Dictionnaire de théologie catholique/INCARNATION

A. Michel.
Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 7.2 : IMPANATION - IRVINGIENSp. 98-145).

INCARNATION. L’étude du mystère de l’incarnation s’offre à nous sous de multiples aspects : révélation du mystère, proposition du dogme, histoire et réfutation des hérésies, etc. L’ensemble de ces matières qui toutes ont trait à la personne sacrée du Verbe fait chair constitue le traité théologique De Deo redemptore ou De Verbo incarnato. Il ne saurait ici être question d’un exposé théologique de ce genre. Chaque aspect différent du problème christologique doit constituer l’objet d’un article spécial. Il semble toutefois utile, dans le présent article, de délimiter la matière des principaux articles concernant Notre-Seigneur Jésus-Christ. Tout d’abord s’impose la division classique du traité du Verbe incarné, christologie, ou mystère de l’incarnation, et sotériologie, ou mystère de la rédemption. On trouvera à Rédemption les indications concernant les questions relatives à la sotériologie. Dans le problème christologique, le point de vue historique a déjà été et sera encore l’occasion de maints articles concernant les hérésies, les erreurs, les définitions conciliaires relativement à l’incarnation. Au point de vue strictement dogmatique, il a paru bon de répartir en trois articles fondamentaux l’exposé des vérités catholiques touchant le mystère de l’Incarnation. Par la nature même de la vérité dogmatique qui en forme l’objet, l’article Hypostatique (Union) se trouve facilement délimité. Il étudie exclusivement le mode selon lequel, en Jésus-Christ, s’unissent la nature divine et la nature humaine. L’article Jésus-Christ nous fera envisager le résultat de cette union, le sujet concret, Dieu et homme, qui est apparu aux hommes sur la terre, a vécu et conversé avec eux, et dont les ennemis de la toi chrétienne ont essayé, tour à tour, de nier la divinité ou l’humanité. Toutefois, la divinité de Jésus y devra être considérée sous l’aspect qu’elle possède dans le Verbe incarné. La divinité du Verbe, comme tel, a déjà été l’objet d’une étude spéciale, Fils de Dieu, et devra derechef être abordée dans la question plus particulière du Logos. Le présent article. Incarnation, considère le mystère de l’Homme-Dieu d’une façon plus abstraite, in fieri, pourrions-nous dire, c’est-à-dire dans sa nature et son intelligibilité, dans sa possibilité et dans ses causes. On considérera donc successivement :
I. Définition et notions générales.
II. Le mystère.
III. Le dogme.
IV. Possibilité, convenance et nécessité.
V. Cause finale.
VI. Cause efficiente.
VII. Cause formelle.
VIII. Cause quasi matérielle.
Les Pères et les théologiens du mystère de l’incarnation seront indiqués dans la bibliographie qui constituera un simple répertoire des principaux ouvrages catholiques sur l’incarnation.

I. Définition et notions générales.

1o Etymologie.

L’usage a voulu que le terme « incarnation » désignât le mystère du Verbe de Dieu fait homme. Le sens étymologique du mot incarnation n’a pas cependant cette extension. In-carné signifie fait ou devenu chair, et non pas fait homme. Or, considéré en soi, le mot « chair », désigne un genre, dont la chair humaine est l’espèce supérieure. De plus, la chair, même prise dans l’acception de chair de l’homme, n’exprime qu’une partie de la nature humaine que le Verbe s’est unie hypostatiquement. Ainsi donc, à ne considérer que les réalités qui composent la nature humaine, il semblerait tout aussi correct, sinon plus conforme à la dignité de l’âme, par qui est spécifiée la nature humaine, d’appeler « inanimation » le mystère du Verbe fait homme. Si l’usage a fait prévaloir le terme incarnation, ce n’est pas seulement pour les raisons de convenance qu’indique saint Bonaventure, Breviloquium, part. IV, c. ii, à savoir, de notre part, intelligence plus facile du mystère, la chair nous étant plus connue que l’esprit ; de la part de Dieu, expression plus parfaite de l’humiliation du Verbe et de sa condescendance à notre égard, la chair étant dans l’homme ce qui est le plus distant de Dieu ; c’est encore et surtout parce que, dans l’usage de l’Écriture et des Pères le mot chair est employé par synecdoque pour signifier l’homme tout entier.

1. Équivalence de « caro » et de « homo » dans l’Écriture.

La sainte Écriture emploie le mol chair selon des acceptions très différentes, mais ayant toutes un rapport étroit avec la signification propre de ce mot. A proprement parler, la chair désigne, dans le corps, les parties qui ne sont ni os, ni sang ; c’est en ce sens que l’Écriture parle de la chair de l’homme, sans préciser qu’elle désigne le corps humain ou même l’homme entier, Gen., ii, 21 ; xvii, 11-14 ; xl, 19 ; Ex., xxx, 32 ; Lev., xiii, 2 : xv, 3 ; xxvi, 29 ; Deut., xxviii, 53, 55 ; IV Reg., iv, 34 ; v, 10, 14 ; ix, 36 ; Job, ii, 5 ; vi, 12 ; x, 11 ; xxxiii, 21, 25 ; Prov., v, 11 ; xiv, 20 ; Sap., vii, 1 ; Ecch., xiv, 18 ; Ezech., xxxvii, 6 ; Jer., xix, 9 ; Bar., ii, 3 ; etc. ; à cette façon de parler, on peut rapporter la promesse de Jésus-Christ relative à l’eucharistie. Joa., vi, 52, 57. Laissant de côté les acceptions où l’analogie est plus accentuée (chair désignant la faiblesse dans l’ordre moral, ou l’impuissance de la nature dans l’ordre surnaturel, ou la corruption du péché par rapport à la vie de la grâce ; chair désignant dans l’ordre physique la parenté et l’union très étroite de diverses personnes, l’unité de race), nous n’entendons considérer ici que la synecdoque par laquelle on passe de la signification propre du mot chair à une signification plus

coiuprcliensive, celle de corps humain ou nicme d’hoinine. L’hébreu n’ayant pas, comme le français, de mot particulier pour distinguer le corps de la chair, c’est le même terme bâidr qui réunit ces deux significations. Ainsi, le ps. xv, 9, distinguant « la gloire », c’est-à-dire l’âme supérieure, l’esprit, du cœur, siège du sentiment, et de la cliair, c’est-à-dire du corps, marque bien cette acception du mot bÛKÙr dans l’énumération des parties intégrantes du composé humain. Cette énumération du ps. xv est très exactement reproduite par saint Paul, I Thés., v, 23, qui parle explicitement du corps, ow[jia. On comprend ainsi que par sjTiecdoque chair signifie le corps tout entier. La sainte Écriture fournit de nombreux exemples de cette acception : le soin de la chair, Rom., xiii, 14 ; sa chair n’évitera pas la corruption, Act., ii, 31 ; ma chair reposera avec espérance, Act., ii, 26 ; la chair du Christ, pour le corps du Christ, corps soumis à la souffrance et à la mort, Eph., ii, 15 ; Heb., x, 20 ; I Pet., iii, 18 ; iv, 1 ; une seule chair des époux dans l’usage du mariage, Walth., xix, 5 ; Marc, X, 8 ; 1 Cor., VI, 16 ; Eph., v, 31 ; cf. Gen., ii, 24 ; voir d’autres exemples : Eph., v. 29 ; I Cor., v, 5 ; Col., II, 1, 5 ; I Pet., III, 21 ; IV, 6 ; Jac, v, 3 ; Heb., ix, 10 ; Gal., iii, 3. De là à la signification d’homme, l’âme étant comprise implicitement dans le corps humain, il n’y a qu’une nuance imperceptible. On trouve ainsi « toute chair » équivalent de « tout homme », Luc, ni, 6 ; cf. Is., xl, 5 ; Joa., xvii, 2 ; Act., ii, 17 ; cf. Joël, 11, 28 ; I Pet., i, 24 ; non omnîscoro, synonyme de « personne ». Matth., xxiv, 22 ; Marc, xiii, 20 ; Rom., ni, 20 ; I Cor., i, 29 ; Gal., ii, 16 ; chair et sang, signifiant l’homme tout entier, Matth., xvi, 17 ; Gal., I, 16 ; Eph., vi, 12 ; cf. Ecch., xiv, 19 ; I Cor., XV, 50. On comprend ainsi toute la signification du verset : Et Verbum caro faclum est. Le Verbe s’est fait chair, c’est-à-dire « homme ». Le mot chair est employé ici de préférence à tout autre, parce que l’usage de la langue hébraïque, tel que nous venons de le rappeler, autorisait pleinement cette façon de s’exprimer, et sans doute aussi pour marquer avec jilus d’expression la réalité de la chair du Christ et tlonner ainsi le coup de mort au docétisme. Comparez Texpression : venu en chair, dont l’apôtre saint Jean se sert dans ses Épîtres pour combattre le docétisme naissant : « Plusieurs séducteurs ont paru dans le monde ; ils ne confessent point Jésus comme Christ venu en chair. » II Joa., 7. « Tout esprit qui confesse .Jésus-Christ venu en chair est de Dieu ; tout esprit qui ne confesse pas ce Jésus n’est pas de Dieu. » I Joa., IV, 3. Voir Docétisme, t. iv, col. 1488. L’emploi du mot « chair », au lieu de « homme » peut encore subsidiairement se justifier ici, ainsi qu’on l’a déjà fait observer, parce qu’il est plus humble et marque avec plus d’énergie les profonds anéantissements du Fils de Dieu. Cf. Phil., ii, 6.

2. Consécration de cette équivalence dans la tradition primitive. — Toutes les nuances de l’équivalence de caro ou de homo, dont l’Écriture nous offre des exemples, se retrouvent dans la tradition (les premiers siècles. Nous nous en tiendrons ici strictement à la double équivalence <]u’on a signalée et qui se rapporte plus directement au présent sujet, savoir caro = corpus ; caro = homo. Épltre de Barnabe, on y retrouve les préoccupations antidocètes des Épîtres johanniques : Jésus a livré sa chair, c’est-à-dire son corps, v, 1 ; vi, 3 ; vii, 5 ; il est apparu dans la chair, v, 6 ; vi, 7, 9, 14 ; xii, 10 ; il est « venu dans lachair », V, 10, 11 ; (élément dans / » C’; r., xxxii, 2, pour désigner Jésus-Christ considéré dans son humanité, emploie l’expression ô xupioç’ly]ao~jç ib xaxà csàçix.<x. que l’on retrouve presque identique chez saint Ignace, Ad Magn., xiii, 2. Dans // » Cor., chair est syno nyme d’homme en général, vii, 6 (citation d’Is., Lxvi, 24) ; de fragilité humaine, viii, 2 ; de corps proprement dit, IX, 1, 2, 3 ; au verset 4, réminiscence évidente de Joa., i, 14 ; Christus caro factus est. Plus loin, XIV, 3-5, l’Église est dite la chair, c’est-à-dire le corps du Christ. Dans les Épîtres ignatiennes, la chair désigne tantôt l’humanité, opposée à la divinité, c’est-à-dire considérée dans ses faiblesses. Ad Magn., III, 2 ; VI, 2 ; Ad Rom., ii, 1 ; viii, 3 ; Ad Pliil., vii, 1, 2 ; tantôt le corps proprement dit opposé à l’âme, soit dans l’homme, Ad Magn., xiii, 1 ; Ad Trall., inscript. , XII, 1 ; Ad Polyc. v, 1 ; Ad Rom., inscript. ; soit en Jésus-Christ, Ad Magn., i, 1 ; Ad Smyrn., I, 1. La génération humaine du Christ est dite, comme dans l’Écriture selon la chair. Ad Eph., xx, 2 ; le Verbe fait homme est dit Dieu existant dans la chair. Ibid., VII, 2. Dans YÉpître à Diognète, v, 8 ; vi, 5, 6, et dans le Pasteur d’IIermas, le mot chair, opposé à l’esprit et à Dieu, signifie la faiblesse de la nature humaine laissée à sa déchéance. - — Chez les Pères apologistes se précise déjà l’équivalence de caro et de homo, à propos de l’incarnation, dans des formules qui préludent à la formule dogmatique définitive. Saint Irénée, dans sa lutte contre les hérétiques, identifie pleinement, dans l’expression du mystère du Fils de Dieu fait homme, chair et homme. Pour lui, « le Verbe s’est fait homme » est pleinement l’équivalent de : « Le Verbe s’est fait chair. » Ainsi Cont. hær., 1. 111, c xviii, n. 7 : « Le Verbe de Dieu s’est donc fait homme ; car Moïse a déclaré vérité les œuvres de Dieu. Deut. xxxii, 4. Si donc il ne s’était pas fait chair, il en aurait cependant eu l’apparence, et donc l’œuvre de Dieu n’eût pas été vérité. Ce qu’il paraissait, il l’était en réalité. Dieu récapitulant (c’est-à-dire restaurant en lui et par lui) la nature même autrefois donnée à Adam. » P. G., t. vii, col. 938. Cf. c. XIX, n. 2, col. 940. Dans ce c xix, l’incarnation est désignée par le terme aa.py.o)aiç, col. 939. C’est la première fois qu’on rencontre cette expression. Et encore, I. V, c. xviii, n. 3 : « Le Verbe s’est fait chair… il est Verbe de Dieu et vrai homme, » col. 1174. Cf. Demonstratio apostolicas prædicationis, Fribourg-en-Brisgau, 1917, n. 32, 94. Dans Justin, comparez aap>co7cof/]0elç’lYjaoCç, Apol., I, n. 66, P. G., t. VI, col. 428, et avOpwTioç Y^^ô[j, evoç, n. 63, col. 453. Tout aussi expressif Tatien, parlant de l’homme sans la grâce, par opposition à Dieu, aCTapxoi ; (i.sv oùv ô TÉXeioç Qsbç, écvOptoTroç 8è aâpÇ. Aduersus Grsecos, n. 15, ibid., col. 837. Pour indiquer l’incarnation, Aristide écrit que le Fils de Dieu a pris chair, aâpxa àvéXaês, de la Vierge, Apologia, n. 15, Texts and studies de Robinson, t. i, fasc, 1, p. 110. Accusant Calliste de sabellianisme, saint Hippolyte parlait de l’Esprit, non différent (oùx ËTSpov) du Père, et qui s’était incarné, oapxwOév. Philosophoumena, t. IX, c. XII, P. G., t. XVI, col. 3383. Cf. aapxojŒtç, dans le Contra Noetum, n. 17, P. G., t. x, col. 823, équivalent à ihûpcùnoi ; yevôfXEVoç, dans le sens d’homme parfait, zekeioçPliilosophoumena, t. X, c. xxxiii, P. G., t. XVI, col. 3447. On trouveaussi aàpy-oimç dans le Contra Beronem, faussement attribué à Hippolyte, 7-*. G., t. X, col. 829. Tertullien identifie homo et caro, en parlant de l’humanité de Jésus-Christ. De carne Christi, c. v ; Adversus Praxeam, c. xxvii, P. L., t. II, col. 761, 190. On le voit par ces textes, l’expression Dieu ou Verbe incarné est consacrée dès la seconde moitié du iie siècle. Si Clément d’Alexandrie se contente encore d’affirmer que le Verbe a « pris chair », a « revêtu la chair », Prot., c. i, xi ; Ptedag., t. I, c m ; Strom., VI, c. XV, P. G., t.vm, col. 60, 228, 258, 349. Origène dit expressément homo factus incarnatus est. De princ., t. I, præf., n. 4, P. G., t. xi, col. 117 ; cf. In Joa., t. i, n. 9, P. G., t. xiv, col. 37.

3. Précision de cette équivalence en face des erreurs apoUinaristes et ariennes. — Les apollinaristes, reprenant, quoique sous un aspect différent, l’erreur christologique des ariens, supprimaient en Jésus l’âme intellective, pour mieux expliquer l’unité substantielle du Christ. Cf. Jésus-Christ et Hypo statique (Union), col. 4<j8-469. Il était donc naturel qu’ils prissent le terme « chair » dans son sens le plus strict, excluant l’équivalence d’homme. Eudoxe de Constantinople, un des principaux chefs ariens, voir t. V, col., 1484, nous a laissé une formule dogmatique significative : aapKoOévxa, oùxèvavGpM : r"/)aavTa, dans Caspari, Alte und neue Quelle zur Geschichte des Taufsymbols und der Glaubensregel, Christiania, 1879, p. 176. Cf. Diekamp, Dof/r/na Patrum de incarnatione, Muiister-en-Westphalie, 1907, p. 65. D’ailleurs, le concile de Nicée avait précisé sur ce point, d’une manière authentique, le sens des formules et la doctrine de l’Église : ay.pxwGÉvTa, èvavGpwTrrjoavTa. Denzinger-Bannvart, n. 54. Bien qu’Apoinnaire et ses disciples aient été moins précis que les ariens, quant à l’exclusion de la formule èvav6pco7Tr](Taç, les Pères, dans leur lutte contre l’apollinarisme, ne manqueront pas de faire valoir que les deux expressions aapxcoÔetç et èvavÔpcoTirjaai ; sont parfaitement équivalentes. Cf. Méthode d’Olympe, Convivium, orat. I, c. v ; X, c. II, P. G., t. XVIII, col. 45, 193 ; S. Athanase. Orat. cont. arian, iii, n. 30 ; Epist., ii, ad Serap., n. 7 ; Epist. ad Epictel., n. 8, P. G., t. xxvi, col. 388, 620, 1064 ; Tomus ad Antiochenos, n. 7 : ô Aéyoç càpÇ èyéveTO. xal… èx TÎjç Maptaç zb xaxà aâpxa yzyévriTOiLi àvOpcoTio ; avec, à la fin de la profession de foi, identification entre la croyance rcepl x-îiç aapxwCTScoç xal èvavOpwTiy)aea)ç toû Aôyou, P. G., t. xxvi, col. 804. Le Contra Apo llinarium démontre que r « incarnation » (aàpxcoaiç) a pour résultat de faire que le Verbe est devenu « homme raisonnable et parfait » (tôv Xoyixov xal réXeiov àv6pMTrov, t. I, n. 17 ; cf. t. II, n. 16 ; sur l’équivalence de caro et homo, voir n. 18, P. G., t. xxvi, col. 1124, 1160, 1164. Cf. Athanase (saint) 1. 1, col. 2170. Saint Cyrille de Jérusalem, Cat., IV, c. IX, assure que l’humanité a été prise par Jésus, non en apparence, mais en réalité, et qu’ainsi il s’est vraiment incarné en Marie : où SoxTjasi xal (pavraota ir^ç èvavGpcoTïïjasMÇ yevo(X£VY)ç…, àXXà oapxMÔslç è^ aÙTÎjç àXy)6coç. Cf. Cat., .Kl I, c. iii-iv, XV, XV I, P. G., t. xxxiii, col. 468, 729, 741, 744, et Symbole : aapxwOÉvTaxalÈvavSpcoTTYiaavTa.Denzinger-Bannwart, n. 9. Voir t. iii, col. 2040, 2549. SainL Eustathe d’Antioche ; ©eôç svavOpwTrY]ciaç… j_ç)looi.^ tv)V oixelav… câpxcùoiv Tf) olxela ôeotvjti.. In Lazarum, édit. Cavallera, Paris, 1905, p. 39. Saint Grégoire deNa7.ianze, £p(s^, ci, ad Cledonium, P. G., t. xxxvii, col. 190, explique la synecdoque dont se sert Joa., i, 14, par d’autres exemples de l’Écriture. Joa., xvii, 2 ; Ps., lxv, 3 ; cxLiv, 21. Le choix du terme « chair » se justifie en ce qu’on indique ainsi plus expressivement la grandeur de l’amour de Dieu pour nous, et qu’on rappelle le motif de l’incarnation, la chair ayant été le principe du péché. Cf. S. Grégoire de Nysse, Antirrhcticus, n. 2, 3, P. G., t. xlv, col. 1125 sq. Saint Augustin fait, sur le même sujet, des réflexions analogues. Epist., cxL, de gratia Novi Testamenti, ad Honoratum, c. iv, n. 11, 12, P. L., t. xxxiii, col. 542 ; cf. De civitate Dei, 1. XlV, c. ii, P. L., t. xlii, col. 889. Voir également S. Cyrille d’Alexandrie, Epist., i, ad monachos, n. 1 ; « Le Verbe s’est fait chair, c’està-dire s’est uni un corps informé par un âme raisonnable, est né d’une femme scion la chair. » P. G., t. lxxvii, col. 21. Cf. De recta fide ad Theodosium, n. 16, 23 ; De recta fide ad Augu.'stas, n. 3, P. G., t. Lxxvi, col. 1557, 1165, 1205. Dans maints endroits de ses écrits, Cyrille identifie absolument incarnation

et inhumanalion, chair et homme, Ad Joannem Antiochenum, symbole d’union, P. G., t. lxxvii, col. 176 ; Ad Succensum, n. 2, 4, col. 241, 245 ; Scholia de incarnatione, n. 26, P. G., t. lxxv, col. 1400 ; Adversus Nestorium, 1, I, ci ; t. III, c. iii, P. G., t. lxxvi, col. 20, 137 ; cf. In Epist. ad Rom., c. vi, 6, P. G., lxxiv, col. 796.

4. Consécration de cette équivedence par les formules dogmatiques. — D’ailleurs, à cette époque, les documents officiels de l’Église avaient consacré l’équivalence littérale et dogmatique de caro faclum et de homo factum. Le symbole des apôtres se contentait d’afiirmer la foi en Jésus-Christ, né de la Vierge Marie. Mais le symbole de Nicée et de Constantinople consacre l’équivalence, aapxwOévTa, èvav0poTr-/iaavTa. Denzinger-Bannwart, n. 54, 86. Désormais les deux mots, dans l’Église grecque, seront officiellement reconnus pour exprimer le mystère du Fils de Dieu fait homme ou fait chair. Cf. symbole d’Épiphane, Denzinger-Bannwart, n. 13 ; concile d’Éphèse, ibid., n. 125 ; symbole d' Athanase, ibid., n. 40 ; concile de Chalcédoine, renouvelant la foi de Constantinople ; II « concile de Constantinople, can. 2, 3, 6, 7, 8, ibid., n. 214, 215, 218, 219, 220, etc.

Toutefois, - le mot èvav6pw7rr, ai( ;, d’un emploi fréquent chez les grecs, et officiellement consacré, n’a pas trouvé, malgré l’acclimatation qu’en a tenté Facundus d’Hermiane, un équivalent dans la langue latine. Le mot inhumanutio, Pro defensione trium capitulorum, t. IX, c. iii, P. L., t. lxvii, col. 754, n’a pas acquis droit de cité dans la théologie latine. Nous disons que Dieu s’est incarné, s’est fait homme, mais nous ne parlons pas d' « inhumanalion », comme nous parlons d’incarnation. La langue allemande, toutefois, emploie presque exclusivement l’expression correspondante à èvav6po')7tr, cjt.( ;, Menschwerdung. Les raisons pour lesquelles le terme incarnation, nonobstant la synecdoque, ou plutôt à cause même de cette synecdoque, est préféré (raisons d’ordre moral, l’incarnation nous manifestant d’une manière plus expressive la bonté de Dieu et sa condescendance non moins que le souvenir de nos fautes) sont développées par de nombreux théologiens. Cf. S. Thomas. In Evangelium Joannis, c. i, lect. vu ; Suarez, De incarnatione, præf., n. 5 ; Théophile Raynaud, Christns Deus-Homo, t. II, c. i, n. 4 ; Tolet, In Sum. theol. S. Thomæ, IID, q. i, a. 1 ; Wirceburgenses, De Deo Verbo incarnato, proœmium, n. 3, etc.

Sur le sens de T/p ; dans l’Écriture, voir Grinim, Lexicon graco-lalinuni in libris Novi Tcstanienli, Leipzig, 1903 ; Zorell, Novi Testamenti lexicon grircum, Pai-is, 1911, au mot '^y.ç/i ; 11. Lesêtre, art. C/iai>, dans le Dictionnaire lie la Bible, de M. Vigoureux, t. ii, col. 487-488 ; Franzelin, De Verbo incarnato, th. xi, § 1 et 2. Sur l’emploi des mots fràpxdxri ;, é'av6poj ;  : T, (Tiç, Tapy.di’jEΠ;, èvavÙpioTiôffa ; dans la tradition primitive, Franzelin, toc. ci"<., § 3 ; Petau, De incarnatione, t. ii, c. i, n. 10 ; Ch. Pesch, De Verbo incarnato, n. 3 ; Iloltzclau (Tlieologia Wirce' hitrg.), De Deo Verbo incarnato, proœmium, n. 3.

2o Définition.

Ces remarques étymologiques

nous amènent à définir l’incarnation en fonction, non de la seule chair, mais de la nature humaine tout entière, prise par le Verbe de Dieu se faisant homme. Toutefois, le Verbe, par rapport à la nature humaine prise par lui, peut être considéré sous un double aspect, en tant que l’incarnation se fait, sens actif ; ou bien en tant que l’incarnation est déjà faite, sens passif. Dans la première acception l’incarnation désigne un acte ; dans la seconde, elle désigne un état.

1. Sens actif. —.^cte, l’incarnation peut se définir : l’opération par laquelle Dieu élève jusqu’à lui une nature humaine déterminée, formée dans le sein de 1 151

INCARNATION

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la vierge Marie, pour la faire subsister dans la seconde personne nie’me de la Trinité. C’est en preiuint le mot aâpxoiaiç dans son sens actif que les Pères grecs établissent nettement la différence de signification de ce mot avec le terme ëvcoaiç, unio, ou mieux iinitio. Voir HYPoST.'riQUE(L'/i(on), col. 440. La dé(inition de l’incarnation au sens aclif met en relief principalement la cause efficiente de l’incarnation. Noir plus loin. L’action de Dieu incanianl le Fils ue peut être qu’une opération ad extra. Les scolastiques discutent sur le terme formel de cette opération, voir Hypostatique (Union), col. 521. Le Vei’be, en tant que Verbe, ne fait ici que prendre dans sa subsistance personnelle la nature humaine ; activement, il ne fait qu’une cause efficiente de l’incarnation avec les deux autres personnes. Voir plus loin.

2. Sens passiI.

État, l’incarnation peut se définir : l’union permanente en raison de laquelle le Verbe de Dieu sans cesser d’être Verbe, est en même temps homme parfait, ou plus brièvement, l’union singulière ou admirable de la nature divine et de la nature humaine en la seule persoiuie du Verbe. Les différents termes de cette définition ont été expliqués à Hypostatique (Union). Pour faire remarquer ce qu’il y a de singulier et d’unique dans l’incarnation, les théologiens, à la suite de Cajetan, In Suni. tlteol. S. Thomæ, III^, q. i, a. 1, font remarquer les différents contacts que la personne prend avec l’humanité dans l’incarnation : premier contact, à titre de créateur, avec les deux autres personnes, pour lui donner l’être, la vie, le mouvement, comme à toutes les créatures. Second contact, à titre d’agent surnaturel, pour produire et conserver en elle, avec le Père et le Saint-Esprit, la grâce, les dons et les vertus infuses. Troisième contact, à titre d’ami, par l’habitation substantielle, qui est commune aux trois personnes. Quatrième contact, propre à la personne du Verbe, l’union hypostatique ; c’est plus même qu’un contact, car la nature divine et la nature humaine s’enlacent dans une étreinte si étroite que la personnalité créée devient impossible : le Verbr prend si bien à lui l’humanité qu’il la fait sienne, elle, ses propriétés et ses œuvres, et que l’on peut dire : c’est Dieu qui s’incarne. Dieu qui naît, Dieu qui souffre. Dieu qui meurt et ressuscite, selon la nature humaine. Hugon, Le mystère de l' incarnation, p. 13-14. Cf. P. Villard, L’incarnation d’après S. Thomas d’Aquin, Paris, 1908.

C’est parce que cette opération et cet état sont uniques et sans exemples qu’on peut dire du Christ qu’17 est l’incarnation, avec plus de raison encore que de sa mère, nous disons : Elle est l’immaculée conception. L..Janssens, Tractatus de Deo-Homine, part. I, Fribourg-en-Brisgau, 1901, p. 17-18.

3o Synoni/mes. — Pour rappeler que le Verbe s’est fait homme, la sainte Écriture emploie un certain nombre d’expressions que la tradition catholique a retenues, sans que cependant elles aient été consacrées dogmatiquement. — 1. I Tim., iii, 16, ôç èçavEpcôÔr] èv aapxî, qui manifestatus est in carne ; II Tim., I, 10, S'.à tyjç ÈTriçavelaç toû acoTïjpoç Y][i.wv XptaT’j’j 'lYiaoij, /-'cr illuminationem Salvatoris nostri Jesu Christi. CL I Joa., i, 2 ; iii, 8 ; Tit., ii, 11 ; iii, 4. D’où les Pères ont appelé l’incarnation une manifestation, une apparition du Verbe, STriçâveta, Gsocpdtveia ou çavépciiO'-ç. Cf. S. Athanase, Oratio de incarnatione Dei Verbi, n. 1, 46, 47, P. G., t. xxv, col. 97, 177, 180 ; S. Grégoire de Nazianze, Orat., xxxviii, P. G., t. XXXVI, col. 313. Le mot épiphanie ou théopfianie s’est implanté dans la liturgie orientale pour désigner la fête de l’apparition ou manlLsiation du Verbe de Dieu en ce monde. ( ; f. Vacandard, Les fêtes de Koël et de l’Epiphanie, dans Études de critique et

d’histoire religieuse, 3'-' série, Paris, 1912, p. 19. — 2. Heb., X, 5. ato(J.tx xa-nf]px(aco (xoî, corpus aptasti mihi. D’où l’expression £vow[ji.âTwai.( ;, incorporation qu’on rencontre chez Drigène, Cont. Celsum, t. I, n. 43 ; t. II, n. 38 ; t. VI, n. 78, P. G., t. xi, col, 741, 860, 1417 ; chez S. Basile, Homil. in ps. xxix. P. G., . t. XXIX. col. 305 ; chez Tertullien, De carne Christi.. c. VI, P. L., t. II, col. 809, etc. — 3. Phil., ii, 7, éauTov èxévoCTSV, seipsum exincmivit, d’où l’expression y.évwCTtç. et plus fréquemment xarâGaaiç ou auyxaTa&ot.aiç, demissio, qui répond au sens du texte de saint Paul, ô Aôyoç… 81.à Tr)v twv àvOpwTtcov àaOévsiav (TuyxaTaSàç ÈttI yr^ç èçàvr^. S. Athanase, Oratio de incarnatione Verbi Dei, n. 46, P. G., t. xxv, col. 177. Cf. S.Jean Damasccne, i)< ; fide orthodoxa, t. III, ci, P. G., t. xciv, col. 981 sq. Le pseudo-Hippolyte écrit : ysv6(ievoç rauTÔv t/j aapy.i, Sià ttjv xévwaiv. Contra Beronem. P. G., t. x, col. 829. — 4. De la seconde partie du même texte aux Philippiens, [jiopepïjv SoûXou Xaêwv, formam servi uccipiens, et de Heb., ii, 16, anép[xxTOç 'A6paà(jt. £7ttXa[jLêâveTai, semen Abrahw ajiprehendit, les Pères font ressortir un aspect spécial de l’incarnation, celui que les scolastiques ont appelé i' « assomption > de l’humanité. Toutefois, tandis que les scolastiques désignent par assomption l’acte par lequel le Verbe élève jusqu’à lui la nature humaine, voir Hypostatique f Union), col. 525, sens que n’ignorent pas les Pères, cf. S. Grégoire de Nysse, Antirrheticus, n. 7, P. G., t. XLv. col. 1136 sq., on trouve aussi chez les grecs le sens concret du mot Xtj4"'Ç (et ses dérivés rzpàal-fiiln.ç et àviiXifj^'iÇ). en tant qu’il désigne la nature humaine elle-même élevée par le Verbe à la dignité de l’union hypostatique. Cf. S. Grégoire de Nazianze, Orat. xlv, n. 9, P. G., t. xxxvi, col. 633. Euthymius, qui attribue le mot Trp6cfX-if)ji.|J.a à saint Grégoire de Nysse, le reprend pour son propre compte. Panoplia, tit. vii, P. G., t. cxxx, 'col. 257. JNlais l’emploi actif de Xritj ; i( ; est beaucoup plus fréquent. Ce mot est plus correct avec un nom abstrait, qui désigne l’humanité et non l’homme. On trouve cependant, chez certains Pères antérieurs aux controverses nestoriennes, l’expression : assomption de l’homme, ou encore, homme assumé, en parlant de la nature humaine en Jésus-Christ. Cohortatio ad grsecos, ii. 38, P. G., t. vi, col. 309 ; S. Épiphane, //œr., LXxvH, n. 19, P. G., t. xLii, col. 668, 669 ; S. Jean Chrysostome, In Joa., homil. xi, P. G., t. lix, col. 79. Cette formule est combattue par saint Cyrille d’Alexandrie, Anal, viii, Denzinger-Bannwart, n. 120. Cf. Petau, De incarnatione, t. II, c. i, n. 7-9. La formule assumplum hominem avait l’avantage d’exclure l’erreur apollinariste ; mais elle semblait impliquer l’hérésie nestorienne ; d’où les variation des Pères à ce sujet. — 5. Le terme le plus courant dans la littérature ecclésiastique orientale pour désigner l’incarnation est olxovo|i, ta. Du sens philosophique primitif, gouvernement du foyer domestique par le père de famille, les écrivains catholiques ont tiré un sens plus élevé se rapportant à la disposition providentielle qui régit l’humanité du Sauveur, et. par synecdoque, le mot dénote tout ce qui se rapporte à l’humanité du Verbe, même unie à la divinité. Cf. M.-B. Schwalm, Les controverses des Pères grecs sur la science du Christ, dans la Revue thomiste, 1904, p. 262 sq. Le fondement.scripturaire de cette expression paraît être I Tim., i, 4, où il faut lire, non o[> « oSo[ji.îa, mais olxovofxîa. Voir S. Ignace, Ad Eph., xviii, 2 ; XX, 1 ; Epist. ad Diognetem, iv, 5 ; vii, 1 ; Tatien, Adversus Grœcos oratio, n. 5, P. G., t. vi, col. 813 ; Clément d’Alexandrie, Strom., V, c. i, n. 6, P. G., t. IX, col. 16 ; cf., II, c. vi, t. viii, col. 964. Sur le développement de la doctrine de l’économie chez Clémenl, voir t. iii, col, 163-171. Saint Hippolyte, Contra ha’tesim Noeti, n. 3, 4, P. G., t. X, col. 803-804. Sur la doctrine de l’économie chez Hippolyte, voir A. d’Alès, La théologie de saint Hippolyte, Paris, 1906, p. 21-22. Cette doctrine, durant le ive siècle, saint Athanase la popularise et l’approfondit par des usages multipliés. Plus fortement que saint Ignace, nous semble-t-il, mais selon le même ordre d’idées, Athanase accentue la fin de l’économie. Dans une comparaison qui paraphrase le début de l’Épître aux Hébreux, il oppose à l’envoi des prophètes celui du ï^ils de Dieu : comme les prophètes, le Fils est venu servir, yjXOs Stc.xovîicrai ; bien que n’étant pas devant son Père un serviteur, mais un égal, « il est venu servir. » Cette maxime apporte l’écho d’une parole de Jésus que relatent saint Luc et saint Matthieu et dont s’inspire saint Paul. Phil., ii, 7 ; cf. Matth. xx, 28 ; Luc, xxii, 27. Du mot de Jésus dans les Synoptiques : « Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir », de l’antithèse pauliniennc entre le Christ « en forme de Dieu » et le Christ « prenant forme de serviteur, » Athanase dégage sa propre vue explicite sur les fins de l’incarnation : « A cause de nous, le Verbe s’est fait chair » ; et donc l’économie de son existence humaine se subordonne aux exigences de notre service. Elle s’appelle dans la théologie athanasienne : « l’économie qui est pour nous, y] xaff ï)(Jiôt< ; oîxovo[i.ta ». Schwahu, art. cit., p. 264-265. Cf. S. Athanase, Adwrsus urianos, orat. i, n. 55, 41, P. G., t. XXVI, col. 125, 128, 96 ; De incarnatione Dei Verbi, n. 8, col. 996. Du mot oîxovo[i.îa dérive l’épithète ol>tovo[jiix6ç, qui joua un si grand rôle dans la controverse nestovienne, le prosôpon d’économie signifiant, pour Nestorius, la personnalité simplement morale qui unissait ou plutôt rapprochait en Jésus-Christ, le Verbe divin et l’homme. Cf. Hyposta TIQUE (Union), col. 472. Sur V économie de l’incarnation, voir S. Anastase le Sinaïte, Hodegos, c. II, P. G., t. lxxxix, col. 85-86, Petau, loc. cit., n. 2-3. Le H « concile de Constantinople, can. 8, a consacré ofïïciellement cette expression. Denzinger-Bannwart, n. 220. Mais déjà, dans l’exposé dogmatique qui précède sa définition solennelle, le concile de Chalcédoine parle des hérétiques qui s’efforcent de diviser en deux fils le mystère de l’économie divine ; antérieurement encore, le synode de Constantinople. de 382, condamnait également une « économie imparfaite » de la chair dans le Christ, c’est-à-dire une humanité dépourvue d’âme ou d’esprit. Voir les textes dans Cavallera, Tiiesaurus, n. 689, 663. — D’autres termes sont encore usités. On les trouvera dans les auteurs indiqués à la bibliographie. La plupart, d’ailleurs, regardent expressément l’union hypostatique. On les a déjà énumérés et étudiés, col. 440-443.

Petau, De incarnatione Verbi, I. II., c. i, n. 1-9, 11-12 ; I.c{ ?rancl, De intarnalione Verbi divini, dans Mipne, Cursu.’i theologia’, t. ix, diss. I, c. i ; L. Jansscns. De Deo-Homine, t. i ; V. Villard. L’incarnation d’après saint’/ Itomas, l’aris, 1908, c. i ; Hupon, Le mystère de Pincarnadon, l’aris, 191.’5. c. i ; Pesch, op. ci/, , n. 3 ; lloltzclau, op. cit., n. 2

II. Le mystère.

1o Principes.

On ne fera ici que résumer les principes dont l’exposé appartient à l’art. Mystère.

