxi, 19. Cf. E. Mangenot, L’authenticité mosaupie du Pentateuque, Paris, 1907, p. 207-214 ; J. Nikel, Die Pentatcuchfrage, Munster-en-Westphalie, 1921, p. 16-18. Ces écrits de Moïse rédigés par ordre divin, se trouvant dans le Pentateuque, firent conclure plus tard aux juifs qui tenaient leur législateur comme l’auteur du livre entier, Mal., iv, 18 ; I Esd., iii, 2 ; vi, 18 ; II Esd., viii, 1 ; xiii, 1 ; II Par., xxiii, 18 ; xxxiii, 8 ; cf. xxv, 4, que celui-ci, considéré d’ailleurs comme un prophète, Deut., XXXIV, 10, avait été inspiré de Dieu pour l’écrire. La Genèse, enfin, était remplie des paroles que Dieu avait adressées aux patriarches et les quatre autres livres du Pentateuque contiennent presque à chaque page des formules comme celle-ci : Dieu dit à Moïse.

2o Josué, qui avait reçu le volume de la loi, c’est-à-dire le Deutéronome, Jos., i, 1, 8, après avoir fait renouveler au peuple son alliance avec Dieu, xxiv, 1-25, dressa un statut et une ordonnance qu’il écrivit « dans le livre de la loi de Dieu », 25, c’est-à-dire dans le Deutéronome, xxvi, 16-xxvii, 26, ou à sa suite. Samuel écrivit la loi du royaume futur dans un livre, qu’il déposa devant le Seigneur, I Reg., x, 25, à savoir auprès de l’arche, Deut., xxxi, 26, comme le Deutéronome lui-même. Cet acte était une sorte de canonisation des livres ainsi déposés et placés sous la garantie de Dieu La dix-huitième année du règne de Josias sous le pontificat d’Helcias, on découvrit dans le

temple de Jérusalem « le livre de la loi », « de la loi de Jahvé >, IV Reg., xxii, 8, 1, « le livre de l’alliance », xxin, 2, qui provoqua la réforme religieuse de Josias, après la lecture qui en fut faite au peuple. Or, ce livre est sinon le Deutéronome actuel, au moins une de ses parties. Cf. E. Mangenot, op. cit., p. 116-123, 215-216 ; J. Nikel, op. cit., p. 20-21. L’auteur des Paralipomènes parle de loi écrite, I Par., xvi, 40, de loi de Moïse, II Par., xxiii, 18 ; xxxi, 3, rédigée de sa main, xxxiii, 8. Il reconnaît le Pentateuque entier dans le livre de la loi, découvert au temple sous le règne de Josias, et il l’attribue à Moïse. II Par., xxxiv, 14 ; xxxv, 12. Il paraît bien qu’il parle de la loi rédigée, et non simplement promulguée par Moïse. E. Mangenot, op. cit., p. 219. J. Nikel, op. cit., p. 22-23, est d’un avis contraire, il pense que le Pentateuque n’existait pas encore dans son état actuel, au temps d’Esdras et de Néhémie. Ces livres législatifs étaient donc, pour les juifs, des ouvrages ayant à la fois une autorité divine et une origine humaine, puisqu’ils avaient été rédigés par des écrivains qui obéissaient à un ordre divin et faisaient connaître les ordonnances de Dieu. 3o Si parmi les prophètes, dont Dieu avait promis une série continue, Dcut., xviii, 5-17, plusieurs ne furent que des orateurs qui parlaient au nom de Dieu, d’autres mirent par écrit les oracles que Dieu leur avait révèles. Tous recevaient l’inspiration divine ad loquendum, qui diffère de l’inspiration ad scribendum, et dont nous n’avons pas à parler ici. Voir Prophétie. Ceux qui ont écrit leurs prophéties orales, l’ont-ils fait sous l’inspiration de Dieu qui les poussait à écrire ? On pourrait le conclure a priori et supposer que les prophètes écrivains avaient conscience de rédiger leurs oracles par la volonté de Dieu. Mais nous ne sommes pas réduits à de simples conjectures, et différents témoignages, contenus dans leurs écrits, attestent qu’ils ont parfois reçu formellement de Dieu l’ordre d’écrire les volontés divines. Ainsi Isaïe, qui appelle « livre de Jahvé » son propre volume de prophéties, XXXIV, 16, avait rapporté l’ordre divin d’écrire quelques-uns de ses oracles précédents, viii, 1 ; xxx, 8. Habacuc avait reçu mandat d’écrire sa vision, ii, 2, 3. Ézéchiel, dont les actions symboliques étaient des prophéties en acte, les a mises par écrit, et il en avait reçu, au moins une fois, l’ordre exprès de Dieu, xxiv, 1, 2.

Nous sommes plus complètement renseignés sur l’activité littéraire de.Jérémie. Ce prophète, qui se jugeait incapable de parler, eut de Dieu l’ordre et la mission de parler en son nom et de faire connaître aux habitants du royaume de Juda tout ce que le Seigneur lui manderait de dire, i, 4-10, et la parole de Dieu lui fut adressée. La quatrième année du règne de Joakim, Dieu lui ordonna d’écrire dans un livre toutes les paroles qu’il lui avait dites contre Israël et Juda et contre les nations païennes depuis la jour de sa vocation jusqu’à cette date, en vue de convertir Juda, xxxvi, 1-3. Et le prophète les dicta à son secrétaire Baruch et lui ordonna de les lire dans le temple au peuple qui s’y rassemblait, 4-7. Baruch accomplit l’ordre reçu, au jour de jeiine de l’année suivante, 8-10. Il renouvela cette lecture au palais royal devant les princes assemblés, 11-18. Le roi voulut en entendre la lecture, mais après l’audition de trois ou quatre pages, il fendit le volume à coups de canif et le jeta au feu, 21-26. Dieu ordonna à Jérémie d’écrire de nouveau ses discours que contenait le premier rouleau et d’y ajouter une nouvelle menace contre le roi, 27-31. Aussi le prophète dicta à Baruch un nouveau texte, qui contenait les oracles précédents et beaucoup d’autres, 32. Le livre des prophéties de Jérémie ainsi composé était véritablement un livre d’origine divine, rédigé par un prophète qui était inspiré en l’écrivant, comme il

l’avait été en prononçant de vive voix les oraclesdivins. Jérémie rédigea encore les oracles qu’il avait prononcés contre Babylone et il en remit le rouleau au prophète Saraias, qui devait le lire aux captifs, puis le jeter dans l’Euphrate, li, 60-64. Cf. A. Condamin, Le livre de Jérémie, Paris, 1920, p. xl-xlii.

Par ordre de Dieu, Daniel écrivait ses visions et les discours, et il les scellait jusqu’à l’époque de leur réalisation, VIII, 26 ; XII, 4.

Du reste, les livres des grands voyants d’Israël se prêtaient un naturel appui. Leurs auteurs étaient d’abord animés du même esprit et ils assuraient la parfaite continuité du ministère prophétique ; ils usaient des mêmes procédés pour faire connaître les volontés de Jahvé : discours, poèmes, chants, visions et actions symboliques. Ils traitaient les mêmes thèmes : prédication du monothéisme moral et des exigences du devoir, annonce ou interprétation des fléaux que Dieu préparait aux juifs coupables et aux nations païennes, proclamation du salut futur du peuple choisi. Leur enseignement formait une véritable chaîne de tradition. Chacun d’eux sans doute mettait en relief certaines idées qui lui étaient propres, maïs en même temps il était l’écho de ceux qui l’avaient précédé. Quelques-uns ont même cité, pour les répéter et les développer, des oracles antérieurs. Ainsi, pour ne donner qu’un exemple, Daniel, iv, 2, prend son point de départ dans une prophétie de Jérémie. On constate même, dans la série des livres prophétiques, une dépendance de style plus ou moins accentuée. Tous ces voyants, en écrivant, étaient donc animés du même esprit, et cet esprit était celui de Jahvé.

4o David, l’excellent psalmîste, était inspiré dans ses chants par l’esprit du Seigneur, II Reg., xxii, 1-51, dans un cantique, qui est le ps. xvii, comme dans tous ses autres chants, xxiii, 1-7. Dieu avait donné à Salomon la sagesse et la prudence ; aussi ce roi prononça-tIl trois mille paraboles et cinq mille chants. III Reg.. IV, 29, 32. LIne partie de ces paraboles furent recueillies dans le livre des Proverbes.

5o Ainsi, il s’était formé, chez les juifs, quelques recueils de livres sacrés. Le roi Ézéchias ordonna aux lévites de louer Dieu par les paroles de David et d’Asaph, II Par., xxix, 30, et il fit recueillir des proverbes de Salomon. Prov., xxv, 1. Après le retour de la captivité, en 444, le scribe Esdras publia la Loi, I Esd., VII, 14 ; II Esd, vii, 1-8, c’est-à-dire plus probablement le Pentateuque comme la norme du renouvellement de l’alliance avec Dieu, quoi qu’en pense Nikel, op. cit., p. 22-23, et Néhémie avait recueilli une bibliothèque qui comprenait les livres des prophètes et de David., II Mac, ii, 13. Le petit-fils du Siracide, dans la préface qu’il mit en tête de la version grecque du livre de son grand-père, vers 130, signale trois recueils : la Loi, les Prophètes, et les autres livres qui ont été transmis par les pères, auxquels son aïeul a ajouté le sien, l’Ecclésiastique. Dans son éloge des pères, le Siracide lui-même mentionne nommément ou par allusion tous les livres de la Bible hébraïque, sauf Esther et Daniel. Antiochus avait fait brûler les livres de la Loi, après les avoir déchirés, et il avait condamné à la mort tous ceux chez qui ou en trouvait des exemplaires. I Mac, i, 59, 60. Mais les fidèles Macchabées, au milieu de leurs maux, se consolaient, en lisant les Livres saints, qui étaient demeurés dans leurs mains, xii, 9. Le psautier était employé dans la liturgie du second temple.

6o La croyance des juifs de Palestine à l’existence de livres sacrés était partagée par les juifs hellénistes répandus au milieu des païens. La traduction des Livres saints en grec, qui a constitué à leur usage la version dite des Septante, en est une preuve évidente. Cette version, en elTet, a été exécutée pour satisfaire

aux besoins religieux des Israélites de langue grecque, plutôt que pour faire entrer la loi mosaïque dans la bibliotlièque du roi Ptolémée Philadelplie.

Le juif Philon, qui vivait au début de l’ère chrétienne et était imprégné de la iihilosophie alexandrine, gardait néanmoins la foi de ses pères. Audessus des sciences profanes qu’il avait étudiées, il plaçait « les livres sacrés », remplis d’une sagesse admirable, que Moïse, le promulgateur de la législation juive, avait laissés et qui surpassent tout ce qu’ont enseigné les philosophes. Moïse était prophète de Dieu, qu’il avait vu face à face et qui l’avait instruit. Il y a eu d’autres prophètes, semblables à lui. Ils ont édité les oracles de Dieu, et Philon nomme couramment leurs livres, lepà p16Xta, al tepal ypaçai, xà Ispà YpâjipLaTa. Philon n’a pas toutefois une notion très exacte de l’inspiration qu’il confond avec l’extase et qu’il attribue à des personnages qui n’en ont pas été dotés, notamment aux auteurs de la version des Septante, réunis à l’île de Phares. Voir C. Pesch, De inspiratione sacrse Scripturæ, Fribourg-en-Brisgau, 1906, p. 17-24.

L’historien juif Josèphe, quoique palestinien, était imbu des idées helléniques et il exposa les croyances juives de manière à les faire agréer par les Romains. Nous avons dit déjà, col. 20(59, qu’il est le premier qui ait employé le mot d’inspiration, èmKVCjia.. Or, il ajoute que les juifs possèdent vingt-deux livres, « qui passent, ; bon droit, pour être divins. » Ils les entourent d, 'une telle vénération que, depuis si longtemps qu’ils existent, personne n’a encore osé y ajouter, en enlever ou y changer quoi que ce soit. On leur a inculqué, dés le berceau, de croire que ces livres contiennent des commandements de Dieu, de telle sorte qu’ils s’attachent à eux et savent mourir pour eux, si c’est nécessaire. Conl. Apionem, i, 8. Or, ces vingtdeux livres sont ceux que contenait la Bible hébraïque. Ils comprenaient, en elïet, les cinq livres de Moïse, treize livres prophétiques, parmi lesquels les livres historiques, rédigés par des prophètes, et quatre autres, qui contenaient des hymnes à Dieu et des préceptes moraux pour les hommes. Depuis Artaxerxès, d’autres livres avaient été composés (c’étaient les deutérocanoniques de l’Ancien Testament), mais ils n’avaient pas la même autorité que les autres, parce que la succession des prophètes n’était pas exactement assurée. Josèphe attribuait donc à des prophètes, c’est-à-dire à des hommes inspirés, l’origine des livres, auxquels ses coreligionnaires portaient une vénération spéciale, parce qu’ils contenaient la parole de Dieu et des règles de vie morale. Voir t. iii, col. 1571.

7o Les juifs croyants ont jusqu’à nos jours conservé la foi de leurs pères en l’inspiration des Livres saints, quelle qu’ait été l’opinion de leurs docteurs sur la nature de cette inspiration. Voir t. iii, col. 1569. Nous n’exposerons pas leur sentiment, qui est celui que Jésus-Christ et ses apôtres ont emprunté à leurs coreligionnaires et ont transmis à l’Église chrétienne.

II. CROYAXCE DES CHRÉTIENS.

1o Manifestéedans le Nouveau Testament.

 Cette manifestation

s’est produite de deux manières différentes : d’une manière implicite, par l’usage que Notre-Seigneur et ses apôtres ont fait des livres de l’Ancien Testament comme Écriture, c’est-à-dire comme livres inspirés, et d’une manière explicite par l’affirniation formelle de l’inspiration des livres de l’Ancien Testament.

1. Usiuje que Jésus et.ses apôtres ont fait de l’Ancien Testament comme Écriture. — a) Ils ont emprunté aux juifs une collection de Livres saints, qu’ils désignent par les noms de ses principales classes : la Loi ou le Pentateuque, Joa., x, 34 ; xii, 34 ; xv, 25 ; Rom., iii, 19 ; I Cor., xiv, 21 ; la Loi et les Prophètes, Matth., v, 17 ; vii, 12 ; Luc., xxii, 40 ; xvi, 1(5 ; Act., xii, 13 ; Rom.,

111, 21 ; ou Moïse et les Prophètes, Luc, xvi, 29, 31 ; XXIV, 27. Même une fois, Luc, xxiv, 44, les trois classes de la Bible hébraïque sont signalées, la Loi, les Prophètes et les Psaumes, le psautier, qui est en tête desKetouhîm, étant la partie prise pour le tout. La Bible hébraïque tout entière était donc admise par Notre-Seigneur et ses apôtres. Bien plus, on a signalé dans les livres du Nouveau Testament des allusions à plusieurs des livres deutérocanoniques, qui avaient cours au moins chez les juifs hellénistes. 'oir t. iii, col. 1571. — b) Or, Jésus et ses apôtres citaient ces livres comme Écriture, comme parole de Dieu. Notre-Seigneur le fait à diverses reprises. Matth., xxii, 29-31 ; xxvi, 54, 56 ; Marc, xii, 24, 26 ; Luc, xx, 37. Il en appelait aux Écritures qui rendent témoignage de lui. Joa., V, 39. Il dit que Moïse a écrit de lui, Joa., v, 46, que David a appelé le Messie son seigneur èv Kveûfxaxi., Matth., XXII, 43, 44 ; èv xw TrveûjiaTt tm âyicp, Marc, x ! i, 36, et il cite le Ps. clx, tel qu’il se lisait dans la Bible hébraïciue. Il invitait les juifs à scruter les Écritures (celles qu’ils recevaient), qui lui rendaient témoignage, Joa., x. 37-39 ; elles, dont le contenu devait se réaliser jusqu’au dernier iota, Matth., v, 18, et dont la vérité ne pouvait être éludée. Joa., x, 35. Il a invoqué leur témoignage sur d’autres sujets. Matth., XV, 7 ; XXIV, 15. Il les a citée i, en employant la forme consacrée pour énoncer le caractère scripturaire et inspiré d’une assertion : YsypaTCTOCi. Matth., iv, 4, 7 ; Luc, IV, 4, 8.

Les apôtres ont partagé la foi du Maître en l’inspiration des Écritures. Philippe connaît des prophéties messianiques, écrites par Moïse. Joa., i, 45. Saint Matthieu se complaît à signaler la réalisation des prophéties messianiques, i, 22 ; iv, 14 ; xii, 17 ; xiii, 35 ; XXI, 4. Saint Pierre, Act., iii, 22, cite une parole de Moïse, le plus ancien des prophètes, 21, antérieur à Samuel, 24. Les chrétiens de Jérusalem reproduisent le début du Ps. ii, comme ayant été dit par le Saint-Esprit, par la bouche de David. Act., iv, 25. Saint Paul prêchait Jésus d’après la Loi de Moïse et les prophètes, Act. xxviii, 23, et il rapportait notamment la parole que le Saint-Esprit avait dite par Isaïe, 25. Dans ses Épîtres, il cite plus de quatre-vingts fois les Écritures, qu’il appelle explicitement les oracles divins dont Israël a reçu le dépôt. Rom., iii, 2. Cf. ix, 4. Voir F. Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 1908, t. i, p. 35-44. Les autres apôtres font de même dans leurs lettres. Or les formules de citations qu’ils emploient sont les suivantes : t) ypaçv), Marc, xii, 10 ; xv, 28 ; Joa., XIII, 18 ; xix, 24, 36, 37 ; Rom., ix, 17 ; x, 11 ;

XI, 2 ; Gal., iii, 8 ; I Tim., v, 18 ; Jac, i, 8, 23 ; iv, 5 ; al Ypaçal, Matth., xxi, 42, expressions qui désignent l’Écriture par excellence, laquelle dilïère des ouvrages profanes et a Dieu pour auteur. Les Écritures des juifs sont saintes, Rom., i, 1, en raison de leur origine. D’autres citations sont introduites par les fornniles : ysYpaTT-rat, Matth., ii, 5 ; iv, 4 ; Marc, 1, 2 ; VIII, 6 ; Luc, ii, 23 ; iii, 4 ; xaGùç ysYpot.nxot.i, Rom., I, 17 ; I Cor., i, 37 ; yéYpoi.Tzzixi. yÔLp, Gal., iii, 10, 13 ; IV, 22, 27 ; etti YSYponJ.y.zMOM, Joa., ii, 17 ; vi, 31, 45 ;

XII, 14 ; Act., I, 20 ; vii, 42, qui annoncent une parole de Dieu écrite. Quand les noms des écrivains sacrés sont mentionnés, leurs paroles sont expressément rapportées comme des paroles divines, parce qu’ils n’étaient eux-mêmes que des organes du Saint-Esprit. Saint Pierre, Act., i, 20, dit que le Saint-Esprit a prédit le sort de Judas par la bouche de David. Dans leur prière, les chrétiens de Jérusalem rappellent à Dieu qu’il a parlé par la bouche de leur père, David. Act., IV, 25. Saint Paul affirme que le Saint-Esprit a parlé par le prophète Isaïe. Act., xxviii, 25, 26. Le verset 8 du Ps. xciv est une parole du Saint-Esprit, Meb., IV, 7, aussi bien que le verset 33 du c. xxxi de

Jérémie. Heb., x, 15-18. La manière de produire ces citations, l’autorité qui leur est attribuée montrent que les apôtres tenaient l’Ancien Testament comme la parole de Dieu écrite par l’intermédiaire des écrivains sacrés. Cf. Éd. Reuss, Histoire de la théohxjie chrétienne au siècle apostolique, .3e édit., Strasbourg, 1864, t. I, p. 410-421 ; Histoire du canon des saintes Écritures dans l’Église chrétienne, 2e édit., Strasbourg, 1864, p. 13-15.

2. Affirmations explicites de l’inspiration des Écritures juives.

Nous en possédons deux, une de saint Paul et une de saint Pierre.

a) Affirmation de saint Paul. — Écrivant à son disciple Timotliée, l’apôtre lui recommande de persévérer dans l’enseignement qu’il a reçu et qui lui a été confié, ayant étudié, dès son berceau, lepà Ypàji.(i, a- : a, cpai sont capables de lui donner la science du salut par la foi en Notre-Seigneur Jésus-Christ. II Tim., iii, 15. Et la raison qui donne aux saintes Lettres cette efficacité est celle-ci : nxaac ypacpY] ŒÔTïvsuaxoç xod wqjéXifjioç rpôç SiSaaxaXîav, rrpôi ; èX£Y(i.6v, Tcpôç ÈTravôp0wa !.v, Tzpbç -ar.Ssîav t/)v sj Sixaioauvy], etc.

Le sujet de la proposition, TiSaa yp"'?) » pourrait, absolument parlant, désigner la collection entière de l’Écriture, reçue par les juifs et étudiée par Timothée. Mais l’absence d’article oblige plutôt à l’entendre dans un sens distributif, soit de tout passage de l’Écriture, si Ypaçv] a le sens qui lui est donné, Act., viii, 36, soit plutôt de toute partie du recueil scripturaire des juifs, dont YPOt ?^ ^st le nom caractéristique, dé ces tepà YpâfJ-li-aTa, que Timothée, dont la mère était juive, a étudiés dès son enfance. Dans la plupart des manuscrits grecs, l’adjectif QsànveuGTOç, est attribut et il est joint à ùxfi’Liiioc, par la conjonction xaL Si, dans la Vulgate latine, il est en apposition au sujet, le sens n’en est pas changé, puisque c’est, parce qu’elle est divinement inspirée, que l’Écriture est utile à l’enseignement. Quant à la signification de cet adjectif, si, au seul point de vue de la grammaire, elle peut être active et signifier : respirant Dieu, animée de son esprit, comme le prétend H. Cremer, art. Inspiration, dans Realencijklopcidie für protestantische Théologie und Kirchc, t. ix, p. 184-185, (sous prétexte que cet adjectif composé, employé ici peut-être pour la première fois, a un sens actif comme wçéXttxoi ;, qui suit), elle est plutôt passive et signifie : inspirée par Dieu. La plupart, en effet, des adjectifs dans lesquels 6e6ç entre en composition, tels que OsoY^waTOç, ŒoSotoç, 0£oy.îvyjT7)( ;, 6e67rs[X7rTO( ; etc., ont un sens passif. Cet adjectif a de plus, en dehors de ce passage, le sens passif. Plutarque, De placitis philosophorum, v, 2, l’emploie au sujet de songes ôsoirveùcTouç, envoyés par Dieu. Le pseudo-Phocyhdc, noîy)(i.a vouŒ-rixôv, 121, parle aussi de la sagesse GEOTrvsua-ïov, inspirée par Dieu. Les Oracles sibyllins, t. V, 308, édit. Gelïcken, p. 1 19, mentionnent des sources chaudes qui sont OsorvEucTTot., et 406, p. 124, désignent par le même terme les hommes, qui ont reçu de Dieu leur âme avec la vie. Enfin les Pères grecs, qui connaissaient leur langue, ont donné à cet attribut le sens passif d’inspiré de Dieu. Ainsi Origène, De principiis, iv, 1, P. G., t. XI, col. 342 ; In Jer., homil. xxi, n. 2, t. xiii, col. 526 ; S. Athanase, £p ; sI. ad Marcellinum, n. 1, P. G., t. xxvii, col. 11 ; S. Grégoire de Nazianze, Contra Eunomium, 7, P. G., t. xlv, col. 744 ; S. Cyrille d’Alexandrie, In Is., I. IIL P. G., t. lxx, col. 655. Les Pères latins lui ont donné le même sens à la suite de la Vulgate, par exemple, saint Ambroise, De Spirilu Suncto, iii, 16, P. L., t. xvi, col. 803. La Peschito a traduit ce terme dans le même sens. Bien que le but principal de saint Paul soit d’exposer les multiples utilités de l’Écriture inspirée, il affirme néanmoins très explicitement l’inspiration de l’Écri ture entière, rjuc les juifs recevaient, et il fait dériver ces utilités de leur divine inspiration. Elle n’a précisément cette utilité que parce qu’elle a été inspirée par Dieu.

b) Affirmation de saint Pierre. — S' adressant à des juifs convertis au christianisme, le prince des apôtres les exhorte à demeurer fermes dans la foi. Elle est solide, en effet, la foi chrétienne qui repose sur un double témoignage divin. C’est d’abord celui que le Père a rendu k son Fils au jour de la transfiguration et que Pierre lui-même a entendu. II Pet., i, 16-18. Mais nous avons un témoignage plus ferme, celui des paroles des prophètes, auquel il faut faire attention, bien qu’il soit obscur, 19. Son obscurité n’enlève donc rien à sa crédibilité ; mais pour bien le comprendre, il ne faut pas l’interpréter dans son sens personnel ; pour le faire, on a besoin d’une lumière spirituelle, d’être éclairé, au milieu de ces ténèbres, par la lumière de celui qui a fourni ce témoignage prophétique, 20. Et la raison en est la suivante : où yàp 6sXy)[i, aT !, àvOp’i’ijTou -^vé/Ot] nçio'^r^xz’ia. ttoté, àXXà unô TrvsûpiaTOç àyiou cp£p6|i, £voi £XâX-/)aav àTiô Geoû av6pwTroi, 21. La prophétie n’est donc pas un témoignage humain ; elle ne provient pas de l’homme ; seuls, les faux prophètes parlaient d’eux-mêmes et par leur propre inspiration. Jer., xxiii, 26. Les vrais prophètes, qui étaient des hommes de Dieu, ont parlé, dans l’ancienne loi, poussés par le Saint-Esprit ; c’était cet Esprit qui les poussait à parler, ils étaient donc inspirés par lui. Bien que cet argument vise directement la projjhétie ad loquendum, nous pouvons cependant, et nous devons même, pour expliquer la pensée de saint Pierre, l’appliquer aux Écritures prophétiques. Les lecteurs de saint Pierre, en elïet, n’avaient pas entendu la parole prophétique et inspirée des hommes de Dieu de l’Ancien Testament ; mais ils la lisaient dans leurs livres, et c’était pour comprendre parfaitement Traira Trpocpv)T£ta YPotÇ'^Ç » c’est-à-dire toute l’Écriture prophétique, que l’interprétation propre ne suffisait pas et qu’il était nécessaire d’avoir une lumière divine, celle de l’Esprit inspirateur des prophètes qui avaient annoncé le Messie. Saint Pierre affirme donc expressément l’inspiration de tout l’Ancien Testament, qui était l’œuvre des prophètes d’Israël. C’est donc à tort que M. Loisy a vu dans le discours prophétique, ainsi recommandé, non pas les prophètes de l’Ancien Testament qui n’avaient pas besoin de cette recommandation, mais « une révélation concernant la parousie, la fin des choses, le sort éternel des élus et des réprouvés ; ce doit être simplement l’Apocalypse de Pierre, avec laquelle notre cpître est apparentée dans sa rédaction ». Les épîtres attribuées ù Paul et les épîtres catholiques, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, septembre 1921, p. 330. Le rédacteur de l’Épître parle expressément de toutes les prophéties de l’Écriture, et rien n’indique qu’il vise l’Apocalypse apocryphe de Pierre. Il ajoute qu’il y a eu de faux prophètes, ii, 1, comme Balaam, ii, 15. C’est pourquoi il excite ses lecteurs à se souvenir de ce qu’il leur a dit, dans sa première lettre, d’après les saints prophètes et leurs apôtres, iii, 1, 2. Il sait que des ignorants dépravent les Épîtres de Paul, dans lesquelles il y a des choses difficiles à comprendre, comme ils dépravent les autres Écritures, iii, 15-17, qui sont obscures, elles aussi, i, 19, et il leur recommande de rester fermes, iii, 17, en s’appuyant sur le ferme témoignage des prophéties, i, 19. Il a donc en vue les prophéties de l’Ancien Testament et non l’enseignement des prophètes de la nouvelle alliance, et c’est d’eux qu’il affirme qu’ils ont parlé sous l’impulsion du Saint-Esprit.

3. Affirmation de l’inspiration de quelques livres du Nouveau Testament. — Aucun écrivain du Nouveau

Testament n’affirme sa propre inspiration, si l’on excepte l’auteur de l’Apocalypse. Celui-ci, en efïet, déclare, dés le titre de son livre, que l’Apocalypse lui a été donnée par Dieu ; il rapportera donc la parole de Dieu et le témoignage de Jésus-Christ et tout ce qu’il a vu. Heureux par suite seront les lecteurs et les auditeurs de sa prophétie, ainsi que ceux qui observeront ce qui y est écrit, i, 1-3. Il a reçu plusieurs fois l’ordre d’écrire ses visions. En terminant, il confirme la vérité de son livre prophétique, et il menace des fléaux divins quiconque oserait y ajouter ou en retrancher quelque chose, xxii, 18, 19.

Deux autres écrivains témoignent de l’inspiration d’ouvrages du Nouveau Testament différents des leurs. Saint Paul, I Tim., v, 8, cite comme Écriture un passage du Pentateuque, Deut., xiv, 4 ; cf. I Cor., IX, 9, et un passage de l’Évangile de saint Luc, x, 7. Saint Pierre, II Pet., iii, 15, 16, met les Épîtres de son très cher frère Paul au rang des Écritures, en disant qu’elles contiennent « quelques passages difficiles à comprendre, que les gens ignorants et mal affermis détournent île leur sens comme les autres Écritures. « 

2o Manifestre dans la trad.tinn catholique.

1. Les Pères apostoliques sont encore dans)a période de la foi simple : ils manifestent, à l’occasion, leur croyance à l’inspiration des Livres saints, sans l’affirmer ex professa, ni la justifier. Ils se bornent à citer et à employer les écrits des deux Testaments, surtout de l’Ancien, comme Écriture, et ils introduisent souvent leurs citations par la formule ysyp^tTiTat., ou d’autres analogues. La Didaché, qui s’inspire souvent de l’Ancien’lestanient, voir 1. 1, col. 1082, et qui traite longuement, xi-XIII, des prophètes de la nouvelle alliance, n’emploie que deux fois une formule d’introduction : i, 6, nzpl TOijTOu 8è eïp’qxxi, pour un passage de la Bible qu’il est impossit)ie d’identifier, Funk, Patres aposiolici, Tubingue, 1901, t. i, p. 6 ; xvi, 7, wç èppéOï], p. 36, pour Zach., xiv, 5, immédiatement suivi d’une allusion à Matth., XXVI, 61. Du Nouveau Testament, elle ne cite que l’Évangile du Seigneur d’après saint Matthieu. Voir t. I, col. 1086-1087. Son auteur plaçait donc cet Évangilesur le inèmerangqueleslivresdel’AncienTestament. La lettre de pseudo-Harnabé prouve l’abrogation de l’ancienne loi par des paroles que le Seigneur a dites par tous les prophètes, i, 4-ni, 5. Funk, ibid., 1. 1, p. 40-44. Elle cite Hénoch comme Écriture, iv, 3, puis le prophète Daniel, iv, 4, 5, enfin l’Exode et le Deutéronome comme Écriture, iv, 7, 8, encore Isaïe, iv, 12, et saint Matthieu, iv, 14, p. 48, par la formule <î)ç yéyptx.Tz-^oi.i. Cet Évangile est donc pour lui une Écriture. Les citations suivantes sont tirées de l’Ancien Testament. Voir t. ii, col. 420-421.

Saint Clément de Rome cite l’Ancien Testament par les formules suivantes : ysypa^fai, 7* Cor., iv, 1 ; xiv, 4 ; xvii, 3 ; xxix, 2 ; xxxii, 3 ; xxxix, 3 ; xlvi, 2, 3 ; L, 4, 6 ; Xéysi Y) ypacpy], xxiii, 3 ; xxxiv, 6 ; xxxv, 712 ; XLIT, 5 ; Xéysi tô ypatpeîov, xxviii, 2 ; (f-qai ô àyioç Xéyoç, Lvi, 3-15 ; "kéyzi tô 7tv£~|j. « to ayiov, xiii, 1, 2 ; XVI, 2-16 ; TÔ y£ypa[ji.(ji.£VOv, iii, 1. Il affirme plus explicitement l’inspiration scripturaire, quand il écrit : ’Evxsx’Jcpate etç xàç Ispàç ypaçàç, ràç àX-/)6e’Ï£ ;, xàç 81à Toù Trv£’J[iocToç TO’j àyîou. Il n’y a d’écrit en elles rien d’injuste ni de mauvais, xlv, 2, 3. Funk, op. cit., t. i, p. 156. Prêchant l’union aux Corinthiens, Clément leur rappelle Cque le bienheureux apôtre Paul leur a écrit au début de l’Évangile.’Ett’àXviOsîaç TtveujxaTixôjç zTzsazsiXzv ijpLÏv, xlvii, 3, p. 160. L’évêque de Rome admet donc l’inspiration de saint Paul dans ses lettres aux Corinthiens.

La //* ad Corinlhins, faussement attribuée à saint Clément de Ironie, cite successivement comme ypaçy], ou parole d’Ecriture un passage de Jérémie, vii, 11, et un de la Genèse, i, 27. Or, aux livres des prophètes

qui parlent de l’Église, elle joint les apôtres, xiv, 1, 2, Funk, t. I, p. 200, 202, comme ayant la même autorité. Après avoir cité Isaïe, liv, 1, en employant trois fois la formule d’introduction, sÏtîsv, elle rapporte une parole de Notre-Seigneur, citée dans les trois Synoptiques, en la faisant précéder des mots : ’Exépoc 8È Ypatpv) Xsyei, ii, 1-4, p. 186. La parole du Christ, écrite dans les Évangiles, est donc un passage de l’Écriture aussi bien qu’une parole de Jérémie. A la lecture des Écritures, dans lesquelles on entend Dieu, l’auteur ajoute une exhortation, qui attirera l’attention des lecteurs sur ce qui est écrit, xix, 1, p. 208.

Saint Ignace, dans ses lettres, ne cite que deux passages de l’Ancien Testament avec les formules : yéypa-TTTai yâp. Ad Eph., v, 3, Funk, t. i, p. 218 ; ûç ysypa-TTTai, , Ad Magn., xii, p. 240. Mais il dit queot ŒiôxaToi. npocfirjTOLi ont vécu selon le Christ et qu’ils ont souffert, lvTTvs6|J.evoi hnb ttjç ydepiToç aÙTOÙ, afin de certifier aux incrédules qu’il n’y a qu’un seul Dieu. Ad Macjn., viii, 2, p. 236. Si les Philadelphiens doivent se reporter à l’Évangile comme au Christ présent corporellement et aux apôtres comme au presbyterium de l’Église, ils doivent cependant aimer les prophètes qui ont annoncé l’Évangile, espéré au Christ et attendu sa venue. Ad Philad., v, 1, 2, p. 266, 268. Plus loin, ix, 2, p. 273, il leur recommande encore d’aimer l’Évangile et les prophètes. Dans ces passages, il s’agit bien de l’Évangile écrit, car cet Évangile est mis sur le même rang que la loi de Moïse et les prophètes. Ad Smijrn.,

V, 1, p. 278.

Saint Polycarpe recommande aux Philippiens de servir le Christ, comme lui-même l’a ordonné, ainsi que les apôtres qui ont annoncé l’Évangile et les prophètes qui ont prédit la venue de Notre-Seigneur. Ad Phil., VI, 2, p. 304. Sa lettre est remplie des paroles de .lésus, telles qu’elles sont rapportées dans l’Évangile de saint Matthieu, de pensées et d’expressions des Épîtres de saint Paul. Aussi ne peut-on nier qu’il ait lu ces écrits et qu’il soit rempli de leur doctrine. Il a confiance que ses correspondants sont eux-mêmes bien exercés sv [epalç ypaçaTç, et il cite, xii, 1, p. 310, xa6wç £v Tatç ypatpaïç eïp/jTai, une parole, qui est reproduite à la fois dans le Ps. iv, 5, et Eph., iv, 26. Il leur rappelle l’enseignement de saint Paul, en citant I Cor.,

VI, 2, de Paul, qui leur a écrit et s’est glorifié en eux, XI, 2, 3, p. 308 ; de Paul qui leur a prêché la vérité et qui leur a adressé une lettre capable de les édifier dans la foi qu’il leur a donnée, iii, 2, p. 300, 302. Voir t. VII, col. 702-703. Sur les Pères apostohques et le Nouveau Testament, voir t. i, col. 1636-1637 ; t. ii, col. 1583.

Les anciens, que saint Irénée a eus comme maîtres, lui ont appris que l’Apocalypse de saint Jean était une Écriture. Cont. hier., t. V, c. xxx, 36, P. G., t. vii, col. 1205, 1222.

2. Les Pères apologistes ont passé de la foi simple, qui s’affirme, à la foi, qui se justifie, ils sont les premiers chrétiens qui ont prouvé l’origine divine de l’Écriture qu’ils citaient aux païens et aux juifs pour démontrer la mission divine de Jésus-Christ. Ils ne se sont donc pas bornés comme leurs prédécesseurs à atTirmer, à l’occasion, leur foi en l’inspiration divine des livres de l’Ancien et du Nouveau Testament ; ils ont justifié leur foi, à leur manière. Leur démonstration reposait sur deux arguments principaux : a) l’accord admirable des écrivains sacrés dans la doctrine, accord mis en opposition avec le désaccord des philosophes ; b) l’accomplissement des prophéties, contenues dans les livres de l’Ancien Testament.

C’est la méthode qu’a suivie saint Justin. Voir t. ir, col. 1559. Les prophètes étaient remplis du Saint-Esprit, et leurs écrits nous restent pour notre instruction. Dial. cunt Tryphone, 7, P. G., t. vi, col. 491.

L’Espril des prophètes est kSaint-Esprit. Apol., I, 13, (il, col. 317, 422. Les propliètes ont mis par écrit tout ce qui concerne Jésus-Clirist, et ils étaient, dans leurs oracles, inspirés par Dieu, GsoçopoCvTat. Ibid., 33, col. 382. Les chrétiens ne croient donc pas à de vaines fables, mais aux paroles du Saint-Esprit, pleines de force et de grâce. Dial. cum Trijphonc, 9, col. -194. Les paroles, contenues dans l’Écriture ont été dites par le Saint-Esprit, comme celle du psalmiste, Ps. cix, 1, et beaucoup d’autres sur le Christ, qu’on lit dans la Loi, les psaumes et les prophètes et qui sont non des paroles humaines, mais des oracles du Saint-Esprit. Ibid., 33, 36, 38, etc., col. 546, 554, 558, etc. Les prophètes n’ont pas parlé par leur propre inspiration, mais par le Verbe de Dieu qui les poussait. ApoL, I, 36, col. 386.

Les livres prophétiques de l’Ancien Testament, auxquels saint Justin attribue l’inspiration divine, ne sont pas les seuls écrits des prophètes proprement dits. Il cite le psalmiste et il déclare que le A’erbe a parlé par Salomon. Dial., 61, 62, col. 616, 617, 620. Il cite encore nos Évangiles canoniques, qu’il désigne expressément par le nom de Mémoires de.< ; apôlres, Apol., I, 66, col. 429, et il vise non pas l’Évangile oral, mais l’Évangile écrit. Dial.. 100, col. 700. Or il les tient comme inspirés, puisqu’il rapporte qu’ils étaient lus, le dimanche, dans les assemblées chrétiennes, aussi bien que les écrits des prophètes. Apol., I, 67, col. 429. Il prouve que Satan est le prince des démons tant par les écrits de l’Ancien Testament que par les paroles du Christ, rapportées « dans nos livres ». Ibid., 28, col. 372 ; Dial., 103, col. 717. Les apôtres ont prêché la parole de Dieu aussi bien que les prophètes. Dial., 119, col. 754 ; Apol., I, 39, col. 387.

La Cohortalio ad Grœcos, qu’on a attribuée longtemps à saint Justin, présente sur l’inspiration des Livres saints la même doctrine que celui-ci. Son auteur oppose aux philosophes grecs les prophètes d’Israël, qui sont plus anciens, qui s’accordent entre eux pour enseigner la science qu’ils ont reçue de Dieu. Cette science divine ne vient ni de la nature ni de l’esprit humain, mais d’un don, que ces saints hommes recevaient. Ils se livraient eux-mêmes à l’action du Saint-Esprit. Leur accord doctrinal provenait de cette action divine. Moïse a été le premier d’entre eux, 8-11, 28, col. 255-264, 293. Aussi son histoire est-elle divine, 33, 34, col. 301. Le troisième livre des Rois a été composé par un prophète, 31, col. 300, et les écrits liistoriques ont été écrits sous l’inspiration prophétique, 35, col. 304.

Tatien, disciple de saint Justin, suit la même méthode que son maître pour prouver la divinité des Écritures. or t. ii, col. 1559-1560. Écrivant contre les Grecs, il ne cite que le Ps. viii, 6, Oratio adv. Griecos, 15, P. G., t. VI, col. 840, mais il appelle les Écritures GstOTocTaç épji.-/]veîat ; 81.à ypaçT)? è^eXTjXsYlJiévai ; et Gsîaç èxçwvyjaEMi ; Xôyouç, 12, col. 832. Il cite deux passages de l’Évangile de saint.lean, l’un sans formule d’introduction, 19, col. 849, l’autre, précédé de ces mots : xal toùto èazi t6 elp-/]|i.svov, 13, col. 833. Son Aià xsacàpcov était composé du texte combiné des quatre Évangiles canoniques, les seuls qu’il recevait donc comme l’Église catholique. On peut même conclure de la Doctrine d’Addai que Tatien joignait à la Loi. aux Prophètes et à l’Évangile les Actes des apôtres et les Épîtres de saint Paul et qu’il les avait transmis à l’Église syrienne. Cf. Th. Zahn, Geschichtedes Neulestamentliclien Kanons, Erlangen, 1880, t. i, p. 423-424 ; A. Loisy, Histoire du canon du Nouveau Testament, Paris, 1891, p. 58, 61. Devenu gnostique, Tatien aurait mis l’Ancien et le Nouveau Testament en opposition entre eux. S. Irénée Cont. Jiœr., 1, 28, P. G., t. vii, col. 691 ; S. Hippolyte,

l’hilosophoumena, t. X, 18, P. G., t. xvi, col. 3435.

.Hiénagore oppose aussi la doctrine chrétienne à celle des poètes et des philosophes, qui sont en désaccord, tandis que les prophètes ont été inspirés par Dieu. Voir t. ii, col. 1560. Il cite donc les prophètes Moïse, Isaïe, Jérémie et les autres. Il allègue le livre des Proverbes comme parole de l’esprit prophétique. I.egcUio pro christianis, c. x. xii, P. G., t. vi, col. 909, 925. Il cite aussi l’Évangile de saint Matthieu co : ume Écriture, c. xii, xxxii, xxxiii, col. 913, 916, 946. 968. Il invoque une fois le témoignage de saint Paul, De rcsarrectione mortuorum, c. xviii, col. 1012, sans dire explicitement qu’il est scripturaire.

Saint Théophile d’Antioche presse Autolycuï ie se convertir afin de ne pas encourir les peines éternelles, prédites par les prophètes, car toutes leurs prédictions se réaliseront. Ad Aut., I. I, c. xiv, P. G., t. vi, col. 1045 Les oracles des prophètes sont vrais, parce qu’ils s’accordent entre eux, I. III, c. xvii, col. 1144-1145. Les philosophes et les poètes, inspirés par le démon, sont en désaccord et mêlent le faux au vrai, t. II, c. viii ; I. III, c. III, col. 1060, 1061, 1124. Mus tous par ie même esprit, qui est l’Esprit de Dieu, les prophètes annoncent la vérité sans mélange d’erreur, t. II, c. ix, XXXV, col. 1064, 1109.. Voir t. ii, col. 1560. Moïse a écrit le récit de la création sous l’inspiration du Saint-Esprit, t. II, c. xxiii, col. 1155. C’était plutôt le Saint-Esprit que Moïse, car aucun prophète n’assistait à la création, et Moïse n’a été qu’un instrument du Saint-Esprit, t. II, c. X, col. 1063 sq. Théophile désigne la collection de la Bible par le nom de ypaçaî ayiat, t. II, c. XXII, col. 1088, et les auteurs de ces livres, il les dit 7rv£U[i.aToç6poU( ;, t. II, c. ix, col. 1064. Les Évangiles sont d’accord avec les livres prophétiques sur la justice, commandée par la loi, parce qu’ils parlent tous sous l’inspiration du même Esprit de Dieu, I. III, c. XII, col. 1138. Il cite le début du IV'= Évangile comme Écriture et saint Jean son auteur, comme inspiré, ]. II, c. xxii, col. 1088. Il cite comme Écriture la 1o^ Épître de saint Paul à Timothée et l’Épitre aux Pomains, t. II, c. xiv, col. 1141. Au rapport d’Eusèbe, II. E., IV, 24, P. G., t. XX, col. 389, Théophile citait l’Apocalypse dans son livie IIpôç t/jv aïpecriv 'Eptioyévouç.

3. Les premiers Pères, qui eurent à écrire contre les hérétiques, durent soutenir contre les gnostiques, qui prétendaient que les Écritures étaient en désaccord, l’accord des livres inspirés. Voir t. ii, col. 15601561. Après avoir décrit la tactique différente que les gnostiques avaient à l’égard des Écritures, saint Irénée se demande s’il vaut mieux croire à leurs doctrines qu’aux disciples du Seigneur, à Moïse et aux prophètes, Cont. luvr., t. II, c. ii, P. G., t. vii, col. 715, et il répond qu’il faut croire aux Écritures comme à Dieu même, puisqu’elles sont parfaites, ayant été dites par le Verbe de Dieu et son Esprit. L. II, xxviii, n. 2, 3, col. 804-806. Cf. Demonsiratio aposlolicæ prædicationis, 5, trad. lat. de S. Weber, Fribourg enBrisgau, 1917, p. 31. Leur obscurité ne doit pas détruire notre foi, car, s’il y a des mystères dans les créatures, est-il étonnant qu’il s’en trouve dans les Écritures, qui sont toutes des Écritures pneumatiques. Ibid.. n. 3, col. 806. Saint Irénée se propose donc de réfuter par les Écritures apostoliques les hérétiques, dont il a exposé les erreurs, I. II, c. xxxv, n. 4 ; t. III, pr ; ef., col. 841, 843, en prouvant par elles qu’il n’y a qu’un seul Dieu, à la fois Dieu des juifs et des chrétiens, et un seul Seigneur Jésus-Christ. Or, c’est aux écrits du Nouveau Testament qu’il emprunte ses preuves, aux Évangiles d’abord, dont l’Église ne reçoit que quatre, le Verbe nous ayant donné Terpâ|i.rjp(po) ~o E^ocYYÉXiov, svl 8k nMZÙ[ioi.Tt aD^zx^lJ^^'^OM. L. III, c. XI, n. 8, col. 885. L’Évangile de saint Jean

est un don de Dieu, c. xi, n. 8, col. 887. Saint Irénée cite ensuite, c. xii, 1-xiii, 3, col. 892-912, le témoignage des apôtres, que Luc rapporte dans les quinze premiers chapitres des Actes, puis les passages du mC’me livre où l’auteur parle à la première personne du pluriel. Il prouve sa simplicité et sa véracité, quand il parle de lui-même, et il la compare à celle de saint Paul, c. xiv. 1, col. 943, dans son discours à Milet, reproduit par Luc lui-même. M. O. Reilly, Le canon du Nouveau Testament et le critère de la canon icitc, dans la Revue biblique, 1° avril 1921, p. 20, prétend que le livre des Actes n’était cité par saint Irénée que comme une source de renseignements historiques, qui apprenait ce qu’ont enseigné les apôtres et leurs disciples, sans rien dire de son inspiration. Ce critique n’a pas remarqué qu’Irénce, c. xii, 5, col. 897, cite comme Écriture le passage des Actes, iv, 22, qui indique l’âge du boiteux guéri par saint Pierre, détail qui n’a aucun rapport avec l’enseignement apostolique et que l’évêque de Lyon tient cependant pour parole d’Écriture. Les autres arguments de M. O. Reilly, qui lui paraissent « exclure l’action de l’Esprit dans la composition du Nouveau Testament », n’ont pas plus de valeur. En efïet, cet Esprit est cité à côté des apôtres et des prophètes, au lieu du Seigneur Jésus, t. III, c. VI, 1 ; c. XIX, 2 ; t. IV, c. i. 4, col. 860, 910, 976. Pour Irénée, les Écritures sont aussi bien apostoliques que prophétiques, et les livres du Nouveau Testament sont Écritures au même titre que ceux de l’Ancien. D’ailleurs, l’Esprit-Saint a parlé par Matthieu, t. III, c. xvii, 2, col. 921. Saint Paul a été inspiré par le Saint-Esprit, t. IV, c. viii, 1, col. 993. Les apôtres étaient inspirés dans leurs écrits autant que dans leurs paroles, t. III, c. i, col. 844. L’Apocalypse était l’œuvre du Saint-Esprit, t. V, c. xxv, 4, col. 1207. Cf. A. Camerlynck, Saint Irénée et le canon du Nouveau Testament, Louvain, 1906 : J. Hoh, Die Lehre de ; hl. Irenaus iiber das Neue Testament, Munstcr-en-Westphalic, 1919, p. 62-75, 90-109 ; E. Mangenot, Le témoignage de saint Irénée sur le livre des Actes et son cniteur, dans la Revue des sciences religieuses, Paris, 1921, p. 97. Les rationalistes eux-mêmes reconnaissent que la majeure partie des livres du Nouveau Testament était tenue pour canonique par saint Irénée et ils en concluent que l’évêque de Lyon admettait leur inspiration. Cf. A. Harnack, Die Enlstehung des Neuen Testaments und die wichligen Folgen dcr neuen Schôpfung, Leipzig, 1914, p. 46, 47 ; A. Loisy, Les Actes des apôtres, Paris, 1920, p. 7.

Tertullien réfuta Marcion, qui rejetait l’Ancien Testament, œuvre du mauvais principe, et n’acceptait qu’une partie du Nouveau. Voir t. ii, col. 1560. Dans son Apologétique, il démontre aux païens l’autorité de l’Écriture par son antiquité, l’accomplissement des prophéties qu’elle contient et par l’inspiration prophétique de ses auteurs. Ibid. L’Église romaine mêle la Loi et les prophètes aux lettres évangcliques et apostoliques et en abreuve la foi. De præscriptionibus, 36, P. L., t. ii, col. 49-50. Cf. Adv. Praxeam, II, col. 167 ; Adv. Herntogenem, 19, 20, col. 214, 216 ; l’Évangile est le supplément de l’Ancien Testament. Le Nouveau Testament a été écrit sous la même inspiration que l’Ancien. Adv’. Marcionem, t. IV, c. xxii, col. 414. L’Esprit-Saint parle en saint Paul, t. V, c. VII, col. 485 ; De virginibus velandis, 4, col. 894 ; De monogemiia, 12, col. 947 ; De pudicitia, 10, col. 1012. Cf. A. d’Alès, La théologie de Tertullien, Paris, 1905, p. 221-222.

Saint Hippolyte admettait l’inspiration des prophètes. La grâce divine descendait du ciel sur eux et ils étaient toujours instruits par le Saint-Esprit, In Daniel, iii, 2, Hyppolijtus Werke, édit. Bonwetch, Leipzig, 1897, p. 118, qui leur communiquait l’intelligence et leur découvrait la vérité pour l’instruction des autres. De Antichristo, 2, ibid., p. 4. Ils proposaient non leurs conceptions personnelles, mais les pensées et les images que Dieu même mettait dans leur esprit. Ibid., 2, p. 5. Dieu qui les a éclairés garantit la véracité de leurs oracles, dont il procure infailliblement l’accomplissement. In Dan., iv, 6, p. 198. Leur inspiration est une grâce de sagesse et d’intelligence. Ibid., III, 19 ; iv, 27, 29, 30, 36, 39, p. 160, 256, 262, 280, 286. Ainsi éclairés, les prophètes étaient les hérauts de Dieu, qui parlait par leur bouche. In Cantic, dans N.Bonwetsch, Texte und Untersuchungen, Leipzig, 1902, t. XXIII, fasc. 2 c, p. 20-22. Si Hippolyte cite l’Ancien Testament, qui comprend la Loi et les Prophètes, par les formules : v) YpaYÔ ^Éyei., ou quelquefois al Osïai. Ypa(f)oi.L, ou al oLyMi. ypaçaî, et celles du Nouveau par celles-ci : ô xuptoç Xéyei. pour les Évangiles et ô à.nÙGXo’koc, Xsysi, avec ou sans le nom de l’apôtre pour les Épîtres, il ne fait aucune différence dans l’autorité cju’il leur reconnaît et dans la vénération qu’il leur porte. Il cite et commente largement l’Apocalypse sous le nom de saint Jean, et il la comprend dans l’Écriture, qui contient les prophètes, les paroles du Seigneur et les écrits des apôtres. De Antichristo, 58, édit. Bonwetsch, p. 38. Voir A. d’AIés, La théologie de saint Hippolqte, Paris, 1906, p. 110-116. Cf. t. VI, col. 2509.

Le prêtre romain Caius disait des hérétiques, qui avaient falsifié les Écritures : « Ou bien ils ne croient pas que les saintes Écritures ont été dictées par le Saint-Esprit, et ils sont des infidèles, ou bien ils s’estiment plus sages que le Saint-Esprit, et ils sont des démoniaques. » Eusèbe, H. E., v, 28, P. G., t. xx, col. 547.

4. L’école catéchétique d’Alexandrie, qu’Eusèbe appelle SiSaoxaXeïov tôjv tspwv Xôywv, H. E., v. 10, P. G., t. XX, col. 453, prouvait par les mêmes arguments que les Pères apologistes la divinité des Écritures. Pour Clément d’Alexandrie et Origène, voir t. ii, col. 1560-1562. Cf. A. Zôllig, Die Inspirationslehre des Origenes, Fribourg-en-Brisgau, 1902, p. 7-15 ; P. Prat, Origène, le théologien et l’exégète, Paris, 1907, p. 115-118 ; F. Leitner, Die Prophetische Inspiration, Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 139-147. Il serait donc superflu de relever dans les œuvres de ces docteurs les innombrables passages de l’Écriture qu’ils citent et qu’ils attribuent au Saint-Esprit, inspirateur des écrivains sacrés.

Ajoutons seulement que, pour Clément, son pédagogue, qui est le Verbe incarné, a été le magister du peuple juif par Moïse et celui du peuple chrétien par lui-même. Malgré leurs différences, les deux Testaments ont donc été donnés par le même Verbe. Padagogus, t. I, c. vii, P. G., t. viii, col. 320-321. L’Esprit-Saint, qui est l’esprit des prophètes, ibid., t. I, c. v, col. 264, a parlé par les prophètes et par tous les auteurs des Livres saints, même par l’apôtre Paul dans ses lettres aux Ephésiens et aux Corinthiens, t. I, c. V, VI, col. 269, 308.(1 Si Dieu est l’auteur de tous les dons, il ne l’est pas de tous au même titre : des uns, comme de l’Ancien et du Nouveau Testament, il l’est principalement ; des autres, comme de la philosophie, par simple conséquence, » Strom., I, 5, col. 717, puisque la philosophie vient de Dieu et non du diable. Voir t. III, col. 146, 147. Clément admet l’inspiration du Nouveau Testament aussi bien que celle de l’Ancien. Voir t. iii, col. 163-165. Cf. Dausch, Der neutestamentliche Schriftcanon und Cléments von Alexandrien, Fribourg-en-Brisgau, 1894, p. 47-56.

Dans ses commentaires des Livres saints, qui nous sont parvenus, Origène enseigne sur l’inspiration la même doctrine que dans son Ilepi àpxôiv et dans ses livres contre Celse. Il applique à l’Écriture entier, ;

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rafïirination que saint Paul avait donnée de l’inspiration de l’Ancien Testament. In Jou., i, ii, 8, P. G., t. XIV, col. 33, 36 ; In lib. Jesii A’t/t’e, homil. xx, t. xii, col. 920. La parole divine se trouve dans la Loi et les prophètes, dans l’Évangile et dans les apôtres. In Jer., homil. x, t. xiii, col. 357. L’Église lit tous les écrits des deux Testaments. Ibid., homil. iv, ii, 6, col. 293 Cf. In Mallh., tom. x, n. 15, col. 872, 873 ; In Lcv., homil. xiii, n. 4, t. xii, col. 548. Origène réfute Apclle, qui prétendait que les écrits de Moïse n’étalent pas l’œuvre du Saint-Esprit, et il assure que l’Esprit de Dieu énonce de grands mystères par Moïse et par saint Paul. In Gen., homil. ii, n. 2, 5, t. xii, col. 165, 171. Il affirme contre Marcion que les quatre Évangiles ont été écrits par la même puissance et sont également vrais. In Joa., tom. ii, n. 4, t. xiv, col. 193. Ce sont les seuls que l’Église reçoit. In Luc, homil. i, t. XIII, col. 1802-1803 ; In Malth., tom. i, col. 829. Leurs auteurs ont été poussés à écrire par le Saint-Esprit. Scholia in Lucam, P. G., t. xvii, col. 312. Les affirmations de l’inspiration de chacun des livres des deux Testaments se multiplient sous la plume d’Origène et se lisent presque à chaque page de ses commentaires. Voir F. Prat, Origène, Paris, 1907, p. 115-120.

Saint Denys d’Alexandrie, disciple d’Orlgène, faisait profession de croire avec l’Église en un seul Dieu Père, qui nous a donné la Loi, les prophètes et les Évangiles, et en un seul Saint-Esprit, qui a revivifié les saints de l’Ancien et du Nouveau Testament. Epist. ad Alex., 12, P. G., t. xviii, col. 565, 568. Il avait la même doctrine que son maître sur l’inspiration. Voir t. iv, col. 427. Selon lui, l’Apocalypse avait été composée par un saint, inspiré de Dieu et nommé Jean, qui était autre toutefois que l’apôtre saint Jean. Ibid., col. 426.

Saint Grégoire le Thaumaturge, dans son panégjTique d’Origène, affirme l’inspiration de tous les propliètes, qui est un don divin et qui leur fait transmettre aux hommes les paroles de Dieu, n. 15. P. G., t. x, col. 1095, 1096. Les chrétiens ne croient qu’en un seul Dieu, qui est à la fois le Dieu de la Loi et de l’Évangile. Fidei expositio, col. 1117. Les Écritures inspirées par Dieu nous donnent le trésor des sciences divines. Le Paraclet nous l’a expliqué, et ce trésor nous vient de la loi, des prophètes, des évangélistes, et des apôtres. Notre-Seigneur a parlé par la langue des prophètes et des apôtres. In Annuntialionem, homil. ii, col. 1161.

Le martyr saint Pamphile, dans son Apologie d’Origène, c. i, P. G., t. xvii, col. 552, dit que le Dieu juste et bon. Père de Jésus-Christ, nous a donné luimême la Loi, les Prophètes et les Évangiles ; il est aussi le Dieu des apôtres, le Dieu de l’Ancien et du Nouveau Testament.

Saint Pierre d’Alexandrie appelle les prophètes 71v£i)[i.aTo9Ôpouç, De libero urbilrio, P. G., t. xviii, col. 241, et il dit que Notre-Seigneur nous reprend par le prophète. Fragm., 5, col. 516.

5. Les Pères latins du ine siècle admettent, comme les Pères grecs de la même époque, l’inspiration des Livres saints.

Saint Cyprien, évcque de Carthage, dans la préface de ses livres des Témoignages, présente à Quirinius les diuina magisleria, quihu.-i nos Deus per Scripluras erudirc et insirucre dignatus est, et auxquels il est nécessaire d’obéir. Édit. Hartel, Vienne, 1868, t. i, p. 35. Des Écritures anciennes et nouvelles, de tous les volumes des livres spirituels, de ces sources divities il a tiré les arguments de son livre Adoersus Jiideos, præf., édit. Hartel, t. iii, p. 133. Les Écritures sont des paroles divines, dans lesquelles nous entendons Dieu parler, nous instruire et nous admonester par sa voix divine. Liber ad Dcmelrianum, 1, 3, 6, t. i, p. 351,

352, 355. Les avertissements divins d’accomplir les œuvres de miséricorde n’ont jamais cessé. On les trouve dans les Écritures anciennes et nouvelles, exhortante Spiritu Sancto. De opère et eleemosijna, 4, t. i, p. 375. Aussi saint Cyprien cite de nombreux passages de l’Écriture comme paroles de Dieu et il répète que le Saint-Esprit a parlé dans l’Écriture et que les écrivains sacrés ont parlé dans le Saint-Esprit. Il n’affirme pas seulement ainsi l’inspiration des prophètes, mais encore celle des psalmistes, de Salomon et de l’apôtre saint Paul.

Novatien dit que Dieu a écrit la Loi et a instruit les prophètes par son esprit. De Trinitate, c. viii, P. L., t. iii, col. 899. Dieu a donc parlé par les prophètes Ibid., c. III, col. 891. C’est le même Esprit, qui a parlé par les prophètes et par les apôtres. C. xxix, col. 943. Les deux Testaments prouvent la divinité du Christ, et l’autorité des deux est la même. C. xvii, col. 918.

Victorin de Pettau affirme que l’Ancien et le Nouveau Testament procèdent de la bouche de Dieu. L’Église catholique les admet tous deux ; les hérétiques rejettent les prophètes, et les juifs ne reçoivent pas la prédication du Nouveau. In Apoc., P. L., t. v, col. 315, 326. L’Esprit septiforme a annoncé l’avenir par les prophètes, et saint Jean dans l’Apocalypse parle par sa voix. Ibid., col. 332-333. Cet Esprit a parlé par David, ibid., col. 319, dans l’Évangile, col. 326.

Commodien, dit que Dieu lui-même a donné sa loi à son peuple, cju’il ne s’est pas contenté d’un prophète, mais qu’il a multiplié les témoins de sa divinité. Moïse et les prophètes ont prédit le Christ, ou plutôt c’est le Seigneur lui-même qui s’annonçait d’avance par leur bouche. Salomon, inspiré par lui, l’a prophétisé. Ces prophéties se sont réalisées en Jésus. Aussi il suffit de dire aux juifs : Scriptum sic erat, modo credere (as est. Carmen apologeticum, 32. Corpus de Vienne, 1887, t. xv, p. 119, 127, 129, 137, 139, 146, 149, 161.

A la même époque, si tant est qu’il soit possible de situer Commodien, Lactance prouve l’inspiration des prophètes qu’il oppose aux philosophes. Voir t. ii, » l col. 1562. Or, tous le écrivains de l’Ancien Testament ^ sont, pour lui, des prophètes, David, Instituliones, t. IV, c. viii, XIII, XVI, P. L., t. V, col. 468, 485, 497 ; Salomon, c. viii, col. 468. et Esdras, c. xi, col. 476. L’Ancien Testament comprend la Loi et les Prophètes, que les Juifs acceptent ; les chrétiens ont, en outre, les écrits du Nouveau Testament. Les deux Testaments ne diffèrent pas, car le Nouveau accomplit l’Ancien et le Christ témoigne dans les deux, c. xx, col. 514-515. Les Évangiles sont « des lettres sacrées », c. XV, col. 494.

Le rhéteur Arnobe ne parle pas de l’Ancien Testament, et il prouve seulement aux païens la vérité des Évangiles. Comme Lactance, il résout l’objection que les païens tiraient du langage trivial et du style simple des évangélistes. Adversus gentes, t. I, c. lviii, P. L., t. V, col. 790.

Marins Victorinus recommande de lire les Écritures sans contention ni commentaire humain. Saint Pierre a dit que toute l’Écriture, inspirée par l’Esprit de Dieu, avait besoin d’interprétation. Quand la divine Écriture a parlé, il ne faut pas penser comme les philosophes. Moïse, Salomon, et tous les autres écrivains sacrés étaient prophètes. Pourquoi ne croirions-nous pas aux prophètes ? Que pourrions-nous discuter, cjuand ils ont affirmé une chose ? De verbis Scripturæ : Factum est, P. L., t. viii, col. 1009 sq. ; De generatione divina Verbi, 1, col. 1019. Quidquid enim scriptum est, a divino Spiritu dictum crcdendum est. De physicis, 27, col. 1310.

6. Les écrivains grecs du iv<e siècle reprennent la

démonstration de la divinité des Livres saints. Eusèbe de Ccsarée suit la méthode des premiers apologistes. Voir t. ii, col. 1502. Or, quand il emprunte aux prophètes hébreux des arguments pour prouver la vérité de l’Évangile, il affirme constamment leur inspiration. Ainsi l’Esprit-Saint a parlé par Moïse, qui lui-même prévoyait en esprit. Dem. ev., t. III, c. ii ; t. IV, c. xiv, XVI, P. G., t. XXII, col. 176, 300, 308. Isaïe fut un grand prophète, qui annonça ce que l’Esprit divin lui apprenait merveilleusement. L. I, c. x ; t. VII, c. I, col. 92, 489, 517. Le même Esprit divin inspirait Habacuc. L. VI, c. xv, col. 444. David était prophète et le Saint-Esprit lui faisait voir d’avance ce qu’il prédisait. L. I, c. x ; t. IV, c. x ; t. V, c. m ; t. VI, c. viii ; t. X, col. 89, 296, 361, 425, 736. C’est sous l’inspiration de l’Esprit divin qu’Asaph a composé les psaumes qui lui sont attribués. L. X, col. 720. Dans tous ses écrits dogmatiques, exégétiques et historiques, Eusèbe expose la même doctrine. Les juifs et les chrétiens ont en commun la foi aux livres inspirés des prophètes Eclogæ prophetanim, t. I, c. ii, t. xxii, col. 1022. A l’occasion, l’auteur affirme explicitement l’inspiration de presque tous ces livres en particulier. Le Saint-Esprit parlait par eux, H. E., t. I, c. ii, t. xx, col. 53, était leur langue. In ps. Ji/F, t. xxiii.col. 396. Eusèbe affirme fréquemment l’inspiration de tous les psalmistes. Salomon a été prophète, et le livre des Proverbes est une prophétie, Conl. Marcelliim, t. I, t. XXIV, col. 74, car la Sagesse parlait d’elle-même par la bouche de ce roi. H. E., t. I, c. ii, t. xx, col. 61. Il appelle les Évangiles ôsîavypaçriv. IbicL, t. I, c. XI, col. 113. Saint Paul était inspiré, quand il écrivait à Timothée. IbicL, t. II, c. xxii, col. 198.

Saint Alexandre d’Alexandrie, dans sa profession de foi, conforme aux divines Écritures, dit du Saint-Esprit : "Ev Ilve’jfxa àytov ô(ji.oXoYOÙ[j.ev tô xaôviaav Toùç TE TT^ç IlaXataç AiaGrjKYjç àyî'jut ; àvOpÛTtouç, y.cn TO’jç TTJç y_pï)(iaTtpoija'/)ç Kaivyjç TraiSsuràç 6elouç. Epist. ad Alexandrium, n. 12, P. G., t. xviii, col. 568. Saint Athanase, voulant exposer la foi du Christ, la tirera des Écritures : AÙTâpysiç (jièv y^p slaiv ai àyiat, xal ŒoTrvsuaxai. ypacpal TTpôç t-^v xyc, àX ?)ôstaç àicayysXtav. Oralio contra génies, n. 1, P. G., t. xxv, col. 4. Il cite donc souvent l’Écriture, notamment Eccle., vil, 30, comme dit par le Saint-Esprit, n. 7, col. 16. Toute l’Écriture, d’ailleurs, est, pour lui, divinement inspirée, n. 46, col. 92. Il prouve par l’Ancien Testament l’incarnation du Verbe, afin de convaincre les juifs par leurs Écritures, car tous leurs livres ont été écrits sous l’inspiration divine. Oral, de incarnatione Verbi, n. 33, col. 152-153. Dans ses discussions avec les ariens, il argumente par l’Écriture, qu’il préfère aux syllogismes de ces hérétiques. Oral., 1, contra arianos, n. 35, t. xxvi, col. 85. La foi véritable et droite nous est connue et enseignée par les Écritures divines. Epist. ud Jovianum, n. 1, col. 816. Athanase croit au Saint-Esprit, tô 'hixVficsv^j èv vô[xw xal èv Tcpocp-/]Taiç xal èv EÙayyéXiote ;. Interpretatio in sijmbdliim, t. xxvi, col. 1232. Le Saint-Esprit a donné la même grâce d’inspiration à tous les livres de l’Ancien Testament, quel que soit leur sujet, prophétie, législation, histoire, hymne, Epist. ad Marceltimim, n. 9, t. xxvii, col. 17. Le Saint-Esprit a parlé dans les psaumes et par tous les prophètes. Salomon fut un prophète, Sermo major de fide, n. 36, t. xxvi, col. 1289, et le livre des Proverbes est une Écriture divinement in.spirée. Ibid., n. 21, col. 1273. Le Seigneur a parlé dans l’Ecclésiastique, Fragmenta in Caniica, n. 2, t. xxvii, col. 1352, et l’Esprit témoigne dans l’Ecclésiaste. Orat. contra gentes, n. 7, t. xxv, col. 16. Voir ici t. i, col. 2176.

Didyme l’Aveugle dit que, d’après saint Paul, II Tim., III, 16, y.éx.lq-ZM Se xai, QeÔTivsuaTOç xal ôeta

ï) rpacpY). wç Tou TtveuCTavToç aùxrjv âytou TivEÙfiaToç Qzoù xccdccsToitoç, et il part de là pour prouver la divinité du Saint-Esprit contre les macédoniens qui en faisaient une créature. De Trinitate, t. II, c. x, P. G., t. xxxix, col. 644, 645. Contre les hérétiques qui niaient la divinité de l’Ancien Testament, il montre que les deux Testaments sont l’œuvre du même Dieu, créateur du monde et père du Sauveur. In Aclus apostolorum, iv, 24, col. 1664. Cf. De Spiritu Sancto, n. 45, col. 1072. Leur origine divine ressort de la comparaison faite de ces deux Testaments. In Epist. I ad Cor., iii, 7, col. 1708. C’est le même Esprit qui a été dans les prophètes et dans les apôtres. De Spiritu Sancto, n. 3, col. 1034-1035 ; De Trinitate, t. III, c. i, n. 44, col. 894. Aussi Didyme multiplie-t-il les affirmations que l’Écriture est divine, divinement inspirée, et que les écrivains sacrés ont été inspirés par le Saint-Esprit. Voir G. Bardy, Didyme l’Aveugle, Paris, 1910, p. 179-180. Didyme prouve en particulier l’inspiration d' Isaïe et de David par le témoignage de saint Paul. De Spiritu Sancto, n. 29, col. 1059-1060 ; De Trinitate, l. III, c. xxxiii, col. 960 ; In ps., proœm., col. 1156-1157. Il affirme aussi l’inspiration des Évangiles, puisque ceux qui les reçoivent possèdent la révélation donnée par le Saint-Esprit. In Epist. I Pet., I, 14, col. 1759. L’évangéliste parle ôsocppàaTco yXwTT7].De Trinitate, t. I, c. xxvi, col. 592. Saint Paul a été instruit par l’Esprit Saint, ibid., t. I, c. vii, xxi, col. 272, 913, et rempli par lui, t. III, c. iv, col. 837. On a déjà dit, t. ii.col. 1562, comment saint Cyrille d’Alexandrie prouvait l’autorité divine de la sainte Écriture. Presque à chaque page de ses ouvrages il nomme l’Écriture Œtav et OsÔTivsuaTov et les écrivains sacres des deux Testaments âsiouç, OsoTTEatouç et 7rv£U[i.aT096pouç. Le même Esprit a dicté les deux Testaments. In Luc, P. G., t. lxxii, col. 681. L’Écriture tout entière ne forme qu’un seul livre, composé et scellé par le Saint-Esprit. In Is., ni, t. lxx, col. 656. Moïse, les prophètes, les apôtres et les évangélistes sont pour nous les sources du salut, parce qu’ils nous communiquent la parole de Dieu. Cont. Julianum, t. VIII, t. lxxvi, col. 885, 889. Les prophètes, instruits par le Saint-Esprit, ont prévu l’avenir et l’ont annoncé. Or, David et les autres psalmistes ont eu l’esjjrit prophétique. Les évangélistes ont été inspirés. Comme Jean, De recta fuie ad Theodusium, n. 40, t. lxxvi, col. 1191, Paul est rangé parmi les Tcv£U(i.aToç6pou( ;. JDe incarnatione Unigeniti, t. lxxv, col. 1245.

7. L’école exégétique d’Antioche, qui recherchait principalement dans l’Écriture le sens littéral, avait sur l’inspiration la même foi que l’école d’Alexandrie, qui abusait des sens allégoriques. De saint Lucien, fondateur de cette école, et de ses premiers disciples, il ne nous est rien resté de précis. Diodore de Tarse disait que Dieu, pour enivrer de science l’esprit humain avait répandu la pluie spirituelle du matin dans l’Ancien Testament et celle du soir dans le Nouveau. Or les gouttes de cette pluie sont aL tuv ôeoTTveuaTOJV ypoccpôJv Xé^etç xal vorjjjLaTa. In ps. LXIV, 10, 11, p. G., t. xxxiii, col. 1599. Pour lui, Moïse est un prophète. In Deut., i, 5, col. 1585-1586. Il cite des passages des psaumes et de Job comme des paroles de l’Esprit divin. In ps. lxxxviii, 11, col. 1620, et il tient le ps. lxxxii comme une prophétie de l’avenir. In ps. LXXXII, 18, col. 1615.

Bien que Théodore de Mopsueste ait eu, sur les différents modes de l’inspiration, une opinion que nous exposerons plus loin et qui est restée isolée dans son école, il admettait le fait de l’inspiration. En ell’et, il disait que l’Ancien et le Nouveau Testaments provenaient du même Dieu unique et créateur. In Jonam, proœm., P. G., t. lxvi, col. 317. Les auteurs sacrés ont été gratifiés de la même grâce du Saint-Esprit,

les anciens aussi bien que les récents qui donnèrent leurs soins aux mystères du Nouveau Testament. In Nahum, i, 1, col. 401. Son canon biblique toutefois n’était pas complet et il en excluait en plus des livres deutérocanoniques quelques autres livres des deux Testaments. L. Pirot, L’œuvre exégélique de Théodore de Mopsueste, Wome, 1913, p. 157-158 ; Kihn, Thcodor von Mopsuesda iind Junilius Africanus, Fribourg-enèrisgau, 1880, p. C7.

Interprétant II Tim., ni, 16, Théodoret reconnaît que l’apôtre distingue des écrits de la sagesse humaine Ypaçïjv Tïjv 7TV£uii, aTixffiv, et la raison qu’il en donne est celle-ci : 'H yàp toù Œîou 7rveû(j.aToç yji-piç 81à xcov TrpotprjTcùv xoà tcov àroaTÔXcov èçOé^aTO. Puis de ce que l’Écriture de l’Esprit est GsoTTveuoxoç, il conclut que l’Esprit Saint est Dieu Inicrprct. Episi. II ad Tim., P. G., t. lxxxii, col. 849. L’Écriture est donc TOÙ Qzlou TiveùpiaTOç StSaaitaXîa. In loca difjicilia Scripl. sac, Qiiœst. in Gen., i, q. xi, t. lxxx, col. 92. Saint Paul, qui appelle « saintes » les Écritures de l’Ancien Testament, Rom., i, 2, nous apprend à les reconnaître comme divines et divinement inspirées. In Epist. ad Rom., i, 2, t. lxxxii, col. 49. C’est l’Esprit qui a montré d’avance aux prophètes ce qui s’est accompli plusieurs siècles plus tard, en sorte qu’ils ont pu dire, non pas : Nous avons entendu, mais : Nous avons vu. In Isaiam, lui, 2, t. lxxxi, col. 441. Théodoret reconnaît donc l’inspiration des prophètes. Or, David, dans ses psaumes, était prophète, ainsi que les autres psalmistes qui sont nommés dans les livres des psaumes. Il prouve l’inspiration du Cantique. In Cantic., præf., 29, 32. Les apôtres ont été inspirés comme les prophètes. Dialogus, ui, t.Lxxxiii, col. 1721. Les épîtres de saint Paul ont été écrites par l’opération divine du Saint-Esprit comme les psaumes de David, In Epist. Paiili, præf., t. lxxxii, col. 37, car le même Esprit a parlé par David et par Paul. In // » ' » ad Cor., v, 13, col. 404.

Interprétant le texte de saint Paul, II Tim., iii, 16, saint Jean Chrysostonie l’entend en ce sens que toute l’Écriture, dont l’apôtre parle, dont Timothée avait été instruit dès l’enfance, donc tout l’Ancien Testament, Tcôcaa ouv y) ToiauTV] ôeoTiveuaToç. In Epist. II ad Tim., homil. ix, n. 1, P. G., t. lxii, col. 649. Les Écritures sont donc Ta 6eta Xôyta. In parabolam decem n^itlium talentorum, n. 1, t. li, col. 18. Elles ont été écrites par Dieu, le maître de toutes choses. In Epist. ad Gal., i, 7, t. lxi, col. 624. Ce ne sont pas seulement les livres prophétiques que Chrysostonie tient pour inspirés ; ce sont aussi les livres historiques. Ce n’est pas sans raison que les histoires de la Genèse ont été écrites par le Saint-Esprit. In Gen., homil. lvii, t. Liv, col. 494. Les Évangiles, qui reproduisent les paroles du roi Très-Haut, sont les premières des Écritures divinement inspirées. De angusla porta homil., n. 1, t. li, col. 41. Saint Matthieu a écrit son Évangile, étant toù IIvEÛfxaTOi ; z. ikfoÔEÎç- ^" Multh., homil. i, 1, 8, t. lvii, col. 15, 24. Le livre des Actes a été écrit par saint Luc, mais avec la participation du Saint-Esprit. In inscript, altaris, homil. I, 3 ; II, 3, t. l, col. 71, 72, 83 ; In Actaapost., homil. i, 1, 2, t. LX, col. 15-17. Saint Paul était tô oTÔfxa TOûXpiaToû, Y) Xûpa toù nv£u[i.aTOç. IJe Lazaro, coic.'i, n. 9, t. xLviii, col. 1041. Voir. S. Haidachcr, Die Lehre des hl. Joannes Chrysostomns iiber die Schriflinspiration, Salzbourg, 1897.

8. Saint Cyrille de Jérusalem applique en exégèse les principes de l’école d’Antioche. Or, il tire les dix principaux dogmes de l’Église des Écritures divine.ment inspirées de l’Ancien et du Nouveau Testament, et il en donne cette raison : Eïç yâp saTiv ô twv Suo AiaOrjxwv Osoç, ô t6v èv tÎ) Kocivyi çavévxa Xpi.aT6v, Iv T ? ; riaXaiK TrpoxxTayyeîXaç, 6 8tà v6(J.ou xaî, Tipoç-/) Tcôv eîç XpiCTTov TraiSaywyïiaaç. Cat., iv, n. 33, P. G., t. xxxiii, col. 493, 496. Les mystères de la foi ne peuvent être prouvés que par les divines Écritures. Ibid., n. 17, col. 470-477. Les catéchumènes, s’ils veulent connaître Dieu, doivent croire aux Écritures, Cat., ii, 4 ; iii, 16, col. 388, 448, et accepter la démonstration qui en est tirée, ii, 7, col. 413. Cette démonstration est tirée autant de l’Ancien Testament que du Nouveau. Cat., xviii, n. 33, col. 1056. C’est le Saint-Esprit qui atteste les dogmes dans l’Écriture. Cat., xi, n. 13, col. 705. Saint Cyrille de i Jérusalem parle spécialement de l’inspiration des i prophètes. Il appelle Ézéchiel Tcveu[i.aTO(p6pov. Cat., I II, n. 4, col. 388. Le psalmiste est un prophète. Cat., XIV, n. 8 ; xvi, n. 28, col. 832, 957. Le Saint-Esprit a parlé par les prophètes et par les apôtres. Cat., xvi, n. 2-4, col. 920-921.

Pour réfuter les manichéens, qui rejetaient l’Ancien Testament, saint Épiphane montre l’accord détaillé des doctrines qui sont exposées dans les livres des deux alliances, et la raison théologique qu’il donne de cet accord, c’est que le même Esprit a parlé dans la Loi, les Prophètes et les Évangiles. Ilar., lx^^, n. 7275, 80-84, P. G., t. xLii, col. 144-149, 156-168. Aussi, à l’occasion, il affirme l’inspiration des écrivains sacrés. Moïse a écrit sous le soufïle du Saint-Esprit, Hær., XXVI, n. 3 ; xxxiii, n. 9, t. xli, col. 337, 372, et les paroles de la Genèse sont un Ôeîoç Xoyoç. Hier., Lxvi, n. 18, t. XLii, col. 56. David a vu l’avenir longtemps à l’avance par l’œuvre du Saint-Esprit. Ha-r., Lxi, n. 71, t. xLi, col. 1193. Le Saint-Esprit parlait par les prophètes. Ancoratus, n. 10, t. xliii, col. 24. Daniel était rempli du Saint-Esprit. Ibid., n. 25, col. 61. Les évangélistes étaient inspirés dans le choix de ce qu’ils racontaient de façon à rester d’accord, ce qui montrait qu’ils puisaient à la même source, et si chacun d’eux a omis quelques faits, c’est que le Saint-Esprit leur apprenait en particulier ce qu’ils devaient dire pour leur compte. Ainsi ce que saint Jean a écrit sous la direction du Saint-Esprit est digne de foi et vrai. Hær., li, n. 5-31, t. xi.i, col. 897944. Épiphane répondait ainsi aux aloges, qui n’acceptaient pas le quatrième Évangile. Après avoir réfuté les objections que ces personnes soulevaient contre l’Apocalypse, il concluait que ce livre est une prophétie et qu’il est l’œuvre du Saint-Esprit, Ibid., n. 32, 33, col. 944-949. Les Épîtres du même apôtre sont, comme l’Évangile et l’Apocalypse, d’un homme inspiré. Hær., lxiv, n. 68, col. 1189. Paul était 7rveu[jLaTO(pcipoç, Hær., lxix, n. 73, t. xlii, col. 324, et il était liveujjiaTi. àyîco çepdfxsvoi ;, quand il écrivait I Cor., XV, 24, 35. Hwr., lxiv, n. 78, t. xli, col. 1189. Cet apôtre parlait par le même esprit, qui avait parlé dans l’Ancien et le Nouveau Testament, quand, Rom., XI, 23, il exprimait la même idée que le psalmiste. Hær., lxxiii, n. 7, t. xlii, col. 413, 416. L’Esprit Saint décrivait la corruption des gnostiques dans l’Épitre catholique de, Iude. Hær., xxvi, n. 11, t. xli, col. 348.

Philon, évêque de Carpasia et ami de saint Épiphane, affirme métaphoriquement et expressément l’unité des deux Testaments, qui nous donnent le breuvage et le lait spirituels qui viennent du Saint-Esprit. Enarrat. in Canticum, P. G., t. xl, col. 36, 44-45. Dans la loi et les prophètes nous parle le Seigneur, col. 72, qui a placé dans l’Église le quadrige évangélique, qui nous conduit au ciel sur un char de feu, lequel est le Saint-Esprit, col. 121. Lenezde l’époux du Cantique, c’est saint Paul, qui a donné à l’Eglise la respiration des deux Testaments, lesquels nous préparent la vie élernelle par un seul Esprit divin, comme la vie luiinainc dérive des deux ouvertures de notre nez, col. 125, 128.

Hésychius, prêtre de Jérusalem, au ve siècle (?), range rEcclesiaste au nombre des livres prophétiques. Les prophètes, dont les noms étaient inscrits en tête de leurs livres, n’ont pas été les seuls prophètes. Prophètes aussi étaient les hommes, inspirés de l’esprit prophétique dont les paroles sont rapportées dans les livres historiques de l’Écriture inspirée, tels Samuel, Élie et Elisée, comme ceux qui ont écrit les livres prophétiques, sous le souffle du Saint-Esprit, tels les douze petits prophètes et les grands, Isaïe, Jérémie, Ézéchiel et Daniel. In duodecim prophetas minores, P. G., t. xciii, col. 1341, 1344. Les psalmistes aussi étaient prophètes, et David a été la xiOàpa tej TrvsûfiaToç. Serni., iv, col. 1460. Les divergences des évangélistes viennent du Saint-Esprit ; chacun d’eux a écrit sous la motion du Saint-Esprit, ce qui manquait dans les autres. Qua-st., difꝟ. 28, 32, col. 1417, 1420.

9. Les Pères Cappadociens établissaient aussi l’inspiration des Livres saints. Saint-Basile appelle maintes lois les Écritures Ta Xoyta toQ IIvEÛfxaTOç, Ilomil., ivin Hexumeron, P. G., t. xxix, col. 80 ; Homil., xii, in principium Proverbiorum, t. xxxi, col. 385 ; SiSaoKOtXîav Toù nv£Ù[xaTOÇ, Adi'. Eiinomiiim, t. II, n. 7, t. XXIX, col. 584, [xapTupîa toù nv£i)[JiaToç ibid., n. 15, col. GOl, Tàç àyiaç xal OsoicveûaTouç ypaçâç. Epist., clas. I, epist. xli, t. xxxii, col. 345. Toute l’Écriture est inspirée et utile, parce qu’elle a été écrite par le Saint-Esprit. Homil. in ps. i, n. 1, t. xxix, col. 209. L’Esprit qui a parlé par les apôtres et les prophètes et dont l’Écriture est inspirée, est évidemment Dieu. Adv. Eiinomiiim, t. V, col. 721. Les histoires, narrées dans les Écritures, sont inspirées. In ps. Lix, n. 1, col. 460. Le psalmiste David a eu plusieurs manières d’enseigner Tiapà tou IvepyoLJvToç èv aiJTM nvejji.aTOç. Homil. Quod Deus non est auctor malorum, t. xxxi, col. 329. Saint Jean l’cvangéliste a été inspiré par le Saint-Esprit, Adu. Eunomium, t. II, n. 27, t. xxix, col. 633, aussi bien que saint Paul. Ibid., n. 19, col. 612.

Saint Grégoire de Nazianze appelle les Écritures ôsoTTveûaTOUç [xùOouç, Poemata dogmat., xxxv, P. G., t. xxxvii, col. 517-518. Il a dressé le catalogue twv 6eo7rveu(7Tcov [316Xtcûv. Poema ad Seleucum, col. 15941598. L’Esprit a fait du pâtre David un psalmiste et un prophète, comme il fit plus tard d’Amos. Oral., XLi, n. 14, t. xxxvi, col. 448. Les évangélistes ont écrit différemment selon l’utilité de leurs lecteurs et aussi selon qu’ils étaient informés et instruits par le Saint-Esprit, qui était en eux. Oral., xliii, in laudem Basilii Magni, n. 79, col. 589.

Saint Césaire, frère de saint Grégoire, désigne l’Écriture par les expressions tô 6etov Ypà[jpia, Dial., III, q. cxl ; IV, q. clxxxv, P. G., t. xxxviii, col. 11201161, T/]v 6e'.av tctuxttjv, Dial., III, q. cxv, cxl ; IV, q. CLXxxviii, col. 997, 1049, 1165, et il nomme les écrivains sacrés ôeîouç et Qzaneaioix ;. Dial., I, q. ii, XXXV, xxxviii ; II, q. en ; III, q. cxviii, col. 857, 900, 904, 969, 1005. David fut ô twv QdoiM (xéXoSoç. Dial. I, q. XIV, col. 872.

Saint Grégoire de Njsse nomme très souvent les Écritures ôsiouç Xoyouç, GeéTiveuaTov ypjtçrjv ou Sta6r)XY]v ou Xoyov ou [xapTuplav ou SiSaaxaXiav. Il les définit en ces termes : 'H 6e67rv£ucjToç ypaç/ ;, xaOwç 6 Osïoç 'ATvoaroXoç aÙTVjv 6vo[Aà^ei, toù àytou tcveûiJ.aT6ç èoTi ypaç-J)… ôaa y) ôsîa ypa<pv] Xéyet, toù tcveû[xarôç eîcn toû àyîou cpcavaî. Cont. Eunomium, t. VII, P. G., t. XLV, col. 741, 744. Moïse a écrit sur la création du monde xarà ôstav èmnvoiœj. In Hexæmeron, proœm., t. xlvi, col. 61. Dieu a parlé par les prophètes. In Canlic, homil. i, t. xliv, col. 861. Le prophète Amos était donc GsaTCsaioç. Cont. usurarios, t. xlvi, col. 445. Saint Grégoire appelle le Psautier

ôeÔTTveuŒTOv StSaaxaXîav, In psaL, tr. II, t. xliv, col. 488 ; TTpoçrjTetav et 6eîav ypacpifjv, tr. I, proœm., et c. I, col. 433, et le psalmiste Ttpocpr)rï)v, In Cant., homil. III, IV, col. 828, 841, à qui l’Esprit suggère tout. De bealiludinibus, orat. ii, col. 1212. Le sage Salomon parlait, oùx èv ttsiGoïç aocpiaç Xoyoïç, àXX' èv SiSax.TOtç 7Tveû[ji, aT0( ; àyîou coçiaGetç. In verba : Faciamus hominem, orat. ii, col. 277. L’Ecclésiaste est donc ypaçï) ij(J ; 7)Xy) xal Œotcvsucttoç. In Ecclesiaslen, homil. i, col. 617. L’Évangile est divin et la voix de Paul céleste. De vita Moijsis, col. 344. Paul a révélé les secrets des mystères èv xf) Suvâpiei. toû 7Tveû(i.aT01 ;. Cont. Eunomium, t. XII, t. xlv, col. 1060.

10. Les écrivains de l’Église syrienne admettent aussi l’inspiration de l’Écriture.

Aphraate, le Sage Persan, ne voulait parler que d’après l’Écriture. Dem., xxii, 26. Il la vénérait comme divinement inspirée et écrite par Dieu, Dem., iv, 10 ; VIII, 3 ; XV, 8 ; comme dictée par le Saint-Esprit qui a parlé par les prophètes et les écrivains sacrés. Dem., VIT, 10 ; VIII, 25. Il en distingue deux groupes : les premières et les postérieures, Dem., xxii, 26, c’est-àdire l’Ancien et le Nouveau Testament, et il cite la plupart d’entre eux. J. Parisot, dans Patrologia syriaca, Paris, 1894, 1. 1, p. xli-xliii.

Le diacre d’Édesse, saint Éphrem, n’a jamais traité ex professo de l’inspiration. « Mais les noms qu’il donne à l’Écriture, les formules qu’il emploie pour la citer, l’usage constant qu’il en fait, la manière dont il en recommande la lecture et la méditation, le soin qu’il apporte à expliquer chaque mot et à rechercher le sens mystique des moindres détails, montrent, à ne pouvoir s’y tromper, qu’il rapportait les Livres saints à Dieu comme à leur auteur principal et qu’il les regardait comme divinement inspirés aussi bien dans les narrations historiques que dans les choses de la foi. » D’abord, il donne à l’Écriture les noms de Livres divins. Livres de Dieu, Écriture, Écriture sainte. Les formules qu’il emploie le plus souvent, en la citant, sont : // est écrit. Dieu a dit, l’Évangile dit, F Apôtre a dit, l’Écriture dit, le Prophète a prédit. En citant une fois Ézéchiel, il dit : « Comme parle l’Esprit Saint. » En parlant des livres de Moïse, il dit : « Moïse a écrit sous l’inspiration de l’Esprit Saint, qui parlait en lui. » Le Dieu juste n’a pas dédaigné d’écrire dans la Genèse les choses d’en haut, le mystère de la création, et les choses d’en bas, telles que l’affaire des baguettes et des mandragores. « L’auteur de ces récits sincères les a fait écrire par l’Esprit Saint et placer dans l’arche. » Adv. scrutatores, hym. lui. Opéra syr. lat., t. III, p. 98-99. Les deux Testaments sont de Dieu et d’accovd entre eux. Ibid., t. iii, p. 107-108. Éphrem lisait les livres de l’Esprit, qui sont écrits par l’Esprit Saint. Ibid., t ii, p. 236. Cf. Th. Lamy, L’exégèse en Orient au iv-e siècle ou les commentaires de saint Éphrem, dans la Revue biblique, 1893, t. ii, p. 10-12. Or, quoi qu’on ait dit ; rencontre, saint Éphrem rangeait parmi les livies de Dieu les deutérocanoniques de l’Ancien Testament. Ibid., p. 12-17.

Rien que dans les Opcra syro-lutina, j’ai relevé des témoignages, donnés en passant, qui affirment l’inspiration de Moïse, des prophètes et des psalmistes. Moïse a écrit la Genèse sous la dictée de Dieu. In Gen. collectanea, Rome, 1737, t. i, p. 115. Les prophètes ont été inspirés par le même Esprit que Moïse. In Amos, t. II, p. 256. Dieu a parlé par tous, à des époques différentes. In Oseam, p. 247 ; In Joelem, p. 251. David chantait, inspiré par l’Esprit divin, Necrosima, can. 7, 33, t. III, p. 233, 273, et les psaumes ont été composés par l’inspiration de l’Esprit divin et sont de cet Esprit. Can. 16, 17, p. 257, 263. Saint Éphrem ne parle pas explicitement de l’inspiration des livres du Nouveau Testament, mais il défend à rencontre des hérétiques,

l’inspiration des deux Testaments. Adv. hær., serm. ii, t. II, p. 441-442 ; Adv. scrutalores, serm. xxi, t. iii, p. 38-39. Saint Jean fut inspiré, puisque le Saint-Esprit a dépeint par lui le Verbe de Dieu. Adv. scrutalores. serm. xxxiii, p. 59.

11. En Occident, au iv « et au ve siècles, la foi à l’inspiration scripturaire était aussi vive qu’en Orient. Saint Hilaire de Poitiers appelle les Écritures Dei eloquia, avleslia eloqiiia, ou dicla. Tract, in ps. cxxxr, P. L., t. IX, col. 768. Le corps des Écritures qui comprend la Loi et les Prophètes, a été écrit par la main des liommes ; il n’est pas cependant une œuvre humaine, car l’Esprit de Dieu, qui sait toutes choses, inspirait les saints hommes de l’ancienne loi. Epist. seu libellas, t. x, col. 733, 753-754. La pensée qu’exprimaient les prophètes ne venait donc pas de leur esprit propre ; elle était fournie à leur intelligence par l’Esprit de Dieu qui s’était emparé d’eux. Tract, in ps. exriil, t. IX, col. 639-640. Les ariens mettaient plusieurs prophéties en contradiction avec les évangélistes et les apôtres. L’évêque de Poitiers les réfutait, en montrant l’accord des deux Testaments, qui ont le même Dieu et le même Esprit. De Trinitate, III, 32, t. X, col. 73. Saint Hilaire, dans ses traités sur les psaumes, affirme l’inspiration des prophètes et du psalmiste David, qui était prophète. L’auteur des Proverbes était aussi un prophète, par qui l’Esprit parlait. Tract, in ps. cxxxv, n. 4, t. ix, col. 770. Les évangélistes étaient inspirés par le même Esprit que les prophètes. De Trinitate, XII, 3, t. x, col. 435. Les paroles de Paul sont des paroles divines, ibid., i, 15, col. 34 ; il a parlé aux Corinthiens, étant rempli de l’Esprit Saint, Fragmenta, i, n. 1, col. 627j et le Saint-Esprit parlait dans ses Épîtres. Tract, in ps. LXV, ù. 19, t. IX, col. 431, Voir t. vi, col. 2414.

Selon saint Ambroise, l’Ancien et le Nouveau Testament sont verbum et eloquia Dei. In ps. cxriir, serm. xxii, 20, P. L., t. xv, col. 1517. Les écrivains sacrés n’ont pas écrit selon l’art humain, mais par une grâce qui est supérieure à l’art tout ce que le Saint-Esprit leur faisait dire. Epist., clas. i, epist. viii, n. 1, t. xvi, col. 912. De ce que toute Écriture, que le Saint-Esprit a dite, est OsôjrvsuaTOÇ. le saint docteur sait, que le Saint-Esprit est Dieu. De Spirilu Sancto, t. III, n. 112, col. 803. Les écrivains sacrés. Moïse, les prophètes, étaient donc inspirés. L’auteur du livre de Tobie était un prophète. De Tobia, c. i, n. 1 ; c. ii, n. 6, t. XIV, col. 759, 761. L’esprit prophétique a infusé à Job ce que celui-ci devait dire. De interpretaliune Job et David, t. I, c. vii, n. 23, 25 ; viii, n. 26, col. 807, 808. L’Esprit parle dans le Cantique, De virginitate, c. x, n. 54, t. xvi, col. 280 ; In ps. cxviii, serm. xvi, n. 23, t. xv, col. 1492, et Salomon était inspiré pour l’écrire, Epist., clas. i, epist. xlv, n. 4, t. XVI, col. 1142. L’auteur de la Sagesse était un prophète, pour qui le Saint-Esprit parlait. De virginibus, I. I, c. VII, n. 35, col. 199. David aussi était propliète, et il écrivait ce que le Saint-Esprit lui révélait. In ps. CXVin, serm. xxi, n. 6, t. xv, col. 1504. Plusieurs ont essayé d’écrire l’Évangile, qui étaient destitués de la grâce ; Matthieu, Marc, Jean et Luc n’ont pas eu d’efforts à faire. Luc ne s’y est pas mis de sa seule volonté, mais selon qu’il a plu au Christ qui parlait dans son Évangile. In Lucam, t. I, n. 1-3, 10, 11, col. 1533-1534, 1538. Saint Paul avait reçu par infusion du Saint-Esprit, et non de son jugement propre, ce qu’il enseigne de la femme veuve. -De vidais, c. i, n.'2, t. XVI, col. 235.

Selon Ruffn, voici ce que l’Église croit du Saint-Esprit : Ilic igitur Spirilas Sanctas est, qui in Veteri Testamento Legem et Proptietas, in Nova Evangclia et Apostolos inspiravit. Les volumes de l’Ancien et du Nouveau Testament sont ceux que, selon la tradition

des anciens, on croit inspirés par le Saint-Esprit luimême et qui ont été remis aux Églises du Christ. In symbolum apostolorum, n. 36, P. L., t. xxi, col. 373. Saint Jérôme nomme les Livres saints Spiritus eloquia, Epist., cvi, n. 1. P. L., t. xxii, col. 837, verbum Dei quo pascimar et potamus. In Ecclesiasten, t. XXIII, col. 1039, Dei sermo (qui) de Spirilu fiait. In Epist. ad Titum, t. xxvi, col. 552. Toutes les Ecritures appartiennent au Saint-Esprit et ne forment qu’un seul livre. In Isaiam, t. IX, c. xxxix, t. xxiv, ^ col. 332. Le saint docteur parle spécialement de l’inspiration des prophètes. Leurs livres ont été écrits instinctu Spiritus Sancti. In Ose., prol., t. xxv, col. 815. En réponse à ses détracteurs, qui lui reprochaient de corriger le texte des Évangiles, il disait. : Non adeo me hebetis fuisse cordis et tam crassæ rusticilatis quam illi solam pro sanctitale habeunt, piscatorumse discipulos asserentes, quasi idcirco sancti sini, si niliil scierint, ut aliquid de dominicis verbis aut corrigendum putaverim aut NON DivixiTVS INSPIRATVM. Epist., xxvii, n. 1, t. XXII, col. 431. Il ne trouvait dans l’Épître à Philémon rien qui fut indigne de l’Esprit qui a suggéré tout ce qui y est écrit. In Epist. ad Philem., prol., t. XXVI, col. 599-602. Quand saint Paul semble parler en son nom propre, il n’est pas privé du Saint-Esprit. In Epist. ad Gal., t. III, col. 403. Voir L. Sanders, Études sur saint Jérôme, Bruxelles, Paris, 1903, p. 121-127 ; L. Schade, Die Inspirationslehre des heiligen Hieronymus, dans Biblische Sludien, Fribourgen-Brisgau, 1910, t. xv, fasc. 4 et 5, p. 5-12.

Voulant énoncer la doctrine de saint Jérôme « sur la dignité divine » de l’Écriture, Benoît XV, dans l’encyclique Spiritus Paraclitus, du 15 septembre 1920, a déclaré que si « l’on parcourt à cet égard les écrits du grand docteur, pas une seule page qui n’en témoigne à l’évidence, il a fermement et invariablement affirmé avec l’Église catholique tout entière, que les saints Livres ont été écrits sous l’inspiration du Saint-Esprit, qu’ils ont Dieu pour auteur et que c’est comme tels que l’Église les a reçus (Cunc. Val., sess. III, const. De fide cathnlica, c. ii). Les livres de la sainte Écriture ont été composés, affirme-t-il, sous l’inspiration, ou la suggestion, ou l’insinuation, ou même la dictée de l’Esprit Saint ; bien plus, c’est cet Esprit lui-même qui les a rédigés et publiés. Saint Jérôme ne doute nullement, par ailleurs, que tous les auteurs de ces Livres n’aient, chacun conformément à son caractère et à son génie, prêté librement leur concours à l’inspiration divine. » Acta apostolicas sedis, 1920, t. xii, p. 389. Cf. F. Valente, S. Girolamoe rencijclica Spiritus Paraclitus dei S. Ponte fice Bencdetto XV sulla sacra Scrittura, Rome, s. d. (1921), p. 27-28.

Saint Augustin a affirmé l’inspiration de l’Écriture non seulement par les noms qu’il lui donnait et qui marquent expressément son origine divine, mais encore par des assertions explicites. Legimus, dit-il, digito Dei scriptam esse Legem et datam per Moysen sanctum servum cjus : quem digitum Dei mulli intelligunt Spiritum Sanctum. Quapropler, si digilos Dei eosdem ipsos ministros Spirilu Sancto repletos propler ipsum Spiritum qui in eis operatur, recte ctccepimus, quoniam per eosdem nobis omnis divina Scriptura confecta est, convenienter intelligimus tioc loco (Ps. viii, 4), cselos dictas libros utriusque Testamenti. Enar. in ps. cxiv, n. 3, P. L., t. xxxvii, col. 1483. Pour prouver que ces livres ont été donnés aux hommes par l’Esprit divin, Augustin fait appel à sa propre expérience. Alors qu’il avait constaté le désaccord des nombreux philosophes dont il avait lu les ouvrages, il a conclu qu’il était nécessaire de croire à l’autorité des saintes Lettres. Con/es., t. VI, c. v, n. 7, 8, t. xxxii, col. 723. L’inspiration des prophètes résulte, en effet, de l’accord merveilleux de leurs prédictions, De consensu

evangelistarum, t. III, c. iii, n. 30, t. xxxiv, col. 11751176. D’autre part, il prouvait contre Fauste le manichéen que Dieu était l’auteur des deux Testaments, les prophètes n’ayant pas reçu un autre Esprit que les apôtres. InJoa., tr. XXXIII, n. 6, t. xxxv, col. 1645. Cf. Contra Faustum manichaum, t. XLii, col. 207-604. Les difTérences des deux Testaments n’excluent pas leur commune origine divine. De vera religione, c. xviir, n. 34, t. xxxiv, col. 136. Saint Augustin afïirme aussi l’inspiration de chacun des livres de la Bible, depuis la Genèse jusqu’à l’Apocalypse. Voir t. i, col. 2342. David était prophète et tous les psaumes ont été écrits sous la dictée de l’Esprit de Dieu. In ps. LXli, n. 1, t. XXXVI, col. 748. Le livre des Proverbes est une sainte Écriture. Serm., xxxvi, n. 1, t. xxxviii, col. 215. C’est par une providence spéciale [de l’Esprit Saint que Marc et Luc ont écrit l’Évangile, quoiqu’ils ne fussent pas apôtres comme Matthieu et Jean. De consensu evangelislarum, t. I, c. i, n. 1, 2, t. xxxiv, col. 1041-1043. Tous les livres des apôtres sont divins, puisque la parole de Dieu a été donnée par les apôtres aussi bien que par la Loi, les Prophètes et les Psaumes. De uniiate Ecclesiæ, n. 29, t. XLdi, col. 411.

Nous ne signalerons plus que le témoignage de Junilius. Bien qu’il ait été Africain d’origine, Junilius avait suivi les leçons de Paul le Persan ou Paul de Nisibe, nestorien, et, dans ses Instituta regularia divinæ legis, au vie siècle, tout en reproduisant la doctrine de Théodore de Mopsueste sur les trois degrés d’inspiration, il maintenait l’inspiration de l’Écriture et il en faisait même la démonstration d’après son contenu. Voir t. II, col. 1563.

Conclusion. — Il serait superflu de poursuivre cette enquête patristique. Il en résulte clairement que l’Église catholique, durant les cinq premiers siècles de son existence, a enseigné par ses docteurs que les Écritures des deux Testaments avaient été inspirées par Dieu, et par appropriation, par le Saint-Esprit, et que tous les écrivains sacrés avaient eux-mêmes écrit leurs livres sous cette inspiration divine. Cette foi, l’Église catholique l’a toujours conservée, et ses docteurs ont continué sans interruption à l’affirmer. Leurs affirmations sont de même nature que celles des Pères, qui les ont précédés. Elles se produisent toujours par les épithètes sainte, divine, divinement inspirée, etc., qu’ils joignent au nom cVÉcriture, et par les formules qu’introduisent leurs citations des textes sacrés. Ces formules variées se résument dans l’attribution directe à Dieu ou au Saint-Esprit des paroles scripturaires, ou dans leur attribution aux écrivains sacrés, qui les ont écrites par l’inspiration du Saint-Esprit. Les témoignages des auteurs ecclésiastiques du vi<e siècle au moyen âge en faveur de l’inspiration de l’Écriture sont réunis dans les ouvrages suivants, où on pourra les lire : P. Dausch, Die Schriftinspiration. Eine biblischgeschichtliche Sludie, Fribourg-en-Brisgau, 1891, p. 85102 ; C. Holzhey, Die Inspiration der hl. Schrift in der Anschauung des’Mittelalters von Karl dem Grosse bis ziini Konzil von Trient, Munich, 1895 ; Bohnert, Die Inspiration der heiligen Schrift iind ihre Bestreiler, Leipzig, 1889, p. 85-134 ; Chr, Pesch, Z)e inspiratione sacræ Scriptiirie, Fribourg-en-Brisgau, 1906, p. 9398, 129-140. Sur la doctrine de Hugues de SaintVictor, voir t. VII, col. 272.

/II. DÉMONSTRATION DES THÉOLOGIENS CATHOLIQUES. — 1o Au moyen âge. ' — L’inspiration de l’Écriture n’étant niée complètement par personne, les théologiens du moyen âge ne sentaient pas le besoin de prouver son existence pas plus qu’ils ne spéculaient longuement sur sa nature. Les seuls essais de démonstration que j’aie rencontrés dans mes recherches sont celles de Baudoin, archevêque de (^antorbéry, de Duns Scot et de Baymond de Sébonde, que

j’ai exposées, t. ii, col. 1563. Pour Dum Scot. voir aussi t. III, col. 1873.

2o Dès le XVI- siècle, dans la controverse avec les protestants. — Comme les protagonistes du protestantisme ne niaient pas l’inspiration de l’Écriture, mais qu’ils en proposaient seulement des critères nouveaux, les premiers controversistes catholiques se bornèrent à discuter la valeur de ces critères, qu’ils jugeaient insuflisants à prouver l’origine divine des Livres saints. La controverse aboutit progressivement à cet excellent résultat de ne considérer les critères internes que comme de simples motifs de crédibilité et à ne retenir comme motif de foi de la divinité de l’Écriture que l’autorité de l’Église, qui la déclare, sans la constituer, et la définit simplement. Voir t. ii, col. 1563-1564. Dès lors, les thèses par lesquelles les théologiens catholiques prouvent l’inspiration des Livres saints, se déroulent conformément au plan suivi dans les pages précédentes : ils trouvent dans la Bible elle-même, considérée seulement comme livre historique, l’attestation de la foi de la Synagogue et de l’Église primitive en l’inspiration divine de l’Écriture ; ils constatent la persistance de cette croyance dans l’étude de la tradition catholique et ils couronnent leur démonstration, en exposant, ce cjui nous reste à faire, les décisions officielles de l’Église qui, en vertu de son autorité infaillible, définit l’origine divine des deux Testaments et l’inspiration de l’Écriture entière.

IV. DÉCISIONS OFFICIELLES.

Tant qu’une doctrine est en paisible possession dans l’Église, le magistère ecclésiastique n’a qu’à veiller à sa conservation intégrale et il n’intervient, d’ordinaire, pour la définir que si elle est discutée ou niée et dans la mesure où elle est discutée ou niée. Les gnostiques et les marcionistes, nous l’avons vii, niaient, de diverses manières l’origine également inspirée des deux Testaments et leur provenance du même Esprit inspirateur. Voir Antinomisme, t. i, col- 1393-1398, et Antilogies BIBLIQUES, col. 1382-1383. Le magistère ordinaire de l’Église n’est intervenu contre ces négations que par la voix des Pères, qui affirmaient l’origine divine des deux Testaments et réfutaient les objections des gnostiques et des marcionistes.

f Contre les manichéens et les sectes issues du manichéisme. — Mais au iiie siècle, Manès, qui prétendait établir une troisième économie, celle du Saint-Esprit, succédant à celle du Père, qui avait institué le mosaïsme, et à celle du l^'ils, qui était le christianisme, attribuait la loi de Moïse au mauvais principe et mettait en désaccord les livres de l’Ancien Testament avec ceux du Nouveau. Voir Archélaus, Acta disputationis cum Manete, n. 10, P. G., t. x, col. 14451448 ; S. Épiphane, Hær., lxvi, n. 42, 74, P. G., t. xi.ii, col. 92, 145 ; Tite de Bostra, Adversus manichœos, t. III, præf., P. G., t. xviii, col. 1209. A rencontre des premiers manichéens, les Pères, comme nous l’avons vii, afiirmèrent que les deux Testaments étaient du vrai, du bon, de l’unique Dieu, Père de Notre-Seigneur.Jésus-Christ, et réfutèrent les arguments contraires. Voir t. i, col. 1398, 1399, 1384. Le magistère officiel de l’Église n’intervint pas encore. Dans la formule définitive du symbole de Nicée, adoptée en 351, au " concile œcuménique de Censtantinoplo, les catholiques croient au Saint-Esprit, t6 XaXTÎCTav Sià twv TipoçY^Tcov. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, 13e édit., 1921, n. 86.

Mais, bien qu’elle ait été vivement combattue, l’hérésie manichéenne persévéra, et ses principes passèrent dans l’enseignement de diverses sectes, plus ou moins directement dépendantes d’elle. Voir t. i, col. 1884.

.Le priscillianisme, qui contamina l’Espagne et la Gaule, du iv « au vie siècle, voir Kiinslle, Antipriscil209Ê

INSPIRATION DE L’ECRITURE

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hana, Fribourg-en-Brisgau, 1908, p. 1-24 ; A. Dufoiircq, De manichœismo apud Latinos quinto swciilo, Paris, 1900, p. 50-01, niait aussi l’unité d’origine des deux Testaments. Or, cette unité fut solennellement affirmée dans deux analliématismes, que, depuis Hefelc, Conciliengeschiclite, t. ii, p. 308 sq. ; trad Leclercq, t. ii, p. 486, on attribuait au concile de Tolède, tenu en 447, mais que doni Morin, Pastor et Syaijriiis, deux écrivains perdus du P’e siècle, dans la Revue bénédictine, 1893, t. x, p. 385-390, a démontré être l’œuvre privée de Pastor, évoque de Galice, en 433. Ces anathématismes sont portés contre celui qui dirait ou croirait qu’il y a deux Dieux, l’un de l’ancienne loi, l’autre des Évangiles, et qu’on peut recevoir et vénérer d’autres Écritures que celles que l’Église catholique reçoit. Kiinstle, Antipriscilliana, p. 45. Dans son Liber de fide, Kûnstle, op. cit., p. 86, 16 ; P. L., t. XX, col. 1033, contre Priscillien, le moine Bachiarius met en tête de sa profession de foi ce l article : Novum et Vêtus Testamentum rccipimus in 60 librorum numéro quem sanctæ Ecclesiee catholicæ iradit auctoritas Les Steduta Ecclesiæ anliqua, qu’on rapportait autrefois au IV concile de Carthage (398). Mansi, Concil., t. iii, col. 950, mais qui sont l’œuvre de saint Césaire d’Arles, voir ici t. ii, col. 2171, contiennent cette question qu’on devait poser à un évêque avant son sacre : Quærendum etiam ab eo, si Noui et Veteris Testamenti, id est Icgis et proplietarum et aposiolorum, unum eumdemque credat auctorem et Deum.

2. La même erreur fut renouvelée, du xi « au xiiie siècle, par les pauliciens, les bogomiles, les cathares, les vaudois et les albigeois. Voir 1. 1, col. 13841385 ; K. Holzley, Die Inspiration des Id. Schrift, Munich, 1895, p. 84-87. L’Église affa-ma plusieurs fois contre eux sa foi en l’unité divine des deux Testaments. Dans le symbole proposé, le 13 avril 1053, à l’évêque bogomile Pierre, saint Léon IX mentionne la croyance « que le Dieu et Seigneur tout-puissant est l’unique auteur du Nouveau et de l’Ancien Testament, de la loi, des prophètes et des apôtres. » Denzinger-Bannwart, n. 348. Sur le concile de Lombcrs (1165), la profession de foi imposée aux vaudois par Innocent III, en 1210, et la confession de foi, proposée à Michel Paléologue en 1267, et souscrite par cet empereur au IP concile œcuménique de Lyon, en 1274, voir t. i, col. 1384-1385.

3. Parce que les Arméniens catholiques avaient, dès le vie siècle, une profession de foi, indépendante de celle de Nicée et dans laquelle ils professaient que le Saint-Esprit « a parlé dans la loi et les prophètes et L’s Évangiles », voir t. i, col. 1946, Eugène IV, dans le décrit d’union aux Arméniens, promulgué au conciL' de Florence le 22 novembre 1439 ne leur imposa rien à ce sujet. Mais dans le décret d’union proposé aux jacobites d’Ethiopie et publié, le 4 février 1441, au même concile, il énonça la foi de l’Église romaine, " qui croit très fermement, professe et enseigne que l’unique et même Dieu est l’auteur de l’Ancien et du Nouveau Testament, c’est-à-dire de la loi et des prophètes et de l’Évangile, parce que les saints de l’un et de l’autre Testament ont parlé sous l’inspiration du même Saint-Esprit, » Denzinger-Bannwart, n. 706, et pour montrer qu’il s’agit bien de l’inspiration des Livres saints des deux alliances, le pape joint à cette déclaration le catalogue de ces livres. Or, Eugène IV visait encore l’erreur manichéenne, car, plus loin, dans le même décret, il condamne, parmi les hérésies anciennes, la folie des manichéens, qui ont admis deux principes, l’un des choses visibles et l’autre des invisibles, et qui ont prétendu qu’autre était le Dieu du Nouveau Testament, autre le Dieu de l’Ancien. Denzinger-Bannwart, n. 707. Voir t. i, col. 1385. L’objet direct de la définition du pape Eugène IV est

donc que Dieu est l’auteur des livres des deux Testaments, et la raison de cette définition est le fait de l’inspiration divine des écrivains sacrés des deux Testaments. L’inspiration des Livres saints n’est donc pas directement définie.

2 » Contre les protestants. — Les premiers protestants ne niaient pas l’inspiration de l’Écriture, puisque l’Écriture était pour eux l’unique règle de la foi ; mais quelques-uns d’entre eux ne rangeaient pas dans l’Écriture les livres deutérocanoniques de l’Ancien et du Nouveau Testament. Le concile de Trente, réuni pour condamner leurs erreurs, n’eut donc pas, dès ses premières sessions, à se prononcer sur l’inspiration des Livres saints. En fait, il traita des sources de la révélation : les Écritures sacrées et les traditions divines, mais il fit entrer les deutérocanoniques dans son catalogue des livres sacrés et canoniques, que l’Église catholique recevait. Son décret est intitulé : De libris cunonicis. Voir t. ii, col. 1593-1603. Ce décret ne définit donc pas, comme on le dit souvent, l’inspiration des Livres saints ; il définit seulement, directement et explicitement, leur canonicité. Mais comme la canonicité n’est que la reconnaissance (, fflciclle de l’origine divine et de l’inspiration des Livres saints, voir t. II, col. 1554-1555, le concile de Trente a défini indirectement et implicitement, l’inspiration de tous les livres sacrés et canoniques, y compris les deutérocanoniques de l’Ancien et du Nouveau Testament.

3o Contre les critiques rationalistes.

Dans la seconde moitié du xviii’e siècle et la première du xix", les rationalistes nièrent l’inspiration divine des saintes Écritures, qui ne furent plus à leurs yeux que des œuvres humaines, rédigées selon les ressources ordinaires, par les écrivains de l’antiquité hébraïque ou les premiers écrivains du christianisme naissant. C’étaient les premiers négateurs directs de toute inspiration sciipturaire. Beaucoup de protestants libéraux nient aussi l’inspiration de l’Écriture. L’autorité ecclésiastique ne condamna le rationalisme biblique qu’au concile du Vatican, le premier concile œcuménique qui ait été réuni depuis l’apparition de cette erreur. Or qu’a fait, à ce sujet, le concile du Vatican ? Il a d’abord renouvelé en le complétant le décret du concile de Trente, en affirmant que l’Écriture sainte est une des sources de la révélation, iiuis en déterminant quels livres et parties de livres forment le corps des Écritures. Voir t. II, col. 1604-1605. Mais, par là, il n’avait pas assez nettement établi l’autorité divine de la Bible ni défini explicitement l’inspiration, niée par les rationalistes et certains protestants. En effet, en déclarant que l’Écriture renferme des vérités révélées, il la plaçait seulement sur le même rang que la tradition divine, qui n’a pas été écrite sous l’inspiration du Saint-Esprit, et en décidant que tous les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, avec toutes leurs parties telles qu’elles sont dans l’ancienne Vulgate, étaient « sacrés et canoniques », il ne dépassait pas, pour l’objet direct de la définition, sinon en précisant son étendue, le décret de Trente. Pour condamner explicitement les négateurs modernes de l’inspiration, il devait définir expressément l’existence de cette inspiration. Il l’a fait, en ajoutant au canon 4, promulgué, le 27 avril 1870, à sa IIP session, les mots : aut cas (les Livres sacrés et canoniques) divinilus inspiratos esse najaveril, anutliemu sit. Denzinger-Bannwart, n. 1809.

Dans le projet de fchéina de la constitution dogmatique De doctrina catliolicu, qui avait été rédigé par Franzelin, professeur au (Collège romain, et qui fut présenté aux Pères du concile, au mois de décembre 1869, au c. IV, De divinæ revelationis fontibus in S. Scriplura et traditione on renouvelait les décisions de Trente sur les sources de la foi et sur la canonicité des Livres saints, mais on y ajoutait des déclarations qui précisaient la notion de l’inspiration et qui justifiaient cette définition : Qiiarc hirrelicam esse, declarumus et danmamiis sententiam, si qais cliLHiiitus inspirutum esse neyaveiil uliqiiein vcl integrum vel ex parle librum de his, qiios Tridenlina synodus inlegros cum omnibus suis partibas, proul in Ecclesia catholica Icgi consueverunl, et in vcleri vuUjata edilionehabentur, pro sacris et canunicis suscipicndos esse definivil. CullecUo Lacensis. Fribourg-en-Brisgau, 1890, t. vii, col. 508.

Une note, qui accompagnait ce projet, expliquait qu’on ne voulait que renouveler le décret du concile de Trente De canonicis Scripluris, mais que les erreurs récentes sur l’Écriture sainte exigeaient qu’on fît une déclaration plus claire de la nature de l’inspiration, Cette déclaration énonçait positivement le sens exact du dogme qui tient les Livres saints pour sacrés et canoniques. Or la raison intrinsèque, pour laquelle l’Église tient ces livres pour sacrés et par suite pour canoniques, est ex divina origine seu scriplione ipsoruni librorum. Suivait une explication de la nature de cette origine divine, que nous exposerons plus loin, et qui découle de l’enseignement des Pères et des documents ecclésiastiques, que nous avons rapportés, notamment ceax des conciles de Florence et de Trente. Ibid., col. 522, 523.

Ce schéma fut retouché par un dékguc, Mgr Martin et le nouveau texte fut présenté à la iJéputation de la foi le " mars 187U. Or, la notion de l’inspiration, qui expliquait le décret de Trente, rentrait comme une simple déclaration dans le-c. ii, De rcvelalione, et l’existence, de l’inspiration était l’objet d’une définition formelle dans le canon, alors numéroté 5, De vevclutione, et ainsi libellé : Si quis libros, quos Tridenlina synodus recensuil, pro sacris et canonicis non susceperil, eosque aul uliqueni coruni diuinilus inspiralum esse negaverit, analhema sil. Ibid., col. 16291631. Le 6 mars, ce texte tut adopté par la Députation de la foi, sans observation sur le point que nous étudions. Ibid., col. 1655-1656. Le 14 mars, le schéma réformé fut présenté aux Pères du concile. On y avait joint des observations de nature à en expliquer le sens. Or celle qui portait sur le c. ii, § 4, notait que le projet exposait, sur l’inspiration, la doctrine des conciles de Florence et de Trente, qui déclaraient Dieu auleur des Livres saints, parce qu’il avait inspiré les écrivains sacrés. Ibid., col. 79. Dans son rapport, Mgr Simor nota que ces observations montraient que le schéma ne disait rien de nouveau sur rinspiration et que la Députation assurément n’avait voulu rien dire de nouveau. Ibid., col. 86. Parmi les amendeiucnts proposés par les Père.s du concile, le §1<^ concernait la fol de l’Église en l’inspiration des Écritures, et l’auteur proposait d’ajouter des preuves de cette foi. Ibid., col. 123. Dans son rapport sur le § 3 « du c. II, Mgr Casser, au nom de la Députation de la foi, fit remarquer qu’il s’agissait des sources de la révélation et qu’au sujet de l’Écriture sainte en particulier, on indiquait d’abord quels sont les livres sacrés ou canoniques. Or un livre canonique est un livre sacré ou inspiré. Mais comme quelqlies Pères semblaient admettre une distinction entre livre canonique et livre inspiré, l’évêque de Brixeu exposa que cette distinction paraissait être tout à fait étrangère à la doctrine catholique, et il le prouva en remontant jusqu’au III « concile de Carthage(les Stalula Ecclesiæ anliqua de Césaire d’Arles). Il nota, comme nous l’avons fait nous-même, qu’en raison de la croyance des protestants en l’inspiration des Écritures, le concile de Trente avait à peine dit sur l’inspiration quelque chose de plus que le concile de Florence. Il n’avait pas de raison de le faire et il avait simplement confirmé le décret du concile précédent. Mais les erreurs des protestants lui avaient fourni l’occasion de préciser la canonicité de tous les Livres saints. Le concile de Trente a donc identifié livre sacré (ou inspiré) avec livre canonique. Ibid., col. 138-139. On proposait donc aux Pères de définir explicitement l’inspiration, qui avait été affirmée implicitement par les conciles de Florence et de Trente.

Le texte du schéma, remanié par la Députation de la foi, avait ajouté au c. ii un 4= canon, le 5 « , précédemment cité, mais remanié, qui définissait en ces termes la canonicité et l’inspiration des Livres saints : Si quis sacrée Scripturæ libros inlegros cum omnibus suis parlibus, proul illos sancta Tridenlina synodus recensuil, pro sacris et canonicis non susceperil, aul eos divinilus inspiralos esse negaveril, analhema sil. Ibid., col. 145. Ce texte ne subit aucune retouche et fut voté en session solennelle, le 24 avril 1870. Ibid., col. 255 ; Denzinger-Bannwart, n. 1809. Cf. A. Vacant, Éludes Ihéologiques sur les constitutions du concile du Vcdican d’après les Actes du concile, Paris, 1895, t. I, p. 380-385.

Ainsi, les Pères du Vatican renouvelaient la définition de ceux de Trente sur la canonicité des Livres saints dans leur intégrité avec toutes leurs parties, et bien que leur canonicité entraînât implicitement leur origine divine ou leur inspiration, parce que les incrédules et beaucoup de protestants modernes niaient cette inspiration, les Pères ajoutèrent une définition expresse de ce point de foi. Les livres canoniques, qui avaient une autorité irréfragable, celle même de Dieu, la tiennent donc de leur inspiration ou de leur origine divine. Il y a donc dans la nouvelle définition un progrès sur les précédentes ; elle exprime explicitement ce que les autres contenaient implicitement. Cette définition sera complétée par la déclaration du concile sur la nature de l’inspiration.

Dans son encyclique Providentissimus Deus, publiée le 18 novembre 1893, Léon XIII, sur l’existence de l’inspiration divine des Écritures n’a fait que rappeler l’enseignement des conciles de Florence, de Trente et du Vatican, Denzinger-Bannwart, n.l952 ; voir t. II, 1605 ; mais, nous le verrons, il a éclairci et développé la doctrine catholique sur la nature de l’inspiration scripturaire. Voir A. Vacant, op. cit., 1. 1, p. 389-390.

III. Nature.

L’Écriture sainte elle-même et les Pères apostoliques, qui sont encore dans la période de la foi simple, n’ont rien dit de la nature de l’inspiration des écrivains sacrés. Les Pères postérieurs à l’âge apostolique ont, les premiers, ébauché une doctrine sur la nature de l’inspiration, que les théologiens devaient développer et le concile du Vatican adopter.

I. CHEZ LES PÈJîBS.

1o Les Pères apologistes, qui avaient à exposer et à défendre la foi catholique contre les païens et les hérétiques, ont eu à déterminer quelle était l’action du Saint-Esprit sur les écrivains sacrés. Saint Justin a nettement distingué ce qui, dans les Écritures, est du Saint-Esprit et ce qui est des auteurs’inspirés. L’Esnsrit parlait par les prophètes, de telle sorte que les Ecritures sont à la fois la parole de Dieu et celle de l’écrivain sacré. Dial., 16, P. G., t. vi, col. 509, 512. Cꝟ. 22, 25, 34, col. 521, 529, 548. Bien qu’il signale le plus souvent l’action du Saint-Esprit, il n’omet pas d’indiquer directement, par l’emploi des prépositions ùnà et 8m, celle des prophètes et des écrivains sacrés. Ainsi les paroles bibliques qu’il cite, il ne les invente pas, àXXà toùtouç Aa6lS [i-sv ë’J ; aXXev, ’Haataç Se £jr, Y£XXtJ^£To, Za/apiaç 8è èxr)pu ; s, Mwûa 7)ç Se àvtxç>oi.<>e. Dial., 29, col. 537. "Eaxi, Se i[iaX[xà< ; Toù AaêlS ouToç, 36, col. 553.

Il importe de noter que, pour saint Justin, les prophètes et les auteurs inspirés n’étaient pas des instrua

ments passifs sous l’action du Saint-Esprit et qu’ils gardaient leur activité propre. Si d’ailleurs la Cohortatio était bleu autheutiquement de Justin, cet apologiste serait le premier théoricien de l’inspiration. € Pour lui, l’inspiration est plus qu’une illumination de l’esprit humain par l’Esprit de Dieu. C’est une vraie dictée, et la passivité des écrivains sacrés est absolue : les prophètes — car Justin parle exclusivement des prophètes — sont un instrument dont Dieu se sert pour révéler aux hommes les mystères de la vérité. Dieu les choisit comme il lui plaît, là où il lui plaît et pour être choisi, pas n’est besoin de talent ou de science, c’est un don de Dieu. » E. Rabaud, Histoire de la doelrine de rinspirnlion des saintes Êcriures, etc., Paris, 1883, p. 11-12.

Tout en reconnaissant que la Cohorlatio n’est pas de saint Justin, M. O’Reilly a trouvé dans les écrits les plus authentiques du philosophe conveiti, des passages, « d’après lesquels la part d’activité du prophète dans la composition de ses discours ou de ses livres est réduite presque à rien. » Les deux premiers textes, empruntés à la Z" Apologie, ne prouvent rien. Le plus clair, celui du Dialogue, 7, col. 490, dit seulement que les prophètes « parlaient par l’Esprit » et que « remplis du Saint-Esprit, ils disaient ce qu’ils avaient vu et entendu. » Sans doute, dans la I"^ Apologie, 36, col. 389, il est dit que, quand les prophètes parlent en leur propre nom, ce ne sont pas eux qui parlent, « mais le Verbe divin qui les meut. » Toutes leurs prédictions sont donc rapportées au Verbe, qui, comme un écrivain humain, qui rédige son livre tout entier, met en scène des interlocuteurs différents. Les textes du Dialogue, cités plus haut, montrent que le Verbe parle et écrit par les prophètes ; il n’a donc pas toute l’activité, les hommes inspirés gardent la leur. Saint Justin n’a donc pas eu « ce concept exagéré d’après lequel les prophètes étaient dans une passivité trop absolue. » L’inspiration de l’Ancien Testament chez saint Irénée, dans la Revue biblique, juillet et octobre 1917, p. 494-495. L’action du Logos n’exclut pas l’activité des prophètes qui n’étaient pas de simples transcripteurs d’une dictée, mais des rédacteurs intelligents de ce qu’ils avaient vu et entendu. Cf. F. Leitner, Die Prophetische Inspiration, Fribourgen-Brisgau, 1896, p. 113-114.

Si la Cohorlatio n’est pas de saint.Justin, elle énonce l’opinion de l’époque. Or, elle dit : « Le plectre divin descend du ciel, se servant des hommes justes comme d’une guitare ou d’une lyre, il nous révèle la connaissance des choses divines, » 8, P. G., t. vi, col. 256-257. La même comparaison est employée par Athénagore. Les prophètes ont parlé de Dieu et des choses divines par l’Esprit divin, qui se servait de leurs bouches comme d’organes. Ils parlaient xar’ëxaTaaiv, xivvjaavTOÇ aÙTOÙç -où 6etou TTvsûpiaTOi ;. Et comment l’Esprit agissait-il sur eux ? Huyyp-^crafjiÉvou TOÙ TTveûiJiaTOi ; ùirszi y.aX aùXY)Tr, < ; aù>, ôv è|i.Tcveùaai. Legatio pro christianis, 7, 9, P. G., t. vii, col. 903, 907. "Au sentiment de Reuss, Histoire du canon des saintes Écritures, 2e édit., Strasbourg, 1864, p. 50-51, et de J. Delitzsch, De inspiratione Scriptune sacrse quid statuerint Paires apostolici et apologetæ secundi sœculi, Leipzig, 1872, p. 45,.Justin et Athénagore compaiaient l’inspiration des prophètes à la mantique païenne, et ils avaient emprunte à Philon la comparaison de la lyre, vibrant sous l’archet céleste. M. O’Reilly adopte cette explication. Loc. cit., p. 494. Or, l’auteur de la Cohorlatio, tout en admettant l’extase des prophètes quand ils vaticinaient, sinon quand ils écrivaient, les distingue cependant de la Sibylle et des devins païens qui, eux, ne comprenaient rien de ce qu’ils disaient durant leur extase et qui ne se souvenaient plus, l’inspiration ayant cessé, de leurs oracles,

37, col. 308-309. I^es prophètes d’Israël ne parlaient pas d’eux-mêmes sans doute, mais par un don de Dieu : toutefois, ils enseignaient ce qu’ils avaient appris de Dieu, 10, col. 261 ; ils s’en souvenaient donc, quand ils prononçaient les oracles divins et quand ils les écrivaient. Or, ils les écrivaient sous l’inspiration du Saint-Esprit, 12, col. 264, et c’est cette inspiration qui est comparée à l’action d’un archet sur un instrument de musique. L’archet était céleste et divin ; la lyre ou la cithare étaient-elles des instruments purement passifs c.onnne la Sybille et les devins païens ? Non. Il faut se souvenir que toute comparaison cloche et par suite ne pas trop presser la comparaison des écrivains sacrés à des instruments de musique, eût-elle été empruntée à Philon, Quis rerum divin, ., 53 (ce qui n’est pas prouvé, d’autant que Philon disait que le prophète n’avait pas conscience des oracles qu’il proférait. De monarchia, 3). Il faut tenir compte de la différence des deux termes de la comparaison. De leur nature, une lyre, une guitare sont des instruments muets et privés de raison ; les prophètes étaient doués d’intelligence et du langage. Si l’artiste fait vibrer la lyre et en tire un son harmonieux, l’Esprit Saint, en agissant sur les prophètes et les écrivains sacrés, les poussait à parler et à écrire et, quand ils écrivaient, il se servait de leurs facultés naturelles, de leur intelligence, pour qu’ils exprimassent, sous son inspiration céleste, ce qu’il voulait révéler aux hommes des choses divines par le moyen de ces instruments intelligents, qui n’étaient pas purement passifs sous son action, mais qui y coopéraient pour écrire ce que l’Esprit leur avait suggéré ou révélé.

Du reste, la comparaison des écrivains sacrés à des instruments de musique n’est pas exclusivement propre à ces deux écrivains du iie siècle ; elle a été répétée dans les siècles suivants, sans que les écrivains ecclésiastiques qui l’employaient, l’aient pressée outre mesure et lui aient donné le sens de pure passivité qu’y voient certains historiens modernes de l’insjjiration. Saint Théophile d’Antioche fait des prophètes des Ôpyava ôeoù. Ad Aul., t. II, c. x, P. G., t. vj, col. 1065. Il ne les considère pas comme des instruments purement passifs, puisque, selon lui, ils reçoivent la récompense de leur coopération, en comprenant la sagesse de l’Esprit. C. ix, col. 1064. Saint Hippolyte compare la façon dont le Verbe de Dieu, avant son incarnation, se manifestait aux prophètes de l’ancienne loi à l’action d’un musicien sur un instrument de musique : les prophètes étaient comme les cordes d’un tel instrument, et le Verbe était l’archet, qui les faisait mouvoir et les poussait à annoncer aux autres les volontés divines. De Christo et Antichristo, 2, édit. Achelis, Leipzig, 1897, p. 4. Mais il explique longuement la nature de cette motion divine : d’abord, le Verbe leur donnait la sagesse, puis il leur enseignait l’avenir par des visions ; ainsi instruits, ils disaient ce que Dieu leur avait révélé et qui était caché aux autres. Les prophètes ne disaient donc que ce qu’ils avaient vu en esprit, et c’est pourqnoi ils étaient appelés « voyants ». Si Dieu leur enlève la liberté, c’est seulement celle de se taire, car il les oblige par l’Esprit Saint à parler, et ceux qui ont reçu l’inspiration de l’Esprit du Père annoncent le dessein et la volonté du Père. Contra hæresim Noeti, 11, P. G., t. X, col. 820.

Clément d’Alexandrie appelle encore les prophètes Ôpyava Œiaç (pciVTjÇ. Slrom., VI, c. xviii, P. G., t. viii, col. 401. Il n’admet pas pour autant que leurs paroles étaient formées par Dieu dans leur bouche, car il reproche aux hérétiques de s’en tenir aux mots bruts de l’Écriture pour en chercher le sens, VIT, c. xvi, col. 533.

Saint Jean Chrysoslome, lui-même, reprend à son 2jni

INSPIRATION DE L’ECRITURE

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compte la comparaison de la lyre, et il l’applique non plus aux prophètes de l’ancienne alliance, mais bien aux écrivains inspirés du Nouveau Testament. « La langue de saint Jean parlait par le mouvement de la grâce divine, et son âme était comme une lyre que le Saint-Esprit touchait. » In Jnn., homil. i, n. 1, 2, P. G., t. lix, col. 25, 26. Saint Paul était xb aTÔjxa toû XpiCTTO’j, yj X’jpa -où IIve’JfxaTOç. De Lazaro, conc. vi, n. 9, t. xlviii, col. 1041. Sa’oix était i] Gilmyt èxTtôv oûpavwv, v) Xûpa 7) Tcveu|i, aTtxy]. Ad populiim Anliochenum, homil. i, n. 1, t. XLix, col. 18. La comparaison perd sa signification passive et prend une allure active qu’elle a encore sous la plume de Théodoret, quand il dit que saint Paul a été l’ôpyocvov de la grâce du Saint-Esprit, In Epist. ad Rom., xii, 3, P. G., t. lxxxii, col. 188, et quand il appelle l’apôtre [AsydcX-/] to’j IIveù[ji.aTOç odcXTriyÇ. Dial., III, t. lxxxiii, col. 256. On n’a donc pas attendu le xxe siècle pour donner à cette comparaison une signification très juste, comme le dit M. O’Reilly, p. 495-496. De cet ensemble je suis porté à conclure que, dans son emploi primitif, la comparaison avait un sens très acceptable et ne présentait pas l’inspiration prophétique comme une action « mécanique » de l’Esprit Saint sur les prophètes, et que, quand elle était appliquée aux écrivains sacrés, elle marquait exactement le double rôle de l’Esprit et des inspirés, le premier étant initiateur et révélateur, le second convenant à des collaborateurs intelligents et soumis. Bref, elle exprimait, en termes imagés, ce que saint Thomas d’Aquin dira au xiiie siècle, sans métaphore et en termes scolastiques très expressifs : Spiriliis est auctor principedis sacnv Scripturæ, Iwmo inspiralus est instrumentum. Qiwdlib., VII, a. 16 ; De potentia, q. IV, a. 4, n. 8 ; Stim. Tiwnl., I^, q. i, a. 10.

2o L’auteur de la Cohortutio et Athénagore avaient dit que les prophètes étaient en extase au moins quand ils recevaient les communications divines. Cette explication, empruntée à Philon, n’a pas été universelle au ne siècle. Saint Irénée n’en parle pas, en traitant de l’inspiration prophétique. Puisque l’Esprit de Dieu annonçait l’avenir par les prophètes, il était nécessaire que ceux-ci vissent Dieu, sinon face à face, du moins dans une image de sa gloire. Cont. hxr., t. IV, c. xx, n. 8, P. G., t. VII, col. 1037. Mais quand ils avaient vu Dieu, comment agissaient-ils ? Ils annonçaient favenir de différentes manières, non seulement par la parole, mais encore par la vision et par la conversation et par leurs actions, secundum id qiuid suggerebat Spiritus. Or, quand ils annonçaient le Christ, quæ quidem videnda erant visibilitcr videntes, quai vero audienda erant, sermone præconantes, qiiæ vero agenda erant, operatione perficientes. universa vero prophelice annuntiantes. Et l’évoque de Lyon tire de l’Écriture des exemples de ces diverses manières de prédire l’avenir, col. 1037-1043. En tout cela, les prophètes avaient une part d’activité. Quant à leur état au moment de la révélation que Dieu leur faisait de l’avenir, s’ils avaient été en extase lors de leurs vivions des choses célestes, revenus à eux-mêmes, ils se souvenaient de ce qu’ils avaient vu et entendu et ils l’annonçaient aux autres. L. II, c. xxxiii, n. 3, col. 832. Ils n’étaient donc pas hors d’eux comme les devins païens, puisqu’ils gardaient fusage de la mémoire. Si, pour Irénée, les Écritures sont de FEsprit, si elles sont les paroles du Christ, t. IV, c. ii, n. 3, col. 1001, elles sont aussi les paroles de Moïse et des prophètes. La pensée d' Irénée n’a donc pas toute la portée que lui attribue M. O’Reilly, loc. cit., p. 496-499, 506-507. La distinction entre révélation et inspiration dans l’Ancien Testament n’est pas inconnue de saint Irénée, bien qu’il ne l’énonce pas explicitement. Il faudrait dire au moins que le prophète hébreu écrivait sous l’inspiration du Saint-Esprit ce qu’il avait appris par

les différents modes de la révélation divine, et en cela ses facultés naturelles, avaient un autre rôle que celui de la simple mémoire.

D’ailleurs, M. O’Reilly reconnaît que saint Irénée a nettement distingué, dans les écrits du Nouveau Testament, la révélation, qui venait de Jésus-Christ, de l’inspiration des apôtres, qui prêchaient et mettaient par écrit cette révélation. Par la volonté de Dieu, Matthieu et Jean ont rédigé l’Évangile qu’ils avaient prêché. Marc a consigné la prédication de Pierre, et Luc cellede Paul, ibid., t. III, c. i, col. 844 sq., en y ajoutant ce qu’il avait appris des autres apôtres. L. ill, c. XII, n. 2, col. 232 ; cꝟ. t. IV, præf., n. 3, col. 974. Le livre des Actes est une Écriture. L. III, c. xii, n. 5, col. 897. Saint Luc, son auteur, a rapporté la doctrine des apôtres Pierre et Paul, de leurs disciples et de fÉglise primitive, mais il a aussi narré ce qu’il avait vu et entendu. L. III, c. xv, n. 1, col. 917.

Or, aucun des écrivains du Nouveau Testament, hormis l’auteur de l’Apocalypse, n’était prophète. Ils n’avaient donc pas appris par révélation ce qu’ils écrivaient, et cependant ils étaient inspirés, en écrivantrSous l’action inspiratrice, ils jouissaient de leurs facultés naturelles et ils les mettaient en exercice Aussi saint Paul fait-il dans ses Épîtres, beaucoup d’hyperbates, à la fois propter velocitatem sermonum suorum et propter impetum qui in ipso est Spiritus. L. III, c. VI, n. 2, col. 863.

Quant à l’extase prophétique, telle que l’admettaient les premiers théologiens, elle fut bientôt formellement exclue par leurs successeurs, à cause des excès des montanistes. Ces hérétiques annonçaient une nouvelle économie, différente de celle du Père sous l’ancienne loi et de celle du Fils sous la nouvelle loi, l’économie du Saint-Esprit. Or, la nouvelle économie avait, comme les précédentes, ses prophètes et même ses prophétesses. L’Esprit s’emparait subitement du nouveau prophète, le ravissait en extase, et le prophète, hors de lui, avait des visions et publiait ce qu’il avait vu. Saint Épiphane a transcrit les paroles de Montan qui décrivait cet état extatique : 'ISoù avOpcoTcoç ôiCTEt. Xùpa xàyôi ÏKZ&.iiot.i wcrsl TTXrJK-pov. 'O àv6pcoTîoç xoifxôtTai, xàyà) yprjyopôj. 'ISoù Kùpioç èoxiv 6 èxcTTclcvcov KotpSîaç àvOpcÔTTcov, xal SiSoùç xapStaç a v6poj7roiç. Hwr., xlviii, n. 4, P. G., t. xli, col. 861. C’était la doctrine primitive sur l’inspiration extatique. Tertullien, devenu montaniste, distinguait bien les divers modes des colloques divins du Christ avec les prophètes : la vision, le songe, le miroir et l’énigme, Adv. Praxeam, c. xvii ; P. L., t. ii, col. 174175, mais il admettait l’état extatique des prophètes. Il définissait l’extase Spiritus viiii, prophétise operatricem. De anima, c. xt, xxi, col. 665, 684 ; excessum mentis et amentiæ instar. Il disait qu’extasis animw accessit aduersus quietem. C’était une folie, qui nec exterminât, sed avocat mentem, et qui agite. Ibid., c. XLV, co}. 724, 726. L’âme, cum vaticinatur, cumfurit, ab atio movctur c.vi, col. 695, Comme Pierre au moment de la transfiguration de Jésus, l’homme, saisi par l’Esprit, ne savait pas ce qu’il disait ; il avait nécessairement perdu le sentiment et il était couvert par l’ombre de la vertu divine. Adv. Marcionem^ t. IV, c. xxii, col 413. Les véritables prophètes étaient pour lui dans le même état extatique que Montan et que ses prophétesses.

L’inspiration désordonnée et excentrique des prophètes montanistestament les docteurs chrétiens à distinguer l’in-spiration des anciens prophètes d’Israël et des écrivains sacrés, de celle des nouveaux prophètes. Le rhéteur Miltiade avait composé un traité intitulé : IIspl toû ii.7) Seïv npocpriTy^v Iv ïy.r ! -é.azi XocXeïv. Les catholiques exclurent de la véritable prophétie et de l’inspiration divine l’extase ou la priva

tion du sentiment et de l’intelligence, et la folie furieuse. Ils enseignèrent que les prophètes et les auteurs inspirés savaient ce qu’ils disaient et comprenaient ce qu’ils écrivaient. L’action inspiratrice de l’Esprit Saint ne les ravissait pas hors d’eux-mêmes et leur laissait, au contraire, le libre usage de leurs facultés naturelles. Cf. Leitner, op. cit., p. 114-132.

3o Les docteurs de l’école d’Alexandrie expliquaient par la prophétie la nature de l’inspiration scripturaire et bien qu’ils aient adopté la théorie de Philon sur l’extase des prophètes, ils maintenaient qu’elle n’enlevait pas aux auteurs inspirés l’exercice continuel de leurs facultés intérieures. Clément avait écrit un traité IIspl — poçyjTeLaç, qui est perdu et qui nous aurait fait connaître toute sa pensée sur ce sujet. Il attribue au Saint-Esprit tout ce que les prophètes ont dit : c’est lui qui parle, qui prédit, qui perle des défenses, qui rend témoignage, etc., par les prophètes.

Origène décrit l’action de l’Esprit inspirateur sur les prophètes par les expressions de ceux-ci pour indiquer leur inspiration. L’Esprit de Dieu est tombé sur eux ; la parole de Dieu leur a été adressée, ils ont eu des visions ; ils ont reçu la parole de Dieu. In Num., ht>mil. XV, n. 1, P. G., t. xii, col. G84. Ils avaient des visions ou des songes. Dans la vision, leur intelligence, éclairée par le Saint-Esprit, pensait et saisissait les similitudes des choses, les signes des vérités ; puisqu’une âme, unie à un corps, ne peut rien voir plus clairement. Selccia in Ezech., x, t. xiii, col. 801. En songe, les vérités divines ou l’avenir leur étaient manifestéts clairement ou obscurément, parce que, dans le sommeil, l’intelligence seule perçoit, Cont. Celsuni, t. I, n. 48, t. xi, col. 748-749. La vision reçue, le prophète devait prédire par l’esprit ce qu’il avait vu. In Ezech., homil. ii, t. xiii, col. 682. Son état prophétique était donc autre que celui de la Pythie. Celle-ci, chaque fois qu’elle croit rendre des oracles sous l’inspiration d’Apollon, accomplit des actions honteuses. Elle est hors d’ellemême et en fureur au point qu’elle ne peut pas se tenir. Cela ne peut pas être l’œuvre du Saint-Esprit. Celui qui est inspiré par le Saint-Esprit est plus perspicace que les plus doctes, quand la divinité est avec lui. Aussi les prophètes des juifs, éclairés par le Saint-Esprit, ont eu, par le contact de cet Esprit, l’esprit le plus perspicace et l’âme la plus splendide. Si, en vaticinant, la Pythie est hors d’elle-même, il faut en conclure que c’est l’esprit de ténèbres qui l’anime. Cont. Celsum, t. VII, n. 3, t. ix, col. 1425. Les prophètes comprenaient donc tout ce qu’ils disaient. Cf. Leitner, op. cit., p. 139-147 ; F.Prat, Origène, p. 120-121.

Pour Didyme, l’annonce de l’avenir n’est qu’un des modes dont quelques hommes divinement inspirés ont prédit les mystères du Christ. In Actus apostolorum, III, 21, P. G., t. xxxix, col. 1661. Quant à l’état des prophètes, tandis qu’ils annoncent l’avenir, Didyme réfute l’erreur des montanistes, qui prétendent que les prophètes, agités par le_ Saint-Esprit, ne comprennent pas ce qu’ils disent, tant que dure l’impulsion propht tique. Le mot excTactç a plusieurs sens : il signilie ou bien la stupeur produite par l’admiration, ou bien la privation de l’usage des sens pour s’appliquer aux choses spirituelles, ou bien même encore le délire, qu’il n’est pas permis d’attribuer aux prophètes. Tous comprenaient ce qu’ils annonçaient aux autres ; c’étaient des sages, qui savaient ce qu’ils disaient. Ibid., x, 10, col. 1677 ; In Epist. II ad Cor., V, 12, col. 1704-1705.

Juhenl’Apostat comparait les prophéties del’Ancien Testament aux divinations païennes qui portaient sur peu de points et avaient cessé chez les Hébreux et les Égyptiens. Saint Cyrille d’Alexandrie, qui nous l’apprend, Cont. Juliunum, t. II, P. G., t. xxvi, col. 508, réfute cette comparaison. Les faux devins,

il est vrai, simulaient la fureur divine et l’élan prophétique pour vendre facilement leurs mensonges. Mais quelle qu’ait été d’ailleurs la manière de leur imposture, ils étaient agités par l’esprit diabolique qui a cessé d’agir après la naissance du Christ, comme l’esprit prophétique lui-même a cessé chez les Hébreux, puisque le Christ a été la fin de la loi et des prophètes. Mais tous les anciens prophètes juifs furent saints et connurent l’avenir par une connaissance que Dieu leur communiqua par le Saint-Esprit, et c’est ainsi qu’ils proclamèrent les mystères du Christ. Après la venue du Christ, la grâce de l’ancienne prophétie a cessé sans doute, cependant maintenant encore Dieu inspire aux saints la coimaissance de l’avenir quand il le veut ; Julien ne peut donc pas dire que l’Esprit a fait défaut, car nous avons reçu une nouvelle grâce. L. III, col. 673. Dans ses autres ouvrages, saint Cyrille a abondamment décrit l’action du Saint-Esprit sur les vrais prophètes d’Israël. Recevoir une prophétie, c’est recevoir la parole de Dieu. Les prophètes recevaient, en effet, la connaissance de l’avenir par le Saint-Esprit ; ils ne la prenaient pas de leur propre cœur, qui peut-être aurait réprouvé ce qu’ils annonçaient ; mais ils ne disaient rien de faux, ne manifestant que ce que Dieu leur avait appris. Leurs discours étaient sincères et sans reproche. In Mcdachiam, tom. i, P. G., t. lxxi, col. 280. Les paroles qu’ils proféraient, ils les entendaient (le Saint-Esprit les leur révélait) ; ils les voyaient même, car Dieu les leur manifestait et les leur rendait, pour ainsi dire, présentes, de sorte qu’ils voyaient avant sa réalisation ce qu’ils annonçaient. In Amos, tom. 1, 11 ; tom. iii, iv ; In Michœam, t. lxxi, col. 409, 544, 561, 600 ; In Isaiam, t. I, t. lxx, col. 13. Les faux prophètes parlaient d’eux-mêmes et ils ne disaient pas ce qu’ils avaient entendu de la bouche de Dieu, et ils osaient feindre d’avoir reçu le don de prophétie. In Sophoniam, t. lxxi, col. 993 ; In Joa., t. I, t. lxxiii, col. 133. Ils mentaient donc contre la vérité, et la non-réalisation de leurs oracles en démontrait la fausseté. De adoratione in spiritu et veritate, 1 VI, t. lxviii, col. 429, 432. Les prophètes étaient inspirés, même, pour écrire les histoires. In Isaiam, t. I, t. lxx, col. 192. Quand ils rédigeaient les révélations qu’ils avaient reçues de Dieu, ils avaient leur part d’activité. La parole par laquelle ils exprimaient ce qu’ils avaient vu et entendu sortait de leur bouche, et ils avaient coutume de la voiler de quelque obscurité. In Isaiam, t. III, t. LXX, col. 609 ; In Amos, n. 75, t. lxxi, col. 552. L’Écriture, en effet, est un livre scellé par Dieu. In Isaiam, t. III, t. lxx, col. 656, 657. Doué de la grâce prophétique, l’auteur du ps. xxxix a proféré ses bonnes paroles comme si elles sortaient du bon trésor de son cœur, de telle sorte toutefois qu’elles ne fussent pas étrangères à la personne du Fils unique de Dieu. In ps. xxxix, t. lxix, col. 988. De même, bien que saint Jean et saint Paul aient été inspirés par le Saint-Esprit, saint Cyrille loue la prudence et la perspicacité de l’esprit du quatrième évangéliste à exposer la doctrine du ^'erbe, In Joa., t. I, c. ii, ix, x, t. lxxiii, col. 32, 148, 176 ; il lui attribue d’expliquer ce qu’il avait d’abord indiqué sonunairement, t. I, c. X, col. 134 ; de ne prendre aucune précaution dans son récit, t. V, c. i, col. 745 ; de s’étonner de ce que Jésus ait pleuré, 1. VII et VIII, fragm., t. lxxiv, col. 56. Jean a écrit l’Évangile, t. XII, col. 745. Saint Paul a été prolixe. In Epist. ad Rom., col. 813. Il manque à la construction de sa phrase quelque chose qui exprimerait pleinement sa pensée. Ibid., col. 817. Ailleurs, saint Cyrille admire la bonté de l’apôtre qui rédige si bien les paroles que Dieu nous dispense. Ibid., col. 848. L’inspiration et même la révélation n’empêchaient donc ni les écrivains sacrés ni les prophètes d’avoir leur part personnelle dans la rédaction de

leurs écrits prophétiques ou inspirés. Pour saint Cyrille, les Livres saints n’étaient donc pas rédigés sous la dictée du Saint-Esprit.

4o L’école exégétique d’Antioche, qui recherchait, avant tout, dans l’Écriture le sens littéral, a eu aussi une doctrine propre sur la nature de l’inspiration scripturaire. Il est nécessaire toutefois de séparer celle de Théodore de Mopsueste, le plus ancien de ses représentants dont les écrits nous soient parvenus, de celle des autres membres de cette école.

1. Tout en admettant que les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament provenaient du même Dieu, du Dieu unique, créateur de toutes choses, In Jonam, proœm., P. G., t. lxvi, col. 317, Théodore cependant rejetait hors du canon biblique Job, le Cantique, les Paralipomènes, Esdras et Néhémie, Esther, Tobie, Judith, la Sagesse, les deux livres des Macchabées, l’Épître de saint Jacques, la IP de saint Pierre, la II « et la III" de saint Jean, celle de Jude et l’Apocalypse. In Nahum, i, 1, col. 401. S’il tient comme inspirés tous les autres livres bibliques qu’il garde dans son canon, il ne leur attribue pas le même degré d’inspiration. L’Esprit inspirateur, qui communiquait tout aux écrivains sacrés, ne le faisait pas pour tous de la même manière ; il aidait diversement leurs facultés selon l’importance de l’ouvrage qu’il leur , faisait rédiger. Cela résulte de I Cor., xii, 6, 8, 11. Le verset 8 fournit le catalogue xapi.a[i, âTcov et permet de distinguer le discours de sagesse et le discours de science. Ibid. En composant de lui-même et pour l’utilité des autres les Proverbes et l’Ecclésiaste, Salomon n’a pas reçu la grâce de prophétie, mais seulement celle de prudence. Voir le 65" fragment de Théodore, lu au V" concile œcuménique, IP de Constantinople, en 553, qui énonce cette distinction. Mansi, Concil., t. ix, col. 223 ; P. G., t. lxvi, col. 697. (Il faut remplacer Ecclesiaslica du texte par Ecclesiastes, leçon de nombreux manuscrits.)

Cette distinction établie, Théodore a exposé, non pas a priori, mais d’après les multiples indices qu’il a relevés dans les écrits des prophètes, une théorie complète de la prophétie. Il range Moïse et David au nombre des prophètes, et on a compté que l’épithète de prophète est jointe 200 fois au nom de Moïse et 128 fois à celui de David. Le Pentateuque est l’œuvre du Saint-Esprit, et Moïse n’a pas écrit la Genèse comme il l’a voulu, mais comme le Saint-Esprit le renseignait. Cf. Kihn, Theodor von Mopsuesiia, p. 94. Les psaumes de David ont été composés par lui, son intelligence ayant reçu une illumination céleste et sa volonté un avertissement spirituel. In Oseani, i, 1, col. 123. Or, les prophètes ont connu leurs prédictions par une révélation divine. Ils désignent eux-mêmes dans leurs écrits l’action du Saint-Esprit sur eux indifféremment par les termes : parole de Dieu, vision ou audition. Ces mots ont, en effet, le même sens. Et en voici la raison : Aôyov yàp toù Kuptou tyjv èvépYei.av ôyofxdc’^et. Toû 6eo’j, xa6’yjv t^ TTveu(i.a- : ix7^ yjxçiii -àç àiroxa-Xinlietç ot TrpoçTÎTai Tcôvsaqi.Évtùv èSs)(ovTO’xai ôpocoiv, TO aÙTO S/] toGto xaXeï t7)v à7roxâX’Ji| ; t.v ty]v Ostav, xa6’T^v èyéveTO aùxoiç twv àSrjXcov Sé^STOai Trjv Yvûmv ÈTreoS/] yàp xal ôecopîaç xivàç à7 : oppY)Twç81à -rç, ttvsufiaTixîiç èvepyeîaç ItcItyjç 4o-*XiÇ sSsxovto tt^ç oîxetaç ol Tcpotp^rai, xal t’Jjv SiSaax-xXîxv xwv è(70jjt.évwv wç Trapde Tivoç XocXùÎIvtoç ûttyjxouov, xaxà xt)v £yyivo[xév7]v aùxolç £^)épy^^avlJTC6 xoû Ilve’JiJ.axoç xoû àyCou Sià xoùxo xal ôpaotv aùxo xal Aôyov Kupîou xaXsï’xal àxoyjv Se cjç elxo !  ;, … wa-ep àxo-Jj xivi SexoiJiévwv xtjv yvwaw. In Ahdiam, , 1, col. 308.

La révélation divine, faite aux prophètes, n’était pas un don permanent, elle ne leur était accordée qu’aux temps divers, auxquels ils recevaient la connaissance de l’avenir et donnaient leurs oracles. In

Oseam, i, 1 ; iii, 1, col. 125, 144. Mais il est croyable que tous recevaient dans l’extase la connaissance des choses les plus sublimes. Il fallait, en effet, que leurs intelligences fussent éloignées de la nature présente, pour qu’elles pussent s’appliquer à la révélation qui leur était faite de l’avenir. L’intelligence humaine n’est pas capable de bien s’occuper en même temps de plusieurs choses. Théodore compare cette extase au sommeil, durant lequel se forment les songes ; l’intelligence des prophètes émigré loin des choses de la terre, et placée sous la grâce du Saint-Esprit, elle contemple les choses qui lui sont présentées. Or, il arrivait parfois que, pendant l’extase, les prophètes étaient instruits par la grâce du Saint-Esprit de telle sorte qu’il leur semblait entendre quelqu’un leur parler et les renseigner, et ainsi ils étaient mis au courant des choses qu’ils avaient besoin de connaître. Parfois aussi, après une vision, ils entendaient réellement une voix qui leur parlait. D’autres fois, le prophète croyait voir quelque chose, précisément ce qu’il avait besoin d’apprendre par cette voie. La puissance de l’Esprit inspirateur était dite « la main du Seigneur » par laquelle Dieu atteignait, pour ainsi dire, l’intelligence du prophète et lui livrait la doctrine nécessaire. La manière dont cette puissance s’exerce est diteXî)[i.[X’x. Parfois, en effet. Dieu tournait subitement l’intelligence des prophètes sur ce qu’il voulait leur montrer, et ainsi ils recevaient avec un grand respect la science de l’avenir. La grâce du Saint-Esprit les avait saisis soudain et avait dirigé leur intelligence à la contemplation de ce que Dieu voulait leur montrer. In Nahum, I, 1, col. 404. Théodore de Mopsueste expose cette doctrine presque à chaque page de ses commentaires sur les prophètes. S’il exigeait l’extase dans la communication prophétique, il la ramenait au simple repos des sens extérieurs pendant que l’intelligence écoulait Dieu ou recevait ses communications.

Mais tous les livres inspirés n’avaient pas été écrits avec le don de l’inspiration prophétique. Salomon n’avait rédigé les Proverbes et l’Ecclésiaste qu’avec le don de sagesse ou de prudence ; il n’était pas prophète, mais un sage que le Saint-Esprit inspirait. Sa sagesse était surnaturelle, elle consistait en une illumination de l’Esprit. Elle ne lui donnait pas de scruter l’avenir ; elle lui servait seulement à instruire ses contemporains. Elle était donc notablement inférieure à l’inspiration prophétique. Cf. H. Kihn, Theodor von Mopsuesiia, etc., Fribourg-en-Brisgau, 1880, p. 93115 ; Leitner, op : cit., p. 154-159 ; L. Pirot, L’œuvre exécjélique de Théodore de Mopsueste, p. 159-175.

Les autres membres de l’école d’Antioche, nous le dirons bientôt, n’ont pas adopté l’enseignement de Théodore de Mopsueste sur les divers modes d’inspiration. Cet enseignement s’est conservé seulement, dans une certaine mesure, chez les nestoriens de Nisibe. Le persan Paul, qui avait enseigné dans cette ville, le livra, au vi<e siècle, à Junilius Africanus, qui était, non pas évêque, mais simplement maître des offices ou questeur du sacré palais à Constantinople. Junilius l’énonça dans ses Inslituta regularia divinæ logis. Il distinguait dans l’Écriture quatre manières de dire : l’histoire, la prophétie, le proverbe et le simple enseignement. L’histoire était le récit des choses passées ou présentes. Quand Moïse rapporte des prophéties, des révélations de l’Espr it et des paroles divines, il le fait comme historien. La prophétie est rerum latenlium prælerilarum aut pra’senfium aui futurarum ex divina inspiralione manifesiatio. C’est la manifestation de choses qui sont cachées en tout temps. Pour être scripturaire, la prophétie doit être faite par Dieu. Tout ce que les livres propliétiques contiennent n’est pas prophétie ; on y trouve des faits racontés pour prouver la prophétie, et aussi des pro

verbes et de simples enseignements. Les Proverbes et les livres de simple enseignement contiennent aussi, mais non principalement, d’autres manières de parler.

Quant aux Livres saints, les seuls livres d’autorité parfaite dans ces quatre manières de parler, sont les livres protocanoniques de l’Ancien et du Nouveau Testament. Les deutèrocanoniques, ajoutés par quelques-uns, sont de moyenne autorité. Ce ne sont que des livres de la religion catholique". Si nous ignorons absolument les auteurs de quelques-uns de ces livres, c’est par une dispensation de Dieu, ut alii quoqiie divini libri non auctorum merilo, sed Sancli Spirilus gratia tantun ciilmen auctorilulis oblinuisse noscaniur. L. I, c. iv-viii, P. L., t. lxviii, col. 15-20 ; Kihn, Theodor von Mopsuestia und Junilius Africanus als Exegeten, p. 473-481.

2. La plupart des autres représentants de l’école d’Antioche n’ont pas accepté l’opinion de Théodore de Mopsueste, sur les divers degrés de l’inspiration. Ils l’ont réfutée directement. Théodoret, évêque de Cyr, tient le Cantique pour inspiré, quoiqu’il refuse de décider s’il a été écrit prophétiquement. In Cani., prœf., P. G., t. lxxxi, col. 29, 32. Peu lui importe de connaître ou d’ignorer les auteurs des Psaumes, puisque ces hymnes ont été divinement inspirés. In psalmos, præf., t. lxxx, col. Sfil. Cependant, quand il sait par le titre qu’un psaume est de David, il parle couramment du praphète David. Il conserve la théorie de Théodore de JMopsueste sur la prophétie, révélation extérieure qui exige l’extase du prophète. Dieu se sert de la langue du prophète comme d’un organe. In Abdiam, 1, t. lxxxi, col. 1712. Le prophète ne parle pas de son propre mouvement, sa langue est au service d’un autre, et elle a la même action que le calame, dont le scribe est la grâce du Saint-Esprit. In ps. XLiv, 2, t. lxxx, col. 1188 ; In ps. ciii, 1, col. 1693. La prophétie est une vision, un 'kîi]j.i’x ; les voyants voient en songe ou en veille, les autres parlent et annoncent l’avenir par le Saint-Esprit qui agit par eux. Quæst. in IV Reg., q. xxxi, col. 768. La vision se faisait, non par les yeux du corps, mais par ceux de l’esprit. Queest. in I Reg., q. xvii, col. 549 ; In Ezech., i, 2 ; iv, 23, 24 ; viii, 3 ; xxxvii, 1, t. lxxxi, col. 820, 852-853, 881, 1189. Le Saint-Esprit éclairait l’intelligence du prophète. In Ezech., XL, 2, col. 1220, et de, même que les yeux du corps, quand ils sont sains, voient ce qui est placé devant eux, ainsi l’intelligence du prophète, éclairée par la grâce du Saint-Esprit, voyait les choses absentes comme si elles étaient présentes. In Isaiam, i, 1, col. 217. A certains prophètes l’Esprit faisait entendre un son, pour qu’ils crussent entendre un homme leur parler. Il inspirait d’autres du soufïle prophétique pour que leur langue dît ce qu’il voulait leur faire dire. La grâce prophétique saisissait soudain leur intelligence et les éloignait de toutes les choses humaines, pour qu’ils donnassent toute leur attention aux paroles prophétiques qu’ils devaient prononcer. Ce ravissement de l’intelligence était appelé un Xrj(j(, |i.a de l’Esprit. In Nahum, I, 1, col. 1789 ; 7/1 Habacuc, i, 1, col. 1812. Le repos du prophète le rendait apte à contempler les choses divines, quand son intelligence, délivrée de tout souci extérieur, n’était distraite par rien et pouvait mieux percevoir les choses divines. In Ezech., t. II, col. 852. La grâce de la prophétie n’était accordée qu’à ceux qui en étaient dignes. Débora la reçut, parce qu’aucun homme de son temps n’en était digne. Quæst. in Jud., q. xii, t. LXXX, col. 497. Saiil, qui en était indigne, ne prophétisa pas comme les autres, Qiiu’sl. in I Reg., q. L, col. 513, et il fut agité par le démon conune les faux prophètes et les Corybantes. Qua-st. in I Reg., q. XLvi, col. 569. Les faux prophètes disaient des mensonges, parce qu’ils ne participaient pas à

l’Esprit de Dieu. In Jer., v, 13, t. lxxxi, col. 537.

Saint Jean Chrysostoine ne s’occupe guère non plus que de la prophétie. Les prophètes ne proféraiert pas leurs oracles d’un seul coup, mais aux moments différents de leur inspiration, In Isaiam, ii, 1, P. G., t. lvi, col. 27, selon que l’Espiit les faisait parler. Dieu n’excitait pas perpétuellement leur âme, la grâce du Saint-Esprit n’agissait pas constamment en eux ; l’Esprit se taisait parfois et il n’avait pas coutume d’inspirer des hommes impurs. In illud : Vidi Dominum, hom].v, t. Lvi, col. 29. Le prophète, délivré de ses péchés, recevait la grâce du Saint-Esprit et proférait une bonne parole. Pour montrer que ce qu’il disait ne venait pas de l’étude, mais de l’inspiration divine qui l’incitait, le psalmiste nommait son poème une prophétie. L’Esprit-Saint mouvait l’intelligence du prophète qui ainsi différait des devins. Quand le démon envahit une âme, il la prive d’intelligence et il obscurcit sa pensée et sa raison, et le devin ne comprend rien de ce qu’il dit, comme si une llùte inanimée parlait. Le Saint-Esprit n’agit pas de la sorte, il permet que le cœur du prophète comprenne ce qu’il dit. Aussi le psalmiste dit de nouveau que ce qu’il chante n’a pas été pensé ni composé par l’homme, mais qu’il provient de la grâce divine et que lui-même ne prête que sa langue. Sa plume écrit ce qu’ordonne la main qui le tient lui-même. Il n’éprouve ni ignorance ni hésitation, car la grâce du Saint-Esprit, comme une eau impétueuse, marche avec une grande célérité et rend son œuvre facile, égale et prompte. In ps. XL, n. 1, 2, t. LV, col. 183-185. Cf. In ps. CXLV, n. 2, col. 520. Le psalmiste n’a besoin ni de considération personnelle, ni de méditation, ni de travail. In ps. cxLV, n. 2, col. 521. Si le devin perd l’esprit, souffre violence et entre comme en furie, le prophète n’est pas dans cet état : son intelligence veille, et sait tout ce qu’elle dit. //) /^'" ad Cor., homil. xxix, n. 1, t. lxi, col. 241. Celui qui parle par le Saint-Espiit, n’a pas à travailler, il diffère donc du savant qui disserte sur ce que le savoir humain lui a appris. Ibid., homil. xxxii, col. 265. Cependant le prophète pense dans son esprit aux merveilles que Dieu a opérées, pour s’en réjouir. In ps. cxix, n. 6, t. lv, col. 337. Il ordonne sagement son discours pour amener les hommes à la connaissance de Dieu. In ps. IV, n. 6, col. 48. Aussi saint Chrysostome admire-t-il à l’occasion, la sagesse de Moïse autant que la doctrine de l’Esprit, sa diligence, son exactitude à raconter, par exemple, la formation de la première femme. In Gen., homil. xii, n. 1 ; vii, n. 4 ; XX, n. 4, t. LUI, col. 99, 65, 85. Il admire aussi la prudence de saint Paul dans sa diction. De verbis apostoli : Vlinam, etc., n. 4, t. li, col. 304 ; In illud : In faciem, n. 11, col. 381. Les prophètes et les écrivains sacrés avaient donc leur part d’activité dans l’éloculion et la rédaction des choses que l’Esprit leur inspirait. Cf. Leitner, op. cit., p. 160-165.

5o Les écrivains ecclésiastiques de la Palestine n’avaient pas une doctrine différente. Selon Eusèbe de Césarée, quand la grâce du Saint-Esprit s’éloignait des psalmistes pour un temps très court et que les instruments de musique se taisaient, ces psalmistes écrivaient 81(i.<iai’k[j.O !.. In psalmos, P. G., t. xxiii, col. 76. Les saints prophètes n’écrivaient pas tout ce qu’ils disaient, mais seulement les discours que le Saint-Esprit leur inspirait. In ps. lxxxv, col. 1033. Pour énoncer sa doctrine, le prophète était mû par l’Esprit divin. In ps. xcvi, col. 1223. Rempli de cet Esprit, il prophétisait. In ps. LXXXI V, col. 1021. L’Esprit était son maître divin. In ps. LXili, col. 617 ; LXXXV, col. 1029. David demandait l’esprit prophétique pour chanter un psaume selon sa coutume. Sa prière ayant été exaucée, il remarquait la présence du Saint-Esprit en lui et il s’excitait à remplir son

ministère propliétique ; il prenait dans ses mains ses instruments accoutumés pour chanter, en les maniant, ce que l’Esprit lui suggérerait. Ainsi éclairé par la présence de l’Esprit et mis dans le plein jour de la lumière divine, il était prêt à prophétiser et il se donnait tout entier à l’action de l’Esprit. C’est ainsi que l’Esprit se sert du prophète comme d’un instrument pour annoncer le bien et parlera toutes les nations, en sorte que le Saint-Esprit annonce lui-même tout ce que le psalmiste dit. In ps. LVI, n. 8, col. 51.3, 516. Nous sommes loin de l’instrument inerte et de l’inspiration mécanique. Leitner, op. cit., p. 165-166.

Saint Cyrille de Jérusalem comparait les prophètes à un homme qui, plongé d’abord au milieu des ténèbres, reçoit soudain dans l’œil de son corps la lumière du soleil. Cet homme voit alors, et clairement, ce qu’il ne voyait pas auparavant. De même, celui qui est digne du don du Saint-Esprit, est illuminé dans son âme et, élevé au-dessus de l’homme, il voit ce qu’il ignorait. Tandis que son corps est sur terre, son âme voit les cieux comme dans un miroir. Comme Isaïe, il voit le Seigneur siégeant sur sou trône, comme Ézéchiel, il voit celui qui est porté par les chérubins, conime Daniel, il voit des myriades d’anges, et ce petit homme voit le commencement et la fin du monde, le milieu des temps, l’espace, les successions des rois, toutes choses qu’il n’a pas apprises de lui-même. Celui qui répand la lumière est là. L’homme est renfermé dan.^ les parois de son corps, et cependant la force de sa science est grandement étendue au point qu’il voit même ce que les autres font. Cal., xvi, n. 16, P. G., t. XXXIII, col. 941. Après avoir cité des exemples, saint Cyrille conclut : « Tu vois comment le prophète reçoit la connaissance ; tu vois comment le Saint-Esprit illumine les âmes. » n. 17, 18, col. 941, 944.

Saint Épiphane décrit aussi l’état des prophètes tandis qu’ils prophétisent et il le différencie de celui des fausses prophétesses des montanistes. Tous les prophètes savaient ce qu’ils disaient et ils parlaient avec intelligence, aussi les événements se sont-ils accomplis comme ils les avaient prédits. Maximilla avait prétendu que tout ce qu’elle avait prédit se réaliserait après sa mort ; or, nous ne voyons la réalisation d’aucune de ses prédictions. En outre, elle n’est pas toujours d’accord avec elle-même, tandis que les véritables prophètes étaient constants avec eux-mêmes dans leurs discours. Le vrai prophète, en effet, était sui compos et il comprenait ce qu’il disait, quand il annonçait l’avenir. Il rapportait au peuple juif ce qu’il avait entendu du Seigneur, et son intelligence n’éprouvait alors aucun trouble. Quand les montanistes se vantaient de prophétiser, ils ne l’annonçaient pas avec fermeté et ils ne comprenaient pas ce qu’ils disaient. Aussi leurs paroles étaient-elles obliques et à double sens, et ils n’énonçaient absolument rien de juste. L’oracle de Montan, que saint Épiphane cite, est d’un homme furieux, qui ne sait ce qu’il dit, et il présente un autre aspect que l’aspect qu’ont les prophéties du Saint-Esprit. Les montanistes veulent justifier leur extase par des passages de l’Écriture qu’ils allèguent mal à propos. Ce mot a dans les pages divines différents sens. Quand on lit que les prophètes parlent èv èxCTTàTE’, , il ne faut pas l’entendre en ce sens qu’ils ont perdu l’usage de la raison ; tout prophète de l’Ancien et du Nouveau Testament a eu l’intelligence de ce qu’il disait. Hier., lxviii, n. 1-10, t. xli, col. 856869.

6o Les Pères Cappadociens n’ont pas négligé la question. Saint Basile ne fait guère qu’insinuer une réponse. Il affirme seulement que l’apôtre saint Jean a été élevé par l’Esprit aux choses les plus divines, Adversus Eunomiuni, t. II, n. 15, P. G., t. xxix, col. 601 : que l’Esprit a révélé des choses cachées au

psalmiste par un souffle véhément. In ps. xliv, homil., n. 9, col. 405. Pour lui, le songe est une des diverses sortes de la prophétie. Le don prophétique n’a pu être accordé qu’à des âmes expurgées de toute faute, une âme, préoccupée des soins séculiers, ne peut recevoir l’illumination du Saint-Esprit, et saint JSasile en conclut que tous les songes ne sont pas des prophéties. Epist., clas. II, epist. ccx, n. 6, t. xxxii, col. 777. (Le pseudo-Basile déclare que les prophètes étaient emportés par la fureur et la folie et que leur intelligence était absorbée par le Saint-Esprit. In Isaiam, n. 5, 254, t. XXX, col. 125, 565, 568).

Saint Grégoire de Nazianze dit des évangélistes qu’ils ont écrit pour l’utilité de leurs lecteurs et selon qu’ils étaient informés et instruits par l’Esprit, qui était en eux. Orat., xlii, in laiidem Basilii Magni, n. 69, P. G., t. xxxvi, col. 589.

Pour saint Grégoire de Nysse, le Saint-Esprit suggérait au psalmiste ce qu’il devait dire. De beatitudinibus, orat. ii, P. G., t. xliv, col. 1212. David, instruit par la vertu de l’Esprit, exposait donc la doctrine de Dieu, ibid., orat., iv, col. 1245, et il chantait sur des cordes touchées par l’archet de l’Esprit. De Spirilu Sancto, t. xlvi, col. 696. En expliquant le SiâiJ ; aXpLot, saint Grégoire distingue l’illumination de l’intelligence du psalmiste faite par le Saint-Esprit, de la manifestation mélodieuse des secrets divins. Quand David servait le Saint-Esprit pour prononcer ses oracles, il exprimait dans sa mélodie ce qu’il avait appris. Mais si, tandis qu’il chantait, il recevait un nouvel enseignement, cédant à celui qui parlait spirituellement à son intelligence, il interrompait son chant pour écouter la voix intérieure et, rempli de nouveau des pensées divines, il les énonçait et il adaptait les paroles qu’il avait entendues à sa mélodie et à ses accords. Or, le Si, â(J ; xXjj.a est la cessation ou le repos, qui intervenait soudain pendant la psalmodie afin que le psalmiste reçut la lumière divinement communiquée, ou, pour mieux dire, la doctrine inspirée secrètement à son intelligence par le Saint-Esprit, durant l’interruption de la mélodie, interruption rendue nécessaire pour qu’il entendit l’instruction divine. Ce silence a donné à plusieurs l’occasion de penser que le prophète était alors privé de la vertu du Saint-Esprit. Mais comme quelques-uns, à la place de Sidctj^aXfxa, mettent àeî, « toujours’, cette substitution nous apprend que la doctrine communiquée par le Saint-Esprit a toujours été donnée, mais que le discours qui nous transmet, le sens divinement imprimé dans l’âme du psalmiste n’a pas toujours continué. D’ailleurs, le prophète énonçait une partie du temps ce qu’il avait appris et une autre partie il l’apprenait. Quand il énonçait les connaissances que Dieu lui avait données, il n’interrompait pas sa mélodie ; mais quand il appliquait son esprit à écouter les choses divines, il s’y adonnait tout entier et cessait son chant. Le Saint-Esprit était donc en lui, même tandis que celui-ci se taisait, mais le prophète ne parlait et ne chantait, que par intervalles. In psalmns, tr. II, c. x, t. xliv, col. 536. Saint Grégoire a remarqué une autre espèce de 81â<]iak]j.x au ps. x, 1. Dans ce cas, l’illumination de l’intelligence et la manifestation des pensées divinement reçues sont simultanées. Le Saint-Esprit se servait alors du prophète comme d’un instrument auquel il aurait été adhérent et dont il aurait mu à son gré les organes, de telle sorte que le cantique ne cessait pas et que la communication de la doctrine n’était pas empêchée par le chant. Cette communication de la doctrine de l’Esprit est alors appelée mélodie. Ibid., col. 541. Il en résulte donc clairement que tx tt] ? 7rpocpY]TeLaç v&if)(xaTa sont inspirés à David par l’illumination de son intelligence produite par le Saint-Esprit. L’action de cet Esprit se fait sentir aussi dans

l’cnonciation des pensées inspirées et dans leur élocution. Saint Grégoire de Nyssc en trouve la preuve dans le fait que le S'.âi) ; a>v(ia est répété dans le titre de certains psaumes. Ibid., c. xv, col. 589, 592. Ayant constaté que l’ordre des psaumes n’était pas chronologique, il eu conclut que le Saint-Esprit, notre docteur et notre maître, ne s’est pas occupé de l’ordre chronologique, parce qu’il inspirait les psaumes, non pas pour nous apprendre l’histoire elle-même, mais pour former nos âmes à la vertu. Ibid., c. ii, XI, col. 489, 541, 544 ; cf. c. xiii, col. 561. Voir Leitner, op. cit., p. 149-153.

7o Si nous passons à l’Église latine, saint Hilaire de Poitiers, constatant que, dans l’Écriture elle-même, le psalmiste dit de la façon dont il a prononcé son cantique : Eruclavil cor meum verbiim boniim, Ps. xliv, 2, en tire cette conclusion sur la différence qui existe entre la parole des hommes ordinaires et celle des prophètes : Omnis autem sermo liominum ex sensu eogitationis cnilitur ac molu, iibi ad aliquid enuniiandum mota mens nustru, id quod in a/fcctum sibi insidcrit, pcr verba déclarai. Ai vero iibi c.rtra humana' mentis instinctum, non ad anima’sententiam lingiia famulatur, sed per ineuniem spiritiim ofjicio oris nostri divini sensus.sermo diffunditur, illic eructatum videtur esse quod diciliir : ciim non ante cognilione motuque percepio id ad quod impulsa sit mens loquatur, sed ignorante sensu spirilus vocem in verba distinguât. Tract, in ps. cxviil, lit. Tau, n. 2, P. L., t. ix, col. 639-640. Le Saint-Esprit inspire donc aux psalmistes, non seulement les pensées, que leur intelligence ne leur fournit pas, mais encore les mots qui expriment ces pensées. Mais le psalmiste comprend ce qu’il dit ainsi par l’inspiration divine. Saint Hilaire dit aussi que l’apôtre Paul a appris tout ce qu’il a enseigné, par révélation du Christ, De Trinitate, t. V, n. 33, t. x, col. 152, et, par suite, toutes ses paroles sont des paroles divines. Ibid., t. I, n. 15, col. 34.

Selon saint Ambroise, Moïse n’a été instruit sur l’origine du monde ni en vision ni en songe, mais il a parlé à Dieu de bouche à bouche, et sous l’inspiration de l’Esprit divin il a réfuté les erreurs des hommes qu’il prévoyait. Hexameron, t. I, c. ii, P. L., t. xiv, col. 124125. Il a justement distingué Dieu du monde, car il n’écrivait pas ses pensées, mais celles qui lui avaient été infusées et révélées. Epist., clas. i, epist. xliv, n. 1, t. XVI, col. 1136. Les prophètes juifs prophétisaient avec l’infusion du Saint-Esprit. In Luc, t. I, n. 1, t. XV, col. 1533. Remplis de l’Esprit de Dieu et ravis hors d’eux-mêmes, ils paraissaient à quelquesuns être insensés. In ps. xxxix, n. 5, t. xiv, col. 1059. Le Saint-Esprit les remplissait d’ardeur comme en leur versant du vin ; ils étaient échaufî'és et on les regardait comme des hommes ivres. In Luc., t. IX, îi. 24, t. XV, col. 1799. David prévoyait en esprit tout ce qu’il chantait, De inierpretatione Job et David, t. II, c. VIII, n. 29-31 ; c. ix, n. 32, t. xiv, col. 824, 825, et le Verbe parlait par sa bouche. In ps. 1, n. 52, col. 950. Il écrivait des vers par la révélation du Saint-Esprit. In ps. cA’f ; //, serm. x, n. 20, t. xv, col. 1337. Quid igitur psulmus nisi virtutum est organum, quod Sancti Spiritus PLECTRO panoeks puopheta venerabilis, ca’lestis sonilus fecit in terris dulcedinem resultare. Ibid., serm. xxi, n. 6, col. 1604. Nous voici revenus à la métaphore des Pères apologistes. Pour saint Ambroise, tous les écrivains de l’Ancien Testament, même l’auteur du livre de Tobie, sont des prophètes. Pour Tobie, De Tobia, c. i, n. 1 ; c. ii, n. 6, t. xiv, col. 759, 761. Leur inspiration est donc une révélation prophétique. Or, les prophètes ne prophétisaient que quand l’Esprit leur infusait la grâce de prophétiser. In ps. ex VIII, serm. xii, n 18, t. xv, col. 1366. On les appelait voyants, parce qu’ils voyaient en esprit par la révé lation les choses cachées. Ibid., serm. xi, n.8, col. 1351. Leur extase était fréquente. Excedit enim mens prophétise velut fines quosdam lunnanæ prudenlise, quando repletur Deo. Et ante évacuât se cogilationibus et discepicdionibus sieculi hujus ; ut adveniente gratia spiritali purum se et exinanitum pra’beat ; supcrveniens in eum Spirilus Snnclus magna se vi infundens, ita ut mens hominis subito turbedur… Cognoscimus ergo quia quando venit gratia Dei super propheticam mentem subito irruit ; et inde incubuisse et cecidisse super prophetas Spiritum Sanctum legimus ; quia excessum patitur et turbatur et timet et quibusdam ignorantiæ et imprudenlia' tenebris offunditur. De Abralxam, t. II, n. 61, t. XIV, col. 484. Nous sommes ainsi encore ramenés presque à l’idée que les Pères apologistes se faisaient de l’extase prophétique. Voir Leitner, op. cit., Y>. 166-170.

Saint Jérôme a beaucoup insisté sur l’inspiration des prophètes. L’Écriture lui a appris qu’ils ne parlaient pas de leur propre mouvement, mais par la volonté de Dieu, surtout quand ils annonçaient l’avenit dont la connaissance est à Dieu seul. In Jer., 1., P. L., t. XXIV, col. 855. En répétant : Hœc dicit Dominus, ils avertissent que les discours qu’ils tiennent sont de Dieu. Ibid., t. IV, col. 826. Ils diffèrent ainsi des faux prophètes, qui ne prophétisent jamais par l’inspiration divine, mais de leur propre cœur. In EzecI}., t. IV, t. XXV, col. 109. Leurs livres ont été écrits sous l’inspiration du Saint-Esprit. In Ose., prol., col. 815. Jonas savait ce que le Saint-Esprit lui avait suggéré. In Jon., col. 1121. Avant de dire par l’Esprit les mystères du Christ, le psalmiste dut préparer sa langue comme un stylet et un calame pour que le Saint-Esprit écrivît par elle dans les oreilles et dans les cœurs et qu’il exprimât ses pensées quasi per organum. Par suite, de même que la Loi fut écrite par le doigt de Dieu, ainsi l’Évangile fut écrit par le Saint-Esprit par le moyen de la langue de David. Epist., Lxv, n. 5, 7, t. XXII, col. 626, 627. La parole de Dieu n’était pas continue chez les prophètes. In Ezech., t. XI, t. XXV, col. 333, mais seulement autant que le Saint-Esprit la leur donnait en leur révélant ce qu’ils devaient dire. Ibid., t. VI, col. 167. Il le leur révélait par vision et par parole intérieure et non extérieure. In Haboc, t. I, col. 1289. l’Écriture appelle donc ! a prophétie une vision et les prophètes des voyants. In Ose., t. III, col. 928. Ils voyaient par les yeux de l’intelligence ce que d’ordinaire on entend par les oreilles. In Abdiam, col. 1100. Zacharie, ne sachant ce qu’il voyait, interroge l’ange qui parle en lui, sensum videlicetaDeo illuminatum. In Zach., 1. 1, col. 1442. Les propj^ètes ne parlaient pas en extase, au poii.t, comme Montan l’a rêvé avec ses femmes folles, de ne savoir ce cju’ils disaient et d’ignorer ce qu’ils enseignaient aux autres. S’ils étaient sages, ce que personne ne peut nier, comment auraient-ils, comme des brutes, ignoré ce qu’ils disaient ? Quand ils parlaient, ils avaient le pouvoir de se taire. Si donc ils comprenaient ce qu’ils disaient, toutes leurs paroles sont pleines de sagesse et de raison. La parole de Dieu ne leur parvenait pas, poussée à leurs oreilles ; Dieu parlait à leur âme. In Is., prol., t. xxiv, col. 19-20. Cf. In Epist. ad Eph., t. II, t. XXVI, col. 479-480. Le Seigneur toutefois leur ordonnait d’écrire, non qu’ils ignorassent qu’ils devaient le faire, mais pour qu’ils écrivissent avec plus de certitude. In Habac, t. I, t. xxv, col. 1290. Saint Jérôme s’est donc occupé surtout de l’inspiration prophétique ad loquendum. C’est à elle qu’il rapporte la révélation diviiMen vision et en parole intérieure ; c’est d’elle qu’il a exclu l’extase montaniste, qui entraînait l’ignorance et l’incompréhension des oracles prononcés. Il n’a dit de l’inspiration ad scribendum des prophètes qu’une seule chose : à savoir que la ^

rédaction des prophéties avait été ordonnée par Dieu lui-mcine aux prophètes. La révélation a donc précédé la rédaction de leurs prophéties ; elle n’est pas concomitante, elle a été antécédente à cette rédaction. Cf. Leitncr, op. cit., p. 170-179.

Cependant saint Jérôme parle ailleurs de l’inspiration proprement dite. Il attribue à l’inspiration divine la rédaction des quatre Évangiles canoniques. Si quelques écrivains ont essayé, sine spiritii et gratin Dei, (l’ordonner leurs récits plutôt que d’établir la vérité historique de l’Évangile, l’Église n’accepte que les quatre Évangiles, qui sont l’arche du Nouveau Testament. Or, l’auteur de l’un d’eux, Jean, saturé de révélation après avoir jeûné, a produit un prologue qui vient du ciel. In Matlh., prol., t. xxvi, col. 17-19. C’est comme prophète que Jean a écrit l’Apocalypse. Adv. Jovinianum, t. I, n. 26, t. xxiii, col. 247. Saint Paul a publié dans l’Épître aux Ephésiens une partie des mystères que le Christ lui a révélés. In Epist. ad Epit., t. II, t. xxvi, col. 478. Même quand cet apôtre parle selon son conseil, I Cor., vii, 25, en conseillant aux vierges de ne pas se marier, il ajoute qu’il croit cependant avoir l’esprit de Dieu, 40. Epist., xLviii, c. VIII, t. XXV, col. 499. Même quand il dit aux Galates : Ecce ego Pauhis dico vobis, v, 2, il ne faut pas prendre ces paroles comme si elles étaient de Paul seul, mais comme étant du Seigneur. In Epist. ad Gal., t. III, t. XXVI, col. 394. Quand il leur parle de leur retour à la vérité, v, 10, ce n’est pas pure conjecture, comme quelques-uns le pensent, mais il est rempli de la grâce prophétique ; il prévoit en esprit et il a confiance en Dieu qu’il prophétise l’avenir qu’il connaît. Ibid., col. 403. Dans tout ce que Paul a dit, le Christ parlait en lui. Aussi les raisons que quelquesuns croyaient avoir de ne pas attribuer à Paul l’Épître à Philémon, comme s’il était indigne du Saint-Esprit de s’occuper des nécessités corporelles, ne paraissent pas valables k saint Jérôme. En accusant cette Épitre de simplicité, ils montrent, dit-il, leur impéritie ; ils ne comprennent pas la vertu et la sagesse, cachées dan ; chacune des paroles, et il s’ingénie à montrer que tout le contenu de la lettre a été écrit sous la suggestion du Saint-Esprit. In Epist. ad Pliile., prol., col. 599-602 ; 4 sq., col. 609. Ces derniers passages ne semblent pas exiger une révélation préalable, opérée par le Saint-Esprit. L’Esprit Saint suggère, inspire, si l’on veut, il ne révèle pas. Que le Christ parle en l’apôtre, cela se signifie pas nécessairement une révélation des paroles prononcées ou écrites ; saint Paul, en les disant, en les écrivant, parle et écrit selon l’esprit du Christ, et non d’après son sentiment personnel. Ces passages établissent donc, à mon avis, une différence entre l’inspiration des prophètes et celle de saint Paul. Si cet apôtre a énoncé aux Éphésiens quelques-uns des mystères qui lui avaient été révélés, tout le contenu de l’Épître qu’il leur adressait, ne lui a pas été révélé au moment où il écrivait. Si saint Jean a reçu révélation du contenu du prologue de son Évangile, il ne s’en suit pas que tout le reste lui a été révélé. Saint Jérôme dit, il est vrai, que le Saint-Esprit a dicté à saint Paul l’Épître aux Romains et que, par suite, l’interprète a besoin des lumières de cet Esprit, pour expliquer les passages difficiles de la lettre. Epist., cxx, ad Hcdibiam, c. ix, t. xxir, col. 927. Faut-il prendre littéralement l’expression « dicter » et l’entendre expressément d’une révélation directe des mots eux-mêmes ? Il ne semble pas, puisque saint Jérôme remarque souvent l’activité propre des écrivains sacrés dans renonciation des pensées divines. Voir plus loin. En conséquence, je n’admets pas sans restriction la conclusion, de M. Schade, Die Inspirationslehre des tieiligen Hieronymus, p. 27, que pour le saint docteur, toute l’Écriture est un produit de la révélation directe de Dieu. Cela est vrai de l’annonce de l’avenir, faite par les prophètes, qui, en écrivant si souvent : Hœc dicit Dominus, rapportaient les paroles divines qu’ils avaient entendues et dont ils se souvenaient. In Jer., xxiii, 23, 24, t. XXIV, col. 826. Cela n’est pas expressément affirmé de tous les hagiographes par saint Jérôme lui-même, qui emploie les expressions de « suggérer >, d' « inspirer », qui, sous sa plume, ne sont pas toujours synonymes de « révéler. » Cf. L. Sanders, Éludes sur saint Jérôme, Bruxelles, Paris. 1903, p. 97-121 (Schade, op. cit., p. 21-41).

On a vu plus haut, col. 2092, que Benoît XV, dans l’encyclique Spiritus Paraclitus, du 15 septembre 1920, reconnaît que saint Jérôme a affirmé la composition des Livres saints sous l’inspiration, ou la suggestion, ou l’insinuation, ou même sous la dictée de l’Esprit Saint, et en même temps que chacun des écrivains sacrés, conformément à son caractère et à son génie, a prêté librement son concours à l’inspiration divine. Ainsi le saint docteur, continue le souverain pontife, « n’affirme pas seulement sans réserve ce qui i st l’élément commun des écrivains sacrés, à savoir que leur plume était guidée par l’Esprit de Dieu, au point que Dieu doit être tenu pour la cause principale de chacune des pensées et des expressions de l’Écriture, il discerne encore avec soin ce qui est particulier à chacun d’eux, à de multiples points de vue : ordonnance des matériaux, vocabulaire, qualités et forme du style, il montre que chacun a mis à profit ses facultés et forces personnelles ; il arrive ainsi à fixer et à dépeindre le caractère particulier, les notes, pourraiton dire, et la physionomie propre de chacun d’eux, surtout pour les prophètes et l’apôtre saint Paul. Pour mieux expliquer cette collaboration de Dieu et de l’homme à la même œuvre, Jérôme donne l’exemple de l’ouvrier qui emploie à la confection de cjuclque objet un instrument ou un outil ; en effet, tout ce que disent les écrivains sacrés « constitue les paroles de Dieu, non leurs paroles à eux, et en parlant par leur bouche, le Seigneur s’en est servi comme d’un instrument. » (Tract, de ps. lxxxrui, G. Morin, Anecdota Maredsolana, Maredsous, 1903, t. m c, p. 53.) Si maintenant nous cherchons comment il faut entendre cette influence de Dieu sur l’écrivain sacré et son action comme cause principale, nous verrons aussitôt que le sentiment de saint Jérôme est en parfaite harmonie avec la doctrine commune de l’Église catholique en matière d’inspiration : Dieu, affirme-t-il, par un don de sa grâce, illumine l’esprit de l’écrivain pour ce qui touche à la vérité que celui-ci doit transmettre aux hommes ex persona Dei ; il meut ensuite sa volonté et la détermine à écrire ; il lui donne enfin assistance spéciale et continue jusqu’à l’achèvement du livre. C’est principalement sur ce concours divin que le très saint homme fonde l’excellence et la dignité incomparable des Écritures, dont il assimile la science « au riche trésor, » (In Matlh., xiii, 44, P. L., t. xxvi, col. 94 ; Tract, in ps. lxxvii, G. Morin, Anecdota Maredsolana, Maredsous, 1897, t. m b, p. 02) et « à la noble pierre précieuse ; » (In Mattli., xiii, 45 sq., ibid., ) dont il assure qu’elles recèlent les richesses du Christ (Quæst. in Gen., præf., P. L., t. xxiii, col. 936) et « l’argent qui orne la maison de Dieu. » (In Agg., ii, 1 sq., P. L., t. xxv, col. 1404. Cf. In Gai, II, 10, t. xxvi, col. 338, etc. Acta apostolicx sedis, 1920, t. XII, p. 889-890. Cf. F. Valente, S. Girolamo e l’cncyclica Spiritus Paraclitus, p. 27-30.

Saint Augustin a, sur la nature de l’inspiration, une doctrine plus souple et plus variée que celle de saint Jérôme. Selon lui, la volonté divine poussait les prophètes à parler. Mais Dieu leur communiquait les choses qu’il voulait leur faire dire, par trois sortes de

VII.

g ;

vision’- : vision corporelle qui affcctait les sens extérieurs, vision spiriUielle, qui donnait par la mémoire et l’imagination l’image d’un corps absent, non placé sous les yeux, vision intellectuelle, produite dans l’intelligence et par l’intelligence. Cette troisième sorte de vision était une révélation, une connaissance, une propliétie, une doctrine. La vision corporelle se rapportait à la vision intellectuelle, et celle-ci à la spirituelle. En effet, quand les yeux voient un objet, une image de cet objet est aussitôt produite dans l’esprit, mais cette image n’est saisie par l’esprit, que quand les yeux sont détournés de l’objet perçu. Elle devient alors pour un esprit raisonnable un signe de la chose et l’intelligence perçoit aussitôt ou cherche le sens du signe. C’est de la sorte que le Saint-Esprit, en illuminant l’intelligence du prophète, lui donnait de saisir l’image des choses corporelles imprimée dans son esprit. Au prophète, destitué de l’usage de ses sens, il donnait une vision ou il proférait des paroles. Ayant repris l’usage de ses sens, le prophète conservait le souvenir de ce qu’il avait vu ou entendu, il le voyait par la pensée, et son intelligence, aidée par un secours divin, comprenait ce qui lui avait été montré par les signes donnés. Ainsi l’Esprit Saint fait de véritables prophètes, qui voient et disent ce qu’ils ont vii, tandis que le mauvais esprit fait des démoniaques, des exaltés et de ; ^ faux prophètes. Il y a deux sortes de rapt de l’âme : l’un est joint à la vision intellectuelle, l’autre à la vision spirituelle. Moïse a vu Dieu de la première manière, saint Paul a été ravi au troisième ciel de la seconde manière. Dans la vision intellectuelle, il faut distinguer les choses vues de la lumière qui les éclaire pour que toutes soient vues et comprises. Cette lumière, c’est Dieu lui-même. D’où saint Paul fut certain d’avoir vu le troisième ciel, mais demeura incertain de la manière dont il l’avait vii, soit hors de son corps soit dans son corps. Son âme toutefois était ravie pour avoir cru entendre des choses ineffables. De Genesi ad litteram, t. XII, c. i-v, P. L., t. xxxiv, col. 4.53-458. Cf. c. vi-x, xi, xii, xix, XXIV, xxvi-xx%aii, XXXI, col. 458-461, 462, 464, 470, 474-475, 476-478, 479-t80.

Ailleurs, l’évêque d’Hippone dit que le Saint-Esprit n’agit pas sur tous les prophètes de la même manière. Il informe l’esprit des uns, en leur fournissant les images des choses ; il fait en sorte que l’intelligence d’autres comprenne ; il agit sur d’autres par ces deux sortes d’inspiration ; il en laisse même d’autres dans l’ignorance. Mais il informe l’esprit de deux manières : par songe ou par démonstration durant l’extase, qui est l’aliénation hors des sens corporels, afin que l’esprit du prophète, saisi par l’Esprit divin, s’occupe à comprendre et à voir les images qui lui sont fournies. L’intelligence n’est amenée à comprendre que d’une seule manière, quand le sens des images qui lui sont montrées, lui est révélé. De diversis quæslionibiis ad Simpliciannm, t. II, q. i, n. 1, t. xl, col. 129. Dans l’extase, il faut distinguer l’cfïroi et l’application aux choses supérieures telle que le souvenir des choses inférieures soit en quelque sorte perdu. Or, tous les saints, à qui les secrets de Dieu qui surpassent ce monde ont été révélés, ont eu cette extase. In ps. xxx, enar. ii, n. 2, t. XXXVI, col. 230.

Telle est, pour saint Augustin, l’inspiration ad loquendum des prophètes. Quant à l’inspiration ad scribendiim, qui a été voulue par Dieu, In ps. xxxii, II. 17, t. XXXVI, col. 317, elle a été aussi opérée par lui cjui, par l’action du Saint-Esprit, a écrit les Écritures à l’aide de ministres. In ps. viii, n. 7, 8, col. 111112 ; De ulililale credendi, c. vi, t. xlii, col. 75. Ces ministres sont Moïse, les prophètes et tous les écrivains sacrés. Or, le Verbe a proféré les paroles que Moïse rapporte dans la Genèse avec une vérité inté rieure, qu’aucun œil n’a vue ni aucune oreille n’a entendue, mais que l’Esprit du Verbe révélait à l’écrivain. De Genesi ad litteram, t. VIII, c. iii, n. G ; t. IX, c XIII, t. xxxiv, col. 375, 402. Moïse a connu et annoncé ce qui lui était révélé par l’Esprit de Dieu, De cii’itate Dei, t. XI, c. iv, n. 1, t. xli, col. 319 ; Conless. , t. XII, c. XVII, n. 24, t. xxxii, col. 834, et tandis qu’il écrivait, l’Esprit agissait par lui. De civitale Dei, I. XV, c. VIII, t. XLI, col. 446. Pour saint Augustin, les titres des psaumes sont de l’Esprit Saint. In ps. LXXXIll, n. 1, t. XXXVII, col. 1055-1056. Le Saint-Esprit nous a donné le psautier par le ministère de David. Serin., xxi, n. 3, t. xxxviii, col. 197. Les psaumes ont été dits et écrits, Spirilii Dei dictante. In ps. LXII, n. 1, t. XXXVI, col. 543. Le Saint-Esprit a donné, dans les lettres divines, par Salomon, beaucoup de saints préceptes, d’avis salutaires et de secrets divins. In ps. CXXV1, 1. 2, col. 1667, 1668. Les actes racontés dans le livre de Job n’ont pu être indiqués aux hommes dans les Écritures, nisi Spirilu Sancto révélante. Serm., xii, c. vi, t. xxxviii, col. 103. Quelle différence y a-t-il entre les livres canoniques et les livres non canoniques ? Les auteurs de ces derniers rapportent ce que le Saint-Esprit a révélé, sicut homincs, historica diligentia : ceux des premiers ont pu écrire, sicut prophelre inspiratione divina. De civitatc Dei, t. XII, c. xxxviii, t. xli, col. 598. Saint Jean n’aurait pas écrit le prologue du quatrième Évangile, s’il n’avait pas été inspiré. In Joa., tr. CXXIV, c. i, n. 1, t. XXXV, col. 1969. Saint Augustin n’explique pas plus explicitement l’inspiration des écrivains sacrés. Toutefois, il dit à propos de l’inspiration des évangélistes : Quia ipsi homines erant qui scripserunt Scripturas, non de se lucebant, sed ille erat lumen verum, qui illuminât omnem hominem venientem in Ininc mundum. In Joa., tr. I, n. 46, t. xxxv, col. 1382. Si les évangélistes avaient, pour écrire l’Évangile, leurs souvenirs personnels, ils n’en usaient néanmoins que sicut eis ministrabat Spiritus recordationis rerum quos scriberent. Ils ont donc écrit des choses différentes, mais sans erreur ni fausseté, quia unus Spiritus in omnibus fuit. Serm., ccxlvi, n. 1, t. xxxviii^ col 1153. Le Saint-Esprit ne leur donnait pas une révélation ; il gouvernait seulement leur intelligence. De consensu evangelistarum, t. III, c. ^^I, n. 30, t. xxxvi, col. 1176. Saint Augustin, d’autre part, sait très bien reconnaître les particularités propres à chacun des évangélistes. Voir t. i, col. 2342. Cf. Leitner, op. cit., p. 179-185.