1. Différentes espèces de mystères.

On distingue les mystères très improprement dits, appartenant à l’ordre naturel de la connaissance, mystères de la nature ou mystères des perfections suréminentes de Dieu, et les mystères proprement dits, appartenant à l’ordre surnaturel. Cf. Chr. Pesch, Institutiones propa’deutiav ad sacram llieologiam, Fribourg-en-Brisgau, 1915, n. 161 : Garrigou-Lagrange. De revelatione, Paris, 1918, t. i, p. 174-178. A propos de l’incarnation, il ne peut être question que de mystère pmprement dit. Mais Ici on distingue encore deux sortes de mystères, les mystères au sens large du mot ou mystères de second ordre, et les mystères strictement dits ou mystères de premier ordre. Au sens large du mot, une vérité est dite un mystère, quand nous ne pouvons connaître l’existence de la chose qu’elle désigne, quoique nous en puissions concevoir, au moins par voie de révélation, la possibilité. Mystères, en ce sens, les événements qui dépendent du libre choix des créatures ou de la volonté libre de Dieu. Parmi les vérités d’ordre religieux, nous pouvons appeler mystères en ce sens l’existence de purs esprits, le jugement universel, la résurrection de la chair. La révélation nous ayant fait connaître l’existence des anges, du jugement, de la résurrection, nous comprenons positivement leur possibilité, à cause de la convenance positive des termes qui constituent ces vérités de foi. Au-dessus de ces mystères d’ordre préternaturel, se trouvent les mystères au sens strict du mot, ou surnaturels. Les théologiens les distinguent des mystères de l’ordre préternaturel, en ce que les mystères de l’ordre strictement surnaturel échappent complètement à notre intelligence : ni leur existence, ni leur possibilité ne peuvent, même par la voie de la révélation, être connues de nous par des arguments qui nécessitent l’adhésion de notre intelligence.

2. Nature et propriétés des mystères de l’ordre strictement surnaturel.

« Les enseignements que nous fournit le concile du Vatican sur la nature des mj’stères que la foi nous fait croire, avaient déjà été formulés par Pie IX, dans la lettre qu’il adressa, le 8 décembre 1862, à l’archevêque de Munich, pour condamner les erreurs du professeur Froschammer. Trois propriétés sont marquées dans ces deux documents, comme caractérisant les mystères de la foi. Ce sont des vérités cachées en Dieu, in Deo abscondita, qui ne peuvent être connues, si Dieu ne les révèle, et nisi renelata divinitus, innotescere non possunt, dont les créatures ne peuvent avoir une claire intelligence que dans la vision intuitive, etiam revelatione tradita, fidei velamine contecta… manant, quamdin in hac mortali vita peregrinamur a Domino. » Vacant, Éludes théologiques sur les constitutions du concile du Vatican, Paris, 1895, t. ii, p. 187. Vérités cachées en Dieu, les mystères proprement dits échappent à la connaissance naturelle de toute créature, si parfaite soit-elle, l’intelligence de cette créature étant nécessairement bornée et, par là, demeurant infiniment distante de l’intelligence divine. La lettre citée de Pie IX indique, plus clairement encore que le concile du Vatican, cette propriété des mystères d’ordre strictement surnaturel ; ils ne peuvent être atteints par la raison naturelle et par les principes naturels ; ils sont supérieurs non seulement à la sagesse humaine, mais encore à l’intelligence naturelle des anges ; cum hœc dogmala sint supra naturam, idcirco naturali ratione ac naturalibus principiis attingi non pos.’iunt… Non solam humanam phitosophiam, verum etiam nngelicam naturalem intelligentiam transcendant. Dcnzinger-Bannwart, n. 1671, 1673.

Pour être connus de nous, les mystères proprement dits doivent donc être révélés, et, afin que notre connaissance en soit certaine, révélés avec la garantie de l’autorité divine connue comme telle, n Comme les mystères de la foi ne sauraient être connus naturellement par aucune créature, la confiance que méritent les créatures ne pourra jamais aller jusqu’à me donner la certitude de ces mystères. Je n’y adhérerai donc sans crainte d’erreur qu’autant que je saurai qu’elles ont été affirmées par Dieu même. » Vacant, loc. cit., p. 189, « Une troisième caract ristique des mystères de la foi, c’est qu’alors même qut ; les créa

tures les connaissent par révélation, elles ne sauraient en avoir ici-bas une claire intelligence… Les mystères de la foi ne sauraient être ramenés par une créature à des principes évidents pour elle. Autrement ils ne dépasseraient plus les lumières naturelles des créatures, et ils ne seraient plus des mystères. » Vacant, loc. cit., p. 190, Cf. S. Thomas, Cont. génies,

I. IV, proœmium.

2o Le mystère de l’incarnation est un mystère d’ordre strictement surnaturel. — l. La sainte Écriture. — L’incarnation doit être certainement comptée parmi les mystères cachés, dont la connaissance a dû être révélée aux anges. Eph., iii, 9 ; Col., i, 26 ; I Tim., III, IC. Les théologiens s’appuient surtout sur I Cor.,

II, 7-12, pour aiïirmer que la possibilité de l’incarnation ne peut être démontrée positivement (à l’aide d’arguments rationnels) par aucun esprit créé, fût-ce un esprit angélique, et même dans l’hypothèse d’une révélation déjà acquise de ce mystère. Cf. Suarez, De incarnatione, disp. III, sect. I, n. 3 ; Gonet, De incarnatione, dans le Clypeus, disp. II, a. 1, § 1, n. 53 ; Billuart, Tractatus de incarnatione, diss. I, a. 2. Certains exégètes pensent que de ces textes, et surtout de I Cor., ii, on ne peut déduire avec certitude qu’une chose : la nécessité d’une révélation surnaturelle pour faire connaître à un esprit créé les mystères proprement dits, et, en particulier, le mystère de l’incarnation. Mais cette connaissance une fois supposée, l’Écriture veut-elle affirmer que l’esprit créé, et spécialement l’ange, ne peut pas même encore comprendre positivement la possibilité du mystère ? cela ne ressort pas avec évidence des textes. Benoît Giustiniani, In omnes B. Pauli apostoli Epistolas explanationes, Lyon, 1612-1613, In I Cor., ii, 7 ; cf. Pesch, Prselectiones dogmaticie, Fribourg-en-Brisgau, t. iv, n. 54. On ne saurait toutefois oublier que la constitution Dei Filius du concile du Vatican, c. IV, De fide et ratione, s’appuie sur I Cor., ii, 9, pour démontrer qu’il y a des mystères proprement dits, et d’ordre strictement.surnaturel, dont la connaissance ne peut nous être acquise que par voie de révélation divine. Denzinger-Bannwart, n. 1795 ; cf. Vacant, loc. cit., n. 747-748. — 2. L’enseignement de l’Église. — De cet enseignement résulte avec certitude que l’incarnation est un mystère d’ordre strictement surnaturel. Certes, l’Église n’a pas défini quels sont les mystères d’ordre strictement surnaturel ; toutefois, elle a défini, au concile du Vatican, l’existence de ces mystères. Loc. cit., et can. 1, Denzinger-Bannwart, n. 1796, 1816. Or, toute la tradition chrétienne nous afiirme que l’incarnation appartient aux mystères les plus cachés, voir plus loin ; donc, l’incarnation est un mystère d’ordre strictement surnaturel. La majeure de cet argument est confirmée par d’innombrables documents pontificaux relatifs à l’existence des vérités d’ordre surnaturel. Grégoire IX. Epist. Tacti dolore, ad theologos parisienses, 7 juillet 1228, Denzinger-Bannwart, n. 442 sq. ; condamnation des propositions 96 et 97 de l’école lullistc, cf. Denzinger, 9e édit., n. 474, 475 ; Noël Alexandre, Ilistoriæ ecclesiasticæ, sœc. xiii et xrv, a. 20, sur cette école, voir D. Salvador Bove, Le système scientifique de R. Lull, Barcelone, 1908 ; Vacant, op. cit., n. 750 ; Grégoire XVI, encyclique Mirari vos, 15 août 1832, Denzinger-Bannwart, n. 1616 ; bref Dum acerbissimas, 26 septembre 1835, n. 1619 ; Pie IX, encyclique. Qui pluribus, 9 novembre 1846, n. 1635 ; allocution Singulari quadam, 9 décembre 1854, n. 1642 ; bref Eximiam tuam, 15 juin 1857, n. 1655 ; et, avec plus d’ampleur, lettres Gravissimas inter, Il décembre 1862, et Tuas libenter, 21 décembre 1863, n. 1668-1673, 1682 ; Cf. Syllabus, prop. 9, n. 1709 ; Pie X, encyclique

Pascendi, 1 septembre 1907. n. 2084 sq. ; Formula jurisjurandi adversus modernismum, n. 2145. Tous ces documents, à une ou deux exceptions près, dans Cavallera, Thésaurus, n. 182-193. La mineure est le résumé de la pensée des Pères, consacrée par plus d’un document conciliaire ou pontifical. Saint Athanase, Contra Apollinarium, t. I, n. 12, P. G., t. xxvi, col. 1113 et saint Grégoire de Nysse, Orr/Zzo catechetica, c. XI, P. G., t. XLV, col. 44, proclament le mystère de l’incarnation un mystère inaccessible à la seule raison. Saint Cyrille d’Alexandrie, au début du 1. m Contra Nestorium, P. G., t. lxxvi, col. 112, rappelle combien « grand est ce mystère de la piété… ; sagesse non point humaine, mais divine et cachée dans une profondeur ineffable et incompréhensible est le mystère du Christ. » Et les Pères d’Éphèse approuvèrent la doctrine cyrillienne proclamant l’union des natures dans le Christ une chose absolument ineffable, aTrôpp’^TOv, otçpaaxov, àTrspivoTjTOv, Cf. Hardouin, Concil., t. i, col. 1273 ; cf. t. ii, col. 289. Une doctrine analogue d’Augustin, Epist., cxxxvii, ad Volusianum, n. 8, P. L., t. xxxiii, col. 519 est rtsumée et approuvée par le XP concile de Tolède, Denzinger-Bannwart, n. 282 : Qui parlus Virginis nec ratione colligitur nec exemplo monstratur ; quod si ratione colligitur, non potest esse mirabile, si exemplo monstratur, non erit singulare. Cf. S. Léon, Serm., xxix, in Nalivitate Domini, P. L., t. liv, col. 226 : Ulramque subslanliam in unam convenisse personum nisi fuies credut, sermo non explicat. Voir d’autres références dans Suarez, loc. cit., n. 3. Parmi les documents pontificaux plaçant l’incarnation au nombre des vérités inaccessibles à la raison, citons Grégoire IX, lettre Tacti dolore, loc. cit., mais surtout Pie IX, bref Eximiam tuam, n. 1655 ; lettre Gravissimas inter, n. 1669. — 3. La doctrine commune des théologiens. — JMais quel degré de certitude théologique attribuer à cette proposition : l’incarnation est un mystère d’ordre strictement surnaturel ? Nous n’avons pour nous guider ici que la doctrine communément admise par les théologiens, et dont, par conséquent, il n’est pas permis de s’écarter sans tomber dans une faute de témérité. Saint Thomas, Cont. génies, t. IV, c. xxvii : « Parmi les œuvres de Dieu, l’incarnation surtout dépasse ce que la raison peut concevoir. Rien de plus admirable dans ce que Dieu a fait que le vrai Fils de Dieu devenant vrai homme. Et parce que l’incarnation est ce qu’il y a de plus admirable, il s’ensuit que tout ce qui est admirable dans les œuvres divines est ordonné à la foi en l’admirable incarnation : la perfection suprême en un genre étant cause de toutes les autres. » La note : doctrine commune, est donnée par Suarez, disp. III, sect, I, n. 3. Si quelques théologiens pensent qu’une certaine connaissance imparfaite et abstraite de la possibiUté de ce mystère peut être naturellement acquise, soit a priori, Grégoire de Valencia, De incarnatione, disp. I, q. i, assert. 2, soit après connaissance du fait de l’incarnation. Médina, In Sum. S. Thomæ, III*, q. ii, l’enseignement quasi-unanime des théologiens est que, s’il est possible de démontrer négativement, par la solution des difficultés, que le mystère de l’incarnation n’implique aucune contradiction avec les saines exigences de la raison, on n’est pas en droit d’en conclure que l’incarnation est possible positivement. Cette possibilité, en effet, dépend de la convenance intrinsèque des éléments qui constituent le mystère ; et cette convenance intrinsèque, aucun esprit créé, même éclairé par la révélation (la révélation engendre, en effet, l’évidence extrinsèque du témoignage), ne peut la percevoir en elle-même. De plus, aucun lien nécessaire ne relie le mystère

de l’incarnation à des effets, objets de notre connaissance naturelle. DoCi l’impossibilité d’arriver, soit par voie d’intuition, soit par voie de raisonnement, à conclure positivement à la possibilité du mystère. Cf. Suarez, loc. cit., n. 4 ; Gonet, op. cit., n. 5$1-$28 ; Billuart, loc. cit. ; Alvarez, De incarnationc, q. I, a. 1, disp. I ; Lessius, In Sum. S. Thomæ, III q. I, a. 1, dub. III ; De Lugo, De incarnationc, disp, I, sect i ; Mastrius, De incarnationc, disp. I, q. ii, a. 2, n. 56, 57, etc. — 4. La raison théologique. — « De quels moyens, d’ailleurs, disposerait la raison pour démontrer (la possibilité de) ce dogme ? Toute démonstration procède ou par les causes et les raisons propres, mettant pour ainsi dire à nu la racine même de la vérité, ou par les effets et les manifestations extérieures. Qui donc peut se llatter de connaître à fond les causes de l’incarnation ? La cause efficiente ne nous est révélée entièrement que lorsque la cause formelle est évidente elle aussi. Or, pour acquérir cette évidence dans l’incarnation, il faudrait connaître la personne divine qui prend une nature créée. Mais la personnalité de Dieu, nous n’arrivons à nous la représenter que par analogie, par des concepts abstractifs, incapables de décrire ou de traduire telle qu’elle est, la transcendante réalité. La révélation affirme bien le fait : « union de la nature divine et de la nature humaine en une seule personne, » mais cet énoncé, bien loin de satisfaire et de reposer entièrement la raison, susciterait plutôt chez elle des objections et des troubles, puisque partout où notre esprit constate une nature complète, il découvre aussi une personnalité propre et indépendante ; et c’est pourquoi il nous faut le témoignage divin pour nous rassurer et nous reposer. La preuve par les effets n’aboutit pas davantage à l’évidence intrinsèque. Les elTcts surnaturels, les miracles suffisent à nous convaincre que le Christ dit vrai quand il se proclame le Dieu incarné et que, par conséquent, nous devons croire à sa parole ; mais ce n’est là que l’évidence de crédibilité préalable à la foi, non point l’évidence de l’objet qui engendre la science : nous concluons qu’il faut admettre l’incarnation, nous ne voyons pas l’incarnation elle-même, et la fonnule dogmatique « une seule personne en deux natures, » quoique très croyable, reste toujours pour nous l’inévidentet l’insondable. L’histoire même des erreurs (christologiques) est la démonstration douloureuse et éclatante que la révélation, en nous certihant l’existence du fait surnaturel, n’enlève pas le voile qui couvre le divin aux yeux des mortels et que l’incarnation est un de ces abîmes que l’Esprit de Dieu seul peut voir jusqu’au fond. » E. Hugon, Le mystère de l' incarnation, Paris, 191, 3, p. 52-53. Cf. Suarez, op. cit., præf. n. 1 ; Vacant, op. cit., n. 794-795.

3o La notion d' incarnation est spécifique de la religion révélée. — Il suffit d’indiquer brièvement cette conclusion de tout ce qui vient d’être dit, pour écarter l’interprétation rationaliste de la notion d’incarnation. Le rationalisme, en elTet, constatant, dans la religion catholique, la notion du mystère de l’incarnation, s’elïorce d’expliquer cette notion en lui enlevant son caractère de mystère. La première voie qui s’est olïerte à lui fut la voie philosophique. C’est dans la première moilié du xixe siècle qu’en Allemagne, avec les semi-rationalistes : Hermès, Giinther, l’roschammer, et leurs disciples, ce dénigrement du caractère surnaturel des vérités révélées se fit jour dans les discussions théologiques. Ces auteurs mainlenaient en paroles l’existence du mystère ; ils supprimaient en fait le caractère strictement surnaturel du mystère et partant le mystère luimême, en accordant à la raison la puissance naturelle de pénétrer jusqu’au mystère en lui-même. L’école

rationaliste française fut plus radicale et plus claire : le mystère pour elle n’est qu’un symbole, enfanté par l’enthousiasme puéril de générations ignorantes. L’incarnation n’est donc qu’un symbole. « Dieu ne dédaigne pas de se manifester à nous, et nous sommes les complices de ses manifestations ; non pas en ce sens qu’il emprunte à la famille humaine une nature comme la nôtre, mais en ce sens plus profond, plus philosophique, que l’homme est le théâtre, ou, pour mieux dire, le sujet d’une irradiation incessante de la divinité. Cachée dans la nature sous la fatalité des lois, elle apparaît en la raison ; la raison c’est le Logos des anciens, le Verbe fait chair chanté par l’apôtre Jean, le Dieu du genre humain, le Christ universel qui nous fait tous chrétiens. » Ainsi pouvait être résumée, au sujet de l’incarnation, la doctrine rationaliste, par le P. Monsabré, en 1857, Introduction au dogme catholique, iv" conférence. Les adversaires visés par l’éminent orateur étaient principalement Jules Simon et Victor Cousin. La réfutation du symbolisme rationaliste est classique : elle est constituée par la démonstration de la crédibilité des dogmes. Voir plus loin. Mais il est à noter que cette conception symbolique des dogmes a été reprise avec une apparence plus scientifique et plus religieuse par le modernisme. Voir, sur l’élaboration du dogme de l’incarnation, la position prise par les modernistes. Hypo statique (Union), col. 564-566. Le rationalisme, pour enlever au mystère de l’incarnation son caractère surnaturel, a emprunté aussi une autre voie, celle de l’histoire comparée des religions. D’après cette méthode, l’incarnation (comme beaucoup d’autres vérités surnaturelles) ne serait pas une notion spéciale à la religion révélée. Les mythes anciens, surtout dans les religions de l’Inde et de Babylonie, fourniraient des types de dieux unissant à la divinité une forme humaine. Le concept chrétien ne serait donc pas original, et partant, son caractère surnaturel en recevrait une atteinte complète. Mais l’étude consciencieuse des textes démontre qu’il n’y a ni emprunt à constater, ni rapprochements réels à faire. Les points de contact sont superficiels ; les simihtudes toutes de surface et accidentelles. Cf. Louis de la ValléePoussin, Bouddhisme, Paris, 1909, et Religions de l’Inde, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique de M. d’Alès, t. ii, col. 687-702 ; De Grandmaison, art. Jésus-Christ, n. 42, ibid., col. 1312 ; A. Condamin, Babylone et la Bible, ibid., t. i, col. 373. L’idée de l’incarnation, telle que la formule la foi catholique, ne se retrouve dans aucune religion humaine. Les analogies que nous rencontrons dans ces religions sont vagues, superficielles, toutes d’apparence ; s’elTorce-t-on d’analyser le concept qu’on a sous les yeux, on y trouve toute autre chose que l’idée chrétienne. J., Souben, Nouvelle théologie dogmatique, Paris, 1914, Le Verbe incarné. Introduction, n. 3. Il est parfaitement inutile de consacrer une étude spéciale à des rapprochements très accidentels et superficiels, pour démontrer qu’en regard de l’histoire comparée des religions, la notion de l’incarnation reste une notion spécifique de la religion révélée. Le peu qu’on doit dire sur ce point trouvera sa place à l’article Jésus-Chiust.

A" Le rôle de la raison en face du my.^tère de l’incarnation. — Il importe bien plus de montrer aux rationalistes quel rôle la raison humaine est appelée à jouer dans la présentation du mj’stère de l’incarnation à l’adhésion de l’intelligence. On sera ici forcément bref, puisque le problème qui se pose n’est qu’une application particulière de principes plus généraux, voir Mystère et Dogme, t. iv, col. 1606 sq., et qu’il doit recevoir ses développements spéciaux ailleurs. — 1. La première tâche de la raison en face du mystère de l’incarnation est d’en démontrer la crédibilité. C’est d’ailleurs la démonstration qu’elle est appelée à faire en faveur de tout dogme révélé. En quoi consiste cette démonstration relativement au mystère de l’incarnation ? Voir Jésus-Christ. —

2. Abordant ensuite le mystère de l’incarnation en lui-même, la raison devra en démontrer négativement la possibilité, c’est-à-dire en faire voir la non répugnance. Il est entendu qu’elle ne peut pas, même après la révélation du mystère, nous en démontrer positivement la possibilité, c’est-à-dire nous faire voir le comment de la convenance des différents termes dont se compose le concept total de l’incarnation ; mais elle pourra toujours écarter de ces termes et de l’ordre à mettre entre eux la contradiction. Il s’agit d’écarter toute contradiction entre la notion d’un Dieu immuable, éternel, simple, infiniment parfait, infiniment distant de la créature, et la notion d’un Dieu se faisant homme dans le temps, prenant corps dans le sein d’une vierge, unissant en lui d’une façon substantielle les extrêmes, la divinité et l’humanité, l’esprit et la chair. C’est ce travail que la pensée catholique, surtout au moyen âge, recueillant la tradition des Pères de l’Église, a tenté avec succès, dans l’exposé des différentes causalités qui concourent à l’union du Verbe de Dieu avec l’humanité. Voir plus loin. Il faut de plus, dans le concept même de cette union du "Verbe et de l’humanité, éliminer toute notion impliquant contradiction. De là la nécessité de faire appel aux notions philosophiques de personne, de nature, de subsistance, d’union substantielle et personnelle, et de les coordonner, dans l’exposé du mystère, de façon à éloigner tout défi à la raison. Ce fut le travail de la théologie de l’union hypostatique, tel qu’il a déjà été exposé. Voir Hypostatique (Union), —

3. La raison devra enfin donner une certaine intelligence du mystère. Et déjà ce troisième aspect du rôle de la raison est inclus forcément dans le second dont il est inséparable, a) Les mystères sont, tout en demeurant incompréhensibles, intelligibles analogiquement, d’une analogie de proportionnalité, parce que les idées par lesquelles nous les exprimons peuvent et doivent être appliquées aux choses divines qu’elles expriment par analogie aux choses humaine auxquelles elles sont empruntées. C’est à la raison de choisir les notions qui, entendues analogiquement des vérités divines, nous feront percevoir, d’une manière vraie, quoique imparfaite, les mystères qu’elles expiiment. Ainsi, le mystère de l’incarnation est exprimé par les notions analogues de nature, de personne, d’union. — b) L’analogie par laquelle notre raison nous permet, non de comprendre le mystère de l’incarnation, mais d’en percevoir d’une manière intelligible les termes, se complète par les comparaisons que la théologie trouve dans les choses créées et qui nous font entrer plus avant dans l’intelligence de l’union mystérieuse du Verbe et de la chair : union du verbe mental et de la parole extérieure ; comparaison de la grelïe et du tronc ; de l’accident et de la substance ; union substantielle de l’âme et du corps en un seul sujet vivant, etc. Voir Hypostatique (Union), col. 499, 501, 504, 539 sq. — c) Enfin, sans apporter de raisons cogentes, la raison peut présenter certaines raisons de convenance qui inclinent l’esprit à considérer favorablement et à accepter le mystère. Dans l’exposé du mystère de l’incarnation, les théologiens ont souvent recours à ces raisons de convenance, qui, sans forcer l’adhésion de l’esprit, ne sont pas cependans sans utilité réelle. Convenance de la part de Dieu, souverain bien, cliercliant à se donner, non seulement à l’intérieur dans le mystère de la Trinité, mais encore à l’extérieur. Convenance de la part de la créature qui tend vers l’infini et trouve dans l’union hypostatique le moyen le plus parfait de rejoindre Dieu. Convenance de la part des attributs divins qui, par l’incarnation, se trouvent glorifiés. Voir plus loin.

En plus des auteurs cités au cours île l’article, Frassen, Scotus academicus. De incarnatione, tr. I, disp, I, a. 1, sect. i ; Chr. l^esch. De Verbo incarnato, n. 47-63 ; Legrand De incarnatione Verbi diuini, dissert. I, c. n ; Monsabré, Exposition du dogme catholique. Conférence 34'.

III. Le dogme.

La notion catholique du dogme a été formulée authentiquement par le concile du Vatican : vérité contenue dans la révélation, tradition ou Écriture, et proposée à la foi des fidèles par le magistère soit ordinaire, soit extraordinaire de l’Église. Il n’entre point dans l’objet de cet article d’expliquer cette définition, voir Dogme, t. iv, col. 1575, ni de rappeler comment a été déformée, principalement par le rationaUsme, le semi-rationalisme et le modernisme, la notion du dogme. Il suffit de rappeler ici que le mystère de rincarnation est un dogme de la foi catholique : 1o parce qu’il a été révélé par Dieu ; 2o parce que cette vérité a été proposée authentiquement par le magistère de l’ÉgUse à la foi des fidèles. On en déduira l’obligation qu’ont les fidèles d’adhérer à ce dogme.

1o Que le dogme de l’incarnation ait été révélé par Dieu, c’est le fondement même de la religion catholique, qui se réclame, à sa fondation, du Verbe incarné lui-même. Comme on l’a rappelé en définissant l’incarnation, trois termes constituent essentiellement ce mystère : divinité, humanité, union substantielle des deux natures en la personne unique du Verbe divin. On a déjà exposé la révélation du dogme de l’union hypostatique. Voir col. 443-449. A l’article Jésus-Christ, on montrera comment, d’après la révélation, Jésus est homme parfait, et cependant s’affirme Dieu, Fils égal au Père, consubstantiel aux deux autres personnes de la Trinité. Que le dogme de l’incarnation ait été authentiquement proposé à la foi des fidèles par le magistère de l’Église, la chose est évidente. Déjà, les apôtres et les évangélistes promulguent la nécessité de croire au Christ, pour faire son salut. Joa., iii, 14 sq. ; v, 24 ; viii, 24 ; xi, 25 ; xvii, 3 ; Act., IV, 11-12 ; xxvi, 15-18 ; Rom., iii, 22-23 ; Gal., II, 16. Les définitions subséquentes de l’Église, portées au cours des siècles à l’occasion des hérésies naissantes, ne font que confirmer cette promulgation initiale. Ces définitions portent ou sur le dogme de la divinité de Jésus-Christ, ou sur l’intégrité et la réalité de son humanité, ou sur les rapports des deux natures, unité de personne, dualité des natures et des opérations. On trouvera toutes les indications utiles dans i’Enchiridion de Denzinger-Bannwart, Index systematicus, viii a -vin e, et dans le Ttiesaurus du P. Cavallera, n. 759-788. Ces diverses définitions du magistère trouvent place ici, dans les difTèrents articles, dogmatiques et historiques, se rapportant aux problèmes christologiques.

2o L’incarnation étant le fondement même de la religion catholique, il ne peut exister aucun doute que ce mystère ait été révélé explicitement et ait été présenté à la foi des fidèles d’une manière explicite dès le début du christianisme. Voir Explicite, t. v, col. 1868. Toutefois, le dogme de l’incarnation n’a pas été, dès le début, révélé et proposé d’une manière explicite dans toutes ses conséquences et sous tous ses aspects. Pour lui, comme pour le dogme de la Trinité, on peut distinguer trois stades. Dans un premier stade, l’Église ne propose encore qu’une croyance très simple en Jésus-Christ, à la fois Dieu et homme, croyance dégagée de toutes controverses et de toutes explications ultérieures. C’est, pour l’incarnation, la Toi que nous trouvons dans les symboles, dans la doctrine des Pères apostoliques et chez les Pères apologistes, et dans les formules de foi de l’ÉgJise latine, jusqu’au ve siècle. Voir HypostaTiQXJE (Union), col. 449-456. En Orient, le deuxième stade, d’explication et de conti’overses, commence d’assez bonne heure. Dès le ii"e siècle, le mouvement se dessine, avec les adoptianistes et les docètes, les uns et les autres déchirant en sens oppose l’HommeDieu. Mais c’est surtout aux iv" et v<e siècles que s’affirme le progrès dogmatique, à l’occasion des grandes hérésies nestorienne et eutychienne. Les conciles d’Éphèse, de Chalcédoine, de Constantinople fixent successivement les points où le dogme catholique se trouvera désormais précisé et définitivement arrêté. Voir. col. 462-478. Mais parce que la terminologie ne fut complètement acquise que par ces conciles, les Pères antérieurs aue siècle, dans leurs discussions dogmatiques avec les adversaires de la foi, ont pu tinployer des expressions moins exactes. On n’a pas h s’en étonner, et leur témoignage en faveur de la vérité ne perd aucune valeur de ce chef. Voir col. 458-460. 495-499. Après le concile de Chalcédoine, on peut dire que le deuxième stade de progrès relatif au dogme lui-même de l’incarnation est terminé. Il n’y a pas eu dans ces controverses passage de l’implicite à l’explicite, mais simplement passage d’une croyance simple à une définition plus précise. Après le v’e siècle, les discussions portent plutôt sur les conclusions dogmatiques et théologiques à tirer du dogme déjà pronuilgué. Ici, on peut parler peutêtre de passage de l’implicite à l’explicite. Voir Hvposr.v TIQUE (Union), col. 489-490.

3o De croyance explicite dès le début, le dogme de l’incarnation s’imposait donc, sous peine de daiimation, à la foi des premiers fidèles. Il resterait à discuter si la nécessité de croire à l’incarnation pour faire son salut est une nécessité de précepte ou une nécessité de moyen. Cette question se pose principalement à l’occasion du salut des infidèles qui peuvent se trouver dans l’ignorance invincible des mystères de la foi chrétienne. Le problème, d’ailleurs, existe au sujet du mystère de la Trinité tout aussi bien qu’au sujet de l’incarnation. H sera donc étudié et résolu à l’article Infidèles (Sulut des). Quelle que soit la solution apportée à ce problème, il reste vrai, en toute hypothèse, que la foi en l’incarnation s’impose absolument au fidèle qui veut faire son salut. Innocent XI a condamné la proposition suivante : « Est capable de recevoir l’absolution l’homme ((ui, en raison d’une ignorance des mystères de la foi. aussi grande qu’on la peut supposer, ou encore par suite d’une négligence même coupable, ignore le mystère de la très sainte Trinité et de l’incarnation de notre Seigneur Jésus-Christ. » Denzinger Bannwart, n. 1214. Et même, à l’article de la mort, il ne suffit pas de faire promettre à un adulte qu’on veut baptiser qu’il s’instruira plus tard des mystères de la foi qu’on voudrait ne pas lui expliquer présentement pour ne pas le troubler : « Le missionnaire est obligé d*expliquer à l’adulte, qui n’est pas tout à fait incapable de l’entendre, les mystères de la foi, qui sont de nécessité de moi/en, et princiiialement les mystères de la trinité et de l’incarnation. » Saint-Office, 25 janvier 1703, 30 mars 1898, Aelfi s. sedis, t. xxx, p. 700, en note. L’incise que nous avons soulignée ne résout pas la question controversée. Cf. Chr. Pesch, Pnrl. dogmat., t. viii, n. 451.

Sur Ips principes. Billot, Dp immutabilitale trad.tionis. Home, 1907, c. n ; Dogme, t. iv, col. 160C-1650, spécialement 1 (1 1 1 -1 650 ; Explicite et Implicite, t. v, col. 1 868. — Application : Hypostatique (Union), t. vii, col. 449- !  !)() : Franzelin. De 'erbo incarnato, th. xvi-xxi.

IV. Possibilité, convenance, nécessité.

Ces trois questions ne sont, à vrai dire, que trois aspects du même problème, se superposant les uns aux autres. C’est pourquoi nous pensons que la logique exige qu’on ne les sépare pas. La possibilité et la convenance du mystère de l’incarnation concernent le mystère même considéré en dehors de toute hypothèse ; la nécessité se rapporte uniquement à l’hypothèse présente de la déchéance de la nature humaine, , que Dieu a décidé de restaurer en suivant les voies de la justice.

I. POSSIBILITÉ.

Cette première question est proprement scolastique. Le fait de l’incarnation, c’està-dire Jésus-Christ lui-même se manifestant aux hommes comme Dieu en même temps que comme homme, dispensait les Pères de l’Église d’envisager le problème spéculatif de la possibilité métaphysitiue de l’incarnation. Mais Pierre Lombard l’introduisit dans les Sentences, t. III, dist. I, et la coutume s’est introduite depuis, de résoudre, au début du traité de l’incarnation, la question de possibilité. A vrai dire, on n’aperçoit pas l’utilité de cette discussion : la convenance du mystère implique sa possibilité ; car la réalisation du mystère dépend de la volonté divine, qui ne fait rien que de très sage et, partant, que (le possible. En fait, d’ailleurs, la question de la possibilité, c’est-à-dire de la non répugnance de l’incarnation vis-à-vis des exigences de la raison humaine, se réduit à la solution des difiicultés qui peuvent se présenter. Or, c’est au cours de tout le traité du Verbe incarné que se poscitl et se it solvent ces nombreuses difficultés. Il semble donc plus logique de supprimer, au début de l’étude de l’Homme-Dieu, une question inutile et dont le véritable intérêt se trouve reporté à toutes les liages du traité. Ce sont ces raisons multiples qui, sans doute, ont amené le docteur aiigélique à supprimer, dans la Somme ttiéologique, la question De possibilitate incarnationis, qu’il avait, pour suivre l’usage reçu, placé au début du IIL' livre de ses Commentaires sur le Maître des Sentences. Voir sur ce point, les remarques des commentateurs de la Somme, III*, q. I, a. 1, et particulièrement Cajélan, Vasquez, iMédina, les Salmanticenses, Suarez, Gonet, IJilluart.

Beaucoup de commentateurs de saint Thomas se sont contentés, tout en se conformant à l’usage reçu d’aborder le traité de l’incarnation, par la possibilité de ce mystère, de résoudre le problème connexe de la démonstration rationnelle de cette possibilité. Voir Suarez, Gonet, Billuart, etc. Mais ce problème connexe est bien différent du problème de la possibilité envisagée en elle-même. Il se rapporte au caractère strictement surnaturel du mystère, et nous l’avons déjà posé et résolu plus haut, col. 1455.

Le problème de la possibilité de l’incarnation ne peut se résoudre que par la réfutation de toutes les objections que l’incrédulité accumule contre la doctrine catholique d’un Dieu fait homme dans l’unité substantielle d’une personne et la dualité persistante des natures. Dans le Commentaire sur le Maître des Sentences, I. III, dist. I, q. i, a. 1, étudiant les différents modes d’union des créatures entre elles, saint Thomas montre les rapports analogiques de l’union hypostatique avec quelques-uns de ces modes et conclut analogiquement à la possibilité de l’incarnation. Mais c’est par la solution des difficultés que ce saint docteur prouve l’assertion de la possibihté qu’il rapporte théologiquement à Luc, i, 37 : non erit impossibile apnd Deiim omne verbiim. Les objections procédaient : 1o de l’immutabilité divine, qui ne semble pas conciliable avec l’union

de la nature humaine au Verbe ; 2o de l’absolue perfection de Dieu, laquelle ne peut admettre l’addition d’une nature nouvelle ; 8o de l’infinie dislance qui sépare Dieu de la créature, et empêche toute proportion entre la personne du Fils de Dieu et la nature humaine ; 4o de l’infinité de la puissance divine qui ne saurait s’accommoder de la puissance finie d’un être corporel. Toutes ces objections sont reprises sous de multiples aspects dans les questions suivantes, dans la Somme Contra génies, t. IV, c. xl-xlix ; dans le Compendium theologiæ, c. ccix, ccxii ; cf. Der.laratio quorumdam articulorum contra græcos, armenos et saracenos, ad cantorem Antiochenum, c. vi. C’est autour de ces mêmes difficultés que se tient, chez la plupart des commentateurs de saint Thomas, la question de la possibilité de l’incarnation.

II. CONVENANCE.

1o Position du problème.

1.