8° Les écrivains postérieurs, tant grecs que latins, de l’ère patristique, ne disent rien de nouveau sur l’action inspiratrice du Saint-Esprit. Ils continuent à exposer les différentes manières dont Dieu révélait aux prophètes les choses futures et ses volontés ; ils accordent aux prophètes la connaissance des vérités que Dieu leur manifestait en visions et en songes, et dont ils se souvenaient pour les transmettre aux hommes par la parole ; ils distinguent ainsi les vrais prophètes, des devins et des faux prophètes. Ils traitent de la sorte presque toujours de la seule inspiration ad loquendum. Ainsi Cassiodore. La plupart cependant, en citant des textes scripturaires, affirment, en passant, l’inspiration ad scribendum, mais sans rien dire de sa nature propre. Ceux qui en traitent, le font en des sens différents. Ainsi l’évêque de Cart liage Licianus, à pi’opos de lettres de Notre-Seigneur qu’on disait tombées du ciel à Rome en l’honneur de saint Pierre, écrit à l’évêque Vincent r|ue Jésus-Christ n’avait pas envoyé du ciel des lettres à ses apôtres, mais qu’il avait rempli leurs cœurs du Saint-Esprit. Seul, le Décalogue a été miraculeusement écrit sur des tables de pierre. Des lettres n’ont été envoyées du ciel à aucun des prophètes et des apôtres. Einst.,

III, P. L., t. lxxii, col. 700. Le pape saint Grégoire le Grand, au contraire, est resté dans la ligne de l’ancienne tradition. Les Écritures, rédigées par des hommes saints, ont été éditées par le Saint-Esprit. In I Reg., t. III, c. v, n. 3, P. L., t. lxxix, col. 216217. L’histoire des Rois, parce qu’elle a été composée par le même Esprit que les autres Écritures, n’a pas une autorité moindre qu’elles, car tous ceux qui l’ont écrite sont réputés prophètes. Ibid., proœm., n. 4, col. 20. Cꝟ. t. V, c. I, n. 1, col. 313. Elle a été écrite tout entière par l’inspiration du Saint-Esprit. L. III, c. IV, n. 5, col. 184. Job a écrit ce que le Saint-Esprit lui dictait ; aussi a-t-il pu parler de lui-même comme d’un autre, parce que l’Esprit inspirait son œuvre. Tous les autres écrivains sacrés ont fait de même, notamment Moïse, parce qu’ils agissaient sous l’impulsion du Saint-Esprit. Saint Grégoire en conclut que, puisque les Écritures sont de celui qui les inspirait, il n’est pas nécessaire de connaître les hommes inspirés, étant donné que l’Esprit Saint parlait par eux’tous. Moral., præf., c. i, n. 2, 3, P. L., t. lxxv, col. 517518. Cf. Hom. in Ezech., t. I, homil. ii, n. 8, t. lxxvi, col. 799. Saint Grégoire place donc au premier plan l’action de l’Esprit inspirateur, et au second plan, à un rang làen inférieur, celle des écrivains inspirés.

Saint Isidore de Séville, après avoir énuméré les écrivains sacrés, affirme leur inspiration divine. Mais selon la foi, l’auteur principal des Écritures, est le Saint-Esprit. C’est lui-même qui a écrit, en dictant à ses prophètes ce qu’ils devaient écrire. De eccl. ofjîciis, t. I, c. xii, n. 13, P. L., t. lxxxiii, col. 750. Cf. Etijm., t. VI, c. ii, n. 50, t. lxxxii, col. 235. Saint Isidore distingue trois genres de prophétie : la vision corporelle, la vision spirituelle et la vision intellectuelle. D’autres en comptent sept genres. Etijm., t. VII, c. VIII, n. 1, 33-40, col. 283, 286. Il résume donc ses prédécesseurs.

Le Véntrable Bède dit que les prophètes et les apôtres ont écrit par l’inspiration du Saint-Esprit. Epist., II, P. L., t. xciv, col. 667. Si saint Luc a écrit ce qu’il lui a paru bon d’écrire, il a voulu dire que ce ne fut pas comme de lui-même, mais à l’instigation du Saint-Esprit. 7/1 Lac, t. I, proœm., t. xcii, col. 307-308. Le Saint-Esprit dirigeait sa plume. Super Acta aposL, ad Accam epist., col. 938. Jean, instruit par une révélation céleste et enivré de la grâce du Saint-Esprit, a réfuté tous les hérétiques. In S. Joa. Ev. expositio, c. I, col. 637 ; Homil., 1 I, homil. viii, t. xciv, col. 49.

Alcuin explique l’origine céleste des deux Testaments, parce que les saints ont écrit sous la dictée de Dieu, parce que le Saint-Esprit, qui est Dieu, les a dictés lui-même. Inscriptiones sacri codicis, P. L., t. CI, col. 727-735.

Pour l’abbé Smaragde, saint Paul ne parlait pas d’après son intelligence propre et il ne dispensait pas une doctrine qu’il avait trouvée par son génie, mais c’était l’Esprit-Saint, qui la lui suggérait. Collcctiones in Epist. et Ev., P. L., t. on, col. 28.

Sedulius Scotus dit que Luc n’a écrit son Évangile qu’à l’instigation du Saint-Esprit. Exposiliuncula' et argumenta secundum Lucam, P. L., t. ciii, col. 287, 288. Marc apprit l’histoire de Notre-Seigneur de la bouche de son maître, saint Pierre, mais il l’écouta, prout Spiritus Sanctus ejus intellectum gubernabat. Exposit et arg. sec. Marcum, col. 284. Paul avait reçu des révélations, et il était prophète. Collectiones in I ad Cor., c. XV, col. 157 ; in Epist. ad Gal., c. i, col. 182 ; in Epi.it. ad Phil, c. i, col. 213.

Raban Maur compile les anciens Pères, dont il reproduit les témoignages. Walafrid Strabon confond inspiration et révélation, ainsi que Haymon d’Halberstadt, qui parle aussi de dictée. Ce dernier explique encore les différentes espèces de visions prophétiques.

Cf. Leitner, op. cit., p. 185-190 ; K. Holzhey, Die Inspiration der hl. Schrifl in der Anschauung des Miltelallers, von Karl rfem Grossen bis zum Konzil von Trient, Munich, 1895, p. 1-78.

Conclusion. — Durant l’ère patristique, les écrivains ecclésiastiques, orientaux et occidentaux, ont donc étudié surtout l’inspiration ad loquendum. Beaucoup lui ont assimilé l’inspiration ad scribendum et par suite ils ont regardé celle-ci comme une révélation divine, accordée aux auteurs inspirés dans la rédaction même de leurs ouvrages. Quelques-uns cependant, tout en maintenant la révélation directe, au moins antécédente, aux prophètes de l’ancienne alliance, ont présenté l’inspiration des autres hagiogi-aphes comme une simple inspiration de l’Esprit Saint, une suggestion, une motion ou instigation à écrire, une illumination intérieure de l’intelligence et une direction dans la rédaction de leurs ouvrages. Cette explication devait devenir prédominante chez les théologiens des âges postérieurs. Dans les temps intermédiaires, il y a eu plutôt décadence que progrès dans l’enseignement catholique sur la nature de l’inspiration divine des Écritures.

II. CHEZ LES THÈOLoaiESS.

1o Chez les précurseurs de la scolastique. — Abélard attribue à Moïse et aux prophètes de l’Ancien Testament une révélation du Saint-Esprit, qui aboutit à une dictée de leurs livres. Mais il reconnaît qu’à la parole extérieure se joignait, pour eux, la parole intérieure du Saint-Esprit, qui leur faisait comprendre ce qu’ils écrivaient. Et cette intelligence les distingue des démoniaques, à qui le démon, en les tourmentant, ne communique, dans leur folie, que les mots seulement qu’ils prononcent, et non pas le sens des paroles prononcées. Le Saint-Esprit, quand il parle aux hommes de son choix, les illumine d’abord intérieurement, avant de leur faire dire aux autres par des paroles extérieures ce qu’il leur communique. La voix du prophète s’ajoute donc à la voix divine pour manifester au dehors les choses inspirées. Toutefois, le Saint-Esprit ne faisait pas nécessairement comprendre aux prophètes tous les sens que comportaient ses paroles ; il leur en communiquait un ou plusieurs, mais non pas tous. C’est pourquoi les commentateurs peuvent expliquer diversement une prophétie, sans que les prophètes aient perçu ces divers sens, mais le Saint-Esprit les a prévus et voulus. Serm., xix, P. L., t. clxxviii, col. 514. Cf. Scr/n., XX, col. 516. La révélation, faite aux prophètes par le Saint-Esprit, était donc l’illumination divine par laquelle leur intelligence percevait les choses qu’ils devaient proférer extérieurement par leurs paroles. L’Esprit Saint a inspiré à saint Paul l’Épître aux Romains. Le scribe, auquel l’apôtre la dictait, se nommait Tertius, et ce nom n’était peutêtre pas sans présage : il indiquait que le notaire était tertius in operatione. Spiritus quippe Sanctus inspirabat quæ Apostolus dictabai seu proferebat, quæ iste, qui Tertius dicitur, sua manu scribebat. Comment, super Epist. ad Rom., t. V, c. xvi, col. 976.

Abélard attribue aux philosophes la même inspiration divine qu’aux prophètes de l’Ancien Testament. C’est par elle qu’ils ont annoncé aux gentils la Trinité que les prophètes prêchaient aux ]uifs. Inlroductio ad theologiam, t. I, n. 12, col. 998. Les mêmes philosophes ont décrit aussi diligemment que les saints les vertus morales, la justice, la force, etc., quasi et ipso Spirilu eodem locutos fuisse non ambigant. Theologia christiana, t. II, col. 1174-1175. Par cette comparaison, Abélard diminue étrangement l’idée de la révélation faite aux prophètes et de l’inspiration des écrivains sacrés. Il diminuait aussi le rôle de la foi, en exaltant celui de la raison.

Pierre Lombard emprunte aux anciens docteurs

et spécialement à Cassiodore les termes par lesquels il aflirme que tous les prophètes ont parlé par la révélation du Saint-Esprit, et il appelle David la llùte du Saint-Esprit. In psulmos, prref., P. L., t. cxci, col. 55. Eu expliquant le ps. xciv, il dit que l’intelligence du psalmiste, remplie des célestes aliments, éructât verbum, et que David, veluti calamus Spiritus Sancti, écrit rapidement et sans effort ce qu’il dit. In ps. jTi/r, col.437, 438.

Au milieu de ses erreurs sur le canon des Écritures, voir ici col. 272, Hugues de Saint-Victor introduit une distinction féconde que saint Thomas d’Aquin adoptera sous une autre forme. Il appelle prophètes « de grâce » ceux à qui Dieu per inlernam inspirationcm dabat notitiam rerum, quam nec natura nec clisciplina habere poteral, sed sola gratta, sicut David et Daniel et Job. Leurs livres, bien qu’ils contiennent des prophéties, sont cependant rangés parmi les hagiographes. Il les distingue ainsi des prophètes « de mission et d’élection », qui étaient les prophètes proprement dits. De Scripluris et scriptoribus, c. xii, P. L., t. clxxv, col. 19 ; De sacramentis, 1. 1, prol., c. vii, t. clxxvi, col. 43. L’inspiration des hagiographes dilîère donc de la révélation, faite aux prophètes de mission et d’ofiîce.

A cette époque, les commentateurs des Livres saints demeurent fidèles à la doctrine de la révélation et de la dictée. Voir Rupert de Doutz, //i Abdiam, P. L., t. cxLviii, col. 377-379 ; Hervé de Bourgdieu, In Isaiam, t. I, P. L., t. clxxx ; col. 18 ; Richard de Saint-Victor, In Apoc., t. I, c. i, P. L., t. cxcvi, col. 686-688.

2o Les théologiens scolastigues.

Alexandre de Halès prouve que l’Écriture vient de Dieu, comme ks autres sciences, mais non de la même manière, car elle contient le vrai et le bien, qui proviennent du Saint-Esprit. Suni.iheoL, P, q. i, m. ii. De plus, quant à la manière de connaître le vrai et le bien, elle est plus certaine que les autres sciences, puisque son contenu est connu par inspiration, par le témoignage de l’Esprit et par goût. Ibid., m. iv, a. 2. Or, la manière d’enseigner du Saint-Esprit a été multiple et différente, a. 3.

Guillaume d’Auv^rgie attribue à la révélation divine les connaissances prophétiques. De anima, part. VII. Cette révélation s’est faite par des Irradiations de l’Esprit. De universo, part. I, c. xlvi. Ces irradiations se sont produites durant l’extase ; elles ont été faites dans l’esprit des prophètes et leur ont rendu présentes les choses sublimes, cachées et spirituelles. La clarté prophétique est une vision bien plus sublime et plus noble que les connaissances et les sciences philosophiques. C’est une irradiation de la lumière divine, ou une illumination, ou même une révélation des choses cachées et secrètes, qui ne peuvent être connues ni par l’intelligence ni par les sens de l’homme. De anima, part. XXXI. Guillaume définit ensuite l’extase qui exalte la puissance de connaître, part. CXXII, et il la distingue du ravissement, part. XXXIV.

Albert le Grand distingue la science théologique de toutes les autres sciences humaines. Celles-ci sont des sciences acquises, la science divine vient de la révélation. Elle ne provient donc pas de Dieu de la même manière que les autres, puisque Dieu l’a révélée, et il l’a révélée, non pas comme la philosophie, qui a été révélée par la lumière g nérale de la raison, mais par la lumière surnaturelle, puisque l’Écriture a été inspirée par le Saint-Esprit, par le moyen d’une lumière surnaturelle, qui découle de cet Esprit, comme du premier principe. Siim. theol., l^, tr. I, q. iv. Cf. In IV Sent., l. I, dist. II, a. 5. Tout ce que contient l’Écriture n’a pas été révélé au sens propre du mot, ainsi l’histoire, les paraboles, la morale et tout ce qu’on peut

connaître de Dieu par la raison. Sum. theol., D, tr. I, q. V, m. III. Albert expose ensuite les différents modes de révélation : par l’interinédiaire des anges, ou en figures et en imaginations. Mais le Saint-Esprit a parlé à David par lui-même. Comment ? Cordi ejus injundens sincerissimam veritatem, et ipsum movens ad ea cloqiiendnm in exultatione oris et operis, qiiæ inleriu.s inspirabat… Aperte ei loqæbatur Spiritus et sine nubilo figururum. Dans le prologue de son commentaire sur l’Évangile de saint Jean, il distingue les visions corporelles ou sensibles, les visions dans l’imagination et les simples visions intellectuelles et il déclare que l’apôtre bien-aimé a joui de toutes ces sortes de vision. Le Saint-Esprit mouvait David, qui était mù. In psalmos, pnef. David est donc le plus grand des prophètes quant au mode de son inspiration : Audiebat enim quid loqæbatur in eo Dominas Deus ; aliis autem loqæbatur per visiones et angelos et eenigniata. In IV Sent., I. I, dist. II, a. 23. David a décrit le mode propre de son inspiration dans le ps. xLiv : la parole qu’il chante ne vient pas de lui, mais de Dieu ; il est mù lui-même par le Saint-Esprit, et il ne rencontre point d’obstacle. Bien plus, sa langue est le calame du scribe, calame qui ne fait rien de luimême, car elle est mue par le Saint-Esprit. Cette façon d’écrire est l’illumination du cœur, qui fait comprendre ce qui est dit. Cette illumination est subite, et la prophétie n’impose pas d’etïort au psalmiste ni de pensée personnelle ; c’est une irradiation divine. In ps. XLiv.

Pas plus que ses devanciers, saint Thomas d’Aquin n’a traité e.r professa de l’inspiration de l’Écriture. Il en a parlé en passant, à l’occasion d’autres questions théologiques. Il a notamment résumé, à plusieurs reprises, les données traditionnelles sur le rôle respectif de Dieu et de l’homme dans la rédaction des Livres saints par cette formule lapidaire, que l’on trouve fréquemment citée : Deus est auctor principalis Scriptura homo autem instrumentum. Mais il n’en a déduit aucune théorie sur la nature de l’inspiratio.i scripturaire. Il a longuement étudié la prophétie en paroles et en actes symboliques, et il a exposé son essence, ses causes, la manière dont se produit la connaissance prophétique et les diverses sortes de prophéties. Sum. theol.. IIa-IIæ*, q. CLXXi-CLXxiv. Tout l’enseignement traditionnel y est condensé, expliqué, précisé et développé à la manière propre au docteur angélique. Il y est question des diverses sortes de visions : imaginatives, intellectuelles et spirituelles, et de l’extase, que saint Thomas attribue aux prophètes de l’Ancien Testament. Or, au sujet du mode de connaissance prophétique, saint Thomas aborde ce que nous appelons aujourd’hui la psychologie du prophète.

Comme son maître Albert le Grand, il distingue l’inspiration, de la révélation. Voulant prouver que la prophétie consiste premièrement et principalement dans la connaissance, il se pose cette objection : Sical revelatio pertinet ad intellectum, ita inspiratio videtur pertinere ad afjectuni, eo quod importet motionem quamdam. Sed prophetia dicitur esse inspiratio vel revelatio, secundum Cassiodorum (in Prolog, super Psalt., cap. r). Ergo videtur quod prophetia non magis periineat ad intellectum quam ad af/ectum. Il y répond : In prophetia requiritur quod intentio mentis elevetur ad percipenda dii’ina… Ilœc autem elevatio intentionis fit Spirilu Sanctu movente…. Postquam autem intentio mentis elevalu est ad superna, percipit divina… Sic igitur ad prophcliam requiritur iri’ipiratio quantum ad mentis eleixUionem, revelatio autem quantum ad ipsam perccptionem divinorum, in quo perfuitur prophetia, et per ipsam removetur obscaritatis et ignorantiw velamen… Sum. theol., ID-Il*, q. clxxi, a. 1, ad 4o™. C’est ainsi qu’est introduite la motion ou le mouvement

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2121

INSPIRATION DE L’ECRITURE

2122

du Saint-Esprit dans la notion de l’inspiration : elle n’est qu’une impulsion à écouter la parole de l’Esprit, justifiée parla parole dite à Ézéchiel, ii, 1, une élévation de l’intelligence, qui n’est pas encore mise en activité, mais qui sera élevée, fortifiée, agrandie. De la sorte, son attention étant éveillée, elle comprendra mieux les vérités divines qui lui seront ]iroposées, mais elle ne le pourra sans une certaine lumière. Sous ce rapport, bien que l’inspiration difîère de la révélation, elle rentre cependant dans le genre de la révélation. Elle est une touche de Dieu. Or, lorsque Dieu agit sur une créature raisonnable, il s’adresse à son intelligence, et toute action de Dieu sur l’intelligence donne à celle-ci des clartes. Aucune révélation proprement dite ne s’en suit peut-être ; l’objet qui se présente à l’intelligence lui est au moins plus clairement manifesté, et cela appartient encore au genre de la révélation.

Saint Thomas établit la distinction entre révélation et inspiration, même dans le prophète. Se demandant si le prophète discerne toujours ce qu’il dit par son esprit jiropreet ce qu’il dit par l’esprit de prophétie, il répond que l’intelligence du prophète peut être instruite par Dieu de deux façons ; ou par une révélation expresse, ou par un certain instinct très occulte, que les intelligences luunaines subissent sans le savoir, selon le mot de saint Augustin. Dans le cas de la révélation expresse, l’homme ne peut douter ni que c’est Dieu qui lui parle ni que ce qu’il dit est vrai. Mais dans le cas de Vinstinclas, ou de l’inclination secrète venue du dehors, l’homme reçoit de Dieu une connaissance vraie, sans qu’il sache qu’elle lui vient de Dieu, et sans que l’objet connu ait reçu une sorte d’évidence ou de crédibilité divine. Cela se produit dans le cas de la simple inspiration. Siim. llieoL, II* Ih^ q. cLxxi, a. 5.

Dans l’acte même de la connaissance, il y a une différence entre la révélation et l’inspiration. La connaissance dans l’intelligence humaine comporte deux choses : l’acceplio seu repricsenialio reriim et le jiidiciiim de rébus reprasenlulis. Dans la prophétie, le judiciiim de acceptis est le principal, quia judicium est complelivum cognitionis. En effet, l’homme qui a reçu la révélation, soit par l’impression d’espèces fournies par des formes extérieures et sensibles, soit par des espèces intelligibles, imprimées parfois directement par Dieu, n’est prophète que si son intelligence est éclairée pour juger de la vérité des choses représentées. Or, pour porter ce jugement, l’intelligence du prophète agit sous l’influence de la lumière divine. Il en résulte donc que la révélation prophétique se fait parfois par cette seule influence, tandis que d’autres fois elle a lieu per species de novo impressas vel aliter ordinalas. Sum. theoL, ID-II^ », q. clxxiii, a. 2 ; De veritate, q. xii, a. 7 ; De potentia, q. iv, a. 2, ad 27">n ; Contra genteK, t. II, c. cliv. Or, à ce point de vue, les projjhètes proprement dits se distinguent des simples hagiographes.et saint Thomas explique la manière différente, dont les uns et les autres reçoivent la lumière surnaturelle.

Quandoque igitur in prophctis non est aliqua supernaturalis acceptio, scd judicium tantum supernaturalc, et sic solus intellectus illustratur sine nliqua imaginiuia visione. Et talis forte fuit inspiratus Salomon, in quantum de moribus hominum et naturis rerum, quæ naturaliler accepimus, divino instinctu ceteris certius indicaint. Specialiter proplictir nnncupantur, qui secundum imaginarias visiones prophetiam habuerunt…. Hagiographi autem dicuntur, qui supernaturaliter solum visiones intellectuales habuerunt. sire quantum ad judicium tantum, sive quantum ad judicium et acceptionem simul. De veritate, q. xii, a. 12, ad lU"’". ("/est sous une autre forme, la distinction que Hugues de Saint-Victor

avait faite entre les prophètes « de mission » et les prophètes « de grâce ».

Dans la Somme théologique, saint Thomas emprunte à saint Jérôme, In IV Reg., prol., la distinction entre prophètes et hagiographes. Les prophètes, Isaïe, Jérémie et les autres, ont eu des visions dans leur imagination et leur intelligence ; les hagiographes, sicut ex inspiratione Spiritus Sancti scribentes (sicut Job, David, Salomon et hujusmodi), n’ont eu que des visions intellectuelles. Les premiers sont donc plus proprement des prophètes que les seconds. Pour résoudre cette objection (la 3 « de la q. clxxiv, a. 2, de la II"- II*), le saint docteur explique la distinction entre les prophètes et les hagiographes. Les premiers reçoivent parfois la connaissance d’une vérité surnaturelle par une vision, produite dans leur imagination ou dans leur intelligence. Parfois, la lumière intellectuelle est donnée à l’un d’eux, non pour connaître des vérités surnaturelles, mais pour juger de vérités rationelles selon la certitude de la vérité divine. Les prophètes d’office ont eu des visions qui leur faisaient connaître des vérités surnaturelles. Unde ex persona Domini loquebantur, dicenles ad populum : Hœc dicit Dominus, quod non faciebant illi qui hagiographa consrripserunt : quorum plures loquebantur frcquentius de liis quæ humana ratione cognosci possunt, non quasi ex persona Dei, sed ex persona propria, cum adjutorio tamen luminis divini. Sum. theoL, II^’Ila^, q. clxxiv, a. 2, ad 3um.

En d’autres termes, Vacceptio rerum, ou la révélation, qui n’a pas toujours lieu, même pour les prophètes d’office ou prophètes proprement dits, qui ne se rencontre pas d’ordinaire chez les hagiographes, n’est pas de l’essence de l’inspiration. Pour être inspirés, il suffit aux prophètes eux-mêmes d’avoir reçu dans leur intelligence la lumière divine pour juger de la vérité divine des choses qu’ils avaient vues, et aux simples hagiographes d’écrire des vérités rationnelles, à l’aide de la lumière divine, de telle sorte que leur intelligence soit éclairée par Dieu pour les écrire, Cependant l’inspiration rentre dans le genre de la prophétie, mais elle est seulement quiddam imperfectum in génère prophetix. Sum. theol.. Il" liée, q. cLxxi, a. 5. Cf. Holzhey, op. cit., p. 89-93 ; J. Lagrange, Inspiration des Livres saints, dans la Revue biblique, 1896, p. 206-210 ; cf. ibid., p. 499-505 ; C. (chauvin. L’inspiration des divines Écritures, Pavis, s. d. (1896), p. 25-39. M. Chauvin a justement interprété saint Thomas ; mais le P. Lagrange et l’interprétation « thomiste » moderne s’éloignent de l’ange de l’école, quand ils excluent la révélation de la notion d’inspiration ou bien n’en font qu’un antécédent de celle-ci. D’après le docteur angélique, en effet, Vacceptio rerum, qui est le propre de la prophétie strictement dite, peut être accordée même aux hagiographes, puisque des visions intellectuelles leur sont données quantum ad judicium et acceptionem simul.

Pour Duns Scot, les prophètes qui avaient connu par révélation divine les choses qu’ils annonçaient, ne pouvaient douter de leur certitude ni ne pas leur donner leur assentiment. Leur certitude toutefois n’avait pas l’évidence de la chose, qui serait en contradiction avec la foi. Elle était néanmoins ferme autant que la certitude de la science, produite par les principes connus ou l’évidence des termes, quoiqu’elle provînt d’ailleurs. In IV Sent., t. III, dist. XXIV, n. 17.

Henri de Gand distingue, dans les œuvres d’art, l’artiste, qui dirige l’œuvre, et l’ouvrier, qui applique les règles tracées par l’artiste. Celui-ci assurément est l’auteur du chef-d’œuvre. Il en est de même dans toutes les sciences : le créateur de chacune d’elles en

est l’auteur principal, et non celui qui la décrit. Or Dieu seul connaît par lui-même la science surnaturelle et aucune créature ne peut y atteindre par elle-même, mais seulement par l’inspiration divine. C’est donc par les raisons que Dieu leur avait inspirées que les prophètes et les apôtres ont écrit et ont pu écrire la science surnaturelle. Comme ils ont parfaitement compris la sagesse qu’ils avaient contemplée, ils ne sont pas seulement des organes ou des canaux, par où les paroles de cette science ont passé, ils doivent plutôt être dits les auteurs, quoique secondaires, des écrits où ils ont fait passer le trésor d’art qui leur avait été infusé. La vérité de cette science acquise par l’inspiration de l’autorité divine ne dépend pas seulement de ce que ceux qui l’ont écrite par inspiration ont compris la pensée qu’ils écrivaient ; elle dépend aussi de la qualité et de la forme de leurs paroles, puisque la prophétie n’est pas écrite en des ternies et un mode de locution autres que ceux don t usent les hommes en parlant et autr<?s que ceux en quoi les ouvrages séculiers sont composés.. Etvoritablement laparoledesprophêtes était ou bien celle qu’ils avaient entendue ou bien celle que le Saint-Esprit, qui parlait en eux, voulait leur faire exprimer. De même qu’ils ne pouvaient toujours avoir l’Esprit ni prophétiser l’avenir, les prophètes ne pouvaient pas enseigner ce qu’ils voulaient, mais ils enseignaient ce qu’ils avaient appris du Saint-Esprit, en sorte que, en cela, l’homme peut être dit l’auteur secondaire et ministériel. De ce que Dieu est l’auteur principal de l’Écriture, celle-ci peut être dite de la Trinité entière ou de chacune des trois personnes, mais par appropriation, à des titres différents. Summa, a. 9, q. n.

Selon saint Bonaventure, l’Écriture sainte a la plus haute autorité, parce que non per hnnuinam invesligationem est tradiia, sed per revehUionem divinam. Le Saint-Esprit est son auteur très parfait. Breviloquiiim, proœm., § 6. Or il a illuminé diversement les prophètes et ceux qui ont écrit l’Écriture, en faisant des révélations à leurs cœurs. Ibid., § 5. La sainte Écriture ne procède pas par raisonnements, définitions et divisions, comme les autres sciences, mais, comme elle procède de la lumière surnaturelle, elle enseigne des vérités supérieures aux choses de ce monde. Le prophète n’accepte pas ce qu’il prédit, propter se, sed propter veriialem ipsiiin illutninantem et erudienlem. Prophetia non requirit rationcm motivi in prophelatis, sed totam rationem sua ; cognitionis sumit ab inspirante. In IV Sent., t. II, dist. XXIV, a. 1, q. ii, ad 5o™. Saint Bonaventure distinguait deux sortes de’prophéties : le soliloquium, qui se produit, comme en David, sans aucune aide extérieure donnée aux prophètes, mais par l’instinct de l’Esprit Saint seul, et le signiloquium, qui se fait par un signe : paroles, actes, songes ou visions. In Psalterium, præf.

Les écrivains sacrés n’étaient pas hors d’eux-mêmes, comme l’ont prétendu quelques hérétiques anciens. L’Esprit Saint ne rend pas déments ceux qu’il inspire ; ceux-ci ont donc parfaitement compris ce qu’ils ont écrit, quoique, comme l’a dit saint Augustin, tous ne l’ont pas compris au degré suprême que Moïse a atteint. Ibid., a. 13, q. ix.

Comme la vérité de l’Écriture dépend de sa divine inspiration, on a donc bien dit, au jugement de Gilles de Rome, que Dieu, créateur de toutes choses, est la cause efficiente principale de toute l’Écriture inspirée. In IV Sent., t. I, prol.

Les docteurs du xive siècle n’ont pas sur l’inspiration une doctrine différente de ceux du xini^. Nicolas de Lyre, qui fut un exégète, voit l’excellence de l’Écriture en ce qu’elle n’est pas l’œuvre de l’investigation humaine. Les prophètes et les apôtres qui nous l’ont transmise, l’ont reçue par révélation divine. Le Saint Esprit, qui l’a révélée, nous a fait connaître toutes les vérités nécessaires au salut. Les prophètes n’ont pas vu l’essence de Dieu, ils ont lu seulement dans le livre de la prescience divine. Ils voyaient la vérité, qui dérivait de Dieu en eux par révélation, par des espèces divinement imprimées dans leurs intelligences et par la lumière prophétique. Postillæ. Prol. i, De commendutione sacrx Scripturæ in générait.

Non seulement David est prophète, il est encore le plus grand des prophètes. Nicolas de Lyre part de là, pour exposer quelle est la cause efficiente du psautier et la nature de la prophétie. Quant à la cause efficiente, il en distingue une principale et l’autre instrumentale. Principalis est ipse Deus revelans mysieria in hoc libro descripta. Instrumentalis autem est ipse David (l’auteur de la plupart des psaumes), rui, secunduin Augustinum, omnia contenta in hoc libro fuerunt revelaia et ab eo descripta. David fut prophète. Ad actum enim prophetandi concurrit Deus mentem prophétie tangens seu eleuans ad supernaturalem cognitionem, et mens prophetæ hoc modo tacta seu illuminata ; oportet enim quod simul sint movens actu et res mola. Afin de prouver que David est le plus grand des prophètes, Nicolas de Lyre traite de la révélation prophétique, des degrés de la prophétie et des manières dilïérentes dont l’Esprit Saint touche l’intelligence des prophètes. La prophétie, connaissance des choses cachées, quel que soit son objet, naturellement connaissable ou non, se fait par l’inspiration du Saint-Esprit. Mais la connaissance intellective est nécessaire pour constituer la prophétie proprement dite. A son défaut, il ne peut y avoir prophétie qu’au sens large du mot ; ce qui se produit de trois façons : quand une vision, une parole ou une action symbolique n’ont lieu que par l’instinct du Saint-Esprit. Les degrés de la véritable prophétie ne s’établissent donc que par les degrés de l’intelligence de la chose prophétisée. Le premier a lieu quand à une vision se joint l’intelligence de son objet. Le second consiste dans l’audition d’une parole, car les mots sont des signes de la vérité plus importants que 1 s figures vues en vision. Le troisième degré comporte l’apparition de la personne qui parle, et cette personne peut être un saint, un ange ou une figure représentant Dieu lui-même. Enfin ces apparitions peuvent avoir lieu durant le sommeil ou à l’état de veille. Or ces dernières visions à l’état de veille sont plus excellentes, parce qu’une illumination de l’intelligence plus grande que durant le sommeil est nécessaire pour écarter les distractions qu’apporterait la vue des choses sensibles. C’est pourquoi le ravissement est alors nécessaire. Mais le quatrième degré, supérieur aux précédents, est celui de la prophétie faite par révélation divine, et c’est celui auquel David a été élevé. Son intelligence a été divinement illuminée de façon à saisir les vérités intelligibles sans aucun signe possible. Quant au tact du Saint-Esprit sur l’intelligence du prophète ; il porte sur le passé, le présent ou l’avenir, distincts les uns des autres, ou sur le présent et l’avenir simultanément, ou sur le présent, le passé et l’avenir en même temps. L’Esprit Saint, en effet, agit sur les intelligences humaines comme il veut, et par conséquent des diverses manières signalées précédemment, et d’autres manières encore. Toutefois, les contacts les plus parfaits sont ceux qui font connaître des vérités plus éloignées des choses sensibles.

(îela étant, le prophète David n’axas surpassé les prophètes du Nouveau Testament, c’est-à-dire les apôtres, qui ont reçu, sur les secrets divins, des lumières supérieures aux siennes et la grâce du Saint-Esprit dans une plénitude plus grande. Il n’est pas non plus le plus grand prophète de l’Ancien Testament, puisque, d’après saint Thomas, Moïse est le premier

lui qui, en cette vie, a vu l’essence divine. Mais, si les degrés de la prophétie dépendent de la clarté reçue, David, sous ce rapport, a été supérieur même à ISIoïse, puisqu’il a annoncé plus clairement un plus grand nombre de mystères du Christ. Du reste, la vision de Dieu, qui exclut l’acte de prophétiser, n’est pas une prophétie, et ainsi Moïse n’est pas supérieur à David, car il a reçu le rayon de la lumière divine sans signes sensibles, tandis que Moïse ne l’a pas reçu aussi souvent ni si communément. Super Psallerium, præf.

Le Saint-Esprit a été aussi l’agent principal du ps. XLiv, lui qui remplissait de sa plénitude le cœur du prophète qui chanta ce can’tique. Il était ce scribe rapide, qui, pour enseigner, n’a besoin d’aucun intervalle de temps. In ps. XLIV. Les livres sapientiaux ont eu aussi une double cause efficiente : l’une, principale, qui est Dieu révélant la sagesse contenue dans ces livres, l’autre, instrumentale, Salomon lui-même, qui eut cette sagesse divinement infuse et l’écrivit, sous la dictée du Saint-Esprit, dans les Proverbes, l’Ecclésiaste et le Cantique. Super libros Salomonis, præf.

Nicolas de Lyre insinue seulement l’inspiration des évangélistes, quand il dit que saint Matthieu fut le premier, qui fut dnnné par Dieu pour écrire l’Évangile en vue de l’instruction de tous les fidèles. Expositio in 7o™ prologum ISlallhsei evangelistæ. Il affirme celle de saint Paul en ces termes : Licet Pendus fuit scriptor hujus doctrinœ…, hoc iamen fuil ministerialiter ; Christus autem principaliier. Le Christ la lui révélait et la lui dictait ; Paul aurait donc à dire du Christ ce que Baruch disait de Jérémie : Ex ore suo loquebatur ad me quasi legens in libro, distincte et aperie mihi revelando, et ego scribebam secundum ejus revelationem in valumine atramenio. In Epist. beati Pauli, proœm. L’Apocalypse est un livre prophétique comme ceux de l’Ancien Testament. In Apoc, præf.

Selon l’enseignement de Durand de Saint-Pourçain, Dieu nous a révélé sur lui-même, dans la sainte Écriture, beaucoup de choses que nous n’aurions pas pu connaître par la raison, et aussi d’autres vérités qui nous portent à faire notre salut. La première excellence de l’Écriture, qui lui fait surpasser toutts les autres sciences, en hauteur, en dignité et en autorité, vient de son origine, puisqu’elle a été inspirée immédiatement par Dieu ; elle est une vraie émanation de la clarté de Dieu. In IV Sent, præf.

Gilles de Rome déclare que, quoique toute vérité vienne de Dieu, speciuliter tamen veritas tradita ; n Scriptura sacra dicitur esse a Deo sive a Spiritu Sancto, quia hujus veritalem non possumus investigare per naturalem causam, sed oportet ut iiabeamus eam per divinam inspirationem… Ideo bene dictum est, quod totius Scripturæ sacræ quæ divinæ inspirationi innititur, Deus creator omnium est causa efjiciens principalis. In IV Sent., t. I, prol.

Richard Fitzralph, archevêque d’Armagh, dit que dans tout écrit, il faut rechercher le sens de l’auteur. C’est pourquoi, dans l’Écriture, il recherche le sens, quem Scripturæ conditor sive auctor, non dico scriptor, intellegil, quia forte auctor ipse non scripsit, sed alius ab ipso instructus, qui forte non omnia sic intcllexit ut auctor sive editor, sicut habes, quod Baruch scripsit ex ore Jeremiæ omnes sermones Domini. Summa de quæstionibus Armenorum, I. I, 1. Les prophètes qui reproduisent les paroles de Dieu, en disant : Dominus dixit, ne sont pas les auteurs de leurs prophéties ; ils affirment seulement que Dieu a parlé. C’est Dieu qui en est l’auteur, puisque c’est lui qui affirme et qui compose ; le prophète n’est que son notaire pour écrire. Ibid., 1. 1, 3. Toute l’Écriture prophétique, affirmée par un prophète, est aussi inspirée par le Saint-Esprit et affirmée par lui. Le sens littéral et histo rique de l’Écriture est donc celui de l’auteur immédiat, mais c’est aussi le sens du prophète, qui ne fut que Vassertor ou Veditor de l’Écriture, et c’est le même que celui qu’a eu le Saint-Esprit, l’auteur premier de la prophétie. Ibid., t. I, 4.

En passant à la solution des difficultés, qu’on peut soulever contre chacun des livres de l’Écriture, Richard répond à celui qui l’interroge : Tibi curandum non est quis homo libri cujusquam auctor fuerit, dum tamen constet Dcum istius libri esse auctorem, quoniam sic libri auctoritas quam scire satagis claret. Par suite, il prouve l’inspiration de l’Ancien Testament par le Nouveau et par la foi des juifs, ibid., t. XVIII, 1-6, et celle du Nouveau par la doctrine de l’Église, 8. Les variantes et les fautes des versions de l’Écriture n’empêchent pas de croire à l’infaillibilité et à la vérité de l’Écriture primitive, en vertu de la foi qua creditur Spiritum Sanctum locutum fuisse per prophelas et per Christi apostolos atque discipulos, qui etiam erant prophétie. Ibid., t. XIX, 19. Richard d’Armagh confond donc encore l’inspiration avec la révélation.

3o Théologiens et exégètes du xv<e siècle. — Dans son Epistola ad novos Hebrœos, voulant déterminer quel est le sens littéral de l’Écriture, Pierre d’Ailly, encore simple bachelier, dit que c’est celui que l’auteur avait dans l’esprit. Mais, avec Richard d’Armagh, il distingue d’abord l’auteur ouconditor du scriptor, en citant l’exemple de Baruch ; puis il signale trois significations du mot auctor, suivant la manière commune de parler. L’auteur d’un écrit est ou bien son editor seu compilator, ou bien son assertor, ou bien Veditor et Vassertor à la fois. Mais la seconde signification, cjuoique usitée, est très impropre, car il en résulterait que Moïse, les évangélistes et tous les compilateurs des Livres saints, en assurant seulement que les paroles qu’ils rapportent ont été dites, diraient des mensonges, comme si Moïse était l’auteur responsable de la parole du serpent à Eve : Ncque moriemini. Moïse n’est que Vassertor que cette parole a été prononcée. De même, Isaïe, Jérémie, Osée et tous les prophètes, qui rapportent les paroles de Dieu, n’en sont pas les auteurs ni les asseriores de leurs prophéties ; ils assurent seulement que Dieu a prononcé ces paroles. Talis autem Scriptune Deus auctor est qui ilUmi asserit et composuit, et propheta non est nisi notarius Dei in scribendo. Les prophètes ne sont donc pas responsables des mensonges et des erreurs qu’ils rapportent avoir été dits. Toutefois un fidèle doit savoir que toute parole dite par le prophète, en tant que notaire de Dieu, est vraie. Epistola ad novos Hebrœos, c ii, dans L. Salembier, Une page inédite de l’histoire de la Vulgate, Amiens, 1890, p. 19-22.

Pierre d’Ailly tient l’autorité de l’Évangile ou de l’Écriture sainte, bien que celle-ci ait été écrite et promulguée par des hommes, non comme humaine, mais comme divine, parce qu’elle a été inspirée par Dieu. Il en dit autant de celle de l’Église chrétienne, qui est divine et non humaine. Toutefois il place celle de l’Écriture au-dessus de celle de l’Église, et bien que toutes les Écritures canoniques aient été révélées par la même autorité infaillible, c’est-à-dire par Dieu, il établit entre elles une différence d’autorité. En effet, quoique l’Ancien et le Nouveau Testament soient principaliter du même auteur, Dieu, le Nouveau a cependant chez les catholiques plus d’autorité que l’Ancien, parce que, tout en tenant les deux Testaments d’une foi ferme, l’autorité de l’Ancieji est tenue par les catholiques principalement à cause de l’autorité du Nouveau. En outre, entre les Écritures des deux Testaments, les unes ont une plus grande autorité que les autres. Ibid., c. iii, p. 31-34.

Traitant ensuite de la canonicité des Livres saints, d’Ailly déclare qu’on ne peut recevoir comme cano

niques que les Écritures reçues, approuvées et conservées par l’Église catholique, ; savoir, tous les livres des deux Testaments. Mais, en raison d’une décrétale du pape Gélase, il se demande si les quatre grands conciles approuvés par l’Église et les opuscules des saints, que l’Église reçoit comme authentiques et approuve, ne doivent pas être joints à l’Écriture. Il répondparcette distinction : l’Églisereçoitet approuve les Écritures comme authentiques et comme divines et révélées par l’inspiration divine, tandis qu’elle n’accepte les autres Écritures que comme des œuvres d’invention humaine ; elle accorde plus d’autorité aux, premières qu’aux secondes. Ibid., c. iv, p. 41-43. Dans cet écrit de jeunesse, Pierre d’Ailly confondait donc encore l’inspiration de l’Écriture avec la révélation directe faite par Dieu.

Comme son maître, Pierre d’Ailly, Gerson déclare que le sens littéral de l’Écriture est le sens qu’a affirmé son auteur, le Saint-Esprit. Scriplura sacra in sni primaria expositione habuit homines erudilos non solum humana ratiocinatione vel studio, sed divina revelatione vel inspiratione Spiritus Sancti. Gerson le prouve par les textes déjà cités du Nouveau Testament. Contra heeresim de communione laiconim sub ulraqiie spccic. Traitant des vérités qu’il faut croire de nécessité de moyen, il les trouve dans l’Écriture. Constat autem qiiod canon Bibliæ lex est Dei per rcvelalionem habita, ciiJLis assertiones littérales inniluntur huic iinico litterali principio : omne revelatuin a Deo est verum, et qiiod Scriptura sacra divinitus est a Deo revelata, sic quod in omni sua parte est verbum Dei, quod transire non potest. Seul, le sens littéral de l’Écriture peut fournir un argument : Est enim sensus litteralis vere et proprie dictas illc, quem Spiritus Sanctus principaliter intendebat. Declaratio verilatum, quæ credendx sunt de nccessitate salutis. La sixième règle, fixée par Gerson pour déterminer le sens littéral de l’Écriture, prend pour point de départ la révélation qui en fut faite par le Christ et les apôtres. De sensu litterali sacrx Scripturæ. L’inspiration est donc, pour lui encore, une révélation divine.

Un juif converti, Paul, devenu évêque de Burgos, déclare aussi qu’il faut interpréter l’Écriture dans le sens littéral, c’est-à-dire dans le sens voulu par son auteur qui est Dieu. Le sens littéral de n’importe quel écrit est le sens que l’auteur a voulu exprimer. Additio super prol. letll Lj/ran ;. Ailleurs, il expose deux prééminences des apôtres sur les prophètes de l’Ancien Testament. La première est que les prophètes n’ont eu le don de prophétie qu’en acte, et non en habitude. Pour chacune de leurs prophéties leurs intelligences avaient besoin d’une nouvelle révélation. Ils n’avaient donc pas Vhabitus de la pr phétie, car il est de la nature de Vhabitus d’en pouv. ir user quand on veut. Il semble, au contraire, que le don de prophétie fut conféré aux apôtres habitualitcr. En efl’et, ils n’avaient pas besoin, en chaque cas particulier, d’une nouvelle effusion du Saint-Esprit, parce que dans l’abondante effusion, du jour de la Pentecôte, ils avaient été instruits d’un seul coup de tout ce qui concernait la doctrine surnaturelle. Ils avaient comme une illumination habituelle per modum formie permanentis, dont ils usaient quand ils voulaient. I^a seconde prééminence de la prophétie des apôtres sur celle des prophètes de l’Ancien Testament est que le don prophétique de ces derniers ne fut qu’une grâce gratis data, tandis que le don prophétique des apôtres fut une grâce gratum faciens, ou une grâce qui dérivait toujours de la grâce sanctifiante. On pense, en elTet, communément, qu’après avoir été confirmés en grâce, les apôtres ont conservé tous les dons charismatiques, donc le don de prophétie. Additio 2' in prologum Lyrani super Psallerium.

Ludolphe le Chartreux pensait aussi que les apôtres étaient inspirés dans toutes leurs paroles, qui ne procédaient pas de leur génie seulement, mais de la grâce du Saint-Esprit, car l’Esprit du Père parlait en eux, et, de même que des instruments de musique rendent les mélodies que veut celui qui les touche, ainsi le bien que le prédicateur de l’Évangile énonçait, était selon la volonté du Père qui l’inspirait. De la sorte Dieu a donné la dignité de prophète aux apôtres qui parlaient par l’Esprit de Dieu. Vita Christi, part. I, c. lu. Les prophéties sont des grâces gratuites, accordées principalement pour l’utilité commune de l’Église et rarement pour l’utilité d’un particulier. Par suite, Dieu a pu nous les donner parfois par des impies et des méchants. Ibid., part. I, c. xl.

Le carme Michel Aiguan admet deux causes efficientes du Psautier : l’une principale, qui est Dieu luimême, et l’autre instrumentale, qui fut David ou les autres psalmistes. Or David est le plus excellent des prophètes, parce que sa prophétie lui fut révélée par Dieu de la manière la plus excellente. Les prophètes ont reçu la révélation de cinq manières différentes : par des actes, par des paroles, par vision, en songe et par la seule inspiration du Saint-Esprit, sans aucun moyen extérieur d’acte, de parole, de vision ou de songe. L’exégète donne des exemples de ces cinq modes de révélation. Dans le cinquième mode, le Saint-Esprit lui-même illumine le cœur et révèle les choses obscures. C’est de cette manière que le psautier a été révélé à David, à savoir par l’instinct de l’Esprit Saint, sans aucun aide extérieur. Comment, in psalmos Dauidicos, prolog. Au sujet du ps. xliv, le commentateur dit que le cœur du prophète, rempli de l’esprit prophétique, a prononcé ce discours que le Saint-Esprit lui avait appris intérieurement. L’Esprit est donc la cause efficiente principale de ce psaume. Or, de même que le calame est l’instrument du scribe et est mû par sa main, ainsi la langue des prophètes était un instrument mû par le Saint-Esprit. Celui-ci est donc le scribe, et le prophète son instrument. Et ce scribe écrit rapidement, parce que, pour écrire dans le cœur de quelqu’un, c’est-à-dire pour l’instruire, le Saint-Esprit n’a pas besoin de temps, mais il illumine rapidement et subitement les intelligences qu’il touche. In ps. XLI V.

L’exi gète théologien, Alphonse Tostat, parle fréquemment de finspiration de l’Écriture et il a exposé en divers passages de ses commentaires, une doctrine complète du sujet. Toutes les Écritures des deux Testaments sont de Dieu. In Matth. Elles sont fœuvre des prophètes, même celles du Nouveau Testament, parce que les évangélistes et les apôtres, en recevant l’Esprit Saint, ont reçu le don de prophétie. In I Reg., c. xviii, q. XXVI. Elles ont donc toutes la même certitude et la même vérité. In lib. Regum, præf., q. vu. Le livre des Juges, bien que n’étant qu’un livre historique, doit être mis au nombre des Écritures, parce qu’il a été écrit par un prophète In lib. Jud., prfef., ^ q. II. Or, les prophètes ont dit ce que l’Esprit leur dictait. In Mutlh. Le Saint-Esprit seul aurait pu ajouter quelque chose aux Livres saints, qui ont été écrits sous sa dictée. In prol. I S. Hieroinjmi circa Evungelium Mutthœi, q. vu. Toute fautorité des Livres saints provient de ce que nous croyons fermement que leurs auteurs n’ont rien écrit de leur propre génie ; ils ont écrit seulement ce que le Saint-Esprit leur dictait ; ils ont été inspirés par Dieu pour écrire tout ce qu’ils ont écrit. Toute l’Écriture, que saint Pierre nomme prophétique, a donc été écrite par révélation du Saint-Esprit, c’est-à-dire par un concours spécial qu’il a eu avec chaque écrivain pour qu’il ne puisse errer. In Mutlh., pnef., q. ii. Dieu est donc le seul auteur de l’Écriture ; lui-même, en elïet, a révélé tout ce qu’elle

contient, et quoique des hommes l’aient écrite, comme ils ne l’ont pas fait de leur génie propre ni selon leur opinion, mais sous la dictée du Saint-Esprit, aucun homme ne peut être dit l’auteur de l’Écriture. Si la lumière intellectuelle des hommes est petite et déficiente, l’Écriture a été donnée par la lumière incréée, qui a illuminé ceux qui l’écrivaient. Ibid., q. v.

Les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament diffèrent-ils d’autorité? Xon, car ils ont le même auteur, qui est Dieu, ils ont tous été composés d’après la même lumière surnaturelle par révéIatio : i divine. Le Nouveau Testament l’emporte cependant sur l’Ancien, parce que son auteur immédiat a été le Christ-Dieu, parce que les apôtres, ses ministres, surpassaient les prophètes de l’Ancien Testament dans le don de prophétie, Dieu étant plus prompt à l’accorder aux apôtres, et parce que les choses révélées par eux sont supérieures à celles qu’annonçaient les anciens prophètes. Ibid., q. VI.

L’Église ne reçoit au canon biblique que quatre Évangiles, parce que les auteurs des autres se sont décidés à écrire de leur seule volonté sans impulsion divine à écrire, et ont écrit sans que le Saint-Esprit les dirige. Les quatre évangélistes ont été poussés à écrire par le Saint-Esprit, qui les dirigeait tandis qu’ils écrivaient. Ibid., q. VI. Tous n’avaient pas vu ce qu’ils racontaient ; ils en étaient certains toutefois, parce que le Saint-Esprit les avait poussés à écrire et les dirigeait dans leur travail. Ibid., q. xviii. Les quatre Évangiles ont donc la même autorité, parce que leurs auteurs ont écrit par le Saint-Esprit, qui les dirigeait également. Ibid., q. xxiv. Tout ce qu’ils ont dit, ils l’ont dit sous la dictée du Saint-Esprit. In Epist. Hieronijmi ad Paulinum, c. vu.

Puisque tous les livres de l’Écriture sont des livres prophétiques, il importait grandement de traiter la cjuestion de la nature et des différents modes de la prophétie. Tostat l’a traitée abondamment. Sur la nature de la prophétie, il expose diverses opinions ; il se rallie à l’explication de Hugues de Saint-Victor, d’après laquelle un livre est prophétique, qui a été écrit par un prophète ou en style prophétique. In prœf. Hierorymi in lib. Regiim enarralio, q. xx. A proprement parler, le prophète est l’homme qui a reçu de Dieu une révélation et qui a été élevé par une lumière surnaturelle à comprendre quelque chose que les autres ne peuvent comprendre. L’esprit prophétique n’est pas comme un habiliis scientifique ou moral qui, une fois acquis, persévère et ne peut être perdu, si on le garde diligemment ; c’est une lumière qui passe rapidement et par laquelle, tant qu’elle dure, le prophète connaît les choses cachées que Dieu lui révèle alors. Quand cette lumière a passé, le prophète ne connaît pas plus que celui qui n’est pas prophète. In I Reg., c. x, q. v. Cf. In Num., c. xi, q. xxxviii, Lxiii, LXiv ; In I Reg., c. xvi, q. xxx ; In Matth., c. xxii, q. cccxxxv. Or, tous les écrivains sacrés ont eu l’esprit prophétique, et par lui ils savaient tout ce qu’ils écrivaient. Dieu, en effet, mouvait le prophète à comprendre surnaturellement tout ce qu’il ne connaissait pas par ailleurs. Tandis qu’ils écrivaient. Dieu mouvait les écrivains sacrés à savoir ce que par ailleurs ils ne pouvaient savoir parfaitement, et alors ils n’écrivaient que ce que Dieu leur dictait. In II Par., ç. IX, q. VIII.

Tostut distingue trois modes de la connaissance prophétique : Dieu se manifestait aux prophètes en vision, en songe ou en leur parlant bouche à bouche. Mais l’enseignement de Toslaî, où ilsuit des voies particulières, ne va pas directement à notre sujet, car il n’est question que de la prophétie en général, et non pas de l’inspiration prophéticiue des écrivains sacrés. Tostat reste donc dans la ligne de ses prédécesseurs,

au moins pour l’Ancien Testament, car, nous l’avons vu, au sujet du Nouveau il parle seulement de motion à écrire et de direction du Saint-Esprit dans le travail de rédaction des Évangiles, quoiqu’il tienne encore les évangélistes pour des prophètes.

Denys le Chartreux, exposant l’excellence de l’Écriture sainte au point de vue de son origine, la trouve dans la divine révélation de la sagesse surnaturelle. In IV Sent., prol. Toute l’Écriture canonique, en effet, a été infuse par le Saint-Esprit et n’est pas d’invention humaine. In Epist. II ad Tim. enarralio, a 3, Il en est spécialement ainsi de l’Écriture prophétique. Les prophètes n’avaient pas d’eux-mêmes et de leur liberté propre le pouvoir de prophétiser ; ils ne prophétisaient que quand le Saint-Esprit touchait leur cœur. La connaissance certaine des futurs contingents appartient à Dieu seul, et leur annonce dépend de sa libre volonté ; les hommes ne peuvent les connaître que par sa révélation. Aussi est-ce après avoir été touchés et illuminés par le Saint-Esprit que les prophètes ont vaticiné. Les docteurs enseignent que la grâce de la prophétie est donnée acla et non habita. Les prophètes ne pouvaient donc vaticiner à leur gré et sur n’importe quel sujet, mais seulement quand le Saint-Esprit les avait éclairés et sur les choses pour lesquelles il leur avait communiqué ses lumières. In Epist. II Pétri enarratio, a. 2. Cf In Ezecli. enarratio, a. 15. L’auteur du livre de Job, quel qu’il soit, était inspiré par l’Esprit Saint, qui lui dictait et lui inspirait cequ’ildevait écrire et nous transmettait par sa voix les actions de Job. Enarratio in Job, a. 1. Puisque tous les psaumes ont été écrits par la révélation du Saint-Esprit, Denys regarde comme inutile de rechercher avec curiosité si David les rédigea tous. In lib. psalin., proœm. La langue du psalmiste était le calame du Saint-Esprit, qui fait écrire rapidement ceux qu’il inspire à écrire. Sa grâce ne subit pas de retards. Expositio ps. XLIV. Les auteurs des Évangiles apocryphes ont dû faire des efforts pour écrire, parce qu’ils n’étaient pas aidés par l’illumination du Saint-Esprit, étant réduits à leurs propres forces ; aussi leur labeur n’a pas produit de fruit. L’ccrivain, divinement éclairé, lui, écrit promptement et facilement : et plus il est illuminé d’en haut, dirigé et aidé, plus il écrit promptement et facilement. D’où, pour composer les Livres saints, les hommes ont eu besoin d’être divinement éclairés et abondamment pourvus de la lumière de la sagesse. Aussi les quatre évangélistes n’ont pas eu d’efforts à faire, mais ils ont achevé sans retard leur œuvre, l’Esprit divin leur donnant l’abondance des paroles et des faits qu’ils rapportaient. Eliicidatio prologi S. Lucie. Denys ne précise pas en quoi consistait cette illumination divine de l’esprit des évangélistes. Dans ses commentaires des livres prophétiques, il traite souvent de la prophétie et de ses modes divers, mais il ne parle que de la prophétie en général, sans faire aucune application directe à la rédaction des livres prophétiques.

Dans son commentaire du psautier, tr. I, c. i, Jacques Perez de Valence reconnaît deux causes de ce livre : l’une, principale, le Saint-Esprit, et l’autre, instrumentale, le psalmiste David. En vue de résoudre la question de savoir si David fut prophète, l’exégète traite longuement de la prophétie et de ses différents modes, tr. II, a. 1, 2. Dans la préface de son commentaire du Cantique, il réfute les raisons que les juifs apportaient pour soutenir que Salomon n’avait pas été éclairé par le Saint-Esprit dans la composition des Proverbes, de l’Ecclésiaste et du Cantique, et il prouve l’inspiration de ces livres. Il mentionne toutefois que quelques catholiques ont soutenu que ces trois livres, quoiqu’ils traitent de choses divines communiquées à Salomon par le Saint-Esprit et soient des écrits inspirés,

n’ont pas été inspirés immédiatement par Dieu, mais que Salomon a été inspiré par David, son père, qui lui remit le plan du temple, reçu de Dieu, et lui apprit aussi tout ce qui est exposé dans ces livres. Mais Ferez prouve par des textes sacrés que Salomon a reçu immédiatement de Dieu l’esprit prophétique par l’infusion du Saint-Esprit, qu’il fut prophète et qu’il a parlé prophétiquement des divins mystères. Il conclut que Salomon fut l’auteur instrumental de ces trois livres et le Saint-Esprit l’auteur principal. C’est dans sa jeunesse que Salomon, plus tard dépravé, a été éclairé par le Saint-Esprit et a compose prophétiquement les trois livres, dont il est l’auteur. In Caniica canticorum, præf.

4° Théologiens et controversistes du xvi<’siècle. — Ainsi donc, jusqu’au début du xvie siècle, les théologiens catholiques ont généralement confondu l’inspiration de l’Écriture avec la révélation divine. Il s’agissait toutefois d’une sorte particulière de révélation, qui se produisait dans l’intelligence des écrivains sacrés par l’infusion d’une lumière surnaturelle, capable de leur révéler immédiatement les choses inconnues qu’ils devaient écrire et qui influait sur la rédaction des choses qu’ils connaissaient naturellement. Cette révélation était la vision intellectuelle, dont parlaient les scolastiques.

La Renaissance et la Réforme n’eurent pas une influence directe sur l’enseignement théologique relativement à la nature de l’inspiration. Au début du xvie siècle, la scolastique dominait dans les écoles. Quelques humanistes versèrent dans l’étude de la Cabale. Marsile Ficin, Pic de la Mirandole, Reuchlin et Paracelse, qui se complaisaient dans la recherche des sens mystiques de l’Écriture, n’étalent pas portés à dindnuer l’influence de l’Esprit inspirateur sur l’intelligence des écrivains sacrés. Les premiers réformateurs n’ont pas nié l’inspiration de l’Écriture, qui était, pour eux, la seule règle de la foi. Si la notion en demeura vague et flottante dans l’esprit de Luther et de Zwingle, elle fut plus précise et plus ferme chez Calvin, et plus systématique chez Théodore de Bèze. Voir V. Rohnert, Die Inspiration der heiligen Schrift und ihre Bestreiier, Leipzig, 1889, p. 134-211 ; E. Rabaud. Histoire de la doctrine de l’inspiration, Paris, 1883, p. 29-84 ; P. Dausch, Schriftinspiration, Fribourg-en-Brisgau, 1891, p. 106-118 ; Holzhey, Die Inspiration der hl. Schriftinder Anschauung des Mittelalters, Munich, 1890, p. 129-136 ; C. Pesch, De inspiratione sacrée Scripturæ, p. 202-217. Aussi les premiers controversistes catholiques ne traitèrent pas directement de la nature de l’inspiration, , et ils s’occupèrent spécialement de la canonicité et de ses critères. Cochlée, Pigiii, Eck, Driedon, Alphonse de Castro, Hosius affirmèrent fortement l’inspiration, sans disserter sur sa notion. Hosius cependant défendait, contre les objections de Brenz, le théologien espagnol Pierre de Soto, qui avait soutenu que l’Écriture avait été révélée par le Saint-Esprit. Avec les catholiques, il reconnaissait que l’Écriture, par un admirable dessein de l’Esprit Saint, avait été écrite afin d’assurer au plus haut degré le salut des hommes, mais il concédait que l’Esprit inspirateur y avait laissé intentionnellement beaucoup de choses obscures et difficiles, en donnant toutefois à l’Église la charge de les expliquer, sans laisser à chacun le droit de les interpréter dans son sens propre. Con/utatio prolegomenon Brentii, t. III, De auctoriiate Scripturæ sacræ.

Le cardinal Cajétan, qui avait commenté la théorie de saint Thomas sur la prophétie, a remarqué, au sujet du prologue du troisième Évangile, que saint Luc a écrit son récit, non par révélation immédiate de Dieu, mais conformément à ce qu’il avait appris des apôtres, divina tumen graliu dirigenle et servante ne in

aliquo erraret. In h. toc. Voilà donc l’inspiration de l’évangéliste ramenée à une simple direction et à la préservation de ioute erreur. En commentant II Pet., I, 21, il a distingué le prophète de l’écrivain ordinaire, en ce que celui-ci écrit ce qu’il connaît par la seule lumière de son intelligence, tandis que le prophète dit et écrit ea quæ sibi sub lumine divinee revelationis apparent, non secundum proprii judicii interpretalionem. In h. loc.

Les théologiens, qui écrivirent après le décret De canonicis Scripturis, que le concile de Trente avait porté en 1546, commentèrent ce décret et légitimèrent le droit de l’Église à dresser la liste officielle des Livres saints. Ils distinguaient très nettement l’inspiration génératrice de ces Livres, et la canonicité, simple déclaration de leur inspiration. Au sujet de l’action du Saint-Esprit sur les écrivains sacrés, il se dessina bientôt un double courant, qui dégénéra vite en conflit très aigu.

La distinction, faite par saint Thomas, entre la révélation des vérités ignorées des écrivains sacrés et la simple influence de la lumière surnaturelle pour celles qu’ils connaissaient, fut fortement accentuée par un dominicain, Melchior Cano. Dans son célèbre traité posthume. De locis theologicis, édité en 1568, tout en soutenant l’inerrance absolue des écrivains inspirés, il déclarait très expressément que ceux-ci n’avaient pas eu besoin d’une révélation immédiate pour rédiger tous les passages de leurs écrits, mais qu’ils avaient reçu un secours particulier du Saint-Esprit, qui les assistait, les dirigeait et leur suggérait tout ce qu’ils avaient à écrire. L. II, c. xviii, dans le Theologiæ cursus completus de Migne, 1. 1, col. 168-169. Il admettait toutefois une présence et un secours particulier du Saint-Esprit, qui mettait la plume à la main des h-agiographes et les assistait tandis qu’ils écrivaient, col. 170.

LTn disciple de Cano, Dominique Bafiez, dans son Commentaire de la I"’partie de la Somme théologique, publié en 1584, suivit une voie opposée à celle de son maître. Il distingua trois modes d’inspiration de l’Écriture : 1. la révélation, faite par Dieu, des choses que l’écrivain sacré ignorait ; 2. une motion spéciale de Dieu, qui inspirait à l’hagiographe d’écrire ce qu’il savait, avec l’assistance du Saint-Esprit pour que l’écrivain n’omit volontairement ou par oubli rien de ce qu’il devait écrire ; 3. en plus de ces deux actes, la suggestion et, pour ainsi dire, la dictée de tous les mots. Or, Bafiez conclut que, pour les catholiques, il est certain que l’inspiration a eu lieu, en partie de la première manière, par la révélation des mystères de la trinité et de l’incarnation et d’autres encore, et en partie de la seconde manière, par la motion à écrire ce que l’écrivain connaissait et par assistance pour qu’il n’omît rien et ne se trompât en rien. Mais Bafiez allait plus loin, il conclut que le Saint-Esprit n’a pas seulement inspiré les choses contenues dans l’Écriture, il a aussi dicté et suggéré tous les mots de l’écrit inspiré. Si l’écrivain était resté libre de choisir les termes de son exposition, il aurait pu se tromper en intei’prétant la révélation qu’il avait reçue et par suite il pourrait y avoir des erreurs dans l’Écriture. Toutefois, en dictant et en suggérant ainsi les mots de l’Écriture, le Saint-Esprit s’est conformé aux dispositions intellectuelles de l’écrivain sacré et au milieu historique de son temps. Bafiez expliquait ainsi les particularités du style de chaque écrivain sacré et les connaissances naturelles qu’il avait conformes à la science de son temps. Scholasiica comment, in I^’^ pariem, etc., q. i, a. 8, Rome, 1584, p. 61 sq.

Cette opinion de Banez fut adoptée par l’école thomiste qui, en cela, est justement appelée bannézienne. Elle n’était pas toutefois commune au xvii= siè

cle. L’évêque deBois-le-Duc, Sonnius, qui avait assisté au concile de Trente, se contentait de revendiquer la révélation intérieure ou même la direction et la coopération du Saint-Esprit dans la rédaction des Livres saints. Dieu a parlé par son Esprit même, parfois de bouclie à bouche, parfois intrinsecus, reveluns intus nujsteria, ou par personnes interposées. Cependant les apôtres et les évangélistes semblent avoir écrit la vie de Jésus et l’histoire apostolique d’après leur propre génie, racontant comme des historiographes ce qu’ils avaient vu et entendu. Dieu s’est servi de leur esprit, de leur prudence et de leur industrie. Les évangélistes se sont servi de leur mémoire, de leurs lumières naturelles et de leur industrie personnelle. Néanmoins, ce qu’ils ont écrit est la parole de Dieu, même quand ils rapportent des actions humaines. Dieu, en effet, a modéré par son Esprit leurs facultés naturelles de telle sorte qu’il les a dirigés et éclairés, partie en leur suggérant ce que Jésus avait fait et enseigne, partie en leur apprenant ce qui n’avait pas encore été révélé, de telle sorte qu’ils n’ont dit que ce que Dieu voulait être dit et annoncé par eux, en coopérant à tous leurs dires et en confirmant ce qu’ils avaient dit. Ce qu’ils ont ainsi exprimé a été révélé par Dieu à deux points de vue : 1. cela fait partie de la révélation que Dieu a voulu donner aux hommes pour leur salut ; 2. cela a été intérieurement enseigné et suggéré par le Saint-Esprit. Et Dieu a toujours procédé ainsi dans la révélation qu’il a faite par les prophètes : il n’a rien révélé que par son Esprit Saint, et celui-ci révélait intérieurement aux prophètes ce qu’ils devaient dire et dirigeait intérieurement leur voix, pour qu’ils ne disent que ce que Dieu pensait. De verbo Dei, c. ii.

Un franciscain espagnol, Didacus Stella, dans son commentaire de saint Luc, admet, au contraire, que l’évangéliste ne s’attribue aucune part dans son œuvre, mais qu’il rapporte tout à Dieu. Dieu lui a abondanmient fourni les paroles et les actes du Sauveur. Bien qu’il ait appris de la sainte Vierge et des apôtres beaucoup de faits évangéliques, Luc les acependant écrits sous la motion et la dictée du Saint-Esprit. Par humilité il a gardé le silence sur cette influence divine et au lieu de dire qu’il avait été dirigé par le Saint-Esprit, il a déclaré qu’il avait appris des hommes ce qu’il écrivait. //) sanctuin J. C. secunduin Lucam Evangelium enarralio, prref., 1. 1, p. 2-6.

Trois jésuites, Grégoire de Valence, François Coster et Maldonat, admirent la dictée des Livres saints par le Saint-Esprit. Le premier ne se contentait pas d’une direction quelconque de l’Esprit inspirateur. Pour que l’Écriture’soit infaillible, il faut que cet Esprit ait dicté aux écrivains sacrés ce qu’ils écrivaient. Ceux-ci étaient mus par l’Esprit plutôt qu’ils n’agissaient eux-mêmes ; ils étaient comme une plume entre les mains d’un scribe. Cela ressort de leur facilité à connaître et de leur rapidité à écrire. Quoiqu’ils écrivissent spontanément, ils n’étaient pas laissés à leur libre arbitre, et la volonté du Saint-Esprit était si etTicace sur la leur qu’ils écrivaient nécessairement. Comment. theoL, t. III, dist. I, q. I, p. VII, q. viii.

François Coster attribuait la rédaction des deux Testaments à la dictée divine. Dieu n’a pas écrit de sa main la loi et les prophètes, mais il a dicté lui-même ces livres aux prophètes, que le Saint-Esprit inspirait. Cet Esprit n’a pas écrit de ses mains le Nouveau Testament ; il l’a rédigé par les mains de ses scribes, les apôtres et les évangélistes, à qui il l’a dicté. Les paroles des écrits apostoliques ont été dictées par le Saint-Esprit, de sorte qu’il n’y ait ni un iota ni un point, qui n’ait son poids et son efficacité. Enchiridion controversiarum pnecipuarum temporis de religione, (1585), 2’^ édit., 1596, c. i.

Maldonat dit que les quatre évangélistes ont une autorité ausi grande que le Saint-Esprit, dont, en écrivant, ils n’ont été que les scribes. In quatuor Euangelia, prœf., c. i. Les écrits des apôtres et des évangélistes n’ont pas besoin d’être recommandés de la personne de leurs auteurs, puisque le même Esprit Saint a parlé par eux tous. Rien de ce qui provient de leur génie, de leur nature, de leur éducation, de leurs études, ne donne à leurs œuvres une plus grande autorité ; tout cela leur donne seulement une grâce plus grande de diction, plus de couleur, plus de force pour émouvoir le lecteur. La nature, en elîet, sert à la grâce, et la langue des saints, qui est comme le calame de l’Esprit Saint, quoiqu’elle soit mue tout à fait par cet Esprit, fait cependant quelque chose par elle-même, et il importe beaucoup, même à un maître en écriture, d’avoir une bonne plume. Tous les prophètes sont admirables dans leurs écrits ; cependant, Isaïe l’emporte sur les autres en sublimité, ingéniosité, véhémence, urbanité. Et à ce point de vue, saint Jean l’emporte sur les autres évangélistes. In Joa., i.

Corneille Jansénius, évêque de Gand, interprète encore de la même manière le début du Ps. xliv, Paraphrasis in ps. XLl Y.

Gilbert Génébrard donne la même interprétation, dans ses Psalmi David, Paris, 1571. Il dit, d’abord, au sujet du titre du ps. m : Dans les écrits humains, l’écrivain est le même que l’auteur ; dans les psaumes, David est l’écrivain, mais l’auteur, c’est l’Esprit Saint, qui illumine David intérieurement et lui révèle les " psaumes. Pour que donc, dans les titres des psaumes, la première place soit laissée à l’auteur et que David ne soit indiqué que comme son instrument, ayant été éclairé et enseigné par Dieu, le psaume est intitulé : Ipsi David, et non pas : Ipsius David. Le psaume a donc été donné ou dicté ou révélé à David par l’Esprit de Dieu. C’est pour la même raison que le premier Évangile n’est pas intitulé : Evangelium Muttliœi, mais secundum Mutthœum. Matthieu en est bien l’écrivain, il n’en est pas l’auteur. L’auctoritas doit être rapportée au Saint-Esprit, qui a parlé par les prophètes et les apôtres et qui ne leur a pas donné seulement les choses ou la doctrine, mais aussi leur a dicté les mots, en s’accommodant au style et à la manière de dire de chacun d’eux. Les uns ont donc écrit plus efficacement que les autres et en un style ditîéient. Au ps. xliv, la langue du psalmiste est le calame du Saint-Esprit, lequel est le scribe très rapide et très exercé à écrire. Cette image signiŒ qu’il fait écrire très rapidement ceux qu’il inspire. Ou bien il se nomme lui-même scribe rapide et habile, parce que les écrivains de ses livres n’en sont pas les auteurs ; ils ne sont que des scribes et des notaires et comme des instruments. L’auteur, c’est l’Esprit Saint, qui préside à leur langue et à leur plume.

François Tietelmann, en commentant le ps. xliv, 2. avait appliqué à tous les prophètes et à tous les écrivains sacrés ce que le psalmiste dit de lui en ce passage. Non enim jnerunt scribentes ipsi aut loquentes nisi sicut calamus sive stilus in manu scripturis, idesl, nonnisi instrumenta, ipse vero Spiritus Sanctus primarius operator, a quo sicut elocuta aut descripla veritas, sic et auctoritas dictoruni scriptorumque procedil. Elucidatio in omnes psalmos, dedicace. A Douai, Estius admettait l’inspiration verbale. In II Tim., III, 16.

Cependant, le jésuite Alphonse Salmeron, dans son Commentaire sur la concorde évangélique, qui ne fut publié qu’après sa mort, avait enseigné que les évangélistes avaient écrit les Évangiles comme des historiographes. Il n’est pas nécessaire de concéder qu’ils aient tous écrit par une révélation nouvelle et manifeste du Saint-Esprit, en dehors de celle que les apôUes

avaient reçue primitivement du Christ et qu’ils avaient transmise aux autres, quoiqu’il faille croire que le Saint-Esprit ne leur a pas fait défaut, lui par l’impulsion de qui leur esprit avait été poussé à écrire, et avec le secours de qui ils avaient fermement conservé la mémoire de ce qu’ils avaient appris du Christ et des apôtres, par qui en fin ils avaient fidèlement tracé par écrit leurs souvenirs. Luc l’indique bien dans son prologue. Faut-il donc multiplier sans nécessité les miracles ? Ou pourquoi Luc dit-il qu’il a appris l’Évangile par la tradition de ceux qui ont vu et entendu, et non pas plutôt par une illumination récente et nouvelle du Saint-Esprit, s’il l’avait reçue ? L’Évangile de Luc est-il donc un écrit composé par l’industrie humaine et fondé sur des souvenirs, puisqu’un livre ^crit avec les seules lumières de la raison et î'habileté numainc, fût-il d’ailleurs très vrai et contînt-il des choses plus claires que le jour, ne serait pas néanmoins reçu au canon biblique ? Luc n’aurait-il pas dû dire plutôt qu’il a été dirigé par le Saint-Esprit ou amené par lui à écrire, et non par son bon plaisir et sa volonté? Sahneron répond que Luc a justement dit qu’il s’était décidé de lui-même à écrire. La direction du Saint-Esprit n’était pas quelque chose qui fût extérieure à Luc et qui lui apparût à lui et aux autres, et qui pût être facilement perçue. N’importe qui pourrait l’affirmer de lui-même. C’est pourquoi, quoique Luc fût certain d’être dirige par l’Esprit, l’affirmer eût pu paraître de la jactance et de l’orgueil de sa part. Enlin, en disant qu’il avait été instruit par ceux qui avaient vii, comme c’étaient des hommes très sérieux et remplis du Saint-Esprit, il était plus modeste cjue s’il avait dit expressément que le Saint-Esprit l’avait dirigé. Il n’excluait pas, du reste, la bonne volonté de Dieu, pas plus que sa volonté soumise à celle de Dieu. Proh'(/omen. xxxii. Sahneron frayait ainsi la Voie à Lessius.

5o Opinion de Lessius.

Ce jésuite provoqua, au xvie siècle, un autre courant d’idées sur la nature de l’inspiration. Déjà, Sixte de Sienne, dans sa Bibliotheca sancta, Venise, 1566, tout en reconnaissant que les livres divins et canoniques étaient ceux de l’Ancien et du Nouveau Testament écrits sous la dictée du Saint-Esprit, t. I, au début, avait déclaré toutefois au sujet des livres des Macchabées, que l’Église catholique tenait pour canoniques ; nec quicquam eorum fide deroyatur, etiamsi nb aiitore prophano scripti sint, ciim libri fuies non ab aiilore, sed ab Ecclesiæ catholicæ auloriiale pendeai, et qiwd ilUt acceperil, veriim et indubilalam esse oporlel, a quociimqiie diciiun sit auiore quem ego neque sacrum neque prophanum ausim afjlrmare. L. VIII, hær. xii, n. 7, 8. Il ne disait pas explicitement que l’Église pouvait décider par son acceptation d’un livre profane au canon biblique que ce livre était inspiré ; il affirmait seulement que cette acceptation rendait tout son contenu vrai et très certain.

Lessius ouvrit une voie nouvelle. En 1585, il commença son cours de théologie au collège de sa Compagnie à Louvain. L’année suivante, à l’instigation de Bains, les théologiens de l’université de la même ville tirèrent des cahiers de ses élèves les trois propositions suivantes sur l’Écriture sainte : 1o Ut aliquid sil Scriptura sacra, non est necessarium singula ejus verba inspirala esse a Spirilu Sanclo. 2o Non est necessarium ut singula ; veritates et sententiæ sint immédiate a Spirilu Sanclo ipsi scriplori inspiratæ. 3o Liber aliquis (qualis forte est II Machabœorum) humana industriel sine assistentia Spiritus Sancli scriplus, si Spiritus Sanctus posteu testetur ibi nihil esse falsum, efjicitur Scriptura sacra. Livin de Meyer, Historia conIravcrsiarum de divina yrcdia, in-fol., Anvers, 1705, t. I, c. VI, VII, p. 13-16 ; Serry, Historia congregedionum

De auxiliis, in-fol., Louvain, 1700, t. I, ciii, p. 10-11. Les deux premières propositions contredisaient explicitement l’opinion de l’inspiration immédiate pour tous les écrivains sacrés, qui était alors l’opinion courante, et la troisième modifiait et précisait le sentiment de Sixte de Sienne au sujet du II livre des Macchabées, puisque l’attestation non pas de l’Église, mais du Saint-Esprit lui-même, que ce livre non inspiré ne contenait aucune erreur, le rendait Écriture sainte, comme si le Saint-Esprit lui-même l’avait inspiré à son auteur.

Les théologiens de Louvain, après avoir demandé à Lessius si ces propositions étaient siennes et avoir reçu une réponse affirmative censurèrent, le 9 septembre 1587, ces trois propositions en ces termes : Très istee assertiones videntur ad damncdam olim anomscorum opinionem, qui prophclas et apostolos in multis volebant ut homines fuisse locutos, ul rcfert Epiphanius, hæresi 76, et ad eorum sententiam quam privfatione in Epistola ad Philemonem et cdibi D. Hieronymus reprehendit, de qua et notatus Erasmus fuit. Nec immerito quidem, siquidem Scriptura sacra caque tola non hominum, sed Dei est verbum a Spirilu Saricto, ut Tridenlina syKodus ait, dictalum. Ils citaient les textes de saint Paul sur l’inspiration des prophètes et des Écritures. Quo fit ut veleres Patres sacrorum scriptorum linguas et manus non aliud quam Spiritus Sancti ccdemws fuisse teslentur. In quorum proinde scriptis cerlum quamdam eloquendi facultatem propriumque texendi sermonis modum B. Augustinus aynoscit, usque adco utreyietiamhic eodem leste menlem suam plus utique nabis, illi ipsi sentirent. Duplessis d’Argentré, Colleclio judiclorum de novis erroribus, Paris, 1736, t. m b, p. 125 ; Anncdes de la Société des soi-disant jésuites, in-4o, Paris, 1764, t. i, p. 174-175. Les théologiens de Louvain admettaient donc l’inspiration verbale et la révélation immédiate de toute l’Écriture.

Des copies de cette censure, qui ne fut imprimée qu’en 1641 à Paris, furent envoyées à plusieurs évêques des Pays-Bas, à l’archevêque de Cambrai et aux facultés théologiques de Paris et de Douai. La Sorbonne refusa positivement d’approuver la censure, mais la faculté de Douai y joignit la sienne, qu’avait rédigée Estius et qui parut seulement le 20 janvier 1588.

Lessius avait rédigé à cette date, une Apologia, qui était une Responsio ad censuram assertionumde Scripturis, qu’il envoya d’abord à Rome avec la censure et qu’il communiqua ensuite à l’Académie de Louvain. Il y reconnaît siennes les assertions censurées, mais il démontre qu’elles n’ont rien de répréhensible si elles sont expliquées comme il les a expliquées d’ailleurs dans son cours. Dans les deux premières, il ne nie pas que les hagiographes ont écrit par une inspiration spéciale, une direction et une assistance du Saint-Esprit, il dit seulement qu’il n’a pas été nécessaire qu’ils aient eu besoin, pour chaque sentence et chaque mot, d’une inspiration nouvelle et positive, c’est-àdire d’une nouvelle illumination, par laquelle non seulement ils recevaient connaissance des vérités qu’ils écrivaient, mais encore ils voyaient les mots dont le Saint-Esprit voulait qu’ils se servissent. Il suffisait que le Saint-Esprit les eût excités et poussés d’une manière particulière à écrire ce qu’ils avaient entendu et vu ou connu d’une autre manière, et en même temps qu’il les eût assistes pour chaque sentence et chaque mot, et qu’au besoin il les dirigeât.

Cette opinion lui a paru plus probable que l’autre, et il en donne deux raisons : 1. Les évangélistes n’ont pas eu besoin d’une nouvelle révélation pour écrire la vie de Jésus, dont ils avaient été témoins ou qu’ils connaissaient par la tradition ; 2. le Saint-Esprit s’est servi d’instruments idoines à écrire ce qu’ils connais

salent avec certitude et doués d’ailleurs de la faculté de s’exprimer. Il a suffi qu’il les choisît, qu’il les excitât par un instinct particulier à écrire ce qu’ils connaissaient déjà, et qu’il les assistât d’une manière très spéciale pour toutes les sentences et tous les mots, de sorte qu’ils ne pussent commettre aucune erreur. Du reste, le Saint-Esprit a inspiré à nouveau aux prophètes les sentences et les mots, comme il appert de Jérémie, XXXVI, qui dictait ses prophéties avec une telle facilité qu’il paraissait les lire dans un livre. Mais il a fait écrire à la manière décrite plus haut les évangélistes et les historiographes inspirés. Cette opinion sert à réfuter les protestants partisans de l’inspiration verbale, qui rejettent la canonicité des livres des Macchabées, non dictés par le Saint-Esprit. L’impulsion à écrire et l’assistance du Saint-Esprit n’empêchent pas le travail de la mémoire, ni de la mise en ordre, ni de l’élocution, comme le montre la différence du style des écrivains sacrés.

Quant à la 'S'^ proposition, la parenthèse écartée, elle paraît certaine, si on n’en fait pas une question de mot. Qu’un homme pieux écrive une pieuse histoire qu’il connaît fort bien, ex instincta Spirilus Sancti, mais sans une assistance spéciale, qu’il ne commette aucune erreur, et que l’Esprit Saint lui-même, par l’organe d’un prophète ou autrement, atteste après coup, que tout le contenu du livre est vrai et salutaire, pourquoi un tel livre n’aurait-il pas l’autorité de l’Écriture sainte, puisqu’on aurait la même raison de le croire que de croire à une prophétie quelconque, à savoir l’autorité divine ? Une lettre dictée par un roi et une lettre dictée par un autre, mais souscrite par le roi lui-même, ont la même autorité.

Lessius confirme sa conclusion, en appliquant l’approbation subséquente du Saint-Esprit à une question scientifique, telle que celle-ci : La terre est au milieu du monde. Ainsi approuvée, cette assertion aurait la même autorité que la parole inspirée : Terra in a’terniim stat. Si l’Épître du pape saint Léon à Flavien, approuvée par le IV" concile général, avait été écrite au temps des apôtres et divinement approuvée par saint Pierre ou par saint Paul, comme étant en tout très vraie et très salutaire, elle aurait eu alors la même autorité que l’Écriture sainte. Qu’on l’appelle Écriture sainte ou non, ce ne serait plus qu’une question de mot. On appelle généralement Écriture toute parole de Dieu écrite par les prophètes et les apôtres. La lettre du pape ainsi approuvée tirerait immédiatement du Saint-Esprit son autorité, qui serait aussi infaillible que celle de l’Écriture.

L’opinion de Lessius est donc bien différente de celles des anoméens et d’Érasme, qui prétendaient que les apôtres avaient parfois parlé comme des hommes et avaient pu se tromper et commettre des erreurs de mémoire. Toute erreur de l’Écriture retomberait sur le Saint-Esprit et détruirait l’autorité de l’Écriture entière. Livin de Meyer, Ilisloria, etc., Appendix, p. 758-760 ; Schneemann, Controvers. de divinæ grutiie liberique urbilrii concordia, I^'ribourg-en-Brisgau, 1881, p. 467-172.

r La censure de Douai était plus sévère que celle de Louvain. La P'= proposition de Lessius y était notée : Asserlio iemeruria et ex quu incomparabilis illadignitas et niajestas, (jiuim in Scriptura sacra propler uulhurem Spiritum Suncliim semper et agnoverunt et religiose reuerili fiierunt Ecclesiæ doctores, nuillum minui videtur. Suivaient des textes dans lesquels les Pères disent que l’Écriture a été dictée par le Saint-Esprit et que chaque mot renferme des mystères. La dictée n’est pas une suggestion faite en gros et en général, mais une suggestion verbale des mots. Par conséquent, il n’y a dans l’Ecriture ni une syllabe ni un accent qui soient oiseux ou superflus. Aux Pères de l’Église, les doc teurs de Douai joignent les deux jésuites Grégoirde Valence et François Coster, et le sentiment come mun des fidèles.

De cette doctrine sur la dictée et l’inspiration verbale découle la censure de la 2 « proposition de Lessius. Toutes les sentences de l’Écriture proviennent donc immédiatement du Saint-Esprit et ont été inspirées non seulement aux prophètes et aux apôtres, mais à tous les écrivains sacrés. C’est le sentiment de saint Augustin. Ce que les écrivains sacrés savaient de science humaine a dû, pour avoir la certitude qui résulte de la science de Dieu et être parole divine, être écrit par une motion divine du Saint-Esprit. La suggestion de l’Esprit n’empêche pas le travail et l’effort des écrivains, car l’Esprit souffle où et comme il veut. Si tout, dans l’Écriture, ne provenait pas immédiatement du Saint-Esprit, on discuterait quelles sentences ont cette provenance et quelles autres ne l’ont pas ; on discuterait encore sur l’inspiration des Évangiles, qui auraient pu être écrits par des hommes ; bien plus, on douterait que toutes les Écritures non prophétiques aient été immédiatement inspirées par le Saint-Esprit.

La 3' proposition devait être désapprouvée plus encore que les deux premières, ianquam manifesti erroris periciilnm coniinens. L’Écriture est inspirée et dictée par Dieu ; les décrets et définitions de foi des papes et des conciles ne le sont pas, quoique le Saint-Esprit atteste par l’Église qu’ils ne contiennent rien de faux. On ne reconnaîtrait pas pour Écriture les livres qui n’auraient été écrits qu’avec la simple assistance du Saint-Esprit, à plus forte raison un livre composé sans cette assistance et approuvé seulement comme le dît Lessius, telle qu’une histoire de Thucydide ou de Tite-Live. Le II » livre des Macchabées est livre canonique et Écriture sainte ; on ne peut donc dire, pas même d’une façon dubitative, qu’il a été composé par simple industrie humaine. On pourrait aussi, dans l’hypothèse, appliquer cette assertion à l’Évangile de Marc, qui a été approuvé par saint Pierre. Mais saint Pierre l’a approuvé parce qu’il le savait inspiré. L’approbation subséquente d’un livre par le Saint-Esprit ne ferait pas que ce livre soit Écriture sainte. Enfin saint Augustin a déclaré manifestement que Dieu a parlé par tous les écrivains sacrés quand ils écrivaient, et les fidèles le croient fermement. Duplessîs d’Argentrc, op. cit., t. iii, p. 135-138 ; Annales de la Société des soi-disant jésuites, 1. 1, p. 206211.

Lessius avait terminé sa réponse à la censure de Louvain, quand il eut connaissance de celle de Douai. Pour y répondre, il se contenta d’ajouter cjuelques notes à son Apologie. Relativement aux deux premières propositions, il observe qu’il ne nie pas que l’Écriture entière soit la parole de Dieu, ni qu’elle ait été dictée d’une certaine manière par le Saint-Esprit, que Dieu ait parlé par les écrivains sacrés, ni qu’ils étaient les calâmes du Saint-Esprit. Il expose de nouveau son sentiment : l’illumination des choses et des mots par l’Esprit Saint a été propre aux prophètes et aux autres hagiographes, toutes les fois qu’ils écrivaient prophétiquement ; mais elle n’a pas été nécessaire aux écrivains sacrés pour écrire ce qu’ils savaient naturellement ; il leur suffisait alors d’un instinct particulier les poussant à écrire et d’une assistance tandis qu’ils écrivaient. Quant aux témoignages des Pères sur la profondeur de tous les mots de l’Écriture, des syllabes, des lettres, des accents et des points, il faut les entendre comme on entend l’expression : parole de Dieu. Dire que dans les lettres matérielles, les syllabes et les mots se cachent partout des mystères, c’est une fiction juive et cabalistique. Enfin, la Bible latine est bien inférieure aux Bibles

hébraïque et grecque, et notre version manque ainsi d’une infinité de mystères. Il n’est pas vrai que les Pères aient dit de scruter des mystères dans chaque mot et chaque syllabe. Sans doute, des mystères sont cachés en beaucoup de passages de l’Écriture, quoique les passages où il n’y en a pas, aient été inspirés immédiatement par le Saint-Esprit. Tout cela ne prouve rien contre l’assertion de Lessius, qui diffère de celle d’Aétius.

La 3o proposition traite seulement d’un cas possible, et d’un ouvrage pieux et salutaire que le Saint-Esprit approuverait publiquement comme très vrai et très salutaire dans toutes ses parties. Il aurait alors l’autorité de l’Écriture, et celui qui en nierait quelque chose ne serait pas moins hérétique que s’il niait quelque sentence de l’Écriture inspirée. La mention du IP livre des Macchabées, faite dans la parenthèse, n’empêche pas Lessius de penser que ce livre a été composé par un instinct particulier du Saint-Esprit et avec l’assistance de cet Esprit. Livin de Meyer, op. cit., p. 774-775.

Les thèses et l’Apologie de Lessius, envoyées à Rome par les jésuites de Louvain, furent trouvées orthodoxes par les théologiens de la Société, et Bellaimin en écrivit une défense. Il met les trois propositions concernant l’Écriture parmi les moins importantes de celles qui avaient été extraites des cahiers des jésuites, notamment sur la grâce et la prédestination, et censurées. Les deux premières, dit-il, ont pour but de montrer la différence qui existe entre les écrits des prophètes, qui ont été composés sans labeur, puisque Dieu révélait ce qu’il fallait écrire, et ceux des historiens, surtout du II « livre des Macchabées, dont l’auteur avouait avoir entrepris un labeur plein de veilles et de sueur. La 3o= proposition offusque principalement les censeurs. Cette question n’a pas grande importance, puisqu’il s’agit d’une possibilité, non d’un fait, et Lessius explique sa pensée, en disant qu’un livre ainsi approuvé serait Écriture sainte, non pas simplement, mais quant à l’autorité de vérité infaillible. Ce qu’on ne peut nier, si on ajoute la condition posée, que Dieu lui-même aurait révélé immédiatement à un prophète qu’il n’y avait pas d’erreur dans ce livre, et que cette révélation serait approuvée par l’Église. In defensionem doctrinx Lessii, dans Livin de Meyer, op. cit., Appendix, p. 786. Cf. Kleutgen, dans Schneemann, op. cit., p. 477.

Cependant les théologiens étaient divisés et la discussion sur la grâce et la prédestination régnait partout. Les principaux théologiens des Pays-Bas et plusieurs évêques tenaient la censure des lovanistes comme injuste et abusive. L’archevêque de Malines demanda à Lessius de s’expliquer plus clairement, s’il jugeait que quelque point de sa doctrine avait été mal exposé ou mal compris. Lessius ramena toute la controverse à six chefs, qu’il appela Antithèses, dans lesquelles il mettait en opposition sa doctrine et celle des lovanistes. La 6^ concerne les propositions sur l’Écriture :

Nos docemus, ut aliquid sit Scriptura sacra, non esse necessarium ut omnia verba aut omnes omnino sententiae sint auctori positive et immédiate inspirata, Spiritu Sancto proponente et formante in ipsius intellectu singula verba et siiigulas sententias scribendas, sed sulïicerc ut auctor hagiographus diviniliis instructus ad scribendum ea quæ audivit vel aliter novit, habcat infallibilem assistentiam Spiritus Sancti, quanon permittat eum lalli, etiam in iis, qua ; cognoscit, relatione, experientia aut ratione naturali : ab hac enim assistentia Spiritus Sancti Iiabet scriptura ut sit infallibilis veritatis. Denique si aliquod opus pium et salutare, humana industria ex divino instinctu compositum, publiée testimonio Spiritus Sancti approbaretur tanquam in omnibus suis partibus verissimum, taie opus liabiturum auctoritateni reque infallibilem atque Scrip tura sacra et recte Scripturam sacram et verbum Dei appellatum iri. Nam ejusdem est auctoritatis epistola a rege dictata et ab eo subscripta. Qui modus et de facto putem eum non inveniri in aliquo Scriptura ; canonicse libro, non tamen impossibilis. Doctores Lovanienses putant hæc esse periculosa et accedere ad hæresim. Kleutgen, dans Schneemann, op. cit., p. 466-467 ; Livin de Meyer, op. cit., p. 24.

Cependant, le général des jésuites sollicitait Sixte V d’intervenir et d’interposer son autorité pour calmer les discussions. Il lui remit les censures de Louvain et de Douai, l’Apologie de Lessius et le mémoire de Bellarmin. Le pape fit lire ces pièces devant les cardinaux réunis ; il lui sembla que les propositions n’énonçaient que ce qu’il pensait luimême ; les cardinaux déclarèrent qu’elles contenaient une saine doctrine et conseillèrent au pape d’adresser au nonce de Cologne un bref, par lequel il lui ordonnerait de se rendre à Louvain et de travailler à apaiser le différend, de concert avec l’archevêque de Malines. Le bref, daté du 13 avril, déclarait que les propositions de Lessius étaient des articles de saine doctrine, et le nonce reprit cette qualification dans le décret du 10 juillet, qui interdisait toute discussion publique et qui évoquait l’affaire au Saint-Siège. Il se rendit à Louvain au début du mois de juin 1588. Le 25 de ce mois, après en avoir conféré avec l’archevêque de Malines, il convoqua en assemblée les docteurs de la faculté, le recteur du collège des jésuites et le P. Lessius. Celui-ci avait demandé un débat contradictoire, qui fut fixé au 6 juillet. Mais, ce jour-là, il fut décidé que la discussion aurait lieu par écrit. Les docteurs de Louvain approuvèrent unanimement une Justipcatio censurée ou Antapologia, que le nonce fit remettre, le 10 septembre, au recteur des jésuiteset à Lessius.

Les docteurs de Louvain ramenèrent les propositions de Lessius sur l’Écriture sainte à ce seul point : « Toutes les expressions et les mots de l’Écriture sainte ont été si peu inspirés par le Saint-Esprit qu’un livre même entier, écrit par l’industrie humaine sans l’assistance du Saint-Esprit, peut devenir un livre sacré, une Écriture sainte, si dans la suite le Saint-Esprit déclare qu’il ne s’y trouve rien de faux. Et nous avons peut-être un exemple de ce genre dans le W'^ livre des Macchabées. » Annales de la Société des soi-disant jésuites, t. I, p. 292. Cf. Kleutgen, dans Schneemann, op. cit., p. 363.

En comparant la réponse de Lessius à leur censure et celle qu’il ajouta pour répondre aux docteurs de Douai, ils trouvent les propositions tellement modifiées et si différentes qu’elles n’y sont pas reconnaissablés et qu’on peut dire qu’elles ont été rétractées au moins pour la plus grande partie. Agir ainsi, ce n’est pas les expliquer c’est plutôt les changer.

Ils s’occupent d’abord et très longuement de la 3o=. Elle leur avait paru la plus révoltante par son étrange nouveauté ; elle paraît à Lessius, la parenthèse enlevée, tout à fait certaine à moins qu’on n’en fasse une question de mots. Mais elle était générale et pouvait s’entendre de tout auteur, César ou Salluste, et de tout sujet. Lessius ne l’entend que d’un auteur pieux et d’une histoire sacrée. A cet écrivain, il ne refuse pas toute assistance du Saint-Esprit, mais seulement une assistance spéciale, et il n’exige pour le livre d’autre témoignage de l’Esprit divin que la certitude qu’il ne contient aucune erreur. Mais un livre peut très bien ne contenir que la vérité, et cependant sa lecture peut être dangereuse. Ainsi approuvé, le livre ne devient pas Écriture sainte ou n’a pas l’autorité d’Écriture ; on lui accorde seulement une autorité aussi infaillible qu’à l’Écriture. Ce n’est pas exphquer la première teneur de la proposition ; c’est la désavouer

tacitement, en la changeant ouvertement. Or, il ne s’agit pas de l’infaillible vérité, mais de l’autorité et de la dignité de l’Écriture. Une parole humaine, même non mélangée d’erreur ne deviendra jamais parole de Dieu, Dieu ne l’ayant ni dite ni dictée ; elle n’aura jamais la même excellence que la parole divine. Ce n’est donc pas une simple question de mots. La comparaison avec les édits des rois ne prouve rien, car il ne s’agit pas d’un livre, approuvé par un roi, mais d’un livre composé par un roi tel que ceux de Salomon. Les conciles généraux pourraient avoir la même autorité que les livres ainsi approuvés. En recevant les quatre premiers comme les quatre Évangiles, saint Grégoire ne leur a pas reconnu la même dignité ni la même excellence. La canonicité d’un livre diffère de son approbation. Les livies historiques, mentionnés dans les Paralipomènes, ne sont pas au canon biblique, parce qu’ils n’étaient pas inspirés. Prétendre qu’il ne faut pas prendre la proposition dans un sens absolu, mais comme une simple hypothèse, ce n’est pas donner une bonne réponse, car, dans l’hypothèse, îks livres approuvés n’ont pas la même autorité que les Livres saints. Le II « livre des Macchabées étant un livre canonique, il faut supprimer la parenthèse ; autrement, on pourrait suspecter l’inspiration de tous les deulérocaniques de l’Ancien Testament.

Quant aux deux autres propositions, l’Apologie, adressée à la faculté de Louvain, les disait certaines ; l’Apologie, adressée à la faculté de Douai, - ne les présente que comme probables. Les écrivains sacrés n’ont pas eu besoin d’une inspiration et d’une révélation nouvelle pour leur rappeler en détail ce qu’ils avaient à écrire, puisqu’ils étaient sufRsamment instruits ; tels, les apôtres Matthieu et Jean, qui avaient vu et entendu une partie des actions et des paroles de Jésus, rapportées dans leurs Évangiles. Mais l’assistance du Saint-Esprit ne s’est pas bornée à exciter une fois pour toutes leur volonté à écrire, et à diriger simplement leur intelligence pourqu’ilne leur échappât rien de contraire à la vérité. Pour rendre présentes à leur esprit les choses qu’ils savaient, ils ont eu besoin d’une inspiration continuelle et particulière qui les 1 appelât à leur mémoire. Ils ont fait un choix des paroles et des actes de Jésus, et ils n’ont pas été, pour ce choix, abandonnts à leurs lumières et à leur façon personnelle d’envisager les événements. Leur inspiration a été spéciale et immédiate, même, apparemment du moins, dans leur manière d’écrire. Il n’a pas suffi de leur inspirer la première volonté et la première intention d’écrire, il a fallu que l’Esprit Saint conduisît l’écrivain qui, abandonné, à lui-même, eût pu s’écarter de la vérité. L’n auteur profane pourrait, avec l’assistance divine, éviter toute erreur ; il ne serait pas inspiré au jugement de saint Paul. Il faut donc rejeter la distinction que Lessius établit entre deux genres d’inspiration. L’inspiration comprend et les choses écrites et l’écrit lui-même.