La question de convenance est intimement liée à la question de possibilité. Car ce qui ne convient pas est impossible eu égard à la sagesse divine, Salmanticenses. De inc.arnalione, q. i, a. 1, n. 2, quoique l’on puisse à la rigueur concevoir comme absolument possible, si Dieu le voulait ainsi, tout être n’impliquant pas en soi contradiction, bien que sa réalisation comportât quelque répugnance par rapport à la sagesse divine. S. Thomas, In IV Sent., t. III, dist. I, q. II, a. 3. Convenance indique donc, en plus de simple possibifité, conformité aux desseins que peut avoir, aux buts que peut poursuivre la providence divine, éclairée par la sagesse éternelle. — 2. En examinant ici la question de convenance de l’incarnation, on ne préjuge en rien de la solution à donner au problème suivant, touchant la nécessité de l’incarnation. On n’affirme pas que la convenance de l’incarnation implique l’inconvenance du contraire : ce serait, en effet, dire qu’au regard de la sagesse divine, l’incarnation est nécessaire. La création est un acte conforme à la bonté, à la puissance, à la sagesse de Dieu, et, partant, on le peut dire très convenable par rapport à Dieu ; cela ne signifie nullement, que, ne créant pas le monde. Dieu eût manqué en quoi que ce soit à ses perfections. De même, si l’incarnation du Verbe a été une manifestation excellente des perfections divines, si elle a correspondu excellemment aux aspirations et aux besoins de la nature humaine, il ne s’ensuit pas qu’il eût été inconvenant que le Verbe ne s’incarnât pas. Voir plus loin. — 3. De plus, il ne s’agit pas simplement d’affirmer la convenance de l’incarnation, relatii’ement à l’ordre actuel de la Providence, c’est-à-dire par rapport à l’œuvre du rachat de l’humanité qui en est, dans l’hypothèse de la chute, la suite pour ainsi dire naturelle et nécessaire. Certains théologiens, en effet, ne conçoivent la convenance de l’incarnation que dans cette hypothèse. « Parce que l’incarnation, dit Lessius, De prædestinatione Christi, n. 13, inclut l’humifiation et l’anéantissement de la divinité, ainsi que l’affirme l’apôtre, Phil., ii, 7, elle n’a pu en aucune manière être recherchée pour elle-même…, mais seulement en raison d’une nécessité extérieure à Dieu, de haute importance, et à laquelle il était impossible de satisfaire autrement. » L’incarnation implique, ajoute Lessius, une sorte de déchéance pour la majesté divine et cette sorte de déchéance n’est convenable que par la compensation que Dieu trouve ailleurs, c’est-à-dire dans la satisfaction rigoureuse que le Verbe incarné devait apporter à la justice divine, en réparation de nos péchés. Ce point de vue, disons-nous, est incomplet et faux, car on conçoit difficilement qu’une raison extrinsèque, si importante soit-elle, puisse constituer une compensation suffisante à une déchéance de la majesté divine. Cf. Billot, De Verbo incarnafo, Prato, 1912, p. 17,

note. — 4. Il s’agit donc d’une convenance absolue, étrangère à l’hypothèse du péché et de la réparation, conférant à l’incarnation une conformité réelle aux perfections divines et aux aspirations humaines, prises en elles-mêmes, indépendamment de la considération du rachat de l’humanité. Mais ici encore, une confusion est à éviter. Affirmer la convenance de l’incarnation de cette manière absolue, ce n’est pas pour autant préjuger de la cause finale de l’incarnation. Ce problème est tout différent, car il s’agit, en déterminant la cause finale de l’incarnation, de l’incarnation considérée selon le décret actuel de la Providence. La question de convenance n’est pas liée nécessairement à ce décret. — 5. Enfin, la convenance absolue de l’incarnation peut être considérée quant à la substance même de l’incarnation, ou quant à ses circonstances de temps, de lieu, de personnes, etc. On n’envisagera ici que les circonstances de temps et de lieu, les autres se rapportant plus directement à la vie même de Jésus-Christ et devant être examinées à ce mot. — 6. Le problème de la convenance de l’incarnation ainsi posé n’est pas un simple problème scolaslique. L’apologétique chrétienne y est singulièrement intéressée. Il s’est posé, dès les premiers siècles, en face des sarcasmes et des objections des philosophes incrédules. Cf. S. Irénée, Cont. hivr., t. III, c. xviii, n. 5, 6 ; t. V, c. i, n. 1, voir Schwane, Histoire des dogmes, trad. franc., Paris, 1886, t. i, p. 285 sq. ; S. Augustin, Epist. ad Volusianum, cxxxv, P. L., t. xxxiii, col..512 ; Tertullien. De carne Christi, n. 1 ; Contra Marcionem, t. II, c. xxvii, P. L., t. ii, col. 754, 316 ; S. Athanase, Ad Adelphium, n. 1, P. G., t. xxvi, col. 1072 ; Il se posait également dès l’aube du moyen âge ; cf. S. Anselme, Car Deiis homo, t. I, c. iii, P. L., t. clviii, col. 364 sq. Les grands théologiens du moyen âge et leurs commentateurs des époques subséquentes n’ont donc fait que coordonner les réflexions que les Pères de l’Église avaient déjà auparavant formulées en réponse aux attaques de l’incrédulité. Parmi ces réflexions, nous choisirons celles qui méritent le plus d’être retenues. Pour nombre d’autres, on se contentera de renvoyer aux thèses si documentées de Thomassin sur la matière. 2o Convenance de V incarnation considérée dans sa substance. — 1. Par rapport aux divines perfections. — a) Bonté. — Le bien cherche à se communiquer. Or, Dieu est le bien essentiel. Et la communication que Dieu fait de lui-même dans l’incarnation est la plus parfaite et la plus complète qu’on puisse concevoir. Cf. Eph., Il, 4. Voir S. Thomas, Sum. theoL, III, q. i, a. 1, et le commentaire de Cajétan, ainsi que le préambule de saint Thomas au III" livre des Sentences, sur Eccl., I, 7. Cajétan expose les trois modes de communication de la divinité : communication de l’être dans l’ordre naturel ; communication de la grâce dans l’ordre surnaturel ; communication de la subsistence dans l’ordre de l’union hypostatique. Quant à l’extension, la première communication l’emporte sur les autres ; mais quant à V intensité, la communication de la grâce est supérieure à la communication de l’être et de même, sous ce rapport, la communication de la subsistance divine dans l’union hypostatique l’emporte sur toute grâce créée. L’incarnation des trois personnes ne communiquerait pas à la créature plus de perfection que l’incarnation du Verbe seul. CL Gonet, Clypeus, De incarnationc, disp. III, a. 1, n. 4 ; Legrand, op. cit., diss. V. c. viii, dans Cursus theologi : r' de.Migne, t. ix, col. 529 ; Contenson, Theologia mentis et cordis, a. 9, diss. preambul., c. i, spec. 3. Les théologiens font observer que par l’incarnation, la communication du bien divin est la plus parfaite qu’on puisse imaginer, parce que c’est le souverain bien lui-même qui est communiqué substantielle

ment, immedialeineiit, inséparablement, et de telle façon que de la personne du Christ ce bien souverain rejaillit sur toutes créatures raisonnables (le Christ étant chef de toutes), mais surtout sur les hommes, parce que nous avons tous reçu de sa plénitude. La nature corporelle elle-même en est rendue participante, puisqu’en Jésus-Christ elle fut élevée à la dignité de l’union hypostatique, puisque dans les justes, elle devient le temple du Saint-Esprit, puisque dans les sacrements, elle est l’instrument destiné à produire des effets surnaturels et qu’un jour, en toute hypothèse, à cause de l’incarnation, elle sera délivrée de toute servitude de la corruption. Cf. I Cor.. VI, 19 ; Phil., iii, 21 ; Rom., viii, 19. Chr. Pesch, op. cit., n. 371. Voir les textes des Pères dans Thomassin, De incamatione, t. I, c. i. — b) Charité, miséricorde, bénignité. — L’amitié que la simple philosophie humaine niait pouvoir exister entre Dieu et l’homme, existe par le fait de l’incarnation. Cf. S. Thomas, Sum. theoL, I* II'>', q. xxviii, a. 1. Dieu a tant aimé le monde qu’il lui a donné son Fils unique. Joa., III, 16 ; cf. Rom., v, 8 ; Tit., ii, 11 ; III, 4 sq. ; I Joa., iv, 9 sq. « Quel plus pressante raison de venir à nous que cette manifestation de l’amour que Dieu a pour nous et qu’il nous recommande avec véhémence ? » S. Augustin, De catechizandis rudibus, c. iv, n. 7, P. L., t. xl, col. 314. Cf. S. Pierre Chrysologue, Serm., cxlvii, De incarnationis sacramento, P. L., t. iii, col. 595-596 ; S. Léon, Serm., iv, de Nativitate Domini, c. i, P. L., t. liv, col 203 ; S. Bernard, In Nativitate Domini, serm. i, n. 2, P. L., t. CLxxxiii, col. 115 ; De diligendo Deo, c. V, n. 15 ; c. vi, n. 16, P. L., t. clxxxii, col. 983, 984. C’est parce que le Père a offert son Fils pour nous qu’apparaît sa grande miséricorde et sa bénignité infinie. S. Ambroise, De Jacobo et vita beafa, t. I, c. VI, n. 25, P. L., t. XIV, col. 608 ; S. Jean Chrysostome. In Epist. ad Heb., homil. xxv, n. 1, P. G., t. lxiii, col. 174. Cf. S. Cyrille d’Alexandrie, In Joannis evangclium, t. IX, c. xiii, 34, P. G., t. lxxrv, col. 162-163 ; S. Grégoire le Grand, Moralia, t. XX, c. xxxvi, n. 68, 69, P. L., t. lxxvi, col. 179 ; Bossuet 2o- sermon sur la passion de Jésus-Ctirist, ii<= point. Voir Thomassin, loc. cit. S. Thomas, sur la miséricorde, .Sum. // ! eoL, IIl », q. xlvi, a. 1, ad311’i'. — c ; Toute-puissance. — L’incarnation est, par antonomase, l’œuwre de Dieu, opus Dei. Cf. Habacuc, iii, 2 ; Is., xxviii, 21. La Vierge, dans son cantique, le proclame : /ecitmilii magna qui potens est ; Jccit potentium in bracliio sua. Luc, i, 49, 51. L’incarnation est, en effet, l’œuvre la plus excellente que puisse réaliser Dieu : sa dignité touche à l’infini. S. Thomas, Sum. theol., 1o, q. xxv, a. 6, ad 4'i"i. D’après saint Grégoire de Nysse, mieux que les plus éclatants miracles, l’incarnation fait ressortir la divine puissance. Oratio catech., c. xxiv P. G., t. XLV, col. 63. Cf. S. Basile, In ps. xuv, n. 5, P. G., t. XXIX, col. 399 ; S. Bernard, In uigilia Nativitatis, serm. iii, n. 1, P. L., t. clxxxiii, col. 94. Saint Léon le Grand fait remarquer que la toutepuissance divine apparaît surtout en ce que la gloire de la divinité n’a pas anéanti l’humanité, en ce que l’assomption de l’humanité n’a pas diminué la divinité. Serm., xxi, de Nativitate Domini, c. ii, P. L., t. Lrv, col. 191-192. On se souvient de la formule insérée dans la lettre dogmatique à Flavien : Sicut formam servi Dei forma non adimit, ila formam Dei servi forma non minuit. Voir Hypostatique (Union), col. 479. Cf. Thomassin, loc. cit., c. i, — d) Justice. — Le Verbe incarné, propitiation pour nos péchés, manifeste souverainement la justice divine. S. Thomas, .Sum. theol., III », q. xlvii, a. 3, ad luiii. Voir les nombreux textes des Pères, établissant que l’incarnation rétablit la justice.

soit à l’égard des droits acquis par le démon sur les pécheurs soit à l’égard de Dieu lui-même dans Thomassin, op. cit., c. iii, iv. Sur la convenance extrême, sur la nécessité de l’incarnation, par rapport aux exigences de la justice divine, voir plus loin. — e) Sagesse. — Dans cette œuvre où la justice et la miséricorde se sont rencontrées, Ps. lxxxiv, 11, apparaît la sagesse de Dieu. De plus, l’homme trouve dans l’incarnation un puissant motif de fuir le péché, de se souvenir de sa dignité, de pratiquer la vertu à l’exemple du divin Maître. Voir plus loin. Sur la sagesse divine dans l’œuvre de l’incarnation, cf. S. Jean Damascène, De fide orthod., t. III, c. i, P. G., t. xciv, col. 983 ; S. L.-^on, Serm., xxi, de Nativitate Domini, c. iii, P. L., t. Lrv, col. 192 ; S. Augustin, De agone christiano, c. xxi, P. L., t. xl, col. 297 ;

5. Thomas, Sum. theol., III », q. xlvi, a. 3 ; Cont. gentes, t. IV, c. lfv. Cf. Schwalm, Le Christ d’après saint Thomas d' Aquin, c. i.

2. Par rapport an Fils qui s’est incarné.

Bien que non seulement le Fils, mais encore le Père et l’Ffprit eussent pu s’incarner, voir plus loin, l’incarnat :  ! >n dans la seule personne du Verbe est plus convenable. Le Fils n’est-il pas proclamé, dans l’Écriture ? l’intermédiaire nécessaire entre le Père et le monde ? Cf. Heb., i, 2, 3 ; Col., i, 17 ; Joa., xiv,

6, 9 ; I, 18. De ces affirmations scripturaires, les docteurs de l’Église ont conclu à l’extrême convenance de l’incarnation du seul Veibe. — a) L’innascibilité appartient en propre au Père ; par appropriation, on lui attribue l’invisibilité, l’incompréhensibilité : tout autant de raisons qui militent contre son incarnation, c’est-à-dire contre une naissance temporelle, une manifestation personnelle du Père fait homme ; pensée développée principalement par Tertullien, Adversus Marcionem, I. II, c. xxvii ; Adversus Praxeam, c. XIV, XV, XIX, P. L., t. II, col. 317, 170, 171, 178. L’incarnation du Père ou de l’Esprit eût pu amener de la perturbation dans les esprits au sujet de l’attribution du nom de Fils. Cf. S. Athanase, Orat. i, contra arianos, n. 21, P. G., t. xxvi, col. 55 ; S. Jean Damascène, De fideorthod., t. IV, c.iv, P. G., t. xciv, col. 11061107 ; Gennadius, Liber ccclesiasticorum dogmatum, c. II, P. L., t. Lvii, col. 981 ; S. Fulgence, De fide ad Petrum. c. ii, n. 7, P. L., t. lxv, col. 675. Voirie développement de ces arguments dans Thomassin, op. cit., t. II, c. I, n. 1-4. — b) Le Verbe, image du Père, Heb., I, 3, et par qui toutes choses ont été faites, Joa., i, 3 ; Heb., I, 2 ; Col., 1, 17, est tout indiqué pour « refaire «  dans la création ce qui a été bouleversé et détruit par le démon et le péché. Sagesse du Père, le Verbe ne doit-il pas corriger les erreurs de la folie des hommes ? Sur le rôle attribué au Verbe dans la création, voir t. iii, col. 2115-2127. Cf. S. Cyrille d’Alexandrie, Thésaurus, assert, xxix, P. G., t. lxxv, col. 434 ; S. Léon le Grand, Serm., lxiv, de passione Domini, c. ii, P. L., t. liv, col. 358 ; S. Irénée, Cont. hier., t. V, c. i, n. 1, 3, P. G., t. vii, col. 1120, 1123 ; Jobius cité par Photius, Bibliotheca, cod. 222, n. 1, 17, P. G., t. ciii, col. 735, 754. Image substantielle du Père, le Verbe est tout désigné pour s’incarner et par là donner aux hommes la possibilité de restaurer en eux l’image déformée par le péché. Cf. S. Athanase, Oratio de incamatione Dei Verbi, n. 13, P. G., t. xxv, col. 119. Voir le développement de cette pensée dans Hugues de Saint Victor, Erudit. didascalicæ, t. VII, c. xxiv, P. L., t. clxxvi, col. 834 ; cf. De Verbo incarnalo, c. Uï, x, P. L., t. clxxvii, col. 320. — c) Le Fils, par cela qu’il est Fils, paraît mieux indiqué que le Père ou l’Esprit pour nous apporter, par l’incarnation, la filiation adoptive. Cf. Gal., iv, 4, 5. Cette pensée fut souvent exploitée par saint Augustin, In Joa., tr. II, n. 5, I’167

INCARNATION

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P. L., t. XXXV, col. 1325 : jDc Trinilaie, t. II, c. v. n. 7 : I. IV, c. XX, n. 27 ; 1. Xlll, c. xix, n. 24, P. L., t. xlii, col. 248, 906, 1033. Voir Hugues de Saint-Victor, De sacramentis, t. II, part. I, c. ii, P. L., t. clxxvi, col. 372. Enfin, au Fils appartient plus proprement la médiation, la supplication, l’obéissance. S, Irénée, Cont. hær., t. V, c. i, n. 1, P. G., t. vii, col. 1120 ; Richard de Saint-Victor, De Verbo incamato, c. vi, P. L., t. cxcvi, col. 1001 ; S. Anselme, De fide Trinitatis et de incarnatione Verbi, c. v, P. L., t. clviii, col. 277 ; S. Bonaventure, In IV Sent., t. III, dist. I, a. 2, q. III. Ce sont toutes ces raisons, attestant la convenance de l’incarnation par rapport au Fils qu’entrevoyaient, en les exprimant d’ailleurs assez incorrectement, certains Pères apologistes. Ils afiirment que le Verbe, pensée immanente de Dieu, dans la Trinité, instrument du Père dans la création, se manifeste en dernier lieu et comme nécessairement « dans une troisième phase, qui aboutit à la naissance de la Vierge, par l’opération du Saint-Esprit. » Cf. S. Hippolyte, Advcrsus Noetuni, n. 15, P. G., t. x, col. 821 ; d’Alès, La théologie de S. Hippolyte, Paris, 1906, p. 25-26 ; Thomassin, op. cit., t. II, c. i, ii. Voir d’excellents développements dans Monsabré, Le vainqueur de la mort. Retraite pascale, 1888.

3. Par rapporta la nature humaine elle-même.

Saint Thomas, Sum. theoL, III », q. i, a. 1, ad 2um, semble exclure cette convenance : Uniri Deo in unitate personx non fuit conveniens carni humanæ secundum conditionem sux naturse, quia hoc erat supra dignilatem ipsius. Le sens de cette affirmation est clair : il n’existe dans la nature humaine aucun principe, aucune raison de son élévation à la dignité de l’union hypostatique, tandis qu’en Dieu de multiples raisons existent qui témoignent de la convenance absolue de l’incarnation par rapport aux attributs divins. L’incarnation est donc un mystère dépassant toutes les exigences naturelles de l’humanité. Mais cela ne signifie nullement qu’il existe dans la nature de l’homme une répugnance ontologique à l’incarnation du Verbe en elle. Ni convenance, ni répugnance, parce que convenance et répugnance à l’égard de l’incarnation du Verbe n’appartiennent pas plus à la nature humaine que voir ou être aveugle n’appartiennent à une pierre. Cajétan, In h. L ; cf. Tolet, In IW^^ Sum.theol. S. Thom(e, q. i, a. 1, q. m. Toutefois, il est permis de parler de la convenance de l’incarnation par rapport à la nature humaine elle-même, en considérant la puissance obédienlielle de cette nature. Cf. Ysambert, Disputationes in III^^. part. S. Thomx, ad la" q., disp. i, a. 1 ; S. Thomas, Sum. theoL, III », q. i, a. 2. Se plaçant à ce point de vue, on doit affirmer que l’incarnation fut remplie de convenance par rapport à la nature humaine : a) considérée en dehors de l’hypothèse du péché et par comparaison aux autres natures créées ; b) considérée dans l’hypothèse du péché ; mais indépendamment de la réparation rigoureuse de l’offense divine.

a) Convenance de l’incarnation par rapport à la nature humaine, indépendamment de l’hypothèse du péché et par comparaison aux autres natures créés. — L’union de Dieu avec une créature irrationnelle, bien qu’absolument possible, S. Thomas, In IV Sent., t. III, dist. II, q. i, a. 1 (voir dans Suarez, op. cit., disp. XIV, sect. ii, les Pères et auteurs cités en faveur de cette opinion), ne convient pas, tant à cause de l’absence d’intelligence chez ces créatures, qu’en raison, ce qui en est la conséquence, de leur manque de personnahté. L’union hypostatique leur conférerait la personnalité dans le Verbe, ce qui constituerait un état contraire aux exigences de leurs principes essentiels. S. Thomas, loc. cit. L’union

de Dieu avec une créature angélique, c’est-à-dire purement spirituelle, est certainement plus conforme aux attributs de la divinité, mais, somme toute, elle est moins convenable que l’union avec la nature humaine. Dans le commentaire sur le Maitre des Sentences, saint Thomas en avait apporté un motif, admis, semble-t-il, par les commentateurs contemporains : les anges n’existant pas par voie de génération, mais par voie de création, ne peuvent avoir la personnalité qu’en acte ; ce qui rend impossible l’assomption d’une nature angélique dans l’unité de la personne divine. Loc. cit., a. 1, sol.’M. Mais dans la Somme Ihéologique, saint Thomas rejette cette raison du commentaire, III", q. iv, a. 1, ad 3o"’, et ne s’appuie plus que sur la nécessité. C’est donc, en fin de compte, la chute de l’humanité, chute réparable, qui justifie, sur ce point, la convenance de l’incarnation. Homo perierat, hominem restitui oportebat, Tertullien, De carne Christi, c. xiv, P. L., t. ii, col. 777. La nature angélique, en effet, a commis, dans ceux des anges qui ont failli, une chute irréparable. Cf. Cont. génies, t. IV, c. lv. Dieu aurait donc pu, absolument parlant, prendre la nature angélique, voir les auteurs cités par Suarez, op. cit., disp. XIV, sect. ii, n. 4, mais il ne l’a pas fait, Cf. Heb., II, 16. On peut en apporter plusieurs raisons de convenance : a. « Toute la nature angélique n’était pas tombée et les anges prévaricateurs avaient immédiatement été confirmés dans le mal, ce qui n’est pas le cas de l’homme, > S. Thomas, In IV Sent., t. III, dist. XX, q. I, a. 1, q. i, ad 3o™ ; cf. S. Anselme, Cur Deiis homo, t. III, c. xxii, P.L, t. cuii, col. 430. b. La nature humaine, plus faible que la nature angélique, provoquait davantage la divine miséricorde. S. Grégoire le Grand, Moralia, t. IV, c. iii, n. 8 ; L IX, c. l, n. 76, P. L., L lxxv, col. 642, 900 ; S. Isidore de Séville, Sententiarum, 1. I. c. x, n. 11, P. L., t. lxxxiii, col. 555. c. Le péché de l’ange, tout au moins de celui qui entraîna les autres à sa suite dans la révolte, n’admet aucune excuse, tandis que le péché d’Adam peut trouver encore quelque excuse dans la séduction du premier homme par Eve et de la première femme par le serpent. S. Thomas, Sum. theoL, I », q. lxiv, a, 2, ad 4n"i ; cf. S. Augustin, De libero arbitrio, 1. III. c. xxv, n. 76, P. L., t. xxxii, col. 1398, avec un beau commentaire de saint Paulin de Noie, Epist., xxiii, ad Severum, n. 44, P. L., t. lxi, col. 285 ; S. Grégoire le Grand, op. cit., t. IV, c. iii, n. 8, P. L., t. lxxv, col. 642 ; S. Jean Damascène, Dialogus contra manichseos, n. 33, P. G., t. xciv, col. 1539. d. Même par rapport à la restauration de la hiérarchie brisée par les défections des anges déchus, l’incarnation était préférable, puisqu’elle devait fournir aux hommes le moyen de s’élever jusqu’au rang des bienheureux et de combler les vides laissés par les démons. S. Thomas, Sum. theoL, I », q. cviii, a. 8 ; In IV Sent., l. II, dist. IX, a. 8. Saint Bonaventure résume tous ces motifs en quelques mots : Secundum reparationem major congruitas in ea (natura humana) reperitur ad unionem triplici ex causa, scilicet quia homo magis indigebat et minus indignas erat et melius ei proderat, ut Filius Dei assumeret naturam suam. Magis indigebat, quia totus lapsus fuerat ; minus indignas erat, quia per alium corruerat ; amplius ei proderat, quia adhuc in malo obstinalus non erat. In IV Sent., t. III, dist. II, a. 2, q. n. Cf. S. Augustin, In Joannis Euang., tr. ex, n. 7 ; In Epist. ad Gal., c. iii, 19, n. 24, P.L., t. XXXV, col. 1924, 2121 ; Enchiridion, c. xxviii, n. 9, P. L., t. XL, col. 246 ; Opus imperfectum contra Julianum, t. VI, n. 22, P. L., t. xlv, col. 1553 ; S. Grégoire le Grand, Moralia, t. XXVII, c. xv, P. L., t. lxxv, col. 415 ; S. Bernard, Serm., i, de adventii Domini

II. 4, 5, P. L., t. CLXxxin, col. 37. Voir Thoniassin, op. cit., t. II, c. XII.

Considérée par rapport à la nature humaine, prise en soi, et indépendamment de l’iiypothèse de la chute, l’incarnation se justifie par cette raison de convenance que la nature humaine, mieux que la nature angélique, tout esprit, et que la nature inanimée, toute matière, résume en elle le monde de l’esprit et celui de la matière, et par là, unie au Verbe, glorifie davantage l’œuvre entière du créateur. S. Bonaventure, 7/1 IV Sent., t. III, dist. II, a. 1. q. ii ; S. Thomas, ibiiL, dist. II, q. i, a. 1, ad 1^"'.

b) Convenance de l' incarnation par rapport à la nature humaine dans l’hypothèse de la chute. — La chute de la nature humaine étant réparable, il convenait que la réparation fut faite. Cf. S. Thomas, .Simi. theol., I », q. lxrv, a. 2. Mais l’incarnation était le moyen convenable de préparer et de réaliser cette réparation : a. Parce que pour ramener l’homme vers sa fin surnaturelle, il fallait avant tout lui fournir le moyen de se purifier complètement du péché. Or, ce moyen lui fut excellemment fourni dans l’incarnation, l’Homme-Dieu pouvant offrir à Dieu une réparation dont un homme pur eût été incapable, b. Parce que l’homme libéré de ses fautes passées devait être instruit du bonheur céleste et des moyens d’y parvenir. Qui, mieux que le Verbe incarné, personnellement instruit dans son humanité des mystères célestes, pouvait se faire notre précepteur et notre guide ? c. Parce que, nonobstant la distance qui sépare l’humanité de Dieu, il fallait efiîcacement élever l’esprit humain vers la participation de cette béatitude dont naturellement Dieu est seul capable. Par l’union hypostatique, où l’humanité touchait à la divinité. Dieu a fourni à l’homme un admirable exemple de l’union bienheureuse qui doit attacher l’esprit créé à rintelligence incréée. Motif d’espérance et de confiance pour l’homme, d. Parce que l’exercice des vertus, nécessaire à l’homme pour atteindre sa fin, devait être rendu plus facile par l’exemple de celui qui, étant Dieu et homme tout à la fois, devait exciter en nous une estime et une confiance plus grande, et rendre visible par son humanité la perfection que communiquait à ses œuvres son invisible divinité, e. Parce qu’enfin il est nécessaire pour notre salut que nous nous attachions à Dieu par la ciiarité. Avant l’incarnation, la bonté de Dieu était comme cachée et inaccessible aux recherches humaines. La masse des hommes, empêchés par les soucis terrestres et matériels de s’élever facilement ju qu’à Dieu laissaient l’amour de Dieu à l’élite qui, seule, parvenait à s’abstraire des préoccupations gênantes. Aussi Dieu, voulant ouvrir à tous une voie facile pour parvenir jusqu’à lui, s’est fait homme, afin que les plus faibles et les plus ignorants parmi les hommes pussent connaître et aimer Dieu, comme quelqu’un de semblable à eux. C’est ainsi, comme le chante l’Église, que par le mystère de l' incarnation, nous sommes amènes à l’amour des choses inuisibles. Préface de la Nativité. Toutes ces raisons que saint Thomas développe, Sum. theol., loc. cit., a. 2 ; Cont. génies, t. IV, c. i.iv ; Compendium thenlogiæ, c. cci ; cf. Sum. theol, III », q, 46, a. 3, les Pères de l’Église les ont exposées tout au long et sous mille formes différentes. On trouvera dans Thomassin, op. cit., t. I, c. v-xxi, une ample moisson de textes. Insislant sur la très grande convenance de la réparation du genre humain grâce à l’incarnation, saint Athanase, De incarnatione, c. vi, P. G., c. xxv, col. 108, et quelques autres Pères, cf. Petau, op. cit., t. II, c. xii, n. 4 sq., s’expriment parfois en des termes qui sembleraient impliquer l’inconvenance du contraire. Il faut savoir les interpréter, comme on doit pareille ment interpréter le sens de l’hymne Pange lingua gloriosi lauream certaminis : Hoc opus nostræ salutis, ordo depoposcerat, multiformis proditoris ars ut artem falleret, et medelam (errct inde, hostis iinde Uvserat. Voir plus loin, col. 147.5 sq.

Un dernier aspect de la convenance de l’incarnation par rapport à la nature humaine reste à signaler. Pourquoi Jésus, ayant pa prendre une nature semblable à la nôtre en la créant, a-t-il voulu néanmoins la prendre par voie de génération et être ainsi fils d’Adam, d’Abraham et de David ? Saint Thomas apporte de ce fait, dont l’existence est affirmée par l’Écriture et s’impose à notre foi, voir Jésus-Chp.ist, plusieurs raisons de convenance : « Comme le dit saint Augustin, De Trinitatc, t. XIII, c. xviii, Dieu pouvait se faire homme autrement que de la souche d’Adam…, mais il a préféré que l’homme, par lequel devait être vaincu l’ennemi du genre humain, provînt de la race de celui qui avait été lui-même vaincu ; et cela pour trois raisons : a. parce qu’il paraît juste que celui qui a péché satisfasse ; aussi le Verbe a-t-il dû prendre de la nature corrompue par le péché ce qui devait lui permettre de satisfaire pour toute la nature humaine ; b. parce que c’était relever la dignité de l’homme, en faisant naître le vainqueur du démon de la famille de celui que le démon avait vaincu ; c. parce que la puissance de Dieu se manifeste ainsi davantage : d’une nature infirme et corrompue il a pris ce qui devait être par lui élevé à une si grande puissance et dignité. » Sum. theol., III », q. IV, a. 6 ; cf. q. xxxi. En bref, l’incarnation est bien plus convenable, parce qu’elle apporte la réplique à la déchéance primitive. C’est roixovo(i.t-L des Pères grecs, prise dans son acception la plus parfaite. Saint Irénée la résume en quelques mots, en disant que le Christ est né de Marie, ut non alla plasmalio fieret, et non alla esset, quæ sulvaretur, sed eadem ipsa recapitularetur. Cont. hær., t. III, c. xxi, n. 10 ; c. xxii, n. 3, P. G., t. vii, col, 955, 959. Cf. S. Athanase, Contra Apollinarium, t. II, c.v, P. G., t. xxvi, col. 1140 ; S. Ambroise, De incarnalionis dominicse sacramento, c. vi, n. 54, P. L., t. xvi, col. 832 ; S. Fulgence, Ad Trasimundum, t. I, c. xv ; Epist., XVII, de incarnatione, n. 5, P. L., t. lxv, col. 238, 254. Voir d’autres textes dans Petau, op. cit., t. V, c. XVI, et Franzelin, op. cit., th. xiv.

Sur la convenance de la génération du Verbe incarné dans le sein d’une vierge, voir Marie.

S Thomas, Sum. ibeoL, Illa, q. i, a. 1 ; q. iii, a. 8 ; q. IV, a. 1, 6 ; q. xxxii, a. 2 ; in IV Sent., t. III, dist. I, q. i ; dist. II, q. i, a. l, 2 ; q. ii, a. 2 ; Contra Gentes, l. IV, c. XL, XLix, LUI, Liv, i, v ; Conipendiiini theologia', c. ccvii, ccvin ; Gonet, Cly/ieus, De incarnatione, disp. iii, a. 1 ; Tolet, /n Sum. S. TItomie, Illa, q. i ; Suarez, De incamalionc, (lisp. IV, sect. i ; Lessius, De perfectionibus divinis, 1. XII. c. VIII, IX ; De Lugo, De incarnatione, disp. I, sect. ii ; Théophile Raynaud, Cliristus Deus Iwmo, t. III, sect. i, c. i ; Thomassin, Dogmata theologica. De incarnatione, 1. I ; t. II, c. I, ii, xii ; Petau, Dogmala theologica. De incarnatione, t. II, c. vii-xii, xv-xvi ; Ysambort, De incarnatione, q. I, disp. I, a. 1 ; Frassen, op. cit., tr. I, disp. I, a. i, sect. II, q. I, ii, m ; Kleutgen, Théologie der Vorzeit, t. XII, c. I. Voir également les manuels de théologie sur rincamalion, cités au cours de l’article, et la plupart des apologétiques de l’incarnation et du christianisme en général.

3o Convenance de V incarnation, considérée dans ses circonstances. — 1. Circonstance de temps. — Pourquoi l’incarnation ne s’est-elle pas réalisée immédiatement après le péché du premier homme ? Pourquoi n’a-t-elle pas été reculée jusqu’à la fin du monde ? A vrai dire, cette deuxième question touchée par saint Thomas, Sum. theol., III*, q. i, a. 6, reçoit sa solution dès lors qu’on démontre qu’il a été convenable

que l’incarnation fût faite, non immédiatement après la chute, mais dans la plénitude des temps dont parle saint Paul, Gal., iv, 4. Trois raisons de convenance semblent devoir être apportées — a) La dignité du Verbe incarne demandant, pour que l’Homme-Dieu fût reçu dans le monde avec révérence, que l’incarnation n’eût lieu qu’un temps assez long après les commencements de l’humanité. Il fallait que la venue du Verbe incarné fût comme le point culminant de l’histoire du monde. — b) L’utitile des hommes, auxquels l’incarnation apportait le remède du péché, est une deuxième raison du recul de l’incarnation dans les temps. Il fallait que l’homme, convaincu par de longs siècles de faiblesses et d’erreur de son impuissance personnelle, fût pour ainsi dire amené par la force des choses à s’humilier et à reconnaître la nécessité de l’intervention divine. Cf. Rom., iii, 23. Les Pères de l’Église oscillent entre ces deux premières raisons et souvent les juxtaposent. Eusèbe affirme que la venue relativement tardive du Christ avait pour but de préparer les hommes à une vertu plus haute et de les rendre plus dignes. Demonstratio evangelica, I. VIII, proœmium, P. G., t. xxii, col. 569. La raison tirée de l’humiliation nécessaire pour que les hommes se retournassent vers Dieu avec confiance est donnée par saint Grégoire de Nysse, Adversus Apollinarem, P. G., t. xlv, col. 1273 ; Théodoret, Græcarum af/ectionum curatio, vi, P. G., t. lxxxiii, col. 988, sq ; Tertullien, Scorpiace, c. vi, P. L.. t. ii, col. 133. La raison d’une préparation plus digne du Verbe, plus fructueuse pour les hommes, se trouve chez saint Augustin, In Joa., tr. XXXI, n. 5, P. L., t. XXXII, col. 1638 ; De diversis quæstionibus LXXXiii, q. XLiv, P. L., t. XL, col, 28 ; S. Ambroise, iîp/s^, Lxxiv, P. L., t. XVI, col. 1255 ; S. Léon le Grand, Serm., xxiii, de Nalivitate Domini, 4, P. L., t. Lrv, col. 202. Rapprochez S. Irénée, Cont. hær., 1. TV, c. xxxviii, n. 1, P. G., t. VII, col. 1105. — cj L’ordre qui veut que l’on progresse de l’imparfait au parfait, est un troisième argument, fondé sur les données de l’Écriture, Gal., iii, 24 ; iv, 1 ; iii, 25 ; iv, 4-7 ; I Cor., xiii, 9-12 ; et présenté par saint Thomas avec sa profondeur habituelle, Sum. theoL, III*, q. i, a. 5-6 ; cf. In IV Sent., t. III, dist. I, q. i, a. 4. — d) Une dernière raison concerne la vocation du peuple juif. Ce peuple devait, dans les desseins de Dieu, être dispersé à travers les nations païennes pour y apporter, y maintenir la connaissance et l’espérance du Messie futur. Il fallait donc que des siècles s’écoulassent, pour permettre aux juifs de remplir leur mission. Cf. Suarez, op. cit., disp. V, sect. ii ; Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, part, ii, c. XV.

Ces raisons n’épuisent pas la question de la convenance par rapport à l’époque de l’incarnation. Il reste, en effet, à résoudre une difficulté : le recul de la réalisation des desseins miséricordieux de Dieu jusqu’à la « plénitude des temps » n’a-t-il pas été cause de la ruine éternelle d’une multitude d’âmes ? Les théologiens répondent négativement, tout d’abord parce que le nombre des élus dépend de la prédestination, c’est-à-dire de la libre volonté de Dieu, cf. S. Thomas, Sum. theol., III », q. i, a. 5, ad 2^"'^ ; In IV Sent., t. III, dist. I, q. i, a. 4, ad 21’m ; ensuite, parce que jamais la grâce n’a fait défaut aux hommes, même avant la venue du Sauveur, dont la promesse avait été faite et l’espérance accordée aux premiers hommes dès le paradis terrestre. Cf. S. Thomas, Sum. theol., Ia-IIæ, q. xcviii, a. 2, ad 4'"i' ; S. Bonaventure, In IV Sent., 1. 1 1 1, dist. XXV, a. 1, q. ii, ad 5'"" ; Suarez, De legibus, t. I, c. viii. C’est dans cette espérance du Messie futur que les hommes pouvaient trouver la source de la grâce nécessaire au salut.

S. Bonaventure, op. cit., dist. I, a. 2, q. iv. Mais on insiste : si la grâce n’était pas refusée à ceux qui vécurent avant Jésus-Christ, du moins, leur étaitelle départie avec plus de parcimonie et, partant, moins d’âmes sauvées, tel a été le résultat de ce retard dans l’époque de l’incarnation. On apporte même à ce sujet l’exemple de T> r et de Sidon, Matth., xi, 21. Mais, fait encore remarquer saint Bonaventure, le bien commun doit passer avant le bien de quelques individus, et le bien commun exigeait sans aucun doute ce retard, ibid., et d’ailleurs, comme on l’a déjà dit, la prédestination des hommes dépendant du bon vouloir de Dieu, il n’est personne de ceux qui étaient destinés au bonheur éternel, qui ait manqué ce bonheur par suite de la venue relativement tardive du Sauveur. C’est une affirmation toute gratuite de dire que la venue plus hâtive du Messie eût été l’occasion du salut pour un plus grand nombre d’âmes ; peut-être eût-ce été le contraire, cf. Suarez, De incarnatione, disp. VI, sect. ii, Jésus ne pouvant avoir, dès les débuts de l’humanité, des disciples aussi nombreux, et ses leçons pouvant facilement se perdre et s’oublier dans la suite des âges. Le cardinal Billot, op. cit., p. 49, ajoute à ces considérations une remarque opportune : la certitude humaine des miracles et des enseignements du Christ dans le monde, motif puissant de crédibilité, aurait singulièrement perdu de sa force, parce que, le Christ venant sur terre dès les débuts de l’humanité, sa vie n’aurait pas été placée dans la pleine lumière de l’histoire et l’argument prophétique aurait complètement fait défaut. Sur les circonstances de détail, année précise, jour et mois, le libre choix de Dieu rend parfaitement convenable les moindres particularités de la naissance du Sauveur. Cf. S. Thomas, Sum. theol., m », q. xxxv, a. 8, et les commentateurs de cet article.

S. Thomas, Sum. theoL. Illa, q. i, a. 5-G ; In IV Sent., I. III, dist. I, q. i, a. 4 ; Cont. gentes, I. IV, c. Lv ; Suarez, De incarnatione, disp. VI ; Petau, De incarnatione, t. II, c. xvii, n. 1-6 ; Gonet, Clypeus, disp. III, a. 3 ; Salmanticenses. In Sum. S. Thomee, toc. cit. ; Frasscn, De incarnatione, tr. IV, disp. I, a. 1, sect. ii, q. iv ; Billot, De Verbo incarnalo, th. iv ; Janssens, De Deo homine, t. I, part. I, sect. i, n. 2 ; Chr. Pesch, De Verbo incarnate, n. 388-389.

2. Circonstance de lieu.

Sur la naissance à Bethléem, voir S. Thomas, Sum. theol., III, q. xxxv, a. 7. Il ne s’agit ici que du choix de notre planète comme lieu de l’incarnation. Est-il convenable que la terre ait été choisie ? L’incarnation, en effet, est un si grand mystère qu’on a peine à concevoir que ce mystère ait été réalisé dans et pour une portion si minime de l’univers. La conception de la terre, centre du monde, est insoutenable : il est vraisemblable, que dans d’autres mondes, existent d’autres hommes ou d’autres créatures raisonnables ; il paraît inconvenant de restreindre aux seuls habitants de notre planète les effets de l’incarnation et de la rédemption. De là, l’hypothèse de la pluralité des mondes habités. Jusqu’ici les théologiens n’ont pas été très favorables à cette hypothèse. Cf. Mgr Paquet, dans The american catholic quarterly review, avril et juillet 1884. Mgr Janssens incline visiblement vers l’opinion communément admise, De Deo creatore et de angelis, Fribourg-en-Brisgau, 1905, p. 230-231. Le cardinal Billot rejette l’opinion afiirmant la pluralité des mondes comme une opinion en partie très fausse, falsissima, en partie toute hypothétique, maxime hypofhetica. Il fait observer que l’exiguïté de notre terre n’a aucune portée contre la convenance de l’incarnation. D’une part, en effet, l’incarnation domine les exigences de toute créature ; du fait que le Verbe s’est incarné, il ne suit pas que l’incarnation

dût être faite en faveur de toutes les créatures raisoîinables ou niènie de la majeure partie d’entre elles, Dieu est maître absolu de ses communications : il peut, en toute liberté, accorder à l’un ce qu’il refuse à l’autre, et la manifestation de cette liberté est la première convenance à retenir en parlant des œuvres divines. Le problème soulevé par les adversaires, n’a pas plus de portée que celui de l’assomption de la nature angélique par le Christ, ou celui de l’incarnation décrétée par Dieu, même dans l’hypothèse où l’homme n’aurait pas péché. D’autre part, il ne semble pas contraire à la divine sagesse que tant de mondes différents de notre terre et bien plus vastes qu’elle, soient inhabités et demeurent privés de vie humaine. Tout cet univers, en effet, dans son immensité, est utile pour faire connaître à l’homme la grandeur et la puissance du créateur, cf. Sap., XIII, 5, non seulement maintenant, mais encore et surtout après la mort, après la résurrection des corps, alors que les justes, eù777me des étincelles à travers les roseaux parcourront les espaces..Sap., i, 7, et pourront admirer, » les cieux, œuvres des mains du Créateur, et la lune, et les étoiles produites par Lui. > Ps. VIII, 3. De Verbo iiuariudo, q. i, scholion. La thèse de la pluralité des mondes ne date pas d’aujourd’hui. Cf. Gotti, Theologia scholaslica, tr. VIII, De Deo creatorp, Venise, 178.3, t. i, p. 448. Les savants les plus célèbres ayant professé cette opinion sont Nicolas de Cuse, Giordano Bruno, Thomas Campanella. Descartes, Kepler, Galilée, Leibnilz, etc. Plus récemment, le P. Secchi s’en est montré partisan, Le soleil, trad. franc., Paris, p. 418 ; Mgr Bougaud, Tongiorgi, Mgr Élie Méric, M. Pioger, le P. Ortolan, l’ont exposée avec complaisance, et le P. Monsabré lui-même n’y est pas hostile. Voir Exposition du dogme chrétien, 49<^ conférence, La rédemption. Mais le P. Monsabré jnontre bien, dans l’une ou l’autre hypothèse, la parfaite convenance de l’incarnation quant au lieu. Quant aux textes scripturaires invoqués pour ou contre, ils ne prouvent pas ce qu’on leur voudrait faire signifier.

Pioger, Le dogme chrétien et la jduralUé des mondes liabilés, Paris, 1874 ; Th. Ortolan, Ltiides sur la pluralité des mondes habités et le dogme de l’incarnation, de la collection Science et religion ; Mf^r Élie Méric, L’autre vie, 1. II. c. v.

/II. NÉCESfiiTÉ. — 1o Comment se pose le problème. — 1. Nulle nécessité de l’inc(trnatiun antécédente (tu péché de l’homme. — On peut concevoir cette nécessité antécédente de plusieurs façons, a) Comme une nécessité phtjsique. C’est l’erreur de tous ceux qui ont nié la pleine liberté de Dieu dans ses opérations ad extra, principalement la création. Voir les propositions d’Eckart, condamnées par Jean XXII, n. 1 et 3, Denzinger-Bannwart, n. 501, 503 ; de WiclefT, n. 27, condamnée au concile de Constance, n. G07. Voir sur li ; dogme de la liberté de l’acte créateur, spécialement défini par le concile du Vatican, Création, t. iii, col. 2139 sq. — b) Comme une nécessité métaphysique : c’est l’erreur des partisans de l’optimisme, qui pensent que, dans l’hypothèse où Dieu se décide

créer le monde, il ne peut pas ne pas le faire, le

meilleur possible et, partant, comportant l’incarnation du Verbe. Au moyen âge, Raymond LuU préluda à cette théorie. Sans admettre que l’incarnation, soit, dans un sens absolu, nécessaire à Dieu, il soutient néanmoins que, la création du monde étant donnée, il fallait que l’incarnation la suivît. Dieu ne pouvait pas décréter la création sans en même temps décréter l’incarnation, parce qu’il était tenu de décréter la meilleure et la plus parfaite espèce de création, laquelle suiipose l’union d’une nature créée avec une personne incréée. Ars magna, Mayence,

UICT. DE THÉOL. CATHOL.

1721, demonst. viii. On se rend facilement compte que cette conclusion n’est que la suite logique du caractère rationnel que Lull accordait aux dogmes. Voir plus haut, col 1455, CLVasquez, /n /// » °> Sum. S. Thumæ, disp. I, c. ii ; De Lugo, De incarnatione, disp. II, sect. i. Au xvii" ; siècle, Malebranche ressuscite la thèse de l’optimisme. Dans son désir de se débarrasser de ce qu’il appelle les volontés occasionnelles de Dieu, il déclare que la création forme dans un certain sens, un tout indivisible avec le Verbe incarné. Entretiens sur la métaphysique et la religion, ent. ix, n. 5 sq. ; Traité de la nature et de la grâce, diss. I, a. 2, 3. Fénelon, Ré/ulation du système de Mulebranclie, c. i, montre bien comment la nécessité de l’incarnation, chez Malebranche. se rattache à son système général de l’optimisme par la théorie de la simplicité des voies et des volontés générales : (1 Qu’est-ce donc que cette simplicité des voies ? Dieu, connaissant toutes les manières de faire son ouvrage, choisira celle qui lui coûtera le moins de volontés particulières, celle où il voit que les volontés générales sont le plus fécondes. Il aurait pu, par une volonté particulière, empêcher que la pluie ne tombât inutilement sur la mer ; mais il est plus parfait à Dieu de s’épargner des volontés particulières que d’ajouter cette perfection à son ouvrage. Mais pour que l’ouvrage de Dieu ait un caractère de perfection infinie, l’auteur joint au principe de la simplicité des voies un second principe : c’est que le monde serait un ouvrage indigne de Dieu si Jésus-Christ n’entrait dans le dessein de la création. Dieu n’a pu créer le monde qu’en vue de l’incarnation du Verbe. Quand même l’homme n’eût jamais péché, la naissance de Jésus-Christ eût été d’une nécessité absolue. » Bien que rejetant le mot de nécessité métaplujsique, pour n’accepter dans l’acte de Dieu qu’une nécessite morale, Théodicéc, essais sur la bonté de Dieu, n. 282, Leibniz est, au fond, d’accord avec Malebranche. De sa théorie générale de l’optimisme découle la nécessité de l’incarnation : « Il y a une infinité de mondes possibles, dont // faut que Dieu ait choisi le meilleur, puisqu’il ne fait rien sans agir suivant la suprême raison… Tout est lié dans chacun des mondes possibles ; l’univers, quel qu’il puisse être, est tout d’une pièce, ., de sorte que Dieu y a tout réglé par avance une fois pour toutes, .. et chaque chose a contribué idéalement avant son existence, à la résolution qui a été prise sur l’existence de toutes choses. » Ibid., n. 8, 9. Cf. Schætzler, Dos Dogma » on der Menschiuerdung, }). 284 sq. — c) Comme une nécessité morale proprement dite : et telle est la doctrine de Rosinini, prop. 18, condamnée par le saint-ofiicc, 14 décembre 1887 : « L’amour par lequel Dieu s’aime dans les créatures, et qui est la raison pour laquelle il se détermine à créer, constitue une nécessité morale, qui, dans l’être parfait, produit toujours son effet. » Denzinger-Bannwart, n. 1908. — d) Comme une nécessité morale, au sens large : Datur in Deo inclinât io, seu moralis nécessitas ad optimum, adeoque ad incarnationem ponendam. Nécessitas liœc est potius metaphorica : cum non imbibai diljicullalem in oppositum ; sed soluni jundet judicium prudens de optimo ponendo, et impriidentissimum ac inopinubile de eo non ponendo. Viva, S. J., De incarnatione, disp. I, q. ii, a. 2. A la même opinion se rattachent Didace Ruiz, S. J., De voluntate Dei, disp. IX ; Granados, S. J., De voluntede Dei, disp. III ; Maurus, S..1., De Deo, disp. LI, etc.

Ces doctrines, qui supposent comme fondement la thèse de l’optimisme absolu ou relatif, sont à rejeter tout au moins comme théologiquement fausses (sauf peut-être la dernière opinion, à cause de la restriction apportée : cum non imbibai diljicullalem in oppositum).

VII.

47 ( ;

a) parce iiiK' ropUmisme est une doclrine, sinon forinellenient liérélique, tout au moins erronée, restreignant arbitrairement l’indépendance absolue et la parfaite liberté de Dieu, voir Création, col. 2146 sq. ; b) parce que ces doctrines méconnaissent la nature de la bonté divine qui, en af^issant ad extra, n’est pas obligée de manifester sa perfection, mais seulement s’il lui plaît, de la manière et dans le degré où il lui plaît, cf. rJilluarl, /Je incarnulinne, diss. III, a. 2, § 1 : « pour que l’iiilini ait une raison suffisante d’agir, pas n’est besoin qu’il se donne infiniment au dehors ou qu’il produise à l’infini ; c’est assez qu’il s’affirme l’infini par la manière dont il agit : et cette prtuve éclate dans la création de l’être le plus chélif, parce que la distance infinie du néant à l’être ne peut être franchie que -par une vertu infinie, » Hugon, op. cit., p. 05-66 ; cf. S. Thomas, Siim. theoL, 1o, q. xlv, a. 5, ad 3o"', et le commentaire de Cajétan ; c) parce que la nécessité pour Dieu de réaliser l’incarnation connne complément nécessaire du monde le meilleur possible ne tend à rien moins c|u’à enlever au surnaturel sa gratuité : doctrine maintes fois condamnée, spécialement chez Baius, voir ce mot ; d) parce que la sainte Écriture nous rappelle que le salut des hommes, dont l’incarnation a fourni le moyen, est un elïet de la pure complaisance de Dieu, Rom., IX, 1.5 sq. ; cf. Sap.. xvi, 11 ; l’incarnation ellemême étant représentée comme un témoignage d’amour et de miséricorde, Joa., iii, 16 ; Rom., v, 8 ; cf. III, 23 ; Eph., ii, 4 ; Tit., ii, Il sq. ; ce qui ne serait pas vrai, si Dieu était comme nécessité à la réaliser. Cf. Antoine Guterriezde la Sal, S. J., De incarnatione, disp. II ; De Lugo, De incanuilione, disp. ii, sect. ii ; cf. sect. iii, iv, v.

2. Nulle necessilé absolue de l’incarnalion, même conaéquemment au péché. — I, e mot absolue exclut ici l’hypothès d’une réparation. Dieu, en elïet, n’était en rien obligé, pas même par manière de décence, de réparer la chute du genre humain. Dieu pouvait simplement priver les hommes de béatitude, ne leur faisant en cela aucune injure, aucune injustice. Du côté de Dieu, nulle inconvenance à laisser son œuvre ainsi inachevée, puisque cette imperfection de l’œuvre divine proviendrait de la malice des hommes, non de l’impuissance de Dieu. Suarez, De incarnatione, disp. IV, sect. i, n. 1. D’ailleurs, rejetés, ensuite de leur faute, du bonheur surnaturel, les hommes auraient sans doute été conduits par la divine providence vers le bonheur naturel. Cf. Suarez, De f/ralia, proleg. IV, c. IX, n. 12 ; van Noort, Traclatus de Dec re emptore, n. 3. On objecte toutefois, contre cette doctrine sévère, mais exacte, l’autorité de saint Athanase, 73e incarnatione, n. G, P. G., t. xxv, col. 108 : « Il était indigne de la divine bonté, … souverainement indécent, que l’œuvre de Dieu soit détruite, etc. » Entendons ces termes, comme on l’a dit plus haut, d’une souveraine convenance, mais dont le contraire n’implique aucune inconvenance. Voir col. 1 163. L’autorité de saint Anselme est plus discutée. Dans le Cur Deus homo, t. I, c. iv ; t. II, c. IV, VI, XXI, P. L., t. cLViii, col. 365, 402, 403, 430, il semble supposer en Dieu, l’hypothèse du péché de l’honmie étant admise, une véritable nécessité de l’incarnation. Cf. a siclmk (Saint), t. i, col. 13381339 ; 1340. Quelques auteurs pensent que non seuKinent l’expression, mais la pensée est défectueuse chez Anselme. Petau, op. cit., I. il, c. xiii, n. 5 : Stentrup, De Vcrbo incarnato, part. III, Soteriologia, t. iii, IV ; Zeilschrifl fUr kcitlvvische 'I tieologie, 1892, p. 653 sq. D’autres ont voulu l’interpréter en bonne part, comme on le fait pour saint Athanase. Diirholt, Die Leitre uon dtr (icnnqluanij Christi, Paderborn, 1891, i).201 ; sq. Cf. S.Bonaventurc, In IV Sent., ], lll,

disl. XX, a. 2. (|. i : Alexandre de Haies, Summa, . part, iii, q. i, m. iii, a. 4 ; Billuart, loc. cil. On trouvera les textes incrinùnés et leur discussion dansJanssens, De Deo Domine, t. i, p. 40 sq. Voici la conclusion de l’éminent bénédictin : « En examinant de prés tout l’argument de l’ouvrage, la doctrine de saint Anselme paraît pouvoir se ramener aux trois chefs suivants : a) Dieu a créé les hommes dans le dessein de leur donner les places laissées vides par les démons. Or, la volonté de Dieu est innnuable ; l’homme se doit donc de remplir ces places. iMais par le péché il a été rendu incapable d’atteindre cette fin. La réparation s’impose donc comme nécessaire. 6) 11 répugne toutefois à la justice divine cjue la réparation de l’homme pécheur se fasse sans que la dette contractée par le péché soit payée ; mais cette detteest infinie. Donc, pour la réparation de l’homme, il faut que l’honnue paie une dette infinie, c) Mais pour payer une telle dette, il faut un homme et un hommecapable de donner l’infini. Or, de payer ce prix. Dieu seul est capable. Il est donc nécessaire que ce soit un Homme-Dieu qui paie le prix de la réparation, se substituant à l’honmie pur, et, par son immolation, , portant la peine qu’avait mérité cet homme. Sur ces trois chefs, auxquels se rattache la doctrine du Cur Deus Itomo, voici le jugement que nous croyons devoir porter. Le premier point est irrépréhensible, , sauf peut-être que le fondement sur lequel il repose paraîtra assez fragile à plus d’un. Sur le deuxième point, à la condition de l’entendre comme souverainement convenable, la « nécessité » d’une réparation ne renferme rien que de parfait. Mais nous pensons qu’ici saint Anselme a dépassé la limite du langage permis en parlant de nécessité stricte. Enfin, sur le troisième point, il faut distinguer le mode de réparation et les modalités de ce mode. En admettant le second point, à savoir que, d’après les décrets de Dieu, la réparation était de souveraine convenance, il s’ensuit que le mode de réparation par l’incarnation est nécessaire ; mais les modalités de ce mode, la passion, la mort ne le sont pas. La conclusion de saint Anselme, parlant ici de vraie nécessité, est encore excessive. » — On apporte également l’autorité de Richard de Saint-Victor, Liber de Verbo incarnato, c. viii, P. L., t. cxcvi, col. 1002 ; cf. Janssens, op. cit., p. 42 ; mais il semble que ce soit à tort. Cet auteur parle de la nécessité de l’incarnation pour offrir à Dieu une pleine réparation. Cf. Stentrup, loc. cit., p. 33.

3. Nulle nécessité de l’incarnation meme relativement à la réparation du genre humain déclui.

« On dit de deux façons qu’une chose est nécessaire :

a) ce sans quoi une chose ne peut exister ; la nourriture est nécessaire à la conservation de la vie humaine :

b) le moyen par lequel on parvient mieux et plus convenablement à une fin : un cheval est nécessaire c’est-à-dire très utile à la course. Il n’a pas été nécessaire de la première manière que Dieu s’incarnât pour la réparation de la nature humaine, car Dieu pouvait par sa vertu toute-puissante réparer cette nature d’une multitude d’autres manières ; mais il a (ilé nécessaire de la seconde manière ( c’est-à-dire très convenable) que Dieu s’incarnât pour la réparation du genre humain. » S. Thomas. Sum. theol., III^, q. I, a. 2. Dieu est au-dessus de tout ordre ; le péché n’existe que parce qu’il contredit l’ordre au bien souverain qu’il est lui-même ; il ne fait injure à personne en remettant ce péché sans réparation. Cf. q. XLVi, a. 2, ad 3'"". Tant de manières s’offrent à Dieu, en dehors de l’incarnation, pour remettre les péchés des hommes ; tout d’abord la rémission pure et simple sans exiger du pécheur aucune pénitence ni rétractation, dans l’opinion d’ailleurs improbable

de Suarcz, De pœnitentia, disp. IX, sect. ii ; ensuite, et ceci très certainement, la vertu de pénitence, dont l’acte rectifie la volonté du pécheur par rapport à Dieu ; enfin, une satisfaction olîerte par une simple créature, satisfaction insuffisante en soi, au point de vue de la justice parfaite, mais dont Dieu peut se contenter. Chr. Pesch, op. cit., n. 361 ; Stentrup, op. cit.. th. IV, p. 53-57. Cette réparation aurait dû être appelée plutôt libération que rédemption. S. Thomas, In IV Sent., t. III, dist. XX, a. 4, sol. 1. Cette thèse, communément admise par les théologiens, repose sur l’accord des Pères et des docteurs. S. Athanase, Contra arianos, serm. ii, n. 68, P. G., t. XXVI, col. 291 ; S. Cyrille d’Alexandrie, De incarnatione Domini, c. xviii, P. G., t. lxxv, col. 1447 ; S. Augustin, De agone ctirisiiano, c. xi, n. 12, P. L., t. XL, col. 297 ; S. Léon le Grand, Serm., xxii, de Nativitate Domini, ii, P. L., t. liv, col. 195 ; S. Grégoire le Grand, Moralia, t. XX, c. xxvi, P. L., t. Lxxvi, col. 170 ; S. Bernard. EpisL, cxc, ad Innocenlium II, c. VI, n. 16, P. L., t. clxxxii, col. 1066, cf. Petau, De incarnatione, t. II, c. xiii, n. 6 sq. On trouve cependant parmi les œuvres des Pères certaines expressions exagérées, par lesquelles la très grande convenance de l’incarnation semble représentée comme une nécessité Petau, op. cit., t. II, c. xii, n. 4 sq., cite des textes de saint Irénée, de saint Augustin, de saint Fulgence, de saint Léon, de saint Athanase, de saint Cyrille d’Alexandrie, etc. Mais ainsi qu’on l’a déjà dit, la pensée des Pères est claire : il ne s’agit que d’une extrême convenance, n’impliquant cependant pas l’inconvenance du contraire ; ou bien il s’agit d’une réparation selon les exigences de la justice parfaite. Voir Petau, loc. cit. ; Stentrup, op. cit., th. IV, p. 50-53. Quant aux grands théologiens du moyen âge, leur unanimité sur ce point est complète : S. Thomas d’Aquin, loc. cit. ; le Maître des Sentences, t. III, dist. XX, c. i, et tous ses commentateurs, S. Bonavenlure, Duns Scot, Durand de Saint-Pourçain, Pierre de la Palu, Ciabriel Biel, etc. ; Guillaume d’Auxerre, Sumnui, t. III, tr. III, c. viii ; Guillaume de Paris, Cur Deus homo, c. vu ; Hugues de Saint-Victor, De sacramentis, t. I, part. VIII, c. x. De telle sorte que cette doctrine doit être dite « commune et tellement certaine, qu’elle ne peut être niée sans témérité et dommage pour la foi. » Suarez, disp. IV, scct. ii, n. 3. Gotti la présuppose démontrée et acceptée de tous avant toute discussion. De incarnatione, t. III, dist. iii, q. i. Quelques voix cependant font exception dans ce concert quasi-unanime. Au xviii’e siècle, afin de mieux combattre l’erreur sociifienne, voir Satisfaction, Tournély, De incarnatione, q. IV, concl. 4, q. v, a. 1, estime que si Dieu, de puissance absolue, peut réparer le genre humain sans l’incarnation, h » réparation par l’incarnation s’impose cependant selon les exigences de la justice et de la sainteté divines. Voir la discussion de l’opinion de Tournély, dans Billuart, op. cit., diss. III, a. 2, § 1 ; dans Stentrup, op. cit., th. iv, p. 46-47. Au xix’e siècle, cette opinion est reprise par quelques théologiens allemands, Liebermann, Institniiones theolofiicir, t. iii, t. I, c. iii, a. 3, § 5 ; Dieringer, Lelirbnch der l<alholischen Dogmatik, cité par Kleulgen, Ttieologie der Vorzeit, t. iii, p. 77, dans l’appendice. In meiner liechljerligung. Une opinion similaire, mais plus grave sous le rapport de la liberté divine qu’elle supprime, a été émise par Hermès et Giinther. Partant de principes erronés louchant la libre élection de Dieu et sa justice, voir Création, t. iii, col. 2096, ces théologiens nient que Dieu ail été libre dans l’accomplissement de la rédemption. Selon Giinther, Dieu n’a pu vouloir la propagation de la race humaine après le péché d’Adam, qu’en décidant

en même temps sa rédemption par Jésus-Christ. Vorschule zur speculatioen Théologie des positiven Christentliums. t. ii, p. 343 ; Der letze Symboliker, p. 106. Voir Kleulgen, op. cit., t. iii, n. 293.

2 » Nécessité de l’incarnation pour une réparation de condignilé. — Si Dieu était libre de renoncer à son droit d’exiger une réparation équivalente à l’injure commise, il lui était cependant loisible d’exiger cette réparation. C’est dans cette hypothèse, et dans cette hypothèse seulement, qu’on affirme la nécessité de l’incarnalion, dont, par ailleurs, la convenance, même par rapport à la nature pécheresse, a été démontrée plus haut, voir col. 1469. — a) Position du problème. — Sur la notion de condignilé, voir CoNDiGNO (De), t. iii, col. 1145. Pour que la satisfaction soit parfaite, c’est-à-dire adéquate à l’injure commise, il faut qu’elle offre à l’offensé une réparation équivalente à la gravité de l’offense. Si la réparation n’est suffisante que parce que l’offensé veut bien s’en contenter, elle doit être dite imparfaitement suffisante. S. Thomas. Sum. theol., III*, q. i, a. 2, ad 211"i. Nous partons de cette hypothèse que Dieu, dans l’ordre présent, a exigé de l’homme une réparation parfaitement suffisante, c’est-à-dire équivalente à l’injure commise. Et c’est dans cette hypothèse que l’on affirme la nécessité de l’incarnation. Toutefois, la question de la nécessité de l’incarnation dans l’hypothèse d’une réparation de condignité offre deux aspects distincts que certains théologiens ne distinguent pas suffisamment, l’un concernant l’étal de choses présent, dans lequel Dieu demande à l’homme, tel qu’il existe, une réparation de condignité ; l’autre, concernant un état de choses possible, où Dieu demanderait à un homme, créé par lui en dehors de notre humanité souillée, et élevé à un degré éminent de grâce, la réparation qu’il est en droit d’exiger. Le premier aspect du problème amène une réponse que personne n’est en droit de contester, la nécessité d’un homme-Dieu pour réparer la faute des autres hommes. Le second aspect engendre la discussion, toute scolastique, de la possibilité de la réparation de condignité par une simple créature. Il faut, disonsnous, se garder de confondre ces deux aspects de la question, afin d’éviter deux excès : faire dire aux Pères de l’Éghse ce qu’ils n’ont jamais entendu affirmer ; jeter sur luie école catholique, dont l’opinion peut et doit être discutée, mais non condamnée, une suspicion injuste et mal fondée. — b) La réponse Il wo logique ment certaine de la tradition, et au sujet de laquelle il n’y a pas et il ne peut exister de divergences parmi les théologiens, c’est que parmi les hommes, descendants d'.dam, personne ne pouvait olîrir à Dieu une réparation équivalente à l’ollense connnise. Il est, en effet, trop clair, qu’un pécheur, privé à quekiue titre que ce soit, péché originel ou péché actuel, de la grâce sanctifiante, est dans l’impossibilité absolue d’offrir à Dieu une réparation parfaitement suffisante, soit pour lui-même, soit, à plus forte raison, pour les autres. La faute qui souille son âme est un obstacle à tout mérite de condignité. Voir CoNDiGNO (De), t. III, col. 1 149. Dans cette hypothèse, le purus lu)mo, dont il est fait mention dans la Somme théologique, 111% q. i, a. 2, ad 2>" ». est bien, comme l’indique Cajétan dans son commentaire, l’homme destitué de la grâce et réduit à sa faiblesse. Ji ; t, dans cette hypothèse, les Pères affirment la nécessité de l’incarnation. Cf. S. Basile, In ps. XLViii, n. 3, 4, P. G., t. XXIX, col. 438, 439 ; S. Athanase, Contra arianos, orat. II, n. 77 ; iii, n. 39, P. G., t. xxvi, col. 309, 408 ; S. Cyrille d’Alexandrie, Epist., l. Ad Valerianum, P. G., t. lxxvii, col. 263 ; S. Augustin, Confessiones, t. X, c. XLii, n. G7, P. L., t. xxxii, col. 807 sq. ; Enchiridion, c. cviii, P. L., t. xl. col. 282 ; cf. //) Joann s

Evangelium, tr. CXX, n. 2, P. L., t. xxxv, col. 1953 ; De Trinilate, t. IV, c. xv, n. 20, P. L., t. xui, col. 901 sq. ; S. Léon le Grand, Serm., xxi, xxiv, xxv, de Nalivitale Domini, c. ii ; iv, c. ii ; v, c. v, P. L., t. liv, col. 192, 205, 211 ; S. Fulgence, Episf., xvii, c. iv, n. 9, P. L., t. lxv, col. 457 ; S. Grégoire le Grand, Moralia, t. XXII, c. xvii, n. 42, P. L., t. lxxvi, col. 237. Voir d’autres textes dans Suarez, De incarnalione, disp. IV, scct. ii, n. 5 ; Vasquez, ibid., disp. IV, c. m ; Thomassin, De incarnutione, t. IX, c. i-ii, vu et IX. Les théologiens sont unanimes à suivre les Pères et, dans l’école scotiste elle-même, tous reconnaissent la nécessité de l’incarnation à ce point de vue. Cf. Frassen, Scotus academiciis, De incarnatione, Ir. I, disp. I, a. 1, sect. iii, q. ii, concl. 1. A ce point de vue, la nécessité de l’incarnation est une vérité logiquement déduite de la définition du concile de Trente, sess. V, n. 3, Denzinger-Bannwart, n. 790 ; elle semble impliquée dans Act., iv, 12. — c) La discussion libre, toute spéculative, porte sur la possibilité pour une simple créature, aussi élevée en grâce qu’on la suppose, — et ici l’homo purus doit être compris par exclusion, non de la grâce, mais de la seule divinité, cf. Billuart, loc. cil., § 2. — d’olTrir à Dieu une réparation de condignilé. Deux écoles se partagent les docteurs catholiques. La première, composée de théologiens de l’école scotiste, accepte cette possibilité. La seconde, plus nombreuse, ralliant les suffrages de la presque totalité des théologiens des autres écoles, résout la question par la négative. On ne peut entrer ici dans la discussion de tous les points touchés par cette controverse, qui se rapporte plus au problème du péché, voir ce mot, qu’à celui de l’incarnation. Voir sur cette controverse, Jean de Saint-Thomas, Cursus theologicus. In III^'^ parlem Sumniæ S. Thomx, q. i, disp. I ; De Lugo, De incarnatione, disp. V ; Vasquez, In Ill^m part. Sum. theol. S. Thomæ, disp. II, IV ; Gonet, Clypeus, De incarnatione, disp. IV, a. 1 ; Billuart, De incarnatione, diss. III, a. 2 ; Salmanticenses, De incarnatione, q. i, disp. I, dub. i-v ; Ysambert, De myslerio incarnationis, q. i, disp. IV ; Th. Raynaud, Christus Deus Homo, t. III, sect. i, c. m ; Scot, In IV Sent., t. III, dist. XX, n. 9 ; Mastrius, De incarnatione, disp. IV, q. v ; Frassen, op. cit., q. ii, etc. — a. La position de Scot et de ceux qui le suivent (Richard de Middletown, Auriol, Durand de Saint-Pourçain, Pierre de la Palu, Véga, etc.) suppose, on l’a spécifié, une réparation offerte par une créature totalement exempte de notre souillure et ornée de la grâce. Il n’est donc pas tout à fait exact de prétendre que les scotistes, même dans l’hypothèse d’une réparation de condignité, affirment que l’incarnation n’est pas nécessaire, parce que le péché, n’étant pas infini dans sa malice, peut être réparé par une simple créature. Tanquerey, Synopsis theologise dogmaliæ Paris, 1901, t. I, p. 521. Les scotistes, en effet, affirment la possibilité d’une réparation de condignité offerte par une simple créature, mais simplement de potentia absoluta Dei et secundum cxlraordinariam ejus dispositionem. Cf. Frassen, op. cit., q. ii, concl. 2^. L’exemple d’Adam, pouvant réparer d’une façon sufiisanle sa faute par un acte de charité dont l’ardeur eût dépassé la malice de son péché, acte d’amour procédant d’une grâce spéciale de Dieu, cf. Scot, loc. cit., n. 6 (cité par Pesch, dans le même sens que Tanquerey), n’est qu’une réponse à l’argument de saint Anselme, relativement à la nécessité de l’incarnation pour réparer une faute mortelle. Mais cet exemple ne fonde pas la thèse générale. Scot lui-même note au contraire que pour réparer pour autrui, il faudrait que l’honmie choisi pour cette réparation, homo purus, non uni à la divinité, soit conçu sans péché, et rempli de toute la grâce nécessaire pour mériter aux autres la rémission des péchés et la

béatitude. Il y a donc, sur ce point, dans la pensée scotiste une nuance qu’on ne saurait méconnaître sans injustice, et qui a été bien mise en relief par le cardinal Billot, De Verbo incarnate, p. 26. De plus, s’il est vrai d’affirmer que les scotistes ne considèrent pas le péché comme formellement et intrinsèquement infini dans sa malice ou dans l’offense qu’il fait à Dieu, il faut reconnaître que cette façon de voir ne leur est pas particulière : ils admettent une certaine infinité, toute extrinsèque et objective, par rapport à la majesté divine, mais qui ne s’oppose pas à la réparation possible par une simple créature. Scot, In IV Sent., 1. I', dist. XIX, a. 2, q. i ; cf. Duns Scot, t. iii, col. 18941895. C’est donc précisément sur ce point spécial que doit porter la controverse : impossibilité radicale pour une simple créature, si parfaite qu’on la suppose, de réparer d’une façon équivalente les injures faites à Dieu par les péchés de tous les hommes. Bien que cette controverse se rapporte plus particulièrement à la question du péché, voir ce mot, nous en tracerons ici les grandes lignes, en tant qu’elle touche au problème de la nécessité de l’incarnation. — b. Texte fondamental de saint Thomas. — « Une satisfaction de condignité devait avoir une vertu infinie, car le péché pour lequel elle était offerte, possède une certaine (quamdam) infinité, et cela sous trois rapports ; a. en raison de l’infinie majesté de Dieu, qui avait été offensé par le mépris de la désobéissance : plus élevé en dignité est l’offensé et plus grande est l’olîense ; p. en raison du bien que détruit le péché, bien infini, puisque c’est Dieu lui-même, dont la possession rendra les hommes bienheureux ; yen raison de la nature humaine corrompue par le péché, puisque cette nature atteint l’infinité en se multipliant à l’infini. » Cf. Cont. génies, t. IV, c. liv ; Sum. theol., 111% q.i, a. 2, ad 2'™ ; De veritate, q. xicviii, a. 2 ; Compendium theologiæ, c. cxcix, ce. — c. La critique scotiste entend ne laisser subsister aucun de ces trois arguments. L’infinie majesté de Dieu ne rend pas le péché infini en lui-même, autrement il faudrait accorder que la vision béatifique est un bien infini ; or, la possession du bien infini est une possession finie ; de plus, la multiplication à l’infini de la nature humaine réclame simplement, de la part du rédempteur, une grâce multipliée, quant à son intensité, dans la même proportion. En réalité, la nécessité de l’incarnation, sur laquelle il n’y a pas de désaccord entre théologiens, si on la considère simplement par rapport à l’ordre présent, provient du libre décret de Dieu ; Scot, In IV Sent., t. III, dist. XX, n. 12. Cf. Frassen, qui adoucit notablement la doctrine de Scot. loc. cit., concl. 1. — d. Parmi les théologiens de l’école adverse, celui qui se rapproche le plus de Scot, et semble en admettre tous les principes, sans en accepter cependant la conclusion, est Vasquez. InlII^'" part. Sum. theol. S. Thomæ, disp. II, c. i-v. Dans le péché grave, aucune offense ou malice infinie, c. ii, n. 8 ; aucune injustice proprement dite, infligée aux droits de Dieu qui demeurent intacts, n. 12. On ne peut pas même dire que l’infinie dignité de Dieu empêche la réparation de condignité, c. m. La seule raison sérieuse, c’est que le péché, soit originel, soit actuel, prive l’homme, non seulement de la grâce sanctifiante et de la vision béatifique qui en est la suite, mais encore de tout droit à la grâce excitante et adjuvante, qui lui serait nécessaire pour retrouver l’amitié de Dieu, c. v, n. 52. Quant à l’hypothèse d’une pure créature, élevée par Dieu à tel degré de grâce que l’on voudra, et destinée à offrir à Dieu une réparation pour les péchés des hommes, Vasquez estime, disp. IV, c. v, que la grâce d’adoption, la seule que posséderait cette pure créature, ne peut être la source que d’un mérite personnel de condignité et qu’aucun pacte divin, aucun intensité particufière accordée à la grâce ne sauraient changer cet état de choses, n. 43-50. — e. La position de Vasquez est attaquée par presque tous les théologiens, et surtout par les thomistes. Ceux-ci s’efforcent d’expliquer l’expression qiiamdam infinitatem de saint Thomas, et même, de l’aveu de Jean de Saint-Thomas, Cursus theologicus, In III'^'^ pari. Summa' S. Thomæ, q. I, disp. I, a. 2, n. 30, c’est là le point fondamental à élucider. En général, les thomistes s’ufforcent de démontrer qu’au moins sous un aspect, il s’agit d’une infinité proprement dite, infinilas simpUcitcr, et non d’une infinité purement objective ou extrinsèque, comme le voudrait l’école scotiste. Les thomistes, partisans d’une opinion extrême, soutiennent que, si physiquement le péché est fini dans les privations ou les peines qu’il entraîne, moralement, dans l’offense de Dieu, la malice qu’il comporte, il doit être dit purement et simplement infini. Gonet, Clypeus, De moralilate acluum humanorum, disp. IX, a. 1 ; De incarnalione, disp. IV, a. 1. D’autres, analysant d’une façon plus complète les éléments moraux qui constituent le péché, concèdent que, sous le rapport de la malice et du démérite, le péché ne doit pas être réputé infini, mais que l’infinité ne lui convient que sous le rapport de l’offense de Dieu. On trouvera dans les Salmanticences le meilleur et le plus parfait exposé de la controverse, avec l’indication des textes de saint Thomas sur lesquels chaque opinion prétend s’appuyer. De incanialionc, disp. I, dub. i, § 1 ; dub. ii, iii, iv, v ; cf. tr. XIII, disp. VII, dub. ii, n. 24 sq. ; disp. XVII, dub. IV, n. Il sq. On se reportera aussi à ces différents traités des théologiens de Salamanque pour les noms et les références des auteurs cités en faveur de chaque opinion. Voir Péché. Quelques auteurs, plus modérés, tout en inclinant vers l’opinion qui considère le péché comme infini, en tant qu’offense de Dieu, admettent cependant que, relativement à la nécessité de l’incarnation, cette opinion ne s’impose pas. Jean de SaintThomas, loc. cit., n. 39 sq. ; Billuart, loc. cit., § 2. Et par là, on donne droit de cité, même pour iiilcrpréter la pensée de saint Thomas, à l’opinion moyenne, qui prétend que, sous aucun rapport, le péché ne doit être dit infini. — LC’est l’opinion de Suarez, de De Lugo, auxquels on peut joindre, dans la famille dominicaine, D. Soto : Suarez, De incarnalione, disp. IV, sect. vu ; n. 19 ; De Lugo, De incarnatione, disp. V, sect.ui ; D.Soto, In IV Seul., t. IV, dist.XIX, q.i, a.2, ad 1o'" ; De iiatura et gralia, c. vi, concl. 3o. Ces auteurs tout en maintenant la conclusion communément admise, n’en reconnaissent pas d’autre raison valable, que le manque de proportion qui existera toujours entre l’offense faite à Dieu et la réparation olTerte par une simple créature. L’offense, en effet, s’estime en fonction de la dignité de la personne offensée : elle est donc d’autant plus grave que la personne offensée est plus digne. La réparation, au contraire, s’estime en fonction de la dignité de celui qui répare. Et ainsi, jamais une réparation oITerte à Dieu pour le péché par une simple créature ne sera équivalente à l’olïense faite à la divine majesté, car l’offensé. Dieu, sera toujours d’une dignité supérieure à la créature, si parfaite soit-elle, qui veut réparer. Cette solution moyenne, qui semble s’accorder avec les principes et la lettre même de saint Thomas, présente le grand avantage de dégager la doctrine de la nécessité de l’incarnation d’opinions discutées et simplement probables. Voir l’exposé de cette opinion dans Billot, op. cit., th. ii, § 2. Nonobstant cette théorie, il reste vrai que par rapport à la gloire de Dieu, un seul acte de charité parfaite cause plus de gloire que mille péchés et plus n’apportent de diminution à cette gloire. Ou plutôt, il n’y a pas de comparaison possible ; en réalité, le péché ne diminue pas la gloire divine ; l’acte de charité l’augmente. Ibid., p. 29, note.