Elle n’exclut pas le soin de se préparer à écrire, pas plus que la luière et le jeûne. Les écrivains sacrés doivent méditer, réfléchir, étudier ; mais le Saint-Esprit doit leur donner l’ordre et la méthode de leurs écrits, il le faisait même pour les prophètes au moment où ils écrivaient. Il guidait ceux-ci dans le choix et l’ordonnance de leurs révélations antérieures. Le Saint-Esprit ne choisit pas un homme capable d’écrire, parce qu’il est capable ; il le rend capable. Il lui prescrit l’ordre, la place de chaque partie du discours, le langage lui-même et les paroles appropriées. Mais si Dieu est libéral dans ses dons, il ne les prodigue pas sans nécessité. Il laisse aux prophètes leur talent naturel, quand ils écrivent les révélations secrètes qu’ils avaient reçues ; témoin Isaïe et Amos. Le Saint-Esprit se proportionne à la condition des personnes

et il fait servir cette différence elle-même aux vues et aux desseins de sa sagesse. L’auteur du II « livre des Macchabées ne s’excuse pas des erreurs, qu’il aurait commises, mais seulement de son style, proportionné à sa faible capacité. En parlant du travail l’es évangélistes, saint Ambroise parle de leurs efforts humains, il ne nie pas la grâce particulière que Dieu leur a accordée pour l’exécution de leur travail. Les auteurs des essais, dont parle saint Luc, n’ont pas abouti, faute de la rosée de la grâce.

Les trois propositions de Lessius leur avaient paru se rapprocher de près des erreurs des anoméens et d’Érasme. Instruits par Bellarmin, qui a parlé clairement des anoméens et qui a approuvé leur censure de la 3'= proposition, ils maintiennent le rapprochement, bien que Lessius ne reconnaisse pas d’erreur dans l’Écriture ni lapsus de mémoire de la part du Saint-Esprit, parce que les anoméens ont reproché à saint Paul un travail et une application trop humains. En somme l’explication des docteurs de Louvain était une sorte de rétractation. Annales de la Société des soi-disant jésuites, 1. 1, p. 294-306.

Lessius rédigea promptement une Réponse, qu’il adressa au nonce apostolique, dés le 17 octobre. Cette Réponse fut envoyée à Rome par le nonce avec la Juslificalinn. Or Lessius y montrait, que l’état de la question n’avait pas été bien posé par les docteurs de Louvain. Ils avaient réuni les trois propositions en une pour que toutes soient rejetées avec celle qui est la moins probable. On ne p. ut approuver ce procédé et chacune d’elles doit être considérée à part. De plus, on lui fait dire ce qu’il ne dit pas. Aussi reprend-il en détail ses trois propositions, les précise-til, avant de répondre aux nouveaux arguments des lovanistes.

Prima proposilio. Ut aliquid sit Scriptura sacra, non est neccssarium singula ejus vorba iiispirata esse a Spiritu Sancto, scilicet ea inspiratione qua Spiritus Sanctus singula verba materialia in mente scriptoris formet.

Scciinda proposilio. Non est necessarium ut smgulre veritates et sententise quales sunt : Lucas est iv.ecum soins, Trophimum reliqui infirmum, sint immédiate a Spiritu Sancto ipsi scriptori inspiratæ. scilicet ea inspiratione quod singularuni sententiarum veritas novo modo cognoscat quando eas antea ratione naturali aut experientia certo cognoscebat, quanivis opus fuerit excitatione et directione et infallibili assistentia ad scribendum.

Tertia proposilio. Si aliquod opus vel sententia humana industria sine illa infallibili Spiritus Sancti assistentia scripta, a Spiritu Sancto postca approbetur tanquam vera et salutaris, efficietur Scriptura sacra, nempe quoad infallibi ! em auctoritatem independentem a Scriptura sacra. Ubi notandum, opus illud continere debere materiam Deo dignam, nec excluditur excitatio Spiritus Sancti ad illud scribenduni, sed solum infallibilis assistentia. Hic tamen modus in nuUa Scriptura ; parte reperitur, sed non implieat. Dans Sclineemann, op. cit., p. 374-375.

En abordant la discussion, Lessius observe que les lovanistes semblaient avoir admis les deux premières propositions, sur lesquelles il n’y avait plus lieu de discuter, puisque, le 16 juin 1588, ils avaient déclaré, devant le nonce, que toute la controverse roulait sur la 3o'. Il leur plaît maintenant d’attaquer les deux premières. Pour réfuter leurs arguments, Lessius dislingue entre les choses que les écrivains sacrés connaissaient au préalable par la raison naturelle, l’expérience ou quelque autre moyen, et celles qu’ils ne connaissaient pas. Or, pour écrire les premières, ils n’ont pas eu besoin d’une nouvelle révélation ni d’une lumière surnaturelle. Quand le Saint-Esprit leur faisait une révélation per internam locutionem, simul etiam in mente eorum formabantur verba quibus eu exprimerentur. quicquid enim coucipimus sub certis verbis alicujiis linguie concipimus ; ut autem ea scriberentur, opus esset infallibili assistentia Spiritus

Sancti et continua directione, ut passent ea exprimere sicuti ipsis erant revelala ; non lamen egebant una nova revelatione, quasi iterum deberct illis revclari quod jam anle rcvelatume : at, sicut objiciunt. C’est ce qu’il avait voulu dire dans son Apologie. Quant aux choses que les écrivains sacrés connaissaient déjà, ils n’ont pas eu besoin d’une nouvelle révélation ; leur connaissance antérieure leur suffisait avec l’assistance infaillible du Saint-Esprit, tandis qu’ils écrivaient, et son excitation à écrire et en même temps une direction pour qu’ils ne se trompent nulle part. Il n’était pas non plus besoin que le Saint-Esprit inspire chaque mot à leur esprit ; mais comme ils avaient été excités à écrire ce qu’ils connaissaient, cette excitation les portait aussi à se servir des mots par lesquels ils les concevaient par industrie humaine, sous cette excitation. Par suite, les mots n’étaient pas formés dans leur esprit de cette manière nouvelle dont ils étaient formés dans l’esprit des prophètes, tandis que Dieu leur parlait intérieurement et leur révélait des choses obscures. Dieu cependant les dirigeait en chaque chose, pour qu’ils n’écrivissent pas d’autres choses ou autrement que ce qu’ils avaient vii, mais cela se faisait sans révélation ou nouveau mode de connaissance. On voit aussi comment l’auteur du II « livre des Macchabées a pu lui-même être dit le calame du Saint-Esprit et comment il a pu ne l’être pas dit. Toutes les autres objections de VAnlapologie peuvent être résolues de la même manière.

Lessius fait observer toutefois que, dans les deux premières propositions, il n’a pas dit autre chose, sinon que, adrationem Scripturx sacrée, il n’était pas nécessaire que tous les mots matériels fussent inspirés par le Saint-Esprit, ni que chacune des pensées fût inspirée, c’est-à-dire révélée de façon que l’écrivain la connût d’une manière nouvelle. La notion d’Écriture sainte n’inclut pas intrinsèquement que tous les mots matériels soient dictés par le Saint-Esprit. Cette dictée n’a été qu’un accident, pour l’ornement de l’Écriture. D’ailleurs, si les exemplaires hébreux et grecs avaient disparu, l’Église n’aurait plus l’Écriture sainte. Bien plus, l’Église latine ne la posséderait plus, de fait, car la version latine ne serait plus l’Écriture sainte. La conséquence serait absurde. L’essentiel de l’Écriture est dans la pensée, en quelque langue qu’elle soit exprimée cela lui confère l’autorité immédiate et infaillible de la vérité première. Lessius ncdit pas que quelques paroles ou quelques sentences n’aient pas été inspirées de la sorte, quoiqu’il pense, pour les raisons données dans son Apologie, que cela ne soit pas nécessaire, surtout parce que l’auteur du II « livre des Macchabées, et non pas le Saint-Esprit, s’excuse de son style, sachant bien que la structure des mots dépendait de l’industrie humaine. Cano, Banez, Sixte de Sienne et Bellarmin sont de cet avis.

La 3o proposition a été suffisamment expliquée dans V Apologie. Dans la conjecture sur le IP livre des Macchabées, Lessius n’a pas exposé son sentiment, mais celui de Sixte de Sienne qui croyait que l’auteur était un païen, dont le livre avait reçu des apôtres et de l’Église son autorité divine. Pour lui, l’auteur de cet écrit était un pieux fidèle, comme il convient que soit un hagiographe. Il y a donc lieu de s’étonner que les docteurs de Louvain prétendent que, dans sa première Apologie, Lessius ait eu des doutes contre la canonicité de ce livre, puisqu’ils ne pouvaient ignorer que dans ses leçons publiques, il avait prouvé très abondamment l’autorité canonique des deux livres des Macchabées, non seulement pour l’instruction morale, comme le dit Cajélan, mais encore pour l’établissement des dogmes.

Relativement à la proposition conditionnelle, Lessius a toujours pensé qu’aucun livre de l’Écriture

n’avait été ainsi approuvé après coup par le Saint-Esprit ; il a pensé seulement que Dieu aurait pu employer ce procédé. Il n’a pas voulu montrer uniquement que l’essence de l’Écriture consistait en ce que la souveraine autorité de la vérité première pouvait être appliquée à une pensée de l’une de ces trois manières : ou par révélation surnaturelle, ou par excitation à écrire, ou par approbation subséquente. Les deux premiers modes se rencontrent réellement dans les Écritures, le troisième n’implique pas contradiction. Toutefois, il faudrait que la matière fût digne de Dieu, qu’elle fût approuvée comme très vraie dans toutes ses parties et ciu’ainsi Dieu la tînt pour sa parole, comme les princes tiennent pour leurs les lettres écrites par leurs secrétaires.

Les lovanistes objectent à cette comparaison^ que les princes n’indiquent à leurs secrétaires que le sommaire de la lettre et que leurs lettres elles-mêmes n’ont que l’autorité royale et non pas nécessairement la sagesse. Lessius répond à la première de ces objections qne le sommaire du fond aurait pu être indiqué par révélation divine à l’auteur et que même si le prince n’a pas indiqué le sommaire de la lettre, sa souscription donne à celle-ci la même autorité. Quant à la seconde objection, il n’est pas de l’essence de l’Écriture sainte que sa matière surpasse toujours la capacité de la raison humaine, car l’Écriture contient tjeaucoifp de choses qui ont pu être connues par la raison. Donc, il ne faut pas tant considérer en elle la sagesse divine du contenu que l’autorité, qui est souveraine en toutes ses parties et qui surpasse dans chacune d’elles toute autorité créée.

Lessius répète enfin ce qu’il a écrit dans son Apologie pour confirmer sa 3'= proposition. Il approuve d’ailleurs le sentiment de saint Augustin, que, dans les choses qui auraient été révélées par Dieu, mais qui auraient été consignées par écrit à l’aide de la seule diligence humaine, quelque légère erreur ou quelque lapsus de mémoire aurait pu être commis, et qu’ainsi rédigées ces choses n’auraient pas une autorité égale à celle de l’Écriture. Toutefois, si plus tard Dieu les avait approuvées comme étant sa parole, il lui paraît qu’elles auraient une autorité pareille à celle de l’Écriture, quoiqu’il leur manquât une certaine dignité extérieure de l’Écriture. Son opinion diffère de celle des anoméens et d’Aétius. Responsio ad Antapologiam, dans Schneemann, op. cit., p. 386-390. Lessius avait expliqué déjà sa pensée dans une lettre à Bellarmin et dans d’autres pièces, conservées aux archives du Vatican, au dire du Père Kleutgen, Lessii de inspiralione doctrina, dans Schneemann, op. cit., p. 472, 475-476.

Sur l’histoire de cette controverse, voir Histoire ecclésiastique pour servir de continuation à celle de M. l’abbé Fleury, 1. CLXVIIl, a. 15-31, Paris, 1738, t. xxxvi, p. 148-178 ; sur les Apologies de Lessius, R. Simon, Nouvelles recherches sur le texte et les versions du N. T., part. I, c. iv, Paris, 1695, p. 74-91 ; sur les éditions des écrits pour et contre Lessius, C. Sommervogel, Bibliotlièque de la C^^ de Jésus, t. iv, col. 1726-1729.

Dés que le nonce pontifical de Cologne eut interdit la discussion de ces questions aux deux parties, la controverse cessa. La doctrine de Lessius devint dominante, au moins au sujet des deux premières propositions. Elle était exacte, sinon dans les termes mêmes des assertions, du moins dans les explications que l’auteur donna de sa pensée. Si l’on avait pris à la lettre les deux propositions, elles auraient signifié que toutes les pensées exprimées dans l’Écriture n’étaient pas inspirées. Lessius entendait dire seulement qu’elles n’avaient pas été toutes révélées immédiatement par Dieu. Il reconnaissait la révélation Immé

diate des pensées et même des mots dans toutes les prophéties. Voir Kleutgen, dans Sclineemann, op. t.it., p. 477-478.

Bellarmin enseignait la même doctrine. Dans ses Controverses, De verbo Dei, t. I, c. xv, ayant à répondre à l’objection de Calvin contre la canonicité du II'" livre des Macchabées, dont l’auteur avouait un labeur personnel incompatible avec la révélation divine, faite aux prophètes, il disait que Dieu est l’auteur de tous les Livres saints, mais qu’il ne l’est pas de tous de la même manière. Aux prophètes il révélait l’avenir et en même temps il les assistait pour qu’aucune erreur ne s’introduisît dans leurs lettres. De la sorte, les prophètes n’avaient d’autre travail qu’à écrire eux-mêmes ou à dicter, comme Jérémie à Baruch. Aux autres écrivains sacrés, aux historiens notamment. Dieu ne révélait pas toujours ce qu’ils avaient à écrire, mais il les excitait à écrire ce qu’ils avaient vu et entendu, les choses dont ils se souvenaient, et en même temps il les assistait pour qu’ils n’écrivissent rien de faux, (ette assistance n’excluait pas le labeur de la pensée et de la rédaction. Saint Luc l’indique dans le prologue de son Évangile. Quant au pardon que demandait l’auteur du II « livre des Macchabées, il ne portait pas sur les erreurs qa’il aurait commises, car il savait n’en avoir pas commises, mais sur son discours moins ! >oigné, comme saint Paul disait aux Corinthiens qu’il itait inhabile dans l’élocution. Voir J. de la Servière, La théologie de Bellarmin, Paris, 1908, p. 2-8 ; Bellarmin, t. ii, col. 521.

La ; > « proposition de Lessius ne satisfaisait pas complètement Bellarmin ; toutefois, telle qu’elle était modifiée et expliquée dans l’Apologie, elle lui parut lolérable. Des explications données il résultait, en effet, qu’un livre, approuvé comme Lessius l’entendait, avait l’autorité de l’Écriture, mais non pas qu’il était Écriture par son origine et sa dignité. Or, il est de foi catholique que l’Écriture est divine par son origine et sa dignité. D’ailleuis, Lessius n’admettait pas qu’aucun livre, pas même le II'^ des Macchabées, fût devenu Écriture sainte par cette approbation subséquente du Saint-Esprit. Il ne proposait qu’une IJure possibilité, et il finit par déclarer à ses adversaires qu’un livre ainsi approuvé présenterait la même certitude de foi que s’il était la parole même de Dieu. Aucun théologien n’a souscrit à cette hypothèse, sinon André Duval, et Bonfrère, comme nous le dirons plus loin. Ajoutons dès maintenant que l’hypothèse de Lessius n’a pas été visée au concile du Vatican. Dans une congrégation générale, Mgr Casser, évêque de Brixen, au nom de la Députation de la foi, le déclara expressément. Le schéma, présenté aux Pères, niait qu’un livre profane pût devenir Écriture sainte par l’approbation de l’Église ; Lessius parlait de l’approbation de Dieu même, et il n’envisageait qu’une pure possibilité. Bien que son opinion soit fausse. Dieu peut par son témoignage confirmer un livre déjà composé, de telle sorte que ce livre ait une autorité divine, et que Dieu lui-même apparaisse être comme son auteur, sans qu’il le soit réellement. Ibid., p. 489-491 ; Collectio I.acensis, t. VII, p. 140-141.

Opstræt rapporte que, le 11 mars 1692, les trois propositions de Lessius furent soutenues par le P. Van Oulers au collège des jésuites de Louvain. De lacis theologicis, Louvain, 1737, p. 78-80.

6o Théologiens du XVil^ et du XVllle siècles — Le xvii<e siècle est la grande époque, l’époque classique de l’étude de l’inspiration Les théologiens catholiques ont exposé de différentes manières leur sentiment touchant l’action de l’Esprit inspirateur sur les écrivains sacrés. Leurs opinions sont complexes et ne rentrent pas dans un cadre tout fait Je ne mentionnerai pas les nombreux théologiens et exégètes, qui

DICT. DE THÉOL. CATHOI, .

ont parlé de l’inspiration en termes généraux, sans prendre parti pour aucune opinion, ni ceux qui se sont bornés à reproduire l’enseignement de saint Thomas sur la prophétie et ses différents modes.

1. Je ne ferai que nommer ceux qui ont admis la révélation immédiate faite par Dieu à tous les écrivains sacrés sans exception, et par suite l’inspiration verbale : au xviie siècle en Espagne, Basile Ponce, Quæst. exposil., q. ii, c. ii. Cursus completus Scripturæ sacræ, de Migne, 1. 1, col. 1066 ; les docteurs de Salamanque. Cursus iheologicus. De fide, disp. I, dub. v, § 3, n. 123-125, édit. Palmé, t. xi, p. 164-165 ; cf. disp. III, dub. i, §3, n. 20, p. 196-197 ; en France,

Philippe Gamache, Sum. theot., I, q. i, c. xit ; In

Epist. I Pc., I, 20, 21 ; les jésuites Barradius, Comment, in concordiam ei hisloriam evangelicam, t. I, c. i, xvii ; Octavian de Tufo, Comment, in Ecclesiaslicum, prol. ; Jean Lorin, In Psalmos, prref., c. m ; Ps. xliv ; Tirin, Comment, in Jer., xxiii, 31 ; In II Mac, xv, 31Neesen, chanoine de Malines, Universa theologia, quæst. proœm., vii, viii ; Ange Rocai, In quatuor libros Regum annoiatio, proœm. i, sect. i ; Rangolius, In l. I Reg. comment., præf. ; Libert Fromond, In Epist. Il ad Tim., iii, 16 ; Jean de Sylveira, carme, Opuscul., 1, resol. I, q. i-viii (il réfute là 3 « proposition de Lessius) ; Noël Alexandre, Expositio litteralis et moralis j Ev. J.-C. secundum quatuor evangelistas, Luc, i, ] p. 897-899 ; Comment, litteralis et moralis in omnes I S. Pauli apostoli Epistolas, etc., II Tim., iii, 16, 17, j t. II, p. 43 ; Arnault, Difficultés contre M. Steyært, 71' difficulté, p. 82 (avec les censures de Louvain contre Lessius) ; — au xviiie siècle, 'Gaspar Juénin, Institutiones theologiæ, j)Toeg, àsevl. IV, c. iii, iv ; Humbelot, Sacrorum Bibliorum notio generalis seu compendium biblicum, t. I, c. i, q. m ; Annat, Apparalus ad positivam theologiam, t. II, a. 2, 4 ; Chérubin de Saint-Jo -eph, Summa criticæ sacras, disp. II, a. 3, 4, 1. 1, p. 99-136 ; cf. t. iv, disp. II, a. 1 ; disp. III, a. 1-7 ; C. Witasse, Tractatus de Deo ipsiusque proprietatibus. 1718, q. I, a. 5 ; Opstræt, théologien de Louvain, De locis theologicis decem difserlationes, 1737, dissert. 1, q. II ; Thomas de Charmes, Theologia universa, TraU. de prolegomenis, dissert. V, c. i, 3'= édit., Nancy, 1759, t. i ; Compendiosse institutiones theologicse ad usum seminarii Pictaviensis, 2'= édit., 1774, tr. De Scriptura, q. i ; Paul de Lyon, Tolius theologiae spécimen, 1723, tr. I, De Dei verbo, c. i ; Billuart, Summa Summæ S Thomæ, Tractatus de régula fidei, 1758, dissert. I, a. 2 ; Rabaudy, Exercit. de Scriptura, sect. II, § 1, dans Zaccaria, Thésaurus theologicus, t.. i ; Institutiones theologia : de Lyon, 1780, Tractatus de locis theologicis, dissert. I, c. i ; Compendium institutionum theologicarum, 1781, t. i, p. 39-42.

2. La nouvelle opinion, que le P. Pesch dit « plus commune après le concile de Trente », De inspiratione sacræ Scripturæ, p. 283 (ce qui est vrai au moins chez les théologiens de la Compagnie de Jésus), a eu de plus en plus de tenants, qui y ont apporté cependant quelques modifications ou perfectionnements. Ménochius reconnaissait dans les prophètes des scribes intelligents, à qui l’Esprit "Saint suggérait I et dictait ce qu’ils devaient écrire. Cependant, tout i dans la Bible n’était pas dicté, et les menus détails, j quecertainsjugcaientindignesdu Saint-Esprit, étaient au moins écrits sous sa direction. Comment, iotius Scripturæ, proleg., c. iv ; cf. In ps. xliv, 8, et in Epist. II Pet., i, 20, 21. Selon Tirin, le Saint-Esprit a laissé le plus souvent les écrivains sacrés à leur science naturelle pour le style et la manière d’écrire. D’où les uns sont plus éloquents que les autres, et l’auteur du 11^ livre des Macchabées a pu s’excuser de ce que son style était moins poli, moins soigné, moins beau Comment, in Il Mot., xv, 39.

VII,

68

Vincent Contenson, Theologia mentis et cordis, 1687, t. V, diss. proœni., c. i, sect. ii, n’admettait la révélation immédiate que pour les prophètes. Cette révélation n’était pas nécessaire pour écarter l’erreur des écrits inspirés. Marc avait appris de saint Pierre une partie de ce qu’il rapporte dans son Évangile et Luc tenait aussi des autres apôtres et de la sainte Vierge une partie de son récit. Mais tout ce qui est écrit dans l’Écriture a été écrit par un instinct particulier de Dieu, par une inspiration, assistance, direction et manulenentia. En toutes choses, les écrivains sacrés ont eu, non une révélation, mais une assistance et un secours pour ne pas se tromper.

Suarez avait laissé, dans la définition même de l’Écriture, la dictée des mots : Est Scriptura sacra, instinctu Spiritus Sancti scripfa, dictaniis non tantum sensum, sed etiam verba. Quelques-utis doutent que l’Écriture doive être du Saint-Esprit, etiam quoad verba. Il paraît nécessaire à Suarez que les mots de l’Écriture viennent du Saint-Esprit, pour distinguer les livres canoniques des non canoniques et des définitions des conciles. Mais on peut entendre en deux sens différents que les mots de l’Écriture sont du Saint-Esprit, ou bien par une motion antécédente ou bien seulement par une assistance et, pour ainsi dire, par une garde ou préservation de l’erreur. Prior modus erit, quando Spiritus Sanctus vel imprimit conceplum verbi per species infusas, saltem per accidens, vel peculiariter movendo et excitando species præexistentes. C’est la manière la plus propre et la plus parfaite, et il est vraisemblable qu’elle a été employée chaque fois qu’il a fallu écrire des mystères surnaturels, qui surpassent la capacité de la raison humaine. Toutefois, il ne paraît pas nécessaire, comme quelquesuns le prétendent (et Suarez vise Basile Ponce), que les mots aient toujours été dictés de cette manière particuhère. Quand l’auteur sacré écrit des choses, humaines de leur nature et sensibles, il paraît suffisant qu^ le Saint-Esprit l’assiste spécialement et le garde de toute erreur et fausseté et de toutes les paroles qui ne conviendraient pas à l’Écriture, en écartant par une providence spéciale tous les objets qui pourraient exciter le concept de paroles non convenables, et en permettant, pour le reste, que l’écrivam se serve de sa mémoire, de ses images et de sa diligence, comme saint Luc l’indique dans son prologue. Les mots de l’Écriture peuvent donc provenir du Saint-Esprit de l’une ou de l’autre de ces manières, et il n’y a aucun livre de l’Écriture, dont les mots n’aient été le plus souvent inspirés de la première manière. De fide, disp. V, sect. iii, n 1-8.

Le bénédictin, dom.Jean Martianay, avait établi la même distinction dans des thèses que ses élèves devaient soutenir publiquement. Les saints prophètes, même sous l’action du Saint-Esprit, restaient maîtres d’eux-mêmes et avaient coutume de rédiger, l’âme calme et tranquille, les oracles divins, intérim singulis verbis a Spiritu Sancto diciatis -p6ç Às^tv, alias sermone ipsis proprio industria naturali composito, sic tamen ut afjlatus ac inspiralx ipsæ rcs Spiritus Sancti essent, verba prophetarum, sed movenle et instigante Spiritu Sancto prolatæ. Opéra S. Hieronymi, Paris, 1706, appendix, t. v, col. 1113, 1115.

Le sorbonniste André Duval se tient très étroitement dans la ligne de Suarez, tout en ayant sa manière personnelle de traiter le sujet. L’essence de l’Écriture n’exige pas que tous les mots, formaliter sumpta, c’est-à-dire hébreux et grecs, aient été révélés et dictés par Dieu ; autrement, la Bible latine ne serait pas l’Écriture sainte. Il est probable que tous les mots matériels de l’Écriture n’ont pas été dictés, de fait et en réalité, et que toutes les pensées même n’ont pas été immédiatement révélées par le Saint-Esprit. Par mots

matériels, Duval entend les concepts formés dans l’intelligence de l’écrivain et correspondant aux mots formels. Il n’exclut pas l’assistance divine ou l’excitation de l’Esprit Saint ; il veut que cette assistance ait été perpétuelle pour empêcher l’erreur ou le mensonge et aussi pour que les vérités exprimées soient exactement manifestées. Il exclut seulement la révélation faite d’une manière nouvelle par la dictée des mots, quand il s’agit des vérités que l’écrivain sacré connaissait déjà, quoique cet écrivain ne soit pas laissé à son caprice dans le choix des mots comme s’il dictait une lettre à un autre, puisqu’il doit se servir des mots que le Saint-Esprit forme dans son intelligence en lui communiquant les concepts particuliers à exprimer. En fait, beaucoup de choses de l’Écriture ont été dictées verbalement par l’Esprit Saint, surtout dans les livres prophétiques dont c’est le propre, et dans les autres livres où des choses tout à fait surnaturelles sont contenues. Il est certain que le Saint-Esprit a révélé expressément et dicté toutes ces choses. C’est pourquoi les prophètes disent qu’ils ont vu en vision ce qu’ils rapportent, le Saint-Esprit ayant produit dans leur intelligence certains concepts par manière de paroles ou de dictions. Duval répond aux objections, qu’on oppose à sa thèse et qui sont celles des lovanistes dans leur censure de Lessius. Il reprend comme un cas possible, la troisième proposition de Lessius, par exemple, pour V Imitation de Jéius-Christ, mais il réprouve l’explication de Sixte de Sienne au sujet des livres des Macchabées. Comment, in IlB^m 11^ S. Thomæ, Tract, de fide, q. ii, a. 1-5.

Corneille de la Pierre notait que le Saint-Esprit n’avait pas dicté toutes les lettres sacrées de la même façon : il avait révélé et dicté mot à mot la loi à Moïse et les prophéties aux prophètes ; mais les histoires et les exhortations morales, que les hagiographes connaissaient de vue ou d’audition ou de lecture ou de méditation, n’ont pas dû être révélées et dictées par lui, puisqu’elles étaient bien connues de ces écrivains. Le Saint-Esprit a seulement assisté ces derniers pour qu’ils n’errent en aucun point, et il les a excités, en leur suggérant d’écrire telles choses plutôt que telles autres. Il ne leur a donc pas donné les concepts et le souvenir qu’ils avaient, mais il leur a inspiré d’exprimer tel concept plutôt que tel autre, enfin, il a ordonné, arrangé, dirigé tous leurs concepts, par exemple, en fixant l’ordre des idées, car cette ordonnance est le propre de la composition d’un livre ; en l’établissant, le Saint-Esprit a été l’auteur propre des Écritures. Comment, in 11^^ ad Timothieum, ni, 16.

Antoine Perez recherche s’il est de l’essence de l’Écriture que tous ses mots soient dictés par Dieu. Après avoir discuté les raisons pour et contre, il conclut ainsi : Non est de ratione aut etiam intrinsera conditione Scripturæ sacræ, ut habeat scriptor ex immediata revelalione et inspiratione divina scribendorum omnium notitiam et cognitionem, neque etiam ut in scribendo libertate careat, sed sufficit ut nihil scribat nisi afflatus, motus et directus a Spiritu Sancto. Pentateuchum fidei. Cf. R. Simon, Lettres choisies, Paris, 1703, t. iii, p. 102-103.

Sherloque dit que Salomon, inspiré par le Saint-Esprit pour chanter ses noces, n’a pas eu besoin d’une révélation immédiate ; il affirme même qu’en certains cas, un écrivain sacré n’a pas besoin d’une révélation ni médiate ni immédiate. Le Saint-Esprit l’assiskpour qu’il ne se trompe pas en quelque chose et pour qu’il ne lui échappe aucune erreur de plume, l’écrivain écrit par un instinct particulier de Dieu. Toutefois, avec Pereira, Sherloque pense qu’une révélation immédiate de Dieu a été nécessaire à Moïse pour rédiger la Genèse. Salomon a donc appris par révélation médiate ce qu’il a écrit. In Salomonis Canticum, antilog. i, sect. vi.

Le jésuite Ferdinand de Escalante disait aussi que Dieu n’avait pas révélé à certains écrivains sacres ce qu’ils avaient à écrire ; il les avait seulement excités par une impulsion et un instinct divins à écrire dans leur langue personnelle ce qu’ils avaient vii, lii, entendu et connu par révélation. Il le prouve par ce que saint Jérôme dit de Marc et de Luc, par la préface de l’Ecclésiastique et par le témoignage du II<= livre des Macchabées. Il y joint quelques raisonnements. Dieu, conclut-il, n’a rien révélé à ces écrivains, qui ont sué à publier leurs ouvrages S’ils n’ont pas connu par révélation divine le sujet qu’ils traitaient, à plus forte raison n’ont-ils pas reçu les mots dont ils se sont servis. La révélation des mots par suggestion intérieure n’a eu lieu que quand il y a eu révélation immédiate de la matière. Si Dieu a daigne communiquer des mystères divins à quelqu’un, il ne lui a cependant pas fourni les mots pour les dire. Dans le cas où un écrivain est excité par un instinct divin à écrire ce qu’il a vii, entendu ou lii, le Saint-Esprit l’a assisté tandis qu’il écrivait, pour l’empêcher de commettre quoique erreur. Clypeus concionatonim, t. I, c. iv, cité par R Simon, Noiwelles observations sur le texte et les versions du Nouveau Testament, part. I, c. m.

Richard Simon, qui n’était pas théologien, a admis l’inspiration de la Bible et l’a démontrée à plusieurs reprises. Il a réfuté Grotius, Spinoza et Jean Leclerc ; mais sur la nature de l’inspiration, il a adopté l’opinion de Lessius, sauf sa 3 « proposition. Voir Histoire critique du texte du Nouveau Testament, Rotterdam, 1689, c. xviii, p. 278-287 ; Nouvelles observations sur le texte et les versions du Nouveau Testament, Paris, 1695, part. I, c. iii, iv, p. 33-91 ; Lettres choisies, Paris, 1703, t. III, p. 323-337 ; Critique de la bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, t. II, c. x, Paris, 1730, t. iii, p. 173-180. Finalement, R. Simon, comme Lessius, n’admettait la révélation immédiate que pour les prophètes à l’égard des choses et des mots. Les autres écrivains inspirés n’ont reçu du Saint-Esprit qu’une direction spéciale, par laquelle cet Esprit les excitait seulement à écrire ce qu’ils savaient déjà, l’ayant appris d’ailleurs ou l’ayant connu par leurs propres lumières. Il les assistait et les dirigeait de telle manière qu’ils ne choisissent rien que de conforme à la vérité et à la fin pour laquelle les Livres saints devaient être composés, à savoir, pour nous édifier dans la foi et la charité. Cette inspiration peut aussi avoir lieu au regard des mots, sur le choix desquels s’étendent l’assistance et la direction divines. Elle est immédiate, non par rapport aux choses, mais à l’égard des auteurs, « qu’elle meut, assiste et dirige dans l’usage et dans l’arrangement des idées et des connaissances » qu’ils ont déjà. Ce qui est écrit par cette inspiration est vraiment divin, et l’on doit reconnaître que le Saint-Esprit en est l’auteur, car ce qui s’y trouve d’humain est revêtu de la direction spéciale du Saint-Esprit, Pour que Dieu soit l’auteur de toute l’Écriture, pour qu’elle soit sa parole, il suffit « qu’il ait excité les écrivains sacrés à écrire, et qu’il les ait toujours assistés, ou par une révélation immédiate, ou par une simple direction et assistance spéciale. » Nouvelles observations, etc., p. 35-36.

Un autre jésuite, Jacques Bonfrère, introduisit une distinction nouvelle pour expliquer comment le Saint-Esprit, auteur principal de l’Écriture, a communiqué aux hagiographes, qui lui servaient de scribes, ce qu’il voulait leur faire écrire. Or, le Saint-Esprit a pu agir sur des écrivains de trois manières seulement : antccedentcr, concomitanter et consequentcr. Anlecedenter se habet Spiritus Sanctus, cun inspirât, révélât, demonsirut quæ dicenda scribendave sint, ita ut de suo marteve proprid nihil addat scriptor, sed ea dumtaxat scribat quæ a Spirila Sancto inspirata revelataque sunt, ad

eum modum quo discipulus magistro dictante excipit quæ ab eo proferuntur. Cette révélation peut se faire de trois façons : ou par une révélation Imaginative ou intellectuelle durant l’extase, ou bien par une allocution ou une vision sensible et externe, ou enfin par une inspiration intérieure à l’état de veille, pourvu toutefois que les écrivains comprennent par une lumière surnaturelle qu’ils sont mus par Dieu et disent les paroles de Dieu. Les prophètes reçurent cette révélation qui a précédé leur rédaction.

Concomitanter sese habet Spiritus Sanctus cum ad modum dictant is et inspirant is se habet, sed ad eum modum quo quis alterum scribentem oculo dirigeret ne in re quapiam erraret. L’Esprit Saint peut donner à l’écrivain inspiré cette direction, cum enim præscial quid ille scripturus sit, ita ei adstetut sicubi videret eum erraturum, inspiratione sua illi esset ad/uturus Le Saint-Esprit semble avoir inspiré ainsi les rédacteurs des livres historiques, qui rapportaient ce que d’autres avaient dit et fait, ce qu’ils avaient vu eux-mêmes ou entendu dire par des hommes dignes de foi. Ainsi en fut-il des auteurs des Évangiles, des Actes des Apôtres, des livres des Macchabées, et des autres livres historiques, à moins que l’ancienneté du temps, ou l’éloignement des lieux, ou l’ignorance de ce qu’il fallait dire n’exigeassent une révélation, comme ce fut le cas de Moïse pour rédiger la Genèse.

Dans ces deux modes, la liberté des écrivains sacrés est sauvegardée, quoique par des moyens différents, que Dieu a à sa disposition II y a aussi différence dans le labeur exigé des écrivains : dans le premier cas, un peu d’attention suffit à reproduire exactement la révélation reçue. Bonfrère note toutefois que, dans le second cas, l’écrivain a reçu, au début de son travail, une certaine inspiration générale à écrire telle histoire ou telles sentences morales ou autre chose, et que cette inspiration a été presque intérieure et occulte. Une nouvelle révélation peut s’y joindre, si l’écrivain doit écrire quelque chose qu’il ne connaît pas. Enfin, l’Esprit Saint intervient chaque fois que cela est nécessaire pour exciter l’attention, empêcher la négligence et écarter l’erreur.

Consequentcr se habere posset Spiritus Sanctus, si quid humano spiritu ahsque Spiritus Sancti ope, directione, assistentia, a quopiam scriptore esset conscriptum, postea tamen Spiritus Sanctus testaretur omnia quæ in eo scripta essent vera esse. Cet écrit serait alors tout entier la parole de Dieu et aurait la même autorité infaillible qu’il aurait eue s’il avait été inspiré de l’une ou de l’autre des manières précédentes. Ce mode d’inspiration n’a pas été employé par le Saint-Esprit ; mais, absolument parlant, rien n’empêche qu’il n’ait pu être employé, et même qu’il ne l’ait été dans ces Écritures inspirées, qui ont existé, mais qui sont maintenant perdues. Præloquia in sacrant Scripturam, c. VIII, dans le Cursus completus Scripluræ sacrée de Mignet. i, col. 109-110.

La distinction des trois modes d’agir du Saint-Esprit, faite par Bonfrère, a été acceptée par le P. Antoine de Ezcobar, en vue d’expliquer la différence d’élégance de style qu’il constatait dans les Livres saints. Dans les passages, où le Saint-Esprit se habet concomitanter, c’est-à-dire dans presque tous les livres historiques, dans lesquels il ne dictait et n’inspirait pas les mots, il laissait aux écrivains sacrés le soin de former leur diction. Mais dans les passages, où le Saint-Esprit anlecedenter se habet et dans lesquels il a révélé les choses et inspiré les mots, l’inégalité du style, qui existe dans les livres prophétiques, ne peut s’expliquer qmparce que tout en dictant les mots aux prophètes, le Saint-Esprit s’accommodait à leur style et à leur manière de dire et d’écrire. De sacrae Scripturæ stylo et obscuritate, c. i, iv.

Pour expliquer les citations d’auteurs profanes, qui se lisent dans les livres inspirés, le P. Nicremberg reproduit textuellement la distinction proposée par Bonfrère. Et c’est par le troisième mode d’action inspiratrice qu’il explique l’insertion des paroles des amis de Job dans le livre de Job et celle des vers d’Aretas et d’Épimenide rapportes par saint Paul. De origine sacræ Sc.ripturæ, t. IX, c. iv.

La même distinction a été acceptée par Frassen, Disquisiliones biblicæ, Paris, 1682, t. I, c. i, § 4, et par Goldhagen, Introductio ad sacram Scripturam, Mayence, 1765, part. I, sect. i, q. ii, au xviiie siècle. Le P Pesch, De inspiraiione sacrée Scripturæ, p. 323-325, la range parmi les opinions laxiores, parce que l’assistance concomitante du Saint-Esprit n’est pas une inspiration, mais une simple direction, et parce que l’inspiration générale, admise au début du travail de l’hagiographe, ne suffît pas à rendre Dieu auteur d’un livre au sens propre.

Il est bien certain qu’aujourd’hui les théologiens s’exprimeraient d’une manière plus précise et ils exigent une détermination plus positive à écrire de la part du Saint-Esprit ; ils maintiennent cependant la simple assistance durant la rédaction.

Avec le jésuite lorrain, Nicolas Sérier (Serarius), nous revenons à une doctrine plus sûre. Il reprend celle de saint Thomas, qu’il interprète de manière à reconnaître l’existence d’une lumière surnaturelle pour les choses que connaissaient les écrivains sacrés et d’une assistance du Saint-Esprit sur leurs mains, tandis qu ? celles-ci écrivaient. La manière dont Dieu a dicté la Bible est déterminée d’après la fin qu’il se proposait d’atteindre et d’après la façon dont les hommes dictent aux autres leurs pensées. Dieu a pris tous les moyens pour que tout ce qu’il a fait écrire soit sa parole et soit vrai et digne de foi. Il a affecté l’intelligence, la volonté et la main des hagiographes d’une manière plus parfaite que ne le font les hommes, quand ils dictent leurs pensées. Il a imprimé immédiatement dans leur intelligence ce qu’ils devaient écrire. Qu’il le fasse par les sens extérieurs ou intérieurs, il illumine leur intelligence d’une lumière tout à fait surnaturelle ou d’une lumière naturelle, surnaturellement donnée ou accrue. El hoc ad percipiendum tantum quod dictatur vel judicandum tanium ; vel ad ulrumque. C’est une révélation. Le jugement porté est théorique, quand l’hagiographe juge que les choses révélées sont vraies ; il est pratique, quand il juge qu’il doit les écrire de telle et telle manière. La lumière divine est proportionnée à la manière dont la vérité est révélée. Quand l’écrivain doit écrire des choses qu’il connaissait déjà, il suffît que Dieu l’aide de quelque façon pour que ses idées acquises brillent d’une certaine manière nouvelle et qu’il l’assiste pour qu’il ne commette aucune erreur, en les assemblant et en les exprimant. Dans l’hypothèse de la troisième proposition de Lessius, l’écrit ainsi approuvé ne pourrait être à proprement parler parole de Dieu ; il ne pourrait être ainsi nommé que dans un sens impropre, et comme éminemment, parce que le Saint-Esprit aurait attesté que cet écrit renfermait ce qu’il aurait pu inspirer et qu’il atteste, après coup, de son témoignage. La volonté de l’écrivain est mue par Dieu à écrire et cette motion rend l’homme apte à son rôle, soit par un secours actuel de Dieu, soit par un habitas, par exemple, de vérité. Dieu assiste la main et, pour ainsi dire, la tient pour qu’elle n’écrive aucune erreur. Prolegomena biblicu, 1704, c. iv, q. i-xviii.

Le récollet, Henri de Bukentip, ne jugeait pas que l’inspiration verbale fût nécessaire pour constituer un livre saint. Tradatus de sensibus sacræ Scripturæ, Louvain, 1704, c. xiv, p. 99-103. Le P. Assennet, qui rejetait la simple approbation du Saint-Esprit,

admettait, pour certains livres de la Bible, la révélation immédiate, et, pour d’autres, l’inspiration et une assistance spéciale. Theolotjixi scolastico-posiliva, Proleg., De locis theologicis, 1713. Dans sa Dissertation sur l’inspiration des livres sacres, dom Calmet exposait les deux opinions sans se prononcer ; il penchait toutefois vers l’opinion nouvelle. Commentaire littéral, Paris, 1724, t. VIII, p. 137-144. Cf. le commentaire sur II Tim., m, 16, et II Pet., i, 20, 21, ibid., p. 595, 840. Antoine Boucat expliquait l’action concomitante du Saint-Esprit par une motion et une assistance spéciale, et il déclarait suivre l’opinion commune des théologiens. Theologia Patrum scholasiico-dogmatica, 1726, t. ix, De Scriptura sacra. Le jésuite Edmond Simonnet, professeur à Pont-à-Mousson, n’admettait pas la 36 proposition de Lessius, mais il adoptait les deux premières. Institutiones theologicæ, 1725, Tradatus de regulis fidei, disp. I, a. 9, 10, t. vi. Le P. Gabriel Antoine suivait la même voie et employait presque les mêmes termes que son confrère Simonnet. Theologia universa, 1736, De fide divina, sect. iv, c. i, a. 4, t. i. Louis Habert est du même sentiment. Theologia dogmatica et moralis, 2^ édit., 1736, t. i, Proleg., c. vi, § 1. Pierre Collet n’admet la révélation immédiate de Dieu que quand l’écrivain sacré doit parler des mystères. Institutiones theologicæ, 1773, t. i, Proleg. Dans la Théologie de Wurzbourg, le P. Henri Kilber ne se contentait pas d’une simple assistance du Saint-Esprit ; lorsqu’il n’y avait pas révélation immédiate, il exigeait une inspiration des choses faite à l’intelligence de l’hagiographe. De principiis theologicis, 1749, dissert, i, c. I, a. 3, Paris, 1852, t. i, p. 15-25. L’abbé de Vence ne jugeait pas la révélation immédiate nécessaire, mais il exigeait une inspiration immédiate. Analyses et dissertedions, Nancy, 1742, t. I, dissert, préliminaire. Le P. Ignace Schunck. jésuite, admettait la dictée verbale de beaucoup de passages bibhques ; le plus souvent toutefois, dans les matières que les écrivains sacrés connaissaient par expérience, le sommaire seul leur avait été révélé, et pour le reste l’assistance du Saint-Esprit avait suffî pour empêcher l’erreur. Notio dogmatica sacræ Scripturæ, 1772, sect. VII. Jean-François Marchini adopte l’explication de Corneille de la Pierre. De divinitate et canonicitaie sacrorum Bibliorum, Turin, part. I. a. 5. Enfln, saint Alphonse de Liguori tient comme plus probable l’opinion d’après laquelle toutes les choses de l’Écriture ont été révélées, mais non tous les mots. Traité contre les hérétiques, § 5', dans Œuvre- ; complètes, trad. franc., Paris, 1836, t. xix, p. 200-203. /II. AU CONCILE DU VATICAN. — 1o Opinions nouvelles émises au xixe siècle. — La doctrine catholique sur la nature de l’inspiration continua à être enseignée au xix’ï siècle, quoique les ouvrages qui traitent cette question aient été moins nombreux que durant les siècles précédents. La caractéristique des études de cette époque est la distinction nettement établie entre la révélation immédiate, ou la prophétie, et l’inspiration scripturaire. Celle-ci n’entraîne pas, généralement parlant, une révélation directe du contenu de l’Écriture. On l’a fait consister dans une motion divine, qui pousse et détermine les hagiographes à écrire, dans une illumination intérieure qui éclaire leur intelligence et leur manifeste ce qu’ils doivent écrire, et une assistance spéciale, durant le travail de la rédaction, pour écarter de leur esprit et de leur œuvre toute erreur. Tel est, avec des nuances, l’enseignement élémentaire de J. H. Janssens, Hermencutica biblica, Liège, 1818, p. 40 (cf. Dausch, op. cit., p. 164-165), de Liebenrsmn, Institutiones theologicæ, 1819, t. II, part. II, c. i, a. 1, § 1, 2 ; plus développé de J. Perrone, Prælediones theologicæ, Tradatus de locis theologicis, Mayence, 1843, t. ix, p. 102, 103 ;. L

de H. Denzinger, Vicr Bûcher von der religiôser Erkenniniss, 1857, t. ii, p. 108-124 ; de J. B. Henrich, Lehrbuch der Dogmalik, t. i, p. 382 sq. ; du cardinal Manning, La mission temporelle du Saint-Esprit, trad. franc., Paris, 1867, p. 159-212 ; de F. Kaulen, Geschich’te der Vulgata, Mayence, 1868, p. 23-85 ; de Scheeben, La dogmatique, f. I, c. iii, § 16, n. 223-252 ; trad. franc., Paris, 1877. 1. 1, p. 175-180. Cf. P. Dausch.û/e Schriftinspiration, p. 201-208. Cependant, Dens, à Malines, admettait encore l’inspiration verbale, et Reithmayr ne distinguait pas l’inspiration ad scribendu’m de l’inspiration ad loquendum, et il attribuait aux propliètes l’inspiration verbale et aux apôtres l’infaillibilité résultant de leur apostolat. Introduction aux livres canoniques du Nouveau Testament, § 22, trad. franc., Paris, 1861, p. 202-226. Mais c’était là diverses opinions libres de l’enseignement catholique.

Deux vues divergentes se manifestèrent toutefois qui furent condamnées par le concile du Vatican en 1870, et elles fournirent au concile l’occasion de déclarer quel était le véritable sens de l’inspiration biblique.

1. La première fut proposée par Jean Jahn, professeur à Vienne (Autriche). Après avoir démontré que les livres de l’Ancien Testament contenaient la révélation divine, il ajouta que, pour qu’ils eussent une autorité divine, il était nécessaire et il suffîsait que leurs auteurs eussent été exemptés par Dieu de toute erreur. Or, cette exemption d’erreur constituait leur inspiration. Jahn conservait ce nom, consacré par l’usage, quoique, dans sa signification propre, il désignât quelque secours positif de Dieu, accordé aux écrivains sacrés, alors que l’absence d’erreur n’était qu’un élément purement négatif, qui n’entraînait ni nouvelle manifestation de la vérité ni enseignement direct, mais simple préservation d’erreur dans la manifestation de la révélation divine. Einleitung in die gôtilichen Bûcher des Alten Bundes, Vienne, 1802, part. I, § 14, 19, p. 91 sq., 107 sq. ; 2e édit.. Vienne, 1814 (en latin) ; Aclcermann a corrigé ce passage dans les éditions suivantes de Y Introductio de Jahn. L’inspiration n’était donc plus que l’exemption d’erreur. Si le mot était conservé, la chose elle-même, signifiée par le mot, était niée.

2. Daniel Haneberg fit consister l’inspiration de l’Écriture dans l’approbation subséquente des Livres saints, non plus par le Saint-Esprit, comme Lessius, mais par l’Église, dans un sens analogue à l’opinion de Sixte de Sierme. Après avoir rappelé les trois attitudes du Saint-Esprit relativement aux écrivains sacrés dans l’acte de l’inspiration, telles que Bonfrère les avait exposées, Haneberg, qui y voit trois sortes d’inspirations distinctes, ajoute qu’on pourrait diflîcilement les appliquer en particuher à tel ou tel livre, à tel ou tel verset de la Bible. On pourrait dire tout au plus que les passages, qui sont rapportés directement à Dieu par la formule : Hœc dicit Dominus, auraient été l’objet d’une inspiration antécédente ; les lii’es poétiques auraient été rédigés sous l’inspiration concomitante, c’est-à-dire par la seule assistance divine, qui excluait toute erreur, et les livres historiques par l’approbation subséquente de l’ÉgUse, qui les reconnaît pour divins et canoniques. Versuch einer Gi’schichte der biblischen Offenbarung, Ratisbonne, 1850, p. 714 ; Histoire de la révélation biblique, trad. Goschler, Paris, 1856, t. ii, p. 469. Cette théorie, qui admettait que, de fait, une bonne partie de la Bible n’était devenue Écriture sainte que par l’approbation de l’Éghse et niait ainsi son inspiration, trouva, paraîtil, quelques partisans, bien qu’elle ait été modifiée dans la 3'^ édition, 1863, p. 817, par l’adjonction d’une certaine direction de l’Esprit Saint. Elle disparut de la 4^ édition, corrigée par Weinhart, 1876, p. vin.

d’après les ordres de l’auteur, qui avait expressément rejeté son sentiment.

2. Leur condamnation par le concile du Vatican. — Dès 1860, le jésuite Franzelin, alors professeur à l’Université Grégorienne, à Rome, livrait à ses élèves son traité autographié : De divinatraditione etScriptura. Or, dans la iv thèse de la IP partie, l’auteur, avant d’exposer la véritable notion de l’inspiration, excluait les deux opinions de Jahn et de Haneberg. Son traité fut imprimé pour la première fois à Rome en 1870. Quand le concile du Vatican fut réuni, il se proposa d’établir la doctrine catholique sur la révélation et ses sources. Le théologien Franzelin fut chargé de préparer le projet de constitution dogmatique, qui exposerait cette doctrine. Or, dans le Schéma de cette constitution, comme dans son cours autographié et imprimé, Franzelin excluait comme insuffisantes et erronées les opinions de Jahn et de Haneberg sur la notion de l’inspiration scripturaire, Au c. m de ce Schéma, présenté aux Pères du concile, elles étaient exclues en ces termes : Sacri autem et canonici credendi sunt, non quod humana lantum ope scripti, auctoritate tamen Ecclesise in canoncm SS. Scripturarum relati sint ; neque propterea solum, quod divinam revelationem sine errore contineant. Collectio Lacensis, t. vii, col. 508. Dans les notes, ajoutées au Schéma, l’auteur expliquait que les erreurs recentioris œtatis, relativement à l’Écriture sainte, exigeaient une explication plus claire de la véritable notion de l’inspiration. Or, sous ce rapport, il déclare avant tout quel est le sens non génuine du dogme de l’inspiration. Duplex nimirum error expresse designatur. La première est celle qui affirmait des livres canoniques eos primitus scriptos esse tantum modo ingenio et industria humana, sed propter res quas continent, ab Ecclesia sive jam mosaica sive christiana inter libros canonifos recensitos esse, et eatenus habendos esse ut sacros. Tum excluditur error aller, quo libri Scripturæ non ratione originis ipsorum librorum seu ratione scriptionis, scd solum ratione materiæ, quod sine errore continent veritates rcveledas, sacri et divini esse dicuntur. Ibid., col. 522.

Ce schéma fut expliqué à la Députation de la foi par son auteur qui était consulteur de la commission théologique, pour répondre à des difficultés soulevées par quelques membres de celle commission. Franzelin montra d’abord très clairement que l’Église n’a pas le pouvoir de faire qu’un livre d’origine humaine devienne Écriture sainte, en le plaçant au canon des Livres saints ; elle a seulement le droit de déclarer infailliblement qu’un livre d’origine divine doit prendre rang parmi les livres sacres et canoniques. Il ne suffît pas non plus pour qu’un livre soit Écriture sainte, c’est-à-dire divinement inspiré, qu’il contienne les vérités de foi sans erreur. Un livre n’est pas Écriture sainte seulement ratione maleriæ, mais il doit l’être ratione originis. Ibid., col. 1621-1622.

Le schéma, retouché par Mgr Martin, évêque de Paderborn, avec l’aide d’un théologien (Franzelin vraisemblablement), était ainsi libellé : Neque vero eos (les livres canoniques) Ecclesia pro sacris et canonicis habet, propterea quod sola licet humana industria composai, auctoritate tamen sua approbati sint, nec propterea solum, quod revelationem contineant. Ibid., col. 1629. Ce texte fut remis aux Pères de la Députation de la foi, le 1o mars 1870. Ibid., col. 1647-1648, et il fut approuvé, le 6 mars Ibid., col. 1655.

Quand il fut présenté aux Pères du concile, sa rédaction, modifiée encore, ne changeait pas le sens de la phrase : Eos vero Ecclesia non propterea pro sacris et canonicis habet, quod auctoritate sua approbati sint, licet sola humana industria concinnati ; aut ideo dumtaxat, quod revelationem sine errore contineant 'Ibid., col. 72.

Mgr Casser, dans le rapport qu’il lut au nom de la Dépulation de lu foi, commence par expliquer le sens du projet. Le schéma dit ce qu’est un livre sacré et canonique négativement d’abord, et de deux façons. La première opinion qui est rejetée tendrait à dire qu’un livre est sacré et canoriique, parce que l’Église l’a approuvé par son autorité. Reapse liber talis nulla ratione inspiraius dici poiest : nam Ecclesia libnim non inspiratum non poiest auctoritale sua facere inspiralum. Ergo approbalio Ecclesiæ ad librum sacrum consliluendum certe non sufficit. Mgr Casser fait ensuite remarquer, comme nous l’avons dit plus haut, col. 2145, que l’opinion de Lessius n’est pas visée par là. Il s’agit ici de l’approbation de l’Église et non pas de celle de Dieu. Ulterius etiam excluditur illa notio inspirationis iibi dicitur librum quemdam esse sacrum seu divinitus inspiralum eo quod revelalionem sine errore conlineat. Nam si hujusmodi libri essent inspirali, omnes canones conciliorum libris sacris siinl adnumerandi. Ibid., col. 140-141.

Six amendements avaient été présenté., , qui ne tendaient qu’à préciser davantage la rédaction du texte, laquelle avait paru ambiguë ou peu claire. Ibid., col. 123. La Députation de la foi adopta la rédaction qui avait été proposée dans le 30= amendement et qui donnait satisfaction aux amendements 31 « bis et 32 « ; elle rejeta le texte trop long du 31^^ et l’addition : sine ullo Dei afflalu du 33 « , qui fut jugée superflue. Ibid., col. 142. Ces propositions, présentées par son rapporteur, furent approuvées par tous les Pères. Ibid., col. 143.

Le texte, révisé en conséquence, n’avait donc reçu que des retouche^ de style. Le voici : Eos vero’Ecclesia pro sacris et canonicis habet non ideo, quod sola humana induslria concinnali, sua deinde auctoritale sint approbati ; nec ideo dumtaxat, quod revelalionem sine errore contineant. Ibid., col. 154, 218. Cette rédaction ne souleva plus aucune observation. Elle fut donc promulguée à la IIP session, le 24 avril 1870. Const. Dei Filius, c. II, ibid., col. 251.

Les débats indiquent clairement le sens que le concile a donné à cette déclaration. Il est certain que les Livres saints contiennent la révélation divine sans mélange d’erreur ; mais cela ne suffit pas pour affirmer qu’ils ont été inspirés : il faut qu’ils soient d’origine divine. C’est pourquoi aussi l’approbation de l’Église ne peut faire que des livres d’origine humaine deviennent inspirés.

3o Véritable notion de Finspiration.

Le concile ne s’est pas borné à exclure deux erreurs sur la nature de l’inspiration. Il a donné une notion positive de l’action divine qui a rendu les Livres saints sacrés et canoniques, et par conséquent inspirés. Le premier schéma énonçait cette notion en ces termes : sed eo quod Spirilu Sanclo inspirante conscripti fuerunt, ideoque sunt Scripturæ diuinilus inspiratæ (II Tim, iii, 16), quie habent auctorem Deum alque ita continent vere et proprie verbum Dei scriplum. Quare hæreticam esse declaramus et damnamus sententiam, si quis diuinilus inspiratum esse negaverit aliquem vel integrum vel ex parte librum, l’un ou l’autre de ceux que le concile de Trente a définis être sacrés et canoniques. Ibid., col. 508. Dans les notes, qui accompagnaient ce projet, le sens de ce passage était ainsi expliqué : Sequitur deinde positiva declaratio doclrinæ calliolicæ quo sensu omnes libri Scripturæ et ob quam ralionem eis intrinsecam fuerunt ab Ecclesia sacri déclaratif et jam hoc ipso in canonem relati. Ratio nimirum est ex divina origine seu scriplione ipsorum librorum. IIxc vero scriplio divina declaratur, quod 1. libri conscripti sunt, inspirante Spiritu Sanclo. Erat igitur supernaiuralis. operatio Spiritus Sancti in homines ad ipsos libros scribendos. 2. Ex hoc ipso quod aclio Spiritus Sancli rejerebatnr ad scri bendos libros per homines ad hoc opus inspiratos, ipsi libri sunt et ob apostolis dicuntur Scriptura divinilus inspirata. 3. Denique aclio illa inspirationis erat hujusmodi, ut Deus sit librorum cuictor seu auctor scriptionis, lia ut ipsa rerum consignatio seu scriplio tribuenda sit principaliter operationi divinse in homine et per hominem agenti, et proinde libri contineant.scriplum verbum Dei. Hoc modo inspirationem Scripturæ in Ecclesia Dei semper intcllectam et intelligendam esse, demonstrat. 1. SS. Patrum consensus. Dicunt enim. Scripturas esse conscriptas per Spiritum Sanctum vel per operalionem Spiritus Sancti, esse litteras Dei ad homines missas, Scripturas esse a Deo dictas, esse a Deo vel operatione Dei datas vel conditas, homines in ils scribendis fuisse instrumenta sub operatione divini Spiritus. Et chacune de ces formules des Pères est appuyée en note par des références à leurs ouvrages, reproduits dans les Patrologies de Migne ou par Mansi, dans sa Collectio conciliorum. Quant à la foi de l’Église en Dieu auctor librorum des deux Testaments, elle est énoncée dans les documents authentiques des pa ;)cs et des conciles, que nous avons cités précédemment, col. 2094 sq. Ibid., col. 522-523.

Cette rédaction souleva une difficulté : elle paraissait étendre l’inspiration à chacune des particules et aux mots eux-mêmes des Livres divinement inspirés. Le P. Franzelin la résolut ainsi, dans son mémoire déjà cité : At primum notio impirationis declaratur juxta formulam ecclesiasticam, ita ut Deus sit auctor Scripturarum seu librorum sacrorum, cujus formulée Veritas satis demonstrata est in (innolationibus subjectis. Ad hoc autem ut Deus auctor sit, requiritur quidem supernaiuralis divina aclio in humant scriptoris intelleclum ac voluntatem. Quænam vero hsec aclio sit, hic strictim non definitur, sed relinquitur doctorum explicationi. Certum est, in tradita notione inspirationis non revelalionem rerum scriptori faclam (si revelalio proprio sensu intelligatur) mulloque minus diclalionem singulorum verborum comprehendi velut essentialem et necessariam ad inspirationis conceptum. Quod vero ad extensionem inspirationis spécial, diserta appellatione ad conc. Tridentinum significatur, cas parles credendas esse inspiratas, quas Tridentinum definivit esse sacras et canonicas. Quæstiones vero hactenus inter catholicos controversée de sensu, quo partes librorum in Tridentino décréta intelligendæ sint, nec definiuntur nec attinguntur. Quoad extensionem ergo inspirationis nihil omnino defmitioni tridentinse superadditur. Ibid., col. 1621.

Le schéma réformé présentait, sur le point qui nous occupe, une rédaction plus courte et plus condensée que la première : Sed ideo quod Spiritu S. inspirante conscripti Deum habent auctorem ejusque sunt vere et proprie verbum scriplum alque ut taie Ecclesix ab apostolis trad.ti. Ibid., col. 1629. Ce texte fut encore remanié et écourté par la Députation de la foi : Sed ideo quod Spiritu Sanclo inspirante conscripti, Deum habent auctorem, alque ut taies Ecclesia : per apostolos Iraditi sunt. Ibid., col. 79. Sur cette rédaction, Mgr Simor dit, dans le rapport qu’il lut en congrégation générale : Pcdet nimirum quod in hoc schemate nihil novi de inspiratione dicatur et quod Depulatio plane nihil novi in specie dicere voluerit, sed liberum reliquerit scholis disputare de modo inspirationis et, ut scholæ loquuntur, de exlensione inspirationis. Ibid., col. 86. Des amendements avaient été proposés par des Pères. Le 31 « exposait longuement la même doctrine ; nous l’avons déjà dit, il fut écarté à cause de sa longueur. Le 32 « et le 34 « ne visaient que la tradition des Livres saints à l’Église, par les apôtres. Ibid., col. 123. Dans son rapport, lu aussi en congrégation générale, Mgr Casser expliqua le sens de la notion positive de l’inspiration, qui était donnée : Et quidem quoad

charaderem internum, scilicet quod Spiriiu Sancto inxpiranle conscripti, Deum habent auctorem, et deinde quoad characterem externum, quod taies Ecclesiee per aposfolos traditi siinl. Sur ce dernier point, qui ne va pas à notre sujet, la Députation de la foi admit partiellement le 32 « amendement, en supprimant les mots : per apostolos. ^'oir Th. Granderath, Histoire du concile du Vatican, t. II, c. x, trad. franc., Bruxelles, 1911, t. lia, p. 102. Elle modifia en conséquence la finale de la rédaction en cette formule : atque ut taies ipsi ( scilicet Ecclesiiv) traditi sunt. Ibid., col. 142.

A la discussion qui suivit, un seul amendement fut proposé au sujet de la véritable notion de l’inspiration. Les mots ; Spiritu Sanclo inspirante conscripti, qui font allusion à l’Épître de saint Pierre, où il n’est question que des prophéties, ne plaisaient pas à l’auteur de l’amendement II préférerait les termes plus canoniques : diuinitus inspirati, que saint Paul a employés en parlant de l’Écriture entière. L’idée était de faire porter la définition sur le fait de l’inspiration, et non pas sur son mode, et cela afin d’infliger le minimum d’offense aux théologiens catholiques. Ibid., col. 225. Le 19 avril 1870, Mgr Gasser répondit à cette observation. Il fit observer que la phrase critiquée était empruntée au concile de Florence, qui a appliqué les paroles de saint Pierre à tous les auteurs des livres des deux Testaments. Ibid., col. 239. La phrase fut donc conservée et promulguée à la III'^ session ; seul, le dernier membre était ainsi libellé : atque ut taies ipsi Ecclesiæ traditi sunt. Ibid., col. 251.

Puisque le concile du Vatican n’a rien voulu définir et n’a rien défini sur le mode de l’inspiration scripturaire, ni sur l’étendue de cette inspiration, nous ne tirerons rien de sa définition sur les deux points, laissés à la libre discussion des docteurs. Nous signalerons cependant le sens précis qu’il a donné à la formule traditionnelle de la notion positive et véritable de l’inspiration : Spiritu Sancto inspirante conscripti, Deum habent auctorem. Il s’agit des livres sacrés et canoniques eux-mêmes, et non pas de leurs auteurs. En l’employant ainsi, le concile n’a pas donné à l’expression auctor le sens de garant de la vérité de ces livres ou de leur cause efficiente au sens large, mais bien dans le sens d’agent principal de leur rédaction. Cette formule traditionnelle peut donc servir aux théologiens de point de départ pour déterminer la part que Dieu a prise dans la rédaction des Livres eux-mêmes, qui ont été écrits sous l’inspiration du Saint-Esprit, Cf. Th. Granderath, Histoire du concile du Vatican, trad. franc., Bruxelles, 1911, t. ii b, p. 152.

IV. APRÈS LE CONCILE DU VATICAN.

1o Théologiens qui expliquent la nature de l’inspiration d’après la notion définie de Dieu auteur des Livres saints. — Le Pore Franzelin, dont nous connaissons le rôle au concile du Vatican et dont le traité De Scriptura avait fourni le cadre de la notion catholique de l’inspiration, était parti de cette notion pour déterminer le mode de l’inspiration des Livres saints. Dans son traité De diuina traditione et Scriptura, 3e édit., Rome, 1882, il démontrait, thés, ii, que Dieu est l’auteur des Livres saints » er suam supernaturalem actionem in conscriptores Inimanos, c’est-à-dire par l’inspiration du Saint-Esprit sur ces écrivains. Au sens strict, ratione scriptionis, quæ est efjicienter a Deo per liominem, in quem operetur ad scribendum et in.^cribenda ita ut Deus ipse princcps auctor libri sensu proprio censeri debeat, p. 329.

S' appuyant sur les témoignages des Pères et des théologiens, Franzelin considérait Dieu comme la cause principale efficiente des Livres saints et les écrivains sacrés comme les instruments dont Dieu s’était servi. Dieu n’a pas écrit par lui-même, mais par des hommes : il est néanmoins l’auteur des Livres saints.

parce qu’il a conçu toutes les choses contenues dans ces livres et qu’il a voulu les y faire consigner. Dieu aurait pu révéler immédiatement ces choses aux hommes qu’il inspirait. La révélation directe n’a été nécessaire que pour les choses qu’ignoraient les écrivains sacrés. Quant aux choses qu’ils connaissaient ou qu’ils pouvaient connaître par leur industrie propre, Dieu a seulement déterminé ces écrivains à les écrire, mettant ainsi dans leur intelligence les choses qu’il voulait leur faire dire. Cette inspiration peut être regardée comme une révélation au sens large du mot. Or, les choses, ainsi révélées par Dieu tant par révélation immédiate que par simple inspiration, constituent l’élément formel du livre ; les mots et les paroles qui les expriment n’en sont que Vêlement matériel. Pour que Dieu soit l’auteur d’un livre, il suffit que l’élément formel du livre provienne de lui, et il n’est pas nécessaire que l’élément matériel lui soit propre ; les mots ont donc pu être écrits par l’écrivain inspiré lui-même, à la condition toutefois qu’ils expriment infailliblement l’élément formel, les choses ou vérités que Dieu voulait faire écrire par leurs plumes. Pour assurer cette infaillibilité de l’expression. Dieu, tout en laissant aux écrivains sacrés le libre choix des termes qu’ils employaient, les assistait, tandis qu’ils écrivaient, et veillait à ce qu’ils exprimassent exactement les choses qu’il voulait exprimerpar leur intermédiaire. L’inspiration verbale n’a donc pas été nécessaire, et, de fait, n’a pas eu lieu. Franzelin démontrait sa thèse par les témoignages patristiques, que nous connaissons. Il n’innovait donc rien, et, si nous ne nous trompons, il n’avait en propre que la distinction entre l’élément formel et l’élément matériel du livre. Cette distinction, il ne l’établissait pas a priori, d’après la notion abstraite de ce que devait être un livre pour avoir Dieu comme auteur principal, mais d’après les données de l’enseignement traditionnel. La thèse de Franzelin a été adoptée par un grand nombre de théologiens, notamment de la Compagnie de Jésus, entre autres par H. Hurter. Theologiæ dogmaticæ compendium, 3'^ édit., Inspruck, 1880, t. I, p. 144-154 ; C. Mazzella, De virtutibus infusis, A" édit., Rome, 1894, p. 523-546 ; Chr. Pesch, Prælectiones dogmaticæ, "if édit., Fribourg-en-Brisgau, 1894, t. I, p. 374 sq. ; Tepe, Institutiones theologicse, Paris, 1894, 1. 1, n. 760 ; J. Brucker, Questions actuelles d’Écriture sainte, Paris, 1895, p. 24-53 ; Études, 5 janvier 1897, t. lxx, p. 113-119 ; L’Église et la critique biblique, Paris, s. d. (1908), p. 35-78 ; Knabenbauer, Stimmen aus Maria Laach, 1897, t. lui, p. 76 sq. ; De San, Tractatus de divina traditione et Scriptura, Bruges, 1903, p. 244-255 ; Schiffini, Divinilas Scripturarum, Turin, 1909, p. 241-242, et, en dehors de la Compagnie, par F. Schmid, De inspirationis Bibliorum vi et ratione, Brixen, 1885, p. 38-60 ; G. J. Crets, De divina Bibliorum inspiratione disseriatio dogmatica, Louvain, 1886, p. 105-127.

Sans parler de la distinction entre l’élément formel et l’élément matériel d’un livre, le Père Kleutgen distinguait l’inspiration de la révélation et de l’assistance. C’était une impulsion divine qui poussait un homme à écrire, non pas de sa propre délibération, mais par un instinct divin. Or Dieu, quand il a donné cette impulsion, ne laisse pas l’écrivain de son choix à ses lumières personnelles, il lui infuse une lumière spéciale, par laquelle il lui révèle, s’il y a lieu, des choses inconnues et il éclaire celles des choses antérieurement connues qu’il veut lui faire écrire. Tout ce qu’écrit l’écrivain, ainsi inspiré par Dieu, devient pour les autres règle de foi, car Dieu a assisté cet homme pour qu’il ne tombe pas dans l’erreur. On pourrait donc comprendre sous le nom d’inspiration une impulsion antécédente à écrire, une assistance concomitante et

une coiifirnialioii siibscquenle du contenu du livre ; mais les deux derniers actes ne sufnraient pas, à eux seuls, car l’inspiration exige toujours une lumière surnaturelle, même si aucune nouvelle révélation n’intervient, et une impulsion surnaturelle à écrire. Ainsi en a-t-il été pour les livres sacrés et canoniques, qui, écrits sous l’inspiration du Saint-Esprit, ont eu Dieu pour auteur. Tout dans l’Écriture est inspiré. La seule discussion possible est de savoir si tous les mots ont été écrits par une impulsion spéciale du Saint Esprit. Parfois cependant il se peut qu’une lumière nouvelle n’ait pas été communiquée par l’Esprit Saint à l’écrivain sacré ; il faut toujours au moins que celui-ci ait reçu l’impulsion divine à écrire et que Dieu l’ait assisté, tandis qu’il écrivait, pour l’empêcher d’errer. Cette impulsion à écrire doit enfin êlre une motion spéciale, à laquelle s’ajoute au moins l’assistance divine. De inspiralione, dans Sclmeemann, op. cil., p. 473 sq. On le voit, le P. Kleutgen complétait, en la corrigeant, l’opinion de Bonfrère et développait celle de Lessius.

François Schmjd consacra un ouvrage spécial : De inspirationis Bihliorum vi et ratione, Brixen, 1885, à l’étude de l’inspiration biblique. Le 1. II traite du concept de l’inspiration. Pour que Dieu soit l’auteur d’un livre, il faut de sa part une influence positive sur l’écrivain, telle que celui-ci veuille écrire ce que Dieu veut lui faire écrire et conçoive lui-même ce que Dieu a conçu de lui faire écrire. Écrire un livre, c’est mettre par écrit ses pensées pour les faire connaître aux lecteurs. Si donc Dieu lui-même ne déterminait pas tout ce qu’il veut faire écrire et communiquer aux lecteurs, il ne serait pas l’auteur du livre, rédigé par l’hagiographe. Il détermine ce contenu en le faisant concevoir à l’hagiographe. L’impulsion divine à écrire doit aussi déterminer la volonté de l’écrivain à écrire au nom de Dieu, dont il est l’instrument, sans aliénation des sens ni suspension de la liberté, mais au contraire avec usage de la raison. Cette impulsion agit, par l’intermédiaire de la volonté sur les forces d’exécution, qui suivent leur cours naturel. Quant à l’élocution, il n’est besoin qne de l’assistance divine pour que les mots, choisis par l’écrivain, rendent exactement la pensée divine. L’inspiration verbale n’appartient donc pas à l’élément formel de la parole de Dieu, quoique les mots eux-mêmes soient de Dieu, d’une certaine manière. Ainsi Schmid joint à la notion du livre inspiré, qu’il développe comme Franzelin, celle de l’auteur inspiré, dont il décrit la psychologie.

L’année suivante, 1886, Dom Crcts, prémontré, soutint à Louvain une thèse : De divina Bibliorum inspiralione disserlatio dogmatica. Pour exposer la raison propre de l’inspiration, le candidat analyse, lui aussi, la formule : Deus est auctor librorum sacræ ScripturiL', sect. III, p. 127-167. Qu’est-ce qui est requis et qu’est-ce qui est suffisant pour que Dieu soit l’auteur d’un livre, rédigé par un homme, qui lui sert d’instrument ? Pour l’élément formel du livre, il faut que l’écrivain ait reçu une influence divine, par laquelle il conçoive dans son esprit l’idée d’écrire et soit poussé infailliblement dans sa volonté à rédiger tout ce que le Saint-Esprit veut lui faire consigner par écrit pour l’instruction des autres hommes, et rien que cela. Il faut encore une assistance et une certaine onction du Saint-Esprit, qui préserve l’écrivain de toute erreur. En vertu de cette assistance, l’hagiographe choisit les mots aptes à exprimer les pensées que le Saint-Esprit veut lui faire exprimer. L’influx divin sur l’intelligence des écrivains sacrés peut, dans certains cas, avoir pour effet de révéler ou de rappeler à la mémoire ce qui doit être écrit. Mais si l’hagiographe sait de science propre ce que le Saint-Esprit veut lui faire écrire, il suffit alors, mais il est nécessaire, que Dieu

indique par une lumière surnaturelle ce qui doit être écrit et qu’il pousse l’écrivain à l’écrire en lui faisant juger, par un jugement pratique, qu’il doit l’écrire et n’écrire que cela. Le Saint-Esprit peut aussi pousser l’hagiographe à recliercher dans les sources historiques ce qu’il doit écrire, en l’éclairant sur l’usage qu’il doit en faire et sur le choix des vérités que celles-ci contiennent. Une motion divine à écrire a dû précéder l’influx divin sur l’intelligence de l’hagio graphe et elle persévère efficacement tant que dure la rédaction du livre. Les facultés naturelles de l’écrivain restent normalement en jeu, mais elles sont élevées par Dieu en vue de leur faire exécuter convenablement leur acte propre. Le livre ainsi composé est vraiment un livre d’origine divine, qui contient la parole de Dieu et qui jouit de l’autorité divine. Enfin, l’inspiration verbale, ou la dictée des mots, n’est pas nécessaire. Il suffit que le Saint-Esprit ait influé sur le choix des mots de façon à ce que sa pensée soit bien rendue.

Cette manière d’expliquer l’inspiration était reproduite dans tous les manuels de théologie et d’introduction biblique. Elle semblait définitivement établie dans les écoles catholiques, lorsqu’elle céda la place à une nouvelle explication de la nature de l’inspiration

2o Nouvelle explication, adoptée par Léon XIII dans Vencyclique Providentissimus Deus. — En 1891, le P. Cornely, jésuite allemand, professeur au Collège romain, ajouta à son Compendium introductionis, et publia à part une courte dissertation De divina S. Scripturarum inspiralione, qui a été aussi traduite en français, dans son Manuel d’introduction historique et critique à toutes les saintes Écritures, Paris, s. d. (1907), t. II, p. 489-494. Après avoir rappelé les définitions des conciles, et notamment celle du concile du Vatican, puis les preuves de l’inspiration des Livres saints, voulant donner la notion positive de cette inspiration, il dit, n. 4 : « Puisque, selon les témoignages de l’Écriture et de la tradition, nos livres sacrés ont Dieu pour auteur et que cependant ils ont été écrits par des hommes sous l’inspiration de l’Esprit Saint, ces trois choses semblent être produites à leur origine : par une illumination surnaturelle. Dieu avait fait que l’écrivain embrassât, pour l’écrire, tout le sujet que Dieu voulait transmettre aux hommes par tel livre déterminé ; ensuite, par sa grâce efficace, il a mis en mouvement la volonté de l’écrivain, pour qu’il la consignât par écrit ; enfin, par sa continuelle assistance, il a dirigé l’écrivain, de telle sorte qu’il revêtit d’une forme propre à en exprimer pleinement le sens, toutes les vérités et les seules vérités que Dieu voulait faire consigner dans ce livre ». Il n’admettait pas toutefois la suggestion divine de chaque mot, de chaque expression, à l’écrivain sacré, il reconnaissait seulement l’inspiration verbale dans quelques cas, « par exemple, lorsque Dieu a révélé, pour la première fois, un mystère proprement dit, ou lorsqu’il a voulu qu’une vérité fût désignée par tel mot particulier(par exemple, celui de Aoyoç, Verbe), ou par telle forme du mot (Gal., IV, IG). »

Dans cette analyse de la notion de Dieu, auteur principal des Livres saints, le P. Cornely abandonnait la distinction de Franzelin entre l’élément formel et l’élément matériel d’un livre, et il aimait mieux a conserver l’ancienne manière de parler. » Ainsi, il étendait l’illumination divine de l’esprit et la motion de la volonté à tous les faits et à toutes les idées des Livres saints ; mais pour leur forme extérieure, il n’exigeait que l’assistance efficace de Dieu pour veiller non seulement à ce que l’écrivain ne mêlât aucune idée étrangère à celles qu’il devait transmettre, qu’il n’en omît aucune, qu’il n’en exprimât aucune d’une manière plus ou moins erronée, mais aussi pour le diriger afin

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que, toujours et partout, il choisît une forme bien appropriée et convenable à la parole divine, ' sans que pourtant elle fût la plus belle et la plus parfaite.

Dans l’encyclique Providenlissimus Deus sur les Écritures, du 18 novembre 1893, le souverain pontife Léon XIII, après avoir cité la déclaration du concile du Vatican, conclut, du fait que le Saint-Esprit est l’auteur principal de l’Écriture, qu’on ne pouvait prétendre que les écrivains sacrés, ses instruments, auraient pu commettre des erreurs. La conclusion était fondée sur la notion de l’inspiration de ces écrivains eux-mêmes, « car, disait-il. Dieu les a tellement excités et mus par sa vertu surnaturelle à écrire et il les a tellement assistés, quand ils écrivaient, qu’ils ont d’abord conçu dans leur esprit, puis fidèlement voulu rendre, enfin exprimé exactement et avec une infaillible vérité, tout ce que Dieu leur ordonnait d’écrire, ni plus ni moins ; autrement il ne serait pas lui-même l’auteur de la sainte Écriture. » Traduction de M. Didiot, Traité des saintes Ecritures, Paris, Lille,

1894, p. 130. Pour le texte, voir Denzinger-Bannwart, Encliiridion, 13e édit., 1921, p. 1952 ; Cavallera, Thésaurus doctrinsE catholicse, Paris, 1920, n. 90. Cette analyse, de la notion de l’inspiration ne part pas directement de la formule du concile du S’atican : « Dieu auteur des Livres saints » ; elle aboutit seulement à cette conséquence qyC autrement Dieu ne serait pas leur auteur. Si elle n’a pas été empruntée au Père Cornely, elle expose les mêmes actes divins sur les écrivains sacrés, bien qu’ils soient un peu diversement ordonnés : une excitation et une motion à écrire et une assistance spéciale qui fait concevoir aux écrivains sacrés tout le contenu des Écritures et le leur fait exprimer exactement et avec une infaillible vérité.

Cette explication de la nature de l’inspiration était destinée à une fortune considérable. Les commentateurs de l’encyclique ne pouvaient manquer de faire ressortir les mêmes éléments de l’inspiration. Le chanoine Jules Didiot les a considérés en Dieu, inspirateur des écrivains sacrés et auteur principal des Livres saints, dans les écrivains inspirés eux-mêmes, auteurs secondaires des mêmes livres. L’action de Dieu a été une excitation et une motion à écrire, puis une assistance qui donne aux hagiographes la conception juste de tout ce qu’ils doivent écrire, la volonté de l’écrire fidèlement et la faculté d’exprimer exactement et infailliblement toute la pensée divine. A l’excitation divine correspond la conception humaine, à la motion divine la volonté humaine et à l’assistance la rédaction humaine. Le rôle propre à chacun des auteurs de l’Écriture est ainsi fixé, et il n’y a pas essentiellement place pour la révélation, qui ne peut se produire qu’accidentellement. Op. cit., p. 175-179.

M. Vacant, qui commentait les décisions du concile du Vatican, a bien vu que, sur la notion de l’inspiration des Écritures, l’encyclique Prouidentissimus Deus les avait complétées et précisées. Aussi est-ce à cette encyclique qu’il emprunte la notion de l’inspiration. Il y reconnaît, après Léon XIII, de la part de Dieu, une motion prévenante (exciiavit) et concomitante (movit), qui a poussé les hagiographes à écrire, puis une assistance qui les empêche de rien ajouter ou retrancher à ce que Dieu a voulu leur faire écrire, de façon à produire infailliblement un livre d’origine divine et humaine à la fois. Études théologiques sur les constitutions du concile du Vatican, Paris, Lyon,

1895, t. I, p. 458-460. Puis, après avoir exposé les erreurs condamnées par le concile de 1870, p. 460464, il expose, d’après le concile et le souverain pontife, comment Dieu est l’auteur des Livres saints pour les avoir fait écrire, p. 464-468. Il voit dans l’excitation et la motion surnaturelles le caractère principal et distinct de l’inspiration, celui dont les autres déri vent. Par elles l’inspiration se distingue des autres secours surnaturels, qui l’accompagnent, mais peuvent s’en séparer comme sont la révélation et l’assistance. Elles ont pour objectif la volonté de l’écrivain qui l’ait agir directement sa main. Mais cette impulsion divine ne s’arrête pas à la volonté, dont les déterminations ne vont jamais sans un objet fourni par l’entendement. Il faut donc que les données que Dieu veut faire entrer dans un livre, soient présentes à l’intelligence de l’écrivain. Aussi, pour mettre la volonté en exercice, Dieu donne dans l’intelligence la pensée du livre et de son contenu. L’excitation de ces pensées est la préparation et le commencement indispensable de l’impulsion à écrire. La résolution devient efficace par l’action de l’écrivain, mais cette action pour la composition du livre se fait par suite de l’impulsion divine. Celle-ci produit donc un triple effet : elle suggère à l’intelligence la pensée du livre et des vérités à y consigner ; elle détermine la volonté à écrire ce livre et à y consigner toutes les vérités présentées par Dieu à l’intelligence ; elle fait enfin composer le livre de façon que l’écrivain exprime avec justesse tout ce que Dieu a voulu lui faire écrire. Cette assistance divine dans la composition n’empêche pas seulement l’écrivain sacré de se servir de termes impropres ou d’altérer la pensée divine ; elle fait écrire fidèlement tout ce que Dieu veut faire écrire. Son effet est donc à la fois positif et négatif.

3o Critique de l’analyse de la formule conciliaire et nouvelles explications de V inspiration. — Cependant, quelques années après l’encyclique Providenlissimus Deus, on mit en question la justesse de la méthode de Franzelin. Les exégètes en commencèrent la critique ; les théologiens thomistes la complétèrent et proposèrent de nouvelles explications.

1. Critique des exégètes.

M. Levesque pensait « qu’il ne serait pas inutile de remettre à l’étude la nature même de l’inspiration » et d' « aiguiller les recherches dans une voie nouvelle ». Car « on vit plus ou moins sur la théorie du cardinal Franzelin », qui confond secrètement l’inspiration et la révélation. Essai sur la nature de l’inspiration des Livres saints, dans la Revue des facultés catholiques de l’Ouest, décembre 1895, p. 405, 406. M. Levesque refuse donc de faire de la révélation une partie constitutive de l’inspiration. Bien qu’elle précède ou accompagne quelquefois l’inspiration, elle n’est qu’un secours distinct, qui n’entre pas dans la notion de l’inspiration. Revue biblique, avril 1897, p. 926. Le P. Lagrange fit, d’un autre biais, la même critique. Vu la difficulté de comprendre comment Dieu est l’auteur de quelques livres de la Bible, qui ont f apparence d’être des livres écrits par les hommes, il faut concilier les exégètes qui constatent ces faits avec les théologiens, qui affirment, avec les conciles de Florence, de Trente et du Vatican, que Dieu est l’auteur des Livres saints, parce qu’ils ont été écrits sous l’inspiration du Saint-Esprit. « Il résulte clairement de ce processus que f inspiration ne doit pas être expliquée par la formule : Dieu est l’auteur des Livres saints, mais au contraire que la formule « Dieu est l’auteur des Livres saints » repose sur la vérité de cette autre : les livres canoniques ont été écrits sous l’inspiration de l’Esprit Saint. La notion de l’inspiration devra donc être examinée en ellemême ; mais elle devra cependant être conçue de manière à renfermer cette conséquence : Dieu est l’auteur de ces livres. Cette formule étant rigoureusement vraie, quoiqu’elle ne doive pas nous servir de point de départ, elle devra nécessairement se trouver implicitement dans la notion de l’inspiration. » L’inspiration des Livres saints, dans la Revue biblique, avril 1896, p. 206. La méthode de Franzelin aboutit à cette idée : « Dieu composant son livre pour le

déposer tout fait, au moins quant aux pensées, dans l’esprit de l’auteur inspiré, ou du moins à des équivoques qu’on retrouve dans plusieurs auteurs. »

M. Dick proposa une « meilleure méthode ». Elle consisterait à amasser tous les faits qui rendent difficile à comprendre, à première vue du moins, que Dieu fût l’auteur de la Bible. La question à résoudre est une question de fait : Comment a-i-il plu à Dieu d’inspirer la Bible ? » et non une question de possibilité : Comment a-t-il pu le faire ? On ne peut dire a priori comment il l’a fait. Pour connaître ce comment, il faut examiner les Livres inspirés sous toutes les faces, voir comment ils sont et ce qu’ils sont, avant de savoir comment ils ont été inspirés. H est donc nécessaire d’étudier leur contenu, les procédés et les méthodes suivant lesquels les auteurs les ont écrits, le but qu’ils se proposaient. De tous ces faits étudiés, rapprochés les uns des autres, on pourra conclure : Voilà comment ils sont inspirés ; voilà ce qu’est l’inspiration. L’inspiration des Livres saints, dans la Revue biblique, octobre 1896, p. 488. C’est la méthode a posteriori, opposée à toute méthode a priori, la méthode exégétique et critique opposée à la méthode théologique et philosophique.

Le P. Lagrange repoussa avec quoique raison la méthode proposée. On ne peut faire dépendre les principes de la foi et de la théologie d’une étude critique dont nul ne peut prévoir le terme. Il faudrait assurer d’abord la pureté des textes bibliques, la critique littéraire devrait suivre la critique textuelle, avant d’édifier une histoire d’Israël et du christianisme primitif. Le dogme de l’inspiration paraîtrait enfin comme une expression de la foi des juifs et des premiers chrétiens. Mais c’est supposer que, sur l’inspiration, nous n’avons qu’une source d’information : les livres inspirés eux-mêmes. Or, l’Église est le seul interprète infaillible de l’Écriture ; sa tradition contient d’utiles renseignements sur l’inspiration des Livres saints ; ses théologiens ont étudié ce dogme. Nous avons à tenir compte de tous ces renseignements pour faire l’analyse philosophique de la notion d’inspiration scripluraire. L’inspiration et les exigences de la critique, ibid., p. 497498. Le P. Lagrange trouvait même « la réaction contre Franzelin légèrement exagérée ». Ibid., p. 499. Il l’avait pourtant provoquée, en excluant toute révélation de la notion d’inspiration. Revue biblique, 1895, p. 149-150. Il ne voulait pas dissocier l’une de l’autre les notions d’inspiration et de révélation qui sont connexes.

Plus tard, le P. Prat trouvait, lui aussi, des désavantages à partir de la formule : Deus est auctor Scripturæ pour établir la nature de l’inspiration. Cette formule était, à ses yeux : 1o équivoque. Auteur, en français, n’est pas équivalent du latin auctor, qui a le sens classique et judiciaire de cause ou de garant. Le terme français signifie écrivain. En traduisant Deus auctor par Dieu auteur, on ôte au mot auctor son indétermination, un peu aux dépens de l’exactitude ; 2o la théorie qui en part, fait reposer une thèse capitale sur un sens figuré du mot auctor ; 3o elle ne s’établit pas sans quelques artifices, comme celui de négliger, dans les textes des conciles, le mot principal (à savoir, e mot unum auctorem utriusque Testamenti, qu’on lit dans tous les documents conciliaires depuis le IV’= concile de Carthage, et qu’il faut suppléer ( ?) dans la définition du concile du Vatican). C’est pourquoi le Père Prat préférerait la formule : Scriplura est verbum Dei, pour les raisons suivantes : 1o Elle ressort si clairement de l’Écriture et de la tradition que la démonstration en est presque superflue ; 2o elle a l’avantage de ramener à une même notion toute inspiration, soit écrite, soit orale ; 3o elle a pour corollaire immédiat la garantie divine, par conséquent la causalité de la

parole divine, et son aptitude à servir de norme ; 40 elle se passe de figures, puisque Dieu parle, enseigne, instruit, ordonne, au sens propre, dans l’Écriture, par l’organe de son ambassadeur. Récentes publications exégétiques, dans les Études, 20 mai 1903, t. xcv, p. 556-558. Cf. Les historiens inspirés et leurs sources, ibid., 20 février 1901, t. lxxxvi, p. 498-499. Le P. Félix Pignataro réfuta solidement l’opinion du P. Prat, dans une note qu’il ajouta à l’Apparatus ad historiam coœvam doc.trinse inspirationis pênes catholicos, p. 129-132, au sujet de la définition du concile du Vatican. Il montra que ce concile n’avait pas visé les manichéens, qu’il avait pris le mot auctor dans le sens d’écrivain, voir col. 2155 sq. et que ce mot a ce sens dans les classiques latins et qu’il l’a toujours eu dans la littérature ecclésiastique, quand il était appliqué à la composition des Livres saints.

Le P. Bainvel a fait justement remarquer que l’Éôriture n’est la parole de Dieu que parce qu’elle a été inspirée par Dieu. Si la parole de Dieu précède l’inspiration dans l’ordre de l’intention, elle ne la précède pas dans l’ordre de l’exécution. Il faut donc expliquer par l’inspiration la notion de parole de Dieu, et non pas l’inspiration par la notion de la parole de Dieu. De Scriptura sacra, p. 119-120.

Les trois formules proposées sont traditionnelles et peuvent servir de point de départ à une analyse théologique de la notion d’inspiration. Mais aucune d’elles ne suffit, à elle seule, à fournir la base d’une analyse adéquate de cette notion. Il faut tenir compte des enseignements de la tradition et de la théologie catholique, et surtout des décisions officielles de l’Église, qui indiquent dans quel sens on a toujours entendu l’inspiration des Livres saints et qui ont plus de poids, que les déductions qu’un théologien pourrait tirer d’une unique formule de la tradition cathohque.

2. Nouvelles explications proposées.

a) M. Levesque a ramené le mode d’action de l’Esprit inspirateur à trois opérations essentielles : une impulsion donnée à la volonté, un secours guidant l’intelligence, une influence sur la rédaction par une assistance continue de telle sorte que Dieu, auteur principal des Écritures, a fait concevoir, vouloir et exécuter ce qu’il veut à l’écrivain inspiré. C’est par impulsion intérieure et efficace de la grâce que les écrivains sacrés se mettent à composer leurs livres. Ainsi, Dieu les fait vouloir. L’action divine sur l’intelligence de l’écrivain sacré n’est jamais une révélation, voir Revue biblique, avril 1895, p. 421-422 ; c’est une direction de l’intelligence qui se porte sur les vérités et les faits connus naturellement ou reçus par révélation antérieure pour ne choisir et ne transmettre que ce que Dieu veut. Sous cette direc’iou, l’intelligence s’exerce activement ; elle porte son attention sur ks vérités et les faits connus naturellement ou surnaturellement ; elle les combine et les groupe de façon à atteindre le but, voulu à la fois par Dieu et par l’écrivain. Ainsi son jeu naturel et celui de toutes les facultés executives sont mus et dirigés par Dieu. L’écrivain est donc un instrument intelligent et libre, qui recueille ses souvenirs, consulte des sources, écrites peut-être, dispose ses matériaux, les coordonne d’après un plan qu’il s’est formé et qui lui est tout indiqué par son but. Il écrit ce que Dieu veut qu’il écrive et rien que cela. L’écrivain sacré n’est pas laissé à lui-même pour la rédaction du livre. Si Dieu ne lui dicte pas les mots, il y a comme une sorte de dictée des choses par Dieu, mais l’expression, le style, la disposition des détails sont l’œuvre de’l’écrivain. Le verbum formate, la vérité, vient entièrement de Dieu ; le verbum materiale, l’expression, est laissé à l’initiative du secrétaire, mais à une initiative surveillée par Dieu, qui assiste l’écrivain’et veille à ce qu’il ne dénature pas sa pensée et ne

tombe pas, par inadvertance, dans l’erreur. Essai sur la nature de l’inspiration des Livres saints, loc. cit., p. 206-213. L’influence de Franzelin se fait encore sentir sur cet essai, notamment dans la distinction du verbum formate et du verbum materiale. En outre, la sorte de dictée des choses n’est-elle pas une révélation intellectuelle, donnée in scribendo, telle que l’entendaient les anciens scolastiques, alors qu’on exclut expressément de l’inspiration toute révélation ?

b) Le P. Brandi a expliqué les enseignements de l’encyclique pontificale sur la nature de l’inspiration en prenant pour point de départ la formule de saint Thomas : Deus est auctor, tiomo instrumentum. Dieu est plus que la cause première de l’Écriture ; il en est la cause efficiente, non pas sans doute la cause unique, mais la cause principale qui se sert de la coopération de l’homme comme cause secondaire et instrumentale. Mais l’écrivain sacré n’est pas un instrument entièrement passif ; il est actif, intelligent et libre ; il parle comme messager divin. Le livre, eft’et de cette double activité, est donc tout entier à la fois de Dieu et de l’homme. Pour que Dieu ait la part principale, il a dû mouvoir la volonté des instruments raisonnables à écrire tout ce que Dieu voulait leur faire écrire et uniquement cela, la cause instrumentale n’agissant que par la motion de la cause principale. Il faut, en outre, que Dieu illumine l’esprit des écrivains sacrés, en leur révélant ou manifestant le sujet du livre, les matières à traiter, les vérités à proposer et les faits à raconter, autrement on ne pouirait attribuer à l’Esprit-Saint tout ce que les auteurs sacrés ont écrit, et cet Esprit ne serait pas l’auteur premier des Livres saints. Cette révélation ne s’applique pas seulement à la manifestation de quelque vérité cachée à l’esprit ; elle s’étend à n’importe quel enseignement divin. Il ne s’agit pas toujours de la révélation divine au sens strict, mais du moins de cette révélation au sens large. Les écrivains sacrés n’étant pas des instruments purement passifs, il est nécessaire que Dieu les assiste et les airige pendant qu’ils écrivent, de telle sorte que, sans erreur, ils écrivent tout ce que Dieu veut et seulement ce qu’il veut leur faire écrire Sans cette assistance et cette direction, ils pourraient ajouter d’eux-mêmes quelque chose et y glisser, volontairement ou involontairement quelque erreur, ou ne pas exprimer exactement la pensée divine. Ces trois éléments de l’inspiration découlent donc de l’analyse de la formule : Deus est auctor sacræ Scripturæ. La question biblique et l’encyclique Providentissimus Deus, trad. Mazoyer, Paris, s. d. (1904), p. 23-24. La doctrine de saint Thomas sur la cause instrumentale, appliquée à l’inspiration, n’avait pas suffi à donner une explication complète de l’action divine sur les hagiographes ; le Père Brandi avait dû recourir encore à l’Écriture, à la tradition et aux décisions de l’Église. On allait tenter d’exploiter surtout la doctrine thomiste de la cause instrumentale

c) Le P. Pègues, dominicain, a pris comme point de départ la formule de saint Thomas : Dieu est l’auteur principal de l’Écriture, l’homme en a été l’auteur instrumental, et bien que le docteur angélique ne soit pas parti de là pour expliquer l’inspiration, son disciple moderne applique à l’efficience de l’Écriture la doctrine du maître sur la cause principale et la cause instrumentale. Sum. theoL, III^, q. lxii, a. 1. Dieu remplit donc le rôle de cause principale, il agit par sa vertu divine, et le produit de son action, l’Écriture, est tout entier de lui. Mais pour produire cet effet, la vertu propre de Dieu passe par les instruments qu’il a choisis et leur fait produire son effet : l’Écriture. Or l’instrurrtent agit seulement par le mouvement dont le meut le principal agent. L’inspiration sera donc, dans l’écrivain sacré, un mouvement, une participation

à la vertu même de Dieu, une vertu surnaturelle qui, produite par Dieu, dur ua tant que les hommes inspirés feront office d’écrivains, et ne se terminera que lorsque aura été exprimée la similitude parfaite de la pensée divine. L’Écriture est donc ainsi l’expression, non de l’homme, mais de Dieu, qui l’a faite par l’homme. Elle est donc totalement et intégralement l’œuvre de Dieu et de l’homme ; c’est le livre de Dieu, écrit par des hommes. Une pensée de saint Thomas sur l’inspiration scripturaire, dans la Revue thomiste, mars 1895, p. 97-103. Voir encore L. Jacome, O. P., De natura inspirationis S. Scripturæ, dans Divus Thomas, 1918, t. iii, p. 190-221. Cette interprétation de saint Thomas, si elle est conforme à la doctrine thomiste sur les causes principale et instrumentale, ne coïncide pas avec l’explication que le saint docteur a donnée lui-même de l’inspiration, dans son étude de la prophétie, explication que d’autres thomistes ont reprise. Elle rend, d’ailleurs, moins parfaitement compte de l’action des deux agents ; c’est donc plutôt une régression qu’un progrès dans l’étude de la nature de l’inspiration.

d) Le P. Lagrange, en effet, a demandé à saint Thomas les éclaircissements opportuns sur la notion de l’inspiration. Voir col. 2120. Il semble d’abord que, pour le docteur angélique, l’inspiration n’indique qy’un mouvement de la volonté, un souffle qui pousse et qui est attribué au Saint-Esprit, l’Amour. Saint Thomas distingue aussi l’inspiration de la révélation, quoique néanmoins il y ait entre les deux une certaine communauté de genre. L’inspiration est une touche de Dieu. Lorsque Dieu agit sur une créature raisonnable, il s’adresse à son intelligence. Or toute action de Dieu sur l’intelligence donne à celle-ci des clartés. S’il n’y a pas révélation, l’objet présenté est, au moins, plus clairement manifesté. Alors, selon le cardinal Zigliara, Propœdeutica ad theologiam, t. I, c. i, l’inspiration instruit et éclaire l’intelligence per quemdam instinctum occultissimum. L’inspiré dpit à Dieu une vraie connaissance, sans que la lumière divine soit connue pour telle et sans qu’elle communique à l’objet connu une sorte d’évidence ou de crédibilité divine. Selon saint Thomas, la connaissance suppose l’acceptio cognitorum et Iç-judicium de acccptis. Elle n’est complète que par le jugement. Or, le jugement suppose que son objet est présent à l’esprit. Mais cette présence se produit de différentes manières ; Dieu, par exemple, manifeste à l’esprit un objet nouveau, sans communiquer toutefois aucune lumière pour en juger. Ainsi a-t-il donné à Pharaon un songe, sans l’expliquer. Joseph a appris de Pharaon le songe que Dieu lui avait manifesté, mais il a reçu de Dieu la lumière pour en juger avec certitude. Dieu a produit en son esprit un jugement certain, sans révélation. Si Joseph eût reçu à la fois de Dieu un songe et son interprétation, c’eût été une révélation prophétique. Si donc l’inspiration est une élévation de l’âme pour percevoir la vérité, sans aucun mélange de révélation, elle se trouve, conclut Zigliara, dans le jugement, sine acceptione cognitorum. Or, c’est ce qu’affirme saint Thomas, quand il distingue le charisme des prophètes de la grâce des hagiographes. Voir col. 2122. Il n’est pas nécessaire d’admettre ni que Dieu ait révélé, fourni, suggéré une seule idée, ni que l’écrivain sacré sache que c’est lui qui parle à son intelligence et donne aux objets, connus au préalable, une certitude divine. Il suffit que cette certitude divine existe, en fait, dans le jugement de l’écrivain. Tout ce qu’il affirmera en vertu de la lumière divine, qui lui est communiquée, prendra son infaiUibilité dans la vérité divine ellemême. Dieu est la cause du jugement certainement vrai ; il l’a donc prononcé ; il a donc parlé lui-même, il a enseigné. Cet enseignement doit être accepté

comme infailliblement vrai et par celui qui l’a reçu et par celui à qui il a été transmis.

A ces considérations, empruntées à saint Thomas au sujet de l’inspiration des écrivains sacrés, le P. Lagrange ajoute des observations nouvelles, que lui fournit la doctrine de l’Église sur les livres inspirés. Il ne suffit pas toutefois que Dieu garantisse ainsi l’enseignement qu’il donne, il faut que le livre, qui contient cet enseignement, ait Dieu pour auteur. Or, l’auteur d’un livre doit en avoir conçu toutes les pensées, sinon les paroles. Il faut donc que les pensées du moins soient suggérées à l’écrivain. S’il les possède dans son intelligence, l’inspiration les lui remémore, et les lui suggère, sans révélation nouvelle, mais pourtant par une action spéciale de Dieu. C’est à cette condition seulement que les pensées de l’écrivain seront les concepts de Dieu. Ce raisonnement part donc de la notion de Dieu, auteur des Livres saints. Pour expliquer la même chose par l’analyse de l’inspiration, faut-il que la première pensée de les écrire soit venue de Dieu, ou suffit-il que l’écrivain se soit déterminé à écrire en vertu d’une action spéciale de Dieu ? Rien n’oblige à admettre cette proposition antécédente de Dieu, soit par révélation, soit par une mise spéciale en mouvement d’idées déjà acquises. Il est nécessaire que dans toute son action l’écrivain sacré soit mené par Dieu, tant dans la connaissance de la vérité en elle-même, que quant à l’opportunité qu’il y a à l’écrire, et même quant à son expression. De cette manière tout est suggéré par Dieu comme devant être écrit. Mais si, par suggestion, on entend une proposition spéciale et antécédente des concepts à l’écrivain sacré, qui le dispense de les chercher, il est possible que rien ne soit suggéré par Dieu. La lumière donnée pour le jugement spéculatif, en vertu de la motion primitive, ne suffit-elle pas ? Elle exerce, en effet, une influence considérable sur le jugement pratique. Tout ce qui, grâce à elle, paraîtra incertain ou faux, sera éhminé. Son rayonnement s’étendra aussi sur tout l’acte de la composition. Elle fera aussi que l’écrivain percevra mieux non seulement la vérité elle-même, mais encore ses attaches avec d’autres vérités, son opportunité, son intérêt par rapport au but poursuivi. Il est donc inutile d’exiger, pour tous les cas, une suggestion particulière au moyen d’espèces nouvelles, ou une mise en mouvement d’espèces anciennes. « Quant à l’action de Dieu sur la volonté de l’écrivain, elle est toujours dans un rapport étroit avec son action sur l’intelligence. L’écrivain n’écrira rien qu’il ne l’ait connu dans une lumière supérieure. Cette lumière sera cause que sa perception de l’objet en lui-même et comme matière de son livre sera tout autre que s’il avait été livré à lui-même. Dieu sera donc cause du double jugement théorique et pratique. L’écrivain n’écrira rien que ce que Dieu lui a fait concevoir, et sa volonté mise en mouvement par Dieu se portera librement sur tout cela. Il n’écrira que ce que Dieu veut et rien de plus, et cependant Dieu ne lui aura peut-être pas fourni une seule idée nouvelle, ni même excité, par une action spéciale préalable, celles qu’il possédait déjà. Cela suffit pour que Dieu soit bien l’auteur du livre. » L’inspiration des Livres saints, loc. cit., p. 206-212. Cf. ibid., p. 499-505. Ces vues ont été adoptées et résumées par le P. Sanders, Études sur saint Jérôme, p. 102-108, et elles lui ont servi à interpréter la doctrine de saint Jérôme.

On voit combien cet exposé thomiste de l’inspiration, si remarquable, diffère de celui du P. Pègues, quoi qu’il en soit des points de contact que ce dernier a cru retrouver avec le sien. Voir A propos de l’inspiration des Livres saints^ dans la Revue biblique, jan vier 1897, p. 75-82. Il dépasse, d’autre part, et de beau coup, la pensée de saint Thomas ; il y a vraiment progrès dans l’analyse psychologique de l’inspiration de l’écrivain sacré. C’est une large interprétation de la doctrine de saint Thomas. Celui-ci ne dit qu’un mot de la motion du Saint-Esprit, qui devient ici un élément très important. Il admet, pour les prophètes proprement dits, la révélation immédiate avec ses trois différents modes. Enfin, il attribue aux simples hagiographes le troisième mode de la révélation, sinon une vision intellectuelle qui révélerait des choses inconnues, du moins une illumination de l’intelligence, qui fait porter un jugement infaillible sur chacune des connaissances déjà acquises que ces écrivains inséreront dans leurs livres.

e) Le néo-thomisme introduisit la prémotion physique dans la notion de l’inspiration. M. l’abbé Chauvin, L’inspiration des divines Écritures d’après l’enseignement traditionnel et l’encyclique « Providentissimus Deus », Essai théologique et critique, Paris, s. d. (1896). veut être un disciple fidèle de l’angélique docteur. Or, au c. II, consacré à la psi/cliologie de l’inspiration, p. 21-55, il reconnaît dans l’inspiration un influx surnaturel, une vertu, une énergie divine, un souffle de l’Esprit sur l’écrivain, et il attribue à cette grâce extraordinaire du Saint-Esprit un triple rôle sur la volonté d’abord, sur l’intelligence, l’imagination et la mémoire ensuite et sur les facultés executives enfin des écrivains sacrés. La détermination de la volonté à écrire est une motion qui, d’après Aristote et saint Thomas, n’est pas une simple impulsion morale, mais une réelle prémotion physique, qui entraîne la coopération libre et méritoire de l’homme inspiré. Quant au rôle de l’inspiration sur l’intelligence, l’imagination et la mémoire des écrivains sacrés, ces trois puissances ont reçu immédiatement une lumière supérieure, qui, tout en les fortifiant, les éclairait, les dirigeait et dominait toutes leurs opérations respectives. Agissant comme la lumière naturelle, cette lumière surnaturelle accroissait et surélevait l’énergie vitale de ces trois puissances de connaissance et projetait en même temps sur leurs objets respectifs une clarté qui les rendait saisissables ou les mettait davantage en relief. Elle communiquait à l’intelligence des concepts nouveaux (c’était alors une révélation avec acceptio cognitorum), ou elle rendait plus nets des concepts obscurs ou oubliés (suggestion), ou enfin elle réunissait ou coordonnait des concepts préexistants (simple manifestation ou illumination). En même temps, l’intellect était pénétré par la lumière divine, qui le fortifiait et l’éclairait de façon à lui faire porter le judicium de acceptis, dont parle saint Thomas. Ainsi cette faculté percevait mieux la vérité en elle-même, saisissait plus clairement ses attaches avec d’autres et son opportunité à figurer avec elles dans l’écrit ; d’où elle les groupait comme Dieu le voulait et l’entendait. La composition était tout entière de Dieu, auteur principal, et tout entière de l’homme, auteur secondaire. De l’intellect, la lumière divine rayonnait sur l’imagination et illuminait ses fantômes pour aider l’intelligence à élaborer ses pensées et ses jugements, ce qui explique les métaphores, les figures et le coloris du style de l’Écriture. L’inspiration fut enfin une assistance divine sur la rédaction des Livres saints, pour que l’écrivain ne laissât échapper aucune inexactitude et pour qu’il rendît fidèlement la pensée divine. Les écrivains sacrés avaient ordinairement conscience de leur inspiration, quoiqu’ils n’eussent pas nécessairement l’intelligence de toutes les choses que le Saint-Esprit leur faisait écrire. Cf. du même auteur. Leçons d’introduction générale, Paris, 1898, p. 58-62, Encore l’inspiration biblique, dans la Science catholique, mars 1900, t. xiv, p. 301-314.

f) Le P. Zanecchia est allé bien plus loin. Au c. vii

(le sa Divina inspiratio sacrarum Scripturarum ad mentem S. Thomæ Aquinatis, Rome, s. d. (1898), p. 93109, il critique les définitions de l’inspiration données par Patrizi, Marchini, Janssens, S. di Bartolo, Franzelin, C. Pesch, E. Levesque et C. Chauvin, qui présentent toutes des inconvénients. Il propose ensuite celle-ci : Inspiratio est influxus diviniis physicus et supernaturalis elevans et movens facilitâtes hominis, ut scripto consignentur Ecclesiæ, propter bonum et utilitatem ejus, ea quæ Deus ouït, et modo quo vult. La grande différence entre cette définition et les autres est dans l’insertion des mots physicus et movens. Par un engouement excessif, on introduit ainsi une opinion d’école dans la définition même del’inspiration. Aussi, au c. VIII, p. 109-138, consacré à l’exposé de l’élévation des facultés de l’écrivain sacré, on insiste spécialement, n. 91, p. 127-131, sur cet influx physique, surnaturel, et immédiat de Dieu, qui est vraiment et proprement la physica præmotio divina. Cf. c. XI, n. 126, p. 176-185, M. Chauvin, qui admet la piémotion physique, a eu le tort, ajoute t-on, de ne pas l’introduire dans la définition même de l’inspiration.

g) Le P. Calmes a exposé, lui aussi, la théorie de l’inspiration. Il a suivi la méthode d’enseignement, et non la méthode d’invention (proposée par M. Dick). L’inspiration, prise en soi, est une grâce gratis data, efficace et extraordinaire. Dans l’écrivain inspiré, l’inspiration s’exerce d’abord comme motion sur la volonté. Cette motion est intérieure, immédiate. Son premier eiîet est de déterminer à écrire l’auteur, qui a quelque idée de son sujet. Dieu qui choisit des instruments tout préparés, n’a qu’à les mettre en branle dans un sens déterminé. Il suffit pour cela de mouvoir la volonté vers l’objet qui doit faire le fond du livre, suggérer cet objet. Les connaissances que l’auteur a acquises par sa raison naturelle et son travail se réveillent naturellement dans son esprit. A ce moment la volonté, mue parl’action efficace de Dieu, fixe l’esprit dans la considération des vérités qui sont destinées à devenir la parole de Dieu, et lui fait émettre le jugement pratique, qui doit préluder à la rédaction. Ainsi, la volonté occupe une place intermédiaire entre deux ajctes de connaissance ; elle est précédée d’un jugement spéculatif et suivie d’un jugement pratique. Sauf le cas où la révélation se combine avec l’inspiration, le jugement spéculatif est porté par les autres forces naturelles de l’intelligence, tandis que le jugement pratique est toujours formé sous l’influence de la volonté mue et fortifiée par Dieu. Ainsi la volonté n’entre en jeu qu’au moyen d’une connaissance préalable qui la sollicite ; mais sa détermination infaillible a sa source formelle dans la motion divine. Dieu ne détermine pas la volonté par un commandement ; un ordre est adressé à la volonté par l’intermédiaire de la connaissance. Les ordres d’écrire, mentionnés dans l’Écriture, ne se rapportent pas à l’inspiration scripturaire. L’influence de l’inspiration sur la volonté est antécédente ; c’est une prémotion et une prédétermination, la volonté étant déterminée à agir d’une manière infaillible. L’initiative du livre inspiré venant de Dieu, Dieu prévient donc efficacement la volonté de l’écrivain. Cette prémotion enfin est physique : c’est une impulsion initiale, agissant sur la volonté d’une manière physique. Bien qu’infailliblement efficace, la détermination de la volonté de l’écrivain est spontanée.

Cela posé, quelle est l’influence de l’inspiration sur la conception, l’élaboration et la rédaction du livre ? En bref, l’écrivain conçoit son œuvre, parce qu’il la veut telle, et il la veut telle, parce que Dieu le fait vouloir. La composition proprement dite est donc due à l’action divine. Il l’élabore de même, dans l’ordre

de la spéculation, mais le jugement pratique définitif est formé sous l’influence de la volonté mue par l’action efficace de Dieu. Quant à la rédaction, l’écrivain reçoit, en écrivant, le même concours divin qui l’a guidé dans le choix et l’élaboration de son sujet. L’action de Dieu sur lui s’est exercée de la même manière : en rédigeant, il est libre dans le choix des termes.et dans l’emploi de la syntaxe. Sa volonté joue donc, ici encore, un rôle essentiel. Mais tout ce qu’il veut. Dieu le veut par lui. Donc tout ce qu’il écrit. Dieu l’écrit par lui. Dieu est donc, en définitive, l’auteur responsable, l’écrivain n’est que son instrument. Tout le travail est de l’homme, et ainsi le livre est de l’homme ; mais tous les éléments, qui constituent l’écrit, ont été déterminés parl’inspiration divine ; le livre est donc de Dieu comme cause principale. Qu’est-ce que l’Écriture sainte ? Paris, 1899, p. 27-43. Dans cette théorie de l’inspiration, l’action de la . volonté a donc la principale part. Elle diffère dès lors de celle de saint Thomas, pour qui, si l’inspiration n’est, dans le prophète, que l’élévation de l’intelligeftce ad percipienda divina, la prophétie elle-même ad cognitionem pertinet. Sum theol., ll^-ll'^, q. clxxi, a 1.

h) Les jésuites ne pouvaient laisser passer sans réclamation les critiques faites à la méthode de Franzelin et à son explication de la nature de l’inspiration ni l’introduction de la prémotion physique dans cette notion. Le P. van Kasteren défendit cette méthode et cette explication. Franzelin en Zanecchia, dans les Studien, Utrecht, 1902, t. lviii, p. 56-80. Zanecchia riposta. Scriptor sacer sub divina inspiratione jaxta sententiam cardinalis Franzelin. Responsio ad Patrem van Kasteren S. J., Rome, 1903. Van Kasteren fit une réplique : Nochmaals Franzelin en Zanecchia, dans les Studien, 1903, t. lxi, p. 289 sq. Le P. Christian Pesch, qui avait été attaqué par Zanecchia, défendit son sentiment personnel, conforme à celui de Franzelin, Theologische Zeitfragen, 1I1 « série, Fribourg-enBrisgau 1902, p. 90 sq. ; trad. latine par F. Pignataro, Apparatus ad historiam coœvani inspiraiionis, Rome, 1903, p. 96-99. Iljustifia enfin la méthode de Franzelin, De inspiratione sacræ Scriptiiræ, p. 305-313.

Dans ce dernier ouvrage (1906), il traita de nouveau la question de l’essence de l’inspiration, part. II, c. ii, p. 402-438. Après avoir écarté des questions étrangères, p. 402-405, il ramène le sujet à ceci : En quoi consiste cet influx inspirateur, par lequel Dieu est l’auteur des Livres saints ? P. 405-406. Comme Dieu, auteur principal, se sert d’hommes inspirés pour rédiger les Livres saints, Pesch expose l’influence de la cause principale sur les agents secondaires : motion à « crire sur leur volonté, illumination spéciale de leur intelligence et application de leurs facultés naturelles à la rédaction du livre, p. 406-410. Les explications insuffisantes exclues, p. 400-413, la révélation strictement dite n’est pas requise, pas plus que la détermination physique, p. 413-421. Dieu fait seulement, comme auteur principal, ce que les écrivains font pour composer un livre ; il infuse donc dans l’intellect de l’inspiré une lumière surnaturelle qui fait juger à celuici que l^ieu veut qu’il écrive ce qu’il pense naturellement, et qu’il doit l’écrire de la manière que Dieu veut, ordinairement avec conscience de cette inspiration, p, 421-427, Dieu influe sur la volonté de l’écrivain pour le déterminer à écrire, mais il n’est pas nécessaire que cette motion divine soit une prémotion physique, il suffit qu’elle soit morale, p. 431-434 ; enfin, pour éviter que l’erreur ne se mêle au travail de l’homme inspiré, il suffit que Dieu l’assiste durant tout le temps de sa rédaction et lui fasse exprimer avec une vérité infaillible tout ce qu’il a voulu lui faire écrire, p. 434-436. L’ouvrage ainsi rédigé est transmis à l’Église comme la parole de Dieu écrite et

la règle de la foi, p. 436-437. D’où découle une définition adéquate de l’inspiration, p. 437-438. Ainsi, par la méthode de Franzelin, on aboutit à une notion exacte et complète de l’inspiration des Livres saints.

i) Un jésuite français, le P. Dutouquet, dans un intéressant article des Éludes, mars 1900, t. lxxxv, p. 158-163, sur la Psychologie 'de l’inspiration, avait déjà admis la motion de Dieu sur la volonté et l’intelligence des écrivains sacrés, comme le progrès accompli depuis trente ans à ce sujet. Après avoir rappelé, d’une part, l’individualité propre à chaque auteur inspiré, son style personnel, son originalité de conception, enfin sa langue qui reflète le milieu et l’époque où il a écrit, et d’autre part, la personnalité de ces écrivains dans la composition de livres, qui répondent à des questions actuelles, qui satisfont à une nécessité du moment, qui travaillent laborieusement et qui ne dissimulent pas les imperfections de leurs œuvres, il observe que cette activité littéraire est, dans l’inspiration, gouvernée par une influence surnaturelle, qu’il faut expliquer de façon que Dieu soit réellement l’auteur principal des Livres saints. Or, pour expliquer le rôle du Saint-Esprit, il faut plus qu’une assistance qui confère à ces livres l’infaillibilité ; il faut une motion imprimée par Dieu à l’homme qui lui sert d’instrument, soit pour lui taire rendre des oracles, soit pour l’employer à écrire sa parole. Cette motion s’exerce d’abord sur la volonté de l’inspiré, qui écrit tout ce que Dieu veut lui faire écrire et cela seulement, et cette action intérieure et surnaturelle, qui n’exclut pas les motifs tirés du dehors et naturels en soi, constitue essentiellement l’inspiration. La motion divine agit aussi sur l’intelligence de l’inspiré, qui présente à la volonté les motifs d’écrire. Cette illumination est nécessaire. Ses conditions psychologiques sont différentes selon les cas. Si les inspirés sont, comme les évangélistes par exemple, suffisamment renseignés, le Saint-Esprit mettra dans leur esprit l’idce du hvre à écrire et celle d’écrire ce livre. L’idée du livre réveillera leurs souvenirs et leur tracera l’ordre systématique des matériaux. Durant le travail d’exécution, la lumière divine illumine le but à atteindre et fait converger vers lui toutes les connaissances naturellement acquises et guide le choix de celles qui doivent être consignées par écrit. JNlais l’écrivain choisi peut n’avoir pas acquis naturellement toutes les idées que , Dieu veut lui faire exprimer, soit qu’elles demeurent inaccessibles à sa raison, soit qu’il n’ait pas lui-même été témoin des faits à narrer. Alors une révélation lui sera nécessaire, bin qu’elle ne soit pas de l’essence de l’inspiration : elle n’est pas requise ex ratione scriptionis, sed materise scribendæ. Enfin, le Saint-Esprit doit assister l’écrivain sacré tandis qu’il écrit, pour l’empêcher de failhr dans l’expression à donner à la pensée divine. Ces trois éléments : motion de la volonté, illumination de l’intelligence et assistance pour que l’expression rende exactement la pensée de Dieu, constituent l’inspiration et font du livre inspiré la parole même de Dieu, exprimée par les auteurs sacrés.

j) Le cardinal Billot, procède, quoique thomiste avéré, d’une autre manière. Après avoir justifié la méthode du cardinal Franzelin, et prouvé l’inspiration totale des deux Testaments, De rnsp/ra^'one sacræ Scripluræ, Rome, 1903, part. I, c. i, § 2, p. 24-33, il étudie la nature de l’inspiration, § 3, p. 34-38, en excluant la dictée des mots, et en ne conservant qu’une sorte de dictée plus élevée, qui est spécialement propre à Dieu, per inleriorem molionem seu instinctiim ad concipiendum menlaliter sententias et proposilioncs quas Deus ad nos per hagiographos dirigere volait, casque sic conccptas scripto consignandum. Comme dans l’édition de tout livre, il faut distinguer la composition du contexte, des pensées, autrement dit la

conception mentale et la formation du livre d’une part, et la rédaction extérieure de l’autre. Or, les écrivains sacrés n’ont pas été de simples transcripteurs d’un livre qu’on leur dictait, ils eurent donc une part à la composition du livre et à sa formation, non pas la part principale, mais une part comme instruments intelligents, c. ii, p. 39-50. La connaissance des choses qui doivent entrer dans le livre est une condition préliminaire de l’inspiration et elle ne fait pas partie de sa raison formelle. L’écrivain sacré l’acquiert de deux manières : par révélation proprement dite, selon les modes assignés par saint Thomas à propos de la prophétie, quand les choses sont très éloignées de la connaissance de l’hagiographe, ou bien par les moyens naturels sous l’assistance divine, comme seraient la recherche des documents, la consultation des sources historiques et l’emploi de tous les moyens propres à acquérir la science. Cette connaissance n’est qu’une condition antécédente à l’inspiration. C-lle-cl ne commence qu’à la dictée, laquelle est tout à fait distincte de la révélation. L’inspiration est donnée pour la composition mentale et pour la rcdaction extérieure du livre, mais elle consiste formellement dans la motion divine que reçoit l’intelligence de l’hagiographe et qui est conférée d’abord pour former en elle le contexte des idées que Dieu veut faire écrire dans le livre, puis pour écrire matériellement tout ce qui a été composé mentalement soUi l’instinct ou le soufile divin. L’n livre ainsi écrit est vraiment un écrit de Dieu, quoiqu’il garde le caractère propre de l’écrivain inspiré dans les modalités des concepts, le style et l’art littéraire. Ce n’est donc pas de son propre mouvement, mais par une motion divine, que l’hagiographe conçoit dans son esprit les pinsces qu’il doit former et détermine les mots qui doivent les énoncer. Les pensées ainsi conçues, formées et déterminées ne sont pas les pensées de l’hagiographe, mais celles de Dieu qui meut son intelligence à les former et à les déterminer, et elles ont la certitude et l’infaillibilité qui sont propres à Dieu. La motion divine s’étend à la rédaction extérieure du livre, en mouvant infailhblement la volonté de l’hagiographe à ordonner l’acte corporel de transcrire les idées divines. Par là, la transcription des idées dans le livre matériel est encore de Dieu. Mais l’hagiographe étant un instrument intelligent donne à la formation et à la détermination des idées dans son intelligence, sous la motion divine, son caractère personnel pour les modalités des concepts, le style et la rédaction. L’instrument a sa propre opération, qui est seulement élevée par la motion de l’agent principal. Son opération sort, en elîet, de sa puissance et elle en garde le mode. La motion divine ne change pas l’acte de cette puissance. Par conséquent, l’intelligence de l’hagiographe, en concevant infailliblement les pensées divines, les conçoit et les exprime à sa manière propre.

Quant à la motion divine, l’hagiographe la reçoit dans son intelligence. Elle peut néanmoins mouvoir la volonté, au mojns quand il s’agit de l’acte d’écrire, qui a besoin d’être commandé par la volonté. Mais ce n’est pas la motion commune et très générale, par laquelle Dieu pousse à l’action tous les agents créés. C’est une motion qui détermine la volonté à vouloir un acte déterminé plutôt qu’un autre que la puissance pourrait produire. Mais elle est reçue dans l’intelligence, car la volonté n’est déterminée que moyennant la pensée d’agir de telle façon, c’est-à-dire d’écrire.

Le cardinal Billot part donc, comme Franzelin, de la notion de Dieu, auteur des Livres saints par l’intermédiaire d’écrivains inspirés, et il explique l’action divine par une motion, non pas de la volonté immédiatement, mais de l’intelligence. En ce dernier point

il se rapproche de saint Thomas plus que les thomistes qui font porter la motion divine sur la volonté de l’hagiographe, et il recourt aussi constamment à la doctrine du docteur angélique sur la cause principale et la cause instrumentale de l’Écriture.

A- ; Le P. Bainvel est plus sobre de développements et plus précis. Il emprunte l’énoncé de sa thèse à l’encyclique Providentissimus Deus ; et de la description, donnée par Léon XIII, il conclut que l’inspiration comporte trois actes : une motion de la volonté qui porte les écrivains sacres à écrire et qui les fait écrire ; une illumination de leur intelligence pour leur montrer ce que Dieu veut leur faire écrire ; une assistance (en vertu de la motion), tandis qu’ils écrivent. La motion divine s’exerce sur l’intelligence des écrivains sacrés, avant d’agir sur leur volonté ; en d’autres ternies, l’illumination de l’intelligence précède la motion de la volonté qui suppose nécessairement quelque lumière de l’intelligence. Elle comporte deux actes : la compréhension des choses connues (ou une révélation des choses inconnues de l’écrivain, si Dieu veut en faire écrire), et le jugement pratique sur les choses qui doivent être écrites. Y a-t-il simple assistance ou influence positive de Dieu dans l’exécution du livre ? Il est difficile de trancher la question, qui reste librement débattue, De Scriptura sacra, Paris, 1910, p. 126-133.

l) Le P. Méchineau oscille entre les explications du cardinal Franzelin et celles du cardinal Billot. L’idée du livre inspiré. Histoire et analyse, Bruxelles, 1907 ; p. 105-124.

m) he P. Durand a donné, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, art. Inspiration de la BiUe, Paris, 1913, t. ii col. 900-906, la notion orthodoxe de l’inspiration, dans laquelle il considère l’inspiration en Dieu qui la produit, dans l’homme qui en est l’objet et dans le texte sacré qui en est le terme. L’inspiration atteint la volonté, l’intelligence et les facultés executives de l’écrivain sacré. Dieu donne à la volonté une impulsion à écrire, qu’on appelle motion. Elle atteint la volonté directement ou par l’intermédiaire de l’intelligence et elle peut être morale ou physique. Dieu atteint aussi l’intelligence de l’hagiographe, mais ce n’est pas essentiellement par révélation. D’ailleurs, les connaissances de l’hagiographe qu’elles soient révélées ou acquises naturellement, ne sont que des préliminaires à l’inspiration, qui n’a pas pour objet d’apprendre du nouveau, mais de faire écrire avec une autorité divine ce que l’écrivain sait déjà. Dieu se subordonne toutes les facultés de l’homme inspiré pour leur faire accomplir leurs diverses opérations, qui se produisent normalement dans la composition d’un livre. Par l’influence de l’inspiration sur son intelligence, l’hagiographe porte un jugement certain, qui participe à l’autorité divine elle-même, sur les choses qu’il doit écrire. Ce jugement est à la fois pratique et spéculatif, l’écrivain ayant apprécié la vérité objective de ces choses. Cette action divine sur l’intelligence de l’hagiographe est une lumière, une illumination, une motion, par laquelle il conçoit exactement l’œuvre que le Saint-Esprit entend produire par son moyen. L’action inspiratrice s’étend aux facultés executives, à la mémoire, à l’imagination, et même aux organes extérieurs, soit par action directe, soit par simple assistance. Le livre ainsi composé est destiné par Dieu, son auteur principal, à l’Église, qui doit le reconnaître comme la parole divine et en faire sa règle de foi.

n) Cette notion nouvelle de l’inspiration, sauf de légères nuances d’expression, a pénétré même dans les manuels de théologie et d’Écriture sainte. Elle est notamment exposée dans le Manuel biblique, 14e édit., par MM. Brassacet Ducher, Paris, 1907, t.i, p. 41-47, et

par M, Szydelski, professeur à l’université de Léopol, dans ses Prolegomena in theoiogiam sacram, Léopol, Varsovie, 1921, t. ii, p. 295-301. Elle a conquis droit de cité dans la théologie catholique.

3. Exposé d’ensemble.

L’inspiration de l’Écriture est donc, en substance, une motion spéciale du Saint-Esprit, qui détermine la volonté de l’écrivain à écrire et influe sur son intelligence et sur ses facultés naturelles pour lui faire comprendre et mettre exactement par écrit ce que Dieu veut qu’il écrive et rien que cela. Pour faire une analyse complète de cette grâce surnaturelle, nous la considérerons successivement en Dieu qui l’accorde, dans l’écrivain sacré qui la reçoit, et dans les Livres saints qui sont le terme et le résultat permanent de la collaboration de l’Esprit inspirateur et des auteurs inspirés. Nous faisons ici abstraction des divergences, constatées précédemment, chez les principaux théologiens contemporains. La spéculation a souvent une part trop grande dans l’exposition d’une opération divine, mystérieuse, sur laquelle la révélation nous fournit peu de données positives. Faut-il imposer au Saint-Esprit un mode uniforme d’inspiration auquel il aurait dû s’astreindre, comme s’il ne pouvait pas adapter son action inspiratrice aux conditions individuelles, dans lesquelles se trouvaient les écrivains inspirés, ses instruments intelligents et libres ?

a) Considérée en Dieu qui l’accorde, l’inspiration est une action de Dieu ad extra, commune par conséquent aux trois personnes divines mais que, par appropriation, voir ce mot, on attribue au Saint-Esprit, en raison de l’analogie qu’elle a avec le caractère personnel du Saint-Esprit, laspiration, voir t. v, col. 762 sq., et aussi parce cju’elle appartient à l’ordre de la grâce, spécialement rapporté à la troisième personne de la sainte Trinité. Cette action se produit sur un agent intelligent et libre, cause instrumentale du livre inspiré. Elle rentre dans le genre du concours divin ou de la coopération de Dieu aux actes de ses créatures, voir t. III, col. 7031 sq., mais c’est un concours spécial, distinct de celui que Dieu accorde à toute cause seconde pour agir, une collaboration qui n’est pas exigée par l’activité humaine, et qui, par conséquent, est libre et gratuite. Elle n’a pas, en effet, de rapport nécessaire avec la sanctification de celui qui la reçoit ; elle rentre dans l’ordre des grâces, dites gratis datai, voir t. VI, col. 1558, qui sont données principalement pour l’utilité des autres. Mais cette grâce gratuite est une grâce extraordinaire, efficace par elle-même, qui ne rend pas seulement l’écrivain sacré, apte à écrire, mais qui le détermine infailliblement à le faire librement. Son efficacité, quoique principale n’est ni nécessitante ni unique, puisqu’elle agit sur une autre cause, secondaire et instrumentale il est vrai, mais pourtant nécessaire, l’agent inspiré, lequel concourt par toutes ses facultes naturelles, aidées et surélevées, à la rédaction du livre, de telle sorte que ce livre, tout en étant totalement et intégralement l’œuvre de Dieu, est aussi totalement et intégralement l’œuvre de l’écrivain inspiré, (^ette action de Dieu sur l’écrivain inspiré n’est que transitoire et ns dure que le temps nécessaire à la rédaction du livre ; elle cesse dès que l’ouvrage, pour la composition duquel elle était accordée, est terminé.

b) Considérée dans l’écrivain sacré, l’inspiration est l’effet produit sur les facultés naturelles de l’inspiré par l’Esprit inspirateur. Son analyse psychologique est délicate et dilTicile. Nous avons exposé les essais successifs qu’on en a tentés Au point où la dissection est parvenue aujourd’hui, cet influx surnaturel doit être considéré en tant qu’il atteint la volonté, l’intelligence et les puissances executives de l’écrivain sacré, quels que soient, d’ailleurs, les

moments précis où il atteigiu' ces diverses facultés. a. Motion de la volonté. — L’inspiration est, tout d’abord, et avant tout, une impulsion imprimée par Dieu à la volonté de l’homme qu’il choisit pour collaborateur, afin de le déterminer à écrire tel livre. Cette impulsion a été nécessaire pour que Dieu ait eu l’initiative du livre et en soit la cause principale. Elle a donc dû être prévenante et antécédente pour mettre en branle la volonté et les autres facultés de l’écrivain. Sans prendre parti pour aucune école théologique, on peut dire, dans un sens large, qu’elle a été une prémotion qui, sans supprimer la liberté humaine ni en suspendre les elTets, a poussé l’écrivain à écrire, l’a porté efficacement et infailliblement à agir spontanément et délibérément. Elle lui laissait son action propre, la même que celle d’un homme qui prend de sa propre initiative et qui exécute la résolution d’écrire. Par elle. Dieu atteignait-il immédiatement la volonté de l’écrivain, ou bien la décidait-il par des motifs d’ordre intellectuel ? Les théologiens ne s’entendent pas là-dessus. Dans le premier cas, elle aurait été une prémotion physique, et dans le second cas, une prémotion morale. Ces deux modes d’action ont pu être employés par Dieu, dont l’activité est toujours capable d’arriver à ses fins. En fait, la prémotion était physique, au moins quand l’ordre d’écrire était l’objet d’un commandement exprès, voir pour l’Ancien Testament, col. 2071, et pour le Nouveau, Apoc, i, 11, 19 ; ii, 1, 8, 12, 18 ; III, 1, 7, 14 ; xiv, 13 ; xix, 2 ; xxi, 5. Quoique, dans la théorie aujourd’hui dominante la révélation ne soit pas de l’essence de l’inspiration, les faits sont plus forts que les théories, il reste que, dans certains cas, Dieu a donné à des prophètes, par exemple, à Jérémie et à saint Jean, l’ordre formel d’écrire et d’écrire des parties des Livres saints qui nous étaient destinés. Dans d’autres cas, la motion ne se produisait pas par un ordre formel ; mais Dieu avait à sa disposition des touches intérieures qui, pour être plus ou moins conscientes, n’avaient pas moins d’efficacité sur la volonté des écrivains sacrés, eussent-elles été d’ordre purement moral. Ainsi en aurait-il été des écrivains sacrés, qui n’ont pas reçu de Dieu l’ordre formel d’écrire, à moins que toute motion intérieure ne soit considérée comme une prémotion physique, ainsi que le pensait saint Thomas. VoirGR.CE, t. vi, col. 1643-1644. Enfin, Dieu a pu susciter ou même simplement utiliser à ses fins des influences extérieures, qui étaient capables de déterminer un écrivain sacré à écrire. Ainsi, en aurait-il été, en particulier, de l’auteur du 11^ livre des Macchabées, et de saint Luc, aussi bien que des deux évangélistes, Marc et Jean, qui, d’après d’anciennes traditions, auraient été soUicités par les chrétiens d’écrire leurs Évangiles, et de saint Paul, qui répondait aux questions posées par les Corinthiens, ou correspondait avec les Églises par zèle pour leurs besoins spirituels. Quel qu’ait été le mode d’influence divine sur la volonté de l’écrivain, on présume que celui-ci en avait généralement une conscience plus ou moins claire. S’il n’est pas absolument nécessaire, en effet, que l’auteur inspiré ait été conscient de l’action de Dieu sur sa détermination à écrire, puisque cette action peut se produire, sans que celui qui la reçoit s’en rende compte et qu’elle soit, quoique cachée, très réelle et très efficace, il ne faut pas concéder facilement que les choses se soient passées de cette manière ; ainsi l’a déclaré Léon XIII dans l’encyclique Providenlissimus Deiis. L’impulsion donnée par Dieu à la volonté des écrivains, ne se réduit pas à un ordre d’écrire ni à une excitation initiale, elle se poursuit jusqu’à l’achèvement dû livre. Ainsi, après avoir été antécédente, elle devient concomitante.

b. Influence sur l’intelligence. — Après avoir décidé un homme à écrire. Dieu ne l’abandonne pas à luimême ; il agit sur son intelligence pour lui faire écrire ce qu’il veut et rien que ce qu’il vtut. Beaucoup de théologiens ont identifié longtemps rinfiuenci' divine sur l’intelligence des hagiographes avec une révélation proprement dite, ou au moins avec une révélation au sens large du mot. On ne peut jamais, en la matière, faire abstraction de cette conception traditionnelle et plusieurs fois séculaire. Aujourd’hui, on est d’accord pour dire que la révélation n’est pas l’élément nécessaire de l’inspii-alion. Elle a été donnée, de fait, aux prophètes proprement dits, mais antécédemment à leur inspiration. Celle-ci suppose d’ordinaire les écrivains sacrés en possession des vérités qu’ils doivent insérer dans leurs livres, quelle que soit la manière dont ils les aient acquises au préalable, qu’elles leur aient été communiquées par révélation divine, ou qu’ils les aient acquises par des voies naturelles. Dieu n’inspire pas ordinairement un homme pour lui apprendre du nouveau ; il intervient seulement pour lui faire écrire avec autorité divine ce qu’il sait déjà. Il se subordonne alors toutes les facultés de connaissance de son instrument intelligent et il leur fait accomplir toutes les opérations de la composition normale d’un livre : conception du plan, ordonnance des matériaux, rédaction. Son action ne dispense pas l’écrivain inspiré des efforts nécessaires pour aboutir, pas plus qu’elle n’assure la perfection de l’œuvre. L’instrument a bien pu être choisi apte à atteindre le but, voulu par Dieu, mais à l’heure de l’exécution il reste ce qu’il était auparavant, avec ses qualités et ses dispositions personnelles, qui se manifestent dans son œuvre et qui laissent en elle des traces de son imperfection native.

Cependant Dieu aide et perfectionne les facultés naturelles de l’hagiographe ; il éclaire et il illumine son intelligence, La lumière divine ainsi communiquée réveille dans l’esprit de l’hagiographe des souvenirs plus ou moins assoupis, les met dans un jour plus complet et plus vif, fait ressortir les concepts préexistants que Dieu veut faiiv siens, attire sur eux l’attention de l’écrivain et fixe son choix. Ce n’est pas une suggestion de la pensée, mais une simple mise en relief qui amène l’auteur à prendre parmi ses connaissances acquises, ou parmi ses souvenirs, et les idées qui affluent dans son esprit suivant le jeu naturel des associations, tout ce qui doit entrer comme pensée divine dans la trame de son ouvrage. Sous l’influence de la lumière surnaturelle, l’hagiographe s’ingénie et travaille ; il recueille, s’il y a lieu, des documents, résume des ouvrages, comme fit l’auteur du II* livre des Macchabées, consulte des sources. Son intelligence, éclairée et fortifiée par ce secours illuminateur, perçoit mieux la vérité en elle-même, saisit plus clairement ses attaches avec d’autres et son opportunité à être produite avec les vérités coimexes dans l’écrit biblique. L’écrivain porte sur elle un jugement certain, qui, ainsi élaboré, participe à l’autorité divine, que ce jugement reste dans l’ordre pratique seulement, ou qu’il aille jusqu’à l’ordre spéculatif et à la vérité ellemême. Ainsi tout ce qu’il écrit vient de lui et porte la marque de son esprit, mais en même temps il vient de Dieu, qui l’a fait écrire et qui a mû l’écrivain à concevoir exactement les choses qu’il devait dire et à les exprimer d’une manière convenable.

c. Influence sur les puissances executives pour la rédaction du livre.- — Dieu ne s’est pas borné à éclairer ainsi l’intelligence des hagiographes, en leur laissant une liberté entière pour le choix des expressions aptes à rendre les pensées divines. Son influence s’est exercée aussi sur les facultés d’exécution des hagiographes, sur leur mémoire, sur leur imagination, autant que ces facultés ont pu et dû concourir à faire surgir les pensées et à les revêtir d’une expression adéquate, et même sur les organes qui contribuent directement à la composition du livre. Cette influence a-t-elle été positive ou seulement négative ? Positive, elle aurait aidé les écrivains sacrés à exprimer sous une forme exacte, saisissante et vivante, les concepts élaborés dans leur intelligence. Négative, elle les aurait seulement assistés, quand ils écrivaient, de telle sorte qu’ils ont dû, comme a dit Léon XIII, « et exposer fidèlement et exprimer avec une infaillible justesse ce que Dieu voulait leur faire dire et seulement ce qu’il voulait. » Encyclique Providentissimus Deus.

c) Considérée dans les livres inspirés, l’inspiration fait que ces livres, composés ainsi par la collaboration de Dieu et de l’homme, sont tout à la fois l’œuvre de Dieu et celle de l’hagiographe et qu’ils contiennent dans une langue humaine la parole écrite de Dieu. L’Écriture, fruit et résultat de l’inspiration, telle au moins qu’elle est sortie des mains des auteurs inspirés et abstraction faite des altérations qu’elle a subies dans sa transmission au cours des siècles est, pour les hommes qui reconnaissent son origine divine, attestée par l’Église, une règle infaillible de foi, exempte de toute erreur. Voir plus loin. La collaboration des écrivains sacrés a pu lui laisser quelques imperfections de forme et d’expression ; elle n’a pas nui à son autorité divine. Quoique énoncée en langage humain par la plume d’un homme, toute assertion de l’Écriture est une assertion de Dieu lui-même, parce qu’elle énonce la pensée de l’Esprit Saint, qui inspirait les hagiographes. Elle fait partie de la manifestation de ses pensées, que Dieu a voulu communiquer aux hommes par le moyen de l’Écriture inspirée, comme la suite de notre étude le montrera.

IV. Étendue.

Saint Paul a bien dit que « toute Écriture est inspirée par Dieu », II Tim., iii, 16, et que « tout ce qui est écrit (dans l’Ancien Testament) est écrit pour notre instruction. » Rom., xv, 4. On s’est demandé néanmoins si tous les passages des Livres saints ont été écrits sous l’inspiration divine, ont Dieu pour auteur et sont garantis par son autorité infaillible, ou si quelques-uns n’ont pas échappé à l’action inspiratrice, sont de l’écrivain sacré seul et ne jouissent pas de l’autorité divine. On s’est demandé aussi, nous l’avons déjà dit, si les mots, dont se sont servis les hagiographes, ont subi l’influence divine, et dans quelle mesure ils sont la parole de Dieu. En somme deux questions : l’inspiration des Livres saints s’étend-elle : lo à tout leur contenu ou à une partie seulement ; 2o aux mots eux-mêmes de la Bible.

I. INSPIRATION DU CONTENU.

Pendant des siècles, les écrivains ecclésiastiques ont enseigné l’inspiration totale des choses contenues dans la Bible ; mais, dans ces derniers temps, surtout depuis la reprise des études bibliques, quelques critiques et même des exégètes catholiques ont mis en doute ou nié l’inspiration totale de l’Écriture.

1o Inspiration totale.

1. Chez les Pères.

L’auteur de la Cohortatio ad Griecos, 35, P G., t. vi, col. 304, dit que, dans l’Écriture, tout est d’accord, tant les choses que les hommes inspirés ont exprimées fidèlement dépassaient la connaissance humaine et leur étaient enseignées par Dieu. L’anonyme, qui a écrit contre Artémon, reprochait à ceux qui altéraient les Écritures de se croire plus sages que le Saint-Esprit, qui a dicté les Écritures. Eusèbe, H. E., t. V, 28, P. G., t. XX, col. 515. Saint Irénée déclarait que les Écritures étaient parfaites, parce qu’elles ont été dites par le Verbe de Dieu et par son Esprit. Quoiqu’elles soient diverses, elles sont d’accord et forment une mélodie que nous devons chercher à comprendre. Cont. hier., II, 28, n. 2, 3, P. G., t. vii, col. 804, 805. Origènc ne trouvait rien d’oiseux ni de superflu dans les paroles inspirées parle Saint-Esprit. In Num., homil. xxvii, 1, P. G., t. XII, col. 782. Cf. In Jer., homil. xxxix, t. XIII, col. 544. Le Saint-Esprit a pris soin de faire écrire des détails minimes, au moins en raison du sens spirituel, In Œn., homil. iv, n. 2, t. xii, col. 185 ; ainsi le nombre des Hébreux, In Num., homil. i, n. 1, col. 585 ; les noms des sages-femmes égyptiennes In Exod., homil. ii, n. 1, col. 306 ; le temps et l’heure d’une vision prophétique, In Canl., t. II, t. xiii, col. 121-122 ; qu’il faut laisser les miettes aux chiens In Matth., tom. xi, n. 17, t. xiii, col. 964. Eusèbe de Césarée dit que les saints n’ont pas écrit toutes leurs paroles, mais seulement celles qu’ils ont dites sous la motion du Saint-Esprit. In ps. lxxxr, P. G., t. xxiii, col. 1033. Marius Victorinus afllrme expressément : Quidquid enim scriplum est, a divino Spiritu dictiim credendiim est. De phijsicis, 27, P. L., t. viii, col. 1310. La parole des prophètes n’est pas oiseuse, dit saint Hilaire de Poitiers. Si enim in viris pnidentibiis exspectari id maxime solet, ut ea, quw loquuntur, gravitate eorum doctrinaqne digni sint, … qnanto magis id de cœlestibus eluquiis opinandum est, ut, quidquid in his est, excelsum, divinum, rationabile et perfcctum esse exislimetur. Inps. cxxxr, n. 1, P.L., t. ix, col. 768. Saint Grégoire de Nazianze n’admet pas que quelque chose ait été exposé témérairement ou pour le seul plaisir des oreilles dans les monuments des saintes Lettres ; aussi rccherche-t-il ce que l’Esprit a veillé d’y mettre xal [xexpî f^ç xux’J’JtJT) !  ; xepxîaç xy.l YpafijjLTiç, et il ne concède pas que les actions, même les plus minimes, qui y sont racontées y aient été écrites et élaborées témérairement. Orat. ii, n. 104, 105, P. G., t. xxxv, col. 504-505. On ne peut néanmoins conclure que saint Grégoire de Nazianze admettait l’inspiration verbale du fait qu’il cherchait toû TrvsûixaToç ttjv àxpîêeiocv et qu’il voulait trouver des admonitions ou des règles morales dans les moindres circonstances des récits. Epist. ci, t. xxxvii, col. 188-189. C’était l’idée qu’il cherchait sous la lettre. En interprétant Gen., II, 20, saint Jean Chrysostome n’omettait pas la particule, et ce n’était pas par curiosité inutile. C’était pour expliquer soigneusement le passage à son peuple, de peur de passer un mot ou même une syllabe de l’Écriture. Ce ne sont pas simplement des paroles, ce sont les paroles du Saint-Esprit, et c’est pourquoi on peut trouver un trésor même dans une syllabe. Et il excitait l’attention de ses auditeurs, dont chacun devait entendre Dieu lui parler par la langue des propliètes. In Gen., homil. xv, 1, P. G., t. LUI, col. 119. Dans l’Écriture, il n’y a rien d’écrit qui n’ait beaucoup de richesses de sens. Les paroles des prophètes inspirés, écrites par le Saint-Esprit, contiennent en elles un grand trésor. Il n’y a dans l’Écriture ni une syllabe ni un accent, au fond duquel ne se trouve quelque trésor. Il faut donc aborder les paroles divines, sous la conduite de la grâce divine et l’illumination du Saint-Esprit. Ibid., homil. xx, n. 1, col. 175. Il y a des badauds qui, ayant pris en mains les saints Livres et n’y trouvant que des chitïres d’années ou des noms de personnes, passent outre et répondent à ceux qui leur en font reproche : Ce ne sont que des noms, cela n’a pas d’utilité. Dieu parle, et tu oses dire : Les paroles n’ont pas d’utilité. In illud : Vidi Dominum, homil. ii, n. 2, t. lvi, col. 110. Expliquant les paroles : Use d’un peu de viii, I Tim., v, 23, il en parle, non pour étaler sa faconde, car ces paroles ne sont pas les siennes, mais la grâce du Saint-Esprit les a inspirées pour que le prédicateur excite l’attention de ses auditeurs les plus paresseux et qu’il leur expose quel trésor il y a dans les Écritures et les avertisse qu’il n’est pas sûr ni sans péril de les passer ; même les pensées qui paraissent petites. Elles sont, elles

aussi, de la grâce de l’Esprit, grâce qui n’est jamais petite ni vile, mais qui est giande et merveilleuse et digne de celui qui l’a donne. Ad populum Anliochemim honiil. I, n. 1, t. lxvii, col. 17, sq. Jean Chrysostome lit deux homélies sur les salutations qui terminent rÉpître aux Romains, pour montrer que, dans les Écritures, il n’y a rien d’inutile, fût-ce un iota, fût-ce un accent. Une simple salutation nous ouvre une grande mer de pensées. Souvent, l’addition d’une lettre comme dans le nom d’Abraham, change le sens. Quelqu’un qui reçoit une lettre d’un ami, ne se contente pas d’en lire le corps, il va jusqu’à la salutation mise à la fin, et ici, c’est Paul qui écrit, ou plutôt c’est la grâce du Saint-Esprit, qui dicte la lettre à toute une ville et à un si grand peuple et par les Romains à l’univers entier. Penser que quelque chose de son contenu est inutile et vain, qu’on peut le passer tout uniment, n’est-ce pas tout renverser ?

Pour saint Jérôme, la majesté de l’Esprit Saint brille jusque dans ce qui paraît petit et vil dans l’Écriture. In Ezcch., t. I, P. L., t. xxiii, col. 25, 28. Il ne peut admettre que quelque chose de la parole de Dieu ne soit pas inspirée. Epist. xxvii, ad Marcellam, c. i, t. XXII, col. 431. Nous avons déjà montré, col. 2092, que le saint docteur regardait comme inspiré tout ce que saint Paul avait écrit, même lorsqu’il exprimait ses sentiments personnels, même quand il rapportait les dicta aliorum. Il a spécialement défendu l’inspiration de l’Épître à Philémon contre ceux qui ne voulaient pas la ranger au nombre des Épîtres canoniques, parce qu’il ne paraissait pas qu’elle eût été écrite par Paul, Christo in se loquente, ou parce qu’elle ne contenait rien qui put servir à notre édification. Plusieurs anciens, ajoutaient-ils, l’avaient rejetée, car elle n’avait été écrite par l’apôtre que comme une simple recommandation, et non pas pour notre instruction. Mais plusieurs écrivains catholiques, remarque saint Jérôme ont défendu l’autorité de cette lettre, qui a été reçue dans toutes les Églises du monde et ont répondu que, si les objections contraires prouvaient quelque chose, elles prouveraient qu’il faudrait rejeter la canonicité de la 11= Épître à Timothée, et la lettre aux Galates, puisque saint Paul y dit des choses qui semblent tenir de la faiblesse humaine, comme le manteau laissé à Troas cliez Carpus, II Tim., iv, 13, et le souhait : « Plût à Dieu que ceux qui vous troublent soient privés de leurs virilité ! « Gal., v, 12. D’autres passages des Épîtres aux Romains et aux Corinthiens, disaient ces apologistes, sont écrits d’un style familier, qui ne dépasse pas la conversation ordinaire. Il en faudrait conclure que toutes ces Épîtres ne sont pas de saint Paul ; mais, si on les reçoit, on a la même raison de recevoir la lettre à Philémon : / ;  ; Epist. ad Philemonem, præf., t. xxvi, col. 529 sq.

Selon saint Augustin, tout ce qu’on lit dans l’Ancien Testament, est élevé et divin et la vérité y est complète. De iitilitate credendi, c. vi, n. 13, P. L., t. xui, col. 74. L’inspiration s’étend même aux passages qui traitent des choses de la nature, car le Saint-Esprit assistait Moïse quand il écrivait sciemment que les oiseaux ont été produits des eaux. De Genesi ad litleram, t. III, c. vii, n. 9, t. xxxiv, col. 282. Bien que l’Esprit, qui parlait, par les écrivains sacrés, n’ait pas voulu enseigner aux hommes ces choses, qui n’étaient pas utiles au salut, ces écrivains cependant on su que ce qu’ils disaient de la figure du ciel était vrai. En effet, ce que l’autorité divine dit est vrai plutôt que ce que l’infirmité humaine conjecture. Aussi faul-il juger d’après les Écritures les opinions des hommes sur la figure du ciel. Ibid., t. II, c. ix, n. 20, 21, col. 270, 271. Il avait dit précédemment, t. I, c. xxi, n. 41, col. 262 : « Montrons qu’il n’y a rien de conlraire à nos Lettres sacrées dans ce que les naturalistes auront pu démon trer par de véritables raisons touchant la nature des choses, et quant à ce qu’ils auront tiré de contraire à ces mêmes Lettres, c’est-à-dire à la foi catholique, de n’importe lesquels de leurs volumes, montrons si nous en avons quelque facihte que cela est très faux, ou du moins croyons-le tel sans aucune hésitation. » Ce n’est pas en vain que les actes des personnes privées ont été écrits sous l’inspiration du Saint-Esprit, In Epist. ad Gal., n. 40, t. xxxv, col. 2133. L’histoire, racontée dans l’Écriture est donc divine. In Joa.. tr. lxi, n. 4, col. 1800. Quand saint Paul parlait en son nom, il avait l’Esprit Saint, par lequel il pouvait donner un conseil utile et sage. C’est pourquoi il faut comprendre que ce que Notre-Seigneur, n’a pas dit lui-même, mais que son serviteur Paul a dit sous son inspiration, a été persuadé par Jésus lui-même. L’apôtre donne donc un conseil selon Dieu dans le Saint-Esprit. De conjugiis adullerinis, c. xviii, n. 21, t. xl, col. 463. L’Esprit de Dieu, cjui possédait Paul, le remplissait et agissait sur lui, n’a pas cessé d’exhorter les fidèles par cet apôtre. De opère nionachonim, c. xvii, n. 19, col. 564.

Pour saint Léon le Grand l’histoire sainte des Évangiles a une autorité indubitable, parce qu’elle a été inspirée par le Saint-Esprit. Serm. iii, c. i, P. L., t. Liv, col. 314. Aussi, ab evangelica aposlolicaque doclrina nemo qiiidem verbo liceat dissidere aut aliter de Scripliirisdivinis sapere qiiam beati apostoli et patres nostri didicerunt atque ducuenint. Epist., lxxxii, n. 1, col. 918.

Cosmas Indicopleustes explique d’après l’Écriture la figure du monde. En dehors d’elle, on n’a dit làdessus que des absurdités, et des choses qui répugnent à la nature. Les hypothèses des Grecs sont donc très mensongères et doivent être rejetées. Topographia christiana, t. I, P. G., t. lxxxviii, col. 65. On ne peut rien apprendre de l’arrogance humaine à ce sujet ; il faut une révélation divine, qui a été donnée aux hommes inspirés, les prophètes, les apôtres, et qui se trouve dans toute l’Écriture. Ibid., t. III, col. 177. Comme tous les écrivains sacrés sont d’accord sur la figure du monde, quel cliréticn serait assez mauvais, assez fou et ami de l’erreur pour adhérer aux assertions courantes, nier la foi fondée sur le témoignage des saints et ne pas croire à Dieu lui-même ? L. III, col. 164. Qu’ils sont misérables ceux qui tiennent pour vraie la forme sphcrique du ciel, ne croyant pas à la divine Écriture, ou plutôt la rejetant et tenant la vérité comme fables de vieilles femmes. Ibid., col. 181.

Le diacre alexandrin Olympiodore enseignait que Salomon, ayant reçu de Dieu une connaissance certaine des choses, les a partagées en trois groupes, à savoir les choses morales, naturelles et intellectuelles. Il a exposé les premières dans les Proverbes, les secondes dans l’Ecclésiaste et les troisièmes dans le Cantique. Cette division est faite a poiiori parle du contenu de chacun de ces livres, et des choses de trois groupes sont réparties dans les trois livres. In Ecclesiuslem, prol., P. G., t. xciii, col. 478, 480.

Cassiodore enseigne expressément que l’Écriture tout entière est tout à fait vraie. C’est bien interpréter l’Écriture que de croire vrai ce qui est dit dans chacun de ses passages. In ps. CJV, 18, P. L., t. lxx, col. 746. Telle est la vertu des Écritures que præterita sine falsitate describiint, præsentia plus quamqiiod videntur, ostendiint… Ubiqiic in eis verilus régnai, ubique divina virtus irradiai. De institutione divinariim litterarum, c. XVI, col. 1131. Elles ne contiennent rien de vain ni d’oiseux, c. xxiv, col. 1139.

Au sentiment de saint Grégoire le Grand, l’histoire des Rois tout entière a été écrite sous l’inspiration du Saint-Esprit, In l. III Regiim, c. iv, n. 5, P. L., t. lxxix, col. 184. Elle n’a donc pas moins de mystères que les autres Écritures inspirées, elle ne leur est

pas inférieure en autorité. In l. I Reg., præm., n. 4, col. 20. Tout ce qui se lit dans l’Écriture est de Dieu. Aussi saint Grégoire blâme-t-il les lecteurs qui méprisent les moindres ordres de l’Écriture, il faut manger tout ce qu’il s’y trouve, car l’Écriture est noire nourriture et notre boisson. //] Ezech., t. I, homil. x, n.5l, 2, t. lxxvi, col. 886. Il a composé un livre De concordia qaorundam teslimoniorum sacræ Scripturæ. Or, avant de résoudre la iv^ question, qui roule sur l’apparente contradiction entre saint Paul, Rom., ix, 11, et David, Ps. LXi, 11, il dit : FropheLam et aposloiiim eodem Spiritu locutos fuisse credamus. Contrarias enim sibi ipsi esse non poterat idem Spiritus, qui ulrumque implebat. P. L., t. lxxix, col. 661. A la question xxxiv « il met saint Paul d’accord avec lui-même, en montrant que, par le même Esprit, il a prévu des choses différentes, col. 678.

Saint Isidore de Séville est plus prudent que Cosmas Indicopleustes au sujet des questions scientifiques. Il dit seulement qu’il faut plutôt adhérer à l’opinion qui se rapproche le plus de la sainte écriture, quoiqu’on puisse librement choisir ou laisser sans solution les diverses affirmations, auxquelles les Livres saints ne contredisent pas et avec lesquelles, ils peuvent également s’accorder. De ordine creaturarum, c. v, n. 11, P. L., t. lxxxiii, col. 925. Saint Julien, évêque de Tolède a écrit deux Uvres intitulés 'AvTtxsttisvwv pour concifier les livres de la Rible qui semblent se contredire. P. L., t. xcvi, col. 599-704.

Le vénérable Bède ne tenait pas seulement l’Écriture comme la règle de la foi, elle réglait aussi des questions scientifiques. Quoique beaucoup affirment qu’il ne peut pas y avoir d’eau au-dessus du ciel sidéral, il ne doute pas, lui, qu’il n’y en ait, quelles qu’elles soient d’ailleurs et comment elles y soient. Major est quippe, dit-il, Scriptune hujus auctoritus quam omnis humani ingenii capacitas. In I lib. IIoysis, ci, P. /, ., t. xci, col. 194.

Raban Maur, après saint Jérôme, réfute ceux qui rejettent l’Épîtrede saint Paul à Philémon à cause de la simplicité de son contenu, et il prouve que ce contenu n’est pas indigne du Saint-Esprit. Enarrat. in Epist. Pauli, t. XXVI, P. L., t. cxii, col. 695-696. Il conclut de II Tim., iii, 16, que même les choses de peu d’importance, qui sont contenues dans le livre des Juges, sont inspirées, hi lib. Jud., I. I, c. xii, t. cviii, col. 1134. Quand on lit et qu’on médite les Écritures, il faut avoir soin de ne rien ajouter à ce qui est écrit, mais aussi de ue rien enlever de ce que les écrivains sacrés y ont mis, il faut tenir avec la plus haute vénération ce qui s’y trouve. In Ecclesiusticum, t. IV, c. vii, t. cix, col. 881. Raban Maur résout les questions scientifiques d’après" l’Écriture, et il admet aussi l’existence d’eaux audessus du firmament. In Gen., t. I, c. iii, t. cvii, col. 449. En citant des paroles de poètes, saint Paul les cite comme véritables, et ainsi il leur confère une autorité divine. In Kum., t. III, c. ii, t. cvni, col. 804. 2. Chez les théologiens.

Les théologiens n’ont pas eu un sentiment différent de celui des Pères. Pierre Alphonse, juif converti au christianisme, dit, au nwe siècle, que l’Écriture n’a pas placé un mot témérairement. Dialogi, tit. xii, P. L., t. clvii, col. 653, 654.

Rupert de Deutz déclare qu’on ne peut douter que tout ce qui est dans les Écritures canoniques n’ait une autorité divine. De yloriftcatione Trinitatis, t. IX, c. III, P. L., t. CLXix, col. 182. Toute Écriture est donc vraie et véridique. De Trinitate ; in Exod., I. IV, c. x, t. CLXvii, col. 697. Il faut que chacun de deux passages qui paraissent se contredire soit vrai. Ibid., De Genesi, t. I, c. xxviii, col. 223. Rupert cherche donc comment s’accordent les évangélistes, que personne, a moins d’être ennemi de son âme, n’oserait dire con traires l’un à l’autre. InJoa., t. II, t. CLxix, col. 261. Philippe de Harveng aurait jugé le Cantique indigne du Saint-Esprit, s’il n’avait cru que ce livre avait été inspiré par le Saint-Esprit. Mais dès lors que nous croyons qu’il a été écrit sous la dictée du Saint-Esprit, nous croyons aussi que toutes les pensées qui s’y trouvent, et chacune d’elles, sont inspirées. Moralitates in Cantica, procem., P. L., t. cciii, col. 491. On trouve dans l’Écriture des choses si divergentes qu’elles paraissent se contredire, mais comme il n’est pas permis d’affirmer qu’il y ait en elle quelque contradiction, il ne reste, au prudent lecteur, pour qu’une chose ne soit pas convaincue de mensonges, qu’à rechercher, avec le secours de la grâce, comment l’Écriture est en tout véridique et d’accord avec ellemême, Epist., i, col. 1. Le lecteur doit savoir que tout ce qui est affirmé dans l’Écriture est vrai, quoique cela ne soit pas également saisi par tous. Epist., ii, col. 18. Cette science est la science des choses De scientia clericorum, col. 693, 708.

Baudoin, archevêque de Cantorbéry, prouve la vérité de la foi, qui est fondée sur la vérité de l’Écriture. Qui, doutera que la sainte Écriture soit vraie, s’il est établi que la parole qui y est contenue est la parole de Dieu, ou que ceux qui l’ont écrite ont parlé dans l’Esprit de Dieu ? C’est pourquoi il démontre que les saints prophètes n’ont pas dit une parole humaine, mais la parole de Dieu, quand ils ont écrit sous la révélation de l’Esprit Saint. De commendatione fidei, P. L., t. cciv, col. 619-628.

Saint Ttiomas d’Aquin enseigne que, quoique les prophètes paraissent parler parfois ex seipsis, hoc tamen tenendum est quod quidquid in sacra Scriptura continetur verum est ; alius, qui contra hoc sentiret, esset hæreticus. Quadlibet XII, q. xvi, a. 26. Les prophéties peuvent porter sur les conclusions des sciences. Prophetis non eredimus nisi quatenus spiritu prophetix inspirantur, sed illis quie sunt scripta in libris prophetarum, oporlet nos fidem adhibere, etiam si pertineant ad conrhisiones scientiarum, utpote quod dicitur psalmo cxxxiv, G : Qui flnmwit lerram super aquas, vel qua sunt alla. De veritate. q. xii, a. 2. Voir toutefois les précautions qu’il faut prendre quand il s’agit d’expliquer les passages de l’Écriture qui traitent de choses scienfifiques. De potentia, q. iv, a. 1, n. 8. Sur ces matières, du reste, l’hagiographe n’a énoncé que ce qui apparaît sensiblement. » Sum. theol., I*, q. lxx, a. 1, ad 2o|". Un détail, dit en passant dans l’Écriture, appartient à la foi au moins indirectement, car si on le niait, il en résulterait quelque chose de contraire à la foi, sicut si quis diceret Samuelem non fuisse filium Ilelciæ, ex hoc enim sequitur Scripturum divinam esse falsam. Sum. theol., I*, q. xxxii, a. 4. Voulant prouver que le paradis terrestre était un lieu corporel, et non pas un lieu spirituel, saint Thomas, après saint Augustin, De civitate Dei, t. XIII, c. xxi, P. L., t. xLi, col. 394, déclare que les sens spirituels relatifs à ce séjour peuvent être admis à la condition que la vérité très fidèle des faits du récit historique soit conservée. Or, ce que l’Écriture dit du paradis est proposé per modum narrationis historicæ, et dans tous les récits semblables de l’Écriture, la veritas historiæ, doit être retenue comme le fondement des sens spirituels. Le paradis terrestre est donc un lien corporel. Ibid., I », q. cii, a. 1. Pour le saint docteur, tous les récits historiques de la Bible sont donc historiquement vrais, parce qu’ils sont racontés dans l’Écriture inspirée.

Pour Alphonse Tostat, tous les livres canoniques sont d’une autorité si solide qu’on ne peut nier ou mettre en doute rien de ce qui y est écrit. Sous ce rapport, on ne peut faire aucune différence entre eux. De même cju’il n’est pas permis de nier ou de mettre en doute quelque chose qui est contenu

dans les Évangiles de Jean ou de Matthieu, ainsi il n’est pas permis de nier ou de mettre en doute quelque chose qui est dans les livres de Josué et des Juges. Et de même qu’en niant quelque chose qui est dans le livre de Mattliieu ou de Jean on est hérétique, ainsi en niant quelque chose qui est dans le livre des Juges ou de Josué, ou en doutant, on est hérétique. In librum Parctiipomenon, præf., q. ii. Parce que l’Église est certaine que les auteurs de ces livres ont été inspirés par le Saint-Esprit, on ne peut, au point de vue de la certitude, établir aucune différence dans le contenu des Livres saints, de sorte que les choses dites en passant, qui n’ont aucun rapport direct avec le salut, sont certaines, vraies, et doivent être crues de foi. Ibid., q. vi. Puisque nous devons nécessairement croire aux jugements et aux décrets de l’Église, dit Pic de la Mirandole, sequens est ut Veteri et Novo Testamento singulisqiie sententiis adhareamus, quæ omnia Ecelesia ipsa universa recipit probavitque et credenda nobis observandaque mandavit. De fuie et ordine credendi théorise, cité par Tollner, D/e gôltliche Umgebung der heiligen Schrift, Leipzig, 1772, p. 40.

Au nombre des hérésies qui se sont produites au sujet des Livres saints, Bellarmin range celle qui a prétendu que, dans les Épîtres de saint Paul et dans les autres livres sacrés, tout n’a pas été écrit sous la dictée du Saint-Esprit, mais que quelques choses par endroits venaient de la seule prudence et raison humaine. Ses fauteurs méprisaient l’Épître à Philémon tout entière parce qu’elle avait été écrite à la façon humaine. Érasme a renouvelé cette hérésie, en soutenant que l’autorité de l’Écriture ne serait pas détruite parce que les évangélistes auraient erré en citant de mémoire des passages de l’Ancien Testament. Et Bellarmin réfute cette hérésie. De verbo Dei, t. I, c. VI.

Ménochius refuse d’écouter les anoméens qui, selon saint Épiphanc, H « t., lxxvi, attribuaient des erreurs de mémoire aux écrivains sacrés. Il refuse aussi d’écouter ceux qui, tout en reconnaissant que les écrivains sacrés ont toujours dit la vérité, ont prétendu que quelques passages de leurs écrits n’avaient pas été inspirés par le Saint-Esprit, tels que, par exemple, ceux qui traitent du manteau laissé par Paul à Troas, II Tim., IV, 13, du chien de Tobie qui remuait sa queue, Tob., xi, 9. S’il y a dans l’Écriture la moindre chose qui n’ait pas été écrite par le Saint-Esprit, on pourra douter aussi d’autres choses, et ainsi toute l’autorité des Écritures vacillera, et par conséquent notre foi, comme l’a dit saint Augustin, De doctrina christiana, t. I, c. lxviii. Les choses qui paraissent les plus petites ont toutefois leur utilité, si elles sont jointes aux plus grandes, et par suite on ne doit pas les tenir pour indignes de la majesté divine. Comment, totius Scripturee, Proleg., c. iv.

Le P. de Mendoza tenait pour certain qu’aucune parole, aucun fait de l’histoire sainte n’était superflu ou oiseux. L’Écriture, en effet, est, pour ceux qui la méditent profondément un trésor, dont il faut recueillir même les plus petites pièces. Dans la supputation des années il n’y a pas de superfluité : dans les catalogues de noms et dans les étymologies, dans les généalogies, il y a une grande utilité et aucune répétition oiseuse. In I V Regum libros annotationes, annot. ii, sect. IV.

Le P. de Celada se demande s’il faut penser que le Saint-Esprit a inspiré les moindres choses dans les saintes Lettres, et il répond avec saint (Jirysostonie qu’on ne doit pas blâmer celui qui recherche le sens même d’une virgule. In Estlier, proleg., Ii, § 7, n. 8. Suarcz a réfuté l’assertion de ceux qui prétendaient que les écrivains sacrés intercalaient parfois dans i’Écrilure ce qui venait de leur esprit propre et disaient

parfois des choses qui ne paraissent pas dignes du Saint-Esprit. Cette assertion ferait que l’Écriture ne serait pas la règle infaillible de la foi, car si elle est quelque part purement humaine, elle deviendrait tout entière incertaine. Les écrivains sacrés, en effet, n’ont rien écrit de leur esprit propre, mais en tout ce qu’ils ont écrit, et en chacune des choses qu’ils ont rapportées, ils ont agi sous la direction du Saint-Esprit. Cela ressort de la notion même de l’Écriture inspirée. Autrement d’ailleurs, l’Écriture deviendrait incertaine et pourrait contenir un mensonge. De fide, disp.V, sect. iii, n. 2, 14 ; édit. Vives, t. xii, p. 142, 147.

Ainsi donc, jusqu’au xviie siècle, les écrivains ecclésiastiques, les théologiens et les exégètes ont enseigné l’inspiration totale de l’Écriture. Nous avons cité ceux qui l’ont affirmé d’une façon positive. Ils en font un objet de foi. Un plus grand nombre encore, nous le verrons à propos de l’inerrance biblique, l’ont affirmé d’une manière négative, en repousssant énergiquement de la Bible la moindre erreur. Le même enseignement persista après que se furent manifestés les premiers sentiments divergents.

2o Inspiration restreinte.

1. Auxxvii<^ et XVIIIe siècles. — a) Henri Holden fut le premier à restreindre l’inspiration proprement dite aux vérités purement révélées et à celles qui leur étaient connexes. Il définissait l’Écriture un écrit qui contient la doctrine révélée, ou qui du moins ne renferme rien qui lui soit opposé ou contraire, et en outre qui n’a rien de dissonant avec une vérité quelconque appartenant à la doctrine religieuse ou immédiatement révélée par le Saint-Esprit, ou pour la description de laquelle un secours divin spécial a été accordé. Pour qu’un écrit réponde à cette définition, il suffit donc qu’il contienne ou bien la même doctrine révélée que l’Église universelle croit, et enseigne, ou bien qu’une autre vérité de nature quelconque ne s’y rencontre, qui détruise cette doctrine ou lui soit opposée, ou même qui soit étrangère à quelque vérité divine ou humaine reconnue universellement par les hommes. En effet, un secours spécial de Dieu n’a été donné aux écrivains des livres que l’Église reçoit comme parole de Dieu que pour les choses qui sont purement doctrinales ou qui ont un rapport prochain ou nécessaire avec les doctrinales. Pour tout ce qui ne répondait pas au but de l’auteur ou qui se rapportait à d’autres choses. Dieu n’a accordé à cet auteur d’autre secours que celui qui est commun aux autres écrivains très pieux. Un livre canonique contient donc la doctrine révélée et rien qui soit en désaccord avec la vérité. On ne doit donc pas hésiter à croire, comme article de foi catholique, tout ce qui est Écriture sainte ou parole révélée de Dieu. Mais on n’a pas la même certitude relativement aux auteurs de tous les Livres saints et par conséquent ils n’ont pas tous la même autorité, comme le reconnaissent le plus grand nombre des exégètes. Il est de foi chrétienne que leurs livres contiennent la doctrine révélée. Il faut tenir comme très certain qu’en décrivant et en transmettant cette doctrine leurs auteurs n’y ont rien introduit de faux. Quoiqu’il ne soit pas permis d’accuser de faux le contenu quel il soit des écrits sacrés, cependant ce qui n’a pas de rapport à la religion ne constitue nullement un article de foi catholique. On ne doit pas pourtant improuver les vérités philosophiques par les seules paroles ou pensées de l’Écriture. Bien que l’Écriture ne renferme aucune erreur, sa manière de parler est toutefois le plus souvent vulgaire et adaptée à la portée commune des hommes plutôt qu’à la propriété du langage et à la rigueur du discours. Divinæ fidei analijsis, t. I, c. v, sect. i, Paris, 1052, p. 80 (cette partie de l’ouvrage de Holden n’est pas reproduite dans le Cursus theologiæ complctus de Migne, t. vi). Cf. card. Manning, La mission temporelle du Saint-Esprit, -2185

INSPIRATION DE L’ECRITURE

2186

trad. Gondon, Pafis, 1867, p. 185-187. Le sentiment de Holden fut condamné par la Sorbonne. D’après le P. Perrone, De locis theologicis, part. II, sect. i, eu, Nicolal, dans saDissertalio proœmialis, I, Florence, 1756, t. I a, p. 19-20, aurait disculpé Holden de la doctrine qu’on lui reprochait au sujet de l’étendue de l’inspiration scripturaire.

Charles du Plessis d’Argentré réfuta l’opinion de Holden qui était " un paradoxe dans les écoles chrétiennes. » Dieu étant l’auteur principal de toute l’Écriture, tout ce que celle-ci contient est proprement la parole de Dieu. Au sentiment de Holden, une grande partie de l’Écriture ne serait pas la parole de Dieu, mais seulement la parole des hommes pieux, qui l’auraient écrite sans le secours spécial de Dieu. En outre, tous les faits historiques, qui n’ont pas de rapport nécessaire avec les dogmes de la foi, ne seraient pas de foi divine. Que d’embarras et que de doutes en naîtraient ! Bien plus, un grand nombre d’actions du Christ ne seraient pas objets de foi divine. Dans VAiialysis fldei de Holden, Paris, 1782, p. 464 sq. (extrait des Variée disputaliones theolo(/icæ de Duplessis d’Argentré, Paris, 1782.)

Ellies du Pin, s’étant posé la question de savoir si généralement tout ce qui est raconté dans l’Écriture, les faits eux-mêmes et les choses qui ne touchent pas à la religion, bien plus les points de philosophie, ont été inspirés par Dieu, après avoir cité les arguments de l’opinion négative (celle de Holden), enseigne comme plus sûr et comme plus conforme à la tradition que l’Écriture tout entière a été écrite sous la direction spéciale du Saint-Esprit. Il en conclut que, dans aucun des Livres saints, on ne peut trouver ni erreur ni contradiction. Il réfute enfin les arguments opposés. Prolégomènes sur la Bible, t. I, c. ii, § 6-8.

Le P. Chérubin de Saint-Joseph tient l’opinion de Holden pour peu sûre, si toutefois il la comprend bien. Qu’il y ait des livres canoniques non inspirés, ou qu’ils ne le soient pas parce que leurs auteurs n’auraient pas reçu le secours spécial de Dieu, cela lui paraît également suspect. Des livres purement historiques, comme ceux de Judith, de Tobie, des Rois et des Paralipomènes et d’autres encore, écrits sans le secours spécial de Dieu, ne seraient pas canoniques, ce qui serait contraire au décret du concile de Trente. Une autre conséquence absurde découlerait de l’opinion de Holden, c’est que, dans les livres canoniques eux-mêmes, il y aurait des parties certaines, exemptes de toute erreur et infaillibles et d’autres quin’auraient pas la même certitude et ne jouiraient pas d’une si grande autorité. Sutnnia criticæ sacræ, 1721, t. iv, disput. II, a. 2-4.

La doctrine de l’inspiration totale de l’Écriture a continué à être enseignée par les théologiens et les exégètes catholiques. Nous citerons seulement Serrarius (Serrier), Prolegomena biblica, c. iv, q. xx.

b) Au xvine siècle, le récollet Philippe Nérée Chrismann émit une opinion qui se rapproche de celle de Holden. Il définit d’abord l’Écriture : la collection des livres, dans lesquels la doctrine du salut, ayant rapport à la religion, nous a été donnée par Dieu par l’intermédiaire des prophètes, des apôtres et des évangélistes. Régula ftdei catholicæ Augsbourg, s. d. (1792), § 48. Il part de cette définition pour exposer ce qu’il faut croire de foi divine au sujet de l’inspiration. Après un résumé, plus ou moins exact, des diverses opinions émises au cours des siècles par les hérétiques et les catholiques, § 49, 50, il établit six canons, qui qui énoncent son sentiment personnel, § 51. 1. Les Livres saints contiennent la doctrine révélée par Dieu, et c’est principalement en ce sens que l’Écriture est proprement la parole de Dieu, la vérité divine et catholique. 2. Il faut donc croire de foi divine cela seule ment qui, dans ces livies, est rapporté comme doctrine révélée. 3. Il faut croire encore de foi divine des choses qui avaient été révélées, avant d’être écrites quoique les écrivains les donnent comme ayant été perçues par leurs sens ou rapportées par d’autres dignes de foi (ainsi dans les Évangiles, beaucoup d’actions et de paroles du Christ). 4. Les livres historiques eux-mêmes sont remplis de l’Esprit de Dieu, puisqu’ils racontent des miracles, contiennent des préceptes moraux et présentent les faits sans lesquels la vérité des oracles divins ne saurait être constante. 5. Mais les faits, qui n’ont pas été révélés ni avant d’être écrits ni dans l’acte de leur rédaction (par exemple, que Pilate était procurateur de la Judée à l’époque de la passion) ne doivent pas être crus de fol divine. Les écrivains sacrés n’ont pas toujours eu la révélation, mais seulement l’inspiration qui consistait dans la présence du -Saint-Esprit ou son assistance pour les empêcher de tomber dans l’erreur. 6. C’est pourquoi ce n’est pas un dogme, ce n’est ni certain ni nécessaire que chacune des vérités et des sentences de l’Écriture ait été immédiatement suggérée ou inspirée par le Saint-Esprit. La seule inspiration, en vertu de laquelle le Saint-Esprit a dirigé les écrivains sacrss tandis qu’ils écrivaient pour les empêcher d’errer, suffit. Cursus theologise completus de Migne, t. vi, col. 907-908.

L’erreur de Chrismann me paraît bien avoir trait à l’extension de l’inspiration, au moins quant à l’un de ses effets qui consiste à faire rentrer tout le contenu de l’Écriture dans le trésor de la révélation chrétienne et par conséquent en faire l’objet de la foi divine, plutôt qu’à la nature de l’inspiration, comme le pense le P. Chr. Pesch, De inspiratione sacrée Scripturse, p. 321323. Aussi cette erreur n’est pas plus énoncée dans les canons 5 et 6 que dans tout l’ensemble de l’exposé. Je la remarque dès la définition de l’inspiration, où la doctrine de l’Écriture est déjà restreinte à ce qui a rapport à la religion. Elle est plus clairement exprimée dans le canon 2 par les mots, que j’ai soulignés plus haut et qui restreignent explicitement l’inspiration à la doctrine révélée. Les canons 3 et 4 font bien rentrer dans la doctrine révélée les vérités qui avaient été révélées avant d’être écrites, et même les faits historiques, qui ont un rapport avec la révélation. Mais les faits qui n’ont pas été révélés, les sexcenla alla, joints aux exemples cités, quoique inspirés et exempts d’erreur, en vertu de l’assistance du Saint-Esprit, ne sont pas révélés et ne doivent pas être crus de foi divine. Ainsi comprise, l’opinion de Chrismann se rapproche, pour le fond, sinon dans les termes, de celle de Holden, qui restreignait l’inspiration aux choses doctrinales et à celles qui ont un rapport immédiat ou nécessaire avec ces choses. Pour les choses étrangères à la doctrine, Holden ne réclamait que l’assistance donnée par Dieu aux écrivains pieux. Chrismann demande davantage, mais il se contente de l’assistance purement négative du Saint-Esprit, qui préserve les écrivains sacrés de tomber dans l’erreur. Or cette assistance, qui est la simple inspiration, diffère de la révélation immédiate. Cette distinction sert uniquement à Chrismann d’argument pour exclure les passages bibliques simplement inspirés, du contenu de la révélation et de la foi divine. Les auteurs, dont il se recommande, exigeaient une assistance positive, une direction spéciale, dont il ne parle pas, et ils n’excluaient pas de la révélation et de la foi divine l’Écriture ainsi rédigée sous la direction du Saint-Esprit. Le livre de Chrismann, réédité en 1841, en 1844, en 1846 et en 1854, fut seulement mis à l’Index, le 20 janvier 1869 voir t. iii, col. 2415, au moment où se préparait le concile du Vatican. Aussi il me semble que l’opinion de Chrismann a été réprouvé par ce

concile, en même temps que celle de Haneberg, voir col. 215-1, comme restreignant l’autorité de foi divine au contenu de la Bible, qui appartenait à la religion et qui avait été immédiatement révélé par Dieu ou qui avait avec la révélation un rapport immédiat ou nécessaire. Seuls donc les objets, qui avaient été révélés immédiate et propter se devaient être crus de foi divine, et non pas ceux qui avaient été révélés propter aliud ou per accidens. Cf. Kleutgen, Théologie der Vorzeit, t. i, n. 29-41, p. 50-72 ; Dausch, Die Schrifinspiration.

2. Au XIXe siècle. — a) Les partisans de l’inspiration restreinte. — Après le concile du "Vatican, par suite des progi-ès réalisés dans le domaine des sciences naturelles et des études historiques, plusieurs apologistes et savants, en vue d’écarter tout conflit entre les sciences, l’histoire et la Bible, en sont venus à distinguer dans les Livres saints une partie divine et inspirée, qui contient les leçons dogmatiques et morales, l’autre humaine, qui renferme des énoncés sans rapport direct avec la religion et par conséquent non nécessairement exemptes d’erreur. Cette distinction a été proposée de différentes manières.

A. Rohling, Die Inspiration der Bibel und ihre Bedeutung für die jrei Forschung, dans Natur und Offenbarung, Munster, 1872, n. 92 sq., soutint que l’inspiration ne s’étendait pas aux choses de la nature, traitées dans l’écriture, mais seulement aux enseignements sur la foi et la morale. Dès lors s’établit un gros débat au sujet des questions scientifiques, touchées indirectement dans l’Écriture, comment, et dans quelle mesure, elles sont affimiées par les écrivains sacrés et par suite garanties par l’infaillibilité, effet de l’inspiration. Rebbert répondit, dans la même revue, 1872, p. 337 sq., et h’ranzelin, le fit plus longuement dans un appendice de la 2e édition de son traité De divinis Scriptiiris, 1879. Cf. Dausch, Die Schri/tinspiration, p. 177.

François Lenormant, Les origines de l’histoire d’après la Bible et les traditions des peuples orientau.x, 2^édit., Paris, 1880, 1. 1, préface, p. viii, pensait que les décisions doctrinales de l’Église touchant les livres inspirés « n’étendent l’inspiration qu’à ce qui regarde la religion, touche à la foi et aux mœurs, c’est-à-dire seulement aux enseignements surnaturels contenus dans les Écritures. Pour les autres choses, le caractère humain des écrivains de la Bible se retrouve tout entier… Au point de vue des sciences physiques, ils n’ont pas eu de lumières exceptionnelles ; ils ont suivi les opinions communes et même les préjugés de leur temps… L’Esprit Saint ne s’est pas préoccupé de révéler des vérités scientifiques, non plus qu’une histoire universelle. » Tout dans la Bible est inspiré, tout n’est pas révélé. L’inspiration n’exclut aucunement l’emploi de documents humains, d’antiques traditions populaires ; le secours surnaturel accordé aux écrivains sacrés se voit dans l’esprit absolument nouveau, le sens monothéiste qui anime leur narration. Ibid., p. XIX. I^enormant appliquait son opinion aux premiers chapitres de la Genèse, qui reproduisaient le fond des traditions mythiques de la Chaldée, mais expurgé des erreurs polythéistes qui les déparaient. Il pensait aussi que l’orthodoxie la plus scrupuleuse n’avait aucune raison de ne pas admettre dans la Bible des inexactitudes, des erreurs, qui s’y rencontraient de fait, mais en très petit nombre. L’ouvrage de Lenormant fut mis à l’Index, le 19 décembre 1887. Le cardinal Newman, On the inspiration of Scripiure, dans 'J’Iie ninetecnth centuri/, février 1881, article traduit en français par l’abbé Beurlior et publié dans Le Correspondant, 24 mai 1884, p. 682-( ; 91, tenait comme un point de foi catholifiue que l’Écriture est divinement inspirée en tout ce qui se rapporte à la foi

et aux mœurs, comme certain que l’inspiration s’étend aux faits hisloriquos, parce que toute l’histoire biblique est intimement liée à la révélation. Toutefois, il est impossible que les livres canoniques soient inspirés sous tout rapport, à moins de prétendre que nous sommes oliligés de croire de foi divine que la terre est immobile, que le ciel est au-dessus de nos têtes et qu’il n’y a point d’antipodes. I ! semble indigne de la majesté divine que Dieu, en se révélant à nous, prenne sur lui des fonctions toutes profanes et se fasse narrateur, historien, géographe, quand les matières historiques et géographiques n’ont pas un rapport direct avec la vérité révélée. Il peut donc se rencontrer, dans le récit des faits, des choses dites en passant, telles que la mention du manteau que saint Paul a laissé à Troas chezCarpus, IITim., iv, 13, et l’assertion que Nabuchodonosor était roi de Ninive, Judith, i, 5, qui ne soient ni inspirés ni infaillibles.

Les vues du cardinal Newman furent discutées par le P. J. Corluy, Y a-t-ilduns la Bible des propositions non inspir(k’s ? dans la Science catholique, mai 1893, p. 481-507, et elles furent défendues par le P. MacNabt, O. P., Wherc believcrs maij doubt, etc., Londres, 1903. Salvatore di Bartolo, / criteri teologici ; trad. franc., Les critères théologiques, Paris, 1886, p. 243-258, distinguait trois degrés dans l’inspiration des Livres saints : celle-ci serait à un degré supérieur dans les passages qui' traitent de la foi et des mœurs et dans les récits de faits en connexion essentielle avec le dogme et la morale ; dans tous les accessoires des faits et dans les matières d’ordre extra-religieux, elle existerait à un degré inférieur qui ne garantirait pas l’infailhbilité des assertions qui s’y trouvent. Il pouvait donc y avoir des erreurs dans les parties de la Bible qui ne se rapportent pas au dogme ou à la morale. L’ouvrage du chanoine di Bartolo a été mis à l’Index, le 14 mai 1891. Dans une note ajoutée, p. 337-341, le traducteur français a exposé la doctrine complète du cardinal Ntwman sur l’inspiration afin de corriger celle de S. di Bartolo.

Jules Didiot, Logique surnaturelle subjective, Lille, 1891, p 103, n’osait pas affirmer que Dieu, qui, au double point de vue dogmatique et moral a mis les écrivains sacrés dans l’heureuse impossibilité d’errer ou de nous faire errer, ait poussé plus loin le soin de leur inerrance et de la nôtre, en les préservant de toute inexactitude en fait d’histoire civile ou naturelle. Une double considération, appuyée sur des faits, l’arrêtait : 1o la déclaration officielle de l’Église qui affirme la Bible exempte de toute erreur touchant la foi et les mœurs, mais qui n’étend pas au delà ce privilège surnaturel ; 20 le droit que l’Église se reconnaît d’interpréter infailliblement l’Écriture dans les choses de foi et de morale seulement, droit qui suppose que la Bible n’a pas une infaillibilité plus étendue.

Dans un article sur La question biblique, publié dans Le Co/respo/îrfrtn/, 25 janvier 1893, Mgr d’Hulst, après avoir exposé l’opinion commune sur la nature de l’inspiration biblique se demandait si Dieu, auteur principal et responsable de la Bible était responsable de tout. Sur ce point, il distinguait, dans l’armée des défenseurs de la Bible, une aile droite et une aile gauche. A l’aile droite, il plaçait les théologiens qui veulent que Dieu soit responsable de tout le contenu des Écritures, sans distinction. « A l’aile gauche se rangent ceux qui ne craignent pas d’admettre des énoncés inexacts dans la Bible. Dieu alors n’en serait pas responsable, et il serait cependant l’inspirateur de tout l’ouvrage. Comment cela ? C’est qu’autre chose est révéler, autre chose est inspirer. La révélation est un enseignement divin qui no peut porter que sur la vérité. L’inspiration est une action motrice qui détermine l’écrivain sacré à écrire, le guide, le pousse.

I

le surveille. Cette motion, selon l’hypothèse que j’expose, garantira l’écrit de toute erreur dans les matières de foi et de morale ; mais on admettrait que la préservation n’irait pas au delà ; elle aurait alors les mêmes limites que l’infaillibilité de l’Église. La promesse d' inerrance n’a été faite à l’Église que pour nous proposer avec certitude l’objet de la croyance et la règle des mœurs. Sans doute, la Bible n’est pas seulement infaillible comme l’Église, elles est inspirée. Mais si l’inspiration s’étend à tout, peut-être ne confère-t-elle pas l’infaillibilité à tous les dires de l’auceur inspiré, peut-être réserve-t-elle ce privilège aux dires qui intéressent la foi et les mœurs ; peut-être les autres énoncés que l’inspiration ne garantirait pas, sont-ils là seulement pour servir de véhicules à un enseignement concernant la foi et les mœurs ; peutêtre le Dieu inspirateur, qui aurait pu redresser même en pareil cas, les erreurs matérielles de l’écrivain sacré, a-t-il jugé inutile de le faire. » Mgr d’Hulst exposait les raisons apportées en faveur de cette opinion, dont il ne voulait être que le rapporteur. La question biblique, tiré à part, Paris, 1893, p. 22-43.

On a justement reproché à Mgr d’Hulst d’avoir fait de quelques tirailleurs avancés, qui luttaient séparément contre les rationahstes, et se servaient d’aï mes différentes, l’aile gauche de l’armée catholique et d’avoir créé un système flottant d’inspiration restreinte, qu’aucun d’eux n’aurait admis dans son ensemble. Cf. A. Loisy, Choses passées, Paris, 1913, p. 126-129. On a même transformé cette « aile gauche » en une « école large », qui n’a jamais existé comme école. Il n’y a eu là, répétons-le, qu’une tendance de quelques écrivains catholiques

La publication de Mgr d’Hulst donna lieu à des polémiques. Le P. Brucker étudia La question biblique, dans les Études religieuses, mars 1893, p. 361-387 ; Encore quelques mots sur la question biblique, ibid., avril 1893, p. 653-C67. IlreçutdeMgrd’Hulstune lettre, qui fut publiée, ibid., mai 1893, p. 104-167. De son côté, M. Jaugey adressa à Mgr d’Hulst quelques réflexions sur La question biblique, dans la Science catholique, février 1893, p 234-245. LeP. Savi ayantpris parti pour l’opinion large, son article parut, jôirf., mars 1893, p. 283301, mais M. Jaugey y ajouta une réplique, p. 301-309.

b) Condamnation de l’hypothèse de Vinspiration restreinte. — Comme Mgr d’Hulst avait examiné si « toute assertion des écrivains sacrés s’olïre à nous sous la garantie de l’inspiration, avec le caractère d’un enseignement divin », pour résoudre le cas des erreurs défait dans la Bible ce fut de ce biais que Léon XIII, dans l’encyclique Provideniissimus Deus du 18 novembre 1893, exposa la doctrine catholique sur l’étendue de l’inspiration et réprouva nettement toute restriction de l’inspiration scripturaire. En traçant les règles de la défense des Livres saints contre les attaques des rationalistes, le souverain pontife a réfuté à peu près tous les arguments qui étaient invoqués pour limiter l’inspiration et l’autorité infaillible de l’Écriture. Parlant d’abord des objections tirées des sciences naturelles contre la vérité des Livres saints, il rappelle qu’un désaccord ne pourrait exister entre savants et théologiens, si les uns et les autres se renfermaient dans les limites propres de leurs disciplines, et s’ils n’avançaient pas comme certain ce qui ne l’est pas ; il ajoute qu’en cas de conflit une sage interprétation des phénomènes naturels décrits dans la Bible d’une manière métaphorique, selon le langage ordinaire qui est le plus souvent conforme aux apparences, suffit à justifier le texte sacré contre les attaques dont il est l’objet. Quant aux passages historiques où on croit apercevoir une apparence d’erreur, il faut, pour les élucider, recourir soit à la critique textuelle, soit aux règles de l’herméneutique, « mais il ne sera jamais

permis de restreindre l’inspiration à certaines parties de la sainte Écriture ou d’accorder que l’écrivain sacré a pu se tromper. On ne peut pas davantage tolérer l’opinion de ceux qui se tirent de ces difficultés en n’hésitant pas à supposer que l’inspiration divine s’étend uniquement à ce qui touche à la foi et aux mœurs parce que, prétendent-ils faussement, la vérité du sens doit être cherchée bien moins dans ce que Dieu a dit que dans le motif pour lequel il l’a dit. » Puis Léon XIII déclare que selon la foi de l’Église, tous les Livres saints ont été inspirés par Dieu dans toutes leurs parties. « Or il est tellement impossible à l’erreur de se glisser sous l’inspiration divine, que celle-ci, par elle-même, non seulement exclut toute erreur, mais l’exclut et la repousse aussi nécessairement qu’il est nécessaire à Dieu, vérité suprême, de n’être l’auteur d’absolument aucune erreur. Enfin, il n’importe absolument en rien que le Saint-Esprit ait employé des hommes comme ses instruments pour écrire, et l’on n’en saurait conclure que si l’auteur principal n’a pu commettre aucune erreur, les écrivains inspirés l’ont bien pu. » Qu’ils ne l’aient pu, cela résulte de la notion même de l’inspiration telle que le pape l’a exposée. Voir col. 2160. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 1947, 1950-1952 ; Cavallera, Thésaurus, n. 86, 88-90.

3. Après ^^l’encyclique Provideniissimus Deus. — a) Chez les catholiques. — L’enseigement de Léon XIII sur l’étendue de l’inspiration à toute la Bible était trop formel pour que les catholiques n’y adhérassent pas. Au mois de décembre 1893, les professeurs de l’Institut catholique de Paris le firent expressément. Voir Brandi, La question biblique, trad. franc., p. 230. A cette adhésion qu’il avait signée, Mgr d’Hulst, que l’encyclique avait visé, joignit une lettre personnelle au Saint-Père, datée du 22 décembre 1893. Il y disait que, parmi les hypothèses qu’il avait présentées comme rapporteur dans son article du Correspondant, il en était une « que je considérais comme une opinion fibre jusqu’à ce que le Saint-Siège se fût prononcé, qui Umite aux matières de foi et de morale la garantie d’inerrance absolue résultant du fait de l’inspiration. Je reconnais volontiers que la dernière partie de l’encycfique ne me permet plus de penser ainsi. » Brandi, op. cit., p. 229 ; Mgr Baudrillart, Vie de Mgr d’Hulst, Paris, 1914, t. ii, p. 174.

M. Didiot qui, en 1891, avait hésité au sujet de la

complète inerrance de la Bible, a résolument, après la publication de l’encycfique, reconnu que l’inspiration et l’inerrance des Livres saints s’étendent à tous les énoncés de ces livres. Mais il émit alors, en s’appuyant sur l’encyclique elle-même, une opinion nouvelle, d’après laquelle il n’y a de révélés, parmi les énoncés bibliques, que ceux que Dieu a voulu enseigner. Or, il en est que Dieu n’a pas voulu enseigner notamment ceux d’ordre scientifique et aussi les récits qui traitent de l’histoire profane. Ces énoncés n’entrent pas dans la révélation, n’appartiennent pas au dépôt de la foi confié à l’Égfise, ne sont pas objet de foi divine et ne pourraient devenir objet de foi cathoUque. Nous devons cependant leur accorder un assentiment surnaturel, inférieur à la foi. Traité de la sainte Écriture, 1894, p. 231-248 ; L’objet de la loi, dans la Revue de Lille, janvier 1895, p. 226 sq. Cette opinion a été discutée et rejetée par d’autres interprètes de l’encyclique Provideniissimus Deus en particulier, par le P. Brucker, Questions actuelles d’Écriture sainte, Paris, 1895, p. 81-90, et par M. Vacant, Études théologiques sur les constitutions du concile du Vatican, 1895, 1. 1, p. 507-516.

Pour tous les théologiens cathofiques, l’étendue de l’inspiration à tout le contenu de la Bible résulte de la notion même de l’inspiration. Puisque l’inspiration

est une motion divine qui pousse les écrivains sacrés à écrire tout ce que Dieu veut leur faire écrire, et rien que cela, il en ressort qu’elle s’étend à toute la Bible, non seulement aux textes concernant la foi et les mœurs, mais à tout ce que les liagiograplies ont compris, voulu écrire et réellement écrit. Dans la composition des Livres saints, la causalité divine se manifeste sous une forme humaine. Il y a donc, dans la Bible, un élément divin et un élément humain, mais ces deux éléments se compénètrent et forment une œuvre divino-humaine, dans laquelle on ne saurait faire deux parts, la part de Dieu et la part des écrivains. Le livre inspiré est tout entier à la fois l’œuvre de Dieu et l’œuvre de l’homme, Dieu étant l’auteur principal, l’homme l’instrument dont Dieu s’est servi. Dire que Dieu est l’auteur du fond ou seulement des passages dogmatiques et moraux, et l’homme l’auteur de la forme, ou des passages historiques, ou simplement des obiter dicta, c’est, comme le disait déjà M. Dausch, Die SchrijUnspiration, p. 240-241, un an avant l’encyclique, pratiquer « la vivisection » des Livres saints. Dieu est l’auteur responsable de tout, et il ne peut laisser échapper une erreur ; les écrivains sacrés sont responsables de tout, mais, sous l’action inspiratrice, tout en écrivant humano modo, ils n’ont pu errer. Cf. J. Bainvel, De Scriplura sacra, p. 121122, 140-142.

b) Chez les modernisles. — M. Loisy, approuvait, avant l’encyclique, les conclusions précitées de M. Dausch, étendait l’inspiration à toute la Bible et excluait même des erreurs de fait, sauf à interpréter les passages, où les rationalistes découvraient des erreurs, à peu près comme le voulait Lenormant, c’est-à-dire, non pas comme rigoureusement historiques, mais seulement comme véhicules de l’idée fondamentale que ces passages exprimaient, Chronique, dans L’enseignement biblique, janvier-février 1892, p. 7-11. Études bibliques, Paris, 1901, p. 27-31. La question biblique était donc, pour lui, une question d’exégèse plutôt qu’une question de théologie. Or, Mgr d’Hulst l’a jîlacée sur le terrain théologique, et c’est le dogme de l’inspiration qui a été débattu dans les journaux et les revues et qui a été résolu par le pape dans le sens traditionnel. La question biblique est avant tout une question d’histoire et de critique historique. Il ne s’agit pas de savoir si la Bible contient des erreurs, mais de savoir ce qu’elle contient de vérité, ce qu’elle vaut. Il y a donc à résoudre une série de problèmes soulevés par les critiques rationalistes. M. Loisy indique tout un programme d’études à faire, qu’il a lui-même abordées, avant de juger la valeur historique des Livres saints et en vue de le faire d’une manière vraiment criticiue. Or, la théorie de l’inerrance absolue de la Bible est contredite par les faits déjà constatés. Elle n’est d’ailleurs ni un artic’e de foi ni même une doctrine théologiquement certaine. Ni la Bible ni la tradition n’ont pu en donner une explication claire et indiscutable. Ce qu’on appelle les erreurs de la Bible n’est que le côté relatif et imparfait d’un livre ancien, écrit par des lionunes et pour des hommes, dans des temps et des milieux étrangers à ce que nous appelons la science. Les imperfections de la Bible contribuent à la rendre vraie pour le temps où elle a paru. Cette vérité purement relative ne porte aucun préjudice à la valeur absolue des principes qui sont à la base de l’enseignement biblique. On peut dire que les auteurs bibliques ne se sont pas trompés aux endroits, où nous les trouvons en défaut, parce qu’ils n’ont pas eu l’intention formelle d’enseigner comme vrai ce que nous trouvons erroné. L’inspiration de l’Écriture est à concevoir comme un concours divin dont le but a été de préparer à l’Église une sorte de répertoire pour l’enseignement religieux et moral.