30 Cette question de la nécessité de l’incarnation doit être dégagée de deux autres questions connexes que beaucoup de théologiens ont pris l’habitude de traiter simultanément : la question de la satisfaction surabondante du Christ ; la question de la satisfaction en rigueur de justice. Ces deux questions seront discutées à RÉDEMPTION. Ainsi précisé, le problème de la nécessité de l’incarnation se trouve dégagé de considérations superflues et l’ordre suivi par saint Thomas dans la Somme est pleinement justifié.

S. Thomas, Sum. theol., III", q. i. a. 2 ; Conl. génies, t. IV, c. Liii-Lv, et les commentateurs ; Pierre Lombard, Sent., t. III, dist. I, XX, et les commentateurs, spécialement les grands théologiens cités au cours de l’article ; Petau, De incarnalione, t. II, c. xii-xiv ; ïhomassin. De incarnalione, t. IX, c. i, ii, vii, ix ; Legrand, op. cit., diss. V ; Tolet, op. cit., q. i, a. 2. Parmi les modernes, les auteurs des manuels théologiques, à la question de la convenance et de la nécessité de l’incamation, et, en plus, Heinrich, Dogmalisclie Théologie, Mayence, 1896, t. vi, § 325-329 ; Scheeben, La dogmalique, trad. franc., Paris, 1882, t. iv, § 296-208 ; Schætzler, Das Dogma von der Menscbwerdung, Fribourg-en-Brisgau, 1875, § 2'.)-32 ; Monsabré, Exposition du dogme cattiolique, 25= conférence, notes.

V. Cause finale.

1o Position du problème.

1. Il ne s’agit pas ici de donner une raison de la volonté divine. La volonté divine n’est mue par aucune cause extérieure à elle-même. Voir Création, t. iii, col. 2166. Dans l’incarnation ce n’est pas pour un motif tiré des créatures, c’est de lui-même, par un dessein gratuit, que Dieu se décide à décréter la venue du Verbe dans la chair. En ce sens, la raison primordiale de l’incarnation, ce n’est ni la chute de l’homme, ni aucune autre raison tirée des contingences humaines, c’est l’unique bon plaisir de Dieu. Mais, en agissant ainsi par un libre dessein de sa volonté. Dieu se propose toujours une fin digne de lui, manifestation de sa bonté, accroissement de sa gloire. Et c’est sur ce point précis que se pose la question de la cause finale de i’incarnation.

2. Tous les théologiens sont d’accord pour reconnaître que Dieu, en produisant l’incarnation, a pu se proposer différentes fins. La sainte Écriture l’indique formellement ; c’est la gloire divine qu’il fallait manifester, Joa., xvii, 4 ; cf. i, 14 ; l’instruction des hommes que devait parfaire l’enseignement du Christ, xviii, 37 ; l’exemple du Messie que le monde devait recueillir, iii, 14. Les théologiens n’ont pas méconnu ces fins diverses : les convenances de l’incarnation, voir ci-dessus, les impliquent. Saint Thomas les résume sous plusieurs chefs : retrait de l’homme des soucis matériels, pour l’attirer vers Dieu ; démonstration de la dignité de la nature humaine ; manifestation de l’immensité de l’amour de Dieu pour les hommes ; préparation et avant-goût de la bienheureuse union de la vision intuitive ; enfin, perfection et couronnement de l’œuvre universelle du créateur. Compendium theologiæ, c. cci. Parmi toutes les fins que Dieu semble s’être proposées dans l’incarnation du Verbe, il en est une sur laquelle l’Écriture insiste davantage, le salut des hommes et leur rédemption. I Tiin., i, 15 ; Joa., III, 14 sq. ; Gal., iv, 4 ; cf. Rom., viii, 3. Il s’agit de savoir si cette fin plus spécialement mentionnée n’est pas la fin principale, unique, qui conditionne l’existence des autres fins, de telle sorte que si l’homme n’avait pas péché, le Verbe ne se serait pas incarné.

3. Tous les théologiens concèdent pareillement que l’incarnation, même si l’homme n’avait pas péché, est non seulement possible, mais encore convenable, c’est-à-dire en réelle conformité avec les attributs divins, les propriétés du Verbe, les dispositions de la nature créée. Voir ci-dessus, col. 14(>3.

4. Tous les théologiens concèdent pareillement que, même dans l’hypothèse où le Verbe se serait fait chair sans que l’homme eût péché, il ne serait pas venu dans une

chair passible, sujet aux souffrances et à la mort qui soat le fruit du pccho. La question qui se pose est donc simplement relative à ce que les théologiens appellent la substance de l’incarnation et non à ses modaUtés. — 5. Il ne s’agit pas enfin de supposer ici un ordre de choses dilïcrent de l’ordre actuel quant au décret divin qui a réalisé l’incarnation ; il ne s’agit pas d’hypothèse, mais bien de l’ordre présent de la Providence. Et l’on demande si, en vertu du décret que Dieu a formulé en vue de l’ordre actuel, l’incarnation se serait ré : Uisée, uiéine au cas où l’honune n’aurait pas péché. En décidant l’incarnation du Verbe, Dieu » pouvait vouloir que sa gloire fût procurée par l’incarnation elle-même, indépendamment de toute condition, ou bien dépendamment d’une hypothèse qui lui permettrait de concilier et de glorifier à la fois sa miséricorde et sa justice, c’est-à-dire en vue de réparer la chute. Qu’il ait pu choisir l’un ou l’autre de ces deux plans, voilà qui est incontestable pour quiconque reconnaît la suprême indépendance de Dieu. Chacune des deux combinaisons présente de hautes convenances qui peuvent, non pas nécessairement, mais légitimement terminer le bon plaisir divin. Mais, si Dieu pouvait vouloir, qu’a-t-il voulu en fait, et en vertu du présent décret qui aboutit à l’incarnation ? Tout le problème est là… Voilà la vraie question à résoudre : en vertu du présent décret, l’incarnation est-elle subordonnée à la rédemption de telle sorte que le Verbe ne se serait pas incarné s’il n’y avait pas eu l’homme à racliettr ? » Hugon, Le mystère de l’incarnaiion, p. 79-80.

2o Le plan de l’incarnation dans la sainte Écriture.


Avant d’exposer les discussions d’écoles, il paraît convenable de i"echercher dans l’Écriture les indications qu’il a plu à l’Esprit Saint de nous communiquer relativement aux divins desseins dans l’incarnation du Verbe. Par là, nous poserons un fondement sérieux aux diverses argumentations des théologiens, sans nous engager prématurément dans les interprétations divergentes des systèmes.

1. Ancien Testament : les prophéties messianiques. — Dès les premières pages des Livres saints, tout aussitôt après la chute d’Adam et d’Eve, le Messie est annoncé et promis, comme celui qui viendra briser la tête du serpent. Gen., iii, 15. Qu’est-ce i dire, sinon que le péché, introduit dans le monde par le démon sera détruit par le fils de la femme ? Cette victoire du Messie sur le péché et les suites du péché doit être une des formes de ces bénédictions surabondantes promises à Abraham, Isaac et Jacob dans celui qui naîtra de leur race. Gen., xxii, 16 ; xxvi, î ; xxviii, 13. Dans les psaumes, se précise la forme de la victoire du Messie ; c’est parce qu’il sera l’homme des douleurs, dans une passion humiliante, que sa gloire et son règne se répandront sur tous les peuples de la terre. Cf. Ps. XXI ; lxviii ; lxxi, 5, 11, 17 ; cix ; lire le commentaire de Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, II » partie, c. iv. Bien plus, les sacrifices de la loi mosaïque ne plaisent pas par eux-mêmes au Seigneur ; le Messie se présentera donc et dira : Me voici, Ps. XXXIX, 7-8 ; cf. Heb., x, 5 ; me voici, conformément à ce qui est écrit de moi, pour faire votre volonté, c’està-dire oITrir le sacrifice agréable à Dieu. Cf. Bossuet, Élévations sur les mijstères, xiV semaine, 7<' élévation. Salomon célèbre, Prov. viii, 22 sq., la sagesse éternelle et personnelle se manifestant dans le monde. Voir le texte, Fii.s de Difu, t. v, col. 2368. Dans ce passage, il est question de la sagesse éteinelle, préexistante en Dieu avant toutes choses. Cf. Eccli, xxiv, 5, 14. Le sens objectif nous fait entrevoir une certaine fécondité intellectuelle de Dieu se terminant à cette sagesse, qui n’est pas une personnification poétique, mais une réalité que le texte nous permet de supposer person- |

nelle. L’idée d’une sagesse purement créée doit être écartée : le terme £>cTia£, dont se servirent les LXX et dont abusèrent tant les ariens, doit être compris selon le sens de l’hébreu, ' !  ::p, m’a formée. Nous n’insistons

pas sur le sens de peç, Prov., viii, 311, que la Vulgate, les LXX et le syriaque traduisent par artisan, ouvrier ; le sens passif, pes, enfant élevé ou chéri par Dieu, sens

qu’admettent à la suite d’Aquila, la plupart des modernes, paraît préférable ; la sagesse est ainsi représentée, non comme travaillant, mais comme se jouant dans la création. Au point de vue qui nous occupe, cette nuance est de peu d’iniportance : nous cherchons uniquement, en eûet, à savoir si la sagesse doit être ici entendue de la sagesse divine, éternelle sans doute, mais appartenant sous quelque rapport à l’ordre créé. La sagesse éterneUe devant s’entendre vraisemblablement d’une réalité personnelle, l’aspect sous lequel elle appartiendrait à l’ordre créé semblerait indiquer qu’il s’agit soit d’une participation de la sagesse divine manifestée dans la création du monde, cf. Bossuet, Sixième avertissement, lxxii, soit de la sagesse incarnée, c’est-àdire du mystère de l’incarnation, décrété de toute éternité et raison dernière d’être de toute la création. Le V. 31 semble confirmer cette interprétation. Cf. H. Lesètre, Le livre des Proverbes, dans La Sainte Bible, Paris, 1879, p. 9. Surla sagesse en général, voir Fils de Dibu, col. 2367 sq. ; sur le rôle de la Sagesse dans la création, voir Cré.ytion, t. iii, col. 2050. I^endant la période prophétique, bien des fois Dieu inspire aux prophètes l’annonce de quelque détail de la vie, de quelque attribut de la personne, de quelque trait de la physionomie du Messie futur ; mais c’est principalement chez Isaïe, qu’on trouve indiqué le but exprès de la venue sur la terre. Isaïe annonce le Messie, l’Emmanuel, vii, 14 ; il prédit notamment son empire universel, xvi, 5 ; xviii, 7 ; xxiv-xxvii ; le Messie sera la lumière des nations et le salut d’Israël, xLix. Mais c’est à la fin du c. lu et dans tout le c. lui que se trouve indiqué d’une façon plus expressive le motif de la venue de celui qui apporte aux nations le « salut de notre Dieu, » lii, 10. C’est par le sacrifice rédempteur, l, 5 ; par les tourments et la mort volontaire lu serviteur de Dieu, lui, que seront assurées la fondation de l’Église, la conversion des peuples et la victoire définitive du Christ, c. liv-lv, lxi, lxiii, Lxv-Lxvi. Le Messie mettra fin au péché. Dan., ix, 24 ; ôtera à la terre ses iniquités, Zach., iii, 9 ; réconciliera l’homme à Dieu, Is., Liii ; Mich. v, 5 ; Agg., ii, 10. Dans les derniers livres inspirés, nous trouverons, Sap., Il, 11-20, un tableau vivant des souffrances que doit endurer le Messie, symbolisé dans le Juste. Si donc, au moment où Jésus apparaît dans le monde, les Juifs n’acceptaient pas l’idée d’un Messie souffrant, c’est que le sens des prophéties avait été défiguré par une interprétation trop matérielle du royaume du Christ. Jésus se charge lui-même de rectifier la croyance de ses contemporains sur ce point. Matth., XVI, 21-22 ; Marc, viii, 31-33 ; Joa., xii, 34, 37-38 ; cf. Luc, xxiv, 20. Sur ce point, consulter Lagrange, Le messianisme chez les Juifs, Paris, 1908, p. 236-250 ; Schurer, Geschichle des iildischen Volkes, 3e édit., Leipzig, 1898-1901, t. ii, p. 554-557.

2. Les figures messianiques.

Adam est à l’Iiumanité déchue ce que Jésus est à l’humanité rachetée. De là, le Christ est appelé le nouvel Adam. I Cor., XV, 22, 45 ; cf. Rom., v, 14. Abel figure Jésus, par l’innocence de son sacrifice et par sa mort, due à la jalousie fraternelle. Heb., xii, 24. Noé sauve l’humanité pendant le déluge, comme Jésus la sauvera plus tard par la rédemption. Abraham, père des croyants, symbolise le Christ, chef de toux ceux qui vivent de la grâce. Melchisédech représente le sacerdoce de la

nouvelle loi. Heb., v, G, 10 ; vi, 20 ; vii, 1-17. Isaac, immolé par son père et portant le bois du sacrifice, Jac, II, 21 ; Joseph, livré par ses frères, emprisonné, méconnu, puis exalté et devenant le sauveur du peuple ; Moïse, libérateur, chef et législateur des Hébreux, sont bien des Tigures du Christ, l’our Moïse, la figure est plus marquée encore dans la part qu’il prend aux soulTrances de son peuple. Cf. Heb., xr, 26. Nouvelle image du sacerdoce du Christ dans le sacerdoce d’Aaron ; des soulTrances du Christ dans les épreuves de Job, de la royauté et des triomphes du Christ dans le règne et la gloire de David ; de la passion et de la résurrection du Christ dans l’épreuve de Jouas. Matth., xii, 39-41 ; Luc, xi, 29- ; }2. Parmi les choses figuratives, relatives au but de l’incarnation on doit relever l’agneau pascal, symbolisant non seulement l’eucharistie, mais encore la mort de Jésus sur la croix, Joa., xix, 36 ; Exod., xii, 46 ; le bouc émissaire, Is., Lin, 6, cf. Heb., xiii, 12, représentant Jésus, chargé des péchés des hommes ; l’échelle de Jacob, unissant le ciel à la terre, les sacrifices de la loi, qui tous furent des types variés de l’unique oblation de Jésus-Christ, Heb., x, 1-14. Cf. Jésus-Christ, dans le DicHonnaire de la Bible de jM. Vigouroux, t. iii, col. 1427-1429.

[i. Les sijnoptiques. — Dans le seul nom de Jésus se trouve résumé le programme du salut apporté au monde. Luc, i, 31 ; Matth., i, 21. Le nom de Josué, identique à celui de Jésus, cf. Eccli., xlvi, 1 ; I Mac, II, .").5, signifie sauveur. L’idée du salut des pécheurs se trouve exprimée à plusieurs reprises comme manifestant le but de la venue du Messie ; Jésus est venu appeler, non les justes, mais les pécheurs. Matth., IX, 13 ; Marc, ii, 17 ; Luc, v, 32 ; cf. Luc, xv en entier, et ii, 18-19. Bien plus, le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu, Luc, xix, 10 ; Matth., xviii, 11 ; il est venu donner sa vie pour le salut de tous, Marc, x, 45. C’est en qualité de sauveur <]ue Jésus est salué dans un accent prophétique par Zacharie, Luc, i, 08-79, par l’ange qui apparaît aux bergers, Luc, ii, 11. La royauté et les triomphes du Messie sont expliqués dans leur vrai sens : il s’agit du royaume de Dieu, c’est-à-dire de l’Église que le Christ vient établir sur terre, royaume tout spirituel, et dont rétablissement suppose la victoire de.Jésus sur le ^lémon et le péché, Luc., i, 32-33 ; iv, 43 ; Matth., iv, 17 ; X, 7 ; Marc, i, 15 ; cf. Luc, iv, 34. Voir I-rey, Royaume de Dieu, dans le Dictionnaire de la Bible, de M. Vigouroux, t. v, col. 1242 sq.

4. Saint Jean.

Chez saint.Jean, plus que partout ailleurs peut-être, l’idée du salut des hommes domine Je plan divin de l’incarnation, tel que la révélation nous le laisse entrevoir. A tous ceux qui ont reçu le Verbe, a été donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, I, 12 ; mais, pour acquérir cette filiation, il leur faut une nouvelle naissance spirituelle, qui détruise en eux les obstacles inhérents à la naissance charnelle, I, 13 ; III, !. Les obstacles viennent du péché, qui est l’œuvre du démon ; aussi le Fils de Dieu est-il venu tout exprès en ce monde pour briser le péché, I Joa., in, ^, les œuvres du diable, ibid., 8 ; son sang doit purifier les hommes de tout péché, ibid., i, 7 : Jésus Jui-méme est une propitiation pour les fautes du monde entier, ibid., ii, 2 ; bien plus, il a été envové par le Père en cette qualité, iv, 10. L’obstacle du péché une fois renversé, .Iésus-(Jirist nous donne cette nouvelle vie, que nous ne pouvons avoir qu’en lui et par lui, et c|ue Dieu le Père l’a envoyé nous apporter. IJoa., IV, 9, 10 ; Joa., x, 10 ; xx, 31 ; cf. vi, passim. Jésus résume lui-même cet enseignement à Nicodènie ; « Comme Moïse a élevé le serpent dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’honime soit élevé, alin que tout îiomine qui croit en lui ne périsse point, mais qu’il

ait la vie éternelle. Car Dieu n’a pas envoyé son Fih unique dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lai. » iti, 14-17. Cette mission très particulière du F’ils de Dieu incarné éclaire pour ainsi dire tout l’Évangile de Jean. On trouvera les reflets de cette lumière principalement, iv, 10, 1.3-14, 34 sq. ; vi, 33, 35, 38-40, 47-52, 58 ; dans le discours d’adieu à la cène, xiv, 6 ; xv, 1-7 ; dans la prière de Jésus, xvii. Aussi l’apôtre saint Jean donnet-il à Jésus le titre de Sauveur du monde. I Joa., iv, 14 ; cf..Ioa., iv, 42.

5. Saint Pierre.

Le prince des apôtres rappelle que le salut a été donné aux hommes par Jésus-( ; hrist, Act., IV, 12 ; c’est Jésus que Dieu a élevé par sa droite (sa puissance) prince et sauveur pour donner à Israël la pénitence et la rémission des péchés, v, 31 ; cf. x, 43 ; qui, prédestiné avant la création du monde, a été manifesté dans les derniers temps, et dont le précieux sang a racheté ceux pour qui il est venu. I Pet., i, 19-20. Il est la pierre angulaire, et celui qui aura confiance en elle ne sera pas confondu, ii, 6. Il est mort pour nos péchés, lui, juste pour des injustes, afin de nous offrir à Dieu, ni, 19 ; il a détruit la mort, afin que nous devinssions héritiers de la vie éternelle, ni, 22. En un mot, c’est dans le Christ que le Dieu de toute grâce nous a appelé à son éternelle gloire, v, 10.

6. Saint Paul. La pensée de saint Paul est plus profonde, plus nuancée et plus riche. — a) Tout d’abord, cet apôtre, avec une insistance remarquable, aflirme que « c’est une parole de foi et digne d’être entièrement acceplée, que le Christ Jésus est venu en ce monde pour sauver les pécheurs. » I Tiin., i, 15. Dans ce but, Dieu « a rendu péché celui qui ne connaissait pas le péché, alin qu’en lui nous devinssions justice de Dieu. « H Cor., v, 21. Riche en miséricorde, à cause de l’amour extrême dont il nous a aimés. Dieu, lorsque nous étions morts par nos péchés, nous a vivifiés dans le Christ, par la grâce duquel nous sommes sauvés. » Eph., II, 4-5. Ainsi « lorsque la bonté et l’humanité de Dieu notre Sauveur sont apparues, Dieu nous a sauves, non à cause des œuvres de justice que nous avons faites, mais à cause de sa miséricorde, par le baptême do régénération et de rénovation de l’Esprit-Saint, qu’il a répandu sur nous abondamment par Jésus-Christ, notre Sauveur. » Tit., iii, 4-6. Cf. Gal., iv, 4 ;

I Tim., II, 6 ; Heb., ii, 14 ; Rom., ni, 20-25. Le titre de sauveur est donné par Paul à Jésus fréquemment. Act., XIII, 23. Eph., V, 23 ; Phil., ni, 20 ; I Tim., iv, 10 ;

II Tim., i, 10 ; Tit., i, 4 ; ii, 13 ; iii, 4, 6. — ft^Mais l’apôtre scrute plus profondément les mystères du plan divin. L’incarnation semblait convenable eu égard au dessein de Dieu de sauver les hommes. « Il était â propos que Dieu, par qui et pour qui tout existe, voulant faire entrer dans la gloire une infinité d’enfants, consommât par la souïïrance le chef de leur salut. » Heb., II, 10. Le terme « consommer » a ici une valeur toute spéciale ; dans l’Épître aux Hébreux, il signifie : rendre parfait, amener au terme idéal qui marque le point de perfection d’un être. Cf. Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 1908, t. i, p. 549. La rédemption, et la rédemption par la passion, marque donc ici le moyen de la consommation, c’est-â-dire du perfectionnement définitif de l’œuvre du Verbe incarné. Cf. Heb., v, 8-9 : « Tout Fils qu’il était, il apprit l’obéissance par ce qu’il eut à souffrir et, consommé, il devint pour tous ceux qui lui obéissent le principe du salut éternel. » — c) Dans l’Épître aux Colossiens, Paul, rappelant la vérité de notre rédemption dans le Christ, profite de cette anirniation pour projeter une lumière sur la vie du Verbe en Dieu, sur le rôle du Verbe par rapport aux créatures et à l’univers entier. Il « est l’image du Dieu invisible, le premier-né de toute créature ; car c’est par lui qu’ont été créées toutes choses dans les cieux

et sur la terre, les visibles et les invisibles, soit les trônes, soit les dominations, soit les principautés, soit les puissances. Tout a été créé par lui et pour lui ; et lui-même est avant tout et tout subsiste en lui. Et lui-même est la tête de son corps, l’Église ; il est le principe, le premier-né d’entre les morts, de sorte qu’en tout il tient lui-même la primauté, parce qu’il a plu (au Père) de faire habiter en lui toute plénitude, et par lui de réconcilier en lui toutes choses, pacifiant par le sang de sa croix soit ce qui est sur la terre, soit ce qui est dans les cieux, » i, 15-20. Sur l’exégèse de ce texte voir J. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, Paris, 1910, t. i, p. 300 sq. ; et Lightfoot, Saint Paul’s cpistle In the Colossians, Londres, 1892, p. 139-158. Sur le développement de la pensée de saint Paul, voir t. iii, col. 382-384. Au point de vue qui nous occupe, quelques précisions sont nécessaires. En appelant le Christ V image du Père, Paul emprunte une expression du livre de la Sagesse, pur synonyme de Fils. Le Fils, en elïet, est l’image du Père invisible, parce qu’il se trouve apte à le révéler aux hommes, ou même simplement parce qu’il est le Verbe du Père. Heb., i, 3. Ainsi, la qualité d’image est à la fois absolue et relative. La qualification de premier-né est purement relative et doit être comprise par rapport aux créatures. Cette expression ne signifie pas que le Fils doive être rangé parmi les créatures ; mais que toutes choses ont été créées en lui, qu’il est non seulement supérieur, mais antérieur à toutes choses. Son antériorité dans la durée est la raison de sa prééminence. Cf. Prat, op. cit., 1. 1, p. 400 ; t. ii, note H, § 4, p. 196 : J. Lebreton, op. cit., p. 300-308. Il ne paraît pas possible, d’après le contexte, de rapporter Ttpwxà-Toxoç TîàoYjç XTLCTSwç au Christ incarné. Prat, op. cit., t. I, p. 401, note 1. < En définitive, affirme le P. Prat, op. cit., p. 401, les trois titres de Fils, d’image et de premier-né se rapportent à la vie divine du "Verbe et sont trois aspects de sa génération éternelle, mais il y a entre eux cette distinction que la notion de Fils est absolue ; celle d’image est absolue et relative, celle de premier-né est relative dans son expression, puisqu’elle inclut l’idée d’un terme extérieur au Fils, mais s’appuie sur une perfection absolue, indépendante de l’existence des créatures. » Les versets 16 et 17 expliquent la pensée de Paul relativement aux relations du Christ préexistant dans le Verbe et des créatures ; tout est en lui, èv oi’j>- : <J), tout est par lui, S’.'aùxovj.tout est pour lui, sic, aÙTov. Cf. Heb., i, 2. Dans ces versets s’intercale l’affirmation de la primauté absolue du Christ sur les anges, v. 16. Cette primauté concerne aussi bien le Verbe que le Verbe incarné. Comme Dieu, par droit de nature, le Verbe est infiniment supérieur aux anges. Comme homme et par droit de conquête, le Christ est exalté sans comparaison au-dessus des anges. Mais saint Paul veut-il affirmer que la grâce des anges dérive du Christ ? Nous ne le pensons pas. Rien ne nous autorise à prétendre que la pacification universelle, produite par la mort du Fils et à laquelle les anges eux-mêmes ont eu part, soit une réconciliation des anges avec Dieu plutôt qu’une réconciliation des anges avec les hommes jusque-là rebelles à Dieu, cꝟ. 20, et Eph., I, 10. Il en résulte que la qualité de chef par rapport aux anges n’entraîne pas une communauté de vie surnaturelle, mais simplement une prééminence de dignité et d’honneur. » Prat, op. cit., 1. 1, p. 405. Le verset 18 exprime les relations du Verbe incarné avec l’Église dont il est le cheI. Q)uand Paul appelle Jésus-Christ le chef de toute principauté et de toute-puissance. Col., ii, 10, il n’a en vue que la prééminence de dignité du Christ sur les anges ; mais quand il s’agit de l’Église, Jésus-Christ en est dit le chef, par analogie au corps humain, dont la tête est le principe d’unité, d’accroissement, d’influx vital, Col., ii, 19,

d’harmonie, d’accord, de développement normal. Eph., IV. 15-16 ; cf. V. 23 ; i, 22-23. Peut-être, dans l’Épîlre aux Colossiens, quoique l’idée de primauté soit dominante, saint Paul songeait-il aussi en parlant du chef de l’Église à l’analogie qu’il souligne et développe dans les quatre autres textes cités. Ainsi le Christ n’est pas de la même manière chef des hommes et chef des anges. Comme ceux-ci font partie du royaume du Christ, il peut, à ce titre, en être appelé le chef ; mais il ne communique pas l’influx vital de la grâce aux anges qui n’appartiennent pas à son corps mystique. Cf. Prat, op. cit., p. 405. Dans l’explication de la primauté du Christ chef de l’Église, saint Paul se sert de la même série des particules, èv, 81â, eîç : il a plu au Père de faire habiter en lui tout le « plérôme », c’est-à-dire la plénitude de grâces qui devaient par le Christ se répandre sur l’humanité et par lui de réconcilier toutes choses en lui, ce dernier terme, eîç aùrôv, se rapportant au Christ et non à Dieu. Cf. Prat, op. cit., t. ii, p. 152, note E, i, 2. Dans ce texte, l’apôtre saint Paul touche à la répercussion pour ainsi dire générale de la rédemption. Le péché avait introduit dans le monde un désordre ; le Christ y ramène l’harmonie par la réconcihation générale de chaque créature avec les autres, cette réconciliation se faisant dans ou uers le Christ, considéré comme le centre commun de tous. Cette idée grandiose est exprimée sous une autre forme dans l’Épître aux Éphésiens, i, 9-10. « Dieu a résolu en lui-même, dans l’accomplissement de la plénitude des temps, de tout restaurer, àvaxecpaXaiwaaaOai, dans le Christ. » Sur le rôle du Christ, lien commun et résumé de la création, voir Piat, op. cit., t. ii, note E, II. Le sens de àvaxecpaXatwoaaOai. semble être que le Christ unifie tous les êtres dont il est le chef et le centre. — d) Mais nous touchons ici, au plan rédempteur lui-même, tel que Dieu l’a conçu de toute éternité, ce que saint Paul appelle « le propos éternel, antérieur à la constitution du monde. » Il résume ce plan d’une façon admirable dans l’Épître aux Éphésiens, I, 3-14 : « Béni (soit) Dieu, Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; qui nous a bénis en toute bénédiction spirituelle, aux cieux, dans le Christ, comme il nous élut en lui, avant la fondation du monde, pour être saints, et sans tache…, en nous prédestinant à être ses fils adoptifs par Jésus-Christ, selon le bon plaisir de sa volonté, à la louange de sa gloire, de sa grâce, dont il nous a gratifiés dans le Bien-aimé, en qui nous avons la rédemption par son sang, la rémission des fautes… ; en nous notifiant le mystère de sa volonté, selon le dessein bienveillant qu’il a formé en lui, … de réunir (récapituler, àvaxeçaXaiwaaaSai) toutes choses dans le Christ, celles des cieux et celles de la terre. » A Dieu seul revient la gloire et l’initiative du salut des hommes : prédestination, élection, rémission des péchés, collation de la grâce, bénédictions célestes au sens le plus étendu, tout dérive de lui. Tout cela, tant dans l’ordre d’exécution que dans l’ordre d’intention, se fait en vue du Christ, « dans le Bien-Aimé. » Enfin, l’ordre d’exécution se déroule le long des siècles, conformément à l’ordre d’intention conçu par Dieu de toute éternité. Prat, op. cit., t. ii, p. 129. Mais ici, comme dans le passage parallèle de l’Épître aux Colossiens, le plan divin de la rédemption des hommes, prédestinés dans le Christ, reçoit une extension dépassant les limites de la réparation du genre humain ou plutôt se rapportant aux répercussions de cette réparation sur tout l’univers créé. Jésus devient ainsi le centre de réconciliation de toutes choses. Il réunit et ramène à l’unité toutes choses en lui. C’est ainsi que se manifeste sa primauté sur toutes choses. Cf. Prat, op. cit., t. II, c. ii, § 2, Le plan rédempteur.

Le plan de l’incarnation chez les Pères.

1. Question

préjudicielle. — Les données de la sainte Écrit ure en

peuvent, dans la piésenle question, que fournir une base de raisonnement ; c’est surtout l’autorité des Pères interprétant l’Écriture qui est invoquée en faveur des réponses apportées par la théologie sur la cause finale de l’incarnation. Il importe donc de rappeler brièvement la portée de l’argument tiré des Pères par rapport au sens de l’Écriture. L’autorité de ? Pères s’impose en matière d’interprétation de l’Écriture : a quand cette autorité résulte de l’unanimité morale de leurs témoignages ; b quand les Pères s’accordent unanimement à présenter leurs explications comme appartenant à la doctrine que l’Église impose sur la foi ou les mœurs. Encycl. Prouidentissimas Dcus, Denzinger-Bannwart, n. 1944 ; Vacant, Etudes thc’ologiques sur les constitutions du coneile du Vatican, t. i, n. 544 ; cf. Herméneutique, dans le Dictionnaire de la Bible de M. Vigouroux, t. iii, col. 626 ; Interprétation de la sainte Écriture. L’interprétation des Pères peut être simplement exégétique. Sous cet aspect, elle ne s’impose pas comme l’expression de la pensée authentique et définitive de l’Église ; elle est néanmoins rccommandable et s’impose à l’attention de l’exégète, sans cependant l’enchaîner et lui interdire des recherches ultérieures. Encyclique Prouidentissin^us Deus ; cf. Herméneutique, col. 627. De ces principes incontestables et admis par tous les catholiques, découle immédiatement une conclusion relative au motif de l’incarnation. La question de savoir si, l’homme n’ayant pas péché, le Verbe se serait cependant incarné, étant laissée par l’Église à la libre discussion des théologiens, il ne s’agit pas de démontrer que les Pères ont eu un enseignement unanime et doctrinal conforme à telle ou telle opinion, mais simplement de chercher, dans l’opinion des Pères, un fondement solide aux opinions des théologiens. Prétendre que les Pères ont expliqué l’Écriture, d’une façon explicite, dans un sens plutôt que dans un autre, c’est préjuger d’une solution que l’Église, maîtresse souveraine de la doctrine, croit devoir laisser aux libres disputes des hommes. C’est donc nécessairement dépasser les limites et les formes de la discussion permise : on doit se contenter d’apporter, en faveur de chaque opinion, les témoignages fournis parla tradition, sans les considérer comme une démonstration définilive et sans réplique.

2. Témoignages directs des Pères, donnant comme fin à l’incarnation la rédemption du genre humain. — Sous plusieurs formes, difl’érentes d’expression, mais identiques quant au sens, les Pères formulent cette pensée fondamentale : Le Christ est venu dans la chair pour nous sauver, nous racheter du péché et de la servitude du démon, nous lestîtucr la grâce et l’iminortalîtc, nous ramener ù l’état primitif dont nous avait fait déchoir le péché d’Adam, pensée que le ! * concile de Nicée condensera dans une formule célèbre : qui propter nos et propter nostram salutem descendit de cœlis, et incarnatus est. Voir. S. Clément, /* Cor., vii, 4 ; XLix, 2, Funk, Patres apostoUci, Tubingue, 1901, p. 108, 162 ; Epi.'st. Barnabæ, v, 5 ; vii, 2, ibid., p. 50, 58 ; S. Ignace d’Antioche, Ad Eph., ix, 1 ; Ad Polijcarpum, iii, 2, ibid., p. 220, 290 ; S. Polycarpe, Ad Phil., VIII, 1, ibid., p. 304 ; Hcrmas, Sim., V, ii, 1-2 ; cꝟ. 5-7, ibid., p. 530, 538 ; Epist. ad Diognetum, IX, 2, ibid., p. 406 ; S. Justin, Apol., I, n. 63, 65, P. G., t. VI, col. 424, 428 ; Apol., II, n. 6, 13, col. 453, 465 ; S. Irénée, Conl. hier., t. II, c. xxii, n. 4 ; t. III, c. xviii, n. 7 ; c. XXI, n. 10 ; t. V, præf. ; c. ii, n. 2 ; c. xiv, n. 1 ; c. XVI, n. 3, P. G., t. VII, col. 784, 936, 955, 1120, 1124, 1161, 1168 ; Tertullien, De juga in persecutione, n. 12, P. L., t. II, col. 114 ; S. Hippolyte, De Antichristo, n. 3 ; Contra lieeresim Noeli, n. 17 ; Philosophoumena, t. X, c. xx.xiv (dans c. xxxiii, l’incarnation a pour fin l’exemple de perfection à donner au.x hom mes), P. G., t. X, col. 732, 825 ; t. xvi, col. 3454, (3447) ; Clément d’Alexandrie, Protr., c. i, n. 7 (le Christ est venu pour nous enseigner à bien vivre, c’est-à-dire à vivre pour gagner la vie éternelle) ; c. x, n. 110 ; c. xi, n. 111, P. G., t. VIII, col. 61, 225, 228 ; Origène, In Num., homil. xxiv, n. 1 ; Ht Epist. ad Rom., t. iii, n. 8 ; In Matth., tom. xvi, n. 8 ; Contra Celsum, 1. VII ; c. xxxvii, P. G., t. XII, col. 756 ; t. xiv, col. 946 ; t. XIII, col. 1397 ; t. xi, col. 1473 ; S. Cyprien, De opère et eleemosijnis, n. 1, P. L., t. iv, col. 601 ; S. Méthode, Convivium, or. III, c. vi, P. G, t. xviii, col. 69 ; Lactance, Divin.v institutiones, t. IV, c. viii, n. 1-12 ; c. XIII, n. 1-3, P. L., t. VI, col. 465, 482 ; Eusèbe de Césarée, Demonstratio evungelica, t. IV, c. xii, P. G., t. XXII, col. 284 ; Alexandre d’Alexandrie, Epist. ad Alex. Consl., n. 12, P. G., t. xviii, col. 508 ; Aphraate, Demonstrationes, vii, n. 1 ; xiv, n. 11 ; xxiii, n. 48, Patrologia syriaca, t. i, p. 314, 598 ; t. ii, p. 94 ; S. Éphrem, //ymni de B. Maria, xviii, n. 12 ; Hymni dispersi, xvii, n. 8, édit.Lamy, t. ii, p. 608 ; t.iv, p. 772 ; Carmina Nisiberui, ni, n.l, édit.BickelI, Leipzig, 1866, p. 78 ; Necrosima, xx, 53, édit. Assémani, t. ii, p. 312 ; S. Athanase, Oratio de incarnatione Verbi, n. 9, 54 ; Oratio padversus arianos, n. 42, 51 ; Oratio 11, n. 16, 54, 55, 56, 68 ; De incarnatione Dei Verbi et contra arianos, n. 5, 8, 20 ; Contra Apollinarium, t. I, n. 5, 17 ; t. II, n. 5, P. G., t. xxv, col. 112, 192 ; t. xxvi, col. 100, 117, 182, 262, 263, 266-267, 292, 992, 996, 1020, 1100, 1124, 1140 ; S. Cyrille de Jérusalem, Cat., XII, c.xiv ; VIIl, c.ii ; XXXIII, P.G., t.xxxiii, col.741, 773, 812 ; S. Hilaire, Tractatus in ps., ps. lui, n. 12 ; Lxin, n. 23, P. L., t. ix, col. 344, 484 (il s’agit ici principalement de la cause finale de la mort du Christ) ; Tractatus Origenis, ii (même remarque), édit. Batillol, p. 15 ; S. Basile, Epist., cclxi, n. 2 ; De Spiritu Sancto, c. XV, n. 35, P. G., t. xxxii, col. 969, 128 ; pseudoBasile, Homilia adversus calumniatores S. Trinitatis, n. 4, P. G., t. xxxi, col. 1494 ; S. Grégoire de Nazianze, Oral., I. n. 22, 23, P. G., t. xxxv, col. 431 ; xxx, n. 2, 21 ; xxxiii, n. 9 ; xxxviii, n. 16 (ces deux derniers textes se rapportant plus particulièrement à la cause finale de la passion du Christ) ; xl, n. 45 ; xlv, n. 22, P. L., t. xxxvi, col. 105, 132, 225, 424, 653 ; S. Grégoire de Nysse, Antirrheticus, n. 17, P. G., t. xlv, col. 1156 ; S. Épiphanc, Ancoratus, n. 65, P. G., t. xliii, col. 133 ; cf..S//m60k, Denzinger-Bannwart, n. 13 ; Hier., lxix, n. 52, t. xLii, col. 284 ; S. Jean Chrysostome, In .loa., homil. xi, n. 2, P. G., t. lix, col. 79 ; In Matth., homil. xxx, n. 3, t. lvii, col. 365 ; In Epist. ad Rnm., homil. x, n. 2, t. lx, col, 474 ; In Epist. ad Heb., homil. v, n. 1, P. G., t. lxiii col. 47 ; In Epist. I ad Cor., homil. xxxviiii, n. 2 ; In. Epist. ad Gal., c. ii, n. 8 ; In Epist. ad Ileb., homil., xvii, n. 2 (ces trois textes se rapportant jilus spécialement ù la fin de la passion et de la mort sur la croix), P. G., t. lxi, col. 324, 646 ; t. lxiii, col. 129 ; S. Ambroise, Epist., XLi, n. 7 ; lxxii, n. 8, P. L., t. xvi, col. 1115, 1245, et surtout De incarnationis dominicæ sacramento, c. vi, n. 56, col. 832. Parmi les nombreux textes de saint .ugustin se rapportant de près ou de loin à la question présente, il suffira de rappeler les plus expressifs. De calecliizandis rudibus, c. iv, n. 7, P. L., t. XL, col. 314 ; Conf., t. X, c. xliii, n. 68, t. xxxii, col. 808 ; De peccatorum meritis et remissione, t. I, c. xxvi, n. 39 ; cf. c.ix, n. 10, P. L., t. xLiv, col. 131, 114 ; In Joannis Ei>angelium, tr. XXIII, n. 6, t. xxxv, col. 1585 ; De gratta Christi et de peccato originali, t. II, c. xxiv, n. 28, t. xLiv, col. 398 ; Enchiridion, n. 108, t. xl, col. 282 ; Serm., clvi, n. 2 ; clxxiv, n. 2 ; clxxv, n. 1, Cl, XXXIV, n. 8 ; cclxi, n. 7, t. xxxviii, col. 851, 940, 944, 915, 1206 ; £nar. in ps., CXL, n. 19, t. xxxvii, col. 1828. Saint Cyrille d’Alexandrie, Thescnirus, assert. xv, P.G., t. lxxv, col. 292, 294-295, fait dépendre le décret

éternel de l’incarnation de la prévision du péché. Cf. Ilomil.paschdles, lioinil. x, n. 2, t. lxxvii, col. G17 ; In Joa., t. IX, XIV, 20, t. lxxiv, col. 273. Cf. Théodoret. De incarnalione Domini, n. 18, t. lxxv, col. 1448. Saint Léon le Grand, dans sa lettre dogmatique à Flavicn, a plusieurs assertions relatives à la fin de l’incarnation. Cf. Hypostajique (Union), col. 478, 479. Voir aussi Ad monachos Paliestinos, epist. cxxiv. n. 3 ; Serin., xxii, c. iii, iv ; lxiv, c. ii ; lxxvii, c. ii, P. L., t. Lix, col. 1064, 196, 202, 358, 412 ; S. Fulgence, Episi., XVII, c. VI, n. 11, P. L., t. lxv, col. 457 ; S. Grégoire le Grand, Moral., t. IV, c. iii, n. 8, P. L., t. lxxv, col. 642 (plus expressément encore l’apocryphe In I Reg., t. IV, c. i, n. 7, t. lxxix, col. 22'2) ; S..Jean Dainascène, De fide orthod., 1. iV, c. iv, xiii, P. G., t. xciv, col. 1108, 1137.

Parmi tous ces textes, certains semblent placer ^'une manière exclusive la fin de l’incarnation dans la réparation du genre humain. S. Irénée, Cont. Iiœr., t. V, c. XIV : « Si la chair (l’homme) n’avait pas dû 4tre sauvée, le Verbe de Dieu ne se serait pas fait chair, » P. G., t. vii, col. 1161 ; S. Athanase, Aduersus arianos, orat. ii, n. 54 : « Le Seigneur (Jésus), comme Verbe, n’a pas d’autre cause que sa génération du Père dont il est la Sagesse unique engendrée. Mais pour devenir homme, il lui faut une nouvelle cause qui justifie son incarnation. C’est la nécessité et l’indigence de l’homme pécheur, antérieure à sa venue en ce monde ; sans elles, le Verbe ne se serait pas incarné ». Et plus loin, n. 56 : « Si aucune créature n’avait existé, le Verbe aurait cependant existé…, mais le Verbe ne se serait pas fait homme, si la nécessité de sauver les hommes n’avait pas existé. » P. G., t. xxvi, col. 261, 268. S. Grégoire de Nazianze, Orat., xxx, n. 2 : « Quelle a donc été la cause de l’incarnation de Dieu en notre faveur ? Assurément, cette cause est le souci d’assurer notre salut. » P. G., t. xxxvi, col. 105. S. JeanChrysostome, InEpisi.adHeb., 'homU., n. Il : « Il n’y a pas d’autre cause à l’incarnation que celle-ci seule : Dieu nous a vu jetés à terre, périssant, opprimés par la tyrannie de la mort, et il a eu pitié. » P. G., t. LXiii, col. 47. S. Ambroise, De incarnalione, c.vi, n. 56 : « Quelle cause peut-on assigner à l’incarnation sinon la rLdfinption de la chair pécheresse par le Christ ? » P. L., t. xvi, col. 832. S. Augustin, De pecca-torum meritis et remissione, t. I, c. xxvi, n. 39 : « 11 n’y a pas d’autre cause à l’incarnation de Notre Seigneur Jésus-Christ, que l’infusion d’une vie nouvelle en vue du royaume des cieux, le salut, la libération, la rédemption, accordés par ce mystère de grâce très miséricordieuse à tous les membres du corps dont il est le chef. » P. L., t. xliv, col. 131. Voir aussi les textes tirés des sermons cités plus haut. S. Léon le Grand, Serm., lxx, c. ii : « Si l’homme, fait à l’image €t à la ressemblance de Dieu, avait gardé l’honneur de sa nature ; s’il n’avait pas, trompé par la ruse du démon, introduit en lui le dérèglement de la concupiscence, le créateur du monde ne se serait pas fait créature. » P. L., t. Liv, col. 412. La hturgie fait écho à la tradition : O (elix culpa, quee talem uc lantum meruit habere redemplorein. Bénédiction du cierge pasccd, au samedi saint.

Rouët de.Journel, Enchiridion patrislicunt, Index iheologicus, n. 410, 411, 412, 413, 414, 415 ; Petau, De incarnatione, t. II, c. xvii, n. 8-12 ; Thomassin, De incarnatione, t. II, c. IX ; Stentrup, Soteriologia, t. i et ii ; Vasquez, De incarnatione, disp. X, c. iv ; P. Hilaire de Paris, Ciir Deus horno, Disscrtatio de motivo incarnalionis, Lyon, 1867.

3. Textes des Pères, où l’incarnation apparaît indépendante de la rédemption. — Il est à noter, dit le P. Hilaire de Paris, op. cit., p. 10, qu’aucun Père de l’Église n’affirme expressément que si Adam n’avait pas péché, le Verbe se serait néanmoins incarné. Tou tefois, on pense trouver, chez les Pères, d’une manière indirecte, l’équivalent de cette assertion. On accumule, en elïet, quantité de textes où l’incarnation semble avoir sa place, dans l’ordre actuel de la Providence, indépendamment de la rédemption des hommes. Le meilleur recueil, on peut même dire, l’unique recueil, où l’on a rassemblé tous ces textes est celui du P. Chrysostome, Ciaistus alpha et oméga, seu de Christi universali regno, Lille, 1910, et encore du même auteur. Le motij de l' incarnation et les principenix thomistes contemporains. Tours, 1921, IP partie, c. i et ii, p. l()8-202. On ne fera que résumer ici les grandes lignes d’un travail complet et consciencieux, quoique tendancieux relativement au sens à donner à de nombreuses autorités patristiques, et d’une critique parfois insuffisante quant à l’authenticité des textes. — a) Les Pères affirment que toutes choses ont été créées dans leCliri.st. — L’affirmation des Pères repose sur leur commentaire de Gen., i, 1 : In principiv, id est in Christo, Deus creavit ca’lum et terram. Clément d’Alexandrie, Strom., VI, c. vii, P. G., t. ix, col. 179 ; Origène, In Gen., c. I, honiil. i, P. G., t. xii, col. 145 ; S. Ambroise, In Hexæmeron, I. 1, c. ii, P. L., t. xiv, col. 124 ; S..Jérôme, Liber hehr. guasI. in Gen., c. i, P. L., t. XXIII, col. 938 ; cf. Brcv. in ps., ps. xxxix, t. xxvi, col. 945 ; S. Augustin, De Genrsi contra mnniefci’o.s, t. I, c. II ; De Genesi ad litteram, c. iii, P. L., t. xxxiv, col. 173, 222. Voir les autres textes de Pères d’autorité moindre dans Christns alplui et oméga, c. i, p. 4349. — b) Les Pères affirment que l’homme a été créé ci l’image du Christ. — L’affirmation des Pères repose sur leur commentaire de Gen., i, 26-27. S. Irénée, Cont. hser., t. V, c. xvi, xxxvi, n. 3, P. G., t. vii, col. 1167. 1224 ; Tertulhen, Adversus Praxeam, c xii, P. L., t. ii, col. 167 ; De resurrectione carnis, c. vi, col. 802. Sur l’opinion de Tertulhen, voir Petau, De Trinitate, t. II, c. VIT, n. 9. Clément d’Alexandrie, Peedag., t. I, c. XII, P. G., t. viii, col. 367 ; cf. Le Nourry, Di.ssertatio II. P. G., t. IX, col. 1158 ; Origène, In Gen., c. I, P. G., t. XII, col. 156 ; In Joa., tom. i, c. xix. P. G., t. XIV, col. 54 ; S. Jérôme, In Ezech., c. i, P. L., t. xxv, col. 21. Voir d’autres textes, op. cit., c. ii, p. 50-60. — c) Les Pères affirment que le Christ a déjà été préfiguré dans l’état d’innocence. — Adam fut le type du Christ principalement dans son union avec Eve, union symbolisant celle du Christ et de l’Église ; mais d’autres figures, procédant d’interprétations allégoriques des détails de la vie du paradis terrestre, existent aussi chez les Pères. Citons simplement quelques textes se rapportant au type de l’union du Christ avec l’Église : S. Ambroise, Expositio Evangelii secundum Liicam, t. IV, n. 66, P. L., t. xv, col. 1632 ; S. Anastase le Sinaïte, In Hexæmeron, t. IX, P. G., t. lxxxix, col. 999 ; S. Gélase, Epistola et décréta adver.sus pelagianam hmresim, P. L., t. lix, col. 118 ; S. Avit de Vienne, Opiisc. fragmenta IV, ex sermone jtassionis Domini, P. L., t. lix, col. 311 ; S. Léandre de Séville Homilia laud. Ecclesio', P. L., t. lxxii, col. 896 ; S. Isidore de Séville, In Gen., c. iii, P. L., t. lxxxiii, col. 99 ; S. Jean Damascène, In Epist. ad Eph., c. v, 32, P. G., t. xcv, col. 854. Voir Ad.m, t. i, col. 385386. Cette interprétation des Pères se base sur l’incise de saint Paul. Sacramentum hoc magnum est, ego autem dico in Christo et in Ecclesia. A’oir d’autres textes, o/). cit., c. iii, p. 61-71. — d) Les Pères affirment qii' Adam encore innocent a connu et prophétisé le mystère de l’incarnation. — Ils appuient leur dire sur le sens de Gen., ii, 23, 24 : « Voici l’os de mes os, et la chair de ma chair. C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à son épouse et ils ne formeront à deux qu’une seule chair. » Il s’agit toujours principalement de la projihétie concernant l’union du Christ et de l’Église : S. Hilaire, Tract.

Jn ps. cx.xrni, 29, P. L., t. ix, col. 807 ; S. Jérôme, ira Epist. ad Eph., t. III, c. v, P. L., t. xxi, col. 1137 ; S. Augustin, De Genesi contra manichxos, t. II, c. xxiv, P. L., t. XXXIV, col. 215 ; De nuptiis et concupiscenlia, t. I, c. XXI, P. L., t. xLiv, col. 427. Cf. op. cit., c. iv, p. 72-80. — e) Les. Pères a/Jimient que la création ou la formation du Christ est le principe de toutes les autres œuvres de Dieu. — Ils entendent presque unanimement le texte des Prov., viii, 22, de la Sagesse créée, c’est-à-dire incarnée. On ne peut citer que quelques rares exceptions. Cf. Knabenbauer, in h. l. Cette interprétation a pour but de redresser l’exégèse fautive de l’arianisme. Voir t. i, col. 1785. Pour donner plus de force à l’argument, on identifie chez les Pères, le Aôyoç Tcpocpoptxôç et le Verbe incarné ; si l’identification est recevable pour les documents postérieurs au concile de N’icée, elle semble assez discutable en ce qui concerne les Pères apologistes, dont la doctrine ou plutôt l’expression est parfois dure et difficile. Cf. Création, t. iii, col. 2122-2126. Voir Christus, alpha et oméga, c., p. 81-105. — f) Les Pères enseignent que le Christ, comme homme, est le premier-né des créatures, en conformité avec les textes de Eccli., xxiv, 5 et Col. i, 15. — Le concile de Sardique enseigne que le Fils est dit Fils unique, unigenitum. en tant qu’il procède comme Verbe, du Père ; qu’il est dit premier-né primogenilum, en tant que possédant la nature humaine. P. G., t. lxxxii, col. 1011. Cf. XF' concile de Tolède, Denzinger-Bannwart, n. 285. En sens différent, voir IF' concile de Séville. Hardouin, Concilia, t. 111, p. 565. Parmi Les textes aOégués, plus d’un pourrait ètie discuté ; il faut cependant retenir comme nettement significatifs : S. Augustin, Contra.Secundinum, c. v, P. L., t. xlii, col. 581 ; Quarundam propositionum ex Epist. ad Romanos expositio, c. lvi, P. L., t. XXXV, col. 1077 ; Théodoret, Interpretatio Epist. ad Romanos, viii, 29, P. G., t. lxxxii, col. 142 ; S. Fulgence, Contra arianos, P. L., t. lxiii, col. 516 ; S. Isidore de SévilJe, Dijjerentiarum, t. II, c. vi, n. 1415, P. L., t. L.xxxiii, col. 72. Cf. op. cit., c. vi, p. 106114. — g) Les Pères enseignent que les homnes et les anges ont été prédestinés dans le Christ, parce que le Christ a été prédestiné avant tous les autres élus, et que la grâce des anges comme celle d’Adam encore innocent procède du Christ. — Que le Christ ail été prédestiné avant toute créature, les Pères l’affirment en commentant lîpli., i, 3-5. C’est encore là une manifestation de la primauté du Christ sur les créatures, et, parmi les Pères, saint Athanase et saint Cyrille d’Alexandrie paraissent particulièrement précis. L’argumentation de saint Cyrille établit l’ordre de la prédestination du Clirist par rapport à la nôtre : « Si l’on affirme que le Fils a été créé poui que Dieu nous crée par lui, dans quelle impiété ne lombe-t-on pas"? Ainsi, le Fils paraît être fait pour nous, et non pas nous pour lui… nous lui serons supérieurs comme Adam l’était par rapport à Eve qui avait été faite pour lui. » Thésaurus, assert, xv, P. G., t. lxxv, col. 258. On trouve un raisonnement à peu près identique chez saint Athanase, Oratio Il adversns arianos n. 29. 30, P. G., t. xxvi, col. 210, sq. Mais, si la prédestination du Christ est la raison d’être de la prédestination des auties élus, la grâce du Christ a été la première grâce dont procède la grâce des anges et d’Adam innocent, et ainsi le Christ est vraiment le </ie/, le médiateur universel. Cette deuxième afïirmation repose également sur des textes précis de la tradition. — a. Pour les anges : Hermas, .Sim., IX, xii, n. 8, Funk, op. cit., p. 601 ; Contra Bcronem, P. G., t. VI, col. 834 ; Origène, Scholia in Luc., c. iv, P. G., t. XYu, col. 331 ; S. Hilaire, De Trinitate, 1. VllI, CL, P. /, ., t. X, col. 273-274 ; In ps. xxxviii, P. C., t. xxvii, col. 383 ; S. Cyrille d’Alexandrie, De adora tione, t. IX, P. G., t. lxviii, col. 626. On rappelle à ce sujet que plusieurs Pères affirment que le péché des anges fut l’envie à l’égard du Verbe incarné, auquel ils ne voulurent point se soumettre. Par contre, on insiste sur d’autres textes, où il est affirmé que le salut des anges ne dépend pas du Christ. Tertullien, De carne Christi, n. 14, P. L., t. ii, col. 777 ; S. Bernaud, Homil., II, super Missus est, u. 14 ; Sermo in fer. iv, hebd. sanctæ, n. 10, P. L., t. clxxxiii, col. 78, 168 ; l’abbé Guerric, Serm., iii, de Nafivitate Domini, P. L., t. cv, col. 35. Pour saint Augustin, Enchiridion, n. 61, P. L., t. XL, col. 261, les anges n’ont profité de la rédemption du Christ que parce qu’elle a permis aux hommes de réparer les désastres de la chute angélique. Saint Jérôme alTirine que le sang du Christ a profité à tous, même aux anges et aux damnés, sans pouvoir dire en quoi. In Epist. ad Eph., I. II, c. iv, p. 10, P. L., c. XXVI, col. 499. — b. Pour Adam innocent, les témoignages explicites sont plutôt rares. On pense toutefois en trouver chez S. Philastre, De hær., c. xcviii, cxvi, P. L., t. XII, col. 1211-1212, 12391240. chez S. Ambroise, Epist., I* classis, xx, n. 17, In ps. xxxix, P. L., t. XVI, col. 999 ; t xiv, col. 1065. Mais c’est sous une forme plus générale que les Pères auraient enseigné cette doctrine, en tant que, sans restriction, ils affirment que toute grâce vient du Christ. S. Cyrille d’Alexandrie, De adoralione, t. IX, P. G., t. LXVIII, col. 626 ; Didyme l’Aveugle, In ps. LXiv, 10, P. G., t. xxxix, col. 1135 ; ou encore que la foi au Christ est nécessaire à tous, S. Cyrille de Jérusalem, Cat., xii, n. 13, P. G., t. xxxiii, col. 738 ; on encore que l’œuvre du Christ fut la récapitulation, c’est-à-dire Li restauration de l’univers dans l’état primitif, S. Irénée, C’on^ hær., t. III, c. xvi, n. 6 ; c. XVIII, n. 1 ; c. xix, n. 1 ; P. G., t. vii, col. 925, 932, 938 ; voir dans Tixeront, Histoire des dogmes, Paris, 1905, t. i, p. 253, l’exposé du plan de l’incarnation chez saint Irénée, dans la P. G., t. vii, toc. cit., les notes de Feuardent ; et d’Alès, La doctrine de la récapitulatioTi de saint Irénée, dans les Riclv rch^s de science religieuse, 1916, p. 185 sq ; S. Hilaire, i^£pi.s^ ad Eph., n. 15, Spicilegiuni Solesmense, 1. 1, p. 103 ; S. Cyrille d’Alexandrie, Thésaurus, assert.xv, P. G., l. lxxv, col. 295 ; S..Jean Chrysostome, In Eph., c. i, homil. I, n. 4, P. G., t. lii, col. 16 ; ou encore et surtout que l’œuvre du Christ a commencé dès le principe, avant la constitution du monde. Origène, In Lev., homil. i ; In Cant. canlicorum, t. II, P. G., t..XII, col. 416 ; t. XIII, col. 134 ; Tertullien, Adversus Marcionem, t. V, c. xix, P. L., t. ii, col. 5 9 ; S. Épiphane, Expositio fîdei, n. 6, P. G., t. xlii, col. 783, etc. P. Chrysostome, op. cit., c. vii, p. 115-185 ; cf. Le motif de F incarnation et les principaux thomi.'iles contemporains. Tours, 1921, c. ii, § 2. — h) Les Pères affirment que Dieu a tout créé pour le Christ ; ainsi ontils interprété Col., i, 16. S. Athanase, Oratio il adversus arianos, n. 30, P. G., t. xxvi, col. 210 ; S. Cyrille d’Alexandrie, Thesaurus, assert, xv, P. G., t. lxxv, col. 253 ; S. Jérôme, In Epist. ad Eph.. t. I, c. i, P. L., t. XXVI, col. 454 ; Théodoret, In Epist. ad Col., P. G., t. lxxxii, col. 599 ; S. Fulgence, Ad Trasimundum, t. II, c. V, P. L., t. lxv, col. 250. Clu-istus, alpha et oméga, c. viii, p. 185-197. Voir aussi les textes concernant Apoc, XXII, 13 ; Ego siun A et Cl, primas et novissinuis, principium et finis, appliqué à.JésusrChrist. Ibid., c. ix, p. 198-206.

Christits, al{}ha et oméga, seu de Clirhti iiniversali rcgnoauctore Iratre minore provinciae Fraiicix (P. Chrysostome), Lille, 2 « éciit., 1910. Kn plus des chapitres cités au cours de l’art. le c. x, p. 207-262, établit chronologiquement la liste des Pères que l’on pense ponvoir opposer à ceux qu’invoque et cite le P. Hilaire de Paris, dans son ouvrage cité plus haut.

4o Les controverses des théologiens.

1. Opinion

affirmant que l’incarnation n’est pas, dons l’ordre présent, subordonnée à la rédemption. — a) Historique. — Le premier auteur qui ait nettement formulé cette doctrine est l’abbé Rupert († 1135), principalement dans son De gloria et honore Filii hominis, t. XIII, il aflirme que le Verbe, même dans l’hypothèse où l’homme n’aurait pas péché, se serait fait homme ; le péché des hommes ne l’a pas empêché de réaliser ce dessein, mais a fait simplement que le Verbe, au lieu de s’incarner dans une chair impassible et immortelle, a pris, afin de pouvoir réparer pleinement pour nous, une chair passible et mortelle. P. L., t. clxviii, col. 1628, 1624 ; 1630. Cf. De operibus Spiriius Sancti, I. II, c. vi, P. L., t. clxvii, col. 1610. Honoré d’Autun (t ll.î2) expose une doctrine analogue : le péché, qui est le plus grand mal, n’a pu être la cause de l’incarnation, mais simplement de la mort et de la condamnation du Verbe ; l’incarnation a pour effet de déifier les hommes. Il n’apparaît pas clairement toutefois que cet auteur ait voulu prétendre que, même dans l’hypothèse où l’homme n’aurait pas péché, le Verbe se serait incarné ; il paraît plutôt distinguer, dans l’ordre actuel, l’effet de l’incarnation de celui de la mort du rédempteur. Octo qnœstionum liber, c. ii, P, L., t. clxxii, col. 1187-1188. Pierre Lombard († 1160) ne traite pas e.t professo le présent problème dans ses Sentences : il insinue toutefois la distinction entre la chair et la chair passible, t. III, dist. XV. Albert le Grand estime la solution du problème incertaine ; mais son opinion personnelle est que, même si l’homme n’avait pas péché, le Verbe se serait incarné. In IV Sent., t. III, dist. XX, a. 4. Alexandre de Halés se contente d’affirmer la haute convenance de l’incarnation, dans l’hypothèse où la nature humaine n’aurait pas été déchue par le péché Sum. theoL, dist. III, q. iii, m. xiii. Robert GrosseTête, évêque de Lincoln, († 1253), soutint la doctrine de Rupert de Deutz. De cessatione legalium, ms. Bibliothèque nationale. Nouvelles acquisitions, mss. latins, 1467. Voir le texte édité dans Christus, alpha et oméga, p. 12-18. Duns Scot donne à cette opinion une forme définitive, quoique les arguments employés par le docteur subtil ne soient pas encore présentés dans toute la force que leur donneront plus tard les théologiens de l’école franciscaine et saint François de Sales. Voir Duns Scot, t. iv, col. 1890-1891. A partir de Duns Scot, cette opinion devient pour ainsi dire une doctrine franciscaine : bon nombre des théologiens franciscains enseigneront que le Christ, même si l’homme n’avait pas péché, se serait fait homme, sans toutefois prendre la nature passible et soumise à la mort. Citons François de Mayronis († 1323), In IV Sent., t. III, dist. XVII, q. iv ; Pierre Auriol († 1345), In IV Sent., t. III, dist. I, a. 5 ; Pierre d’Aquila, dit Scolellus († 1370), In IV Sent., t. III, dist. II ; Barthélémy de Pise († 1380), 73e vita et laudibus B. M. V. libri sex, t. II, fructus vi ; S. Bernardin de Sienne († 1444), Scrm., liv, de universali regno .Jesu Christi, a. 1, c. n ; S. Bernardini Senensis ordinis seraphici minoram opéra omnia, Venise, 1745, t. i, p. 369 ; Etienne Brulefer, voir t. ii, col. 1146, In IV Sent., t. III, dist. I, q. vi, vu ; Mastrius, In IV Sent., t. III, disp. IV, a. 1 ; François F^élix, De divini Verbi incarnatione tractatus sinyularis, c. iv, Paris, 1641 ; le cardinal Laurent Brancati de Lauria († 1693), dans ses commentaires In IV Sent., t. III, disp. X, a. 1 ; Frassen, De incarnatione, disp. I, a. 2, sect. iii, q. i (c’est un des meilleurs exposés de la doctrine scotiste), et tous les théologiens scotistes, Lichet, Lefèvre, Rada, Smising, Tartaret, Castillo, etc. En dehors de l’ordre des franciscains, d’illustres théologiens se sont faits les défenseurs de l’opinion de Scot. Gabriel Biel,

7/1 IV Sent., t. III, dist. II ; Denys le Chartreux, ibid., dist. I, q. n ; Catharin, De eximia pra’deslinatione Christi, Paris, 1541 ; Granados, In 777™ p. Sum. S. Thomæ, tr. III, disp. III ; Gaspar Ilurlado, De incarnatione, disp. XIII, sect. iv, § 107 ; sect. xii, § 301 ; Pighi, De libéra arbitrio, t. VIII, c. i, a. 2, 3 ; Salmeron, In Epist. B. Pauli, I Tim., c. i, disp. III ; S. François de Sales, Traité de l’amour de Dieu, t. II, c. IV ; Cardinal de Bérulle, Discours sur l’eslat et les grandeurs de Jésus, Paris, 1623 ; Ysambert, Disputationes in III^"" part. S. Thomæ, disp. Vil ; et, au xix’e siècle, le P. Faber, Le saint sacrement, I. IV, sect. i ; Le précieux sang, c. m ; Mgr Gay, De la vie et des vertus chrétiennes, Paris, 1889, t. i, p. 19 sq., 168-169 ; Mgr Bougaud, Le christianisme elles temps présents, Paris, 1881, t. iii, c. ix ; et, plus près de nous, P. Francesco Risi, Sul motivo primario délia incarnazione del Verbo, et Oxenham, Histoire du dogme de la rédemption, traduction française, Paris, 1909, c. i.

Une place à part doit être faite, dans l’histoire de l’opinion scotiste, à Suarez. Ce théologien est d’accord avec les scotistes. De incarnatione, disp. V, sect. ii, n. 13 ; sect. iv, n. 17 ; sect. v, n. 8, en admettant que la manifestation de la perfection des œuvres divines, indépendamment de la réparation de l’humanité déchue, est un motif complet, suffisant, adéquat de l’incarnation. Toutefois, il tend à se rapprocher des théologiens de l’opinion adverse, en affirmant que la réparation du péché est un autre motif complet, suffisant, adéquat de l’incarnation. Étant donné ce double motif suffisant et adéquat, Suarez ne peut que répondre par l’affirmative à la question agitée dans l’école : le Verbe, dans l’hypothèse où l’homme n’aurait pas péché, se serait-il fait homme ? Aussi doiton le ranger logiquement parmi les tenants de l’opinion scotiste, avec lesquels il s’accorde d’ailleurs quant aux conclusions du système. Voir plus loin. L’opinion de Suarez, appelée opinion moyenne, n’a eu l’approbation d’aucune des deux écoles qu’elle prétendait concilier. Attaquée — et à juste titre — de part et d’autre, elle n’a fait que peu de disciples. Gonet cite Martinon et Ysambert. 7)e incarnatione, disp. V, a. 1, n. 2. En réalité, Ysambert est plus scotiste que suarézien. En admettant une double cause finale de l’incarnation, Suarez, en effet, détruisait en réalité la notion même de cause finale, il ne peut être question, dans cet ordre de finalité, que d’un seul motif déterminant.

b) Exposé, --a. Principes. — Dieu est amour ; toutes ses démarches procèdent de l’amour. Poussé par sa bonté. Dieu a voulu se communiquer pour aimer et être aimé en dehors de lui. Mais, pour manifester la divine bonté, fin cherchée par Dieu dans toutes ses œuvres, l’incarnation du Verbe était, dans tout l’ensemble de la création, l’œuvre la plus capable de manifester l’amour de Dieu. Plus encore, en effet, que la prédestination, la béatification et la justification de tous les hommes, la prédestination et la glorification du Verbe incarné doivent atteindre cette fin, le Christ étant plus près de Dieu que toutes les créatures. Aussi, parce que tout ce que Dieu fait est voulu dans l’ordre. Dieu a voulu tout d’abord la manifestation de sa bonté, et immédiatement après il a voulu l’incarnation du Verbe, puis seulement l’ordre de la grâce, et enfin l’ordre de la nature, auquel se réfère la permission du péché. Ainsi le décret de l’incarnation est antérieur au décret de la création et au décret permettant la faute. Frassen, op. cit., concl. 2o, 3o probatio. Voir le développement de ces principes dans S. François de Sales, Traité de l’amour de Dieu, I. II, c. IV. Voici donc, pour Scot, l’ordre des vouloirs divins : a. Dieu s’aime lui-même. [3. Il s’aime dans les

autre, y. Il veut être aime par un autre qui soit en dehors de lui et qui puisse l’aimer de la manière la plus parfaite. S. Il prévoit l’union de cette nature qui doit l’aimer parfaitement ; et c’est là le décret de l’incarnation. £. Il prévoit et décrète la création du monde et particulièrement la création de l’homme. î^. Il prévoit la chute de l’homme et comme la gloire de tous les élus pendant l’éternité l’emporte sur la gloire corporelle du Christ sur la terre, il décrète la venue du Christ dans une chair passible, comme rédempteur. Dist. VII, q. IV, n. 5. Cf. P. Chrysostome, Le motij de l’incarnation, p. 57. Inutile de faire observer que ces vouloirs successifs de Dieu ne se distinguent que par l’ordre logique que nous mettons entre eux. Mais par cet exposé de la théorie scotiste, on voit quel a été, d’après Scot, le véritable motif de l’incarnation. Ce n’est. iii, comme le laisse entendre Hurter, th. cxliii, l’excellence du mystère et la gloire du Christ ; ni, comme le laisserait croire Suarez avec son opinion moyenne, la simple perfection des œuvres divines, ni, ainsi que l’affirme M. Tanquerey, Synopsis theologiæ dogmaticæ specialis, Paris, 1903, t. i, p. 568, l’excellence de ce mystère et la perfection de tout l’univers ; ni encore, tout au moins dans l’ordre où l’indique M. Sauvé, Jésus intime, t. i, 2'^ élévation, iv, L’incarnation et le monde, le couronnement de la création, de la sanctification, de la glorification des anges et des hommes. L’unique motif proposé par Scot est l’amour que Dieu se veut à lui-même, qu’il réalise tout d’abord dans l’incarnation, et, par l’incarnation, dans les anges et les hommes, puis, devant la prévision du péché, par la rédemption. Cf. P. Chrysostome, op. cit., p. 206, 236, 285, 326-327. — b. Conséquences. — Au point de vue théologique, plusieurs conséquences immédiates s’imposent ; plusieurs autres, médiates. — Immédiatement, on doit admettre : a. la distinction entre l’incarnation du Verbe considérée dans sa substance, et l’incarnation du Verbe dans une chair passible ; si le Verbe s’était incarné sans que l’homme eût péché, il serait venu dans une chair impassible, ne devant ni souffrir, ni mourir pour nous. C’est par cette distinction qu’il faut accorder avec l’opinion scotiste et avec eux-mêmes les Pères qui affirment que, si l’homme n’avait pas péché, le Verbe ne serait pas venu dans la chair (passible et soumise à la mort), p. la primauté absolue du Christ sur toutes créatures, c’est-à-dire sous les trois aspects de cette primauté, que le Christ, dans la pensée de Dieu, a la priorité dans l’ordre des voulions divines ; il est voulu pour lui-même et avant toute autre créature ; qu’il est le médiateur universel par lequel passe toute grâce avant de parvenir à la créature : de telle façon que les anges et Adam innocent n’ont pu avoir la grâce sanctifiante que par le Christ prévu et voulu de Dieu avant eux ; qu’enfin il est constitué par Dieu fin de toute la création : c’est, en effet, pour glorifier sou Fils fait homme que Dieu crée les anges et les homme qui reçoivent la grâce et la gloire par les mérites du Christ. Sur le développement de ces doctrines, voir Frassen, loc. cit., et P. Chrysostome, lor. cit., p. 50-100. — Médiatement, on doit tirer des principes scotistes deux sortes de conclusions, les unes par rapport à la gloire du Christ, les autres par rapport à la gloire de la sainte Vierge. Par rapport au Christ : une gloire plus grande lui revient de la pari des créatures, car toute créature, ange ou homme, lui doit la crOation et l’élévation à l’ordre surnaturel, comme aussi, dans l’autre vie, la lumière de la gloire. L’homme peut trouver dans la rédemption une tendresse plus profonde, comme aussi il est invité à donner à la dévotion au Sacré-Cœur toute son extension et à son amour pour Notre-Scigneur toute sa perfection par la pratique de l’abandon. Par rapport à Marie : Marie a été décrétée avant toute créature ;

c’est très légitimement que la liturgie lui applique les paroles du livre de l’Ecclésiastique, xxiv, 14 sq. Dieu l’a aimée plus que toute autre créature, aussi lui a-t-il accordé comme premier don une grâce sanctifiante égale, pour le moins, à celle accordée aux anges et aux hommes. Ayant reçu du Christ celle première grâce, Marie a contribué à mériter avec le Christ tous les dons naturels et surnaturels qui ont été accordés aux anges et aux hommes. Cause méritoire de la grâce, elle en est la trésorière et la dispensatrice. Elle est la cause finale secondaire de la création. Aussi n’a-t-elle pu contracter ni le péché originel, ni la dette du péché originel. P. Chrysostome, loc. cit., p. 339-355, 307, 409. — c. Preuves. — Les preuves de l’opinion scotiste sont demandées à l’Écriture, aux Pères, à la raison théologique. — a. Écriture. — Plusieurs textes affirment la primauté absolue du Christ sur toutes créatures, et par conséquent la dépendance de toutes créatures par rapport au Christ, voulu par Dieu avant toutes choses, et pour qui tout a été fait. Prov., viii, 22. Voir col. 1484. Il s’agit ici, dit-on, de la Sagesse créée, c’est-à-dire incarnée. Le Verbe incarné est ainsi le principe de toutes les voies du Seigneur, c’est-à-dire des voies de la nature et de la grâce par lesquelles les créatures parviennent à la gloire, aussi bien par rapport aux hommes qui ont eu besoin de rédemption que par rapport aux anges qui n’ont pas eu besoin d’être rachetés. Donc, l’incarnation a été décrétée, non pas en vue du rachat de l’humanité, mais pour la justification et la glorification de toutes les créatures élues de Dieu, ce qui implique que si l’homme n’avait pas péché, le Verbe néanmoins se serait fait homme. — Col., i, 15-21, voir col. 1486. Dans le Christ toutes choses ont été créées ; donc, l’incarnation, raison dernière de la création, a dû être aussi indépendante de la chute de l’homme que l’a été la création de l’univers. - Eph., i, 3-14, voir col. 1487. La récapitulation de toutes choses dans le Christ n’indique-t-elie pas que l’ordre à restituer est celui-là même dans lequel les choses avaient été établies ? Si donc c’est par le Christ rédempteur que les hommes pécheurs doivent recouvrer l’état de sanctification, c’est qu’avant la chute, la grâce sanctifiante dérivait du Christ dans l’homme encore innocent. — Enfin, le Christ n’est-il pas indiqué par l’Écriture comme la fin de toutes choses, ce qui suppose l’incarnation voulue indépendamment du péché. Ileb., ii, 10 ; Col. ii, 16-17, voir col. 1486. — (3. Les Pères — On a vu plus haut, col. 1491. sp, les textes des Pères envisageant l’incarnation sans que mention soit faite de la rédemption ou dans des hypothèses où la rédemption elle-môine ne pouvait trouver place. Si toutes choses ont été créées dans le Christ, si l’homme, dans l’état de justice originelle, a été créé à l’image du Christ, si le Christ, HommeDieu, a déjà été préfiguré par Adam dans l’état d’innocence, si Adam encore innocent, a connu et prophétisé le mystère de l’incarnation, si l’incarnation est le principe de toutes les autres œuvres divines, si le Christ, comme homme, est le premier-né de toutes les créatures, si la prédestination du Christ est la cause de notre prédestination au point que la grâce des anges et celle d’Adam innocent venaient du Verbe incarné, si enfin le Christ est la cause finale de la création, comment ne pas conclure que l’incarnation est indépendante de la rédemption ? Tertullien ne semble-t-il pas le dire explicitement, et saint Cyrille d’Alexandrie lui fait écho, en nous interdisant de dire que le Christ est pour nous, alors que la piété chrétienne exige que ce soit nous qui soyons pour lui. On ne saurait donc admettre que les Pères, lorsqu’ils affirment, avec l’Écriture, que le Verbe s’est fait homme pour nous sauver, aient voulu se contredire, pas plus qu’on ne peut attacher aux paroles 1 ^99