Les vérités religieuses et morales, objet propre de la révélation, apparaissent dans l’Écriture telles que les écrivains bibliques ont été capables de les concevoir. On n’imagine pas que tel élément du livre inspiré soit demeuré en dehors de l’influence divine, qui ainsi a tout atteint, même en quelque manière les imperfections que l’on qualifie d’erreurs et qui n’étaient point telles au jugement des écrivains sacrés et de leurs premiers lecteurs. De la sorte, M. Loisy gardait le nom d’inspiration et même l’extension totale de l’inspiration, mais il en détruisait l’idée, en la conciliant avec l’existence d’erreurs réelles, au moins pour nos temps. La question biblique et l’insjjiration des Écritures dans L’enseignement biblique, Clironique, novembre-décembre 1893, p. 1-lG et dam Études bibliques, 1901, p. 50-59. Cf. Autour d’un petit livre, Paris, 1903, Lettre à un cardincd, p. 56-59 ; Choses passées, Paris, 1913, p. 136-146.

Cette opinion erronée a été notée dans la 11<^ proposition du décret Lamentabili : Dispiratio divina non ita ad totani Scripturam sucram extenditur, ut omnes et singulas ejus partes ab omni errore præmuniat, Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 2011.

La condamnation a suggéré à M. Loisy la réflexion suivante : « Cette proposition est erronée en ce qu’elle .suppose la Bible vraie presque partout, avec des flots d’erreur. La Bible n’est pas si vraie dans l’ensemble, ni si fausse dans le détail : livre ancien et qui, par là-mème, n’a pu s’empêcher de beaucoup vieillir. C’est son esprit, non les particularités de sa rédaction et de son contenu, qui lui assure une valeur impérissable. » Simples réflexions sur le décret du Saint-Office Lamentabili sane exitu et sur l’encyclique Pascendi dominici yregis, Paris, 1908, p. 44-45. La réflexion résume l’erreur condamnée et justifie sa condamnation par cela qu’elle s’écarte de l’enseignement de l’Église sur l’extension de la véritable inspiration de la Bible.

12. INSPIRATION VERBALE ET NON VERBALE. — La

question est de savoir si l’inspiration, qui s’étend à toutes les choses contenues dans l’Écriture, s’est étendue aussi aux mots eux-mêmes qui expriment les pensées divines, ou bien si les écrivains sacrés, connaissant ce que Dieu voulait leur faire écrire, ont eu le libre choix des expressions propres à rendre exactement et fidèlement les pensées divines.

Du W au XV siècle.

1. Chez les Pères et les anciens écrivains ecclésiastiques. — Les anciens n’ont pas discuté cette question. Ils ont dit et répété, presque à toutes les pages de leurs écrits, que Dieu ou le Saint-Esprit avait parlé par la bouche des prophètes, des apôtres et des évangélistes, que Dieu ou le Saint-Esprit avait dicté les Écritures ou que toutes les paroles des saints Livres avaient été dites, prononcées ou dictées par eux. Mais ils attribuaient aussi les mêmes paroles aux écrivains sacrés, qu’ils considéraient toutefois comme les scribes ou les secrétaires du Saint-Esprit. Il serait superflu et peu intéressant de recueillir toutes les affirmations de ce genre qui puflulent dans leurs écrits. Il est plus important de rapporter quelques témoigiuiges plus explicites et plus caractéristiques, afin de saisir leur véritable pensée et de constater si, oui ou non, ils entendaient parler de dictée proprement dite des mots, ou bien si, sous leur plume, la dictée des expressions signifiait seulement que l’Écriture était la parole même de Dieu. L’auteur de la Cohortatio ad Grwcos, 35, P. G., t. vi, col. 304, dit que les prophètes n’ont pas, comme les philosophes, recouru aux artifices des mots, mais qu’ils ont employé tout simplement les termes et les noms tels qu’ils se présentaient à eux. Bien que les paroles des prophètes fussent les paroles du Saint-Esprit, celui-ci ne les leur avait pas inspirées ; il les laissait s’exprimer comme ils voulaient.

Clément <rvlexandrie, dit que les paroles dites par le Saint-Esprit, sont obscures. Strom., VI, c. xv, P. G., t. IX, col. 340, et que les prophètes sont opyava Gsîaç çtovïjç, Ibid., c. XVIII, col. 401. Il n’en faudrait pas conclure que, pour Clément, les mots de l’Écriture ont été proférés par le Saint-Esprit lui-même, car il reproche aux hérétiques de ne voir que les mots eux-mêmes et d’en modifier le sens. Ibid., XII, c. xvi, col. 553. Lui-même se complaît à rechercher le sens plus profond de l’Écriture, qui est caché sous les mots, par exemple, ibid., I, c. iv, t. viii, col. 720, 724 ; V, c. VI, t. IX, col. 56, et c’est un tort des hérétiques de prendre à la lettre les allégories de l’Écriture. Ibid., III, c. IV, t. VIII, col. 114. Le sens allégorique, en efîet, résulte des choses, exprimées par les mots, et non des mots eux-mêmes.

Origène, qui allégorise aussi à outrance l’Écriture, trouve enveloppées et obscures presque toutes les paroles des prophètes. Le Saint-Esprit l’a voulu pour que ce qu’il voulait faire écrire ne soit pas proféré ouvertement et foulé sous les pieds des ignorants, mais il a pourvu h ce que, une fois publié, le secret de ses paroles soit conservé. In Nitm., homil. xviii, n. 4, t. XII, col. 718. Le Saint-Esprit a publié toute l’Écriture inspirée [i-é/pi toù xé/uvroç ypâiiiLaTOç, et c’est pourquoi sans doute Notre Seigneur a dit qu’un iota et un accent ne passeraient pas de la Loi sans être accomplis. Matth., v, 18. De même que le créateur a pris soin des plus petites choses, ainsi la providence divine a imprimé les vestiges de sa sagesse éxàaTW Ypà|X|jiaTt, de tous les livres inspirés. Selecla in psalmos, ps. I, n. 4, col. 1081. On ne doit donc rien changer dans l’Écriture, pas même corriger les solécismes. InOseam, extrait de la Pliilucalie, c. viii, t. xiii, col. 825. Et cependant Origène déprime souvent la lettre de l’Écriture pour exaller le sens. Parfois il ne faut pas adhérer à la lettre comme si elle était vraie, mais il faut chercher le trésor qu’elle cache. In Gen., t. xii, col. 101. Le sens historique est indigne du Saint-Esprit. Ibid., homil. VII, x, n. 2, col. 198, 216. C’est le sens, digne du Saint-Esprit, qu’il faut chercher sous la lettre. In Joa., tom. X, n. 24, t. xiv, col. 31. La lettre n’était donc pas voulue par le Saint-Esprit pour elle-même, mais seulement en tant qu’elle recelait un sens spirituel.

Si l’on ne tenait compte que de quelques témoignages de saint Athanase, on prendrait le patriarche d’Alexandrie pour un partisan très résolu de l’inspiration verbale de l’Écriture. Il affirme, en effet, eîvai QeànveUGTO. xà t^ç Fpacp’^ç prjfxaxa, De decretis Nicœnæ synodi, n. 15, P. G., t. xxv, col. 454 ; des mots du Ps. XLix, 16, et d’Eccli., xv, 9, il dit xà ûicô toû 7Tveû(i, aT0ç sipyiiAÉva, Epist. ad episcopos.Egijpli, n. 3, col. 541 ; il appelle Eccli., x, 20, Gîîav 9tovy)v Apologia ad Conslunlium, n. 3, col. 600. Mais très souvent le saint docteur distingue les p/jpLaTa du sens de l’Écriture. Il ne considère les mots que pour en chercher le sens, Oral., ii, contra arianos, n. 55, t. xxvi, col. 264 ; Oral., iii, n. 1, col. 321 ; Epist., i, ad Serapionem, n. 15, col. 565, etc., et ce sens, il l’explique, à rencontre, des ariens, soit d’après les passages parallèles, soit en considérant la personne dont il s’agit, soit le but de l’écrivain. Epist., 1 ad Serupionem, n. 21, col. 580-581 ; Epist., ii, n. 8, 9, col. 620624 ; Epist., iv, n. 8, col. 648-649 ; Orat., ii, cont. arianos, n. 1, 44, col. 148, 240 ; Orat., i, n. 54, col. 124. A l’exemple des autres docteurs d’Alexandrie, il allégorise fréquemment ; il tient donc plus ù l’esprit qu’à la lettre de l’Écriture. Bien plus, à la suite d’Origène, il réprouve to Yç>à[i[j.O !. en beaucoup de passages, et il ne reçoit pas une leçon pour ne pas tomber dans le blasphème. Fragmenta in Matllt., t..xxvii, col. 1384.

Il en est de même de Didyme. S’il entend la voix de l’Esprit Saint dans les Écritures, De Trinitate, . II,

c. XII, P. G., t. XXXIX, col. 673, s’il voit dans Ps. x, 3, une parole dite par le Saint-Esprit, In h. foc, col. 1208, si, pour lui. Dieu parle aux hommes par la voix des prophètes, De Trinitate, t. II, c. x, col. 648-649, si les paroles de Joa., vii, 39, ont été prononcées par le Saint-Esprit, ibid., t. III, c. xxxiv, col. 961, si saint Paul luimôme atteste, Heb., iii, 7, que les dernières paroles de Ps. xciv ont été dites par le même Esprit, In ps. XCIV, 8, col. 1505, cependant il distingue expressément la XéÇiv de l’ëvvoia. De Trinitate, t. II, c. viii, n. 1, col. 620 ; il recherche le sens des mots de l’Esprit, In ps. XXII, 5, col. 1293 ; il juge nécessaire, de comprendre, en psalmodiant, le sens des hymnes du psautier. In ps. XLVl, 7, col. 1377. Il veut qu’on comprenne les témoignages des Écritures sur Dieu d’une façon juste et digne de Dieu. De Trinitate, t. I, c. xxvii, col. 397. Les hérétiques cherchent à prouver leurs erreurs par les Écritures, en contradiction avec le.sens théologique, ibid., . III, c. IV, col. 828 ; ils citent des priy.oi.zoi., qui n’ont point de rapport à Dieu et ils dépravent témérairement par leurs absurdes commentaires les justes svvotaç, t. I, c. vii, n. 8, col. 581. Enfin, en outre du sens grammatical et historique, Didyme interprète _ l’Écriture d’après des pensées plus élevées et plus divines par l’allégorie. In ps. X, 3, col. 1208. Le sens de l’Écriture importe donc plus que la lettre.

Saint Cyrille d’Alexandrie attribue au.x écrivains sacrés une part dans la rédaction des choses que Dieu leur a révélées. La parole pour laquelle les prophètes ont exprimé ce qu’ils avaient vu et entendu, procède de leur bouche. Ils ont coutume de la couvrir de quelque obscurité, In Is., t. III, P. G., t. lxx, col. 609 ; In Amos, n. 75, t. lxxi, col. 552, parce que l’Écriture inspirée est un livre scellé par Dieu. 7/i Is., 1 III, t. LXX, col. 656, 657. Saint Cyrille note donc la personnalité d’Isaïe, sa voix, sa vigilance, t. II, col. 505. L’auteur du ps. xxxix, orné de la grâce prophétique, profère comme du bon trésor de son cœur, ses bons discours de façon qu’ils ne soient pas étrangers à la personne du l"’ils unique de Dieu. In ps. XXXI X, t. lxix, col. 988. De même, bien que l’Esprit de Dieu ait parlé par les évangélistes et par saint Paul, De recta fide ad Theodosium, n. 40, t. lxxvi, col. 1193 ; De incarnationc Unigenili, t. lxxv, col. 1245, etc., saint Cyrille cependant fait ressortir leur personnalité. Il note la prudence et la perspicacité de saint Jean à exposer la doctrine du Verbe. In Joa., t. I, c. ii, ix, x, t. lxxiii, col. 38, 148, 176. Il dit que cet évangélisle, se souvenant de ce qu’il avait dit, a expliqué plus longuement ce qu’il avait indique d’îibord sommairement, t. I, c. X, col. 184 ; qu’il a usé de beaucoup de précautions dans sa narration, t. V, c. i, col. 745, et qu’il i tait dans l’étonnement, en racontant que Jésus avait pleuré, 1. VII et VIII, fragni., t. lxxiv, col. 56. Il remarque que le discours de saint Paul est prolixe, In Epist. ad Rom., col. 813 ; qu’il manque quelque chose à la construction de sa phrase pour que le sens soit pleinement exprimé, col. 817. Il admire la bénignité de l’apôtre, ciui rédige très bien les discours que Dieu nous dispense, col. 848. Les mots des Évangiles et des Épîtres n’ont donc pas été prononcés par l’Esprit Saint. Saint Cyrille distingue aussi yçi( ! i.[j.[j.<x de evvoix. « Que les ennemis de la vérité disent comment il faut lire l’Écriture, s’il faut adhérer à la lettre ou scruter le sens. S’ils disent qu’il faut scruter le sens, qu’ils apprennent à en faire autant dans leurs propositions et à rechercher la véritable intelligence des choses. S’ils disent que la lettre suiïit pour connaître exactement la chose, j’attaquerai le sens de leurs propositions. » De Trinitate, n. 11, t. lxxv, col. 1161. Il faut donc chercher le sens des paroles sacrées, spécialement en considérant le but de l’ouvrage, Apologeticus ad Theodosium, t. lxxvi, col. 473, et il a lui-même rejeté plusieurs fois

un sens qui était contraire à ce but, Epist., l, t. lxxvii, col. 200. Saint Cyrille ne se contentait pas du sens littéral ; il recherchait et recommandait le sens allégorique de l’Écriture, il se préoccupait donc plus des choses, exprimées par les mots, que des mots eux mêmes.

Si de l’école d’Alexandrie qui allégorisait, nous passons à l’école d’Antioche, qui s’attachait davantage au sens grammatical et littéral, nous constaterons que ses docteurs cherchaient le sens sous la lettre. Eustathe d’Antioche blâme Origène, qui a osé expliquer allégoriquement tous les mots de l’Écriture et n’a pas eu horreur d’appeler ji. !)Gouç les récits de la création que Moïse a fidèlement racontés. Lui, qui a prétendu que les paroles de la pythonisse d’Endor avaient été dictées par le Saint-Esprit, a travesti le sens des divins oracles qui viennent de Moïse et il ne voulait pas qu’on applique son esprit au sens littéral. De engastrimytho, n. 21, P. G., t. xviii, col. 656.

J’ai déjà exposé, col 2108 sq. ce que pensaient saint Jean Chrysostome et saint Grégoire de Nazianze. Théodore de Mopsueste rejetait expressément l’inspiration verbale. Quand saint Paul parlait des : Écritures saintes, Rom., i, 2, il ne voulait pas parler de la lettre ou du caractère sacré, mais de la prophétie ellemême, qui était une révélation donnée par le Saint-Esprit ; il a donc justement appelé « Écriture sainte » cette prophétie. Il a dit de même ailleurs, II Tim., III, 16, que toute Écriture divinement inspirée est utile. In Epist. ad Rom., P. G., t. lxvi, col. 787-788. De même, Théodoret, quoiqu’il dise que les paroles du prophète sont des paroles du Saint-Esprit, il n’admet pas pour autant l’inspiration verbale. Il oppose sagement aux anthropomorphites, qui ne connaissent rien que la lettre, d’autres paroles de l’Écriture et il explique les mots par d’autres mots. QuæsL in Gen., q. xx, P. G., t. lxxx, col. 113. Mais il a appris par l’Écriture elle-même que les Écritures doivent être traitées, de façon que les exégètes n’expliquent pas la lettre seule, mais qu’ils en découvrent l’esprit et le sens. In Gant., præf., t. lxxxi, col. 44.

A première vue, saint Basile paraît avoir été partisan de l’inspiration verbale. Il dit, en effet, que les paroles de l’Écriture ont été données par le Saint-Esprit, Adv. Eiinomium, t. I, n. 18, P. G., t. xxix, col. 552 ; t. II, n. 24, col. 625 ; il les appelle Xôyouç toù TzvzxiiMiy.Toç, , t. II, n. 15, col. 601. Il n’est pas nécessaire de recueillir plusieurs paroles des Écritures et de connaître l’accord de tous les Livres saints, puisqu’une seule parole suffit aitx croyants, qui ne doutent pas de la vérité de ce qu’a dit le Seigneur. De fîde, n. G, t. XXXI, col. 692. Cependant saint Basile examine souvent xà p'/)|j, aTa ttjç Tpaç^ç pour trouver tyjv Iv Totç py)jjiatn81.àvotav. HomiL, viii, in Hexameron, n. 8, t. XXIX, col. 184, et il n’ignore pas qu’il y a des traducteurs qui ont mieux saisi le sens des mots hébreux que les Septante. Adv. Eunomium, t. II, n. 20, col. 616617.

Au sentiment de saint Grégoire de Nysse, l’illumination de l’intelligence du psalmiste et l’clocution ou manifestation des connaissances rerues étaient simultanées, et elles étaient l’une et l’autre l’œuvre du Saint-Esprit. Aussi le psalmiste n’était-il que l’organe du Saint-Esprit. In psalmos, tr. II, c. x, P. G., t. XLiv, col. 341. Pour lui, toutes les paroles de l’Écriture sont Ta ŒoTuveuara prjjjiaTa, In Gant., homil. i, col. 764, 773, et les chrétiens sont instruits xaG' IxacTOv Ypà[i.[xaT^ç Fpacp^ç. /Je /)auper(7)u.s an)f/7u/(s, t. XLVi, col. 464. Aucun mot de l’Écriture n’est redondant, ni vain ni inutile. In verba : Faciamus, homil. i, t. xLiv, col. 272. Toutefois si saint Grégoire de Nysse examine ainsi chaque mot de l’Écriture, c’est pour connaître plus exactement le sens. Souvent, en effet.

il rappelle le contexte tôSv ÔsottvsiScttov Xoyiwv afin de saisir tÔv voûv toû ypâjjifjiaToç, Adv. Apollinarem, t. XLV, col. 1233 ; Cont. Eunomium, t. XI, XII, col. 869, 976, rà voY)[i.O'.Ta, In Ecclesiasten, homil. vii, t. XLiv, col. 717, Tr)v toïç pvjToïç èYXEi[i.évv)v Stàvotav (le sens allégorique). In Cant., proœm., homil. vi, vil, VIII, col. 756-757, 888, 909, 944. Saint Grégoire dit même que les paroles qui sont attribuées à Dieu dans l’Écriture, n’ont pas été prononcées par lui ni en hébreu ni en aucune autre langue, mais que tous les discours de Dieu, écrits par IMoïse et par les prophètes, sont des indications et des expressions de la volonté divine, attribuées à Dieu. Cont. Eunomium, t. XII, t. XLV, col. 997. Cf. Fragmenta, t. xlvi, col. 1115.

Si de l’Orient, nous passons en Occident, nous constatons la même attitude. Saint Hilaire de Poitiers n’affirme l’autorité d’une syllabe de l’Écriture qu’en raison du sens qu’elle exprime et il reproche aux ariens d’ajouter par fraude le pronom te à la parole d’Isaïe, lxv, 16. De Trinitate, t. V, n. 28, P. L., t. x, col. 147. Il affirme que l’hérésie provient de l’Écriture mal comprise et /jue les hérétiques l’interprètent autrement que la force des mots ne l’exige. L’hérésie provient de l’interprétation de l’Écriture, et non de l’Écriture elle-même ; c’est le sens donné, et non le discours, cju’il faut incriminer. Ibid., t. II, n. 3, col. 5152. Il n’y a pas d’hérétique qui ne prétende mensongèrement parler d’après l’Écriture ; tous parlent de l’Écriture sans la comprendre ; il ne suffit pas de lire l’Écriture, il faut la comprendre. Ad Constantium, t. II, n. 8, col. 570. Quoique la plupart ne voient dans les Psaumes que le son des mots et la lettre, l’évêque de Poitiers y cherche le sens et Notre-Seigneur Jésus-Christ. In ps. LIV, n. 9, t. IX, col. 352. Dans ses commentaires des Évangiles, il a coutume pour découvrir le sens caché sous la lettre, de considérer l’ordre des faits, les propriétés des mots et la raison des lieux, des temps et des personnes. In Ev. Mattha-i admonitio, 6, col. 911. Cf. col. 924, 954, etc. Les mots ne sont donc pas tout pour lui.

Bien que saint Ambroise attache beaucoup d’importance aux mots de l’Écriture, qui ont été employés après un grand examen, qu’il admire. In ps. 1, n. 22, XXXT, n. 25, P. L., t. XIV, col. 931, 964, et qu’il examine lui-même attentivement pour en découvrir le sens, il entend bien faire plus attention au poids des choses qu’à la série des mots. In Luc, t. VIII, n. 63, t. XV, col. 1784.

Quoi qu’en pensent Dausch, Die Schriftinspiration, p. 72-74, Griitsmacher, Hieronynms, Berlin, 1906, t. II, p. 124 sq., et Sanders, Études sur saint Jérôme, Paris, 1903, p. 127-137, il faut, avec Schade, Die Inspirationslehre des heiligen Hieronymus, p. 133-140, et avec F.Valento, San Girolamoe l’encyclicaSpiritus Paraclitus, p. 67-72, tenir saint Jérôme pour un adversaire plutôt que pour un partisan de l’inspiration verbale. Sans doute, le saint docteur parle très souvent de l’Écriture comme contenant verbum Dei, verba divina ; mais veut-il dire par là que les mots eux-mêmes des Livres saints sont de Dieu et par suite ont été inspirés ? Prend-il ces termes au sens matériel ou bien ne considère-t-il pas plutôt les mots comme exprimant la pensée de Dieu ? Or, que verba, sous sa plume ait le sens de sententia, il le montre bien quand, Epist., cxxii, ad Rusticum, c. i, P. L., t. xxii, col. 1039-1040, après avoir cité les paroles d’Isaïe et de Jérémie, il ajoute qu’Ezéchiel parle iisdem verbis, parce qu’il est inspiré par le même Esprit que les deux autres prophètes. Or, les trois passages cités ne se ressemblent que par l’idée exprimée, et leurs termes sont différents. Sans doute encore, il a dit que, dans l’Écriture, et verborum ordo myslcrium est, E]>ist., lxi, ad Pamnvichium, n. 5, col. 571 ; mais il ajoute, n. 6, col. 572 : Alii 219^

INSPIRATION DE L’ECRITURE

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si/llabas nuncupenliir et lilleras, lu qiiwies sententias, et n. 10, col. 577 : Obtrectatorcs mei queeranl et inielligant non verba in Scripturis, sed sensus. Dans ses commentaires, il distingue souvent deux cléments de l’Écriture, verba, sermo, lillcrn, si/llaba', et le sens. C’est le sens qu’il faut chercher sous les mots. Expliquant ces paroles de saint Paul : Génies esse cohæredes et concorporales et comparticipes promissionis, Eph., III, 6, il remarque que, dans ces trois mots, l’apposition de la conjonction rend la phrase latine peu élégante, mais parce qu’il en est ainsi dans le texte grec et parce que singiili sermones, syllabes, apices piincla in divinis Scripturis, plena sunt sensibus, proplerea magis volumus in composilione structuraque verborum quam intelligentia periclilari. In Epist. ad Eph., t. II, t. XXVI, col. 481. Quand on discute sur l’Écriture, il n’est pas si nécessaire de citer les mots que de connaître le sens. Epist., xxix, n. 1, t. xxii, col. 436. Enfant de l’Église, il recherche plus le sens que les mots de l’Écriture. In Epist. ad Tilum, t. xxvi, col. 595. Il ne pense pas que l’Évangile soit dans les paroles, mais dans le sens : il n’est pas à la surface, mais dans la moelle ; il n’est pas dans les feuilles des paroles, mais dans la racine de la raison. In Epist. ad Gal., t. I, col. 322. L’Écriture ce n’est pas l’encre ni le parchemin, qui sont insensibles, c’est l’Esprit Saint et le sens caché sous la lettre, qui ont pu prédire l’avenir. Ibid., col. 353. Qiiicumque igitur aliter intelligil quam sensus Spiritus Sancti flagilat, quo conscripla est, licel de Ecclesia non recesseril, lamen liœreticus appellari polesf. Ibid., ]. III, col. 417.

C’est dans le même ordre d’idées que saint Jérôme n’attribue pas le style de l’Écriture au Saint-Esprit, mais aux écrivains inspirés. De Isaia sciendum quod in sermone sua disertus sit, quippe ut vir nobilis et urbanæ eloqæntise, ncc habens in eloquio suo aliquid ruslicilatis admissum. Unde accidit, ut prie cœleris, floreni sermonis ejus translalio non potuerit conservare. In Is., præf., t. xxviii, col. 771. Jeremias sermone qnidem apud Hebrœos, Isaia et Osée et quibusdam aliis prophctis videtur esse rusticior, sed sensibus par est, quippe qui eodemspiritu propheUwerit. Parro simplicitas eloquii de loco ei in quo nalus est accidit. Fuil enim Anathulides, qui est usque hodie tribus ab Jerosolymis distans millibus. In Jer., prol., col. 847. Il dit encore d’Ezéchiel : Sermo ejus nec salis disertus ncc admodum rusticus est sed utroque medie tempendos. In Ezecli., præf., t. XXV, col. 938. Amos ne possédait pas l’art de parler ; il n’en était pas moins prophète puisqu’il était animé du même esprit que les autres prophètes. In Amos, proœm., col. 99. Saint Jérôme remarque que saint Luc connaissait mieux le grec que l’hébreu : dans ses deux livres, son style est plus soigné que celui de saint Matthieu et de saint Jean. In Is., t. III, t. XXIV, col. 98. Il ne faut pas s’étonner que saint Paul ait écrit le grec comme on le parlait à Tarse, sa patrie, puisque Virgile qui est, pour les Latins, un autre Homère, a employé quelquefois le langage du lieu où il était né. La plupart du temps, l’apôtre a mal écrit, parce qu’il ne connaissait pas l’art de la grammaire. Epist., cxxi, ad Algesiam, P. L., t. xxii, col. 1030, c. x. Les adversaires de Jérôme lui ont reproché d’avoir médit de Paul, en le faisant passer pour un homme, qui ne savait pas le grec. S’il a relevé des solécismes et d’autres défauts semblables dans le style de Paul, il ne l’a pas fait pour le blâmer. Il a seulement affirmé que cet Hébreu, fds d’Hébreux, qui n’avait pas le discours brillant d’un rhéteur ni la composition des mots, ni la beauté du langage, n’aurait pas pu convertir le monde entier à la foi du Christ, s’il ne l’avait évangélisé, non dans la sagesse de la parole, mais dans la vertu de Dieu. Cet apôtre, qui faisait des solécismes, qui ne pouvait pas éviter un hyperbate et achever sa

pensée, a revendique audacieusement pour lui la sagesse. In Epist. ad Eph., t. II, t. xxvi, col. 478.

Les principes que saint Jérôme a suivis en traduisant le texte hébreu montrent qu’il n’était pas partisan de l’inspiration verbale. Bien qu’il ait serré l’original de plus près qu’il ne l’avait fait en traduisant des ouvrages grecs, il n’a pas toujours suivi l’ordre des mots ; il se flatte toutefois d’avoir conscience de n’avoir pas altéré le sens du texte hébreu, Epist., lvii, n. 6, 10, t. XXII, col. 573-577 ; Corpus de Vienne, 1910, t.Liv, p. 508-520. A la fidélité il a joint la clarté et une certaine élégance. Il faudrait citer presque en entier cette lettre lvii à Pammachius De optimo génère interpreiendi. Jérôme avait constaté que les Septante, tout en modifiant l’ordre des mots, avaient très bien rendu le sens de l’original. In Eccle., ii, 15, 16, t. xxiii, col. 1031. Il blâme, au contraire, Aquila d’avoir traduit trop littéralement le texte hébreu, en en faisant un véritable décalque. Ibid., n. 11, t. xxii, col. 577-578. On a remarqué que la version de saint Jérôme se rapproche plutôt de la manière de traduire de Symmaque. Sa méthode de traduction et ses jugements sur les autres versions se sont pas d’un partisan de l’inspiration verbale de l’Écriture.

Saint Augustin a appelé l’Écriture « le style vénérable du Saint-Esprit ». Conf., t. VII, c. xx, n. 26, P. L., t. xxxii, col. 747. Il a reconnu toutefois la sagesse et l’éloquence, propres à chacun des écrivains sacrés. De doclrina christiana, t. IV, c. vi, vii, xx, t. xxxiv, col. 92-98, 107-110. Mais il les attribue à un don de Dieu, pour Moïse, Conf., t. XII, c. xxvi, t. xxxii, col. 840-841, et au Saint-Esprit, qui a magnifiquement et salut airement modifié les Écritures, de façon à satisfaire la faim des lecteurs dans les passages clairs et à écarter tout dégoût dans les passages obscurs. De doclrina christiana, I. II, c. vii, n. 8, t. xxxiv, col. 39. Le Saint-Esprit, en effet, distribuait à chacun des écrivains sacrés son bien propre comme il le voulait, et afin de placer leurs livres au comble de l’autorité, il a permis, selon les mérites des saints, à l’un d’ordonner son récit d’une manière, à l’autre d’une autre, tout en les gouvernant, tandis qu’ils rapportaient les choses qu’ils devaient écrire. De consensu evangelislarum, t. II, c. xxi, n. 52, col. 1102. Voilà, si je ne me montre, la simple direction du Saint-Esprit accordée aux évangélistes pour l’ordonnance de leurs récits. Saint Augustin avait dit précédemment, t. ii, c. XII, n. 28, qu’un cvangéhste, nonobstant ses efforts, n’avait pas réussi à reproduire les termes mêmes, du discours de Notre-Seigneur et qu’il avait dû se contenter d’en donner le sens.

On le voit, les principaux écrivains ecclésiastiques n’ont pas été, comme on le dit généralement, partisans de l’inspiration verbale. S’ils attribuaient au Saint-Esprit, une part dans la rédaction des Livres saints, ils ne négligeaient pas d’attribuer la leur aux écrivains sacrés, et l’inspiration des mots de l’Écriture n’était pas pour eux une dictée proprement dite. Dans la théorie même de la prophétie, les docteurs des deux écoles d’Alexandrie et d’Antioche remarquaient que Moïse seul avait parlé avec Dieu, bouche à bouche. Les prophètes avaient bien parfois entendu une parole, mais le plus souvent la révélation divine leur avait été faite en songes ou en visions soit corporelles, soit Imaginatives soit intellectuelles. Quand ils énonçaient en paroles ou qu’ils mettaient par écrit, les révélations qu’il avaient ainsi reçues, les prophètes ne recevaient pas une révélation nouvelle. La plupart des docteurs des deux écoles ne disent pas comment ces prophètes les rédigeaient, sinon lorsqu’ils commentent le passage de Jérémie, dictant à. Baruch des révélations qu’il recevait en même temps, Jer., xlv, 1, ou le verset 2 du Ps. XLiv, où David écrit rapidement ce que le

Saint-Esprit lui inspirait, au moment même de sa composition et de sa psalmodie. Quelques commentateurs ont généralisé cette inspiration inmiédiate et l’ont attribué à tous les prophètes, c’est-à-dire, à leur sentiment, à tous les écrivains sacrés. C’est dans ces cas seulement qu’on peut parler de révélation immédiate des mots et d’inspiration verbale.

Dans les temps postérieurs, nous n’avons à signaler que la discussion qui se produisit, au ixe siècle, entre Frédégise, abbé de Saint-Martin de Tours, et saint Agobard, évêque de Lyon. Frédégise accusait Agobard d’avoir calomnié les apôtres et les traducteurs de la Bible, quand il avait reconnu dans leurs o-uvrcs des solécismes. Ces solécismes ne provenaient pas de l’ignorance de la grammaire ; ils cachaient plutôt quelque mystère. Abogard repousse d’abord l’accusation portée contre lui ; il a dit seulement que les traducteurs et les commentateurs des Livres saints n’avaient pas toujours suivi invariablement les règles de la grammaire ; ils ne l’avaient pas fait par ignorance ni par malice, mais par condescendance. L’Écriture ellemême condescend à exprimer en paroles humaines les inefïables mystères pour les mettre à la portée des hommes. Les traducteurs et les commentateurs ont fait de même et, pour rendre intégralement le sens de l’Écriture ils n’ont pas craint de pécher contre la grammaire, et loin de les en reprendre, il faut plutôt les en louer. Quoi qu’il en soit, l’autorité des auteurs inspirés des livres de l’Ancien et du Nouveau Testament reste ferme, car il n’a jamais été permis à aucun homme de penser qu’ils ont dû s’exprimer autrement qu’ils ne l’ont fait ; leur autorité est plus solide que le ciel et la terre, qui passeront, tandis que leurs paroles ne passeront pas. Agobard approuve les Septante, les premiers traducteurs latins de la Bible et saint Jérôme, mais il blâme les autres. Il a donc plutôt loué que blâmé les apôtres et les saintes Écritures ; il n’a repris que quelques traducteurs et conunentateurs de la Bible.

Frédégise lui reprochait d’avoir -accusé de rusticité le Saint-Esprit lui-même. Que Dieu soit juge de ce sacrilège ! Mais il ressort des paroles de l’abbé de SaintMartin que les prophètes et les apôtres ont reçu de l’inspiration du Saint-Esprit non seulement le sens, les modes et les arguments de leur prédication, mais encore les mots matériels eux-mêmes, que l’Esprit Saint aurait formés extérieurement dans leurs bouches. Agobard le réfute d’abord par l’exemple de Moïse à qui Dieu avait donné Aaron comme prophète. Si donc le Saint-Esprit avait mis les mots matériels dans la bouche de Moïse qui était bègue et qui transmettait à son frère ce qu’il devait dire, faudrait-il attribuer au Saint-Esprit le bégaiement du prophète de Dieu ? L’absurdité de ce sentiment apparaît mieux encore par l’exemple de l’ânesse de Balaam, qu’un ange a fait parler. Si les prophètes ont reçu de la même manière les mots qu’ils articulaient, il faut en conclure que, comme l’ânesse, ils en ignoraient le sens. Sed absit talia deliramenta cogilare.

Après avoir ainsi répondu à Frédégise, Agobard expose son sentiment personnel. S’il a loué l’éloquence de saint Paul, c’est en citant les paroles de saint Jérôme lui-même, et il est ainsi bien éloigné d’avoir blâmé l’apôtre. Saint Jérôme a aussi noté la différence du langage des prophètes, et il a mis la noblesse de la parole divine, non pas dans l’enflure et la pompe des mots, mais dans la force des pensées. Saint Augustin, saint Ambroise et saint Grégoire n’ont pas eu un autre sentiment. En mettant dans les mots extérieurs la noblesse du don des langues que le Saint-Esprit a fait aux apôtres, et en louant en même temps et indifféremment tous les traducteurs et commentateurs de la Bible, Lrédégise affaiblit sa louange, car si tous les

écrivains sacrés ont reçu également du Saint-Esprit la noblesse extérieure de leurs livres, pourquoi Paul était-il, selon saint Jérôme, plus disert en hébreu qu’en grec ? De fait, saint Paul est plus disert dans l’Épître aux Hébreux que dans ses autres lettres, et cependant celles-ci, quoique moins soignées de style sont cependant remplies de sens cachés, de secrets mystères et de figures de mots, par quoi elles surpassent incomparablement la sagesse du monde, et n’ont pas une moindre vertu que l’Épître aux Hébreux. Liber adversiis Fredegisum, n. 7-1, 3, P. L., t. civ, col. 162-168. Saint Agobard repoussait manifestement l’inspiration verbale de la sainte Écriture. Cf. H. Denzinger, Vier Bûcher von derreligiôsen Erkennlniss, 1856, t. II, p. 239 ; P. Dausch, Die Schriftinspiralion, p. 100102 ; K. Holzhey, Die Inspiration der hl. Schrift in der Anschauunij des Millelalters, p. 6-8.

Tout en attribuant au Saint-Esprit les mots de l’Écriture et en argumentant d’après les syllabes du texte, Baban Maur ne manquait pas d’attribuer ces mots eux-mêmes aux écrivains sacrés. Mais il déclare expressément que saint Paul, bien que possédant la grâce divine de la parole, ne pouvait pas expliquer en grec la majesté des pensées divines. Aussi se servait-il de Tite comme interprète, ainsi que saint Pierre de Marc, qui composa l’Évangile, que Pierre lui racontait tandis qu’il écrivait lui-même. Les deux Épîtres de Pierre diffèrent de style ; il faut en conclure que l’apôtre a eu des interprètes différents. Enarratio in Epist. Pauli, t. XII, c. ii, P. L., t. cxii, col. 168-169.

Haymon d’Halberstadt attribue à l’Esprit Saint les mots de l’Écriture, In Is., t. II, c. xxxi, P. L., t. cxvi, col. 874, qui toutefois parle à la façon des hommes. In Epist. ad Heb., c. x, t. cxvii, col. 899 ; Homil. de tempore, homil. cxii, cxiii, t. cxviii, col. 605, 608.

Alton de Verceil admet l’inspiration verbale de saint Paul. Ainsi l’apôtre voulant reprendre ce qu’il j avait dit, inséra cependant quelques paroles que le M Saint-Esprit lui dicta, et, cela fait, il reprit l’ordre interrompu. In Epist. II ad Cor., P. L., t. cxxxiv, col. 475. Paul toutefois, dans ses Épîtres, parlait à la façon des hommes. In Epist. ad Rom., col. 165, et il tempérait son discours. In Epist. I ad Cor., col. 378.

2. Chez les théologiens.

Si, dans ses commentaires, Bupert de Deutz admet expressément l’inspiration verbale de l’Écriture, ainsi que saint Bernard, qui attribue à l’inspiration dç saint Paul l’ordre de l’exposition des Épîtres, la plénitude du sens et la connexion du sens et de la lettre, Serm., xix, de diversis, n. 1, P. L., t. CLxxxiii, col. 589, les théologiens du xiie siècle ne semblent pas s’être occupés de cette question, ni la plupart de ceux du xiii'^. Cependant Albert le Grand et saint Thomas, qui distinguaient nettement l’inspiration de la révélation, col. 2120 sq, ne pouvaient pas admettre la dictée des mots. L’angde l’école a toutefois enseigné que Dieu a voulu, au moins d’une certaine manière, la forme extérieure de l’Écriture. En effet, comme Dieu pourvoit à toutes choses selon leur nature, et, connue il est naturel à l’homme de passer aux choses intellectuelles par les choses sensibles, les choses spirituelles nous sont convenablement enseignées par des métaphores, tirées des choses corporelles. Siim. theol., I », q. i, a. 9. Dieu, auteur des Écritures, a accommodé les mots à la signification des pensées, a. 10. Le Saint-Esprit se servait de la langue du psalmiste comme un scribe se sert de son calame ; il est donc l’auteur principal du ps. xliv, et il parle par le psalmiste comme par un instrument. Mais l’Esprit écrit rapidement dans le cœur des hommes. Ceux qui ont la science par révélation divine sont subitement remplis de sagesse. Le psalmiste a d’abord pensé dans son cœur, il a parlé ensuite et enfin il a écrit : In Ps. XLIV, 2. L’inspiration du psalmiste a donc consisté

surtout dans la révélation des pensées qu’il devait exprimer de vive voix et par écrit. Les apôtres ont été divinement instruits dans les langues de toutes les nations quantum requircbatur ad fidei doclrinam ; sed quantum ad qussdam quæ superadduntur Immana arle ad ornatum et ad élégant iam locutionis, apostoli instructi erant in propria lingua, non autem in aliéna. Sum. theol., IIa-IIæ, q. CLxxvi, a. 1, ad ! ">". Or, saint Thomas répondait ainsi à l’objection qu’il avait posée et qui constatait dans l’Épître aux Hébreux une éloquence plus grande que dans les autres Épitres. Cette éloquence ne lui venait donc pas du don des langues, et le raisonnement montre que le saint docteur était loin d’admettre l’inspiration verbale des Épitres apostoliques.

Au sujet des diverses métaphores qui désignent Dieu dans l’Écriture ; saint Thomas fait observer qu’elles ont été déterminées judicio Spiritus Sancti. Sum. theol., III », q. lx, a. 5, ad lum. Le Saint-Esprit ne les a donc pas dictées ; il a seulement influé sur le jugement de l’écrivain sacré, qui a déterminé leur emploi.

Selon saint Bonaventure, il n’y a pas, dans l’Évangile, de mots de trop, puisqu’ils y sont de par le Saint-Esprit. Expositio in c. Y Joannis, c. iv, t. vi b, p. 98 ; toutefois les mots n’y sont pas in se, sed in rébus quæ dictantur.

Au xve siècle, Alphonse Tostat rejette explicitement l’inspiration des mots faite aux prophètes et aux apôtres. Autant que saint Paul, les apôtres étaient inhabiles dans le langage, mais non dans la science. Chacun d’eux abondait suffisamment en pensées, parce que le Saint-Esprit sous la dictée duquel parlaient les saints hommes de Dieu, inspirait aux prophètes le sens des choses qu’ils devaient dire. Mais quand ils avaient compris ce qui leur était révélé, ils le disaient dans leur langage accoutumé. Aussi les uns ont parlé avec plus d’ornements que les autres. Ainsi les prophètes et les écrivains sacrés ont un style différent, de même qu’ils avaient une manière différente de parler. In Epist.. Hieromjmi ad Paulinum, c. iv. Interrogé par Marie, reine de Castille, sur le sens de cinq métaphores employées par Notre-Seigneur, l’évêque d’Avila, dans sa réponse, reconnut d’abord que ces métaphores se lisaient réellement dans un livre canonique et puisqu’elle se trouvent dans un livre, dont Dieu est l’auteur, elles reproduisent équivalemment les paroles de Jésus. Il faut donc conclure que le Seigneur lui-même les a prononcées, quoique le livre, d’où elles sont extraites ne le dise pas. Paradoxa, par. I, c. iii, V. La relation qui en est faite dans le livre canonique indique leur origine divine in génère, mais non in specie, c’est-à-dire suivant la manière dont elles ont été proférées, puisque toute parole rapportée dans l’Écriture, quelle que soit la manière dont elle a été révélée, est une parole divine. D’ailleurs, ces tropes ne se lisent pas textuellement dans l’Écriture ; ils n’y sont que pour le sens seulement, et toutefois on les dit proférés par Dieu. En effet, quand Dieu parlait par les prophètes, il ne mouvait pas leurs organes, comme faisaient les démons qui mouvaient les organes des exaltés qu’ils animaient ; il éclairait seulement leur intelligence pour qu’ils comprissent ce qu’ils n’auraient pas pu comprendre autrement, et il leur indiquait ce qu’ils devaient annoncer aux autres, alors les prophètes formaient le verbe mental de ce qui leur avait été révélé, et ils voulaient l’exprimer en paroles, comme il leur plaisait, et c’est pourquoi on dit qu’ils parlaient et que Dieu leur donnait ce qu’ils devaient dire. De même, les apôtres parlaient, et Dieu parlait en eux, non pas sans doute en formant les paroles et en mouvant leurs organes, mais en dictant dans leur âme ce qu’ils pouvaient dire. In Matth., c. x, q. civ.

Ainsi Alphonse Tostat exposait l’opinion, qui devint prédominante dans les siècles suivants.

2° Du xrie siècle à la fin du xix^. — On a vu précédemment comment la dictée des mots de l’Écriture a été entendue, un peu diversement, pendant les premiers siècles jusqu’au xv^. A partir du xvie siècle, les opinions furent mieux tranchées. Tandis que les uns, partisans d’une révélation immédiate du Saint-Esprit, entendaient l’inspiration des prophètes au moins, sinon de tous les auteurs inspirés, comme une dictée proprement dite des mots, l’Esprit inspirateur s’accommodant au génie et au style des écrivains sacrés, Lessius restreignit la révélation immédiate, et par suite la dictée des mots, à un minimum de passages importants de la Bible, aux mystères et aux vérités que les écrivains sacrés ne pouvaient connaître naturellement. Pour le reste il n’exigeait qu’une assistance ou une direction du Saint-Esprit qui empêchait les écrivains sacrés d’errer dans le choix des expressions, propres à rendre exactement la pensée divine qui leur était inspirée. Cette opinion nouvelle s’est précisée progressivement ; elle a laissé de côté le terme de dictée, qu’elle avait reçu des anciens et qui pouvait cependant se concilier avec l’inspiration des pensées seulement, et elle est devenue prédominante dans les écoles catholiques, au point de supplanter finalement l’opinion de la révélation immédiate et de l’inspiration verbale. Voir col. 2174-2177,

3° A la fin du XI Xe siècle. — Déjà, en 1891, M. Dausch avait remarqué d’un mot saisissant que distinguer l’inspiration des choses et des mots, verbale et non verbale, était opérer une « vivisection » dans l’action vivante de l’Esprit inspirateur des Écritures. Die Schriliinspiralion, p. 240-241. M. Loisy avait adhéré à la pensée de M. Dausch, L’enseignement biblique, n. 2, mars-avril 1892, Chronique, p. 9. Un an plus tard, il déclarait au Père Semcria qu’il admettait l’inspiration verbale. Il n’avait jamais pu comprendre comment les Livres saints étalent inspirés pour le fond sans l’être pour la forme. Il attribuait à l’auteur inspiré les idées elles-mêmes qui étaient devenues siennes, parce qu’il les avait exprimées. Mais il n’expliquait pas avec précision comment il entendait l’inspiration verbale. L’enseignement biblique, n. 8, marsavril, 1893, Chronique, p. 20. Quand Léon XIII, en 1893, eut inséré la notion de « motion » dans la description de l’inspiration, il se produisit, comme nous l’avonsdit, col. 21 G2, une forte réaction contre l’opinion du cardinal Franzelln, qui distinguait l’élément formel de l’élément matériel de l’Écriture. Or, un des effets de cette réaction fut d’abandonner l’inspiration non verbale et de reprendre l’opinion de l’inspiration verbale, mais en la modifiant. Au sentiment nouveau, les mots de l’Écriture n’ont pas été immédiatement révélés ou dictés par le Saint-Esprit ; ils n’ont pas même été suggérés aux écrivains sacrés, qui connaissaient la langue dont ils se servaient ; mais ceux-ci ont employé et’écrit les mots sous l’influence de la motion inspiratrice, qui les avait décidés à écrire et qui agissait sur eux tout le temps qu’ils écrivaient. L’impulsion divine se faisait sentir dans tous les actes de la rédaction du livre qu’ils rédigeaient, et ainsi pas un seul mot de leur œuvre ne fut écrit qu’en vertu de l’impulsion initiale du Saint-Esprit.

L’extension de l’influence motrice du Saint-Esprit à la rédaction du livre ne se fit pas tout de suite. Bien qu’il admît la motion divine, le P. Cornely n’avait pas étendu son action jusqu’à la rédaction des Livres saints, et, pour la détermination de la forme extérieure, l’assistance divine lui paraissait suffisante. Manuel d’introduction, p. 492-494. C’était encore la pensée de Léon XIII : l’impulsion initiale était complétée par l’assistance divine, et M. Vacant Tinter

prétait ainsi. Études théologiques, etc., t. i, p. 467.

C’est M. Levesque, prêtre de Saint-Sulpice, qui a t-mis le premier la nouvelle conception de l’inspiration verbale. II a écarté à la fois la simple assistance négative pour le choix des mots et la dictée. Il n’y a pas plus de révélation et de dictée pour les mots que pour les idées. Dieu ne transmet pas par la plume des écrivains sacrés un livre tout fait ; il le leur fait faire. L’action inspiratrice meut et dirige toutes les facultés de l’auteur inspiré, en leur laissant leur jeu naturel et libre. Dieu fait concevoir vouloir, et exécuter par l’écrivain sacré tout le livre. L’hagiographe exécute son travail comme un écrivain ordinaire qui choisit les expressions propres à rendre ses idées, les arrange, les dispose d’une façon personnelle. Ainsi, la rédaction est vraiment de lui tout entière, mais elle est produite sous l’influence de la motion divine initiale. Essai sur la nature de l’inspiration des Livres saints, dans la Revue des Facultés catholiques de l’Ouest, décembre 1894, Angers, t. v, p. 212-213.

Quelques mois plus tard, et par un autre procédé, le P. Pègues, dominicain, , tirait la même conclusion d’Une pensée de saint Thomas sur V inspiration scripturaire, dans la Revue thomiste, mars 1895, Paris, t. iii, p. 105-111. Cette pensée est que Dieu est la cause iirincipale et les écrivains sacrés les causes instrumentales de l’Écriture. Or, dans la causalité, l’ettet tout entier est de l’instrument autant qu’il l’est de l’agent principal. Dans l’Écriture sainte, tout le livre inspiré est à la fois de Dieu et à la fois de l’homme. Il n’y a donc pas en elle un seul iota ou un seul accent qui ne soit de Dieu, comme il n’y a pas une seule proposition qui n’ait passé par l’action propre de l’instrument humain. Tout ce que l’homme a produit dans l’effet, il l’a produit sous la motion de Dieu, l’agent principal. Cf. A propos de l’inspiration des Livres *saints, dans la Revue biblique, janvier 1907, p. 76-79.

Au mois de juillet 1895, M. Levesque revenait sur l’inspiration verbale dans un compte-rendu critique des Questions actuelles d’Écriture sainte du P. Brucker, Paris, 1895, p. 40-53. Le jésuite combattait l’inspiration verbale, qu’il considérait comme une sorte de révélation des mots. Mais la révélation, disait le critique, n’existe pas plus pour les mots que pour les idées. L’inspiration verbale s’allie parfaitement avec les variétés de style des écrivains sacrés, avec les divergences et même les contradictions apparentes qu’on constate entre eux dans la relation d’un même fait ou d’un même discours. Elle est, en outre, beaucoup plus conforme à la manière de parler des Pères et à leur conception, qu’on a abandonnée, parce qu’on a considéré l’inspiration comme une dictée des mots. M. Levesque renouvelait son exposition de l’action inspiratrice qui fait concevoir, vouloir et exécuter par l’écrivain sacré ce que Dieu veut. Revue biblique, 1895, p. 422-423.

Le P. Lagrange ayant demandé au P. Pègues un supplément de lumière sur l’action exercée par la motion divine sur les facultés de l’écrivain inspiré. Revue biblique, octobre 1895, p. 566, un de ses correspondants s’étonna qu’il se fût rallié à la théorie de l’inspiration verbale. N’enlevait-il pas ainsi à l’écrivain sacré ce qui lui restait dans la composition des Écritures ? Faut-il donc le concevoir comme un scribe, écrivant, au sens propre du mot, sous la dictée du maître ? Le P. Lagrange répondit que si l’inspiration verbale s’entendait ainsi, il n’y fallait pas revenir. L’inspiration doit être admise, qui ne gêne l’écrivain sacré ni dans le libre choix des expressions ni dans la formation libre de ses concepts. Pour expliquer sa pensée, le P. Lagrange ébaucha une théorie générale sur la nature de l’inspiration d’après saint Thomas. Inspiration des Livres saints, dans la Revue

biblique, avril 1896, p. 200. Quant à l’inspiration verbale, il n’admettait, sauf dans des cas particuUers hors de cause, ni la dictée à l’oreille, ni même une révélation immédiate des mots au moyen d’images infuses. Mais il comprenait encore moins que l’expression de jugements dus à une lumière divine fût considérée comme une chose purement humaine. Dieu donnerait les pensées et laisserait trouver l’expression, se contentant d’une assistance négative, tout prêt à intervenir si l’écrivain trahissait par l’expression la vérité de la pensée. Cela paraît un non-sens. Si même la pensée pouvait être présentée à l’écrivain toute prête à écrire, il est dilTicile de comprendre que cette pensée, préparée par Dieu, ne fût pas exprimée déjà en termes adéquats et que le choix de son expression fût abandonné à la liberté de l’homme inspiré. Il est plus logique de penser que l’action divine, qui a éclairé l’intelligence, qui a fait connaître la vérité, influe aussi sur le choix des mots. L’inspiration est donnée pom’écrire un livre, on comprend qu’elle s’étende au livre entier et à sa rédaction complète. Ibid., p. 214-215.

Ce retour a l’inspiration verbale n’était pas une tendance isolée ; c’était tout un mouvement qui se produisait. M. Chauvin suivit le mouvement et présenta l’opinion de l’inspiration verbale comme « très probable ». Il établit donc qu’il était « tout à fait conforme au langage de la Bible, à l’esprit de l’ancienne synagogue, aux traditions des saints Pères, et aux données de la psychologie, d’admettre que Dieu a inspiré dans l’Écriture les mots avec les pensées. » L’inspiration des divines Écritures, 1897, p. 172-204. < L’inspiration des mots suit l’inspiration des pensées, comme un corollaire réclamé par les lois de la psychologie. Ce qui serait extraordinaire, plutôt, c’est que les mots ne fussent pas inspirés avec les idées. Ce divorce demeurerait philosophiquement inexplicable, » p. 180, note. Saint Thomas l’avait dit d’un mot : Modus significandi sequitur modum intelligendi. Sum. theoL, I", q. ia’, a. 2, ad 2>"n. Cette fois, c’était une thèse complète, en règle et en forme. Voir encore Chauvin, Levons d’introduction générale, Paris, 1898, p. 58-G2 ; Encore l’inspiration biblique, dans la Science catholique, mars 1900, p. 163-171.

Sans en faire une thèse spéciale de son traité, le P. Zanecchia fit découler l’inspiration verbale de la notion inspiratrice, exposée d’après la doctrine de saint Thomas, soit par mode de conclusion, soit en réponse à des objections. L’action de Dieu, l’agent principal, a dû s’étendre jusqu’aux expressions qui devaient être aptes à rendre la pensée divine ; elle a laissé toutefois aux écrivains sacrés la liberté de choisir sous la prémotion divine, les mots convenables et exacts. Elle est une conséquence de la doctrine de saint Thomas sur la causalité divine et sur la cause principale et la cause instrumentale. Divina inspiratio sacrarum Scripturaram (1906), p. 80, 167, 195, 196, 206, 209, 220.

La théorie nouvelle rencontrait cependant des contradicteurs. Le P. Brucker ne trouvait pas suffisante la formule de M. Levesque, que Dieu fait (aire, et il y substituait cette autre que Dieu laisse faire. Il en concluait que, dans l’Écriture, Dieu n’est pas cause de tout. Le style, les imperfections, les contradictions apparentes sont exclusivement de l’écrivain. Au P. Pègues, le P. Brucker opposait ces conclusions que, dans son hypothèse, divins sont les solécismes des Épîtres, divines les variantes des paroles de la. consécration. Ces conclusions ne rendent pas facile la tâche des exégètes. Enhn, l’inspiration des mots ne sort pas logiquement du principe de saint Thomas, qu’on invoquait. II trouvait cependant « très acceptable » l’explication que le P. Lagrange avait donnée du sentiment de saint Thomas. Questions scripturaires.

(

I

dans les Études, 5 janvier 1894, p. 116-119. Cf. L’Éijlise el la critique biblique, Paris, s. d. (1907), p. 44-45.

Le P. Dutouquet exposa la nouvelle explication de l’inspiration verbale, à laquelle il reconnut une vraie probabilité. Avec elle tombent toutes les objections justement soulevées contre l’intolérable dictée des mots ; les expressions ne sont plus dictées ni révélées par Dieu. L’argument tiré de la psychologie, établit une connexion naturelle entre les pensées et les mots. Toutefois, la pensée entraîne-t-elle nécessairement tel mot qui l’exprime ? S’il en était ainsi le choix du mot reviendrait encore à l’auteur inspiré. Mais cette liaison invariable n’existe pas, et il y a diverses expressions adéquates de la même pensée. La disjonction entre l’idée et son expression apparaît manifeste. L’inspiration des idées peut donc suffire, et les écrivains inspirés ont gardé le libre choix des mots qui rendaient exactement la pensée divine. Finalement, la question est de savoir si la motion divine s’étend à toutes les facultés de l’écrivain, ou seulement aux facultés supérieures. La psychologie de l’inspiration, dans les Études, mars 1900, p. 164-171.

Le futur cardinal Billot maintint le mot de dictée, mais en l’expliquant de manière à le distinguer de l’ancienne dictée à l’oreille. Dieu a dicté par suggestion, suggerendo diciavit, les Livres saints avec toutes leurs parties aux écrivains sacrés qui lui servaient d’instruments dans leur composition. La dictée ne doit pas s’entendre d’une dictée des mots, telle que serait la dictée d’un maître d’école à ses écoliers, ou même celle d’un pape ou d’un évêque à un secrétaire, car, dans ce dernier cas, seul le pape ou l’évcque est l’auteur de la lettre qu’il a dictée mot à mot et le secrétaire n’est qu’un copiste. Mais, dans l’Écriture, si Dieu est l’auteur principaUl’écrivain sacré est aussi l’auteur, secondaire il est vrai, mais auteur réel du livre. Or, pour sauvegarder cette collaboration, la dictée doit s’entendre, non d’une dictée matérielle, mais d’une dictée d’un ordre plus élevé, hoc est per interiorem molionem seu instinctum ad concipiendum menialiter sentent ias et propositiones quas Deus ad nos per hagiographos dirigere volait, easqiie sic conceptas scripto consignandum. Cette motion Intérieure porte donc d’abord l’hagiographe à concevoir mentalement tout ce ciui doit entrer dans le livre dont Dieu lui a suggéré l’idée, puis sur la consignation par écrit de ces idées. Or, elle le porte à écrire tout ce qu’il a conçu devoir entrer dans son livre. Mais ce livre présentera, pour les modalités de la conception et du style, le caractère de l’homme inspiré, sa cause instrumentale, et le P. Billot fait à la rédaction du livre inspiré l’application de la doctrine de saint Thomas sur la double activité de la cause principale et de la cause instrumentale. De ces thèses il tire enfin ce corollaire, que Dieu suggère à l’hagiographe non pas les pensées seules in abstracto, mais tout le contexte in concreto et inséparablement les mots qui expriment les pensées. Aussi rejette-t-il, lui aussi, le « vivisection » qui, dans l’action de l’inspiration sépare les mots des idées. Il ne repousse pas même avec horreur la prémotion physique, et il admet que les Livres saints sont tout entiers dans leur composition, a Dec ut præmovente hominem et ab homine ut moto a Deo. De inspiratione sacrse Scripturæ, Rome, 1903, passim. Les explications du P. Billot ont été pleinement adoptées par le P. Méchineau, L’idée du livre inspire, Bruxelles, 1907, p. 118-120.

Après avoir exposé la nouvelle opinion, présentée par les PP. Lagrange et Zanecchia et dans The American ecclesiastical review, janvier 1901, p. 3 sq., le Père Christian Pesch déclara qu’elle était entièrement hors du sujet. Les partisans de l’inspiration non verbale admettent la motion de la volonté et l’illumination de l’intelhgence des écrivains sacrés, d’où partent les

tenants de la nouvelle opinion, mais, au sujet de l’expression des pensées divines, ils se contentent d’une direction ou de l’assistance de Dieu pour que les termes convenablement choisis rendent exactement les pensées, présentées par Dieu à l’intelhgence des écrivains inspirés. Les théologiens sont donc d’accord au sujet de l’action divine sur les auteurs sacrés, ils ne diffèrent, au sujet de la rédaction des Livres saints, que par une question de mots. Mais la nouvelle manière de l’énoncer, qui n’est pas nécessaire, n’est pas heureuse ; elle soulève des difficultés qu’elle ne résout pas. Ses partisans ne l’expliquent pas de la même manière et ne sont pas d’accord entre eux. C’est une question qu’il est impossible de trancher définitivement et il n’y a pas lieu d’innover. Apparatus ad historiam cosevam doctrime inspircdionis pênes catholicos, trad. latine des Theologische Zeilfragen, iii « série, FrIbourg-en-Brisgau, 1902, Rome, 1903, p. 88-104.

Comme le P. Pesch avait discuté spécialement les arguments du P. Zanecchia, celui-ci riposta vigoureusement, résolut les difficultés proposées à son sentiment personnel, attaqua l’opinion de Franzelin, que Pesch et van l’Casteren avaient défendue et montra qu’entre les deux explications il y a plus qu’une question de mots et qu’il y a une réelle divergence de fond : elles diffèrent non seulement dans les conséquences tirées des principes, mais dans les principes eux-mêmes, qui expliquent l’action de Dieu sur les écrivains sacrés. Scriptor sacer sub divina inspiratione, p. 83-109.

Le P. Pesch est revenu sur la question. Il a passé au crible d’une solide critique certains arguments de la nouvelle école, fle inspiratione sacræ Scripturæ, 1906, ' p. 476-482, sans aller cependant au fond du débat. Il a exposé l’ancienne explication de l’inspiration non verbale, p. 482-485, pour conclure ainsi : Quoique psychologiquement il ne puisse se faire que le jugement formé par un écrivain inspiré sur les choses qu’il doit écrire n’influe pas sur l’élocution matérielle, aucun argument solide ne peut toutefois prouver que tous et chacun des mots matériels de l’Écriture ont été déterminés par Dieu in individuo en vertu du charisme de l’inspiration ; il y a plutôt des raisons qui persuadent qu il n’en a pas été ainsi. Pour lui, l’assistance négative suffit à empêcher l’écrivain sacré de mêler ses propres pensées à celles de Dieu, p. 485-486. Le Père Brucker a distingué la révélation elle-même, ou manifestation d’une vérité nouvelle, de la dictée des mots proprement dite, et il n’a pas admis que l’auteur inspiré « n’ait eu que la peine de mettre par écrit ce que le Saint-Esprit lui suggérait. « L’inspiration des prophètes était précédée et accompagnée de révélations proprement dites : « de même, à cause de leur importance particulière, certains enseignements ont pu être plus ou moins littéralement dictés par le Saint-Esprit. » L’Église et la critique biblique, Paris, s. d. (1907), p. 43-45.

La notion de l’inspiration, telle que le P. Calmes l’a exposée, voir col. 2169, aboutit à étendre l’action divine à l’exécution du livre, donc à l’inspiration verbale.

Le P. Bainvel, toujours modéré, a pris une position mitoyenne. Pour exposer sa pensée, il suffira de transcrire l’énoncé nuancé de sa thèse iW : 1) Si nomine inspirationis verbalis intelligitur aliqua quasi dictatio vel suggestio ipsorum verborum a Deo (l’ancienne dictée et non pas celle qu’expose le cardinal Billot), admitti inspiratio verbalis per totam Scripturam nequit, sicut neque reveledio aut suggestio conceptuum. 2) S in intelligitur motio specialis sacri scriptoris in elocutione, ita ut non minus uerba quam conceptus dependeant ab influxii illo speciali inspirationis, a) non putamus quidem vel necessario nexii conjungi inspirationem verbalem cum inspiratione conceptiium, vel salvam non esse iillo modo rationeni libri inspirati si guis negct inspirationcm verbalem (donc, l’inspiration non verbale peut se soutenir au point de vue théologique ) ; b) eam iamen admillimus, ut probabiliorem et magis cohærentem psyehologice explicationem, contra quam nihil afferi possit quod valent. De Scriptura sacra, Paris, 1910, p. 133-134. Cf. p. 134-140.

Pour mon compte, je me suis borné à exposer avec sympathie la nouvelle opinion et à lui reconnaître une certaine probabilité. Art. Inspiration, dans le Dictionnaire de la Bible de M. Vigouroux, Paris, 1903, t. III, col. 909-910. Le P. Durand a fait de même, sans se prononcer au point de vue apologétique. Art. Inspiration de la Bible, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique de d’Alés, Paris, 1913, t. ii, col. 906-908. La nouvelle opinion a pénétré dans de récents manuels de théologie et d’Écriture sainte. Cf. A. Tanquerey, Synopsis theologise dogmaticæ fundamentalis, 15= ! édit., 1914, t. i, p. 675 ; J. Ducher, Manuel biblique, 14e édit., Paris, 1917, t. i, p. 54-56. A mon sens, non seulement elle a reçu droit de cité dans la théologie catholique, mais, de plus, si elle ne s’impose pas, au point de rendre improbable l’opinion qui laisse aux écrivains sacrés le libre choix des expressions qui rendent bien, sous l’assistance du Saint-Esprit, les pensées de Dieu, elle me paraît être un progrès au point de vue de la psychologie de l’inspiration. Mes conclusions sont donc à peu près identiques à celles du P. Bainvel, et je ne recours pas plus que lui à une suggestion des mots.

V. Effet principal, l’inerrance.

Dès lors que l’Écriture sainte est la parole de Dieu écrite sous l’inspiration du Saint-Esprit, les Pères de l’Église et tous les théologiens catholiques en ont conclu que, Dieu ne pouvant se tromper ni nous tromper, sa parole écrite est infailliblement vraie, qu’elle ne contient aucune erreur et qu’elle ne peut même en contenir aucune. Cette exemption d’erreur de fait et de droit, qui est une conséquence et un effet de l’inspiration biblique, a reçu le nom d’inerrance. Mais, si l’Écriture est divine dans son origine première, elle est aussi, sous un autre rapport, une œuvre humaine, puisqu’elle a été rédigée par des hommes qui, tout en écrivant sous la motion divine, ont donné à la pensée de Dieu qu’ils exprimaient leur cachet personnel, leur style propre, leur manière de présenter la vérité conformément au genre littéraire de leurs écrits, aux circonstances de leur temps et de leur milieu. Il en résulte que la vérité divine n’est pas absolument parfaite dans son expression, soit que les écrivains sacrés aient eu leur part personnelle dans la rédaction des Livres saints, soit que la motion divine ait laissé aux instruments qu’elle mettait en œuvre leurs imperfections natives. La vérité infaillible de l’Écriture est donc mêlée à des imperfections de cette nature, dont il faut tenir compte pour la bien comprendre et la bien exposer. Or, ce double effet de vérité infaillible du côté de Dieu et d’imperfections d’exposition de la part de l’homme a été, au cours des siècles, plus ou moins nettement envisagé. Dans le passé, l’aspect divin a été principalement envisagé, tandis qu’aux époques, plus rapprochées de nous, de science rationnelle et de critique, les imperfections humaines de l’Écriture ont apparu davantage et ont été parfois taxées d’erreurs de fait. Il faudrait donc étudier l’inerrance de la Bible tant au point de vue de l’inerrance de droit que de l’inerrance de fait. L’inerrance de fait est plutôt l’objet direct de l’apologétique ou de l’exégèse ; l’inerrance de droit, est spécialement du ressort de la théologie. C’est donc elle qui sera surtout considérée ici. Toutefois, en la traitant, on ne négligera pas, à l’occasion, de noter à l’aide de quels principes les Pères et les théologiens ont résolu les problèmes que soulèvent les erreurs apparentes des Livres saints.

L’inerrance biblique, en effet, n’est pas affirmée par l’Écriture elle-même. Les paroles de Notre-Seigneur et des apôtres, qui attestent l’accomplissement des prophéties messianiques, Matth., v, 18 ; Joa., x, 35 ; Luc, XXIV, 44 ; Act., i, 16, ne visent qu’indirectement l’infaillibilité des écrits de l’Ancien Testament. Mais cette inerrance, sans avoir été encore directement et explicitement définie par l’Église, a toujours été crue et affirmée résolument par l’enseignement des écrivains ecclésiasiques et des théologiens catholiques comme une conséquence rigoureuse du dogme de l’inspiration, Suivant notre méthode précédente, nous en suivrons la manifestation telle qu’elle s’est produite au cours des siècles.

I. CHEZ LES PÈRES ET LES ÉCRIVAINS ECCLÉSIASTIQUES.

Dès la fin du iie siècle, saint Irénée dit à ses lecteurs, de ne pas s’étonner s’ils ne comprennent pas absolument tout ce que renferme l’Écriture. Ils doivent céder à l’autorité du créateur, parce que les Écritures sont parfaites, ayant été dites par le Verbe de Dieu et son Esprit. Leur science est inférieure à celle du Verbe et de l’Esprit. S’il y a donc des choses créées, dont la connaissance est naturelle, et des mystères qui sont enseignés par les Écritures, il faut croire à leur accord, parce que toute l’Écriture a été donnée par Dieu. Conl. hær., t. II, c. xxxviii, n. 2, 3, P. G., t. vii, col. 804-805.

Saint Hippolyte dit : « Sachons que l’Écriture ne peut nous tromper en aucune chose. » In Daniel., i, 28, Hippolytus Werke, édit. Bonwetsch, p. 41. « L’Écriture ne ment pas du tout et l’Esprit Saint n’a pas trompé ses serviteurs les prophètes, par qui il lui a plu d’annoncer aux hommes la volonté de Dieu, pour qu’en voyant leur accomplissement nous ne soyons pas trompés. » Ibid., iii, 8, p. 136.

Clément d’Alexandrie déduit la vérité et la certitude de l’Écriture de son inspiration. Il dit, en effet, que les hommes inspirés par Dieu ne donnent pas de fausses raisons et ne tendent pas de pièges pareils à ceux que la plupart des sophistes tendent aux jeunes’gens. Strom., II, c. ii, P. G., t. viii, col. 937. Celui qui croit fermement aux divines Écritures, reçoit une démonstration, à laquelle personne ne peut contredire, celle de Dieu même qui a donné les Écritures. Ibid., col. 941. Cf. c. IV, XI, col. 944, 984.

Origène fait remarquer que les évangélistes ne mentent pas et ne se sont pas trompés, quand ils ont raconté diversement les mêmes faits, //i Joa., t. vi, n. 18, P. G., t. XIV, col. 25 7. Dans les exemplaires des Évangiles il y a des erreurs de noms, comme dans les manuscrits des Grecs et des livres de l’Ancien Testament ; mais il n’y a pas de mensonges. Ibid., n. 24, col. 269, 272. Origéne recourt au sens spirituel et anagogique pour expliquer les divergences apparentes des récits évangéliques, car si ces divergences n’étaient pas expliquées, il faudrait cesser de croire aux Évangiles comme s’ils n’étaient pas vrais ni écrits par l’Esprit de Dieu. Ibid., tom. x, n. 2, col. 309, 312. Cf. n. 15, col. 345. Si vraiment nous croyons que les Évangiles ont été écrits par le Saint-Esprit, nous devons croire que ces écrivains ne se sont pas trompés dans leurs récits. In Matth., tom. xvi, n. 12, t. xiii, col. 1409. En Matth., xxvii, 9, cependant Origène reconnaît une errorem scripturæ, col. 1769. L’entend-il d’une erreur de l’hagiographe, ou d’une erreur de copistes ? Le doute est d’autant plus fondé que nous ne possédons de son ouvrage que la traduction latine de Rufin, qui est souvent fautive. L’attribution d’une erreur à l’hagiographe ne cadre pas avec la pensée d’Origène, expressément énoncée dans le même com2209

INSPIRATION DE L’ÉCRITURE

mentaire. Enfin, la traduction elle-même peut s’entendre d’une « erreur d’écriture », c’est-à-dire d’une faute de copiste. Il n’y a rien de faux dans l’Écriture, parce que le Saint-Esprit n’est pas menteur. In Joa., corn, xx, n. 23, t. xiv, col. 641 ; corn, xxvin, n. 14, col. 720. Celui donc qui lit l’Écriture et l’entend autrement qu’elle n’est écrite, se trompe. Celui qui l’écoute et qui l’interprète comme il faut l’entendre vraiment, celui-là voit la vérité. In Ezech., homil. II, n. 5, t. xiii, col. 986. Cf. liomil. vi, n. 11, col. 719 ; homil VII, n. 1, 2, col. 720. Que personne ne pense que les Écritures sont erronées ou contiennent quelque chose de mauvais et que nul ne craigne d’y trouver des erreurs, elles ont en elles-mêmes les paroles et les raisons de la vérité. In Luc, homil. xix, t. xiii, col. 1850.

En preuve de la doctrine chrétienne, saint Cyprien citait avec confiance l’Ancien et le Nouveau Testament, parce que celui qui craint le Seigneur sait que les choses prédites par les paroles de Dieu sont créées et que l’Écriture ne peut mentir. De opère et eteemosynis, 8, P. L., t. IV, col. 608, et parce que la vérité est proférée par un prophète sous l’inspiration de l’Esprit de Dieu. Ad Demetrianum, 11, col. 552.

Saint Denys d’Alexandrie enseignait que personne ne peut contredire les paroles de l’Écriture. In Ecclesiasten, dans Pitra, Spicitegium Solesmense, 1. 1, p. 18. Pour le martyr saint Pamphile, la vérité se trouve dans l’Écriture inspirée, Apologia, c. ii, P. G., t. xvii, col. 552, et celui qui la contredit est hérétique, ’col. 553-554, 555.

Selon Eusèbe de Césarée, les prophètes avaient la connaissance vraie et exacte, non seulement des choses présentes, mais aussi dès futures, car ces hommes inspirés ne parlaient pas à la manière des hommes, mais sous l’inspiration du Saint-Esprit ils enseignaient sans ambiguïté ce qu’il faut croire, sans dire jamais aucune chose qui fût contraire à la vertu et à la vérité. Demonst. evangei, t. V, proœm., P. G., t. xxii, col. 348. Parce qu’elle est inspirée, l’Écriture est très vraie, Eclogie propheiarnm, t. I, c. viii, col. 1048, et elle ne peut contenir aucune erreur. C’est un crime audacieux et téméraire de prétendre que l’Écriture s’est trompée. In ps. xxxiii, t. xxiii, col. 289. Cf. de Montfaucon, Prseliminaria, c. v, 1, col. 25-26.

Pour Didyme l’Aveugle, toutes les Lettres divines sont des sources salutaires. In ps. xii, 2, P. G., t. xxx, col. 1357, et parce qu’elles viennent de l’Esprit dé vérité, elles ne peuvent aucunement mentir. De Trinilule, t. III, c. ii, col. 785.

Saint Cyrille d’Alexandrie, tient les hommes inspirés par l’Esprit comme dignes de foi et il enseigne qu’il faut ajouter foi aux paroles des saints. Aussi serait-ce une extrême folie d’y contredire, et d’accuser de mensonge, les discours du Saint-Esprit, car les hommes inspirés par cet Esprit ont prouvé par la probité de leur vie et leurs miracles qu’ils étaient saints, dignes de foi et des fils de la vérité. Conl. Julianum, t. VIII, P. G., t. lxxvi, col. 913, 936. Ceux qui parlent au nom de Dieu ne peuvent pas ne pas très bien parler et ne pas dire la vérité, puisqu’ils ont en eux la vérité. In Midi., t. lxxi, col. 688. Leur parole est toujours amie de la vérité, parce que l’Esprit de vérité, celui du Christ, parle toujours en eux. In Is., t. V, t. lxx, col. 1313. Comparant les livres hébreux, écrits en langage vulgaire, aux ouvrages des Grecs, au style orné et choisi, mais destitués de vérité, saint Cyrille dit que les Écritures, quoique moins soignées, ont l’éclat de la vérité, et que les chrétiens, tout en admirant les charmes littéraires de la littérature grecque, lui préfèrent les Écritures, qui enseignent la vertu. Ibid., t. VII, col. 860. Les hérétiques détournent à leurs erreurs la pensée véritable de l’Écriture, De Trinitate, 2210

t. lxxv, col. 1189, mais leur fausse interprétation ne nuit pas à la vérité de l’Écriture. In Joa., proœm., t. lxxiii, col. 13. Les évangélistes aj^ant été inspirés par le Saint-Esprit, personne n’osera prétendre qu’ils sont en désaccord, car si l’on veut appliquer soigneusement son intelligence à la force de leurs paroles, on constatera qu’elles sont d’accord. In Joa., t. XII, col. 685.

Saint Jean Chrysostome a constaté que tout ce que les prophètes ont prédit au sujet des Juifs et du Christ s’est réalisé comme ils l’avaient annoncé. Les événements ont donc prouvé l’origine divine de l’Écriture. Or, si l’Écriture est divine, tout ce qu’elle dit de Dieu est vrai. In ps. iv, *i, P. G., t. lv, col. 57. Les deux Testaments sont d’accord sur la doctrine, et les apôtres ont le même enseignement que les prophètes. In dictum Pauli : Nolo vos ignorare, homil., n. 2, 3, t. Li, coK 244, 247. Cela provient nécessairement de ce que le même Esprit a mû la langue de David et a agi dans l’âme de Paul. De verbis apostoli : Habentes eumdem SpirUum, homil., n. 2, col. 291 ; In ps. cxv, n. 2, t. LV, col. 321. L’Écriture ne ment pas. Ad populum Antiochenum, homil. ii, n. 7, t. xlix, col. 44, et elle ne peut pas se contredire puisqu’elle a été écrite par un seul et même Esprit. Aussi le saint docteur explique-t-il les passages qu’on lui opposait et dans lesquels David affirmait l’existence de plusieurs cieux, tandis que Moïse ne parlait que d’un seul ciel. In Gen., homil. iv, n. 3’4, t. lui, col. 42-43. Les récits divergents des évangéhstes sont différents, mais ne se contredisent pas le moins du monde. In ps. XLl V, p. 8, t. LV, col. 194. Cet accord des récits divergents démontre fortement la vérité des Évangiles. La diversité en de petites choses et dans les circonstances des faits ne nuit pas à la vérité des récits. Les évangélistes n’ont pas tous raconté les mêmes miracles, chacun en a rapporté de particuliers ; toutefois tout ce qu’ils ont écrit n’est pas nouveau ni différent, plusieurs ont rapporté beaucoup de choses communes. Ils diffèrent sans se contredire, parce que la vertu divine opérait tout en eux tous. In Mallh., homil. ii, n. 2, 4, t. Lvn, col. 16, 18 ; De Lazaro, conc. i, n. 6, t. XLviii, col. 970. Leur accord résulte de ce que le même Esprit les mouvait tous. In Joa., homil. iv, n. 1, t. Lix, col. 4 ; In qualriduanum Lazarum, t. l, col. 641 ; / ; ? paralyliciim, t. li, col. 51. Aussi saint Chrysostome a soin de montrer que les contradictions des Évangiles ne sont qu’apparentes. In Matth., homil. xxviii, n. 1, 2, t. lvii, col. 349-352 ; In Joa., homil. XXIII, n. 2, t. lix, col. 139 ; homlL xlii, n. 1, col. 248 ; De cruce et latrone, homil. n. n. 2, t. xlix, col. 411 ; In paralylicum, n. 4, t. li, col. 54, etc. Les quatre Évangiles ne forment donc qu’un Évangile, car ils disent les mêmes choses ; ils ne diffèrent pas Sià T-qy TÔiv TTTpOCTCûTcwv Staçopàv, mais ils sonc un Sià TT^v Tôiv eîpy^pévcov aupicpcoviav. In Epist. ad Gal., ci, n. 6, i. lxi, col. 622.

Polychronius, frère de Théodore de Mopsucste, regardait l’exemption de toute erreur comme une conséquence nécessaire de l’inspiration de l’Écriture, car il expliquait et conciliait les passages du hvre de Daniel, qui paraissaient se contredire. Cf. O. Bardenhewer, Polychronius, Brader Theodors von Mopsuestia and Bischof von Apamea, Fribourg-en-Brisgau, 1879, p. 15, 36, 37 ; P. Dausch, Die Schriftinspiration, p. 67.

Selon Théodoret, tous les prophètes ont reçu le même Esprit ; aussi ne se sont-ils pas contredits, car r Esprit-Saint est un esprit de vérité. In Ezech., xx^’I, 21, P. G., t. lxxxi, col. 1073.

Saint Basile disait que, si le Seigneur est fidèle dans toutes ses paroles, tous ses commandements, faits dans la vérité et l’équité, sont aussi fidèles, et

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il en concluait que c’est une défection manifeste de la foi et un crime d’orgueil de reprouver quelque chose du contenu de l’Écriture, ou d’y introduire quelque chose qui n’y est pas écrit. De fide, n. 1, P. G., t. xxxi, col. C79.

Saint Grégoire de Nysse prouve la vérité de tous les oracles de l’Écriture par l’accomplissement de quelques-uns d’entre eux, qui se sont réalisés comme ils avaient été prédits. Si tous sont vrais, l’annonce de la résurrection des morts doit être tenue pour conforme à la vérité. De hominis opifico, c. xxv, P. G., t. XLiv, col. 213 sq. On ne peut opposer à la vérité de l’Écriture qu’elle ait parlé des fables qu’admettent les gentils. Si Job a nommé sa îroisième fille Cornu Amallheæ, xlii, 13, il n’a pas cru ce qu’on raconte d’Amalthée, mais ce nom témoigne que la troisième fille de Jcb était très désireuse de tous les biens de la vertu. In Canl., homil. ix, t. xliv, col. 973, 976.

Saint Epiphane a constaté que les évangélistes avaient raconté certains faits dans des récits concordants, montrant ainsi qu’ils puisaient à la même source, mais l’un d’eux a raconté ce que les autres avaient omis, parce que le Saint-Esprit le lui avait accordé en particulier. C’est le cas pour saint Jean, et tout ce qu’il a dit sous la direction du Saint-Esprit est pleinement vrai et digne de foi. C’est d’après ce principe que saint Epiphane explique toutes les divergences des Évangiles, pour que personne ne soupçonne qu’une erreur* puisse s’y trouver. Hær., li, n. 5-31, P. G., t. XLi, col. 897-944. D’ailleurs, selon lui, il faut croire absolument que nulle part les paroles de l’Écriture ne sont contraires les-unes aux autres, quoiqu’elles paraissent se contredire pour ceux dont la foi n’est pas saine ou dont l’intelligence est trop faible. Hær :, lxxiii, n. 31, t. xlii, col. 46. L’Écriture, en ellet, qui ne s’écarte jamais de la vérité, ne se combat pas le moins du monde, mais en elle tout est dans un parfait accord. Hær., lxlx, n. 73, col. 324. Les saintes Lettres nous montrent donc très certainement la voie de la vérité. Hær., lviii, n. 10, t. xli, col. 1009, car tout ce que l’apôtre et toutes les saintes Écritures disent est vrai. Expositio fidei, n. 18, t. xlii, col. 820. Cf. col. 885 ; Anroratus, n. 63, t. xliii, col. 129. La raison, c’est que la vérité elle-même rend témoignage par les Écritures, Hær., lvii, n. 111, t. xli, col. 1000, et que le Seigneur ne peut mentir. Hær., LXix, n. 44, t. xlii, col. 272.

Saint Hilaire de Poitiers exalte l’importance des paroles de Dieu. Elles ne sont pas vaines ni terrestres ni légères. Tout ce qu’elles contiennent est vrai et parfait et purgé de toute contagion des vices. Elles sont toutes vraies et elles ne sont ni oiseuses ni inutiles. In ps. cxvili, lit. xviii, n. 5, P L., t. ix, col. 622. C’est un sacrilège des infidèles de penser que les paroles de l’Écriture manquent de doctrine parfaite, mais le saint docteur estime qu’il n’y a aucune des paroles célestes qui ne soit parfaite. Ibid., tit. vi, n. 1, col. 543.

Pour saint Ambroise, de ce que 1^ divine Écriture a été inspirée par l’Esprit de vérité, qui ne ment pas. De Spirilu Sanclo, 1. 111, c. xix, n. 14, P. L., t. xvi, col. 811, il résulte qu’elle n’erre pas même dans les plus petites choses et qu’elle ne peut se contredire. De A’oe et arca, c. xxxi, ii, 119, t. xxv, col. 413. On ne peut pas croire que les saints hommes de Dieu aient pu dire des choses cjui se contredisent ; aussi le saint docteur met-il tous ses soins à le démontrer. In Lucam, . III, n. 1, t. xv, col. 1589 ; I. X, n. 22, col. 1809, 1810. (k’iui donc qui suit les Écritures ne peut se tromper. Ibid., t. II, n. 12, col. 1556. Aussi, au concile d’Aquilée, l’évoque Ambroise dit : Anathema illi qui divinis Scripluris addit aliquid, mil minuit. Gesla, n. 36, t. xvi, col. 927. On n’y trouve rien qu’on puisse

reprendre, quoiqu’on ne le comprenne pas. De paradiso, c. II, n. 7, t. xiv, col. 277. Il n’y faut rien passer, il n’y a rien d’inutile. De Noc et arca, c. xv, n. 25 ; c. XVI, n. 57, col. 385, 387. Il faut recueillir la vérité de Dieu dans les oracles des prophètes, qui sont comme des nuées qui caclient les mystères de la connaissance divine. In ps. xxxv, n. 18, col. 901. Saint Ambroise juge donc de la substance et de la qualité du ciel et de la terre d’après les Écritures. Il rejette donc l’opinion des philosophes qui font des cieux et des astres une substance incorruptible (il vise ainsi Aristote), puisque l’Écriture dit que les cieux périront. Hexameron, I. I, c. vi, n. 21, 22, 24, col. 385, 387. L’Écriture lui apprend qu’il y a plusieurs cieux. Ibid., t. II, c. IV, n. 15, col. 152. Quoique Moïse fut instruit dans la sagesse des Égyptiens, parce qu’il avait reçu le Saint-Esprit, il n’a pas tenu compte de la vaine doctrine des philosophes, mais il nous a accommodé ce qu’il a vu en esprit. Il faut donc adhérer à ses paroles et ne pas mépriser comme vil ce qui nous a été dit par le Saint-Esprit. Ibid., t. VI, c. ii, n. 8 ; c. III, n. 9, col. 245.

Saint Jérôme a posé nettement le principe de l’infaillibilité des écrivains sacrés. Un prophète, dit-il, dès là qu’il est prophète, qu’il est envoyé par la divinité et qu’il parle au nom de Dieu, annonce la vérité. In Mich., t. I, P. L., t. xxv, col. 1174. Les paroles de Nahum sont donc sacrées, et il n’est pas permis de prétendre que l’Écriture ment. In Nahum, t. I, col. 1238. Celui qui veut croire à la parole de Dieu doit d’abord tenir pour vrai ce que les saints ont écrit. In Epist. ad Philem, t. xxvi, col. 609. Pour le saint docteur, tout donc est vrai dans la sainte Écriture ; aussi s’attache-t-il à montrer qu’il n’y a aucune contradiction entre les deux Testaments ni entre aucune de leurs parties. Son souci continuel est d’écarter même l’apparence d’une erreur dans la Bible, telle qu’elle est sortie des maiiLs des écrivains sacrés. Cf. L. Schade, Die Inspirationslehre des lieiligen Hieronymus, p. 48-65.

N. Peters, dans la Theologische Revue, Munster-en-Westphalie, 1910, col. 332-333, a prétendu que saint Jérôme avait reconnu des erreurs dans l’Écriture, mais les passages cités n’ont pas la signification qui leur a été donnée. Dans le premier, en effet, le saint docteur a seulement reproduit le sentiment d’autrui. Ayant fait observer que saint Matthieu, ii, 6, avait cité Miellée, v, 2, comme les scribes le citaient, afin de montrer leur négligence dans les citations de l’Écriture, il rapporte que des personnes affirment que presque toutes les citations de l’Ancien Testament, faites dans les Évangiles, sont erronées. In Mich., t. II, t. xxv, col. 1197. Dans le deuxième passage, il ne parle que d’une erreur de copiste, scriptoris errorem, genre d’erreur qui peut être invoqué dans certains autres cas, comme dans les chilTres des années des rois de Juda et d’Israël et dans quelques passages obscurs de l’Écriture. Epist., lxxii, n. 5, t. xxii, col. 676. Le troisième passage est emprunté à la célèbre lettre lvii » ^ à Pammachius, De optimo gchere interprelandi, dans laquelle saint Jérôme répond aux adversaires qui lui reprochaient d’avoir mal traduit la lettre de saint Epiphane à Jean de Jérusalem. Cf. J. Brochet, Saint Jérôme et ses ennemis, Paris, 1906, p. 124-126. Si sa version n’est pas littérale, elle rend néanmoins le sens de l’original. Les Septante, les évangélistes et les apôtres ont traduit de même l’Ancien Testament. C’est à ce sujet qu’il cite, n. 7, Matth. XXVII, 9, où une erreur de sens serait jointe à une erreur de mémoire. L’évangéliste rapporte, sous le nom de Jérémie, un passage de Zacharie, dont le texte diffère de ceux de la Bible hébraïque et de la version des Septante. Le fait constaté, saint Jérôme répond

énergiqueinent : Accusent aposlolum falsilads quod nec ciim hebrœo ncc cum Septuaginla corujrual iranslatoribiis, et quod bis majus est, er/et in nomine, pro Zacliaria quippe Hieremian posuit. Sed absit hoc de pedissequo Chiisti dicerc, cui curæ fuit non verba et syllabas aucupari, sed sententias dogmatum ponere. Corpus de Vienne, 1910, t. liv, p. 512. L’cvangéliste n’a donc pas commis d’erreur de fond, puisqu’il a rendu le sens de la parole de Zacharie. La citation de Zacharie est, pour le sens dans iMalacliie. In Mutth., t. XXVI, col. 205. Dans sa lettre à Pammachius, après avoir rapporté d’autres exemples, dans lesquels les évangélistes ont cité l’Ancien Testament quant au sens, sinon quant à la lettre, il conclut : Hoc replico non ut cvangelistas arguam falsitatis, hoc quippe impioram est Celsi, Porphyrii, Juliani, sed ut reprehensores meos arguam imperitiæ et impetrem ab eis venicun, ut concédant mihi in siniplici epistola quod in Scripturis sanctis, velinl nolint, apostolis concesssuri sunt, n. 9, Corpus, p. 517. Au début du n. 10, il signale encore les différences que le discours de saint Etienne, rapporté par saint Luc, Act., vii, présente avec la Genèse, mais il ajoute : Differo sotutionem et istius quæstiunculie, ut obtrectaiores mei quærani et intelligant non verba in Scripturis consideranda sed sensus. Ibid., p. 521-522. Cette quæstiuncula a été résolue dans le Liber hebraicarum quæstionum in GenesiiîJ, P. L. t. xxiii, col. 1001-1002, par l’emploi que saint Luc a fait de la version des Septante. Voir dom Sanders, dans la Revue biblique, 1905, p. 284-287. Si donc Jérôme avait reconnu dans les Écritures des « inexactitudes matérielles », comme on le prétend, alors qu’il déclare seulement que les évangélistes ont cité l’Ancien Testament quant au sens seulement, il reconnaîtrait qu’il aurait pu lui-même commettre de pareilles « inexactitudes » dans sa traduction de la lettre de saint Épiphane. Ce serait, de sa part, une singulière apologie. Il tenait toute inexactitude, même matérielle, comme incompatible avec l’inerrance biblique.

Aussi, dans l’encyclique Spiritus Paraclitus, Benoît XV a déclaré : « Saint Jérôme enseigne que l’inspiration divine des Livres saints et leur souveraine autorité comportent, comme conséquence nécessaire, la préservation et l’absence de toute erreur et tromperie », et il a cité un certain nombre de témoignages du saiint docteur, qui mettait tous ses soins à résoudre les difficultés, sauf à s’y reprendre à plusieurs fois. Acta apostûlicie scdis, 1920, t. xii, p. 391-393. Il conclut que saint Augustin ijartageait sur ce point, le sentiment de son correspondant de Betliléem : l’un et l’autre n’admettent aucune erreur dans les écrits des prophètes et des apôtres. Epist. cxvi, n. 3, t. xxii, col. 937.

Sur le « biblicisme strict » de saint Augustin, voir t. I, col. 2342. On y trouvera la substance du témoignage d’inerrance, donné dans sa lettre à saint Jérôme et rappelé par Benoît XV. Au sujet de la substitution du nom de Jérémie à celui de Zacharie (hms.Alatth., xxvii, 9, saint Augustin va jusqu’à dire : Quid ergo intclligendum est nisi, hoc actuin esse secretiore consilio providentiæ Dei, qua mentes cvangelistarum sunt gubernatœ? Potuit enim -fieri ut unimo Matthci Evangelium conscribentis pro Zacharia Jeremias occurreret, ut fieri solct, quod tamen, sine alla dubitationc emendaret, scdtem ab aius admonilus, qui adhuc in carne viventes hoc légère potuerunt, nisi cogitaret recordationi suæ, quæ Sancto Spiritu regebatur, non frustra occurrisse aliud pro alio nomen prophetee, nisi quia ita Dominus hoc scribi constitua. Et cette raison était de montrer l’admirable accord des prophètes entre eux, au point que ce que l’un avait dit pouvait être attribué à un autre. De consensu cpangclislarum, 1. 111, c. vii, n. 29, 30, P. L.,

t. xxxiv, col. 1174-1176. L’Écriture, d’ailleurs, ne loue pas les mauvaises actions qu’elle rapporte ; elle se borne à les raconter avec véracité. Cont. Faustum, I. XXII, c. Lx-Lxvii, t. XLTi, col. 437-443 ; Quccst. in Heptateuchum, t. VII, q. xlix, t. xxxiv, col. 813, 815. Voir A. V. DieckolT, Die Inspiration und Irrthumslosigkcit der heiligen Schrift, Leipzig, 1891, p. 11-31.

Le pape saint Léon I'"' déclare que, même si le sens caché de l’Écriture n’est pas encore connu clairement, les catholiques doivent néanmoins croire très fermement qu’il n’y a aucun mensonge dans les Livres divins. Serm., lxvi, c. i, P. L., t. liv, col. 364.

Pour saint Fulgence de Ruspe, l’autorité de l’Écriture est véridique. Epist., viii, c. iii, n. 4, P. L., t. lxv, col. 362, 363. Les deux Écritures, en effet, sont vraies, saintes, inspirées par Dieu ; c’est pourquoi il faut les conserver avec vénération, les écouter et les recevoir sans le moindre doute. Ni Paul ni les évangélistes n’ont aucunement menti. De veritate prxdesiinalionis, t. III, c. XI, 18 ; xii, 19 ; xiv, 23 ; col. 661, 663. Parce qu’elles nous ont été données par Dieu pour notre instruction et qu’elles sont divines, les Écritures sont vraies. De fide, c. ii, n. 8, col. 676.

Cassiodore déclare que celui qui croit que la vérité est dite dans tous les passages des Écritures divines, celui-là les comprend bien, et il en conclut que le psaume civ et la Genèse ont dit vrai au sujet de l’incarcération de Joseph, parce que l’Esprit Saint ayant omis quelques détails dans la première relation, la relation subséquente répare l’omission, quand, tout en gardant la vérité, elle ajoute quelque chose de nouveau. In ps. CIV, 18, P. L., t. lxx, col. 746. Pour faire ressortir la force du texte sacré, il admire l’ordre des mots : Præterita sine falsitate describunt, præsentia plus quam quod videntur, ostendunt. Ubique in eis Veritas régnât ubique divina virtus, irradicd. De institutione divinarum litlerarum, c. xvi, col. 1131. Il n’y a rien d’inutile ni d’oiseux dans les saintes Lettres. Ibid., c. XXIV, col. 1139. Les copistes de manuscrits ne doivent donc pas violer le moins du monde les Écritures. Si toutefois ils rencontrent des mots absurdes ils doivent les corriger intrépidement. Et il en donne cette raison : Audiat Spiritus Sanctus sincerissima quæ donavit ; recipicd ille beata quæ contulit. Ibid., c. XV, col. 1129. Par suite, un passage de l’Écriture est un indice de vérité. In ps. CV, 35, col. 763.

Dans les Livres Carolins, il est dit que les récits des Écritures ont été publiés sous la direction du Saint-Esprit, et on en conclut que la divine Écriture estvérace, chaste, très pure, t. II, c. xxx, P.L., t. xcviii, col. 1105, 1106. En eux, il n’y a rien de vicieux, d’inconvenant, d’impur, de faux, t. III, c. xxiii, col. 1164. L’Écriture rejette toutes les erreurs, t. I, c. ix, col. 1028.

Le Vénérable Bédé affirme que saint Luc écrivant sous l’inspiration du Saint-Esprit, n’a pu écrire rien de faux. Super Acta apostolorum, ad Accam epist., P. L., t. xcii, col. 938. Saint Jean, instruit par une révélation céleste et enivré de la grâce du Saint-Esprit a chassé toutes les ténèbres des hérétiques, la lumière de la vérité lui ayant été manifestée subitement. In S. Joa. Eu. expositio, 1. 1, col. 637 ; Homil., t. I, hoinil. viii, t. xciv, col. 49. Les autres évangélistes n’ont rien rapporté de contraire à saint Jean, mais ils ont omis le premier séjour du Christ en Galilée après son baptême. InMatth., t. I, c. iv, t. xcii, col. 21. Cf. In Marc, t. I, c. I, col. 140. Soient enim evangelistæ singuli sic omittere quædam, quæ vel ab cdiis commemorata viderint vcl ab aliis commemoranda in spiritu præviderint, ut continuata suæ narrationis série quasi nulla prætermississe videantur. In Luc, t. I, c. ii, col. 348. Aucun d’eux n’a pu écrire rien de faux. Ibid., t. II, c. vi, col. 393. En citant des prophètes au début de son

Évangile, saint Marc niontrait la vérité de ce qu’il écrivait, puisque cela avait été prédit par les prophètes remplis du Saint-Esprit. Toutefois, il ne nomme qu’lsaïe, quoique le second oracle qu’il cite soit de Xlalachie. Nec tamen falli aut fallere putandus est cvangcUsla, qui hoc scripium dicat quod Isaias non scripscrit, sed potins inldligendum quod, etsi non hicc verba quæ de Malachia posuit inveniuntur in Isaia, sensus tamen eorum invenitur in Isaia. Bède répète ensuite textuellement l’explication que saint Augustin a supposée possible. In Marc., t. I, c. i, col. 134-136. Cf. In Malllu, t. IV, c. xxvii, col. 120-121.

Raban Maur, pour résoudre la question si les mensonges des sages-femmes Égyptiennes sont approuvées par l’autorité divine, parce que l’Écriture dit que Dieu les a récompensées, répond que leur œuvre de miséricorde, et non leur mensonge a été digne de récompense. In Exod., t. I, c. II, P. L., t. cviii, col. 13-14. Les imprécations des saints contre les méchants, qu’on lit dans l’Écriture, ne sont pas des malédictions, puisqu’elles n’ont pas été prononcées par malice, mais par esprit prophétique. Le Saint-Esprit faisait prédire ce qu’il prévoyait devoir arriver par un juste jugement. In l. Judith, c. ix, t. cix, col. 564.

Walafrid Strabon déclare que l’autorité des livres inspirés est telle que tout ce qu’ils contiennent doit être fermement tenu pour vrai, et que tout ce qu’on en conclut manifestement doit jouir de la même vérité, parce qu’ils ont été faits par révélation divine, en laquelle il n’y a rien de faux. Glossa ordinaria, proleg., P. L., t. cxiii, col. 19-21.

Pour Haymon, évêque d’Halberstadt, la verge du calame, Apoc., xi, 1, signifie la rectitude de l’Écriture inspirée, dans laquelle il n’y a aucun mensonge, aucune erreur, comme il y en a dans les livres des philospohes, des Juifs et des hérétiques, dont la doctrine est pleine de mensonges. L’Écriture est droite en tout et elle est donc justement comparée à une verge. In Apoc, t. III, c. XI, P. L., t. cxvii, col. 1067-1068. L’Ancien et le Nouveau lestament, sont donc admirablement d’accord. Homil. de tempore, homil. xvi, t. cxviii, col. 119. Bien que l’Écriture soit la parole de l’Esprit Saint, elle parle cependant à la manière humaine. In Epist. ad Heb., c. x, t. cxvii, col. 899 ; Homil. de tempore, homil., cxii, cxiii, t. cxviii, col. 605-606.

Des calomniateurs prétendaient que presque toutes les citations de l’Ancien Testament qui sont, faites dans les Évangiles sont erronées : l’ordre des mots y est changé, ou bien le sens, au point que parfois il paraît différent. Les apôtres ou les évangélistes, disent-ils, ne les ont pas tirées des livres eux-mêmes, mais se fiant à leur mémoire qui se trompe parfois, ils les ont faites quelquefois à faux. Paschase Radbert répond à cette calomnie : Les apôtres et les évangélistes n’ont pas agi d’eux-mêmes, ils ont agi par la grâce du Saint-Esprit, auteur des anciennes Écritures et ainsi ils n’ont pas cité le contraire de ces Écritures mais ce qui leur paraissait opportun d’insérer des paroles divines. In Malth., 1. H, P. L., t. cxx, col. 126. Beaucoup aussi ont accusé les évangélistes d’erreur, parce qu’ils ne citaient l’Ancien Testament ni d’après le texte hébreu ni d’après la version des Septante et, ce qui est pire, qu’ils se trompaient de nom, en nommant Jérémie pour Zacharie. Paschase Radbert repousse l’accusation avec énergie. Sed absit fidclibus, de Chrisii evangelisla aliud sestimare dixisse quam quod in Spiritu Dei leyebat et diccbat Ecclesiæ Ciuisli filiis ! Avec saint Jérôme, il dit que l’évangéliste avait soin de citer le sens plutôt que les mots. Aussi explique-t-il Matth., xxvii, 9, de manière à garder fermement son texte, sans vouloir le corriger, et il emprunte sa réponse à saint Augustin. In Matth., t. XII, col. 932934. Il admet aussi l’accord parlait des évangélistes.