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inspirées un sens contraire à celui qui découle de la primauté du Christ affirmce en maints endroits des Livres saints. Il faut donc dire que lorsque l’Écriture ou les Pères affirnient que le ^'erbe est venu nous sauver dans la chair, et à plus forte raison lorsqu’ils afRrment que, sans le péché à guérir, le Verbe ne serait pas venu dans la chair, ils entendent ici la chair passible et morlellc.que le A’erbe, certes, n’aurait pas prise si l’homme n’avait pas dû être racheté par les soulTrances de la croix. La formule traditionnelle : Qui propler nos et propier noslram salutem descendit de ca’lis, loin de créer une difficulté au scotisme, semble l’appuyer en distinguant un double motif dans la venue du Verbe : propter nos, motif de l’incarnation propter noslram salulem, motif de la rédemption. — y. Raisons theologiques. — La principale des raisons théologiques invoquées en faveur de l’opinion scotiste est l’ordre des vouloirs de Dieu. Cette raison a été exposée plus haut, col. 1496. — Une seconde raison est tirée des multiples difficultés auxquelles se heurte Fopinion adverse : Comment expliquer qu’une œuvre aussi parfaite que l’incarnation soit causée par le péché? Comment ne pas reconnaître au péché une utilité véritable par rapport à la venue du Verbe luiniême, dont il justifie, pour ainsi dire, l’existence humaine ? Comment conserver au Christ la primauté que lui assigne l’Écriture, alors qu’en réalité il semble fait pour l’homme ? Comment expliquer enfin que le Christ soit le chef de toute l’Église, c’est-à-dire des anges eux-mêmes, si de l’incarnation ne procède pas, indépendamment de l’hypothèse de la rédemption des hommes, la grâce essentielle des anges ? Cf. i-'rassen, lor. cit. ; Chrisfus, alpha et oméga, p. 375-385.

c) Discussion — a. Les adversaires font remarquer qu’aucune des preuves scripturaires ne démontre la thèse scotiste. Eux aussi admettent la primauté du Christ avec saint Paul et le livre des Proverbes ; mais ce n’est pas dans le même sens. La Sagesse incréée du livre des Proverbes n’est pas autre que le Verbe considéré dans sa divinité — ainsi l’interprète, d’ailleurs. Pie IX dans la bulle Inef/abilis, — voir col. 864 sq. Que si nous devions admettre qu’il s’agit ici de la sagesse créée (dato, non concesso, car le terme sx-ias n’indique pas une création, voir col. 1-181), il ne s’ensuivrait pas encore qu’il s’agit de la sagesse incarnée ; voir l’interprétation de Bossuet, acceptée de nos jours par Hurter, Theologix dogmoticæ, compendium, t. ii, n. 144, et par Pesch, De Dco uno. De Deo Irino, n. 472 ; mais, en acceptant qu’il soit ici question de la sagesse incarnée, il resterait encore à démontrer que la priorité accordée au Christ est une priorité de causalité, alors que le texte pourrait très bien s’intrepréter d’une priorité d’excellence ; enfin, en acceptant, sans le concéder, qu’il s’agisse ici d’une priorité de causalité, il ne résulte pas du texte que cette causaUté regarde toutes les voies de Dieu ; on pourrait encore l’entendre des voies de la réparation et de la restauration de l’homme après le péché. Quant aux textes de saint Paul, ni l’Èpître aux Colossiens, ni celle aux Éphésiens ne sont d’un véritable secours aux scotistes. Les versets 15-17 de l’Épître aux Colossiens ne se rapportent pas au Verbe incarné, mais au Verbe, considéré dans sa seule divinité ; le texte relatif au Verbe incarné ne commence qu’au verset 18, où le Christ est désigné comme le premier-né d’entre les morts. Tout l’argument croule donc par sa base. Ce texte de saint Paul, se rapportant à Dieu le Verbe, puis au Verbe incarné, est un exemple de communication des idiomes. Voir Hypostatique (Union), col. 444. Ainsi, il ne faut pas indûment attribuer la primauté absolue du Verbe, « en qui, par qm et pour qui tout a été fait, » à l’humanité que le Verbe s’est unie. De la sorte, nous ne ferons pas dire à l’Écriture que, purement et simple ment, « tout a été créé pour le Christ », alors qu’elle dit : « Tout a été créé pour le Verbe. » Schwalm, op. cit., p. 49-50. Quant à l’argument basé sur la récapitulation, il pèche lui aussi par la base, le mot àvoocetpaXaicôaaCTOcxi n’ayant pas, dans le texte de Paul, le sens qu’on lui prête. Toutefois, même avec ce sens, la restauration des créatures dans l’état primitif par le Christ n’imphque pas nécessairement que l’état de grâce primitif ait été constitué par Dieu dans le Christ. Enfin, Heb., iii, 10, ne démontre pas la thèse scotiste si on lit consummarc, texte reçu et légitime. Voir col. 1486. Si l’on veut Wre consttmmuri ci rapporter ce mot au Verbe incarné, on n’aboutit pas à un meilleur résultat ; car s’il est possible de dire que toutes choses sont pour (propler quem) le Verbe incarné, il est plus difficile d’accorder que toutes choses sont par (per quem) le Verbe incarné, du moins dans ce texte de Paul. On ne fait d’ailleurs aucune difficulté d’admettre que le Verbe incai’né doive être dit cause finale de toutes choses, tout en affirmant que, sans le péché, le Verbe ne se serait pas incarné. Voir plus loin. Sur le sens littéral des textes scripturaires invoqués par l’école scotiste, voir col. 148(i sc[. — b. Les textes des Pères ne prouvent pas non plus ce qu’on veut leur faire signifier. Sur plusieurs points, ce sont de simples opinions personnelles, sans portée dogmatique. On a déjà rappelé, d’ailleurs, qu’aucun texte ne dit explicitement que si l’homme n’avait pas péché, le Verbe ne se serait pas incarné. On fait observer ensuite que le sens accommodatice proposé par certains Pères, et d’après lequel toutes choses auraient été créées dans le Christ, formées à l’exemplaire du Christ, s’explique fort bien par le but poursuivi par les Pères dans leurs discussions. Il s’agit presque toujours de prouver la divinité du Verbe, attaquée par l’arianisme et les erreurs qui procèdent de cette hérésie. Il faut en dire autant de leiu" exégèse de Prov., viii, 22. L’exégèse des Pères ne nous lie pas, s’ils n’entendent pas donner par là le sens traditionsiel, et dogmatique reçu par l’Église. D’ailleurs, c’est en expliquant les livres sapientiaux que certains Pères, saint Athanase et saint Cyrille par exemple, ont proposé la doctrine contraire au scotisme. Ainsi, sans même les discuter à fond, pouvons-nous ne pas nous inquiéter outre mesure des déductions que les scotistes pensent tirer de certaines interprétations patristiques de la sainte Écriture. Il n’est pas difficile d’ailleurs de constater que même l’opinion adverse s’accommode facilement de la plupart des affirmations que les scotistes relèvent en faveur de leur opinion : elle accepte volontiers, par exemple, que l’homme ait été créé à l’Image du Christ, que le Christ ait été préfiguré dans l’état d’innocence, qu’Adam encore innocent ait connu et prophétisé le mystère de l’incarnation, sans en connaître le motif, oir Sum. theoL, H'-IL', q.ii, a, 7, que la prédestination du Christ ait existé de toute éternité et ait été le principe et l’exemplaire de notre prédestination, qu’en un mot soit due au Christ la’primauté absolue, encore que sa primauté ne s’affirme pas de la même façon par rapport aux anges et par rapport aux hommes. Quelques textes plus expficites des Pères relativement à la priorité de la prédestination du Christ sur la nôtre sont à interpréter d’après le contexte et selon le but poursuivi par leurs auteurs. Tertullien, affirmant que l’homme fut créé à l’image du Christ, se souvenait simplement de l’éternelle prescience de Dieu, par laquelle il était possible au créateur de former le premier liomme à l’image du Christ futur. Cf. Théodoret, Quivsl. in (ien., c. i, q. xix, P. G., t. lxxx, col. 102, Cyrille d’Alexandi-ie, rappelant l’impiété qu’il y aurait à soutenir que le Christ est pour nous et non pas nous pour lui, entendait simplement réfuter l’hérésie arienne qui présentait le Verbe comme un instrument ISOl

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lie la divinité dans la créalion du monde. Voir, contre i’évêque Jacques Naclant, O. I^. Enarralioiies in Epist. ad Eph., c. i, sect. ii, p. i, Digrcssio de prædestinatione Chiisli, I.yon, 1657, l’explication de ces textes et des textes similaires, dans Thomassin, De incarnalione, t. II, c. vi. Enfin, il faut observer relativement aux textes oCi la subordination de l’incarnation à la rédemption est explicitement affirmée, voir col. 1489 sq., que les scotistes éludent la difficulté par une addition à la pensée des Pères, laquelle est toute gratuite et sans fondement. Les Pèies, disent-ils, auiaient parlé de l’incarnation du Verbe dans une (liair passible et inoilclle. Or, cette restriction n’existe pas plus dans l’Écriture que chez les Pères ; nous n’avons donc pas le droit de la leur prêter. Quant aux Pères qui ont pu parler de chair passible, il resterait à déterminer si leur but n’était pas de réfuter l’erreur docèteou gaianite. Voirces mots. — c) Quant aux arguments de raison théologique, leur réfutation par l’école adverse fut précisément l’occasion du progrès théologique dans l’exposé de l’opinion contraire, qu’il nous faut maintenant décrire.

2. Opinion a/jirmunt la suburdination de V incarnation à lu rédemption. — a) Comment se présente cette opinion au Xlile siècle ? — L’autorité peu considérable de Kupert de Deutz et d’Honoré d’Autun n’est pas suffisante pour qu’on puisse affirmer que l’opinion plus lard défendue par Scot était, avant saint Thomas et saint Bonaventurc, l’opinion « traditionnelle. » En réalité, la question précise de la cause linale de l’incarnation n’avait pas été posée avant Alexandre de Ilalés et Albert le C^rand. Les affirmations de l’Écriture, l’autorité des Pères, relativement à la subordination de l’incarnation à la rédemption ne constituaient pas, à proprement parler, une doctrine nettement fornuilée dans le sens que saint Thomas devait préciser et faire accepter par un grand nombre de théologiens : néanmoins c’est la base solide sur laquelle l’opinion opposée au scotisme s’appuiera désormais, une fois proposée par l’angélique docteur. En pareille matière, l’argument fondamental sur lequel les disciples de saint Thomas après saint Thomas lui-même reviendront sans cesse, sera celui-ci : « Les choses qui ne proviennent que de la volonté de Dieu et ne sont pas dues à la créature, ne peuvent nous être connues que d’après les saintes Écritures, ciul nous manifestent la volonté divine. Par conséquent, puisque, dans l’Écriture, la raison de l’incarnation est partout tirée du péché du premier homme, il est plus convenable de dire que Dieu a ordonné l’iEuvre de l’incarnation au remède du péché, en sorte que, si le péché n’avait pas été commis, l’incarnation n’aurait pas eu lieu. » Sum. tlieol.. II1 q. I, a. ?>. C’eut donc parce qu’elle relève des affîrmalions explicites de l’Écriture que ropinion que (levait défendre saint Thomas, pourrait, à plus juste litre peut-être que l’opinion de Ilupert et de Scot, revendiquer le titre de traditionnelle. En réalité cependant, il faut reconnaître qu’au moment où il se posa, le problème était tout scolastique ; tel il est demeuré, et tout le progrès de l’opinion thomiste consistera à ordonner et justilier les différentes assertions de l’angélique docteur, dans l’hypothèse de la dépendance de l’incarnation par rapport à la rédemption.

— b) S. Bonanenturc. — Il ne tranche pas le débat : il lui paraît simplement que la principalcraison de l’incarnation a été la rédemption du genre humain. Il rapporte les deux opinions catholiques. Des deux, denumde-t-il, laquelle est la plus vraie ? Celui-là seul qui a daigné s’incarner pour nous le saurait dire. On ne peut guère préférer l’une à l’autre, l’une et l’autre, étant acceptée par l’enseignement catholique et professée par des maîtres catholiques ; l’une et l’autre excitant notre âme à la dévotion, chacune selon une

considération différente : vidrtur autem primus modus (celui qu’embrasseront plus tard les.scotistes^ magis consonare judicio rationis ; secundus tamen, ut apparet^ plus consonai pietati fidei : quia auctoritatibus sanctorum et sacræ Scripturæ maijis concordat. In IV Sent., dist. I, a. 2, q. ii. Le docteur séraphique admet conséquemment que le Christ ne donne pas aux anges le premier mouvement essentiel de la grâce et la gloire. Ibid., ad 4’"". Mais la prédestination du Christ demeure voulue par Dieu avant toute autre chose, à cause de la prescience de la chute, ibid., ad ôi"" ; et la primauté du Christ doit s’affirmer en ce sens que le Christ, même considéré dans sa nature humaine, est chef des hommes, parce que les membres du corps mystique du Christ ne peuvent avoir la grâce que par la foi à l’incarnation, dist. Xlll, a. 2, q. i, 3o ; bien plus, les anges et les hommes, dans la gloire, puiseront dans le Christ tout ce qu’ils auront de gloire. Sermo de corpore Christi, n. 31, Opéra, Quaracchi, t. v, p. 563. — c) S. Thomas. — Dans le Commentaire sur les Sentences, ouvrage de jeunesse, I. III, dist. I, saint Thomas d’Aquin parle presque comme saint Bonaventure : il représente l’opinion contraire à celle qu’enseignait son maître Albert le Grand comme une opinion probable. parce que fondée sur les affirmations de l’Écriture et des Pères. Dans la Somme théologique, la pensée de saint Thomas est plus nettement formulée, III », q. I, a. 3. Il est plus probable que le Verbe ne serait pas incarné si l’homme n’avait pas péché. Voir col. 14î<0. Cette conception ne diminue pas la primauté du Christ : la prédestination du Christ demeure la cause de notre prédestination, en ce sens que, considérée dans tout l’enchaînement de causes qui aboutit à notre salut, notre prédestination doit être modelée sur celle du Christ : la fdiation naturelle du Christ étant le modèle de notre fdiation adoptive, et la grâce par laquelle nous devenons enfants adoptifs de Dieu étant une dérivation de la grâce du Christ. Suni. theoL, IIl", q. xxiii, a. 3, 4. Le Christ, considéré même dans sa nature humaine, est le chef de l’Église, des hommes qui, rachetés par lui, tiennent leur vie surnaturelle de lui-même ; des anges sur lesquels se répand quelque chose de la plénitude de grâces du Christ. Voir q. viii, et De veriiate, q. xxlx, a. 7. Enfin, l’incarnation demeure la fin à laquelle tout est ordonné dans la criation, ainsi que les théologiens de Salamanque ont (TU le trouver dans deux passages de saint Thomas, Sum. theoL, III, q. xxiii, a. 3, 4, et In IV Sent., I. IV, dist. XLVIIl, q. ii, a. 1 ; ou tout au moins des merveilles de l’ordre surnaturel. Cont. génies, t. IV, c. xxvii. — c) Les explications de l’école thomiste. — Toutes ces affirmations nécessitent une coordination d’idées. Il faut, en elTet, concilier ces deux doctrines, le Verbe ne s’est incarné qu’à l’occasion du péché r et cependant l’incarnation demeure la cause exemplaire, efficiente et finale de notre prédestination. Cajétan, dans son Commentaire sur la Somme théologique, IIP’, q. I, a. 3, pose deux principes de solution : a. Il établit quelle prescience est requise en Dieu par la prédestination du’erbe incarné, et par là, il répond d’avance aux crituiues injustifiées de quelques disciples moins fidèles de l’angélique docteur, voir Tolet, op. cit., q. I, a. 3, 3* conclusio, relativement à la prétendue impossibilité de concilier, sans la science moyenne, la doctrine thomiste de la prédestination avant toute prévision des mérites et des démérites, avec la solution présente de saint Thomas dans la question du motif de l’incarnation, b. Il distingue l’ordre de conséquence matérielle, de l’ordre de causalité proprement dit, et ainsi établit dans le cas présent « lue si Dieu veut la priorité, dans l’ordre de conséquence matérielle, du péché sur l’incarnation, il ne s’agit pas d’une priorité de causalité réelle, le péché

n’étant que l’occasion de l’incarnation Dieu, permettant le pcclié, a voulu que celui-ci se produisît avant l’incarnation ; mais, dans l’ordre des réalisations divines, le péché n’est pas pour autant la cause de l’incarnation. Et ainsi la première des difficultés soulevées par les scotistes a trouvé sa solution. A cette remarque fondamentale, Gonet et les Salmanticenses ajoutent une distinction féconde ; Scot reproche à tort à l’opinion thomiste de prétendre que le Christ est pour nous et non pas nous pour lui. Il faut, en effet, introduire ici une distinction formulée par le docteur angélique lui-même. In IV Sent., t. II, dist. XV, q. i, a. 1, ad 6oi », entre la finis qui ou cujus gratia, et la finis oui. La première est la fin, le bien que l’on recherche en agissant, la seconde est la personne ù qui profite l’action. En affirmant que le motif de l’incarnation est le salut des hommes, la gloire divine procurée par ce salut est la fin qui est recherchée par Dieu, et vers laquelle tout est ordonné dans l’œuvre de notre rachat ; l’homme n’est que la fin à qui ce salut profite. Bien plus, en considérant la fin, non pas du côté de Dieu qui ne peut vouloir que sa gloire, mais du côté des œuvres qui s’enchaînent les unes aux autres les moins parfaites étant ordonnées vers les plus parfaites, il faut dire que la gloire du Verbe incarné est la fin de toutes les œuvres de Dieu, et principalement de notre justification, cf. concile de Trente, sess. VI, c. vii, Denzinger-Bannwart, n. 799, Dieu ayant voulu d’un seul acte tout ce qu’il prévoyait devoir exister dans l’ordre présent, le péché y compris et par suite le rédempteur. Gonet, op. cit., disp. V, § 6 ; Salmanticenses, op. cit., disp. II, dub. i, n. 7 sq. Ces derniers mots rappellent une troisième précision formulée par Gonet, loc. cit., § 3, n. 19, et, avant lui, par Molina, In /"" part. Sum. S. Thomx, q. xxiii, a. 4, 5, De causa prœdeslinationis, m. vu : l’ordre de priorité et de postériorité ne se trouve pas dans le vouloir divin, mais dans les choses voulues par Dieu. L’ordre est donc à placer non pas entre les vouloirs divins, le vouloir étant unique et portant sur tout l’ordre des événements prévus, et décrétés par Dieu, mais entre les objets voulus par Dieu. Par là, la raison fondamentale de Scot pèche par la base, puisqu’elle repose sur l’ordre des vouloirs divins, considérés en eux-mêmes. Or, il n’est pas inconvenant que, du côté des événements voulus, le péché ait sur l’incarnation une simple priorité d’occasion, et l’homme sur le Christ une priorité dans l’ordre de cause matérielle, c’est-à-dire de fin, à qui doit profiter le salut apporté par le Verbe incarné. Une dernière remarque, commune à tous les théologiens thomistes, concerne les textes de l’Écriture qui semblent assigner, en outre de la rédemption des hommes, d’autres buts à l’incarnation : notre enseignement et notre éducation dans la vie chrétienne, Tit. H, 11-12 ; notre gloire, I Cor., ii, 7 ; l’exemple de la pratique des vertus, Joa., xiii, 15 ; la prédication de la vérité, ibid., xviii, 37. Saint Thomas lui-même, loc. cit., ad l’i'", fait remarquer que toutes ces causes se rapportent au remède du péché. Peut-être chacun de ces motifs eût été à lui seul suffisant pour provoquer l’incarnation, mais parce que tous furent envisagés par Dieu sous l’aspect très particulier du remède au péché, il faut énergiquement maintenir que seule la rédemption du genre humain est le motif déterminant de la venue du Verbe dans la chair. Cf. Salmanticenses, /oc. cit., n. 41. — d) Les réponses des thdoloçjiens thomistes aux difficultés proposées par l’école scotiste. Voir col. 1 196. — La solution des difficultés soulevées par les scotistes semble, à la suite de ces explications, s’offrir d’elle-même : a. Le péché n’est pas la cause, mais l’occasion de l’incarnation, et l’hypothèse, qu’un bien considérable comme l’incarnation soit occasionné par un moindre bien, la réparation du

péché, n’offre pas tl’inconvénient aux regards des exigences de la raison. Voir S. Thomas, Sum. theol., IIl », q. I, a. 3, ad 3 i"’. Le Christ ne doit rien au péché ; toute son existence et sa perfection, occasionnées sans doute par le péché à réparer, sont ordonnées à la gloire de Dieu, et la gloire de Dieu manifestée par la réparation du genre humain est la raison dernière de l’incarnation. Le péché reste un mal, même vis-à-vis du Christ, et si l’Église chante fdii culpa, c’est uniquement en raison du grand bien dont cette faute, toujours en soi regrettable, a été l’occasion. Même dans l’opinion thomiste, le Christ garde la primauté que lui reconnaît l’Écriture ; certains se contentent d’affirmer une primauté d’excellence ; mais d’autres n’hésitent pas à reconnaître au Christ une primauté dans fordre d’intention et de causalité. Cf. Gonet, op. cit., § 5, C ; Jean de Saint-Thomas, De incornatione, q. i, disp. III, a. 2, concl. 4. Notons toutefois une légère dilTérence de conception entre thomistes ; les uns, comme Jean de Saint-Thomas, qui suit en cela Cajétan, supposent qu’avant le décret efficace de la prédestination du Christ, il faut supposer en Dieu le décret relatif à la providence générale qui détermine l’existence de l’ordre de la nature et de celui de la grâce dans les créatures raisonnables. La priorité n’appartient au Christ qu’au moment où, le péché étant prévu par Dieu, commence l’ordre de la prédestination des créatures ; c’est ici seulement que la priorité appartient, dans l’intention et la causalité, au Christ. D’autres, Gonet, loc. cit., à cause de la simplicité de l’acte divin, concèdent que Dieu, d’un seul décret englobant la prévision du péché et sa réparation par l’incarnation, a tout ordonné, même la création, au Verbe fait homme. Cette dernière conception paraît plus logique et répond mieux à la dignité du Verbe incarné ; elle donne une solution à la difficulté scotiste sans réplique. » Dans l’ordre de l’intention et de la causalité finale, le Christ est le premier en vue, puis la création, la gloire, la justification, la permission du péché, bien que ce soit l’inverse dans l’ordre de l’exécution et de la causalité matérielle. Sans le péclié, point d’incarnation ; mais le péché prévu et l’incarnation décrétée pour réparer le péché, tout est ordonne à ce Christ-roi, tout est orienté vers lui, et Jésus est ainsi et nécessairement le centre et la fin de toute la création. » Hugon, op. cit., p. 75. Quant à la grâce du premier homme encore innocent, les thomistes confessent qu’elle échappait à l’infiuence de l’incarnation, sauf peut-être en ce qui concerne la foi en ce mystère, imparfaitement révélé à Adam innocent ; si l’Église s’étend à Adam innocent, il faut dire que « le Christ, avant le péché, n’aurait été le chef de l’Église que selon sa divinité ; après le péché, l’incarnation étant décrétée pour la réparation du genre humain, il devient le chef de l’Église, même dans sa nature humaine. » S. Thomas, De vcritatc, q. xxix, a. 4, ad S » ™. En ce qui concerne les anges, il n’est pas dit dans la sainte Écriture que le Christ est venu pour être chef des anges, mais, ce qui est bien différent, qu’il a été constitué, par Dieu le Père, chef des anges. II n’est donc pas nécessaire de supposer que si l’homme n’avait pas péché, le Christ aurait dû néanmoins exister. Dieu et Homme, pour être le chef des anges. Il suffit d’affirmer que l’incarnation étant décrétée, le Christ a été constitué chef des anges, tout d’abord par l’excellence de sa personne, ensuite par l’influence illuminatrice que son humanité exerce sur les anges. Voir S. Thomas, Sum. theol., IIP’, q. viii, a. 4, et De verilate, loc. cit., ad 4o™. Cette infiuence va-t-elle jusqu’à la communication de la grâce et de la gloire essentielles ? Certains thomistes ont voulu le démontrer, mais il semble nécessaire, si l’or veut être fidèle aux principes de saint Thomas, de la restreindre à la grâce et à la gloire

accidentelles. Voir Jean de Saint-Thomas, lor. cit., n. 20. — e) Quant aux conséquences que les scotistes prétendent tirer de leur système, les unes ne leur sont pas particulières et se rencontrent tout aussi bien dans le système thomiste, par exemple, la gloire « plus grande » du Christ et celle de sa divine mère : « La bonté divine éclate bien plus dans l’ordre de l’incarnation rédemptrice que dans l’hypothèse d’une incarnation purement glorificatrice, puisque la gratuité de la gloire s’y double de la gratuité du pardon. La toute-puissance y déborde vraiment ; d’un plus grand mal Dieu tire l’occasion d’un plus grand bien. Là où le mal abondait, la grâce a surabondé, Rom., v, 28. » Schwalm, op. cit., p. 53-.’)4. D’autres conséquences leur sont propres, mais condamnent précisément leur opinion : telle, par exemple, celle qui consiste à enlever à l’âme de Marie la dette prochaine du péché originel. Bien que certains théologiens considèrent que l’on peut en regard de la doctrine catholique de la l’édemption universelle par le Christ, soutenir que Marie n’avait contracté, par sa conception, qu’une dette éloignée du péché originel, on estime généralement, surtout après la bulle Ineffabilis, que cette opinion est moins probable, et quelques-uns vont même jusqu’à la déclarer insoutenable, si l’on veut expliquer connnent la vierge Marie fut rachetée d’une façon plus sublime par le Christ. Voir Iimmacui.ée conception, col 1073 sq. D’ailleurs, Scot n’avait pas tiré cette conclusion de sa doctrine, lui qui professait que « Marie a eu besoin du rédempteur pour la préserver du péché. » In IV Sent., t. iii, dist. III, q. I, § Si aatem. Voir, sur ce point spécial. De Lugo, De incarnatione, disp. VII, sect. iii-iv. 3. Remarque et conclusion.

a) Remarque. — Dans sa controverse avec le P. Chrysostome au sujet du motif de l’incarnation, le R. P. Galtier, tout en maintenant que, sans le péché, le Verbe ne se serait pas incarné, a tenté la conciliation de l’opinion moyenne de Suarez et de l’opinion thomiste : « Puisqu’il nous plaît de rechercher le motif intégral et dernier de l’incarnation elle-même, reconnaissons sa complexité. Il comprend à la fois la réhabilitation de l’homme et la perfection du Christ. De cette fin totale poursuivie par Dieu l’une et l’autre partie sont essentielles, mais la seconde l’emporte sur la première en excellence. Pas d’antériorité proprement dite : la création, la permission du péché, la restauration du genre humain, l’incarnation ont été voulues en même temps ; mais, coordination harmonieuse, Adam doit au Christ d’avoir été voulu malgré sa chute ; le Christ a été voulu pour l’humanité, mais surtout pour lui-même ; sans le péché d’Adam, pas de Christ ; mais sans le Christ à venir lias de monde avec le péché. » Nouvelle revue Ihéoloijique, 1911, p. 114. Bien que l’auteur se défende de vouloir suivre Suarez, c’est, en réalité, à Suarez qu’il s’attache en mettant sur le même plan le double motif, réhabilitation de l’homme, perfection du Christ, qu’il appelle le motif « intégral de l’incarnation. C’est, à notre avis, confondre les deux sortes de fins, la fin cujus gratia, et la fin cui. Les thomistes, en faisant cette distinction, ont remis à leur vraie place, dans le plan divin, et la perfection du Christ et l’utilité de l’homme : « De l’opinion dite moyenne (de Suarez), écrit le P. Ilugon ( en faisant allusion aux articles du P. Galtier) il ne faudrait pas rapprocher - - connne on l’a fait parfois et tout récennnent encore - - la théorie de Cajétan, de Gonct, des Salmanticenses, etc. Tous ces théologiens enseignent énergiquement, à rencontre de Suarez, que le motif unique de l’incarnation est la rédemption du monde, que sans la chute, le Verbe ne serait point venu parmi nous ; enfin, que pour les anges et pour nos premiers parents dans l’état d’innocence, la grâce et la gloire essentielles n’émanent pas du Verbe incarne. Ils s’attachent, d’autre part, à

DICT. DE TÉnOL. CATIIOI, .

montrer que, même dans cette théorie, le Christ peut être appelé, en un sens légitime, le centre de la création et le premier-né de tous les prédestinés, Op. cit., p. 74-75.

b) Conclusion. — Notre conclusion sera la conclusion si prudente de saint Bonaventure. Voir col. 1501. Au point de vue de la raison, l’opinion scotiste semble plus satisfaisante ; mais au point de vue de la foi fondée sur la révélation, l’autre opinion semble s’imposer. Théologiquement, la première a l’argument de l’autorité de théologiens considérables et de la raison théologique ; mais la seconde repose sur l’autorité plus forte de l’Ecriture et des Pères. Sans prendre parti pour aucune des deux opinions, on doit dire que celle de Scot est probable et que celle de saint Thomfs est plus probable.

S. Thomas, . Sum.f/ito ;., III », q. i, a. 3 ; In IV Sent., Aist. i, q. I, a. 3 ; Capréolus, In IV Sent., I. III, dist. I, q. unie, 1. a ; Cajétan, In Siim. iheol. S. Thoinx, loc. ciI. ; Jean de Saint-Thomas, De incarnatione, disp. III ; Salmanticenses, ibid., disp. II ; Billuart, disp. III ; Gonet, disp. V ; Tolet, In Sum. theol. S. Thomæ, Inc. cit. ; Vasquez.De incarnatione, disp. X ; De Lugo, ibz’fL, disp. VII, Legrand, i&id., dissert. VII, c. III ; Thomassin, op. cit., t. I, c. v-xi. etc. Les auteurs scotistes ont déjà été cités au cours de l’article. On lira avec profit la dissertation, dans le sens thomiste, du P. Hilaire de Paris, capucin, Ciir Deus liomo, Lyon, 1867, et les ouvrages, dans le sens scotiste, du P. Chrysostome, Christus, alpha et oméga, Lille, 1910, et surtout. Le motif de l’incarn^ition et les thomistes contemporains. Tours, 1921, où se trouvent reproduites les controverses que l’auteur a soutenues, dans les Études franciscaines, avec le R. P. Ilugon, O. P., dans Revue thomiste, 1913, p. 276 sq.. Le motif île l’incarnation, article reproduit dans Le mystère de l’incarnation, Paris, 1913, c. V, et avec le R. P. Galtier, .S.. !., Nouvelle revue Ihéologique, 1911, p. 44-57 ; 104, Le vrai motif de l’incarnation.

4. Questions subsidiaires.

A l’occasion du motif de l’incarnation, les théologiens agitent quelques questions subsidiaires qu’on ne fera qu’énumérer. — a) L’universalité de la rédemption nous oblige à admettre, comme une vérité au moins théologiquement certaine, , que le Christ est venu elTacer tous les jiéchés, aussi bien les péchés actuels des hommes, que le péché originel, commun à toute la nature humaine considérée dans chacun des descendants d’Adam, Cf. I.loa., i, 7 ; II, 2 ; Ileb., i, 3. oir Rédemption. — b) Il est également certain que le Christ est venu sur terre principalement à cause du péché oriqincl : car, si le péché actuel et mortel est, en soi, plus grave que le péché originel, considéré comme faute de la nature, le péché originel est cependant un mal plus universel et plus profond, puisqu’il a corrompu la nature humaine tout entière, que Dieu avait constituée dans l’état de justice et de rectitude, ^"oir la doctrine de saint Paul sur rantithèse du Christ et d’Adam, Rom., v. Cf. S. Thomas, Sum. theol., 111 », q. i, a. 4, et tous les commentateurs. — c) Donc, si, par impossible, le péché originel seul eût existé, sans aucun péché actuel, le Verbe, d’après l’opinion commune des théologiens même thomistes, se serait néanmoins incarné. On ne cite, sur cette doctrine communément admise, que deux ou trois noms d’opposants. Cabrera, Nazario, Godoy ; cf. Gonet, loc. cit., n. 71 ; Salmanticenses, De incarnatione, disp. II, dub. m. § 3. — d) Mais, dans l’hypothèse où le péché originel n’existerait pas et ((ue seuls les péchés actuels auraient été commis, la jilupart des thomistes, avec Gonet. loc. cit., n. 75, et les théologiens de Salamanque, loc. cit., dub. iv, voir les noms d’auteurs cités, n. 07, soutiennent qu’il n’y aurait pas eu d’incarnation, en vertu du décret divin actuel. Et ils appuient leur argumentation sur cette raison de saint Thomas : « Partout dans l’Écriture, le motif de l’incarnation est tiré du péché du premier homme ; » donc, sans ce péché, il n’y aurait pas eu d’incarnation.

VIL — 48 Cette raison thi’ologique, dit le P. Ilugon, est très plausible. Farloul où fait défaut le motif capital, fondamental, l’elïel est nécessairement arrêté ; il y aurait violation évidente du principe de finalité si une œuvre se produisait lors même que le motif principal aurait manqué. » Op, cit., p. 90-97. Dans l’hypotlièse soulevée, que se serait-il produit ? La théologie reste muette et s’en remet à la miséricorde divine. Mais l’opinion adverse a ses partisans. Citons Suarez, De incarnatione, disp. V, sect. vi ; Gropoire de Valencia, ibid.. p. vi ; Granados, ibid., tr. III, disp. II, concl. 2o ; De Lugo, ibid., disp. VII, sect. v, n. G3, etc.

VI. Cause efficiente.

Dans l’incarnation il importe de distinguer le principe aclif qui produit l’union de l’humanité au Verbe, du principe formel, ou du terme auquel aboutit cette union. Autre chose, en effet, est de produire l’iiumanité sainte de Jésus-Christ et de l’unir au Verbe, autre chose est de retenir dans l’être divin l’humanité sans subsistence propre. Ce dernier aspect de l’incarnation est propre au Verbe, et c’est de ce chef que seul des trois personnes divines le Verbe doit être dit incarné. Mais le premier aspect marque l’action commune aux trois personnes dans l’œuvre de l’incarnation : c’est l’aspect de la causalité efficiente. Toutefois comme la causalité efficiente peut être considérée soit dans l’ordre de la cause principale, soit dans l’ordre de la cause instrumentale, on devra étudier ici ce double point de vue.

1o Cause efficiente principale. — 1. Les Irois personnes de la sainte Trinité, par leur action commune, sont la cause efficiente de l’incarnation. — Otte assertion, qui est de foi, repose : 1. Sur la sainte Écriture, qui rapporte à Dieu, sans distinction de personne (sauf les cas d’appropriation, voir plus loin), l’œuvre de l’incarnation, Joa., III, 17 ; Rom., viii, 3 ; Gal., iv, 4 ; I Joa., IV, 10 ; si la mission du Fils dans la chair est rapportée souvent au Père comme à son principe actif, c’est que l’écrivain inspiré veut marquer par là la filiation divine selon laquelle, par voie de génération, le Verbe procède du Père. Voir Fils de Dieu, t. v, col. 23962397. — 2. Sur l’autorité des Pères, notamment de saint Augustin, solus Dei Filius, quod liujus est Verbum, caro faclum est, quamvis Trinitate faciente. De Trinitate, t. XV, c. xi ; cꝟ. t. I, c. iv, P. L., t. xlii, col. 1072. 824 ; cf. Enchiridion, c. xxxviii, P. L., t. lxv, col. 251 : de saint Fulgence : Tota Trinilas nos reconriliavil per hoc, quod solum Verbum carnem ipsa Trinilas fecit. De fuie ad Petrum, c. ii, n. 23, P. L., t. lxv, col. 760 ; cf. Hugues de SaintVictor, De sacramentis, t. II, part., I, c. iii, P. L., t. clxxvi, col. 376 sq. — 3. Sur les décisions dogmatiques de l’Église, du XI’= concile de Tolède : Incarnationem quoque hujus Filii Dei tota Trinilas opérasse credenda est, quia inseparabilia sunt opéra Trinitatis… missus tamen Filius, non solum a Pâtre, sed a Spiritu Sancto… a scipso quoque missus accipitur, pro co quod inseparabilis non.wlnm voluntas, sed operatio tolius Trinitatis ar/nosciiur, Denzinger-Bannwart, n. 284. 28.5 ; du IV’^ concile deLatran : Unif /enitus Dei Filius Jésus Clirislus, a tota Trinitate communiler incarnatus, Denzinger-Bannwart, n. 428.

4. Sur la raison théyloijique : l’union active, c’est-à-dire l’opération efficace qui rive l’humanité à la personne divine, est une œuvre ad extra, voir t. i, col. 399, et, par conséquent, commune aux trois personnes. Cf. Pierre Lombart, Sent., t. III, dist. I ; S. Thomas, /nyySe/i^, 1, III, dist. I, q. ii, a. l, ad 2um ; Sum. theol., III, q. iii, a. 4 ; et tous les commentateurs de saint Thomas sur cet article de la Somme, notamment Tolet, q. II, a. 3, et les Salmanticcnses, disp. V, dub. I, où l’on trouvera discutées longuement plusieurs subtilités proposées sur ce sujet par quelques théologiens de peu d’autorité, notamment Raconis, Antoine d.’lla Parra. Ces théologiens voudraient distinguer une œuvre active commune aux trois personnes, la création, la conception du Verbe incarné, de l’œuvre active proprc au Verbe, l’assomption de l’humanité ou incarnation proprement dite. C’est, en réalité, confondre dans l’incarnation la cause cfliciente et la cause formelle. Voir une longue dissertation sur ce point dans Ysambert, op. cit., q. ii, disp. VII, a. 2-4, 2.

2. L’action commune des personnes divines, unique si on la considère du côté de Dieu, puisqu’elle s’identifie avec l’acte pur qu’est Dieu, est multiple, si on la considère dans son terme. Voir Hvpostatique (Union), col. 536. En faveur de l’opinion commune des théologiens qui distingue logiquement, mais non chronologiquement, l’action créatrice de l’âme raisonnable du Christ, l’action génératrice de son humanité, l’action unitive de l’humanité au Verbe, on devra consulter, en plus des auteurs indiqués, col. 536, les Salmanticenscs, loc. cit., dub. ii, § 2. Sur le terme « total » et sur le terme « formel » de l’action divine, voir IIyposta-TiQUE (Union), col. 521-525.