Aucun d’eux n’a rien imaginé de faux sur le Christ, comme beaucoup de Juifs le prétendent calomnieusement, ni n’a rien dit qui ne soit vrai, comme certains païens l’ont affirmé mensongèrement, ni n’a contredit pour le sens un autre, bien que ses paroles soient différentes ; Radbert réfute ainsi le sentiment de très nombreux ennemis de la vérité, puisqu’un seul Esprit a inspiré tous les évangélistes, ils ont eu une science unique et parfaite et la même foi touchaiit le Christ. Pour une démonstration plus ample, Radbert renvoie ses lecteurs au De consensu enangelistarum de saint Augustin, ita ut ex eo quod variant, divinior sensus intelligatur inesse illis et ajfluenlia Spiritus Sancli uberior. Ibid., t. X, prol. col. 735-738. Les Écritures d’ailleurs, ne peuvent être convaincues de fausseté, et leurs seules paroles suffisent à fournir une preuve. Ibid., 1, II, col. 100. Leurs auteurs parlent ordinairement d’eux-mêmes comme s’ils parlaient d’un autre. C’est l’Esprit Saint qui parle d’eux et qui dit la vérité sans la décolorer, quand eux-mêmes se cachent par humilité. Ibid., 1. "V, col. 369.

I. CBEZ LES THÉowoiENS. — Au xiie siècle, le

Juif converti, Pierre Alphonse, déclare que l’Écriture ne ment pas et en conséquence, que de deux prophètes, qui paraissent se contredire, aucun n’a menti. Dialog., fit. viii, P. L., t. clvii, col. 618-019. Saint Anselme tient certainement pour vrai, et non pour faux ce que le Saint-Esprit a dit par la bouche de son ami, le psalmiste. Epist., viii, P. L., t. clviii col. 1072. Il pense que les Septante ne se sont pas trompés en insérant Caïnan dans la liste des patriarches postdiluviens : ils ont dit ce qu’ils savaient être vrai et ils ont suppléé à ce que Moïse avait omis. Il ne faudrait pas conclure qu’Anselme admettait l’inspiration des Septante ; ce qu’il dit est pour sauvegarder celle de saint Luc : A’eque enim Spiritus Sanctus hoc in Evangelio posuisset, nisi verum omnino cssel. Homil., VIII, col. 635. L’Écriture ne trompe pas. Médit., XVI, col. 792. Aussi si quelqu’un est en contradiction avec la sainte Écriture, Anselme est certain qu’il est dans l’erreur, et il refuse d’admettre ce qu’il constate être contraire à l’Écriture. Cur Dcus homn, t. I, c. xviii, col. 388. Yves de Chartres reproduit les paroles de saint Augustin, qui affirment qu’il n’y a dans l’Écriture ni erreurs ni mensonges. Panormia, t. II, c. cxix, cxxi, P. L., t. cLxi, col. 1111-1112. Personne n’ignore que l’Écriture canonique tout entière surpasse toutes les lettres postérieures des évêques, ita ut de illa omnino dubitari et disceptari non possit, ulrum verum vel utrum rectum sit qùidquid in ea scripium constiterit esse. Decretum, part. IV, c. 227, col. 313.

Dans le prologue du Sic et non, Abélard expose son but : il veut comparer les écrits des Pères avec les Écritures. Il admet dans les deux séries d’ouvrages des altérations dues aux écrivains et aux copistes, mais si quelque chose lui paraît étranger à la vérité, il estime pieux, conforme à l’humilité et dû à la charité de croire que le passage de l’Écriture n’a pas été bien compris ou qu’il est corrompu ou qu’il ne le comprend pas. D’ailleurs, on peut trouver l’erreur et la fausseté dans les écrits des Pères comme dans les paroles des prophètes. Il est certain, en effet, que les prophètes ont parfois manqué de la grâce de la prophétie et qu’en prophétisant, parce qu’ils croyaient avoir l’esprit prophétique, ils ont prononcé quelques faussetés par leur esprit propre, et cela a été permis pour leur faire garder l’humilité, afin qu’ils connussent mieux ce qu’ils étaient par l’Esprit de Dieu et ce qu’ils étaient d’eux-mêmes. Bien plus, quand cet Esprit leur était donné, de même qu’il ne conférait pas tous les dons à un seul, il n’éclairait pas non plus sur toutes choses l’intelligence de celui qu’il remplissait, mais il lui révélait tantôt ceci tantôt cela, et quand il manifes 1

tait une chose, il en cachait une autre. Il ne faut donc pas s’étonner si les prophètes et les apôtres n’ont pas été complètement exempts d’erreur, si des erreurs sont constatées dans les nombreux écrits des Pères. Mais il ne convient pas d’accuser les saints de mensonge, parce qu’ils n’ont pas toujours dit la vérité ; ils l’ont fait, non par duplicité, mais par ignorance. Autrement, il faudrait accuser de mensonge saint Paul, qui a suivi son sentiment plutôt que la vérité, en énonçant son projet d’aller en Espagne, Rom., xv, 28. Autre chose est mentir, autre errer en parole et s’écarter de la vérité par erreur et non par malice. On peut donc lire les" écrits des Pères, sans être obligé d’y croire, mais en ayant la liberté de les juger. Cependant, l’autorité des livres canoniques est plus grande. Si quelque chose paraît absurde en eux, il n’est pas permis de dire : L’auteur de ce livre ne tient pas la vérité, mais il faut dire ou que le manuscrit est fautif, ou que le traducteur s’est trompé, ou que nous ne comprenons pas. Saint Augustin a dit que c’était une hérésie d’affirmer que dans les livres canoniques quel<[ue chose s’écarte de la vérité. Si l’on ne doit pas préjugpr l’opinion d’un docteur et s’il faut peser la raison de sa doctrine, cela a été dit des commentateurs, mais non des Écritures canoniques, auxquelles il faut ajouter ime foi indubitable. Abélard recommande le doute niétliodique. Le doute est nécessaire à l’investigation, par laquelle on parvient à la vérité. Et il faut appliquer cette méthode à l’Écriture : plus on le fait, plus on reconnaît l’autorité de l’Écriture. Sic et non, Proleg., P. L., t. clxxviii, col. 1339-1349. Ainsi donc, dès les Prolégomènes de son livre, Abélard applique sa méthode de dire le pour et le contre sur une question, sans rien conclure, voir t. i, col. 40, de sorte qu’après avoir exposé l’opinion que les prophètes avaient commis des erreurs, il rapporte, dans les termes mêmes de saint Augustin, l’enseignement traditionnel sur l’inerrance de l’Écriture. Il accorde à l’Évangile de saint Matthieu une plus grande autorité qu’ù celui de saint Luc. L’un a écrit ce qu’il a vii, l’autre ce qu’il a entendu ; Matthieu a bu à la source même, Luc à un petit ruisseau de la source. C’est pourquoi Abélard préfère le texte de l’oraison dominicale du premier à celui du second, sans toutefois accuser ce dernier de mensonge. Epist., x, col. 336.

Un des adversaires d' Abélard, Guillaume de SaintThierry, place, en théologie, l’autorité avant la raison. Il recourt donc à la sagesse qui s’appuie sur les paroles du Saint-Esprit. Hac duce vera de Deo novit, qui vere crédit. Argumentum mihi est, quod impulsionc nulla nutare potest quidquid veritas dicit in prophela, in Evangelio, in Aposiolo. Disputalio altéra adv. Abœlardum, l.-II, P. L., t. CLXxx, col. 297, 298. La foi certaine est fondée sur l’autorité des Écritures canoniques. /Enigma fidei, col. 398. Il faut donc croire à cette sublime autorité, qui ne trompe pas, ibid., col. 400, à laquelle il n’est pas permis de contredire, col. 408.

Un autre adversaire d’Abélard, saint Bernard déclare que la vérité de Dieu se trouve dans l’Écriture et que ceux qui ne l’acceptent pas saintement détiennent la vérité de Dieu dans le mensonge. In ps. ex, præf., P. L., t. clxxxiii, col. 186. Egoenim, ut verurn fatear, fam olim mihi persuasi, in sacri pretiosique eloquii lextu nec modicam vacare particulam. In Cant., serm. lxxii, n. 6, col. 1131.

Pour Hervé de Bourgdicu, parce que le Saint-Esprit qui ne peut ni se tromper ni mentir, parle dans l’Écriture, In Epist. ad Heb., P. L., t. clxxxi, col. 1555, l’Écriture est sainte et divine, c’est-à-dire elle ne prêche pas l’erreur, mais elle est remplie de vérité. Au contraire, les livres des païens, bien qu’ils aient des témoignages de la vérité, disent cependant des

erreurs et ne sont pas saints. In Epist. ad Rom., co. 600. Le feu du Saint-Esprit a éclairé et enflammé les prophètes ; d’où ce qu’ils ont annoncé par le Saint-Esprit ne doit pas être tenu pour faux, mais doit être cru vrai. In Epist. I ad Thess., col. 1384. Hervé définit la foi, ce par quoi nous croyons tout ce que les saintes Écritures nous intiment. In Epist. I ad Cor., col. 958.

Philippe de Harven constate que, dans les Écritures, on trouve des choses si didérentes qu’elles paraissent se contredire, mais, ajoute-t-il, parce qu’il n’est pas permis d’afilmier rien qui soit contraire à l’Écriture, pour qu’on ne puisse la convaincre de mensonge si elle se contredisait, il reste à la reconnaître vraie en tout et d’accord avec elle-même. Aussi un prudent lecteur avec l’aide de la grâce le comprendra. Epist., i, P. L., t. cxiii, col. 1. Le lecteur, en effet, doit savoir que tout ce que l’Écriture canonique affirme est vrai, quoique cela ne soit pas compris de la même manière par tons. Epist., ii, col. 18.

Aelred observe que, pour discerner avec certitude de la relation du Saint-Esprit, l’erreur des hommes ou la suggestion des démons, on a la règle de la foi, les promesses de l’espérance et le préceptes de la charité, de telle sorte que toute pensée qui vient à l’esprit et qui ne s’y accorde pas, doit être attribuée sans aucune hésitation ou à la tromperie des démons ou à l’erreur humaine, mais tout ce qui est convenablement énoncé dans les pages sacrées est un enseignement de foi ou un encouragement à l’espérance ou un aliment de la charité ; aussi on ne peut douter ni que cela n’ait été inséré dans les saintes Lettres par le Saint-Esprit ni que cela ait été révélé par lui. De oneribus, serm. ii, P. L., t. cxcv, col. 363-365.

Baudoin, archevêque de Cantorbéry, reconnaît que, dans la série des livres de l’Écriture, nous avons les paroles que Dieu a prononcées lui-môme ou par le ministère des anges et des hommes. Les preuves de notre foi se ramènent donc à l’autorité de l’Écriture. Si celle-ci est vraie, vrais sont les témoins de notre foi, et par conséquent vraie est notre foi. Qui douterait que l’Écriture n’est pas vraie, s’il est certain que la parole qu’elle contient est la parole de Dieu ? Qui ne croira pas tout ce que Dieu a dit, s’il est clair que le Seigneur a parlé? Cela prouvé, on croira à la parole de Dieu, inspirée par le Saint-Esprit. C’est pourquoi Baudoin prouve l’inspiration de la sainte Écriture. Or, au cours de sa démonstration, il afnrme que la sainteté de vie des prophètes montre qu’ils ne voulaient pas mentir et que l’accomplissement de leurs oracles prouve qu’ils disaient fidèlement ce que Dieu leur avait révélé. De commendatione fldei, P. L., t. cciv, col. 619-624. Il fait ensuite l’application de sa doctrine à Moïse, aux prophètes et aux apôtres. L’accord des prophètes et des apôtres entre eu.K est, pour lui, une preuve de la vérité de leurs oracles et de leurs enseignements. Ibid., col. 625-628.

Bruno d’Asti déclare que toutes les choses, qui sont contenues dans le Lévitique, sont certainement et infailliblement vraies. In Lev., P. L., t. clxiv, col. 381.

Pour l’auteur de la Summa sententiarum, lui aussi, l’Écriture est le fondement de la foi. Si l’on veut prouver l’enfantement virginal de Jésus et l’état futur des élus, on n’aura d’autre argument que la foi en la parole des prophètes et des hommes inspirés, que Dieu n’a pas trompés et dont les oracles sont déjà en grande partie accomplis. Tr. I, c. i, P. L., t. CLxxvi, col. 43. Au sentiment de Hugues de SaintVictor, la pensée divine ne pouvait jamais être absurde ni fausse. On peut sans doute l’interpréter de difïorentes manières, mais comme elle n’est pas en désaccord avec elle-même, qu’elle est toujours convenable, toujours vraie, Hugues établit des règles d’une saine interprétation. Erudilio didascalica, t. VI, c. xr, col. 808-809.

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Richard de Saint-Victor dcclare que les chrétiens ne peuvent douter que le Saint-Esprit ait parlé par le prophète Isaïc et par l’évangéliste saint Matthieu : l’un et l’autre ont eu le même Esprit de vérité ; l’un et l’autre ont.parlé dans le même Esprit. De Emmanuele, t. I, c. vii, P. L., t. cxcvi, col. 613. Saint Bernard lui ayant écrit que beaucoup de chilïres des livres des Rois, sur la durée et la succession des règnes, étaient contradictoires et qu’à son sentiment ils avaient été corrompus par les copistes, il répondit : Constat itaque opud me qiiod in his nuUa contrarietas sit, qiiamvis et ipsis hucusque vcritas latuerit. Absit ut credam qiiod in divinis Script mis veritas uspiam adco oberraverit, ut omnino recuperari non possit ! xussi pose-t-il les règles de conciliation. De tubernaculo, tr. III, P. L., t. cxcvi, col. 241. Dans ce que saint Paul dit de la Loi beaucoup de choses paraissent se contredire, être contraires à la raison et à la vérité et, ce qui est plus grave aux paroles de Nolre-Scigneur, et cependant Richard montre qu’elles se concilient. jExp^zcatio aliquot passuum difficilium Apostoli, col. 665-684.

Au commencement du xiii’e siècle, INIartin de Léon constatait que les témoins de la vérité étaient d’accord entre eux, parce que le Saint-Esprit les avait instruits. Serm., xxx, P. L., t. ccviii, col. 1159.

Alexandre de Halès, prouvait que la théologie est une science par ce raisonnement : Qnnd cognoscitur per divinam inspirationem vertus sciiur quam quod per humanam raliocinalioncm, quia in inspiratione impossibilis est falsitas, in ratione contigil jtlerumque. Erqo cum eognitio theoloqiæ sit édita inspiratione divinn, vertus est scientia quam cœlcra’scientiæ. A l’objection qu’une grande partie de la doctrine theologique est historique, comme il ressort de l’Évangile, et par conséquent porte sur des choses non intellectuelles qui ne sont pas objet de science, le docteur irréfragable répond que l’histoire est autrement dans l’Écriture que dans les autres livres. L’histoire biblique ne raconte pas, en effet, — les actes particuliers des hommes, mais les actes universels et les circonstances qui appartiennent à l’information des hommes et à la contemplation des mystères divins, par le sens des faits racontés ou le sens typique. Sum. theol., 11^, q. i, n. i. Cette science diffère des autres, parce qu’elle n’est pas de Dieu de la même manière qu’elles, et parce qu’elle traite de Dieu et conduit à Dieu, m. ii. Elle ne procède pas de la même manière que les sciences humaines ; m. iv, a. 1, 2. Si l’Écriture est toujours vraie, on ne devrait pas la discuter, puisque la discussion est une attaque, de la vérité. On peut la discuter, pour écarter d’elle la fausseté et faire ressortir sa vérité, mais on ne peut le faire si on tend à la trouver en défaut. Summa, II », q. cxxiv, m. I, IV. Au sujet du mensonge, Alexandre de Halès dit qu’on ne peut admettre qu’un homme inspiré par Dieu ait péché mortellement à l’heure de son inspiration. Il pose ensuite la question : Peut-on imiter les mensonges qui sont racontés dans l’Ancien Testament. Sa réponse est négative. Les Livres saints rapportent les bonnes et les mauvaises actions des hommes, les bonnes pour qu’on les imite, les mauvaises pour qu’on les évite. Quelques-unes sont explicitement louées ou blâmées ; d’autres ne le sont pas ; d’autres sont laissées à notre appréciation. Summa, 11^, q. cxxiii, m. VI.

Saint Bonaventure ayant posé le principe que la parfaite autorité de l’Écriture lui vient, non per humanam invesliqationcm, sed per revelationem divinam, en tire cette conclusion : Ideo niliil in ipsa contemncndum quia inutile, niliil respuendum tanquam falsum, nitiil repudiandum tanquam iniquum, pro eo quod Spiritus Sanctus ejus auetor perfectissimus nihil potuit dicere falsum, nihil superjluum, nihil diminutum, et propterea cwlum et terra transibunt, verba Scripluræ sacræ non

prxteribunt, quin impleantur. Breviloquium, 86. Ilœreticus judicarctur, qui pcrtinaciter negaret quæ in sacra Scriptura scribantur… Quia enim sacra Scriplura est édita ab ipsa veritate inereata et a Spiritu Sancto, qui contradicerct sacræ Scripturie, contradicerct ei, cui fuies assentit proptcr se, scilicet ipsi summæ veriluli. In IV Sent., t. III, dist. XXIV, a. 1, q. ii, ad 4uni.

Duns Scot prouve que les auteurs des Livres saints n’ont pu mentir. Comme ils condamnent le mensonge surtout dans les matières de la foi et des mœurs, comment serait-il vraisemblable qu’ils ont menti, en disant : Ilœc dicit Dominas, si le Seigneur n’avait pas parlé par leur bouche ? Ils n’ont pas été trompés et ils n’ont pas voulu mentir, par amour du lucre. S’ils n’avaient pas été instruits par un agent surnaturel, ils n’auraient pas pu sans mentir, afflrmer celles de leurs révélations dont ils n’étaient pas certains. Loin d’agir par amour du lucre, ils n’ont recueilli de leur mission que de très grandes tribulations. In IV Sent., ’q. II, 3^1 via.

Nicolas de Lyre reconnaît que les sciences humaines, qui procèdent de la raison, n’errent pas sans doute dans la connaissance des premiers principes, qui sont connus de soi, mais bien dans la déduction des conclusions, surtout les plus éloignées. Tous les philosophes ont ainsi erré. Mais les prophètes et les apôtres qui nous ont donné l’Écriture par révélation du Saint-Esprit, et par conséquent l’Écriture elle-même, ont procédé d’une manière plus certaine, à savoir par la révélation divine, où l’erreur ne peut s’introduire. Tout ce qui est donc conclu manifestement de l’Écriture doit être donné comme vrai, et tout ce qui lui est contraire est tout simplement réputé faux. Prolegom. I, De commendatione sacra> Scripluræ in générait. Dans l’Apocalypse, qui est un livre prophétique, et révélé, il ne peut y avoir d’erreur ; il y a la pure vérité, parce cjue Dieu qui l’a révélé est la règle de la vérité. In Apoc, pi’Pef.

Les dominicains n’avaient pas sur ce point une autre doctrine que les franciscains. Albert le Grand conclut aussi de l’inspiration de l’Écriture que la théologie, qui s’appuie sur elle, est plus certaine que les autres sciences. Ista scientia, dit-il, innititur inspirationi faciæ per speciem veritalis circa quam dubilave non licct. Aliæ autem inniluntur inquisitionibus humants et iuventionibus a spiritu humano inventis. Spiritus autem humanus valide est fallax, ut dicit Clirgsostomus super Joannem, et cogiluiio humana fallacissima, Sap. IX. Les théologiens empruntent leurs autorités aux livres inspirés par l’Esprit de vérité. Or, saint Augustin a dit que l’autorité de l’Écriture est plus grande que toute la perspicacité de l’esprit humain. Sum. theol., î^, tr. I, q. v, m. ii, édit. Jammy, Lyon, 1651, t. XVII, p. 13, 14. On ne peut pas douter d’une parole de l’Écriture, mais on peut douter de sa raison, et à ce point de vue on peut chercher à argumenter, surtout pour convaincre un contradicteur, m. m.

En traitant du sens littéral du récit de la création du monde, saint Thomas avertit que personne ne doit comprendre ces paroles de l’Écriture inspirée dans un sens qui contienne manifestement une fausseté. Scripluræ enim divinæ, ajoute-t-il, o Spiritu Sancto traditæ non potest suhesse falsum, sicat nec fidei quæ per eam docetur. De potentia, q. iv, a. 1, n. 8. Cf. Sum. tJjeol., I « , q. i, a. 1(1, ad 3° "i. Les prophètes appreiment de Dieu la vérité, et comme la vérité de la connaissance prophétique est la même dans le disciple que dans le maitre, la vérité de la connaissance prophétique est la même que celle de la connaissance divine, à qui il est impossible d’être fausse. Sum. theol.. Il-’II », q. clxxi, a. C, Cf. De veritate, q. xii, a. II. Un vrai prophète est toujours inspiré par l’Esprit de vérité, en qui il n’y a rien de faux, et c’est

I

pourquoi il ne peut dire de fausseté. Sum. theoL, II » lia", q. cLxxii, a. 6, ad 2o m. Quand le propliète n’a pas reçu de Dieu une révélation expresse et lorsque, instruit seulement par l’instinct prophétique, il ne sait pas s’il a connu quelque chose avec la certitude proplutique ou par son esprit propre, même alors il ne peut en résulter une erreur, car, selon saint Grégoire, les prophètes, corrigés par l’Esprit qui leur apprend la vérité, se reprennent eux-mêmes et écartent la fausseté. IbicL, q. CLxxi, a. 5. D’autre part, les hagiographes qui portent seulement un jugement sur les vérités qu’ils connaissent au préalablc. portent ce jugement avec une certitude divine, et tout ce qu’ils affn-ment en vertu de la lumière ilivine qui a éclairé leur intelligence a son infaillibilité dans la vérité divine. Dieu est la cause du jugement ainsi porté, et le jugement est certainement vrai. L’inspiration des hagiographes est donc incompatible avec l’erreur. La lumière divine qui leur est donnée pour connaître ce qu’ils doivent écrire, leur fait porter un jugement vrai, qui participe à la vérité divine et à sa certitude et qui ne peut être ni faux ni erroné, car Dieu ne peut ni se tromper ni tromper.

Au xive siècle, Raymond de Sebonde notait que l’Écriture ne procédait ni par preuves ni par argumentations, mais par simples affirmations. Or, néanmoins, de tout ce qu’elle dit simplement elle affirme la vérité. Ce mode de procéder, provient de ce que Dieu lui-même parle dans la Bible, et son autorité est telle qu’on doit croire ce qu’il dit d’un simple mot, sans autre preuve, sans autre témoignage ou attestation. Sa seule autorité est toute la preuve, tout le témoignage et toute la certitude de ce qu’il dit. Moins la Bible prouve et plus elle montre qu’elle dit vrai, parce qu’elle est de Dieu et que Dieu parle en elle. Theolot/ia naturalis, tit. ccxi. De ce que la Bible est le livre de Dieu, il suit que les hommes doivent croire très fermement, de tout cœur et sans le moindre doute, le livre tout entier et tout ce qu’il contient. Toute la raison de le croire, c’est que c’est le livre de Dieu. Il s’ensuit encore qu’il ne peut y avoir rien de faux, d’inutile, de superflu en ce livre. Ibid., tit. ccxiv.

Paul de Burgos ayant établi que le véritable sens littéral de l’Écriture est celui qui a été entendu par Dieu, son auteur, en conclut qu’on ne peut tenir connue sens littéial de l’Écriture un sens qui répugnerait à la droite raison, car un tel sens n’a pas été entendu par Dieu, la vérité première, de laquelle toute vérité dérive. Il en est de même du sens spirituel, qui répugnerait à la droite raison car on ne saurait l’attribuer à Dieu. Prétendre en outre, que le sens littéral, qui a été entendu par Dieu, auteur de l’Écriture, est déficient en quelque passage qui contiendrait une fausseté, serait infirmer toute l’autorité de la sainte Écriture. Addilio super proleg. / » "' et //nm Lyrani.

Richard Fitz-Ralph, archevêque d’Armagh, range les livres canoniques parmi les autorités, dont le sens n’est pas douteux pour l’Église, mais qu’elle croit fermement être vrai dans toutes ses assertions quoique quelques-unes soient pour nous d’une plus grande autorité que d’autres qui sont moins attestées pour nous et dont nous savons seulement que le Saint-Esprit en est l’auteur. Ainsi en est-il de certaines choses morales et des choses historiques des deux Testaments. Toutefois toute l’Écriture originale, quant à l’infaillibilité et à la vérité des assertions faites en elle par le Saint-Esprit, est tenue connue de foi, de cette foi par laquelle on croit que le Saint-Esprit a parlé par les prophètes, les apôtres et les disciples du Christ, qui étaient aussi de vrais prophètes. Par la même foi et en raison de la divinité du Saint-Esprit, il faut tenir qu’il n’y a aucune contradiction ni aucune fausse assertion dans l’Écriture originale.

car la véritable foi affirme qu’aucune contradiction ni aucune assertion fausse n’a été inspirée auxhonmies de Dieu par le Saint-Esprit. L’archevêque d’Armagh établit des règles pour résoudre les apparentes contradictions des Écritures, et il conclut : De falsitate igitur aiit repugnantia in nosira primaria Scriptura, ut puto, non dubiias. Il explique aussi les apparentes contradictions des versions de la Bible, approuvées par l’Église, parce qu’elles rendent le véritable sens de l’original. Siimma contra Armenos, t. XIX, dans F. Kaulen, Geschichte der Yiilgata, Mayence, 1868, p. 294-300.

Selon Pierre d’Ailly, chacun doit croire fermement, de nécessité de salut, à l’autorité de l’Écriture canonique. Cette thèse doit être posée plutôt que prouvée, surtout chez les catholiques qui sont astreints à la foi. Epistola ad novos Hebrieos, dans L. Salembier, Une page incdile de l’histoire de la Vulgate, 1890, p. 29. Soli divinae aiidoritati, qux nec fallit nec falliiur, de necessitaie salulis est firmiler crcdendum est, p. 34. De ce que Dieu seul est à la fois Vediior et Vcsserlor de l’Écriture, tandis que les prophètes et les évangélistes n’en sont que les éditeurs ou compositeurs. Pierre d’Ailly excuse ces derniers de beaucoup de mensonges et de faussetés, qui sont rapportés dans leurs livres. Ils ne sont que des conscriplores. Or, conscriplores sacrarum Scripturarum nihil omnino asseriint nisi vera. En efl’et, le mensonge du serpent, N eqnaquetm moriemini, Gen., iii, 4, n’est pas affirmé par ; Ioïse, qui affirme seulement que le serpent l’a dit à Eve, ce qui est vrai. Donc ni JMoïse ni aucun éditeur des Écritures ne pourrait être accusé de mensonge et de fausseté ni d’erreur que dans ce qu’il affirme, et non pas dans ce qu’il rapporte avoir été dit par d’autres. Que ces paroles soient vraies ou fausses, il n’affirme qu’une chose : qu’elles ont été dites, et il est vrai qu’elles ont été dites comme il les rapporte. Ibid., p. 20-21. Supposons que les paroles cju’un prophète rapporte soient fausses, il ne pourrait être accusé de mensonge, puisqu’il ressort des circonstances de son récit qu’il affirme seulement qu’elles ont été dites par Dieu, Vasserlor des Écritures. Mais un fidèle doit s’efforcer de savoir comment chacune des paroles dites par un prophète comme notaire de Dieu contient la vérité. Ibid., p. 21-22. Pourquoi ? Parce que ex eo dicitur vera propheta, quia, tanquam suo principio, nititur primæ vcritali qua> Deus est, et est a Spiritu Sancto qui est Spiritas veritatis. De falsis proplietis, tr. II. Pierre d’Ailly, qui a si nettement résolu la question des dicta alioruni, a aussi éliminé les fautes de copistes des manuscrits de la Bible : Attamen Spiritus Scmctus, quo inspirante locuti snnl sancti Dei liomines, dicitur principalis. Dans L. Salembier, o/ ;. cit., p. 08.

Alphonse Tostat reconnaît qu’au point de vue de la vérité et de la certitude il n’y a pas de différence d’autorité entre les livres canoniques de l’Ancien et du Nouveau Testament, on ne peut et on ne doit douter de la vérité d’aucun d’eux, dès lors qu’il est admis au canon des livres dictés par le Saint-Esprit. In lib. Regum, præf., q. vu ; In præfalionc Hieionymi in l. Reg. enarralio, q. xvi. On ne peut donc rien enlever ni diminuer de l’Écriture, qui est manifestement écrite sous l’inspiration du Saint-Esprit, qui est l’infaillible vérité. Celui qui enlève qu.elque chose de l’Écriture, l’enlève parce qu’il ne le croit pas vrai. Celui qui agit ainsi n’est pas seulement un infidèle, il présume encore mal de Dieu, car l’Écriture est la mesure de notre esprit. In Deut., c. iv, q. ii. Tous les livres de l’Écriture, qui sont au canon, sont d’une telle autorité qu’il n’est pas permis de nier ou seulement de mettre en doute rien de ce qui y est écrit. Il en est ainsi de chacun d’eux, et on ne peut pas ^

plus nier ou mettre en doute rien de ce qui est dans les livres de Josuc et des Juges que ce qu’on lit dans les Évangiles de Matthieu et de Jean. Tostat regarderait comme hérétique celui qui le ferait pour les uns comme pour les autres. In lib. Par., præf. L’Église n’a jamais douté et ne doute pas encore que les livres inspirés du canon juif n’errent pas et ne peuvent pas errer ; elle croit très certainement, au contraire, que rien de faux n’y est contenu et que leurs auteurs, dirigés par le Saint-Esprit, n’ont pu mentir en quelque chose. Il est nécessaire de croire quelque chose qu’ils disent, et il ne faut demander aucune preuve de leurs dires. Il faut même croire qu’il est impossible qu’il y ait en eux des mensonges. L’Église en est certaine, parce qu’elle est certaine qu’ils ont été écrits par l’inspiration du Saint-Esprit. Il était impossible que les écrivains inspirés puissent errer, car dans ce cas Dieu qui parlait par eux aurait erré. Le Saint-Esprit leur a donné un concours spécial pour qu’ils ne puissent pas errer en quelque chose. In Ev. Matlhœi, præf., q. ii. Cf. In Mailh., c. XXII, q. cccxxxv. L’Écriture l’emporte à l’infini en excellence sur les livres purement humains. La certitude des sciences humaines, provient de la lumière de l’intelligence qui est petite et qui peut faire défaut. Les écrivains sacrés sont éclairés par la lumière incréée, et comme cette lumière ne peut faire défaut, ils ne peuvent, quand ils sont dirigés par elle, errer ni mentir. La certitude de l’Écriture est donc surexcellente, car il ne peut y avoir d’erreur dans son contenu puisqu’elle est la parole de l’Esprit-Saint. In Ev. Matlhœi, præf., q. v. Bien que les évangélistes n’aient pas vu tout les faits qu’ils racontent, ils en étaient certains toutefois, parce que le Saint-Esprit les avait poussés à écrire et les dirigeait tandis qu’ils écrivaient et il ne peut errer. Les évangélistes étaient donc certains qu’ils n’erraient pas, puisqu’ils savaient qu’ils étaient dirigés par le Saint-Esprit. Ibid., q. xviii. Cf. In ///iim prol. Hieronijmi in Malth. Ev. enarratio, q. I, II. Les quatre Évangiles ont donc aussi une égale autorité, puisque leurs auteurs étaient également dirigés par le Saint-Esprit pour qu’aucun d’eux n’errât. Ibid., q. XXIV.

Pour Denys le Chartreux aussi, l’Écriture excelle en certitude et en autorité, parce qu’il ne peut y avoir en elle ni fausseté ni ambiguïté, puisqu’elle s’appuie sur la lumière incréée. In IV Sent., prol. Tandis qu’on trouve beaucoup d’erreurs dans la science philosophique, le plus grand accord et une inviolable vérité se rencontrent dans l’Écriture sainte. In Luc, prol. Celle-ci, en effet, s’appuie sur la vérité incréée, et elle est révélée par la lumière de la grâce, tandis que la philosophie est censée s’appuyer sur la raison humaine ou la lumière naturelle. In Joa., a. 2, L’Écriture, pour la même raison est plus certaine que les autres sciences. In IV Sent., t. I, prol.

A l’époque de la Renaissance, Pic de la Mirandole prouvait la certitude de l’Écriture et de la théologie par l’origine divine de la première. De examine, vanitatis doctrinas gentium et veriiatis christianæ disciplinée, t. IV, c. XIV, dans Tôllner, op. cit., p. 41. Tous ceux qui ont lu les saintes Lettres rendent témoignage de leur Vérité. Nulla de ipsarum certitudine siisccpta unquatn disceplatio, quoniam Dei et erant et habebanl oracula, ud quic vel tenus cortice noscenda primi philosophorum cucurrerunt. Établies, certaines, très prouvées sont les choses qui s’appuient sur l’autorité divine qui ne peut se tromper, ni tromper. Quoi enim in sacris lilteris jiroposiliones, lot in lumine illo divino fidci principia verissima : quibus vere intellectis nulla pariatur rixa, nulla prorsus amarulenla disceplatio. Ibid., t. V, concl.

Érasme, qui admettait l’inspiration de toute l’Écriture, sur l’autorité de saint Pierre et de saint Paul, Kovum Testamentum, dans Opéra, Leyde, 170.5, t. vi,

p. 959, 1061-1062 ; Paraphrasis in Epist. Il-^m ad Tim. ; In ir.w Epist. Pétri, t. vii, p. 1064, 1104, et en particulier celle des Évangiles, In Ev. Luc, paraph., p. 281, distinguait inter vilium sermonis et vitium sententiæ. Reconnaître des défauts de langage dans les écrits de Paul, ce n’est pas en dire plus de mal que si l’on disait qu’il portait une tunique trouée. Novum Testamentum, De duabus postremis editionibus, t. vi, au début, sans pagination. Érasme reconnaissait aussi la différence de style des écrivains sacrés, l’Esprit-Saint n’ayant pas exclu, mais aidé, le travail des écrivains sacrés. Aniibarbarorum, . I, t. x, p. 1741, 1742. Il admettait l’inviolable autorité des Écritures. Isaïe n’a pas commis d’erreur, ^ Matthieu ne s’est pas trompé. Mais cette absence d’erreur n’a existé que dans les textes originaux ; il y a des fautes de copie dans les textes actuels ; le Saint-Esprit n’a pas aidé les copistes et les bibliographes comme il a aidé les prophètes et les évangélistes. Novum Testamentum. Àpologia, t. vi, au début. Les Écritures ne trompent pas, mais il y a danger de se tromper en les interprétant. Ad censuras facultatis theologiæ parisiensis, t. IX, p. 926. Cependant Érasme a prétendu que les évangélistes, en citant l’Ancien Testament, avaient commis des crreuis de mémoire, comme des impies l’avaient pensé, au témoignage de saint Jérôme sur Matthieu, ii, 6, Novum Testamentum, note sur Matth., Il, 6, t. Yi, p. 12-14, et comme Augustin le concédait au sujet de Matthieu, xxvii, 9. Cœlerum, concluait-il ici, eliamsi fuisset in nomine dumlaxat memoriæ lapsus, non opinor quemquam adeo morosum esse oportcre, ut ob eam causam tolius Scripturæ sacræ labesceret auctoritas, t. vi, p. 140. Cf. sur Marc, i, 4, p. 151. II se trouva des esprits moroses pour penser le contraire, et le sentiment d’Érasme, qui était nouveau parmi les chrétiens, provoqua alors une longue et vive controverse, inaugurée par les sages observations de Jean Eck et de Martin Dorpius et envenimée par les critique de Lee, ambassadeur d’Espagne en Angleterre, et par plusieurs théologiens espagnols, et d’autres encore. Sur les détails de cette controverse, voir E. Mangenot, Les erreurs de mémoire des évangélistes d’après Erasme, dans la Science catholique, 1893, t. vii, p. 193-220. Les théologiens postérieurs, et ceux du plus grand nom, furent unanimes à traiter le sentiment d’Érasme d’erreur et d’impiété.

Albert Pighi déclarait que l’autorité de l’Écriture dépendait nécessairement de l’autorité de l’Église, qui avait donné l’autorité canonique à des Écritures, et aux principales, comme les Évangiles, qui ne les avaient pas par elles-mêmes ou par leurs auteurs. Les évangélistes Matthieu et Jean auraient pu commettre des erreurs de mémoire et mentir. Eu dehors de l’Éghse, qui peut nous rendre certains que tout ce que Marc et Luc, qui n’avaient pas été témoins oculaires et qui avaient cru aux écrits d’autrui, ont dit du Christ est véritable et certain ? Hierarchiæ ecclesiasticæ asserlio, t. I, c. ii, dans ToUner, op. cit., p. 52, note. Cf. S. Berger. La Bible au xvi’e siècle, Paris, 1879, p. 138-139.

Alphonse de Castro, pensait qu’un païen même, qu’un homme médiocrement pieux, qui ne savait de Dieu que ce que la raison naturelle lui apprenait, pouvait savoir que Dieu est tellement véridique qu’il ne peut mentir. Si donc Dieu ne peut mentir, l’Écriture, qui est son œuvre ne peut être fausse. Tout ce que Dieu a voulu nous apprendre par la bouche des hommes, est aussi vrai que s’il l’avait dit par sa propre bouche. Il faut donc croire aux Écritures comme à Dieu lui-même. Les témoignages des Écritures sont’donc des premiers principes dans la science théologique et comme des armes pour combattre les hérétiques. Que l’Écriture soit véridique, c’est un axiome pour quiconque se donne comme chrétien. Adversns iiœrescs, t. I, c. ii. De fait l’Église constate et affirme

l’origine et l’autorite divines de l’Écriture ; elle ne la constitue pas.

Stapleton explique comment l’Église a approuvé l’Écriture canonique. Elle n’a pas fait qu’une œuvre humaine devînt divine par son approbation. Pour qu’une Écriture soit sacrée et divine, il faut qu’elle ait Dieu pour auteur. L’Église n’a pas jugé non plus que l’Écriture, ayant Dieu pour auteur, était vraie et digne de foi, comme la République romaine a déclaré que l’histoire de Ïite-Live était vraie, comme un professeur de théologie juge qu’un livre de théologie peut être édité. L’Écriture, en effet, contient de soi, la vérité divine, elle est ainsi indubitablement vraie et elle ne devient pas vraie par l’approbation de l’Église. Cette approbation a consisté seulement à déclarer que l’Écriture est vraiment sacrée et divine, et par conséquent infailliblement vraie. Principiorum fidei, etc., t. V, q. ii, a. 1.

Ambroise Catharin enseignait que l’Écriture a pour auteur le Saint-Esprit, qui l’a inspirée aux prophètes, afin qu’il ne pût y avoir en elle quelque chose, qui fût ou faux ou répréhensible en quelque raison que ce soit. In Epist. // : "’» ad Tint.

Pour le cardinal Cajétan, les Écritures étaient sacrés, c’est-à-dire pures de toute erreur et de tout mélange de pensées humaines. In Epist. ad Rom., c. i.

Jean Férus, avant de commencer l’interprétation de l’Évangile de saint iSIatthieu, avertit son lecteur de recevoir ce livre comme la parole de Dieu, et non comme une parole humaine. Aliud est verhiim Dei, aliud hominum vcrbiim, hominuni menda.r, jallere potest, non aiitem vcrbuni Dei. Verbum enim Domini manet in aUernuni. Non iyitur accipics ut verbum Matlhæi ; Spiriiu enim Sancto loculi siint sancti Dei. In sacrosanctiim J. C. Eu. secunduni Mallhœum comment., 1559 prœf.

Le sentiment d’Érasme, d’après lequel les évangélistes n’auraient pas seulement commis des erreurs de mémoire, mais auraient encore cité l’Ancien Testament dans un autre sens que l’original, Maldonat le juge impie ou à peine exempt d’impiété. La raison en est que les évangélistes, par la bouche desquels parlait le Saint-Esprit, n’ont rien eu d’humain, In quatuor Evangelia, sur Matth., ii, 0. Revenant sur ce sujet à propos de Matth., xxvii, 9, il dit : Evangclistas memoria uliquando lapsos esse, etsi scia dixisse aliquos et doctos et catholicus anctorcs, existimasseque nihil propterea de Scripiuræ auctorilate minui, haud cquidem intelligo quomodo id, et Spiritu Sancto dictante et salva Scripturæ fide quæ summa et firmissima esse débet, fieri potuerit ; et dicere propterea Jeremiam pro Zachariu citari potuisse, quod idem pcr omnes prophelas Spiritus locutus sit, violenta milii videtur interpretalio. Si, au point de vue de l’autorité, et de la foi qu’il faut accorder aux auteurs inspirés Maldonat n’établit entre eux aucune différence, puisque le même Esprit a parlé par eux tous, il constate des différences au point de vue du style, du coloris de la diction, et sous ce rapport il fait ressortir les méritçs d’Isaïe parmi les prophètes et de saint Jean parmi les évangélistes, mais il accorde à tous un droit pareil à être crus. In Joa., i.

Au sentiment de Sahneron, saint Paul appelle les Écritures « saintes », non pas seulement parce qu’elles sont pures de toute erreur et qu’elles sanctifient leurs lecteurs, mais aussi parce qu’elles sont fermes et ont une force perpétuelle. L’apôtre les appelle aussi « paroles de Dieu » ; les paroles de Dieu sont pures et sincères, elles ne sont pas mélangées d’erreur ni de mensonge ni de tromperie, comme ont coutume d’être les paroles des hommes. Les écrivains sacrés lorsqu’ils écrivaient, étaient conduits par le Saint-Esprit de telle façon qu’ils ne disaient jamais de mensonge, n’étant pas livres à eux-mêmes. C’est un caractère qui

leur est propre à eux seuls, car les docteurs, quoiqu’ils aient par instants le Saint-Esprit, en d’autres instants sont laissés à eux-mêmes. Il n’y a donc que les seuls écrivains sacrés en qui le Saint-Esprit ait toujours parlé, eux dont nous recevons les paroles comme paroles du Saint-Esprit. Que si donc l’Écriture est du Saint-Esprit, elle ne contient aucun mensonge, aucune fausseté, aucune véritable contradiction, aucune répugnance. Comment, in evangelicam historiam, t. I, proleg. I, p. 1-4.

De ce que l’Écriture a été inspirée par le Saint-Esprit, Aréas Montanus conclut qu’elle contient les paroles de Dieu très chastes et très approuvées, non seulement parce qu’elles sont en elles-mêmes pures et exemptes de tout mélange de mensonge et de vanité, mais aussi par l’effet qu’elles produisent, en rendant purs les hommes qui y font attention. Elucidatio in omnes psatnws, Ps. xr, xvii, xviii, xxxii.

Melchior Cano apprécie l’opinion de ceux qui constatent des erreurs de mémoire chez les évangélistes, des superfluités et des erreurs dans les Actes des apôtres. S’il était constant que quelques choses ont été écrites ou rapportées dans les Écritures à la façon humaine, rien ne s’opposerait à ce qu’on y renontrât quelque mensonge. Mais si nous reconnaissons en elles quelque erreur, qui croira que le Saint-Esprit est leur auteur ? D’ailleurs, si l’opinion combattue était vraie, par là l’autorité des Écritures serait en grande partie ébranlée. En effet, si dans n’importe quel livre sacré on trouve une fausseté quelconque, la certitude du livre entier périt. Par ce seul argument saint Augustin a assez montré que les écrits des prophètes et des apôtres n’ont absolument aucune fausseté soit de mensonge, soit d’oubli. Dan." 1er choses légères qui n’importent pas au salut, les écrivains sacrés sont trompés et trompeurs, dit-on. Alors, nous pouvons douter des choses les plus grandes et les plus graves. Si l’Église, assistée par le Saint-Esprit, ajoutet-on, n’a pas reçu de cette assistance la grâce de ne pas se tromper dans de petites choses, mais seulement dans les grandes, pourquoi n’en serait-il pas de môme des apôtres et des évangélistes ? Si nous répondons que le Saint-Esprit a tout suggéré aux apôtres et aux évangélistes, on réplique : Il n’a pas suggéré tout simpliciter, mais seulement tout ce que le Christ leur a dit et ces choses étaient très grandes. Si nous ajoutons : Le Saint-Eprit leur a enseigné toute vérité, on nous répond : Pas absolument toute vérité, mais seulement celles qui sont nécessaires au salut. Que répondraient nos adversaires, si on leur disait que beaucoup de miracles cvangéliques sont inventés et que les évangélistes, à l’exemple d’Hérodote, de Xénophon et de Platon, ont imaginé ces récits, soit pour illustrer le Christ, soit pour exciter les bons sentiments des fidèles à l’égard du Christ, que répondraient-ils ? Ensuite, combien il sera facile à chacun de déclarer suivant son caprice que telles choses sont légères, telles autres graves. On ne pourra donc dans l’histoire sainte discerner ce qui est de Dieu, ce qui est de l’honmie, ce que l’auteur a dit par révélation ou de son esprit propre. La fci des lecteurs et des auditeurs vacillerait donc si une particule quelconque des saintes chroniques avait été éciite sans l’Esprit de Dieu. Mais les évangélistes se seraient, abstenus d’inventer n’importe quoi par crainte des Juifs. Si dans leurs discours, il y a erreur, elle est de Dieu, et non pas d’eux. L’Évangile plus que la loi de Moïse a été écrit sous le souffle de l’Esprit, de telle sorte qu’en lui il n’y a pas un mot, pas un accent, qui ne soit de lui. L’opinion des adversaires est donc erronée, elle diminué la force de l’Écriture. Tout ce que l’Écriture contient, que ce soit de grandes ou de petites choses, a été écrit sous le souffle du Saint-Esprit. De lacis theologicis, t. I, c. xvi, xviu

Quant aux erreurs, qu’on attribue aux évangélistes, Cano les repousse, en interprétant les passages objectés. Les erreurs du discours de saint Etienne, Act., VII, il les attribue au diacre auteur du discours, et non pas à saint Luc qui, en fidèle historien, n’a pas changé un iota et a reproduit le discours tel qu’Etienne l’avait prononcé. Le diacre, quoique rempli du Saint-Esprit n’a pas parlé comme les prophètes, les apôtres et les évangélistes, il n’avait pas leur privilège de ne pas se tromper. Les écrivains sacrés ont le droit de rapporter les erreurs des autres. Ibid., c. xviii.

Bellarmin enseignait qu’un livre canonique est infailliblement vrai. Chemnitz a eu tort de prétendre que certains livres canoniques ne sont pas infailliblement vrais, parce qu’ils sont une règle proportionnée à notre infirmité comme tous les autres livres humains. Comment sont-ils une règle s’ils ne sont pas infailliblement vrais ! Du temps de saint Augustin, les livres proto-canoniques qui étaient reçus par tous pouvaient avoir une plus grande autorité que les deutéro-canoniques qui n’étaient pas reçus par tous. Mais maintenant, après la^ définition des conciles généraux, nous sommes également certains de l’autorité de tous les livres canoniques et nous ne devons pas préférer l’un à l’autre. L’Église n’a fait qu’attester leur autorité ; elle n’a pu la leur conférer. Tous ont donc la même autorité, Calvin objectait que l’auteur du IP livre des Macchabées, qui demande pardon de ses erreurs, ne peut être regardé comme l’auteur d’un livre canonique Les auteurs sacrés n’écrivaient pas de leur propre génie et par leur travail, mais par la révélation du Saint-Esprit, comme il résulte de l’exemple de Jérémie, dictant ses oracles à Baruch. Bellarmin répond que Dieu est l’auteur de toutes les Écritures, mais qu’il ne l’a pas été de la même manière pour chacune. Aux prophètes il a révélé l’avenir* et il les a simplement assistés pour qu’ils ne mêlassent pas d’erreur à ses oracles, en les écrivant ; aussi les prophètes n’avaientils d’autre travail à accomplir qu’à écrire ou à dicter. iVIais Dieu n’a pas révélé aux autres écrivains, surtout aux historiens, tout ce qu’ils avaient à écrire, il les a excités à écrire ce qu’ils avaient vu et entendu, ce dont ils se souvenaient, et en même temps il les a sistait pour qu’ils n’écrivissent rien de faux. Cette assistance n’empêchait pas qu’ils n’eussent à travailler en pensant et en cherchant ce qu’ils allaient écrire et comment ils l’écriraient. Ainsi a fait saint Luc. L’auteur du IPlivre des Macchabées ne demandait pas pardon des erreurs qu’il aurait commises comme s’il ne savait rien, il s’excusait de son style peu poli, comme saint Paul avouait son inhabileté dans l’art d’écrire. De verbo Dei, 1. L c. x, xv.

Les théologiens.et les exégètes qui, au xv^', au xvii « et au xviiie siècle, demeurèrent fidèles à l’ancienne opinion de la révélation immédiate du Saint-Esprit, enseignèrent, on le comprend, plus encore que les partisans de la nouvelle opinion, l’exemption complète d’erreur daiis les Livres saints.

Pour Martin Becan, le vrai sens de l’Écriture est celui qui a été entendu par le Saint-Esprit. Mais les écrivains sacrés n’ont pas toujours connu, et par conséquent, n’ont pas entendu tout ce que le Saint-Esprit signifiait par leurs paroles. Par suite, si quelque sens n’a pas été compris parl’écrivain sacré, mais a été entendu par le Saint-Esprit, un autre hagiographe peut le connaître et le citer. D’où Becan conclut qu’un auteur canonique ne cite jamais un de ses prédécesseurs en un sens accommodatice, mais en un sens voulu par le Saint-Esprit. Le sens littéral de l’Écriture est donc infailliblement vrai et il ne peut exprimer rien de faux, parce qu’il a été voulu par le Saint-Esprit, qui ne peut rien dire de faux, puisqu’il est la vérité première, cl, dès lors, il est infiniment sage j

et vérace. Quand l’écrivain sacré reproduit les paroles d’autrui, il n’est pas nécessaire qu’elles soient vrfiies, car il affirme seulement qu’elles ont été prononcées, ce qui est infailliblement certain. Summa Iheologica scholastica, proœm., q. vii, a., 4, 5.

Dans, l’Index controversiarum fidei, qui suit ses Commentaires, Tirin conclut de la révélation faite par Dieu aux prophètes que les choses qui viennent de Dieu, la vérité première et infaillible, sont unes et uniformes, exemptes d’erreur et de vice. L’accord des paroles prophétiques résulte de ce qu’elles ont été inspirées par le même auteur.

Les docteurs de Salamanque prouvent qu’il y aurait contradiction à admettre que Dieu pût enseigner le faux immédiatement et par lui-même, et ils en déduisent que Dieu ne peut pas le faire non plus médiatement et par ses ministres. Ceux-ci ne disent, à ce titre, que ce que Dieu leur a immédiatement révélé. Dans ce cas, il est impossible que leurs paroles soient fausses à moins que Dieu ne leur ait immédiatement révélé quelque chor^e de faux. D’ailleurs, s’il ne répugnait pas que Dieu pût dire le faux par ses ministres, toute la certitude de notre foi péricliterait. Cursus (heologicus. De fuie, disp. II, dub. i, § 4, n. 35, édit. Palmé, t. xi, p. 13-14. Un écrivain sacré n’a donc pas écrit la parole de Dieu sans n’avoir pas la possibilité d’erreur, car autrement l’infaillible autorité de l’Écriture chancellerait. De soi, un écrivain sacié n’a pas l’impuissance de ne pas écrire de fausseté ; mais si on suppose d’autres conditions, des secours efficaces qui le poussent à écrire la vérité, il écrira infailliblement la vérité. L’Écriture est donc infaillible, sans qu’il soit nécessaire d’enlever à l’écrivain sacré la puissance d’errer. Il suffit pour rendre l’Écriture infaillible qu’elle provienne d’un écrivain qu’une prémotion efficace porte à écrire qu’il ait d’ailleurs, de soi, ou qu’il n’ait pas le pouvoir d’errer. Qu’on ne dise pas qu’il faut accorder à l’écrivain sacré autant qu’à l’écrivain profane, qui ne se trompe pas souvent, il faut lui accorder non pas seulement de n’avoir jamais erré, mais encore de n’avoir pas pu errer. La principale différence entre un écrivain sacré et un écrivain profane n’est pas celle qu’on dit, mais elle consiste en ce que l’un écrit les paroles de Dieu et l’autre ses propres concepts. Si même l’écrivain profane n’avait pas la liberté d’errer, il ne serait pas pour cela un écrivain sacré, parce qu’il n’aurait pas eu les secours pour écrire infailliblement sans défaut, secours qui ont été accordés à l’écrivain sacré. Qu’on ne dise pas non plus que l’infaillibilité de l’Écriture exige que l’écrivain sacré n’ait pas le pouvoir d’écrire le faux et de mentir. S’il est de la nature de l’Écriture non seulement de dire la vérité, mais même de ne pouvoir rien dire de faux, cela provient de ce que Dieu, qui ne peut rien dire de faux est son auteur principal. Or, il suffit que cet auteur donne à son intermédiaire humain le secours efficace, en vertu duquel il est tellement porte à dire le vrai, qu’il n’y mêle rien de faux. Dans cette hypothèse, l’Écriture est divine, et dès là qu’elle est divine, elle sera tellement vraie qu’il répugnera que la fausseté s’y mêle. Il est chimérique d’imaginer pour l’Écriture la liberté d’errer qui reste à l’écrivain sacré. Peu importe qu’en écrivant celui-ci garde le pouvoir prochain d’errer, puisque Dieu, par le moyen de secours efficaces fait qu’un organe faillible parle et écrive infailliblement et dise la vérité infaillible, comme le salut d’un prédestine est infaillible, quoique ce prédestiné, ait le pouvoir prochain de péclier et d’être condamné. Ibid., disp. IV, dub. i, § 3, n. 18, 19, p. 258-259.

Louis Abelly, traitant des livres canoniques, fait remarquer qu’il n’y a rien dans l’Écriture qu’on ne doive tenir de foi divine, de telle sorte qu’on ne trouve en eux aucune erreur, même légère, ni aucun lapsus

de memoire, comme Érasme l’a prétendu. Mediilla théologie », t. I, c. ii, sect. i.

Le jésuite Pierre Wittfel se demande si les livres divins sont écrits en quelque endroit d’après l’esprit humain, et il répond qu’ils sont partout écrits par l’Esprit Saint. Theologia catholica, t. I, De fide, disp. III, inst. i, q. m.

Tobie Lohner range l’infaillibilité parmi les propriétés de l’Écriture, et son principal argument est l’infinie véracité de Dieu, son auteur. Instiiuiiones (jnintuplicis iheologiie, t. i, I. I, tit. v.

Philippe Gamache distingue l’infaillibilité de l’Écriture de celle des conciles généraux. Ceux-ci n’ont qu’une assistance divine, qui les empêche d’errer dans leurs définitions de foi. Les écrivains sacrés ont un mode d’inspiration très spécial et extraordinaire en vertu duquel ils sont infaillibles sans exception en tout ce qu’ils écrivent, quel qu’en soit l’objet, jusqu’aux syllabes et aux minuties. C’est pourquoi les évangélistes ont été dits pleins d’yeux, parce que toutes et chacune des choses qui sont dans leurs livres sont très exactes et très soignées jusqu’aux plus minutieux accents et parce qu’ils étaient dirigés par le Saint-Esprit, qui voit tout et chaque chose très distinctement et très parfaitement. La motion efficace du Saint-Esprit a pour cfïct que l’écrivain sacré ne puisse errer ni se tromper en écrivant, mais tout ce qu’il écrit est nécessairement vrai, quoique lui-même ne le comprenne pas parfois et n’en saisisse pas le sens. L’écrivain ne paraît donc être qu’un pur instrument de Dieu, car s’il a le pouvoir physique d’écrire, il n’a pas celui d’écrire infailliblement, sans aucune erreur, surtout lorsqu’il s’agit des mystères surnaturels, des choses de la foi les plus obscures ou de l’avenir. Comme cause seconde, bien plus même avec la motion du Saint-Esprit, l’écrivain sacre ne peut, de soi, concourir avec infaillibilité. Il y faut quelque qualité existant vraiment dans la cause seconde, et telle qu’elle concourre activement à l’opération à produire et soit du même ordre que l’action, par exemple, un luibilus de science par lecjuel l’écrivain concoure à écrire infailliblement. Or, cette science n’existe pas ordinairement ; le plus souvent même, l’écrivain ignore ce qu’il écrit et n’en sait pas le sens, et par suite, il ne peut pas savoir que c’est vrai ou conforme à la raison. Sum. iheol., 1% q. i, c. xii.

Basile Ponce, qui admettait aussi l’inspiration verbale, enseignait qu’à aucun titre un catholique ne pouvait admettre l’erreur dans un livre, dicté par le Saint-Esprit. Il n’admettait que des erreurs de copistes dans les manuscrits. Qiuvsl. expositio, c. iv, dans Cursus completus sueræ Scripluræ de Aligne, t. i, col. 1130.

îIénochius disait seulement que, par le fait que les Écritures sont la parole de Dieu, qui est la vérité souveraine et qui ne peut mentir, tout leur contenu est très vrai. Comment, totius Seripturæ, proleg, c. vi.

Selon Benoît Pereira, on ne peut douter de la vérité de la sainte Écriture, dont Dieu est l’auteur principal. Toutes ses paroles ont été dictées par Dieu. Par conséquent on ne peut soupçonner de la part des écrivains sacrés, aucune fausseté, provenant soit du désir de mentir, soit d’un oubli ou d’une absence de penser. L’Écriture étant divine en tout, ne respire que le divin et le céleste et elle est très pure de toute tache de fausseté ou de turpitude. Comment, in Daniel. prœf. ad Antonium Caraffam.

Le P. Mendoza fait ressortir l’incorruptible vérité de l’histoire sainte du faitqu’elle ne se contredit jamais. Tandis qu’on ne constate aucun accord dans la science humaine, on ne voit aucun désaccord dans la doctrine sacrée. Le Dieu de paix et de vérité, qui est son auteur, n’a pas soulTert qu’il y eût rien de dissonant

dans son œuvre. Innombrables sont les mots qui diffèrent de son, le sens en est unique ; c’est un consensus. L’Écriture est uniquement la parole de Dieu, un seul livre. Il faut avoir la même foi aux deux Testaments. L’histoire sainte est inexpugnable de vérité ; bien qu’attaquée par toute sorte de machines, elle n’est pas renversée ; elle est plus ferme que les cieux. In IV Reg., annot. proœm. ii, sect. m.

Pour Barradius, il est plus facile au témoignage de saint Paul, de trouver une erreur dans la bouche d’un ange que dans l’Évangile ou dans les Écritures ; autrement, ce serait trouver l’erreur dans la bouche même de Dieu, puisque la vérité de l’Écriture s’appuie sur la vérité première et souveraine de Dieu. Comment, in concordiam et historiam evangclicam,

t. I, c. XVII.

Selon le P. Adam Contzen, jésuite, les quatre évangiles sont des parties de l’Écriture dictée par le Saint-Esprit, qui ne se trompe jamais. Il faut le croire de foi catholique. Il réfute l’opinion d’Érasme sur le lapsus de mémoire des apôtres. On ne peut jamais admettre, pas même pour un seul cas, qu’un écrivain sacré ait commis un lapsus de langue ou de mémoire. Ce serait reporter à Dieu la honte d’un mensonge. Si on mêle à la vérité divine les erreurs de la fragilité humaine, nous ne pouvons plus croire à l’authenticité de l’écrit, qui contiendrait de telles erreurs, à moins qu’il ne soit prouvé que ce qui était sincèrement divin au commencement a été altéré par les hommes. Les écrits apostoliques ne sont pas mensongers, parce que la vérité parle en eux. Les apôtres pouvaient mentir, mais quand ils p ?rlaient sous l’action du Saint-Esprit, ils ne pouvaient ni tromper ni, être trompés. Quant aux fautes des manuscrits, elles ne sont attribuables ni au Saint-Esprit ri aux apôtres, et on peut les corriger facilement d’après d’autres exemplaires. Comment, in IV Evangelia., proœm, q. ni, c. ii, q. ii, c. xxvii, 9, 10, q. r.

Libère Fromond déclarait que, si on admettait que dans une épître de saint Paul un seul verset eût été écrit par l’esprit humain, qui peut se tromper, on ne pourrait plus prouver que l’éiiître entière n’a pas été écrite par le même esprit. In Epist. ad Philem., præf.

Jean de Sylveira laisse de côté l’opinion impie d’Érasme et de ceux qui assuraient avec impiété que les éciivains sacrés avaient mêlé à l’Écriture beaucoup d’erreurs. Si on l’admettait, toute l’autorité et toute la foi dues à l’Écriture périraient car, si on reconnaît l’erreur en un point, tout sera réputé faux. La foi catholique tient pourtant que tout le conteiui de l’Écriture est d’une vérité indubit.ible, puisqu’il a été immédiatement inspiré par le Saint-Esprit. Opusculum I resol. I, q. v. Sylveira a traité la question des dicta aliorum, relatés dans l’Écriture. Il tient que le vers du poète Épiménide, cité par saint Paul, Tit., i, 12, et l’action de grâces des premiers chrétiens, Act. iv, 28, n’ont pas, par eux-mêmes, d’autorité canonique, mais qu’ils en acquièrent par le fait de leur citation faite par un écrivain inspiré. Les extraits du livre de Jason de Cyrène, cjue l’auteur du 11*5 livre des Macchabées a faits sous l’inspiration du Saint-Esprit, sont vrais, sacrés, et canoniques, non pas en tant qu’ils sont de Jason, mais en tant qu’ils ont été transcrits par un écrivain inspiré. Et quoique le livre de Jason ait pu contenir des erreurs, les extraits de son ouvrage sont très vrais et très certains, aussi bien que la citation qu’a faite l’apôtre Jude du livre apocryphe d’Hénoch. La parole du serpent à Eve, Gen, iii, 4, a été vraiment prononcée telle qu’elle est rapportée, Ibid., q. VII.

Ayant prouvé l’inspiiation divine de l’Écriture. Suarez en conclut qu’il est de foi que l’Écriture est la règle infaillible de la foi. Si elle est, en eflet, la

parole de Dieu écrite, il est nécessaire qu’elle soit la règle fie la vérité, car il n’y a pas de règle plus certaine que l’autorité de Dieu, contenue dans sa parole. Il n’y a donc dans l’Écriture rien de mensonger, car Dieu qui ne peut mentir lui-même, ne le peut non plus par un autre ; autrement toute l’autorité de l’Écriture périrait. Aussi l’Écriture a-t-elle la même autorité dans les plus petites choses que dans les plus grandes De fide, disp.V, scct. m. n. 14, Ed.Vivês, t. xii, p. 147

Pour André Duval, l’Écriture n’aurait pas la vérité infaillible dans toutes et chacune de ses parties jusqu’au moindre accent, si Dieu, qui ne peut mentir même de puissance extraordinaire, n’était pas son auteur. Tout autre qu’un écrivain inspiré, même un ange, peut se tromper et tromper. L’Écriture est sainte, parce qu’elle n’admet en elle ni erreur ni m.ensonge, pas même dans les plus petites choses ; si on en admettait un seul, toute sa certitude périrait. De Scriptura, q. I, a. 1.

IMariana s’est demandé si les Livres saints contenaient quelque chose qui ait été écrit par l’esprit humain et qui par conséquent ait pu être erroné. Il n’est pas permis de douter, répond-il, de la vérité des livres dont Dieu est l’auteur, lui qui ne peut mentir. Assurément, les Livres saints rapportent les mensonges des autres, mais ils ne les approuvent pas. On peut discuter seulement au sujet des lois reproduites et des citations faites. Beaucoup de lois pronuilguées par Moïse et les apôtres ne sont pas sorties de la bouche même de Dieu, mais ont été portées par leurs auteurs en vertu des pouvoirs qu’ils avaient reçus de Dieu. Rien n’empêche de reconnaître comme paroles du Saint-Esprit ]^s paroles de ces hommes inspirés. Si, d’ailleurs, on admet que quelques choses ont été écrites par l’esprit humain, il sera nécessaire d’admettre qu’elles ont été sujettes à l’erreur, puisque tous les hommes et toutes les choses humaines sont trompeurs. Mais il n’est pas permis d’admettre l’erreur dans la confection des lois, car en cela même Moïse et les apôtres étaient dirigés par le Saint-Esprit. Les citations ne sont faites que pour le sens, et non pour les mots. L’esprit se refuse à admettre ce que d’aucuns prétendent, que les apôtres, par erreur de mémoire, ont parfois cité un auteur pour un autre. Que serait-ce, sinon calomnier les divines Écritures ? Mariana ne veut pas imiter la liberté que saint Jérôme, Euthymius et Théophylacte ont prise de le dire, ni attribuer un mensonge à ceux que le Saint-Esprit inspirait. Pio edilione Vulgatie, c. vi, dans le Cursus completus Scripturæ sacrée de Migne, t. i, col. 755.

Frassen tirait la preuve de la vérité complète de l’Écriture de sa définition même. Dès là qu’elle est la parole écrite de Dieu, un homme de cœur ne peut douter que tout son contenu ne soit très vrai. D’ailleurs, la vérité de la parole de Dieu est affirmée très expressément Ps. xxxir, 4, Joa., xvii, 17 et toute obUquité en est exclue. Enfin puisque l’Écriture a été établie par Dieu, pour notre salut, et comme Dieu est immuable et très véridique, qu’il est la vérité même, il est nécessaire que, dans l’Écriture inspirée par lui, il n’y ait rien de dissonant, rien de faux, car la vérité seule peut procéder de la souveraine vérité. Disquisitiones biblicse, Paris, 16C2, t. III, c. iii, § 1. Ailleurs, Frassen a déclaré qu’aucune erreur, aucune contradiction ne peuvent se trouver dans l’Écriture, dont tous les livres ont été inspirés par le Saint-Esprit, Conciliulorium biblicum dans le Cursus completus Scripturæ sacne de Migne, t. ii, col. 947,

Ellies Dupin enseigne l’infaillibilité de l’Écriture, par là même que celle-ci est la parole de Dieu qui ne peut se tromper ni tromper. Prolégomènes sur la Bible, t. I, c. II, § 1. Les livres des deux Testaments, en effet, ont été écrits par l’inspiration du Saint-Esprit

qui a tellement conduit les pensées et la plume de ceux cjui les ont écrits, qu’ils ne sont tombés dans aucune erreur touchant la religion, la foi, les bonnes mœurs et les faits historiques sur lesquels la religion est établie, de sorte que tout chrétien est obUgé de croire ce qu’ils contiennent et qu’il n’est pas libre de nier ou de douter d’aucune des vérités de cette nature qui y sont établies. Ibid., § 5.

Bernard Lamy prouvait l’autorité des Livres saints d’après leur contenu, qui, étant hors de tout doute, exige que ceux qui l’ont consigné par écrit aient été véridiques et aient été poussés à écrire par Dieu qui ne peut ni se tromper ni tromper. Apparatus biblicus, t. III, c. V.

Au début du xviii<e siècle, Gaspard Juénin tenait pour fausse, l’opinion d’Érasme et de tous ceux qui niaient l’inspiration totale de la Bible. Son argument était que, si on pouvait douter que quelque partie de l’Écriture, si minime qu’elle soit, ait été écrite sous la dictée du Saint-Esprit, il n’y aura aucun chapitre de la Bible au sujet duquel pareil doute ne pût se produire. Institutiones theulogicæ, proleg., dissert. IV, c. III.

Nicolas Serarius procède autrement. Il prouve l’inspiration divine de la sainte Écriture par la sincérité des écrivains sacrés. Comme ils étaient bons et saints, ils n’ont pu attribuer à Dieu ce qui n’était pas de lui, mais ils ont écrit simplement et sincèrement ce qu’ils avaient ajjpris de Dieu. Eux, qui détestaient le mensonge, n’ont pas menti en disant : Hœc dicit Dominus, et ils n’ont pas non plus été induits en erreur, puisqu’ils disaient sérieusement ce qu’ils n’avaient pas constaté, Prolegomena biblica, c. iv, 9. ii. D’ailleurs, les écrivains sacrés, tandis qu’ils écrivaient étaient assistés par Dieu, qui tenait, pour ainsi dire, leur main, pour qu’ils n’écrivissent pas une chose pour une autre, un petit mot poui un autre petit mot, une lettre pour une lettre. Et cette assistance était nécessaire pour tout, même pour les choses supérieures, afin d’écarter d’eux toute absence d’at*ention, toute négligence et toute erreur. Ainsi Dieu a voulu assurer la certitude des Écritures, Ibid., q. xvii. Serarius réfute donc Érasme eL quelques protestants, qui restreignaient l’inspiration. Ibid., q. XX. Pour lui, la vérité de la Bible est telle que rien ne peut être plus vrai qu’elle et qu’elle est elle-même bien plus vraie que toutes les autres sciences. Ibid., q. xxi. L’autorité de la Bible est donc très certaine ; elle est exempte de toute fausseté, de toute erreur, de tout soupçon et de toute crainte d’erreur, et par suite elle est infaillible. Dieu, son auteur lui a très certainement donné la plus grande certitude. Ibid. c. vu.

Nicolas Lherminier conclut de ce que l’Écriture est la parole de Dieu, qu’on doit poser comme fondement que tout son contenu est très vrai et doit être tenu de foi certaine de sorte qu’on ne reconnaisse pas en elle le plus léger mensonge, la moindre contradiction, la moindre parole oiseuse ou superflue. Les œuvres de Dieu en effet, sont très parfaites. Suirjna iheologiæ, 3e édit., Paris, 1719, proleg. t. i, p. 51.

Charles Duplessis d’Argentré entend l’inspiration en ce sens que Dieu assistait les écrivains sacrés de telle "orte qu’en écrivant ils ne furent sujets, à aucune erreur. Au, si, selon la doctrine commune de l’Église l’autorité de l’Écriture inspirée est souveraine. Elementa theolugix, c. iv, a. 1.

Les tenants de la révélation immédiate et de l’inspiration verbale admettaient la vérité absolue de l’Écriture. Ilumbelot prouvait même l’inspiration par le fait que l’Écriture ne contenait aucune contradiction apparente, qui ne puisse s’expliquer, par le fait aussi qu’il n’y a en elle rien d’oiseux ni de superflu, ni rien de pernicieux. Sacrurum Bibliorum notio

generalis, seu compendium bihlicum, t. I, c. i, q. m.

Le canne Chéiubiii de Saiiit-Joseph exposait dix indices de l’autorité des Livres saints, entre autres leur accord sans aucune contradiction. Siimma criticæ sacræ, disp. V, a. 6, 1. 1, p. 463 sq. Au t. iv de cet ouvrage, il expose et discute très longuement les diverses opinions, qui ont été émises sur l’inspiration biblique. Il réfute celle d’Érasme, en citant les témoignages contraires des Pères et en montrant les très graves et absurdes conclusions qui résultent de cette opinion, puis celle qui admet des erreurs légères, en expliquant les passages où on remarque et en prouvant que saint Jérôme n’en était pas partisan. Dissert. II, a. 1, 4, 5. Pour son compte, il admet la révélation ou l’inspiration spéciale de l’Écriture entière, et par suite l’aisence de toute erreur. Il n’admet pas toutefois l’inspiration de tous les mots, car, autrement, il faudrait attybuer au Saint-Esprit les solécismes, les barbarismes, les hyperboles, et les autres erreurs de ce genre, et encore les mots obscurs ou moins aptes à rendre la penrée, ce qui serait un blasphème. Il ne suffit pas de dire que le Saint-Esprit s’est accommodé au génie de ses instruments ; il a déterminé et inspiré les mots qui convenaient à exprimer ses pensées. Disp. III, a. 1 sq.

Pour le P. Paul, capucin de Lyon, l’Écriture surpasse tout en autorité et elle est la règle infaillible de la foi, puisqu’elle est la parole de Dieu, sortie immédiatement de sa bouche. Il enseigne donc que la plus légère erreur ne peut s’y rencontrer et que l’inspiration spéciale s’est étendue à tout, même aux paroles et aux accents. Totius theologice spccimen, t. i, De vcrbo Dei, c. ii-iv.

Charles Witasse a la même doctrine, sauf qu’il laisse au lecteur le choix au sujet de l’inspiration verbale. Traclalus de Deo ipsiusque proprietatibus, q. i a. 5.

Le P. Henri de Bukentop, rccollet, admettait qu’absolument parlant, un hagiographe, tout en écrivant sous l’inspiration du Saint-Esprit, aurait pu entendre un sens faux, ou impie ou étranger au sens que le Saint-Esprit voulait exprimer par les mêmes mots, et avoir l’intention de l’écrire. Le sens de l’Écriture n’est pas tant le sens de l’hagiographe que celui du Saint-Esprit. Il n’y a pas de disparité apparente entre la parole de Dieu écrite et cette parole, proférée seulement de bouche. Or, Caïphe a parlé dans un sens diflélent de ce que Dieu voulait lui faire dire. Joa. xi, 50, 51. Isaïe au sujet de la mort d’Ezéchias et Jonas sur la ruine de Ninive ont agi de même. Si Dieu Vivait voulu, la même chose aurait pu se produire dans l’Écriture. Saint Augustin dit même que cela s’est produit pour Matth., XXVII, 9. En fait, les théologiens s’accordent à reconnaître vraisemblable que les écrivains sacrés ont toujours conservé au moins un sens que le Saint-Esprit entendait, bien qu’ils ignorassent qu’ils écrivaient sous l’inspiration divine, comme l’auteur du II « livre des Macchabées. Mais il est plus convenable <[ue les écrivains racrés aient exprimé ce sens en le sachant voulu par le Saint-Esprit. Il est croyable et très vraisemblable, quoique non absolument certain, que les plus pieux hagiographes. Moïse, David, Isaie, saint.lean, connaissaient tous les sens littéraux que le Sf int-Ebprit avait l’intention d’exprimer. C’est le .sentiment de saint Hilaire, de saint Augustin et de saint Thomas. Les raisons contraires ne prouvent rien. Toutefois, à dire vrai, il -uffisait que le prophète comprit quelque chose de ce qu’il écrivait. Les sens, cachés à l’iiagiographe, mais voulus par Dieu, ont dû être révélés à d’autres. Traclalus de sensibus sacræ Scriplune, Louvain, 1704, c. xiv, p. 1-18, p. 99-103. ^ Les tenants de l’opinion nouvelle enseignaient tous que l’assistance du Saint-Esprit préservait les écrivains sacrés de toute eneur. Ain-i, Boucat, pour les livres

historiques. Theolngia Patnim scholaslico-dogmatica, 1726, t. IX, De Scripliira, proœm. Le P. Edmond Simonet admettait l’illumination et la direction des écrivains sacrés par le Saint-Esprit dans les moindres choses pour qu’ils ne pussent tomber dans l’erreur. Insliluliones theologiic, 1725, tr. De regutis fidei, disp. I, a. 9, 10, t. VI. Pierre Collet, qui reconnaissait non pas la révélation mais l’inspiration immédiate de chacun des mots, en concluait qu’on ne pouvait admettre dans l’Écriture la plus légère erreur ni aucun lapsus de mémoire ; autrement, toute son autorité croulerait. Instiluliones theologicæ, 1773, t. i, proleg. Pour le jésuite Ignace Schunck, il était nécessaire que l’écrivain sacré écrivit avec la certitude de la vérité divine et sans aucun danger d’erreur ou d’imprudence. Si le Saint-Esprit ne dictait pas tous les mots, il assisteit cependant les hagiographes pour qu’ils n’écrivissent rien de faux ou de contraire aux bonnes mœurs, à condition que cette assistance fut la suite d’une impulsion interne. Nolio dogmalica socræ Scripfuræ, 1772, quest. proœm. sect. m. Pour Marchini, l’Écriture entière a été inspirée de telle sorte qu’elle ne contient aucune erreur, même minime, ni aucun lapsus de mémoire. De divinitate et canonicilale sanctorum librontm, part. I, a. 5.

Ainsi, jusqu’à la fin du xviiie siècle, tous les théologiens, à quelque école qu’ils appartinssent, qu’ils admissent une révélation immédiate ou seulement une direction et assistance du Saint-Esprit, ont conclu de l’action de cet Esprit sur les écrivains sacrés que le contenu de leurs livres était tout entier certain et vrai et qu’il participait à la certitude et à la vérité infaillible de son auteur principal. Le point de départ de leur affirmation variait. La plupart usaient du procédé théologique et déduisaient cette conséquence de la nature même de l’inspiration divine. Quelquesuns toutefois le concluaient de l’examen même des Livres saints, dont ils avaient constaté l’accord et la vérité intrinsèque. Le P. Chérubin de SaintJoseph, en particulier, avait examiné et résolu toutes les contradictions apparentes des Livres saints.

Les théologiens du xixe siècle n’ont pas eu une autre doctrine. Nous citerons seulement le cardinal Franzelin. Il n’établit pas une thèse spéciale sur la vérité infaillible et l’inerrance de l’Écriture, il la déduit de la doctrine catholique de l’inspiration. Pour lui, l’action de Dieu, auteur principal des Livres saints, sur les écrivains sacrés, causes instrumentales, confère aux écrits ainsi rédigés une véracité infaillible. Il n’a pas besoin de prouver autrement l’exemption d’erreur dans les Livres saints. Tous les théologiens de son école ont suivi le même procédé.

Le docteur Schmid a traité e.r professa la question de l’inerrance scripturaire. Dès le début de son ouvrage, il a prouvé qu’au sentiment unanime de l’Église et d’après la notion même de l’Écriture, celle-ci était exempte de toute erreur. De inspirationis bibliese vi el ralione, Brixen, 1883, p. 2-8. Il constate ensuite que, selon les Pères et les docteurs, l’inspiration, qui préserve d’erreur les hagiographes, s’étend à tout le contenu de l’Écriture, p. 26-29. Pour déterminer exactement les limites extrêmes, de l’inspiration, il examine longuement et minutieusement, à la fin de son ouvrage, ce qu’il faut attribuer à l’autorité infaillible de Dieu, auteur principal de l’Écriture, dans ce que la Bible rapporte des choses, directement étrangères à la révélation, telles que les questions scientifiques, touchées dans le récit de la création, p. 310340.

De môme, pour répondre aux opinions modernes relatives à l’étendue de l’inspiration scripturaire, dom Crets, prouve que, si, de sa nature, l’inspiration a existé en vue de l’enseignement religieux des hommes.

cependant le reste de son contenu, intimement lié à cet enseignement, a été inspiré, accessoiie et in ordine ad res fidei et monim. De divinci Bibliorum inspiralione dissertalio, Louvain, 1886, p. 296-307. Il étudie ensuite les rapports de l’Écriture avec les sciences profanes, p. 307-311, puis la manière commune et vulgaire de parler des écrivains sacrés, p. 311-323. Au sujet du concept véritable de l’inspiration, il avait examiné, d’une part, ce que les hagiographes disaient d’euxmêmes et de leur propre autorité, et, d’autre part, comment ils rapportaient les dicta alioriim, p. 179-203. A ce dernier sujet, il distinguait les personnes qui, en parlant dans l’Écriture jouissaient d’une autorité divine. Dieu, les bons anges, les hommes dotés de l’instinct prophétique, et ceux qui avaient proféré des chants ou des hymnes inspirés, des autres qui avaient parlé sans aucun secours humain. Il recherchait enfin ceux de cette dernière catégorie, dont les paroles, rapportées dans la Bible, avaient été approuvées ou non par le Saint-Esprit. Aussi les questions nouvelles qui avaient été soulevées au sujet de l’inerrance biblique, recevaient une solution cathoHque, qui excluait l’existence d’erreurs formelles sur ces différents points dans la sainte Ecriture. Mais une autorité supérieure à celle de simples théologiens devait intervenir dans ce débat et affirmer solennellement l’absence de toute erreur dans la Bible.

/II. DANS V ENCYCLIQUE PROVIDENTISSIMVS DEUS.

— La Question biblique posée par Mgr d’Hulst, voir col. 2188, n’eût pas reçu une solution suffisante par la simple condamnation de l’article du Correspondant, d’autant que l’auteur ne se présentait que comme un rapporteur d’opinions diverses. Considérant l’affaire de plus haut, Léon XIII préféra donner une réponse positive, en traitant dans une encyclique Des saintes Écritures en général, 18 novembre 1893. Dans la seconde partie, après avoir exposé la méthode à suivre pour interpréter les Livres saints, le souverain pontife invitait les catholiques à une autre tâche, aussi importante que laborieuse, consistant à venger très énergiquement et intégralement l’autorité de ces livres. Or, cette défense pleine et entière ne pourra être faite que par le magistère vivant et propre de l’Église, dont la mission divine est prouvée par elle-même, iodépendamment de l’Écriture. Mais comme ce magistère infaillible s’appuie aussi sur l’autorité de l’Écriture, il faut tout d’abord que la foi au moins humaine de cette Écriture soit affirmée et justifiée, afin que les livres bibliques, comme témoins absolument sûrs de l’antiquité, mettent à leur tour en sûreté et en lumière la divinité et la mission de Jésus-Christ, l’institution hiérarchique de l’Église, la primauté de Pierre et de ses successeurs. Des apologistes bien armés sont donc nécessaires. Le pape esquisse ensuite les moyens appropriés à cette défense. Il cite notamment la critique supérieure dont abusent les adversaires de la Bible, qui s’en parent pour élaguer des Livres saints les prophéties, les miracles et tous les éléments qui surpassent l’ordre naturel, et dont les catholiques doivent s’armer pour lutter contre eux. Il faut lutter aussi contre ceux qui, abusent de leur science de la nature, accusent les hagiographes d’ignorance en cette matière et blâment les Écritures elles-mêmes. Il est d’autant plus nécessaire d’étudier ces sciences de la nature que, tombant sous les sens, elles sont accessibles à tous et peuvent, si elles sont mal présentées devenir dangereuses pour la foi du peuple et de la jeunesse. « Sans doute, aucune contradiction réelle ne pourrait exister entre le théologien et le naturaliste, si l’un et l’autre se renfermaient dans leurs limites et se gardaient, selon l’avertissement de saint Augustin, « de rien affirmer témérairement et de donner l’inconnu pour le connu ». Dans le cas de conflit, il y a lieu de

rappeller la règle tracée par saint Augustin, De Genesi ad lilleram, t. I, c. xxi, n. 41, P. L., t. xxxiv, col. 262. Léon XIII montre ensuite la justesse de cette règle, en considérant d’abord « que les écrivains sacrés ou plus exactement que l’Esprit divin, qui parle par eux, n’a point voulu enseigner aux hommes ces faits (c’est-à-dire la constitution intime des choses visibles), qui n’auront aucune utilité pour le salut. » (S. Augustin, ibid., t. II, c. IX, n. 20, col. 270). C’est pourquoi, les hagiographes, au lieu d’entreprendre directement l’explication de la nature, décrivent et traitent parfois cette sorte de choses d’une certaine façon métaphorique ou comme on en parlait communément de leur temps, et comme à présent encore, même parmi les hommes les plus savants, on parle de beaucoup de choses dans la conversation journalière. Et comme le langage vulgaire exprime premièrement et proprement ce qui tombe sous les sens, ainsi l’écrivain sacré, selon l’observation du docteur angéliqué, « a énoncé ce qui apparaît sensiblement (Sum. theoL, I", q. lxx, a. 1, ad 3um) ou ce que Dieu lui-même, parlant à des hommes, a exprimé suivant l’usage humain, afin d’être compris par eux. » Le souverain pontife exclut ensuite certaines interprétations des Pères qui, en ces matières physiques, n’ont peut-être pas jugé des textes bibliques selon la vérité, et qui ont pu proposer certaines explications qui ne sont plus guère approuvées aujourd’hui. Il termine ce sujet par ce sage conseil : « De fait, quoique l’exégète doive montrer que la Bible bien expliquée n’est menacée par rien de ce que les investigateurs de la nature affirment, avec des preuves certaines, être désormais certain, qu’il n’oublie cependant pas que parfois il est arrivé cjue des systèmes, enseignés comme certains par ces savants, ont été depuis révoqués en doute et répudiés. Que si les écrivains qui traitent de la nature transgressent les limites de leur science et envahissent le domaine des philosophes en y portant des opinions perverses, cjue l’exégète théologien renvoie celles-ci aux philosophes pour en être réfutées. » Denzingei'-Bannwart, n. 19461949, Cavallera, Thésaurus, n. 84-87.

Passant ensuite aux matières historiques, Léon XIII employa cette transition, qui a été plus tard mal comprise et dont il faut par suite reproduire le texte original : Ilœc ipsa deinde ad cognatas disciplinas, ad historiam præsertim, juvabit iransferri. Il déplore que beaucoup d’érudits étudient et publient les monuments de l’antiquité, les mœurs et les institutions des peuples trop souvent dans le dessein de surprendre des taches d’erreur dans les Livres saints et d’affaiblir ou d’ébranler ainsi leur autorité en bien des points ? D’autres se fient tellement aux livres profanes et aux monuments de l’antiquité cju’on dirait que même on ne peut les soupçonner d’erreur et ne veulent pas accordy la même confiance aux Livres saints dès qu’il y conjecturent une simple apparence d’erreur, que, du reste, ils ne discutent même pas comme il faudrait. Le pape écarte les erreurs des copistes dans la transcription du texte sacré, les passages bibliques dont le sens est demeuré incertain et qu’il s’agit de bien interpréter. At nefas omnino fuerit aul inspirationem ad cdiquas tantum sacræ Scripturee partes eoanguslare aul concedcre sacrum ipsum errare auctorem. Nous voici au cœur de la question d’inerrance. Aussi Léon XIII réfute une des principales raisons invoquées pour justifier l’opinion condamnée. « On ne peut en elîet, tolérer le procédé de ceux qui, pour se tirer de ces difficultés, n’hésitent pas à concéder que l’inspiration divine s’étend aux choses de la foi et des mœurs, mais à rien de plus, parce qu’ils pensent faussement que, cjuand il s’agit de la vérité des pensées de la Bible, il ne faut pas tant chercher ce que Dieu a dit, cpe peser la raison pour laquelle il l’a dit. »

Cette réfutation sert au souverain pontife d’occasion d’affirmer, de tous les livres canoniques, dans toutes leurs parties, l’exemption de toute erreur : Tantum vero abest ut divinæ inspirationi uUus error snbesse possil, ul ca per seipsa, non modo errorem excludat omnem, sed tam nccessario excludat et rcspuat, quiim necessarium est Deum summam Veritateni, nullius omnino erroris auctorem esse. Telle est la foi ancienne et constante de l’Église, solennellement définie par les conciles de Florence, de Trente et du Vatican. Voir col. 2095. C’est pourquoi, continue le pape en réfutant un nouvel argument des critiques modernes, il n’importe absolument en rien que le Saint-Esprit ait employé des hommes comme ses instruments pour écriie, et l’on n’en saurait conclure que, si l’auteur principal n’a pu commettre aucune erreur, les écrivains inspirés l’ont bien pu. Et pour prouver qu’ils ne l’avaient pu, Léon XIII expose la nature de l’inspiration, voir col. 2160, et le sentiment des Pères, en citant saint Augustin et saint Grégoire le Grand. « C’est pourquoi, conclut-il, si quelques-uns pensaient que quelque chose de faux peut être contenu dans des passages authentiques des Livres saints (pour exclure les fautes des manuscrits), ou bien ils pervertiraient certainement la notion catholique de l’inspiration divine, ou bien ils feraient de Dieu même l’auteur de l’erreur. » Aussi tous les Pères et docteurs ont-ils eu la persuasion que les lettres divines, telles qu’elles sont sorties des mains des hagiographes, sont absolument indemnes de toute erreur. Ils se sont occupés de concilier tous les textes bibliques qui, en assez bon nombre, semblent présenter des contradictions ou des divergences, et qui sont à peu près les mêmes que ceux qu’on objecte aujourd’hui au nom de la science nouvelle. Ils ont unanimement professé que les livres de la Bible, dans leur ensemble et dans leurs parties, étaient également sortis du souffle divin et que Dieu luimême, ayant parlé par les auteurs sacrés, n’avait absolument rien pu énoncer d’étranger à la vérité. On observera donc toujours la règle que traçait saint Augustin, dans une lettre à saint Jérôme, de porter aux seids livres canoniques cet honneur de penser fermentent que nul de leurs auteurs n’a commis aucune erreur en les écrivant. Aussi en face de quelque chose qui paraît contraire à la vérité, « je n’hésite nullement à dire ou que le manuscrit est fautif, ou que le traducteur n’a pas saisi ce qui a été dit, ou que je n’ai pas compris. » Denzinger-Bannwart, n. 1949-1952 ; Cavallera, n. 89-91.

On ne saurait trouver un en eignement plus formel sur l’inerrance biblique tant dans les choses qui touchent aux sciences de la nature que dans les récits historiques.

/ r. A PRÈS L’ENCTCLIQ VE PRO VIDENTISSIMUS DE US.

1o Les premiers commentaires. L’enseignement pontifical était si clair que les théologiens qui le commentèrent l’adoptèrent pleinement et en firent ressortir la signification et la portée.

Ainsi, M. Didiot distingue d’abord avec Léon XIII, dans le contenu de la Bible : les choses qui appartiennent à la foi et aux mœurs, à savoir les mystères révélés et les vérités religieuses et morales qui, bien qu’accessibles à la raison humaine nous ont été enseignées par Dieu, afin de nous les faire connaître avec plus de fermeté et les dégager de toute erreur ; et, d’autres choses, qui ne sont pas de nécessité de foi, parce qu’elles ne sont pas utiles au salut, et que Dieu n’a pas voulu enseigner, bien qu’il ait ordonné aux hagiographes de les faire entrer dans les Livres saints, qui sont donc inspirées et parfaitement indemnes de toute erreur. De ce nombre, Léon XIII indique les choses qui ont rapport aux sciences de la nature. Or, sur elles, Dieu n’a pas voulu donner formellement un

enseignement, les faire connaître expressément, eu communiquer la science. Il a seulement voulu faire parler d’elles, c’est-à-dire non en donner la science proprement dite ni exiger de l’esprit une adhésion formelle. Les écrivains sacrés, ou plutôt le Saint-Esprit qui parlait par eux, n’ont pas enseigné la constitution intime des choses de la nature, ils en ont parlé seulement ; ils ont décrit parfois cet ordre de choses, mais d’une façon métaphorique, ou comme on en parlait de leur temps, comme on en parle couramment encore aujourd’hui. Il n’y a donc pas dans la Bible un enseignement sur les choses naturelles, on y lit seulement une description imagée ou faite dans le langage familier de l’antiquité. Cette description est donc faite suivant les apparences extérieures ; elle n’atteint pas le fond des choses, et il faut l’interpréter telle qu’elle existe, comme les choses tombant sous les sens. Le théologien n’a donc pas à chercher dans la Bible une physique révélée, et encore moins à l’imposer au physicien et au naturaliste, comme si elle avait été illuminée par la lumière divine qui est bien supérieure à celle des savants. Cet élément secondaire de la Bible, sans être enseigné, est cependant inspiré, mais, en le prenant tel qu’il est, il n’est pas erroné ; il n’enseigne pas d’erreur, puisqu’il n’est pas l’objet de renseignement divin. En vertu de la transition : Heec ipsa, etc., M. Didiot voyait dans la Bible, un autre élément secondaire, qui n’était pas non plus l’objet de l’enseignement divin, qui était effleuré plutôt qu’enseigné. C’était « l’histoire et la biographie profanes, telles que l’archéologie, la mythologie, la linguistique, etc. » Sur ce double objet secondaire de la Bible, nous n’avons donc qu’une conversation. Mais si la conversation humaine est exposée à bien des erreurs, « comment douter que l’infaillible conversation de Dieu avec nous dans les saintes Lettres, encore qu’elles n’ait pas toute l’importance de ses enseignements proprement dits, touchant la foi et les mœurs, ne soit la source inspirée et toujours féconde d’une multitude de bienfaits pour les âmes ? » Traité de la sainte Écriture, p. 161-170.

Avec Léon XIII, M. Didiot excluait donc toute erreur de l’Écriture, même dans son objet secondaire et accessoire. Traitant, d’ailleurs ex professa, la question de l’inerrance biblique, après avoir exclu les actes absolument mauvais, simplement rapportés, mais non approuvés dans la Bible, les fautes de copies ou d’impression, il se demande si tout ce qui est réellement entré dans la Bible par l’inspiration divine est absolument exempt d’erreur si tout ce qui est inspiré exige de nous un assentiment de foi divine ou un acte de croyance motivée par l’autorité de Dieu révélateur, cjui ne peut se tromper ni nous tromper. Dans la Bible telle qu’elle est sortie des mains des hagiographes, il n’y a aucune erreur d’aucun genre. L’inspiration exclut essentiellement et nécessairement toute erreur, non seulement dans l’excitation et la motion communiquées par Dieu aux hagiographes, mais encore dans la façon dont ceux-ci ont compris ce qu’ils avaient à dire, dont ils l’ont voulu rendre et dont ils l’ont rendu avec l’assistance de l’Esprit Saint qui les empêchait d’employer des expressions erronées ou ineptes. Cette inspiration s’étend à toute la Bible, non seulement aux matières de toi et de mœurs, mais à tout ce que les hagiographes ont compris, voulu écrire, et réellement écrit, lors même qu’il s’agissait de chose que Dieu no se proposait pas de nous enseigner. Or, d’après la notion de l’inspiration telle que Léon XIII l’a exposée, il e^t impossible d’admettre une erreur quelconque dans un texte authentique de la Bible, sans que cette erreur rejaillisse sur Dieu même, qui est responsable de tout ce que les instruments dont il s’est servi ont pensé, voulu, écrit. Il leur a laissé leur caractère indivi

duel, leur tournure d’esprit, leur méthode logique, leur manière de parler et d’écrire, mais il a employé les indinidualisincs à la composition des ouvrages inspirés, et, si du fait des hagiographes quelque erreur, quelque fausseté, quelque contre-vérité s’était glissée dans le texte divinement inspiré, c’est sur Dieu même qu’en rejaillirait la faute. Une telle In^jotlièse est aussi absurde flue sacrilège, et en fin de compte, il n’y a pas d’erreur dans la Bible telle que les hagiographes l’ont composée.

Les dissemblances, les oppositions, les contradictions qui sembleraient indiquer quelque erreur dans la Bible, doivent être l’objet d’un travail de conciliation et d’harmonisation, que les Pères et les exégètes ont largement accompli. Voir Antilogies bibliques, t. i, col. 1382-1389. Le pape a même tracé, à l’occasion, la méthode de prudence à suivre dans ce travail de conciliation. Ibid., p. 231-238. î

En exposant la part que les écrivains sacrqf ont eue dans la composition des Livres saints, M. Vacant pensait que, si Dieu leur a inspiré les choses qu’ils devaient écrire, il leur avait laissé presque tout le soin de les exprimer. Quoiqu’il ait agi sur leur intelligence et même sur leur imagination, ils avaient le soin de trouver l’expression des vérités manifestées. Aussi leui style est-il difl’érent. Les dogmes eux-mêmes sont énoncés dans l’Écriture sous des formules concrètes, qui n’ont pas la précision du langage théologique. Pour ce qui est des choses d’ordre naturel, comme le mouvement du soleil, ils s’expriment d’une manière conforme à la croyance commune des Hébreux et de leurs contemporains, en métaphores ou selon les apparences. Il faut donc interpréter les Écritures d’après les croyances d’un autre âge. Néanmoins, Dieu a assisté les rédacteurs pour que leur langage rendît exactement la pensée divine, quoiqu’il fût conforme aux apparences cxtérieuree. Éludes théologiques sur les constitutions du concile du Vatican, t. i, p. 485-487. L’exemption d’erreur, qui résulte de cette assistance n’est pas restreinte aux vérités qui concernent la foi et les mœurs ; elle s’étend à tout le contenu des Écritures, aux énoncés historiques ou physiques eux-mêmes. La raison de cette inerrance totale est l’inspiration totale de la Bible. Ibid, p. 492, 500.

Quant aux prétendues erreurs qu’on oppose à l’inerrance biblique au nom de l’histoire et de la science, elles ne sont qu’apparentes. Léon XIII a indiqué trois règles principales pour les résoudre. Deux s’appliquent aux objections historiques, et la troisième aux difhcultés de l’ordre physique. Les deux premières expriment que certains textes ont pu être altérés, ou que le sens qu’on leur donne n’est pas certain. La troisième rappelle qu’en matière de science les écrivains sacres se sont exprimés souvent d’une manière métaphorique ou dans le langage reçu de leur temps. Il ne faut donc pas interpréter leurs expressions au sens littéral propre ni reconnaître des formules scientifiques dans les termes qu’ils ont empruntés au langage courant de leur temps. M. Vacant développe seulement cette troisième règle les deux autres résultant sufiisamment de l’extension totale de l’inspiration biblique. Ibid., p. 500-507. Son exégèse de l’encyclique est identique à celle de M. Didiot, quoiqu’elle soit moins précise. Elle exclut de la Bible toute erreur scientifique.

Le P. Semeria ne concluait pas du langage des apparences à l’existence d’une erreur dans le texte sacré. A son jugement, il suffisait, pour que l’auteur sacré fût à l’abri de tout reproche d’erreur, qu’il eût correctement décrit les apparences et non qu’il eût personnellement connu la nature des choses. Cosmogonie mosaïque, dans la Revue biblique, 1894, p. 180, note 2. Voir aussi F. Valente, S. Girolamo, etc., p. 88-96.

2o Attaques directes.

Nous nous bornerons ^ signaler deux attaques que l’encyclique subit en Angleterre et en Italie, peu de temps après sa publication, et que le P. Brandi a réfutées dans la Civillà cattolica, puis en un volume.

1. L’anonyme qui, en 1893, avait attaqué la politique de Léon XIII dans la Contemporanj review, critiqua l’encyclique, Providentissimus Dens dans le même périodique, Londres, avril 1894, n. 32, p. 576608, au sujet de l’iherrance biblique. Tout en se disant « fils dévoué de l’Église », il crut, après un exposé de principes, démontrer par des ! faits concrets », qu’il y avait dans la Bible d’innomb rallies erreurs et de réelles contradictions. Il signala donc un certain nombre de prétendues contradictions entre différents auteurs de la Bible et, qui plus est, dans le même livre, et de véritables erreurs historiques. Son article fut traduit en français et publié en brochure, sous ce titre : L’encyclique et les ccdholiques anglais et américains, Paris, 1894. Les exemples cités avaient été maintes fois expliqués par les exégètes et les apologistes catholiques. Le P. Brandi discuta les principaux et montra, une fois de plus que les contradictions n’étaient qu’apparentes et que les erreurs hi toriques signalées n’existaient pas au regard d’une saine interprétation des textes. La question biblique, trad. Mazoyer, Paris, s. d., p. 122-104. Le P. Lagrange a déclaré que l’auteur, que certains pensaient être un prélat austro-hongrois, « a eu le tort de traiter par le persifflage de graves questions. » Revue biblique, 1895, p. C4. Voir la Réponse à « L’encyclique et les catholiques anglais et américains » de l’abbé Bobert, Paris, 1894.

2. Un catholique italien, sous le pseudonyme d’Eufrasio, nia aussi, dans la Rasscgna nationale, 1o mai 1894, l’inerrance absolue de la Bible. Selon lui, l’Écriture, quoique inspirée tout entière, contient cependant des erreurs historiques et scientifique^. Il prétendit même que Léon XIII a reconnu l’existence d’erreurs scientifiques dans la Bible, quand il déclarait que l’autorité de Dieu n’était nullement engagée en ces matières et qu’ainsi les passages où il s’agit de la nature des choses, ijeuvent renfermer des erreurs. En d’autres termes, tout ce qui est inspiré n’est pas nécessairement vrai ; l’inspiration est totale, quant à son objet, mais son elïet n’exclut pas toute erreur. Le texte de l’encyclique et le commentaire de M. Didiot montrent clairement que le souverain pontife a exclu la possibilité de l’erreur, même dans les matières scientifiques, que Dieu n’a pas voulu enseigner, et qu’à ce sujet les écrivains sacrés ont parlé selon les apparences, comme on le fait dans la conversation journalière, mais sans aucun détriment de la vérité, puisqu’ils n’affirmaient pas la nature intime des choses et puisque ni Dieu ni eux ne nous instruisent là-dessus. Il peut bien y avoir contradiction réelle entre certaines explications des Pères et des commentateurs et les conclusions certaines des sciences physiques et, à plus forte raison, avec les hypothèses des savants modernes ; il n’y a pas contradiction réelle entre les conclusions vraiment scientifiques et les textes authentiques des Livres saints. Le P. Brandi confirme sa réfutation d’Eufrasio, en examinant quelques exemples, que certains savants modernes se plaisent à citer comme erronés au point de vue scientifique. Ibid., p. 58-121.

3o Vues nouvelles, discussions et décisions de l’autorité ecclésiastique. — 1. Au sujet des sciences physiques. — a) La formule de l’encychque : » Les écrivains sacres, en matière scientifique, ont parlé selon les apparences, » acceptée pai les exégètes catholiques, n’avait pas fait l’accord parfait entre eux. Puisqu’il n’y a pas d’enseignement scientifique dans la Bible, il ne saurait y avoir d’erreur scientifique concluait rigoureusement le P. Brucker, L’apologie biblique d’après l’encyclique

Providenlissimus Deus, dans les Études religifuses, Paris, 1894, t. lxt, p. 545 sq. En effet, on ne convaincra jamais d’erreur scientifique un auteur qui prétend ne rien affirnier de scientifique et qui fait abstraction de la science. On peut penser qu’il n’est pas au courant des choses de la nature ; on ne peut l’accuser d’erreur. Le P. Brucker ajoute que, tout en parlant comme leur contemporains, les écrivains inspirés n’ont pas pu croire nécessairement des fausseté ;. D’autres exégètes pensaient que ces écrivain ; n’en savaient pas plus que leurs contemporains, que Dieu n’était pas tenu de leur donner une révélation scientifique, et qu’il a suffi que, sous l’action inspiratrice, ils fissent abstraction des théories scientifiques de leur temps, et cju’ainsi, ils fussent préservés de toute affirmation fausse. Lagrange, dans la Revue biblique, 1895, p. 51-52 ; F. de Huinmelaucr, Exegelisches : ur Inspirationslehre, I’"ribourg-en-Brisgau, 1904, p. 55-58. L’abbé Robert alhiit plus loin. Dans sa Réponse précitée, p. 31, il écrivait : « Les assertions de la Bible sur les choses de la nature représentant les croyances scientifiques de ces époques reculées, sont généralement erronées. ». Cette formule ne paraissait pas « parfaitement exacte » au P. Lagrange qui préférait dire : « Les allusions de la Bible aux choses de la nature reflétant dans leurs termes les opinions de ces époques reculées, ne sont pas toujours conformes à l’expression exacte de la vérité scientifique. » Ibid., p. 55. Avec le Père Brucker, il avait excepté peut-être « l’histoire des origines » du c. 1’^' de la Genèse, p. 50.

Mais dans sa conférence sur la Notion de Vlnspiraiion d’après les faits bibliques, lue à l’Institut catholique de Toulouse, le 7 novembre 1902 et publiée dans la Méthode historique, 2e édit., Paris, 1904, p. 71-109, le P. Lagrange, a été beaucoup plus précis, llseproposait de constater, en lisant les Livres saints eux-mêmes, quel rapport l’inspiration a avec l’enseignement divin et quel est le mode de cet enseignement, p. 72. Le rapport de l’inspiration avec l’enseignement divin est étudié à partir de la page 88. Or, l’inspiration s’étend plus loin que l’enseignement religieux ; elle s’étend : tout, même aux mots tandis que reiiseignemeiiL religieux n’est pas partout. On peut se demander des lors si le but de l’inspiration est d’enseigner, et il semble bien au moins que ce ne soit pas son but immédiat. La vérité religieuse a été enseignée par Dieu au moyen de la révélation qui n’est pas nécessairement contemporaine de l’inspiration. Celle-ci a pour but de fixer et de conserver uive connaissance antérieurement acquise : le souvenir de vérités antérieurement lévélées et des faits de l’histoire qui permettent de comprendre l’ordre et la suite de la révélation. Or, même dans l’ordre des vérités du salut, la doctrine n’est pas nécessairement parfaite. Dieu ayant résolu peut-être de conserver la mémoire des idées imparfaites cju’on avait sur la divinité dans un stage donné de la révélation. Toutefois, « il est impossible que Dieu enseigne l’erreur. Il est donc impossible, non pas que la Bible où tout le monde prend la parole, contienne des erreuis mais que l’examen intelligent de la Bible nous force à conclure cjue Dieu a enseigné l’erreur, » p. 92. Or, la Bible a surtout pour but la vérité religieuse, et tout ce que les auteurs sacrés enseignent. Dieu, l’enseigne, et cela est donc vrai. Mais qu’enseignent les écrivains inspirés ? Ils n’ont pas toujours rinlention d’instruire au nom de Dieu. On ne peut « pas considérer comme affirmation de Dieu ce que l’auteur récite et ne se soucie pas de prendre à son compte. Si l’enseignement religieux lui-même, qui est le principal, n’est pas toujours parfait, à plus forte raison en est-il ainsi de ces éléments secondaires, qui ne figurent dans l’Ecriture que pour servir de vêtement à la vérité, » p. 95. « Mais comment concilier ces expressions inexactes avec la dignité de l’Esprit Saint ? » p. 96. Ce pédagogue, ce prédicateur, pour instruire les hommes, a parlé comme le peuple, il a bégayé, il a épelé les mystères du ciel, il s’est appuyé sur des idées fausses, tout en glissant dessus ; mais il ne faut pas le charger de tous ces bégaiements et de toutes nos inconséquences. Des faits bibliques prouventqu’il en a été ainsi. Toutefois, < Dieu n’enseigne rien de faux, ne s’appuie sur rien de faux comme élément essentiel de son enseignement. Il est libre de se servir de nos idées scientifiques ou de l’histoire comme d’un simple procédé de préparation, ainsi qu’il mènerait vos idées au point voulu par une comparaison ou une parabole, a p. 101. Les apôtres ont pu se servir des idées des Juifs sur les sciences et l’histoire sans les rectifier, si cette manière d’enseigner convient à.Jésus lui-même, « pourquoi ne pas supposer le même procédé, lorsque l’enseignement divin est donné par un écrivain sacré quelconque ? » p. 103.

Léon XIII a répété « cette règle excellente i dont saint Augustin a fourni l’idée et à laquelle saint Thomas a donné son expression lapidaire. Quand la Bible parle des phénomènes naturels selon les apparences, elle n’est ni vraie, ni fausse. Les anciens auteurs n’en savaient pas plus qu’ils n’en laissent paraître. De leur temps, personne ne soupçonnait le fait scientifique. En ces matières, les écrivains inspirés n’émettaient pas de proposition, qui fût vraie ou fausse. « Quand on s’en tient aux apparences, on ne juge pas au fond ; il n’y a ni affirmation, ni négation ; or la vérité et l’erreur ne se trouvent formellement que dans un jugement formel, » p. 106. Donc, quand l’écrivain sacré n’en sait pas plus que les autres, dût-il en conséciuence employer une expression matériellement fausse, il se peut très bien que Dieu ne lui apprenne rien de plus. » Ibid. Le progrès des sciences ecclésiastiques consistera à appliquer aux cas particuliers, selon les exigences de la critique, ce principe traditionnel que les écrivains sacrés parlent selon les apparences, p. 109.

Dans la 4o conférence, application de ces principes était faite aux données scientifiques de la Bible. Depuis l’échec du concordisme, il faut explicjuer celles-ci par la science ancienne ; et cette science est imparfaite, insuffisante, fausse même. Assurément. Mais Dieu ne l’a pas enseignée. Non seulement il n’a pas révélé ces données, il n’a pas même voulu que figurant dans la Bible, elles fussent présentées comme venant de lui, dites par lui, dictées par lui. Lorsque les écrivains sacrés font allusion à ces théories, ils suivent les apparences. Voilà la parole libératrice, p. 137. Tous les catholiques l’admettent maintenant, après la parole de Léon XIII, mais quelques-uns hésitent encore sur l’application. Le principe de solution est applicable aux sciences comme à l’histoire, p. 144-145, où le langage des apparences maintient dans la Bible des données matériellement fausses. La conclusion n’était pas expressément tirée ici ; mais elle était tellement évidente que dans un résumé public dans la Revue biblique, 1903, p. 136-137, et assurément fidèle, on disait : « Il n’est pas rare qu’une opinion reçue de tous soit reconnue comme fausse. »

b) Réserve avait été faite duc. i" de la Genèse, que beaucoup d’exégètes catholiques cherchaient à mettre plus ou moins complètement et plus ou moins heureusement d’accord avec les systèmes cosmologiques des savants actuels. Nous avons exposé les différents systèmes concordistes à l’art. Hexaméron, t. vi, col. 2340-2344. La Commission biblique dans son décret De charactere historieo priorum capitum Geneseos, du 30 juillet 1909 a décidé qu’il n’était pas nécessaire d’interpréter au sens proprement scientifique ce c. l" de la Genèse. Les considérants de son dubium VII

vn. — 71

vont à notre sujet : Utrum, ciim in conscribendo primo Geritseos capile non jiierit sacri anctoris mens intimum adspecUtbilium rentm conslitiitionem ordinemque creationis compleliim scienlifico more docere, sed potins suæ genli tradere noiiliam popularem, prout eommiinis sermo per ea lerebnl lempora, sensibus et capiui hominnm accommodatam, sit in eorum inlerpretalione adamussim semperque interpretandii scientifici scrmonis proprietas ? La réponse fut négative. DenzingerBannwart, Enchiridion, n. 2127 ; Cavallera, Thésaurus, n. 106. Aussi avons-nous usé de cette autorisation en interprétant rriexaméron. Ibid., col. 2346-2353. Cf. A. Durand, Inerrance biblique, dans le Dictionnaire apologétique de la loi catholique, t. ii, col. 774-776.

c) D’autres écrivains que ceux que nous avons nommés, ont-ils affirmé expressément ou équivalemment, l’existence ou la possibilité d’erreur scientifiques dans la Bible ? Nous l’ignorons. Les théologiens catholiques continuaient à enseigner, après Léon XIII que le langage conforme aux apparences extérieures excluait, en ces matières toute erreur. Cf. Chr. Pesch, De inspiratione sacras Scripturæ, p. 511-519.

Toutefois, Sa Sainteté Benoît XV, dans l’encyclique Spiritus Paraclitus, du 20 septembre 1920, a jugé nécessaire de déclarer que la doctrine de saint Jérôme sur l’inerrance biblique qu’il avait exposée, confirmait les enseignements solennel^ de Léon XIII, touchant la croyance antique et constante de l’Église en l’immunité parfaite qui met l’Écriture à l’abri de toute erreur. Après avoir cité tout au long le passage visé de l’encyclique de son prédécesseur, qui ne laissait place à aucun doute ni à aucune hésitation, le pape déplore que néanmoins, non seulement en dehors de l’Église, mais encore parmi ses enfants, et même parmi les clercs et les maîtres ès-sciences sacrées, « des esprits se soient trouvés qui, avec une confiance orgueilleuse en leurproprejugementontrepoussé ouvertement ou attaqué sournoisement sur ce point le magistère de l’Église » "Tout en approuvant le travail de ceux qui cherchent des voies et des raisons nouvelles de résoudre les difficultés du texte sacré, il dit qu’ils échouent lamentablement dans leur entreprise, s’ils négligent les directions de Léon XIII et s’ils outrepassent les bornes et limites précises indiquées par les Pères. « Or, l’opinion de certains modernes ne s’embarrasse nullement de ces prescriptions et de ces limites, distinguant dans l’Écriture un double clément, l’un principal et religieux, l’autre secondaire et profane, ils acceptent que l’inspiration porte sur toutes les propositions et même sur tous les mots de la Bible, mais ils en restreignent et limitent les effets, à commencer par l’immunité d’erreur et l’absolue véracité, au seul élément principal ou religieux. Selon eux. Dieu, n’a en vue et n’enseigne personnellement dans l’Écriture que ce qui touche à la religion ; pour le reste, qui a rapport aux sciences profanes et n’a d’autre utilité pour la doctrine révélée que de servir comme d’enveloppe extérieure à la vérité divine. Dieu le permet seulement et l’abandonne à la faiblesse de l’écrivain. Il devient tout naturel, dès lors, que, dans l’ordre des vérités physiques, historiques et autres semblaljles, la Bible présente d’assez nombreux passages qu’il n’est pas possible de concilier avec le progrès des sciences. » Il est même des esprits qui prétendent que ces opinions erronées ne s’opposent en rien aux prescriptions de Léon XIII, qui a déclaré qu’en matière de phénomènes naturels, l’auteur sacré a parlé selon les apparences extérieures, par consiquent susceptibles de tromper. Cette allégation est singulièrement téméraire et mensongère, comme le prouvent les termes mêmes de l’encyclique. Léon XIll, après saint Augusrin et saint Thomas, a sagement déclaré que l’appatence extérieure doit entrer en ligne de compte, mo(s ce

principe ne saurait autoriser contre les saintes Lettres le moindre soupçon d’erreur. La saine philosophie tient, en effet, pour certain que, dans la perception immédiate des choses qui constituent leur objet propre de connaissance, les sens ne se trompent nullement. En outre, Léon XIII, après avoir éliminé toute distinction et toute équivoque entre l’élément principal et l’élément secondaire, a clairement montré la très grave erreur de ceux qui estiment que « pour juger de la vérité des propositions, il faut sans doute rechercher ce que Dieu a dit, mais plus encore peser les motifs qui l’ont fait parler. » Léon XIII enseigne enfin que l’inspiration atteint toutes les parties de la Bible, sans aucune distinction, et qu’il est impossible que la moindre erreur se soit glissée dans le texte inspiré. » Acta apostolicæ sedis, 1920, t. xii, p. 393-395.

Cette improbation ne vise directement ni la distinction des vérités de foi et de mœurs, élément principal de l’Écriture, d’ovec les sciences physiques, qui ne sont pas utiles au salut, ni le principe traditionnel qu’en ces dernières matières les écrivains inspirés ont parlé selon les apparences extérieures. Autrement, Benoît XV contredirait Léon XIII, qui a reproduit la doctrine de saint Augustin et de saint Thomas. Ce pontife réprouve l’opinion, qui part de cette distinction et de ceprincipe traditionnel pour conclure qu’en parlant des phénomènes de la nature, les auteurs inspirés ont pu se servir d’expressions inexactes et matériellement fausses, sans porter par là-même un jugement formel qui serait faux et dont l’Esprit inspirateur serait responsable. Les phrases que j’ai soulignées montrent bien que tel est le sens de la condamnation. Celle-ci s’étend aussi à l’attribution de cette conclusion à Léon XIII, qui ne l’a pas tirée. Benoît XV a répété la déclaration de Léon XIII et en a exposé le sens exact, bien différent de celui qui luiétaitattribué. Iln’a ajouté aux arguments de son prédécesseur que ce principe philosophique, à savoir que les sens extérieurs, qui ne saisissent que les apparences donnent certitude dans la perception immédiate de leur objet propre. En décrivant les phénomènes naturels d’après les apparences, les écrivains sacres ne se trompent donc pas ; ils disent vrai, quoique leur langage ne soit pas proprement scientifique. Ainsi, dans le célèbre miracle de la prolongation du jour, demandé et obtenu par Josué, le soleil et la lune ne se sont pas réellement arrêtés, mais la prolongation de la journée exprimée conformément aux apparences fut véritable. De la sorte, le récit, quoique non formulé en termes scientifiques, conformes à la réalité physique, n’énonce aucune erreur.

2. Au sujet de l’histoire.

On a vu plus haut que le P. Lagrange avait appliqué le principe du langage des apparences à l’histoire elle-même, telle qu’elle est parfois racontée dans la Bible. Voir col. 2242. — a) Il avait, d’abord, indiqué que cette extension était affirmée par Léon XIII dans l’encyclique Providentissimus Deus. En 1895, il avait cité cette interprétation, donnée en ces termes par la Gazette de France^ « Léon XIII dit que la même règle qu’il vient d’établir pour la vérité scientifique doit être suivie en ce qui concerne la vérité historique. Il reconnaît donc que les auteurs sacrés, parlant des faits historiques, en ont pu parler comme ils ont parlé des faits historiques, sensibiliter, selon les apparences, plutôt que selon les réalités vérittibles. » Le rédacteur du journal appliquait le cas aux récits bibliques, qui parleraient ainsi des Égyptiens ou des Assyriens, « quand il dit d’eux ce qui se raconte autour de lui, ce que ses contemporains et lui-même tiennent pour vrai ; mais il peut très bien se faire qu’au moment où il parle et croit ainsi, sa parole et la croyance d’où elle dérive ne soient pas d’accord avec les actions réelles desÉg>T

tiens et des Assyriens. Par suite, une inscription trouvée en Egypte ou en Assyrie et qui contredirait un récit biblique ne prouverait rien contre l’espèce de vérité admise par le Saint-Esprit. » Le P. Lagrange rapprochait de cette théorie celle du P. de Huninielauer, In libros Samuelis. Paris, 1886, p. 451, d’après laquelle les écrivains sacrés, dans l’histoire des Rois, se seraient servis parfois de documents authentiques et auraient reproduit des chiffres exacts ; mais, quand ils ont parlé suivant l’opinion des hommes ou selon des documents moins authentiques, on ne saurait serrer d’aussi près les nombres qu’ils reproduisent, à supposer que le texte n’ait pas été corrompu. A propos de i encyclique, dans Ir Revue biblique. 1895, p. 53. Plus loin, dans le même article, p. 58-59, rendent compte du Traité de la sainte Écriture de M. Didiot, voir plus haut, col. 2161, il reniar que une fois de plus, « depuis l’encyclique, la tendance à mettre l’histoire dans l’Écriture sur le même rang (|iie les sciences. Il ne semble pas cependant, ajouta-t-il, que le souverain pontife ait voulu les assimiler complètement en disant d’appliquer les remarques relatives à la physique aux sciences de la nature, à l’histoire. » Il faudrait du moins, avec M. Didiot, distinguer l’histoire profane de l’histoire sacrée.

En 1902, le P. Lagrange est plus afrnmatif. Dans la conférence analysée plus haut, il met résolument l’histoire sur le même rang que les sciences physiques et, à deux reprises, La méthode historique, p. 104 et 106, il reconnaît que le Saint-Père, dans une toute petite phrase, dit « que le même critérium devait s’appliquer à l’histoire. » Il se plaît à réciter cette règle, tracée par le P. Cornely inteiprétant la parole de saint Augustin, que Léon XIII a prise pour guide au sujet des sciences physiques. Mais l’illustre exégète de la Compagnie de Jésus ne parle que de la chronologie et de l’histoire profane et sacrée, comme si elles avaient été voulues directement et dans leur entier par le Saint-Esprit. Introductio generalis, 3e édit., Paris, 1894, p. 603-604. C’est ce compendium d’histoire sacrée et profane, que Dieu n’a pas voulu donner aux hommes, parce qu’il n’était pas utile au salut. Aussi Cornely qui a admis l’inerrance biblique, ibid., p. 595-597, recommandait seulement aux critiques modernes de n’avoir pas une si grande confiance dans les systèmes chronologiques et historiques qu’ils bâtissaient eux-mêmes, d’après des chilTres et des textes, qui ne nous sont pas parvenus sans de nombreuses altérations. Il n’est pas question d’expressions bibliques, qui seraient matériellement fausses. Le point de vue du jésuite était donc tout différent de celui du dominicain.

La 6' conférence de Toulouse appliquait ces principes à l’histoire primitive, p. 183-220.

En 1903, dans ses Éludes sur saint Jérôme, BruxellesParis, p. 154, dom Sandcrs ne citait encore du P. Lagrange que la remarque de la Revue biblique, 1895, p. 38, il ajoutait : « Il faut donc discerner ce qu’affirme l’Écriture sainte en matière d’histoire. Il est nécessaire de savoir si les auteurs sacrés ont rapporté un fait historique, ou si, sous une forme métaphorique, ils ont voulu donner quelque enseignement. Lorsqu’ils ont fait de l’histoire, il faut examiner s’ils veulent aflirmer la vérité du faithistorique, avec toutes ses circonstances, ous’ils nous le relatent tel qu’il est connu par la tradition. Il est vrai, toutefois, que le sens des Livres saints s’étend par l’allégorisme, et que la vérité historique étant sauve, il convient d’interpréter le texte d’une manière spirituelle, » p. 154-155. Puis il prouve que saint Jérôme fait toujours précéder l’interprétation spirituelle de l’Ecriture de l’explication historique, p. 155-161. Nous verrons que, selon dom Sanders, saint Jérôme n’admettait pas finexactitude apparente de certains faits bibliques.

Dans les notes ajoutées en 1903, à ses Études bibliques, M. Loisy reconnaissait que Léon XIII, dans l’encyclique Providenlissimus Deus « afïlrmait avec autorité la doctrine traditionnelle de l’Église, qui a enseigné simplement que la Bible est inspirée tout entière et qu’elle ne contient pas d’erreur. » Au fond, l’encyclique n’a pas modifié l’état de la question théologique ; elle n’a fait que la formuler clairement. « La liberté de l’exégèse catholique n’a été ni augmentée, ni diminuée par les déclarations pontificales, » p. 38, note 2. Nous dirons comment M. Loisy a usé de cette liberté. Ajoutons seulement ici, que, selon lui, l’encyclique nous prémunissait contre la tendance qui porte les critiques modernes à retrouver, dans chaque endroit de l’Écriture, toute la somme de vérité que f on est capable de connaître actuellement sur le point qui y est traité, comme si la Bible avait été écrite spécialement pour notre époque et comme si la science de notre temps était la règle immuable de la vérité.

Le P. de Hummelauer de son côté, a interprété dans le même sens la transition, devenue célèbre, de fencyclique et il a^appliqué à l’histoire et aux sciences apparentées les trois principes de solution que Léon XIII avait exposés au sujet des sciences physiques et naturelles, à savoir que le but divin de l’inspiration est de nous instruire des choses du salut plutôt que des sciences profanes, que les expressions des écrivains sacrés sont accommodées à l’intelligence des contemporains, et par suite conformes aux apparences et au langage populaire, enfin que dans les matière scientifiques, les exégètes catholiques ne sont pas tenus d’adopter les explications des Pères, mais gardent la liberté de proposer de nouvelles interprétations. Exegetisc.hes zur Inspirations/raye, dans Biblische Studien, Fribourgen-Brisgau, 1904, t. ix, fasc. 4, p. 50-54.

Le P. Bonaccorsi, Questione bibliche, Bologne 1904, p. 103, donnait le même sens à l’encyclique pontificale. Par suite, il pensait que la direction et l’assistance du Saint-Esprit, souvent ignorées de l’hagiographe, ne changeaient pas la nature des choses. A priori, il ne répugnerait pas que l’assertion de l’hagiographe, dans des choses purement profanes, pût, nonobstant cette direction et cette assistance, être objectivement erronée. De fait, il est vrai, la tradition constante de l’Église nous assure la pleine véracité des Livres saints. Le théologien et fexégète catholique doivent donc, ^ tenir comme théologiquement certain que l’erreur ne peut se rencontrer dans les livres inspirés, et si la véracité de la Bible était un jour délinie de foi catholique, ils devraient condamner comme une hérésie le refus d’ajouter foi à une affirmation proprement dite des écrivains sacrés. Ce nonobstant, cette affirmation demeura toujours entitativement humaine et elle ne pourra par conséquent jamais être objet direct et immédiat de foidivine. Ibid., p. 250 sq. Cette explication ne paraît pas absolument conforme à la tradition ecclésiastique, et elle laisse place à la possibilité de l’erreur dans les assertions entitativement humaines des hagiographes. Cf. Revue biblique, 1905, p. 288-289.

Le P. Lagrange, pour revenir à lui, proposait en faveur de son sentiment un autre argument, tiré du témoignage de saint Jérôme sur la façon dont les faits historiques sont souvent racontés dans la Bible suivant l’opinion commune du temps et non juxta quod rei veritas conlinebat. La méthode historique, p. 107-108. In Jer., xxviii, 10, t. xxiv, col. 855. Le P. Cornely, auquel cette citation était empruntée, op. cit., p. 604, en concluait seulement qu’il ne fallait pas interpréter ces passages de l’Écriture, selon l’état actuel des scienceshistoriques, mais conformément à l’intention qu’avaient eue les écrivains sacrés en relatant ces faits : règle d’exégèse qui, bien appliquée, aurait écarté beaucoup de difficultés d’interprétation, par la considération du langjige

vulgaire et de l’opinion du temps. Le P. Corncly ne reconnaît pas d’erreurs, même purement matérielles, dans les nombreux passages de l’Écriture, oCi les hagiographes ont parlé suivant le langage et l’opinion commune du temps où ils écrivaient. Le P. Lagrangeentirait une régie différente d’interprétation : « Qu’est-ce à dire, si ce n’est que les récits historiques, ceux mêmes qui ont pleinement le caractère de l’histoire, ne doivent pas être compris d’après la science de Dieu, qui sait tout, mais d’après l’horizon de l’homme, qui est borné, et que, quand l’écrivain sacré n’en sait pas plus que les autres, dût-il en conséquence employer une expression matériellement fausse, il se peut très bien que Dieu ne lui apprenne rien de plus. » Ibid., p. 108.

Le témoignage en question de saint Jérôme avait été rendu à propos du titre de prophète donnéà Anania par Jércmie, Jer., XXVIII, 10 sq., qui ne lui reconnaissait pas une mission divine. La vérité est sauvée, concluait Jérôme puisque le fait est énonce non selon la réalité, mais tel qu’il était généralement cru à cette époque.On aurait pu citer d’autres exemples. Dom Sanders les rassembla dans ses Études sur saint Jérôme, p. lCl-162, comme exemples de l’inexactitude apparente de certains faits bibhquES. « Jérôme répète, dit-il, que les auteurs sacrés se sont conformés souvent à la façon de parler du vulgaire, n’élaguant pas les circonstnnccs erronées dont le peuple entourait ces faits, mais les rapportant tels quels. » Ainsi encore, dans les Evangiles, Joseph est appelé le père de Jésus, même par Marie, Luc.ii, 40, qui pourtant nocnaissait la conception virginale de son enfant. Sauf un petit nombre, tins les autres estimaient que Joseph était le père de Jésus, et ks évangélistes ont exprimé l’opinion du vulgaire quæ vera historiie lexest. Cont. Helvidiiim, i, 4, P. L., t. : >ixiii, co. 187. A propos de la tristesse qu’TIérode manifesta de la décollation de saint Jean-Baptiste et que saint Jérôme pense être non réelle, mais feinte, il dit : Consneludinis Scriplurarum est ut opinioncm nmltonim sic narrel historicus quomodo eo tempore ab omnibus credebatur. In Matth., xiv, 8, l. xxvi, col. 98. Saint Jérôme admettait encore que les apôtres et écrivains du Nouveau Te.tament se servirent de récits, tirés de la version des Septante et répandu chez les Gentils, quoique ces récits ontinssent des erreurs, comme le discours de saint Etienne..ct. vii. Liber quæsiionum hebraicarum in Genesim, t. xxiii, col. 1001. Dom Sanders, ' op. cit., p. 162-163.

Suivant la remarque faite dans la Revue biblique, 190.3, p. 036, dom Sanders opinait contre M. Poeb, (prêtre hollandais, dont je ne connais l’ouvrage que par le titre : Critiek en traditie, of de Bybel voor de Roomschen, Anvers.) que, dans les passages où les écrivains sacrés relataient des faits tels que la tradition populaire les admettait et où il reconnaissait luimême des « inexactitudes », « le saint docteur ne supposait pas une erreur matérielle dans l’esprit » de ces écrivains. Le rédacteur de la Revue ajoute, p. 036-637 : Il est certain que saint Jérôme a fait son possible pour résoudre les difllcultés proposées sans jamais accuser l’écrivain d’erreur, mais il n’a pas dit non plus que l’écrivain qui relatait une tradition populaire, était mieux éclairé que les autres et les laissait volontairement dans l’erreur. Il s’est préoccupé surtout de défendre les apôtres et les disciples du Christ, auxquels on attribuait une science suréminente ; quant aux autres cas, il les laisse volontiers sans les résoudre, ce qui était aussi une manière d’exprimer sa pensée. » Ainsi, ce n’était pas saint Jérôme qui admettait des erreurs dans la Bible ; ce sont les modernes qui expliquent ainsi les passages dont il a défendu ou présumé la véracité. Voir encore Chr. Pesch, De inspiralione sacra ; Scripturæ, p. 532-536.

Ces vues nouvelles sur l’existence d’erreurs, au moins

matérielles dans les textes authentiques de la Bible, furent di cutées par plusieurs jésuites. Le P.. Delattre ouvrit le feu dans un assez fort volume très touffu et très dilTui : Autour de la question biblique, Liège, 1904. Il examine successivement les deux arguments, tirés l’un de l’encyclique Proridentissinms Deus, l’autre des témoignages de saint Jérôme. Par une analyse exacte de la m"" section : La défense des Livres saints de la II partie : Méthode pour les éludes bibliques de l’encyclique, il montre que les subdivisions de cette section sont nettement marquées dans le texte pontifical par les mots : primum, secundo, deinde. Or, la fameuse transition qui relie la troisième subdivision concernant l’histoire et les sciences connexes à la seconde qui traite des sciences physiques, signifie seulement : « Ensuite certains principes précédemment formulés concernant les rapports de la Bible avec les sciences de la nature pourront s’appliquer aux sciences voisine ;, notamment à l’histoire. » Cette transition porte sur l’ensemble des deux subdivisions, et non pas sur les dernières considérations de la défense des Livres saints contre les attaques des physiciens et des naturalistes. Or, même dans celles-ci, le souverain pontife, en parlant des apparences sensibles d’après lesquelles les écrivains sacrés exposent d’ordinaire les phénomènes physiques, n’a pas admis que ce langage fût erroné. Si donc sa transition avait le sens exclusif qu’on lui donne, elle ne signifierait pas que les faits historiciues racontés eux aussi selon les apparences, pourraient être erronés. Le patronage de saint Jérôme invoqué en faveur de l’existence d’erreurs au moins matérielles dans les récits historiques, où les faits sont rapportés conformément aux opinions des contemporains, est rejeté par une longue exégèse des passages, cités par dom Sanders. Saint Jérôme n’admet pas d’erreur de la part des écrivains sacrés qui relatent ainsi ces faits et s’il a cru feinte la tristesse qu’Hérode ressentit de la décapitation de saint Jean-Baptiste, saint Matthieu ne l’a pas pensé et il a simplement narré ce qu’admettaient tous les contemporains. Il n’a donc pas commis d’erreur, en disant que tous avaient alors la conviction que la tristesse du roi avait été réelle. Quant au discours de saint Etienne, Jérôme l’attribue à l’auteur des Actes, qui a suivi la version des Septante et qui, malgré la différence des chiffres dans les texte hébreu et grec, n’a rien dit de faux. En fait, tout cela est affaire d’exégèse, et l’interprétation des passages signalés exclut toute erreur des auteurs bibliques.

D’autres jésuites abondèrent dans le sens du P. Delattre et déclarèrent que ni l’encyclique Providenlissimus Deus ni saint Jérôme ne favorisaient l’admission d’aucune erreur, fût-elle purement matérielle, dans les textes authentiques de la Bible. Voir L. Murillo, Critica y exegesis, Madrid, 1905 ; L. Fonck, Der Kamptum die Wahrheit der heiligen Sclirift seit 25 laliren, Inspruck, 1905. Voir encore. Chr. Pesch, De inspiratione sacra : Scripturæ, Fribourg-en-Brisgau, 1900, p. 519-528.

Le P. Lagrange et dom Sanders répliquèrent, chacun pour sa part, au P. Delattre. Dans un Éclaircissement sur la méthode historique à propos d’un livre du R. P. Delattre S. J., Paris, 1905, qui n’a pas été mis dans le commerce (Bibliothèque nationale de Paris, A. 21843), le premier reprend, pour les expliquer les deux arguments empruntés, l’un à l’encyclique Providentissimus Deus, l’autre à saint Jérôme. Si l’on étudie le fond, le contexte, le style et la grammaire, LéonXIII n’applique pas lui-même aux sciences voisines les règles qu’il a tracées relativement aux sciences naturelles ; il s’adresse aux catholiques, et il leur déclare qu’il sera utile d’appliquer à ces sciences voisines, notamment à l’histoire hœc ipsa, cette méthode.

Sa phrase n’est pas une transition ; c’est une recommandation, p. 7-18. Cette recommandation a des points d’attache dans la tradition ecclésiastique. Les Pères, il est vrai ont affirmé unanimement et sans aucune hésitation que la Bible ne contenait aucune erreur, mais ils ne la considéraient pas comme livre d’histoire ; ils la considéraient comme livre inspiré, qui contenait un enseignement divin. Ils n’admettaient pas qu’une erreur fût imputal^le à l’écrivain sacré et à Dieu ; mais ils ne se souciaient pas au même degré d’établir la réalité des faits scientifiques ou historiques, énoncés par les auteurs sacrés sous les apparences extérieures, pourvu que l’écart entre les faits et leur expression put être justifié. Plusieurs recouraient à l’allégoiisme. Le principe libérateur fut posé par saint.Jérôme. Le problème en ilTet, est celui-ci : Élant donnée la véracité de l’Écriture, comment faut-il expliquer certains phénomènes bibliques ? S’il n’y a pas d’erreur formelle, y a-t-il erreur matérielle ? S’il y a erreur matérielle, quelle explication peut-on en donner ? Saint Jérôme a déclaré que certains faits étaient racontés seciindum opinionem multorum vulgi illius temporis, il a dit qu’en rapportant l’opinion d’autrui, on n’en fait pas nécessairement son opinion personnelle ; c’est la loi de l’histoire. La chronologie est-elle inspirée. Liltera occidil. dit saint Jérôme. Les chiffres n’ont pas une exactitude diplomatique. Parfois un nom a été mis pour un autre, etc., p. 12-GO. Au sujet de l’histoire antérieure à Abraham, le P. Lagrange affirmait l’inerraiice de la Bible, non celle des écrivains sacrés. Il ne lui importait pas de savoir ce que ces écrivains croyaient en leur particulier, il importe seulement de constater ce qu’ils enseignent, ce qu’ils affirment. Très souvent, le iilus souvent, la réalité des faits énoncés sert de base à l’histoire religieuse. Mais le contraire peut être vrai, dans les paraboles et les allégories, par exemple. D’autres fois, le rapport des faits avec l’enseignement peut être très éloigné et très général. Il faudra voir si l’auteur a attaché une importance décisive à la réalité des faits. Comment juger de son intention ? Nous le croirons quand il voudra être cru, mais ne supposons pas toujours qu’il veut être cru. Nous jugerons qu’il veut être cru, lorsqu’il raconte un fait qui va directement à son thème, un fait dont la réalité sert de base à son enseignement, un fait grave dont on savait qu’il avait pu être attesté, transmis, surtout s’il s’agit d’un fait révélé, car ce sont ces faits que l’écrivain a à cœur. Il ne veut pas être cru sur les faits, quand il expose une parabole, raconte une histoire édifiante ou prophétique. Il laisse au lecteur ù juger, quand il s’agit de faits, dont tout le monde sait qu’ils se perdent dans la nuit des temps, ou qu’il emprunte à l’opinion commune sans la garantir autrement. Ce canon objectif adopté, nous n’avons pas à sonder le plus ou moins de crédulité naturelle de l’auteur. Encore une fois, ce qui importe ce n’est pas ce qu’il a cru, mais ce qu’il a voulu que nous crussions. Il peut arriver cependant par suite de certaines façons de son style, que nous constations clairement qu’il était, pour son compte, dans l’erreur, mais dans une erreur, que, grâce à l’inspiration, il ne nous a pas enseignée formellement. Cela paraît tout à fait élémentaire, p. 68-70. L’exégète peut donc constater, dans la Bible, des erreurs purement matérielles, que les écrivains sacrés ont laissées sans les corriger, mais qu’ils n’ont pas enseignées. Dom Sanders, de son côté, répondit au P. Delattre, nous l’avons déjà constaté, col. 22 18, que saint Jérôme tout en reconnaissant que les auteurs inspirés parlaient parfois, ordinairement même, selon les opinions du temps, pensait qu’ils n’avaient cependant jamais commis d’erreur. Revue biblique, 190.5, p. 284-287. Le saint docteur n’a donc pas partagé le sentiment

de quelques exégètes modernes. Il leur a seulement fourni « le principe libérateur. » Reconnaître dans la Bible l’erreur matérielle mais non formelle, c’est affaire d’interprétation. L’interprétation nouvelle est-elle légitime, et le critère objectif, proposé par le P. Lagrange, est-il fondé ? Toute la question est là.

Dans un compte rendu de l’ouvrage du P. Fonck, le P. Lagrange est revenu encore, sur le sujet de l’inerrance biblique. Les Pères et Léon XIII dans son encyclique ont affirmé la vérité ou la véracité de l’Écriture comme une conséquence de l’in-spiration. Cette affirmation doctrinale s’impose à tous et pour sa part, le P. Lagrange se refuse à distinguer théoriquement entre les dogmes et les faits. Il ne restreint donc pas l’inspiration ni le champ de la véracité qui est la conséquence logique de l’inspiration. « Plus la véracité de l’Écriture est entière dans le sens de l’étendue, plus il importe de préciser les cas où il peut vraiment être question de vérité ou de véracité, c’est-à-dire où Dieu par l’écrivain sacré nous enseigne quelque chose. Et cet enseignement doit toujours être jugé d’après le caractère même de l’ouvrage qu’il s’agit d’interpréter. Car, si l’on parle spéculativement et dogmatiquement de la véracité de l’Écriture, il ne peut être question d’une vérité particulière y contenue sans qu’on entre nécessairement dans la sphère de l’interprétation. » C’est sur ce principe que se sont appuyés les prétendus novateurs. Il est sans doute conditionné aux genres littéraires par exemple, légendes ou traditions populaires rapportées. Or, la tradition des Pères n’est pas à invoquer pour l’interprétation de l’Écriture. Il faut donc toujours distinguer entre l’affirination traditionnelle de la véracité de l’Écriture et l’interprétation de celle-ci. « La décision pontificale n’empêche pas plus de rcconnaitre en fait une tradition populaire non enseignée qu’un énoncé scientifique ne correspondant pas à la réalité des faits. » La vérité entière de l’Écriture, c’est la vérité formelle. Il est permis, en respectant cette vérité, de se demander si tout ce qui paraît être de l’histoire est bien de l’histoire. Sur ce point l’interprétation des Pères, même unanime, ne s’impose pas, à moins qu’un dogme ne soit en jeu. Revue biblique, 190(5, p. 151-153. Puisque sur les faits historiques, les écrivains sacrés n’ont pas reçu de révélation, ils ont donc été réduits aux traditions hébraïques ; celles-ci, peuvent-elles prétendre à représenter exactement les faits depuis.Adam pour le fond et pour les détails ? P. 156. Il est difficile de le pensc-r. L’erreur peut donc se rencontrer en elles, mais elle n’est que matérielle ; elle n’est pas formelle, puisqu’en les rapportant les écrivains sacrés n’ont rien voulu enseigner. Si liberté est laissée aux exégètes catholiques de choisir entre les interprétations des Pères et même d’en proposer une nouvelle, si l’histoire biblique n’est pas complète ni parfaite, est-il loisible de l’interpréter de façon à laisser place à des erreurs, même purement matérielles, dans les textes authentiques de la Bible ?

M. J. Gôtsberger, professeur à Munich, dit son sentiment sur la polémique dans un article intitulé en français : « Autour de la question biblique », quoiqu’il fut rédigé en allemand dans la Biblische Zeitsclirift, Fribourg-en-Brisgau, 1905, t. iii, p. 225-250. Il traita de l’inerrance biblique en matière scientifique et historique. Pour donner aux hommes son enseignement. Dieu s’est accommodé aux idées du temps auquel il s’adressait. Depuis l’encyclique Providentissinius Deus, on ne peut plus contester que les écrivains sacrés ont décrit les phénomènes naturels d’après les apparences extérieures de sorte que leurs paroles ne seraient pas seulement justes relativement, mais qu’elles ne seraient pas justes au point de vue objectivement scientifique. Les exégète ; progrès

sistes s’appuient sur l’encyclique pour appliquer ce principe à l’histoire et aux autres sciences. Leurs adversaires pourraient bien avoir r ison contre eux, car l’encyclique ne le dit pas expressément. Mais l’application du principe à l’histoire scientifique va de soi et par suite l’aflirnialion de la valeur relative des énoncés scientifiques. « Ce serait un caprice de restreindre la relativité à la connaissance de la nature. « Le langage selon les apparences est de tous les temps, parce qu’il est conforme à la nature humaine, mais il s’étend à tous les genres de connaissance, et il faut le supposer dans tout genre de discours. Dieu a laissé les écrivains sacrés l’employer pour qu’ils fussent compris de leurs contemporains et de tous leurs lecteurs. Ce langage se rencontre donc dans beaucoup de pages de la Bible. Dieu aurait pu dicter une Écriture plus parfaite ; mais telle qu’elle est avec ses imperfections actuelles, l’Écriture est digne de lui ; Dieu a bien créé un monde imparfait. L’accommodation des Livres saints au sens apparent, à la manière de comprendre la nature, aux idées du temps, quelles que soient leurs imperfections et leurs inexactitudes, n’est pas incompatible avec la dignité de la parole de Dieu. Par suite, une plus grande liberté d’interprétation est laissée aux exégètes. L’encyclique Provideniissimus Deiis affirme l’inerrance complète de l’Écriture, et pourtant elle admet le langage conforme aux apparences. Les deux choses ne sont donc pas incompatibles, p. 244-250. Cf. Revue biblique,

1905, p. 622-623.

Dans un compte rendu de l’ouvrage du P. Fonck, M. Norbert Peters, de Paderborn, a trouvé l’explication du P. de Humineauler plus juste que celle de M. Gôttsberger. Léon XIII applique directement à l’histoire profane les quatre principes qu’il a établis pour l’interprétation des phénomènes naturels dans la Bible. Il y a, d’ailleurs, une analogie entre ces phénomènes et les faits historiques racontés selon les apparences extérieures. Theologische Revue, du 31 janvier

1906, col. 46-48.

De son côté, le P. Prat étend aux sciences historiques les principes admis pour les sciences de la nature. « L’analogie nous y invite et l’encyclique pontificale semble nous y autoriser ». La Bible et l’histoire, Paris, 1904, p. 27.

Cette analogie avait été expliquée plus clairement par M. Poels, professeur à l’Université catholique de Washington, dans The catholic University bulletin, janvier 1905, p. 59-60. Les trois principes, que Léon XIII avait énoncés dans l’encyclique Provideniissimus Deus au sujet des choses de la nature s’appliquent aussi à l’histoire. Dans les deux cas, fauteur parle le langage de son temps. L’auteur d’un livre quelconque doit nécessairement dans sa manière de parler des questions scientifiques suivre les opinions de sontemps, s’exprimer de façon que ses contemporains puissent le comprendre et dans les termes auxquels ils sont habitués. Ses affirmations, impliquées dans les expressions de sa génération, ne sont pas des affirmations personnelles, celles des écrivains inspirés comme tels, mais celles de leur temps ; elles représentent les opinions de leur génération. Appliquant ces principes à l’iiistoire, il faut dire que Dieu n’a pas voulu enseigner les choses historiques, qui ne sont d’aucune utilité pour le salut ; que l’interprétation des Pères dans des matières purement historiques n’afi’ecte en rien la liberté des exégètes catholiques modernes ; que le terme transferri, appliqué au principe : ea secutisunt quæ sensibiliier apparent, ne doit pas naturellement être entendu d’une façon mécanique. « Dans les matières historiques, les témoins oculaires sont les plus hautes autorités. Néanmoins, la distinction entre « apparence extérieure » et réalité dans l’histoire est claire. C’est la

distinction entre les faits et événements et les traditions ou sources. Au temps des historiens bibliques, les faits eux-mêmes qu’ils rapportent, ou du moins un grand nombre, d’entre eux, avaient disparu depuis longtemps. Ils ne pouvaient les percevoir, si ce n’est au moyen de sources écrites ou de traditions orales, qui sont les « apparences sensibles » de la réalité historique. Ce principe de l’encyclique appliqué à fhistoire n’est autre chose que ce que saint Jérôme nommait la loi de fhistoire. » Avant de reproduire la traduction de ce passage, la Revue biblique, 1905, p. 452-453, l’interprétait en ces termes : « Personne n’a songé à transporter dans le domaine de l’histoire une métaphore (celle des apparences) qui ne lui sied pas. Ses phénomènes affectent la vue et contituent une apparence ; l’historien écrit d’après le témoignage : ici il n’y v. plus, du moins en général, d’apparences proprement dites. Du sens de la vue on passe à celui de l’ouïe ; entre les deux lumières, il y a certainement analogie mais il a fallu tout le parti pris d’une critique passionnée pour prétendre qu’un exégète quelconque ait prétendu que toute l’histoire biblique était écrite selon les apparences. » C’était à peu près abandonner l’expression « apparences sensibles » même appliquée à une partie seulement de l’histoire biblique, expression d’ailleurs fort impropre et que Léon XIII n’avait pas employée, même indirectement, au sujet de fhistoire.

La polémique sur les prétendues « apparences sensibles » de fhistoire biblique, qui avait été si vive en 1904 et en 1905 cessa, si on omet la réponse tardive du P. Delattre à V Eclaircissement du P. Lagrange : Le critérium de la nouvelle exégèse biblique Liège, s. d. (1907). La commission biblicjue avait résolu négativement la question, dans son décret du 23 juin 1905. Au doute ainsi posé : Utrum admiiti possit tanquam principium recta^ exegeseos, sententia, quæ tenet sacræ Scripturæ libros qui pro historicis hubentur, sive lotaliter sive ex parte non historicmi proprie dictam et objective veram quandoque narrare, sed speciem tantum historiee præ se ferre ad aliquod significandum a proprie litterali seu historica verborum significatione alienum ? elle répondit : Négative, excepta tamen casu, non facile seu temere admittendo, in quo, Ecclesiæ sensu non refragante, ejusque salvo judicio, solidis argumentis probatur, hagiographum voluisse non veram et proprie dictam historiam tradere, sed sub specie et forma hisloriæ parabotam, allegoriam, vel sensum aliqnem a proprie litterali seu historica verborum significatione remotum proponere. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 1980 ; Cavallera, Thésaurus, n. 104.

L’histoire biblique « selon les apparences » avait vécu. Aucun exégète « progressiste », à ma connaissance du moins, ne chercha plus à indiquer quelque passage historique de la Bible qui remplit les conditions posées par la Commission biblique. Il ne restait plus qu’à discuter les trois arguments, que les tenants de l’histoire biblique « apparente » avalent invoqués en faveur de leur sentiment. Le P. Brucker l’avait fait avant la décision de la Commission biblique. L’Église et la critique biblique, p. 54, 65. Le P. Chr. Pesch. réfuté cette opinion par morceaux : en expliquant que la vérité de f Écriture est avant tout logiciue et conforme à la vérité objective de ce que les hagiographes ont compris et voulu écrire. De inspiratione sacrss Scripturec, p. 503-504 ; qu’il y a une différence entre les phénomènes de la nature et les faits hi< ; toriques, où il interprète la fameuse transition de l’encyclique Provideniissimus Deus, en ce sens qu’il faut résoudre les objections tirées de l’histoire, comme le pape a dit de résoudre les difficultés provenant des sciences physiques, c’est-à-dire sans restreindre nullement l’inspiration biblique, p. 519-528 ; enfin, en prouvant que , ", A

certains Pères, entre autres saint Jérôme n’ont pas admis dans la Bible des récits qui n’étaient pos vraiment liistoriques, p. 532 538. Le P. Durand a exposé et discuté avec précision ces arguments, d’abord, celui qui a été mis en avant le dernier et qui est tiré de l’analogie des matières. Des sources non critiques ne <lonnent-elles que les apparences des faits et, s’il peut arriver que les apparences renferment la réalité des choses, ne peut-il se faire aussi qu’elles ne le représentent pas ou ne la représentent qu’imparfaitement ? Bien plus, certains événements, comme ceux de l’histoire primitive n’échappent-ils pas depuis longtemps au contrôle de la critique, et l’historien sacré ne doit-il pas se contenter de la forme concrète qu’ils ont prise dans la tradition humaine, connue il l’a fait pour les choses de la nature ? Mais entre ces deux ordres de choses, il y a trois différences principales. Les notions <rhistoire naturelle ne sont pas données dans la Bible pour elles-mêmes comme si l’enseignement divin, auquel elles sont mêlées dépendait de leur vérité objective. Les faits historiques en général, surtout ceux qui appartiennent à l’histoire religieuse sont directement alTirmés par les écrivains sacrés qui, en les rapportant, ont l’intention de les attester, bien que les faits de l’histoire profane soient relatés en vue du but religieux, qui est le principal. Si, en second lieu, la réalité objective des phénomènes de la nature, n’a, de soi, aucun rapport avec l’économie du salut, l’histoire sainte n’est que le récit des interventions de Dieu dans l’œuvre de la rédemption du genre humain. Enlin, tandis que ni l’Écriture ni l’Église ne proposent à notre foi un seul des phénomènes naturels, relatés dans la Bible, beaucoup de faits historiques sont proposés dans les Évangiles, par exemple, et dans les symboles ecclésiastiques s’imposent à la foi des chrétiens. Sans doute, ils ne sont pas de foi, en tant qu’ils sont du domaine de l’histoire, mais bien dans leur rapport avec la religion, car leur réalité historique est inséparal^le de la vérité religieuse dont ils sont le support nécessaire. Le rapport entre les uns et les autres n’a pas toujours la même importance religieuse ; il est néanmoins réel. Bien que les faits de l’histoire ne rentrent pas par eux-mêmes, pcr se, dans l’objet de la révélation chrétienne, ils en font partie jier accidens, en tant qu’ils sont rattachés à la vérité reUgieuse. Devenus ainsi l’objet secondaire de l’inspiration, ils ont été relatés sous l’influence de cette action divine et ils participent dès lors à l’inerrance, qui en est l’elïet nécessaire. Quant à saint Jérôme, il a tracé une règle d’interprétation, qui permet aux exègètes de fixer le degré d’exactitude de quelques faits, relatés dans la Bible, et les exègètes ont, à l’occasion, appliqué cette règle. Saint Jérôme d’ailleurs n’a pas reconnu d’erreur dans les passages bibliques, où les faits sont racontés selon l’opinion du temps. Le P. Durand estimait enfin que la phrase de Léon XIII, jetée à la dérobée, était grosse de conséquences, qu’elle a été exagérée en sens contraires et que le problème exégétique qu’elle soulève n’est pas encore complètement élucidé. Voir Inerrance biblique, dans le Dictionnaire apologétique de la foi ccdholique, t. II, col. 776-779.

Pour mon compte personnel, j’ai toujours pensé, et j’ai manifesté plusieurs fois par écrit ce sentiment, que l’analogie entre les apparences sensibles desphénomènes de la nature et des faits historiques était forcée, que saint Jérôme, sans avoir ni excédé dans l’expression, ni usé de concessions oratoires, avait simplenient dit que les faits, rapportes secandum opinionem tempuris, vrais ou faux en eux-mêmes, avaient été vraiment « stimès par les contemporains, tels qu’ils avaient été racontés ; enfin qu’on avait attribué à la phrase de l’encyclique une portée qu’elle n’avait pas dans l’intention du pape et qu’elle ne pouvait pas avoir,

car l’interprétation qu’on en donnait était en contradiction formelle avec l’inerrance complète, que Léon XIII avait expressément et énergiquement revendiquée comme un effet nécessaire de l’inspiration.

Cedernierargumentdes exègètes « progressistes », que le P. Durand déclarait encore n’être pas « une pure affaire de mot s », a été discuté par Benoît XV, dans l’encyclique Spirilus Paraclitns du 30 septembre 1920. La doctrine de l’Église sur l’inerrance de la Bible, doctrine confirmée par saint Jérôme et les autres Pères, est méconnue, dit le pape, par ceux qui pensent que les parties historiques des Écritures s’appuient non sur la vérité absolue des faits mais sur la manière générale et populaire de penser » (des contemporains des faits). « Ils ne craignent pas de se réclamer, pour soutenir cette théorie, des paroles mêmes du pape Léon XIII, qui aurait déclaré qu’onpeut transporter dans le domaine de l’histoire les principes admis, en matière de phénomènes naturels. Ainsi, de même que, dans l’ordre physique, les écrivains sacrés ont parlé suivant les apparences, de même, prétend-on^ quand il s’agissait d’événements qu’ils ne connaissaient pas, ils les ont relatés tels qu’ils paraissaient établis d’après l’opinion commune du temps ou les relations inexactes d’autres témoins ; en outre, ils n’ont pas mentionné les sources de leurs informations et ils n’ont pas personnellement garanti les récits empruntés à d’autres auteurs. A quoi bon réfuter longuement une théorie injurieuse à notre prédécesseur en même temps que fausse et pleine d’er reurs ? Quel rapport y a-t-il en effet, entre les phénomènes naturels et l’histoire ? Les sciences physiques s’occupent des objets qui frappent les sens et doivent dès lors concorder avec les phénomènes tels qu’ils paraissent, l’histoire", au contraire, écrite avec des faits, doit, c’est sa loi principale, cpdrer avec ces faits tels qu’ils se sont réellement passés. Comment, si on admettait la théorie de ces auteurs, sauvegarderait-on au récit sacré cette vérité pure de toute fausseté, à lac |uelle notre prédécesseur déclare, d.’-ns tout le contexte de sa lettre qu’il ne faut pas toucher ? Quand il affirme qu’il y a intérêt à transporter en histoire et dans les sciences connexes les principes qui valent pour les sciences physiques, il n’entend pas établir une loi générale et absolue ; il indique simplement une méthode uniforme à suivre pour réfuter les objections fallacieuses des adversaires et défendre contre leurs attaques la vérité historique de la sainte Écriture. »

Après cette réfutation de’^ arguments tirés de l’encyclique Providentissimus Deus et de l’analogie entre les faits historiques, et les phénomènes naturels, Benoît XV montre que le patronage de saint Jérôme ne peut être revendiqué parles partisans de la théorie des apparences historiques. Après avoir indiqué les références aux trois passages de saint Jérôme cités par eux en faveur de leur sentiment, Benoît XV ajoute : « Qu’ils s’entendent bien à déformer, pour les besoins de leur cause, lesparoles du saint docteur 1 Sa véritable pensée ne peut faire doute pour personne ; Jérôme ne dit pas que, dans l’exposé des faits, l’écrivain sacré s’accommode d’une fausse croyance populaire à propos de choses qu’il ignore, mais seulement que, dans la désignation des personnes et des objets, il adopte le langage courant. » Le pape fait l’application de cette interprétation à l’exemple de saint Joseph, père de Jésus. « Dans la pensée de saint.lérôme, ajoutc-t-il, la vraie loi de r histoire demande, au contraire que, dans l’emploi des dénominations, l’écrivain s’en tienne, tout danger d’erreur écarté, à la façon générale de s’exprimer, car c’est l’usage qui est l’arbitre et la règle du langage. Eh quoi ! notre docteur va-t-il mettre les faits que la Bible raconte au même rang que les dogmes que nous devons croire de néce’^sité de salut ! » Le pape cite alors le passage du commentaire de l’Épître à Philé

mon, dans lequel saint Jérôme dit qu’il n’est pas possible que quelqu’un croie au créateur, tant qu’il ne croit pas ce que l’Écriture contient au sujet de ses saints, et où, après avoir fait une longue série de citations de l’Ancien Testament, il conclut : « Quiconque refuse d’ajouter foi à tous ces faits et aux autres sans exception rapportés au sujet des saints ne pourra croire au Dieu des saints. » In Epist. ad Philem. 4 {P. L., t. XXVI, col. 609.) Ainsi saint Jérôme est-il d’accoi’d avec saint Augustin, qui assure la vérité de tout ce que l’Écriture raconte au sujet d’Hénoch, d’Élie, de Moïse, aussi bien que de l’incarnation du Verbe. Contra Faustum, t. XXVI, c. iii-vii, P. L., t. xi.ii, col. 450-454. Acta apostolicæ sedis, 1920, t. xii, p. 395-397.

3. Vérité relative de l’Écriture.

La théorie des apparences historiques admettait implicitement que l’Écriture n’avait pas une vérité absolue, mais seulement une vérité relative. D’autres exégètes distinguaient expressément ces deux genres de vérité et n’attribuaient à la Bible qu’une vérité relative. Voir Gôlsberger, col. 2250.

La théorie sur la vérité relative de l’Écriture, que M. Loisy avait exposée en 1893, avant la publication de l’encyclique Providentissimus Dens de Léon XIII, avait été condamnée par Pie X, en 1907, dans le décret I.amentabili, a. 58, comme application de ce principe général : Veritas non est imniulabilis plus quam ipse homo, quippe quæ cum ipso, in ipso etperipsum evolvitur, Denzinger-Bannvvart, n. 2058, et aussi dans une de ses conséquences particulières en tant qu’elle restreignait l’inspiration àunepartiedeIaBible.Voircoi.2 192. En 1903, dans les Notes de ses Études bibliques, M. Loisy déclara que Léon XIII, en enseignant l’immunité totale d’erreur dans la Bible, n’avait ni augmenté ni diminué la liberté des exégètes catholiques, p. 38, note 2. Il usait donc de cette liberté pour maintenir son opinion sur la vérité relative de l’Écriture. Il constatait cette relativité, non seulement en ce que les écrivains sacrés disent du système du monde, conformément à la science de leur temps, p. 51, note, mais encore dans l’histoire biblique, qui n’a pas une exactitude absolue. Les livres de la Bible sont adaptés aux conditions historiques de leur temps. De ce fait résulta nécessairement l’existence dans ces livres d’un élément relatif, dont il ne faut ni exagérer ni contester l’importance au point de vue de l’interprétation. Tous les récits vraiment historiques de la Bible sont historiquement vrais, dit le P. Lucas, jésuite anglais, The Guardian, 25 avril 1894. Mais on pourrait en trouver d’autres, qui seraient rédigés conformément à une façon de parler et ne seraient pas rigoureusement vrais, p. 52, note. Des exemples sont indiqués dans la note de la page 57. Léon XIII n résolu la ciucstion théoloqique, la question économicue, qui est la véritable question biblique reste posée. C’est à l’exégèse qu’il appartient de fixer l’élément relatif de la Bible, ce qui est délicat et difficile.

Le P. Zanecchia, qui, avec Léon XIII et l’opinion commune des catholiques, admettait l’étendue de l’inspiration à tout le contenu de la Bible, prétendait cependant que, pour résoudre toutes les difficultés soulevées contre les Livres saints, à la suite des progrès faits dans l’étude des sciences naturelles et de l’histoire ancienne des Égyptiens et des Assyriens, il ne fallait pas perdre de vue le caractère à la fois divin et humain de ces Livres. Les hagiographes, même inspirés par le Saint-Esprit, restaient des hommes et écrivaient sous l’inspiration divine pour se faire comprendre des hommes auxquels ils destinaient leurs ouvrages, par conséquent à la manière humaine. L’enseignement divin qu’ils donnaient gardait nécessairement les caractères de leur esprit, de leur culture et de

leurs dispositions individuelles et elle reflétait les connaissances scientifiques, les traditions, les légendes, etc., telles qu’elles existaient alors dans leur milieu. Quoiqu’il soit aujourd’hui difficile de connaître exactement toutes ces circonstances de la composition des Livres saints, la solution des difficultés dépendra au moins toujours de ce principe général qu’il faut interpréter l’enseignement divin d’après l’intention et la volonté qu’ont eues les hagiographes d’enseigner, car Dieu enseigne ce que les écrivains sacrés ont eu l’intention et la volonté d’enseigner eux-mêmes, c’est pour cela qu’il les inspirait. Or tout ce qu’ils enseignent est réellement inspiré et vrai, non pas toutefois absolument et de toutes manières, mais de la manière dont ils l’ont entendu et enseigné. Par suite, la simple présence d’une assertion dans la Bible ne fait pas que cette assertion soit inspirée et vraie telle qu’elle est littéralement énoncée, il faut rechercher si l’hagiographe l’enseigne réellement ou bien s’il en J use seulement pour enseigner la vérité qu’il a conçue t| et voulu écrire sous l’inspiration divine. Dans le premier cas, l’assertion est absolument et intrinsèquement inspirée et vraie, telle qu’elle est exprimée littéralement, dans le second cas, elle est seulement inspirée et vraie relativement, c’est-à-dire par rapport à la vérité que l’hagiographe entend et veut enseigner par son moyen. Ainsi l’écrivain sacré se sert-il de paraboles, de métaphores, de légendes ou de récits, destinés à enseigner une vérité concernant la foi ou les mœurs, ces paraboles et ces récits, quoique présentés par lui comme des histoires n’ont pas la vérité d’histoires, puisqu’il n’a pas l’intention de les enseigner comme des histoires considérées en elles-mêmes et absolument mais qu’il s’en sert pour enseigner la vérité qu’il a conçue et qu’il a l’intention d’enseigner. Par suite, ces récits ne sont pas l’objet de son enseignement ; ils sont seulement un moyen ou une manière d’instruire, et ils ne sont pas enseignés comme des histoires quoiqu’ils soient tels dans le texte, ni comme des histoires inspirées. Ils n’ont pas non plus de vérité historique ; ils ont seulement la vérité relative aux choses que l’hagiographe a en vue, qui sont inspirées par Dieu et qui sont transmises par l’un et par l’autre.

Ce qui vient d’être dit des métaphores, des récits fictifs et des locutions figurées peut être dit, toute proportion gardée, des généalogies, des faits et des événements racontés, des personnes, des notions cosmographiques, astronomiques, physiques, etc., et aussi des sources dans lesquelles l’hagiographe a puisé ses récits. Tout cela dépend uniquement de l’intention de l’écrivain. Si dans les généalogies et la chronologie, il n’a pas en vue la généalogie immédiate des personnes, mais seulement leur dépendance généalogique, si dans ses recils il n’a pas l’intention de suivre l’ordre réel des événements, mais l’ordre qui lui paraît convenir mieux à la vérité qu’il a l’intention d’exprimer, il n’enseigne cependant pas de fausseté historique, et il n’y a pas ainsi d’erreur liislorique dans la Bible. Dans le premier cas, en elïet, l’écrivain n’a pas eu l’intention d’indiquer la génération immédiate de tous les personnages qu’il nomme. Ainsi saint Matthieu a omis trois rois entre Joram et Osias. Il est probable qu’il y a eu de pareilles omissions dans les généalogies des patriarches de la Genèse. Dans le second cas, l’hagiographe n’a pas eu l’intention de décrire les faits suivant Tordre réel des événements, comme saint Thomas le contaste pour Tordre des tentations de Notre-Seigneur, dans les Évangiles de saint Matthieu et de saint Luc. Sum. //ieo ;., IIIa, q. xli, a. 4, ad 51"n. L’ordre adopté par ces deux évangélistes était celui qui convenait à la vérité morale qu’ils voulaient enseigner.

On peut probablement en dire autant de quelques

noms de personnes, qu’on lit dans les généalogies des fils de Noé. Il semble bien que tous ne désignent pas des personnages réels, mais que quelques-uns désignaient dans le langage vulgaire des peuples différents de la même race.

Donc, dans les livres historiques de la Bible, on n’a pas toujours la véritable histoire des faits racontés, ni leur ordre de succession, les hagiographes ne s’étant pas toujours proposé de raconter la véritable histoire des hommes..Mettant ordinairement en œuvre les notions historiques telles que le vulgaire les connaissait, ils les adaptaient à l’enseignement des vérités religieuses et morales. Prendre leurs récits à la lettre serait s’exposer à adopter au lieu de l’iiistoire véritable, des erreurs historiques, que, ni les hagiographes, ni Dieu qui les inspirait, n’ont voulu enseigner.

Le P. Zanccchia a appliqué ensuite le même principe aux notions de cosmographie et d’astronomie qu’on lit dans la Bible, qui étaient empruntées au langage courant, conforme lui-même aux apparences, vraies ou fausses. Mémo dans les premiers chapitres de la Genèse, l’écrivain sacré a pu utiliser des documents ou des traditions pour enseigner des vérités dogmatiques. Ses récits sont véridiques pour le fond des choses, mais la forme poétique n’est pas absente de ses descriptions. Il les a reproduits tels qu’ils étaient reçus dans le peuple et en les insérant dans son livre, il ne les a pas approuvés par son autorité d’écrivain inspiré, surtout quant à leur forme littéraire, mais uniquement en vue de prouver les vérités religieuses, qui en ressortent.

Toute l’Écriture est donc inspirée et vraie, mais les critiques ont à déterminer si sa vérité est littérale ou seulement relative. Le progrés actuel des sciences et de l’histoire, leur fournit des moyens autrefois inconnus, de distinguer dans les Livres saints l’enseignement religieux visé par les hagiographes et Dieu qui les inspirait, de la forme extérieure qui leur a servi de revêtement Ils n’en concluront pas avec les rationalistes que l’Écriture enseigne l’erreur, mais seulement qu’il n’en faut pas prendre toutes les. ssertions aljsolument en elles-mêmes et abstraction faite de leur vêtement antique. Ils les prendront dans un autre sens et ils les interpréteront relativement à d’autres vérités que les hagiographes voulaient enseigner. Les exégètes et les apologistes catholiques, qui torturent violement les textes bibliques pour les interpréter comme exprimant de l’histoire véritable ou les concilier avec les sciences naturelles d’aujourd’hui, ne sont pas moins blâmables que les rationalistes qui méprisent la Bible et pensent y découvrir des erreurs historiques et scientifiques. Ils font enseigner aux hagiographes ce que ceux-ci n’ont pas eu le moins du monde l’intention d’enseigner.

Les récits bibliques n’ont pas tous la vérité historique pas plus que tous n’en sont destitués. Beaucoup ont un fondement véridique et racontent des faits historiques, mais la forme dans laquelle les faits ont été transmis et leurs circonstances proviennent de l’art poétique. De même, toutes les assertions bibliques sont vraies, mais leur vérité n’est pas toujours absolue ni toujours relative ; elle est quelquefois absolue et quelquefois relative. L’interprétation de l’Écriture exige donc beaucoup d’érudition pour faire ce départ ; quand l’exégèse est insuffisante, il faut attendre le jugement de l’Église, juge infaillible du véritable sens des Écritures. Scriptor sacer sub dii’ina inspiratione, Rome, 1903, p. 84-91.

Dom Hœpfi, Das Bach der Bûcher, Fribourg-en-Brisgau, 1905, a accepté les idées de Zanecchia sur l’enseignement des sciences et de l’histoire dans la Bible. Il s’est par suite posé la question ; y a-t il des données inexactes dans l’Écriture ? Il a répondu qu’il

ne peut y avoir d’erreur, quand l’hagiographe ne se propose pas formellement d’enseigner. Dans ce cas, l’erreur n’est pas formelle, elle n’est que matérielle ; par conséquent, il n’y a pas proprement d’erreur. Il y a même alors une certaine vérité relative, puisque les expressions bibliques répondent aux idées du temps et sont un moyen propre à faire pénétrer la révélation parmi ceux auxquels elle était destinée. Ces considérations faites à l’occasion des sciences naturelles, s’appliquent aussi à l’histoire. Norbert Peters les a exprimées il peu près de la même manière. C’est un tort d’interpréter les auteurs sacrés d’après les idées scientifiques des temps modernes, « au lieu de se placer.pour former son jugement, au point de vue na’f et populaire des auteurs qui étaient absolument fils de leur temps dans les questions cosmologiques, astronomiques, géogéniques et géographiques, paléontologiques et historiques, et qui se servaient du cercle d’idées de leurs lecteurs pour revêtir le contenu de la révélation comme ils se servaient de leur langue. Il faut toujours distinguer avec la plus grande netteté entre le noyau absolu idéal et le vêtement de circonstance conforme au temps. » N. Peters, dans le supplément scientifique de la Germania, 1902, n. l, p. G", cité par dom Hœpfi. La distinction entre ces deux éléments est difficile à faire, mais ce n’est pas une raison de ne pas la tenter. Il y a différentes sortes d’iiistoires ; mais, même dans l’histoire proprement dite, l’hagiographe n’est pas un hostorien critique ; c’est un oriental, qui emploie les sources qu’il avait sous la main qui puisait dans la tradition orale autant que dans les documents écrits, le plus souvent sans s’assurer de leur valeur scientifique, se contentant fréquemment de mettre les documents bout à bout sans y rien changer. Il écrit beaucoup de choses d’après ce qu’il a ouï dire, sans examiner, à proprement parler, la crédibilité de ce qu’il dit. Ainsi la mort d’Antiochus Épiphane est racontée trois fois dans les livres des Macchabées, I Mac, vi, 4 sq. ; II Mac, i, 13 sq. ; ix, 1 sq. Or, ce dernier récit ne fait que reproduire un bruit erroné, qui avait cours alors. Saint Jérôme reconnaît que l’Écriture a coutume de rapporter l’opinion du temps. En général, conclut dom Hœpfi, il faut admettre que l’hagiographe a garanti la vérité de ce qu’il emprunte à une source, mais ce n’est pas certain en chaque cas pailiculier. Le caractère du document n’est pas alors changé, et son contenu ne gagne pas plus de crédibilité par le fait de son insertion dans un écrit inspiré, si l’hagiographe n’a pas porté sur lui un jugement. La critique biblique peut alors s’exercer et distinguer ce qui est indubitablement exact et ce qui est moins digne de créance. On ne nie pas pour autant l’inerrance biblique, car il n’y a de vérité infaillible qu’autant et pour ce que l’hagiographe enseigne. Des raisons exégétiques et critiques serviront à faire le départ nécessaire. D’après la Revue biblique, 1905 p. 448-450.

Au rapport de la même Revue, 1906, p. 490-491. Mgr Horace Mazzella a admis très expressément et à plusieurs reprises la vérité relative de l’Écriture, quand elle parle d’après les opinions populaires, suivant les genres littéraires adoptés par les écrivains sacrés, notamment dans l’histoire primitive. Prælectiones scholasticx dogmaticæ breviori cursui accommodalx, 3<= édit., Rome, 1904, t. i, p. 355, 363.

Tout en admettant très nettement que la vérité de l’Écriture est divine et infaillible, De inspirationesacrée Scripluræ, p. 489-494, le P. Chr. Pesch, en étudiant la nature de cette vérité, ne se borne pas à reconnaître qu’elle n’est pas la même dans tous les livres de la Bible, qu’elle peut se concilier avec le recours de quelques auteurs à un pseudonyme et avec des récits fictifs, p. 504-507 ; il a posé la question de savoir si, malgré le silence de Léon XIII, il n’y aurait

pas, dans l’hisloire biblique, des récits rédigés selon les apparences historiques. Il distingue d’abord la vérité des Livres saints et l’omniscience divine. La vérité divine y est transmise par des hommes. Certains auteurs en concluent qu’elle n’est pas absolue, mais relative seulement. Cette manière de parler est ambiguë. Dieu seul conwaît la vérité absolue au sens plénier du mot. Toutefois la connaissance humaine est dite elle-même absolument vraie, quand elle ne diffère aucunement de la vérité objective, non seulement dans les axiomes mathématiques et philosophiques, mais même en histoire. La vérité humaine est donc absolue toutes les fois que les termes expriment exactement l’ordre ontologique. D’autre part, la vérité relative est ou bien celle qui mêle le vrai et le faux, ou bien celle qui n’est qu’approximative ou encore celle qui n’est vraie que sous un rapport. Un récit relativement vrai rapportera exactement la substance du fait, mais non toutes ses circonstances, n’en relatera qu’une partie peut-être encore approximativement ou avec des sous-entendus. Or, la vérité biblique n’est pas toute la vérité possible en tout ordre de choses. On peut dire qu’elle est absolument vraie puisqu’elle n’exprime aucune erreur formelle et que les erreurs matérielles qu’elle contient ne sont que les mensonges qu’elle rapporte. Cette vérité absolue ne signifie pas que l’Écriture contient toute la vérité révélée, à plus forte raison toute la vérité rationnelle.

Ainsi l’histoire biblique est relativement vraie, en ce qu’elle ne rapporte pas tout ce que les hommes d’alors et les hagiographes eux-mêmes connaissaient. Les hagiographes n’ont écrit que ce que Dieu voulait leur faire écrire. Elle est encore relativement vraie, en ce que ses auteurs ont employé des locutions indéterminées ou sommaires. Enfin, elle l’est encore en ce que certains auteurs, comme celui du II livre des Macchabées n’ont eu l’intention de rapporter que ce qu’ils trouvaient dans certaines sources, qu’ils jugeaient véridiques. Ce nonobstant, l’histoire sainte est une histoire vraie. On ne lui attribue pas quelque fausseté, en disant que la substance des faits est vraie, quoique la manière de les écrire soit celle des temps anciens, non celle des historiens modernes. Ainsi les hagiographes ont attribué anthropomorphiquement à Dieu des paroles qu’il n’a pas prononcées, mais qui expriment sa volonté, les évangélistes n’ont pas reproduit textuellement les di'-cours de Notre-Seigneur, ils en ont rendu le sens. Ibid., p. 524. 528. De ces principes, le P. Pesch conclut que les hagiographes, n’ont reproduit ni légendes ni mythes, p. 528-531. Il admet donc la vérité historique de toute l’Écriture.

Rendant compte de la discussion, soulevée par Mgr Egger, Absolute und relative Warhheit der heiliijen Schrift, Brixen, 1909, et reprise par M. Holzey, Fanfundsiebzig Punkle ziir Beankvorluny der Frage : Absolute oder relative Wahrheit der heiligen Schrift ? Munich, 1909, M. N. Peters a jeté dans le débat pour sa part, un certain nombre de textes de saint Jérôme, qui recourt à l’allégorie pour expliquer des passages historiques de la Bible, qui admet la fabula Samsonis et les fabulæ Suzanna : Belique ac draconis, qui reconnaît l’existence d’erreur même dans les Evangiles et dans les j^ctes (voir plus haut, col. 2213), qui pose la loi de raconter l’histoire d’après les opinions du temps, enfin qu’il y a dans l’Écriture beaucoup de contradictions insolubles, Tlteologische Revue, 12 juillet 1910, col. 329-335. Le doctor maximus in interpretanda Scriptura serait donc ainsi un partisan de la vérité relative seulement de l’Écriture.

l'^n comparant la vérité et l’erreur comme principes de solution des difficultés scripturaires le P.Durand a f ai l justement observer qu’en matière d’inerrance biblique on ne peut se contenter des notions sommaires de ces

termes. Une analyse plus pénétrante est nécessaire ; mais les théologiens n’ont pas encore réussi à employer une terminologie uniforme et ils ne donnent pas tous le même sens au terme : vérité relative qu’ils emploient. Le P. Pesch l’entend d’assertions qui, à un titre ou à un autre, n’expriment qu’imparfaitement la vérité. Prœlecliones dogmuticee, t. i, n. 629. De inspirotione sacræ Scriptura-, p. 527-528. Le P. Prat, Etudes, 5 novembre 1902, p. 302, et le P. Brucker, ibid., 20 janvier 1903, p. 232, disent que le terme de relatif, quand il s’agit de vérité, n’est qu’un euphémisme pour désigner l’erreur. La vérité relative, c’est-à-dire proportionnelle et économique, comme l’entendait M. Loisy est condamnée à juste titre : c’est le principe de Renan que la vérité d’aujourd’hui est l’erreur de demain. Les exégétes progressistes, qui ne voient l’erreur que dans l’erreur formelle, reconnaissent, dans la Bible, des erreurs ou inexactitudes purement matérielles, que ni les hagiographes, ni l’esprit inspirateur n’ont voulu enseigner et qui, par suite, ne sont pas imputables à la Bible. Le. P. Pesch lui-même l’entend ainsi ; mais il n’en fait l’application qu’aux mensonges et aux erreurs simplement rapportés dans la Bible, (dicta alioruni), ce qui est assez impropre. Nous avons signalé des exégétes catholiques, qui admettent des erreurs purement matérielles dans la Bible sous le nom de vérité relative. Le P. Schifïïni a entendu cette expression dans le sens d’une assertion, dans laquelle riiagiographe mêlerait, per modum unius, le vrai et le faux. Divinitas Scripturæ, Trêves, 1905, p. 110. Tel n’est pas assurément le sens, donné par eux à ce terme, puisque, pour eux, l’erreur, pour être imputable aux hagiographes et à Dieu, devrait être formelle, et ils n’admettent pas de telles erreurs dans la Bible. Voir Inerrance biblique, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, t. ii, col. 766-767.

Toutefois, Benoît XV, dans l’encyclique Spiritus Paraclitus a déclaré qu’ils méconnaissaient la doctrine de l’Église, confirmée par saint Jérôme et les autres Pères, les critiques modernes « qui pensent que les parties historiques des Écritures s’appuient non point sur la vérité absolue des faits, mais seulement sur leur vérité relative, comme ils disent, et sur la manière générale et populairedepenser. » Acta apostolicœsedis, 1920, t. XII, p. 395. Le souverain pontife vise bien ici, non seulement la théorie moderne des apparences extérieures, appliquées à l’histoire, qui admet implicitement la vérité seulement relative des Écritures, mais encore et premièrement, celle qui emploie explicitement cette expression, en l’entendant d’erreurs au moins matérielles, existant dans l’Écriture (ce qu’exclut le P. Pesch). Le sens de la condamnation p ?raît être que la distinction entre vérité absolue et vérité relative dans la Bible ne peut être employée pour résoudre les problèmes critiques, que soulève le texte sacré. "Ces problèmes doivent être résolus par d’autres procédés. Ainsi, Benoît XV ne semble pas admettre dans la Bible, d’erreurs, même simplement matérielles. La doctrine de l’Église sur l’inerrance bibhque, confirmée par le doctor maximus lui-même, qu’on se plaisait à citer en sens contraire, s’y oppose.

4. Citations implicites ou tacites de documents non inspirés. — A côté des citations expresses ou explicites des paroles d’autrui, qu’on a toujours remarquées dans la Bible et pour lesquelles on n’exige de l’hagiographe que la fidélité du rapporteur et non pas nécessairement et dans tous les cas l’approbation des choses dites, n’y aurait-il pas lieu de reconnaître d’autres citations, tacites celles-ci et implicites, de documents entiers, de pièces étrangères, intégralement reproduits ? Le P. F. Prat a posé le premier la question, et il a conclu à l’affirmative. A une époque où la propriété littéraire était ignorée, l’emprunt était fait sans

être signalé. Il y a de ces emprunts qui sautent aux yeux : tels, les c. xxxvi-xxxix d’Isaïe, qui sont reproduits presque mot pour mot et avec les mêmes particularités, IV Reg., xviii-xx ; tels encore, les passages des livres des Rois, qui se retrouvent dans les Paralipomèncs, dans le même ordre, avec les mêmes traits et les mêmes expressions caractéristiques, et sans aucun signe de référence. Tous les livres historiques de la Bible utilisent des sources, dont ils citent les titres, sans indiquer toujours les emprunts qu’ils leur ont faits. Les contemporains, qui connaissaient les documents utilisés, reconnaissaient les emprunts. Nous ne pouvons y arriver que difficilement et avec simple probabilité. Le travail de démarquage est donc délicat. Certains indices, comme les anomalies de chi’onologie, peuvent parfois faire reconnaître une différence de points de vue et de documents utilisés. Le P. Prat examine des exemples, qu’ils serait trop long de rapporter ici. L’important est de savoir quelle garantie ï’hagiographe donnait aux références tacites qu’il faisait de la sorte. Garantissait-il l’exactitude parfaite et intégrale jusqu’au dernier mot, si longtemps après les événements qu’il racontait ? Ne suffisait-il pas o son but que le document cité fût vcridique, sans être infaillible ? Enfin, si on admet l’inerrancedes passages ainsi copiés, sera-ce en vertu du témoignage de l’iiagiographe ? Éludes religieuses, 1901, t. lxxxvi, p. 475 sq. ; La Bible et l’histoire, Paris, 1904, p. 40-56.

Le principe des citations tacites avait été admis déjà dans quelques cas particuliers. Aussi la théorie du P. Prat fut-elle bien accueillie par plusieurs critiques. D’autres lui firent mauvais accueil. Le P. DelaLtre, Autour de lu question biblique, p. 53, 307, notes, la regarda comme dangereuse, car elle pouvait enlever à la garantie des hagiographes une bonne partie de la Bible, celle qui contenait des citations. Le P. Schiffini fut du même sentiment. D/c/na ; Sc/j/i/ur », p. 1()2. La question fut donc examinée par la Commission biblique. Au doute ainsi libellé : Utruni ad enodamtus diljîrulliites, quæ occurrunt in nonnullis sacræ Scripturæ tcxiibus, qui fada historica referre videntur, liceat exegctie catholico asserere agi in liis ae citatione tacila i-el implicila documenti ab auctore non inspirato conscripli cujus asserta omnia aucior inspiratus minime approbare aul sua facere intendit, qaœque ideo ab errore immunia haheii non possunt ? elle répondit, le 13 février 1905 : Négative, excepta casu in quo, suivis sensu ac judicio Ecclesise, soliuis argument is probetur : 1o hagiographum alterius dicta vel documenta rêvera citare, et 2o cadem nec probare nec sua facere, ita ut jure censeatur non proprio nomine loqui. Denzinger-Bannwart, n. 1979 ; Cavallera, Thésaurus, n. 103.

Il faut observer que le P. Prat n’avait pas présenté la théorie des citations implicites comme un procédé apologétique, applicable à tous les textes historiques de la Bible, qui paraissent rapporter des faits historiques, mais seulement aux passages, qui, au jugement d’une saine critique, reproduisaient un document pi’ofane. Il ajoutait que, par le fait même de l’emprunt, on ne pouvait conclure que le document cité n’avait pas la garantie de l’hagiographe, mais qu’il fallait examiner avec soin si celui-ci approuvait et faisait siens les faits cités. C’était, au moins, l’esprit de son article. Par suite, tout en rejetant la théorie des citations implicites comme moyen universel et vraiment trop facile de résoudre des difficultés historiques de la Bible, la Commission biblique la restreignait aux citations de documents profanes, qui remplissaient les deux conditions posées. Elle reconnaissait donc à l’exégète catholique le droit d’y recourir et elle sauvegardait seulement dans chaque cas particulier le sentiment et le jugement de l’Église. Ainsi restreinte et comprise, la théorie des citations implicites était

reconnue et pouvait être appliquée. Ces passages n’avaient donc pas nécessairement la veritas rei, ils avaient au moins la veritas rei citatæ, et ainsi la véracité absolue de la Bible était sauvegardée.

Cependant M. Gôttsberger, Autour de la question biblique, dans Biblische Zeitschrift, 1905, t. iii, p. 237242, avait critiqué la théorie du P. Prat. Puisque, disait-il, dans les citations explicites, l’auteur sacré approuve parfois et présente à ses lecteurs comme vraies les paroles citées, on n’a pas de raison de dire que, dans les passages où il cite tacitement un document profane, il ne garantit pas la vérité de la chose citée. En tout cas, rares seraient les cas, où il n’a en vue que la veritas cilaiionis. Supposer des citations tacites non approuvées, c’est transporter dans l’antiquité des procédés modernes, dont on n’avait pas autrefois l’idée ; c’est supposer que l’Ancien Testament n’est qu’une compilation de documents, que les auteurs inspirés ne garantissaient pas de leur autorité. On peut supposer qu’une citation implicite ne garantit que la veritas cilaiionis, il est très difficile d’en fournir la preuve. La Revue biblique, 1905, p. 621, a résumé cette critique de M. Gôttsberger, et elle l’a fait suivre de ces paroles : « On s’associe d’autant plus volontiers à ces réserves que jamais la Revue biblique n’a vu dans cet artifice un peu précaire la solution d’un problème très général. >

Le P. Pesch ne connaît que deux exemples certains decitations tacites, mentionnésparles critiques modernes, à savoir II Reg., xxiv, 9 ; Gen., xi.vi, 21, et il remarque qu’il ne manque pas d’autres explications pour résoudre les difficultés qui découlent de quelques passages de la Bible, soupçonnés d’être des citations de ce genre. Quant à la théorie récente des citations implicites elle n’est pas à rejeter, lorsque la citation est prouvée ; mais on ne pourra l’appliquer qu’à de très rares passages et non à tout propos comme solution d’une difficulté, à plus forte raison dans la supposition que l’Ancien Testament est un recueil de citations explicites ou implicites, dont les écrivains sacrés n’auraient pas pris la garantie. Les citations tacites doivent donc être admises si elles sont manifestes ou si elles fournissent l’unique ou la meilleure explication du texte biblique, mais elles ne peuvent servir de principe universel d’appréciation du caractère historique de l’Ancien Testament ou de solution de toutes les difficultés historiques qu’on y rencontre. De inspiratione sacræ Scripturæ, p. 539-543.

Le P. Brucker a examiné le problème sous sa forme plus générale en le rattachant à l’emploi de documents antérieurs, fait par les historiens bibliques. Ces historiens prennent-ils entièrement à leur compte les documents qu’ils emploient ou n’entendent-ils pas assumer la responsabilité totale des emprunts qu’ils font ? Personne ne nie qu’ils ne s’en rendent responsables, dans une certaine mesure. Si ces documents forment la trame de leur récit, c’est qu’ils les ont crus véridiques et sûrs. Mais cette sorte d’approbation implicite signifie-t-elle nécessairement qu’ils font leur et qu’ils certifient tout ce qu’ils ont empruntés à leurs sources ? Quelques exègètes de notre temps pensent que, quand l’auteur nomme sa source d’informations, il lui laisse, la principale responsabilité de ses récits. On ne peut le dire en général en dehors des cas où l’écrivain se réserve, sinon explicitemeut, du moins clairement. Une saine herméneutique ne le permet pas car il est évident que l’historien sacré, qui remanie ses sources, endosse la responsabilité de ce qu’il emprunte. AppU quée trop largement, la théorie des citations intp licites est un moyen de solution plus expéditif que sûr ; elle diminuerait notablement la garantie de l’inspiration des livres historiques et elle jetterait la suspicion sur l’ensemble des récits de la Bible. Cet expédient apo

logétique est donc à rejeter absolument sous la forme générale qu’on lui adonnée. La théorie toutefois peut être légitimement utilisée dans quelques cas particuliers, non pas sans doute en vue d’harmoniser certaines divergences des livres historiques, mais au moins, ù titre d’hypothèse, dans les tableaux généalogiques de la Genèse, du début du I" livre des Paralipomènes et ailleurs. La forme spéciale, conventioimelle, hiératique de morceaux, que l’auteur met, pour ainsi dire, en marge ou en appendice de ses récits, permet suffisamment de les considérer comme des pièces reproduites à raison de l’intérêt général qu’ils avaient pour le peuple juif, mais sans contrôle et sans qu’on attribuât d’autre autorité que celle de la tradition ou des registres publics, d’oîi ils étaient tirés. Cette hypothèse serait peut-être légitime encore, si on l’appliquait, pour certaines informations chronologiques ou statistiques. L’É(jlise et la criliqiie biblique, p. 67-71.

Le P. Knabenbaucr en a fait l’application à certains récits des livres des Macchabées. Comment, in duos libros Mucchabworum, Paris, 1907, p. 273, 305306. Des théologiens, après Pesch, cité plus haut, ont admis la légitimité de son application dans une mesure restreinte. Van Noort, De fontibus revelationis, Amsterdam, 1906, p. 63-69 ; J. V. Bainvel, De Scriptura sacra, Paris, 1910, p. 147, 154-155. La dimculte d’application est d’ordre pratique : à quels signes certains peut-on reconnaître qu’un écrivain sacré a cité tacitement un document profane, sans lui donner la garantie de son inspiration ? Au si les exégètes catholiques sont-ils rarement tombés d’accord dans l’emploi de la théorie. Cf. A. Durand, art. Inerrance biblique, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, t. II, col. 781-782.

Quelle attitude l’autorité ecclésiastique a-t-elle prise à ce sujet depuis le décret précité de la Commission bibhque ? On a remarqué un blâme discret de la théorie des citations iinplicites dans l’encyclique Pascendi de Pie X contre les erreurs des modernistes. Après avoir dit que les modernistes affirmaient que rien dans la Bible ne manquait de l’inspiration telle qu’ils l’entendaient, le souverain pontife ajoute : Quod cum affirmant, magis eos crederes orthodoxes quam recenliores olios, qui inspirationem aliquantum coanguslant, ut exempli causa, cum tacitassic dictas citationes invehunt. Sed hsec illi verbo tenus et sttnulalc. Denzinger-Bannwart, n. 2090. Pie X déclare ironiquement moins orthodoxes que les modernistes les catholiques plus récents qu’eux, qui restreignent l’inspiration à une partie de la Bible par le moyen de ce qu’ils appellent les citations tacites ? Veut-il dire que l’admission des citations tacites aboutit toujours et nécessairement à la limitation de l’inspiration biblique ? Cela est peu vraisemblable car il ne semble pas que le pape ait voulu déroger au décret de la Commission biblique qui admet la légitimité des citations bibliques dans des cas . particuliers, où sont remplies les conditions déterminées.

Dans l’encyclique Spiritus Parctclitus, Benoît XV a reconnu, du reste, la justesse de ce principe dans certains cas et n’a réprouvé que les abus de la théorie. « Il est encore, dit-il, (en dehors de ceux qui contestent l’historicité des récits sacrés, reproduisant seulement les croyances populaires du temps), une autre catégorie de déformateurs de l’Écriture sainte : nous voulons dire ceux qui, par abus de certains principes, justes du reste s’ils sont renfermés dans certaines limites, en arrivent à ruiner les fondements de la véracité des Écritures et à saper la doctrine catholique transmise par l’ensemble des Pères. S’il vivait encore. Saint Jérôme dirigerait à coup sûr ses traits acérés contre ces imprudents qui, au mépris du sentiment et du jugement de l’Église, recourent trop aisément au système

qu’ils appellent système des citations implicites ou des récits qui ne seraient historiques qu’en apparence ou qui prétendent découvrir dans les Livres saints certains genres littéraires inconciliables avec l’aljsohie et parfaite véracité de la parole divine, ou qui, sur l’origine des livres bibliques professent une opinion qui ébranle ou même réduit à néant leur autorité. » A c/a apostoUcse Scdis, 1920, t. xii, p. 397. Ces derniers mots visent d’autres erreurs que celles dont nous nous occupons présentement. Quant au système des citations implicites, il n’est réprouvé que dans ses abus et dans ses conséquences, contraires à la véracité absolue et parfaites des Livres saints. La distinction des genres littéraires de la Bible n’est elle-même condamnée que j quand elle imagine certains de ces genres, qui sont 9 inconciliables avec cette véracité. ^

4o Exposés théologiques.

Après que les discussions, précédentes furent assoupies, après que les opinions _ nouvelles eussent été réprouvées ou endiguées par S l’autorité ecclésiastique les théologiens catholiques m en tinrent compte et établirent plus clairement l’inerrance de la Bible.

Si le P. Pesch, comme nous l’avons vii, a discuté longuement les opinions modernes, le futur cardinal Billot s’est tenu davantage dans la sphère des principes théologiques pour expliquer l’inerrance biblique. A son jugement, l’inerrance iibsolue de l’Écriture est un dogme très ferme de l’Église catholique, bien qu’il ne soit défini ni par un concile ni par un souverain pontife. Elle a toujours été clairement et universellement affirmée par les Pères et docteurs et le sentiment des fidèles y adhère pleinement. L’admission d’erreurs dans la Bible a été notée d’hérésie. Le P. Billot rejette ensuite énergiquement l’inspiration économique, imaginée par M. Loisy, et la restriction de l’inspiration et de ses effets aux vérités concernant la foi et les mœurs. Il examine les causes qui ont provoqué cette fausse opinion, il discute les arguments invoqués par ses tenants, et il conclut avec raison qu’elle a été condamnée expressément par Léon XIII dans l’encyclique Providentissimus Deus. C. iii, p. 96-116. Le c. iv, p. 117-139 est consacré aux opinions récentes sur les formes littéraires de la Bible. Des systèmes différents sont exposés pêle-mêle : l’admission de mythes, de citations implicites de faux documents, de fictions et d’accommodations artificielles d’événements historiques, sans détriment de l’inerrance, si on tiem, compte des formes littéraires des anciens livres, aux diverses époques de l’antique Orient, p. 117-126. La réfutation qui suit, très animée et plus convaincue que convaincante, répond uniquement à un seul genre littéraire dit primitif-mythique ou historico-oriental, extrait de quelques plirases de M. Loisy. Les explications des critiques modérés, sans aucunes références, manquent de précision. Au jugement du théologien, l’Écriture est un genre littéraire singulier, transcendant ne pouvant être comparé avec aucun autre. Deux arguments suffisent à réfuter tous les novateurs. A priori, il est digiie de Dieu que les livres, dont il est l’auteur principal, manifestent dans leur manière de parler quelque chose qui leur soit propre et qui ne se trouve pas dans les autres livres. A posteriori, la Bible, défait, ne peut être comparée, même de loin,

aucune autre littérature, beaucoup moins encore

à la littérature de Babylone, à laquelle on l’assimile. Plus sévère que la Commission biblique, qu’il ne cite pas, plus sévère que Benoît XV, lui-même, le P. Billot condamne absolument la théorie des citations implicites et n’admet pas son application à des cas particuliers.

L’enseignement du P. Bainvel sur l’inerrance biblique est bien plus nuancé, parce qu’il distingue mieux les systèmes modernes. Avec tous les catholiques il

pose en principe que l’cneur, non seulement tn matière de foi et de mœurs, mais encore en matière de sciences et d’histoire est incompatible avec l’inspiration, car toute parole de l’écrivain sacré doit être tenue pour parole de Dieu, et précisément selon le sens que l’hagiographe a voulu exprimer et a exprimé. Il est parfois difficile d’appliquer ce principe au texte sacré, mais il faut le retenir absolument et s’en servir comme de tessère pour écprter tout sens qui aboutirait à attribuer une erreur à l’écrivain sacré. Notre théologien indique de bonnes règles pour déterminer le sens objectif que l’hagiographe a voulu exprimer. Mais il ne me paraît pas qu’au sujet du manteau, laissé à Troas, il y ait lieu d’imaginer l’hypothèse suivant laquelle saint Paul se serait trompé, en écrivant ce détail ; c’est assez d’étudier les cas réels sans s’occuper des cas chimériques. J’en dirais autant de la distinction établie entre le sens de l’homme et le sens objectif de l’écrivain ; celui-ci nous pouvons le déterminer d’après son texte ; l’autre nullement ; nous ne savons rien de ce qui, vrai ou faux, pouvait être dans l’esprit de l’écrivain sacré, au moment où il écrivait. L’interprète catholique ne doit donc reconnaître aucune erreur formelle de l’écrivain, tant dans les textes qui concernent la foi, les mœurs, que même dans les passages historiques. Il se souviendra pourtant que, dans ces derniers, l’hagiographe apu, dans sa manière déparier, s’accommoder davantage au langage courant de son temps. Mais l’histoire racontée doit toujours être vraie au sens où elle est racontée. L’auteur traite brièvement des dicta aliorum, des citations de l’Écriture et des documents utilisés, des fables comme genre littéraire. Au sujet des passages où l’hagiographe parle de sa personne, de ses sentiments, des mouvements de son âme, des préceptes ou des conseils qu’il donne, il faut distinguer, nous dit-on encore, entre Vécrivain et l’iionimc. Ce que dit l’écrivain est divin et par conséquent vrai et divin. S’il rapporte seulement ce qu’il a dit, ce qu’il a fait ou ressenti, il suffiL de tenir son récit comme vrai et honnête. D’autres cas du même genre conviennent plutôt à l’herméneutique qu’à la théologie de l’inspiration. De Scriptura sacra, Paris, 1910, p. 144-158.

Dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, Paris, 1911, t. ii, col. 759-787, le P. A. Durand, a longuement parlé de l’incrrunce biblique au point de vue apologétique. Avant de donner les renseignements que nous avons déjà signalés au sujet des rapports de l’inerrance avec les sciences physiques et l’histoire, il avait, au préalable, exposé l’état de la question et des principes et procédés généraux de solution des difficultés que présente le texte sacré à ce double point de vue. Les principes et procédés généraux relèvent à la fois de la théologie et de la critique. Le théologien se borne à démontrer l’inerrance de la Bible, il laisse à l’apologiste le soin de montrer en détail qu’il n’y a pas d’erreur dans l’Écriture. Ces deux points de vue différents n’ont pas toujours été bien distingués, et, dans les temps modernes, des exégètes ont tenté de déterminer la nature del’inspiration, voir col. 2163, et parsuite des effets et conséquences d’après les textes eux-niênies. Le champ propre de l’exégèse déborde notre sujet. Les données rationnelles ont fourni la distinction de l’erreur formelle et de l’erreur matérielle, de l’expression et de l’assertion, celle-ci provenant seule du jugement de l’auteur et donnant à l’expression son sens réel et objectif. Les écrivains sacrés ne sont donc responsables que de leurs assertions, celles que Dieu a voulu leur faire exprimer par les termes employés, soit qu’ils parlent d' autrui soit qu’ils expriment leurs propres sentiments. Toutes ces précisions et d’autres encore tendent à mettre exactement au point cette importante, délicate et difficile question de l’inerrance bi blique. Les exégètes et les apologistes ont donc ainsi à leur disposition des principes solides et des procédés généraux, qui les aident à prouver, dans les cas particuliers, l’inerrance de la Bible, que le théologien a établie solidement sur la croyance perpétuelle et unanime de l’Église catholique.

Nous ne dresserons pas ici la liste des nombreux ouvrages qui traitent de l’inspiration et qui ont été cités au cours de l’article. Comme nous avons étudié chacune des questions distinctes suivant l’ordre historique, nous n’indiquerons que les ouvrages catlioliques, qui traitent de l’iiistoire de l’inspiration. Sans parler des monographies sur la doctrine de tel ou tel Père, qui ont été signalées à l’occasion, nous citerons : I^. Dausch, Die Schriftinspiration, cine biblischgescluchtliche Studie, Fribourg-en-Brisgau, 1891 ; Is..Mol7 : ey, Die Inspinilion der bl. Schi/ten in dcr Anscluunmg des Mittelaliers von Karl dem Grosse bis zum Konzil uon Trient, Munich, 1895 ; F. Leitner, Die prophctiscbe Inspiration, dans les Biblisclie Stiidicn, Fribourg-cn Brisgau, 1896, t. i, fasc. 4 et 5 ; Chr. Pesch, De inspiratione sacræ Scn’pfura', Fribourg-en-Brisgau, 1906, p. 11-375 ; cf. E. Mangenot, L’inspiration de la sainte Écriture (extrait de la Revue des sciences ecclésiastiques et la Science catholique, mai 1907), Arras, Paris, 1907.

E. Mangenot.


INTÉGRITÉ (ÉTAT D’). Ce terme est entendu diversement, dans un sens plus ou moins compréhensif, par les auteurs anciens et modernes. Jusque dans les derniers temps de la scolastique, il désigne tout l’ensemble des dons préternaturels accordés à nos premiers parents, avec ou sans la grâce sanctifiante. Dans l’opinion aujourd’hui communément admise de la grâce élevante octroyée à Adam dès l’instant de sa création, on ne la sépare pas d’ordinaire de cet ensemble. Quoique d’essence infiniment supérieure aux autres dons, la grâce primitive dans l’ordre de la réalité n’allait pas sans eux. Ce qui nous ramène au fond à l’état d’innocence. Voir Innocence (État d'). Au mot intégrité les modernes ont donné le sens particulier d’exemption de la concupiscence. Est-ce parce que la convoitise est-ce par quoi le désordre consécutif du péché s’accuse davantage, ou parce que l’immunité qui en préserve révélait d’une manière sensible l’état privilégié d’Adam ? La concupiscence s’entend ici dans sa relation avec l’ordre moral et non précisément au sens psychologique. C’est la tendance de l’appétit sensitif ou de toutes les passions à se porter vers le bien sensible avant et contre le jugement de la raison. Antérieurement à la chute, les sens ne subissaient que les mouvements autorisés par la raison et la loi morale. Ne pesant jamais sur les décisions de l’intelligence et de la volonté par l’attrait excessif des plaisirs sensibles, ils ne portaient pas au mal, ils ne retardaient pas d’accomplir le bien. Telle était l’harmonie parfaite de la raison et des puissances Inférieures, maintenue par le lien de la justice originelle, per justitiam originalem perfecte ratio continebal animæ vires. S. Thomas, Sum theol., P IL"', q. lxxxv, a. 4. C’est en ce bel ordre de la région basse de l’âme humaine que les modernes font consister plutôt l’état d’intégrité. Voir Concupiscence, t. iii, col. 803-814.

Les ouvrages à consulter ont été signalés à la suite de l’art. Innocence (État d').

A. Thouvenin.


INTEMPÉRANCE., — fA^o/ion.— Entendue dans un sens large, l’intempérance est un défaut de mesure. On qualifiera d’intempérance de langage, des paroles prononcées sans retenue ni discernement ; d’une activité qui se répand sur tout, qui ne compte ni avec les obstacles ni avec les forces disponibles, on dira qu’elle est intempérante. Mais ce terme désigne très spécialement le vice opposé à la vertu de tempérance. Ce vice porte à rechercher, contrairement aux pre