3. Par appropriation, l’incarnation est dite l’œuvre du Saint-Esprit. -- Sur l’appropriation, sa légitimité, ses fondements théologiques, voir t. i, col. 1708 sq. La sainte Écriture elle-même attribue à l’Esprit-Saint l’œuvre de l’incarnation. Luc, i, 35 ; cf. Matth., i, 20. La tradition, s’exprimant par les documents les plus vénérables, consacre cette appropriation : symbole des apôtres : qui conceplus est de Spiritu Sancto, Denzinger-Bannwart, n. 2 ; cf. symbole d’Épiphane, n. 13, formule dite Fides Damasi, n. 16 ; symbole de Nicée-Constantinople, n. 85 ; concile de Latraii, sous Martin I", can. 2, n. 255 ; XF^ concile de Tolède, n. 282 ; IIF concile de Constantinople, n. 290 ; symbole de saint Léon IX, n. 343 ; IV <^ concile de Latran, c. i, n. 429 ; profession de foi de Michel Paléologue, au IF concile de Lyon, n. 462 ; profession de foi du concile de Trente, n. 994 ; etc. La liturgie de l’Église a consacré, elle aussi, cette appropriation, en attribuant fréquemment l’œuvre de l’incarnation du Fils de Dieu au Saint-Esprit : rappelons, entre autres exemples, l’oraison du Saint-Esprit obligatoire aux messes votives de Beata, et l’invocation des litanies du Sacré-Cœur : Cœur de Jésus formé par l’Esprit Saint, dans le sein de la Vierge Mère.

On peut se demander quelles raisons spéciales existent quant à l’attribution à l’Esprit de Dieu soit de la conception miraculeuse de la chair du Sauveur, soit de l’union de cette même chair avec le Verbe de Dieu. » Ce qui réclame cette appropriation, dit saint Thomas, Sum. theoL, III", q. xxxii, a. 1, cf. In IV Sent., t. III, dist. IV, q. i, a. 1, c’est d’abord la cause de l’incarnation envisagée du côté de Dieu. Le Saint-Esprit par sa propriété personnelle est l’amour du Père et du Fils. Or, l’incarnation du Fils de Dieu dans le sein très pur de la Vierge est excellemment une œuvre d’amour : car le Sauveur a dit lui-même en son Évangile : Dieu a tant aimé le monde qu’il lui a donné son Fils unique. Joa., iii, 16. Ce qui le demande encore, c’est la cause de l’incarnation, considérée du côté de la nature que le Verbe a faite sienne. En effet, nous apprenons par là que, si l’humanité du Sauveur est entrée dans sa personne, ce n’a pas été mérite de sa part, comme l’ont rêvé certains hérétiques, mais simple libéralité, bonté toute pure. N’est-ce pas au Saint-Esprit, le Don substantiel de Dieu, que l’Écriture attribue toute grâce, suivant la parole de l’apôtre : (7 u a une grande diversité de grâces, mais il n’est qu’un même Esprit, I Cor., xii, 4. Ce qui la demande enfin, c’est l’incarnation prise du côté de son terme : car elle allait à faire de l’homme conçu par la vierge Marie, le Saint par excellence et le Fils éternel du Père. Or, la troisième personne de la Trinité n’est-elle pas l’Esprit Saint, la Sainteté hypostatique, l’Esprit de la sanctification ? » L’opuscule anonyme sur V Humanité du Christ, attribué au docteur angélique, Opéra, Parme, t. xvii, p. 185 sq., ajoute une quatrième raison, tirée de la nature du Verbe, a. 3, p. 192 : « Le Verbe de l’homme, c’est-à-dire la parole intérieure par laquelle tout homme se dit à lui-même l’objet de sa pensée, porte en lui la vivante image du Verbe éternellement conçu dans le sein du Père. C’est pourquoi saint Augustin a dit : Qui peut comprendre ce qu’est notre verbe, avant qu’il se manifeste par les sons articulés de la voix, avant même que l’imagination forme en nous la ressemblance des sons, celui-là peut contempler quelque image de ce Verbe dont il est écrit : Au commencement était le Verbe. Or, comme le verbe humain s’incorpore en quelque sorte dans la voix pour se révéler sensiblement aux hommes, ainsi le Verbe de Dieu s’est revêtu de notre chair afin de se manifester au monde. Mais c’est du soufïle (spirilus) de l’homme que se forme la voix ; il a donc fallu que la chair du Christ fût formée par le souffle, l’Esprit du Christ. » Cf. Terrien, La mère de Dieu, t. i, c. ii, p. 33-36. Le P. Terrien s’appuyant sur l’autorité de saint Bonaventure, In IV Sent., t. III, dist. IV, a. 1, q. i, concl., lequel invoque lui-même l’autorité d’Hugues de SaintVictor, complète la raison tirée de l’amour. « Ce n’est pas seulement l’immense charité de Dieu pour les hommes qu’il faut admirer dans le mystère de l’incarnation. Si le Fils de Dieu descend dans le sein de Marie pour y contracter avec elle un mariage indissoluble avec notre nature, il y vient attiré par les vertus de la divine mère, et surtout par l’amour dont brûle pour Dieu son cœur virginal. Dès lors, quoi de plus naturel que d’attribuer à l’Amour du Fiis, puisqu’il en procède, une union fondée de part et d’autre sur l’amour ? » Ibid., p. 36.

2o Cause instrumentale. - - Il est trop évident qu’une simple créature, ange ou homme, ne peut être cause principale efficiente de l’incarnation La cause ne peut pas être inférieure à l’effet, et, pour relier la créature à la subsislencc divine, il ne faut rien moins que la toutepuissance de Dieu. Mais la théologie catholique se pose le problème de la causalité instrumentale vis-à-vis de l’incarnation, par rapport à une simple créature. Le problème n’est pas purement scolastique : il concerne en effet un des titres glorieux donné parfois à la sainte Vierge par les Pères de l’Église : V instrument de Dieu dans l’incarnation. Oii examinera donc la possibilité d’une cause instrumentale créée dans l’œuvre de l’incarnation et l’application de la doctrine reçue à la part prise par. Marie dans l’incarnation du Verbe.

1. Une créature peut-elle être cause instrumentale dans l’incarnation ? — Deux opinions partagent les théologiens. Pour l’opinion affirmative, on peut citer des auteurs de première autorité, Suarez, Df incarnatione, disp. X, sect. i, n. 8 ; Bccanus, Summn theologise scolasliciv, de incarnatione, c. ii, q. v, concl. 3o ; Cabrera, In Sum. S. Thomee, III », q. ii, a. 10, disp. I, § 2 ; Godoy, ibid., disp. XI, n. 116, et surtout Gonet, op. cil, disp. VII, a. 4, n. 2. Les Salmanticenses adoptent et défendent cette opinion, op. cit., disp., dub. III, n. 37. Les raisons apportées par les partisans de cette opinion sont, en somme, assez faiples. (ionet se contente de baser sa thèse sur la fragilité des raisons qu’on lui oppose, n. 8-13. Les Salmanticenses donnent une raison positive, à savoir la possibilité pour l’instrument d’atteindre le mode créé d’union qui existe entre le Verbe et l’humanité. Cf. Hypostatiquf. (Union), col. 539. Sur ce mode d’union admis par les théologiens de Salamanque, voir plus loin : Causalité dispositire dans l’incarnation. Pour l’opinion négative, qui est la plus communément admise, on doit citer Contenson, op. cit., diss. 1 1, c. II, specul. m ;.lean de Saint-Thomas, op. cit., q. ii, a. 3, n. I. tout au moins dans l’opinion de saint Thomas sur le constitutif formel de l’union hypostalique, voir ce mot, col. 526-527, et Hypostase, col. 415-418 ; Mohna, In I^"" part. Sum. tfieol. S. Thomw, q. XLV, a. 5, disp. 1 1 ; Vasquez, De incarnatione, disp. XXV, c. I, et, parmi les thomistes de moindre notoriété. Médina, Alvarez, Philippe de la Sainte-Trinité, (>ipullus, etc. Le fondement de cette opinion paraît plus solide que celui de l’opinion précédente. L’ne première raison, laquelle n’est pas admise cependant par Jean de Saint-Thomas, n. 2, c’est qu’il est impossible que la vertu infinie soit portée dans un instrument créé. Une seconde raison, proposée par Jean de SaintThomas, c’est que l’instrument doit exercer une action propre préalable, dont le terme doit être reçu dans un sujet. Or, dans l’incarnation, point de sujet pour recevoir le terme de cette action, attendu que l’incarnation ne consiste pas dans une entité créée, mais dans la subsistance du Verbe communiquée à la créature. De même que le Verbe ne peut être atteint par l’action de la créature, ainsi ne peut-il devenir le support d’une action créée. Point de place donc dans l’incarnation pour une cause instrumentale créée. Cf. Hugon, op. cit., p. 106-107.

2. Comment la sainte Vierge a-t-elle coopéré à l’œuvre de l’incarnation comme cause efficiente ? — Après la question spéculative de la possibilité d’une cause instrumentale créée dans l’œuvre de l’incarnation, la question de fait : Marie a-t-elle été cause instrumentale dans l’incarnation, et, dans l’hypothèse d’une réponse négative, quelle fut sa coopération active ? De rares théolofiiens, Suarez, Bt’canus, for. ciï., sans oser affirmer cpie la très sainte Vierge fût élevée par Dieu comme instrument de l’incarnation, pensent néanmoins que cette opinion, que semblent autoriser les dires de quelques Pères, cf. Suarez, n. 9, est une opinion recevable. Mais la plupart des théologiens, même ceux qui, comme Gonet, Cabrera, les Salmanticenses, admettent théoriquement la possibilité d’une coopération instrumentale à l’incarnation de la part d’une simple créature, refusent d’admettre qu’en fait aucune créature, pas même la vierge Marie, ait été prise par Dieu comme instrument de l’incarnation. C’est l’opinion de saint Tliomas, Sum. theoL, III", q. xxxii, a. 4 ; cf. q. xxxi, a. 5 ; q. xxxv, a. 3. Tout en négligeant les raisons tirées d’une physiologie incomplète, nous devons reconnaître avec saint Thomas que la maternité divine de Marie non seuk’ment ne requérait pas, mais excluait positivement, une coopération à l’union hypostalique elle-même. Le rôle de Marie, en elïet, consistait uniquement à fournir au Verbe la nature humaine, telle que les autres mères la donnent à leurs fils. Ou’elle ait été fécondée par l’Esprit-Saint, cela n’enlève rien à son rôle d’ordre naturel, où Marie agit, non comme cause instrumentale, mais comme cause principale. Voir Maiue. Cette nature humaine, aussitôt prise par le Verbe, de telle façon que pas même un instant elle n’a subsisté en dehors du Verbe, n’est que la matière sur laquelle s’est exercée l’action divine dans l’union hypostalique. Si la Vierge par impossible, avait dû concourir comme cause instrumentale à l’œuvre de l’incarnation, elle n’aurait plus été mère de Dieu, n’ayant plus été cause principale dans la formation de l’humanité sainte du Sauveur. Cf. Billuart. De incarnatione, diss., a. 4 ; Billot, De Verbo incarnato, th. xlvi.

VII. Cause formelle.

Au sens propre, il n’existe pas de cause formelle dans l’incarnation, car le Verbe ne joue pas, vis-à-vis de la nature humaine, le rôle d’une forme. Concevoir l’incarnation de cette façon serait tomber dans l’hérésie apollinariste et monophysite. Voir Hypostatique (Union), col. 469-471 ; EuTYCHiîs, t. v, col. 1606-1607. Toutefois, c’est dans le Verbe que se trouve la raison formelle de l’élévation

de la nature humaine à la subsistance divine ; on peut donc légitinienienl, dans un sens analogique, chercher sous quel aspect la deuxième personne de la Trinité est la cause formelle de l’incarnalion. C’est la discussion théologique classique de persona assumente. S. Thomas, Sum. theoL, III*, q. m. Cette discussion peut être condensée autour de deux points principaux : 1o seule des trois personnes divines, le Verbe s’est incarné ; 2o dans cette prise de possession de la nature humaine par le Verbe, en raison du terme formel de l’assomption, les attributs divins ne sont pas contredits. On le voit, cette deuxième assertion ne se confond pas avec la question déjà traitée du constitutif formel de l’union hypostatique, ov ce mot, col. 525 sq., et Hypostase, col. 4Il sq.

1o Seule des trois personnes diiunes, le Verbe s’esl incarné. —. Il appartient ù la personne, et non pas à la nature divine, considérée comme telle, d’élever une nature humaine à l’unité de son hypostase. — L’assomption de la nature humaine peut être considérée sous un double aspect, celui du principe actif qui cause effectivement cette élévation de la nature humaine à l’unité de l’hypostase divine ; celui du terme auquel s’achève et se parfait cette union. Qu’on l’envisage soit du côté de son principe actif, soit du côté de son terme, l’assomption de l’humanité par Dieu ne peut se faire que par la personne et dans la personne divine. Or, des deux côtés, il est nécessaire que ce soit la personne qui unisse ou s’unisse la nature humaine ; qui unisse, car la cause efficiente, c’est-à-dire le principe agissant, ne peut être qu’une hypostase : actiones sunt suppositorum ; qui s’unisse, car le terme de l’union ne peut être la nature comme telle, mais l’hypostase, l’union en nature impliquant l’hérésie monophysite. Voir Hypostatique, (Union) col. 517. S. Thomas, Sum. theoL, 111% q. iii, a. 1 ; 7n IV Sent., t. III, dist. V, q. II, a. 1 ; et les commentateurs à cet article de la Somme. Toutefois, parce que la nature en Dieu ne diffère que rationnellement de la personne, on peut la concevoir secondairement sous l’aspect, non de nature, mais de réalité subsistante, comme le terme formel de l’assomption de la nature humaine par la divinité. L’union demeurera hypostatique et ne sera pas une union en nature. S. Thomas, Sum. theoL, loc. cit., a. 2 ; In IV Sent., t. III, dist. V, q. ii, a. 2. De ces principes, admis sans controverse par l’ensemble des théologiens, découlent plusieurs sujets de controverses, dont le seul intérêt est de faire approfondir davantage la notion de l’union de Dieu à l’humanité. — a) Supposé qu’en Dieu n’existe pas la trinité des personnes, en l’absence de propriétés relatives, l’être subsistant que serait ce Dieu constituerait encore un Dieu personnel ; c’est le Dieu du judaïsme et de tous ceux qui, concevant l’existence d’un Être suprême, n’ont pas la foi en la trinité des personnes. En ce Dieu personnel sera possible l’assomption d’une nature créée, parce que sera possible la communication à cette nature d’une subsistance personnelle. S. Thomas, In IV Sent., t. III, dist., q. ii, a. 3. S’il ne s’agissait que d’un Dieu impersonnel, l’assomption de la nature humaine ne serait pas concevable. — b) Mais, tout en gardant la conception du Dieu de la foi catholique, personnel en trois hypostases distinctes, on peut se demander si ce Dieu, abstraction faite par notre esprit de la trinité des personnes, pourrait, par sa nature subsistante, commune aux trois personnes, s’unir une nature créée. La réponse des théologiens sur ce point n’est plus unanime : à la condition de ne pas concevoir l’essence divine comme privée de subsistence absolue, on peut, disent les thomistes à l’exception de Capréolus, donner à cette question une réponse affirmative. Cf. S. Thomas, Sum. theol., IIl", q. iii, a., 3, et les commentateurs, notamment Cajétan, Gonet, op. cit..

disp. VIII, a. 3, § 1 ; Billuart, dissert. VI, a. 3 ; Salmanticenses ; mais beaucoup d’autres théologiens, en dehors de l’école thomiste, suivent également cette opinion ; citons, d’après Suarez, disp. XIII, sect. i, n. 5, Scot. In IV Sent., t. III, dist. I, q. ii ; Durand de Saint-Pourçain, ibid., q. ii ; Richard de Middletown, ibid., q. i, iv ; Gabriel Biel, ibid., q. i, a. 3, dub. iv ; Occam, ibid., q. i, auxquels il faut ajouter Suarez luimême, loc. cit. Répondent négativement Capréolus, qui ne conçoit pas qu’une subsistence absolue, parce qu’elle n’est pas incommunicable, puisse être le terme formel de l’assomption d’une nature créée. In IV Sent., t. III, dist. I, q. i ; et, avant lui, Alexandre de Halos, Summa, III*, q. ii, m. m ; q. vii, m. i, a. 3 ; S. Bonaventure, In IV Sent., t. III, dist. I, a. 1, q. m ; dist. V, a. 1, q. IV, qui ne reconnaissent pas en Dieu de subsistence absolue ; enfin, parmi les théologiens de l’époque moderne, principalement Vasquez, disp. XXVII, c. II. Les argmnents de Vasquez se ramènent à ceci : une telle union ne pourrait être dite personnelle, et la tradition des Pères, consacrée par le XI'^ concile de Tolède, insiste sur le caractère personnel de l’union d’une nature créée à la divinité. Les thomistes répondent qu’une telle union serait forcément personnelle, quoique non immédiatement. Cf. Gonet, Billuart, Suarez, loc. cit., et, dans l’école scotiste, Frassen, op. cit., disp. I, a. 2, sect. ii, q. ii, conclus, unica. — c) Un troisième problème spéculatif est agité entre théologiens : chacune des trois personnes divines pourrait-elle s’incarner ? C’est la même raison de personnalité, sauf les propriétés personnelles, que nous trouvons dans chacune des trois personnes, répond saint Thomas, Sum. theoL, III", q. iii, a. 5 ; cf. In IV Sent., t. III, dist. I, q. ii, a. 3 ; donc n’importe quelle personne divine peut être le terme formel de l’assomption d’une nature créée. « La possibilité pour la personne divine de s’incarner vient de son infinité. Si la personnalité humaine s’épuise tout entière dans sa propre nature, la personne divine, elle, dont l’efficacité est aussi grande que son amour, peut se communiquer et faire subsister une ou plusieurs substances sans aller jamais au bout de sa vertu. Puisque l’infinité convient également aux trois personnes divines, puisqu’elles sont également puissantes, actives, fécondes au dehors, elles pourraient prendre toutes les trois (ou chacune séparément) une nature créée et l’associer à leur vie. » Hugon, op. cit., p. 112-113. Thèse commune des théologiens. — d) Les trois personnes divines pourraient-elles prendre la même nature simultanément ? Les thomistes tiennent pour l’affirmative, toujours en raison du même principe : la puissance, l’infinité conviennent également à chacune des trois personnes et par rapport au même objet : ce que l’une d’elles réalise dans la créature, les autres peuvent le réaliser aussi bien. Cf. S. Thomas, Sum. theol., III », q. iii, a. 6 ; In IV Sent., t. III, dist. I, q. ii, a. 4 ; et tous les commentateurs. Mais bon nombre de théologiens appartenant à d’autres écoles suivent aussi cette opinion. Parmi les anciens théologiens, citons Alexandre de Halès, III*, q. ii, m. iv ; Guillaume d’Auxerre, Summa., t. III, tr. I, c. i, q. vi ; Henri de Gand, Quodl, t. V, q. vu ; Gabriel Biel, In IV Sent., dist. I, q. i, a. 3, dub. iii, etc. Voir Suarez, op. c(7., disp. XIII, sect. ii, n. 3. L’opinion négative a les faveurs de Scot et de son école, Scot, In IV Sent., dist. I, q. m ; Richard de Middletown, ibid., a. 1, q. m ; auxquels il faut ajouter De Lugo, op. cit., disp. XII, sect. vi, et très vraisemblablement S. Anselme, Cur Deus homo, t. II, c. ix ; De fuie Trinilutis, c. iv, P. L., t. clviii, col. 407, 273 sq., et S. Bonaventure, In IV Sent., t. III, dist. I, a. 1, q. m ; sur la pensée de ces deux docteurs, voir Janssens, De Deo homine, t. i, p. 227-233. Voir la controverse dans Suarez, loc. cit. ; Gonet, loc. cit.,

a. 4 ; Billuart, loc. cit., a. 4 ; Frassen, loc. cit., q. iii, concl. 1 ; Salmanticenses, disp. VIII, dub. vi. — e) Une seule personne divine pourrait-elle prendre plusieurs natures créées à la fois ? Ici, la réponse afiirmative est unanimement soutenue par les théologiens de toutes écoles. S. Thomas, Sutn. theol., III*, q. iii, a. 7 ; In IV Sent., t. III, dist. I, q. ii, a. 4, et les commentateurs. La seule controverse porte sur la façon dont on devrait en ce cas s’exprimer. — f) D’ailleurs un nouveau problème spéculatif se pose, au sujet des deux dernières hypothèses, sur la façon dont il faudrait dénommer la nature unique prise par les trois personnes ou les natures multiples prises par une personne unique : On peut réduire les opinions à trois principales : a. Les thomistes enseignent communément que dans l’un et l’autre cas on devrait parler d’un seul homme. S. Thomas, Siim. theol., III*, q. iii, a. 7, ad 2o’" ; a. 6, ad l"ni. b. Les scotistes, Capréolus et Vasquez qui n’admettent que l’hypothèse de l’incarnation d’une personne divine en plusieurs humanités, enseignent qu’en ce cas on devrait parler de plusieurs hommes, c. Cajétan et Médina enseignent que les trois personnes s’unissant à la même humanité simultanément devraient être dites trois hommes. Voir l’exposé et la discussion de ce problème de terminologie dans Suarez, loc. cit., sect. iii, n. 3 sq., dans Gonet, loc. cit., a. 5 ; dans Salmanticenses, disp. VIII, dub. v, § 2 ; dub. vi, § 3. — g) Une dernière question, laquelle ne soulève aucune controverse, puisque la réponse affirmative est en connexion étroite avec le dogme de l’incarnation, est celle-ci : une seule personne, à l’exclusion des deux autres, peut-elle s’incarner ? S. Thomas, Sam. theol., III", q. iii, a. 4 ; In IV Sent., t. III, q. ii, a. 1. Si les théologiens agitent cette question préalable, t’est afin de montrer qu’il n’existe pas de contradiction entre la doctrine de la communauté d’opération ad extra entre les trois personnes et le caractère personnel de l’incarnation du Verbe. C’est que si l’opiration ad e.rtra se rapportant à la causalité efficicnte, voir ci-dessus, est commune aux trois personnes, dans la prise par le Verbe de la nature humaine, il ne s’agit plus d’opération, mais de communication de la subsislence propre. On trouvera plus loin la solution complète de la difficullé. — h) Enfin, une question subsidiaire est soulevée à propos de tous ces problèmes, laquelle montre bien la subtilité de l’esprit théologique de certains auteurs. L’ne personne créée pourrait-elle s’unir hypostatiquement une nature créée ? La réponse négative est connnune chez les théologiens, surtout chez les thomistes : la personne créée étant finie, limitée par sa subsislence propre, ne peut s’étendre au delà d’elle-même et communiquer cette subsislence propre à une autre nature. D’autres théologiens, appartenant surtout à l’école scotiste et nominaliste, enseignent que, comme cause efficiente, une personne créée ne peut communiquer à une autre nature sa propre subsislence, mais que, de puissance extraordinaire de Dieu, elle peut devenir le terme formel d’une union hypostatique. Voir Suarez, op. cit., disp. XIII, sect. iv ; Jean de Saint-Thomas, q. iii, disp. VI, a. 1 ; Gonet, loc. cit., a. 6 ; Salmanticenses, disp. VIII, dub. VII, et, dans le sens scotiste, Frassen, loc. cit., q. IV, et surtout Ysambert, op. cit., q. iii, disp. I. Sur tous ces points, voir Salmanticenses, De incarnationc, disp. VIII.

2. Seul des trois personnes divines, le Fils s’est incarné. — On verra à Jésus-Christ qu’il faut reconnaître, dans la personne du rédempteur, à la fois la divinité et l’humanité. Il ne s’agit donc pas de démontrer ici que le Verbe incarné est Dieu et homme tout ensemble ; mais, ne considérant l’incarnation que dans la personne divine qui s’est uni l’humanité, on veut établir que cette personne est celle du Verbe, à l’exclu sion des personnes du Père et du Saint-Esprit. Même sous cette forme exclusive, cette vérité appartient à la révélation catholique et à la croyance explicite de l’Église. — a) Révélation. On laisse ici délibérément de côté la révélation de ce dogme sous sa forme affirmative, à savoir que le Dieu incarné est partout appelé le Verbe, le Fils de Dieu, l’image du Dieu invisible, ou encore que partout on lui attribue des qualités qui ne conviennent qu’à la deuxième personne de la Trinité, par exemple, la qualité de Fils de l’homme. D’ailleurs, ce point de vue a déjà été étudié à Fils DE Dieu, voir l’enseignement des synoptiques, t. iv, col. 2390-2395 ; la doctrine du Christ lui-même rapportée par saint Jean, louchant le Messie préexistant et transcendant, le Fils de Dieu et sa génération divine et éternelle, col. 2395-2397 ; la croyance de la primitive Église attestant que Jésus-Christ est le Fils de Dieu, col. 2399, et surtout, dans saint Paul, l’enseignement d’une personnalité distincte en Jésus, col. 2402-2403, ainsi que l’enseignement propre à saint Jean sur les mômes sujets, col. 2404-2406. Nous ne devons nous attacher ici qu’à la forme exclusive sous laquelle la révélation de l’incarnation s’est présentée à nous, à savoir que le Dieu incarné s’est nettement distingué du Père et du Saint-Esprit. — a. Distinction du Dieu incarné, le Verbe ou le Fils, d’avec le Père. — Celle révélation est déjà préparée par l’Ancien Testament, dans lequel le Messie futur est annoncé non seulemient comme Dieu, Is., xxxv, 4 ; xl, 3, 10 ; cf. Marc, i, 3 ; Is., VII, 14 ; cf. Malth., i, 23 ; Is., ix, 6 ; xxxiii, 14, mais encore comme une personne distincte, engendrée par le Père, Ps., xltv, 7, 8 ; cf. Heb., i, 8, 9 ; Ps., cix, 1-3 ; cf. Malth., XXII, 42-45 ; Ps..n, 7 ; cf. Heb., i, 5. Mais les prophéties de l’Ancien Testament ne sont mises en lumière d’une façon complète que par les réalités du Nouveau. C’est donc dans le Nouveau Testament qu’apparaîtra en pleine lumière le dogme de l’incarnation du seul Verbe. — a. Les Synoptiques indiquent déjà avec netteté la différence qui sépare Jésus du Père, différence qui sans doute marque souvent l’infériorité de la nature humaine par rapport à la divinité, mais qui dénotent aussi, dans la divinité, des rapports de personne à personne, du Fils au Père. Jésus prie son Père, Luc, vi, 12 ; x, 21 ; xxii, 42 ; xxiii, 34, 46 ; Marc, XIV, 36 ; xv, 34 ; Malth., xi, 25 ; xxvi, 39, 42 ; xxvii, 46 ; il est envoyé par le Père, Malth., x, 40 ; Marc, IX, 36 ; Luc, ix, 48 ; x, 16 ; le Père lui a tout livré, c’est-à-dire lui a donné pouvoir sur tout, Malth., XI, 27 ; cf. xxviii, 18 ; Luc, x, 22 ; le Père lui a confié tous ses secrets ; seul, il connaît le Père, de même qu’il est connu de lui seul, Malth., xi, 27. Dans ces textes, où le Fils est nommé d’une façon absolue comme le Père et où les deux noms sont pour ainsi dire juxtaposés, les rapports éternels de filiation et de paternité semblent être mis expressément en relief. Voir Lebreton, op. cit., p. 245. Dernière remarque : si les expressions : Fils de Dieu, Fils de l’homme, par elles mêmes ne peuvent s’appliquer à une autre personne qu’à la personne du Verbe, lorsqu’elles concernent le Dieu incarné, l’exclusion du Père (comme celle de l’Esprit), s’affirme plus explicitement encore lorsque le Dieu incarné est dit le « Fils du Père, » Matlh., xi, 27 ; xii, 50 ; XV, 13 ; xvi, 16 ; cf. Luc, ii, 49, et Malth., iii, 17 ; xvii, 5 ; Marc, ix, 6 ; Luc, iii, 22 ; ix, 35 ; cf. Joa., V, 37 ; VI, 27. — (3. Dans la prédication de l’Église naissante, deux sortes de formules nous font préciser la même vérité. Tout d’abord, les fornmles de doxologie et de salutation marquent une différence entre le Père et Jésus-Christ. Dans le Nouveau Testament, la doxologie est rapportée le plus souvent à Dieu le Père, Gal., i, 4-5 ; Rom., xi, 36 ; Phil., iv, 20 ; I Tim., 1, 17 ; VI, 16 ; I Pet., v, 1 1 ; Apoc, vii, 12 ; parfois cependant le Christ y est mentionné, soit comme le média.

leur en qui le l’ère est gloriRé, Jud., 25 ; Eph., iii, 21, et j>eul-èlre Rom., xvi. 27, soil inèinc conuiie celui qu’on glorifie, II Tim., iv, 18 ; II Pet., ni, 18 ; Apoc., I, G, et peut-être lleb., xii, 20-21 et I Pet., iv, 11, soit enfin comme étant uni à son Père dans la gloire et étant avec lui l’objet du même culte. Apoc, v, 13 ; vii, 10. Cf. Lebrcton, < » /). cit., p. 2(J8-269. On peut tirer la même conclusion des formules de salutation, où le Père et Jésus-Christ sont unis et distingués à la fois l’un de l’autre, comme sources de grâce. Rom., i, 7 ; I Cor., i, 3 ; II Cor., i, 2 ; Gal., i, 3 ; Eph., i, 2 ; Phil., I, 2, 3 ; cf. II Thess., i, 2 ; I Tim., i, 2 ; II Tim.,

I, 2 ; Tit., 1, 4 ; comme objets de prière, ou comme témoins de la vérité affirmée, I Thess., iii, 1 1 ; II Thess.,

II, 16 ; I Tim., vi, 13 ; II Tim., iv, 1 ; ou encore, dans une formule dont le sens varie avec chaque auteur, mais dont la conclusion dogmatique, relative au présent sujet, est partout la même. I Thess., i, 1 ; II Thess., i, l ;.Jac., i, 1 ; II Pet., i, 2 ; IJoa., i, 3 ; lIJoa., 3 ; Jud., 1. Cf. Lebreton, oj>. cit., p. 271, 291. A celle double série de formules, il faut ajouter, surtout chez saint Paul, l’emploi de deux termes également divins, Œôç et xùp’-oç, pour désigner, en les distinguant, le Père et le Dieu incarné. " Pour nous, dit l’apôtre, il n’y a qu’un Dieu, le Père, de qui tout vient et pour qui nous sommes : il n’y a qu’un Seigneur Jèsus-Christ, par qui tout existe et par qui nous sommes. » I Cor., viii, 5. Encore que l’attribution du titre de Dieu au Père et du titre de Seigneur au Dieu incarné ne soit pas absolue, voir Lebreton, op. cit., p. 272 sq., et Fils de Dieu, col. 2398, le texte de saint Paul aux Corinthiens demeure cependant très précieux pour marquer une attribution qui, entrant dans les usages de l’Église, finira par cire définitive. Cf. symbole de Nicée-Constantinople, Denzinger-Bannwart, n..54. Voir dans Lebreton, op. cit., p. 274 sq., le développement de cette attribution. Dans saint Luc et dans saint Jean, Jésus-Christ est couramment appelé « le Seigneur » : Luc, VII, 13 ; x, 1, 39, 41 ; xi, 39 ; xii, 42 ; xiii, 15 ; XVII, 5, G ; xviii, 6 ; xix, 8, 34 ; xxii, 61 ; xxiv, 3, 34 ; Joa., IV, 1 ; VI, 23 ; xi, 2 ; xx, 2, 13, 18, 20, 25 ; xxi, 7, 12. On trouve rarement cette appellation donnée au Christ chez saint Marc, i, 3 ; xvi, 19, 20, et saint Matthieu, m, 3, interprétation d’Is., xl, 3 ; plus souvent chez saint Paul. Rom., x, 13 ; I Cor., ii, 16 ; cf. Is., xl, 13 ; I Cor., X, 9 ; cf. Ps. xcv, 8-9 ; I Cor., x, 21 ; cf. Mal., T, 7, 12 ; Heb., i, 10-11 ; cf. Ps., ci, 26-28. L’ « invocation du nom du Seigneur, » signifiant dans l’Ancien Testament et les apocryphes le culte de Jahvé, désignant parfois dans le Nouveau Testament le culte de Dieu le Père, est appliquée beaucoup plus souvent à Jésus-Christ, I Cor., i, 2, 3 ; II Tim., ii, 22 ; cL Act., IX, 14, 21, ou encore soit au Père soit à Jésus-Christ sans qu’on puisse exactement discerner lequel des deux elle concerne. En regard de ce nom de Seigneur, il faut placer le mot Dieu, réservé habituellement au Père, pour bien comprendre comment sous cette double appellation est iiellement marqué le dogme de l’incarnation de la seule personne du Fils. — y. Uans saint Paul, la doctrine de la filiation adoptive par Noire-Seigneur Jésus-Christ est encore une occasion de rapprocher Jésus de Dieu quant à sa nature divine, tout en le distinguanl en tant que personne. C’est par le Christ que riiomnie devient fils de Dieu, de là cette formule habiluelle de salut : « Que la grâce et la paix vous soient données par Dieu notre Père et par le Seigneur Jèsus-Christ, » ou encore cette autre expression : « Le Dieu et le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ. » Rom., XV, 6 ; II Cor., i, 3 ; xi, 31 ; Eph., i, 3 ; Col., i, 3. Toutefois Jésus seul est Fils propre, Rom., vui, 32, et les autres ne peuvent être fils de Dieu qu’à la condition d’être incorporés au Fils premier-né, image du Père ; force et sagesse de Dieu I Cor.,

i, 21. Toute la théologie de Paul sur le premier-né de toute la création, sur l’image du Père appliquée au Christ, montre bien à la fois la transcendance du (Ju’ist par rapport au monde, qui n’existe que par lui et pour lui, et, en même temps, la distinction de Dieu le Père d’avec ce Dieu incarné. Le rachat de l’humanité par le (Jirist montre dans saint Paul la même distinction du Père Dieu et du Fils Seigneur. Voir RouL, 1, $1-$2 ; viii, 3, 32 ; Gal., iv, 4, et surtout Phil., II, 5-11. En ce dernier texte, tous les éléments constitutifs de l’incarnation du Verbe sont nettement marqués. Cf. Hypostatique (Union), col. 448. En voir l’exégèse dans Lebreton, op. cit., p. 320 sq. Cf. Prat, La théologie de saint Paul, t. i, p. 438-451 ; Labourt, Revue biblique, 1898, p. 402-415, 553-563. L’Épître aux Hébreux, en attribuant au Christ préexistant les caractères du Fils de Dieu, rayonnement de sa gloire et empreinte de sa substance, i, 3, nous permet d’arriver aux mêmes conclusions. Contre les interprétations modalistes possibles, " l’auteur de l’Épître propose la comparaison de l’empreinte, )( « pa>cJP> 1o’marque plus nettement que l’image, une réalité subsistante. Voir principalement au début de l’Épitre, i, 8-12, les relations du Père et du Christ. Cf. Lebreton, op. c/V., p. 350-352. — 8. Dans saint.Jean, la même doctrine est nettement affirmée dans le prologue de l’Évangile : » le Verbe, qui était en Dieu et Dieu lui-même, i, 1, s’est fait chair et il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, gloire comme celle qu’un fils unique reçoit de son père plein de grâce et de vérité. » A cette pensée qui rappelle Phil., ii, 5-11, s’ajoute un détail caractéristique : Dieu le Père est présenté comme l’invisible, que seul le Christ a fait connaître, i, 18 ; cL V, 37 ; Deut., iv, 12 ; vi, 46 ; I Joa., iv, 13 ; I Tim., VI, 16. Une fois de plus est ainsi marquée la distinction du Père, auquel est rapportée par appropriation un attribut essentiel de la divinité, l’invisibilité, et du l’ils, qui, par son incarnation, a rendu visible la divinité. Chez saint Jean, dit le P. Lebreton, « l’identité personnelle, si fermement affirmée entre le Verbe préexistant et le Christ, ne permet pas de mettre en doute la personnalité du Verbe avant l’incarnation. Le Verbe ne devient pas Fils par son incarnation : de toute éternité, il est c le Dieu monogène », cf. Joa., i, 14, 18 ; I Joa., iv, 9, qui est dans le sein du Père. » Op. cit., p. 396-397. Mais, quand saint Jean vient à parler, au cours de son Évangile, de la révélation faite par Jésus-Christ, les relations de Jésus et de Dieu le Père sont exposées avec l’emploi fréquent des termes Père, Fils, lesquels rapprochés et opposés l’un à l’autre montrent bien que le Dieu incarné est le Verbe, le Fils, et non pas le Père. On pourrait, en clTet, dans l’Évangile johannique, relever deux séries parallèles et apparemment contradictoires de textes, les uns établissant l’unité du Christ avec le Père, les autres sa dépendance du Père. En réalité, ces deux séries de textes résument le mystère de l’incarnation du Verbe, Dieu comme le Père et ne faisant qu’un avec lui dans la divinité, mais du’erbe incarné et.comme homme, inférieur et soumis au l’ère. Le Christ vient de Dieu et retourne vers Dieu, viii, 42 ; xiii, 3 ; xvi, 10, 16, 17, 28 ; Dieu l’a envoyé, I Joa., iv, 9, 10 ; Joa., v, 37 ; vi, 29, 38, 44, 58 ; viii, 18, 29 ; x, 36 ; xii, 44, 49 ; xvii, 18, 23 ; XX, 21 ; Dieu l’a donné, lui son Fils unique, pour le salut du monde, iii, 16, 17, et le Fils est venu au nom de son Père, v, 43, faire sa volonté, vi, 38, 39, remplir la mission reçue du Père, x, 18 ; xii, 49 ; xiv, 31 ; pour accomplir la volonté du Père, vi, 38, 39 ; il est le pain vivant donné par le Père au monde, vi, 32 ; et le Père rend témoignage pour lui, viii, 18 ; il prie le Père et lui rend grâces, xi, 41 ; xii, 27, 28 ; xiv, IG ;. XVI, 26. Tous ces textes marquent la dépendance decelui qui s’est fait homme par rapport au Père ; mais

celui-là, c’est le Verbe, qui sans doute procède du Père et tient de lui tout son être et sa perfection, mais est Dieu comme le Père. C’est lui que le Père a glorifié de toute éternité et glorifiera encore, xvii, 5 ; qui participe à la vie divine, v, 19-23, 26 ; vi, 57 ; à la science divine, xvi, 30 : à l’activité divine, v, 17 ; à la puissance divine, v, 21 ; à l’unité divine, x, 30 ; cf. viii, 28 ; X, 28-29 ; xii, 39 ; xiv, 6, 9, 13, 20-21 ; xv, 15, 2324 ; XVI, 15 ; xvii, 5, 21-26, etc. Ainsi se trouve exprimée’i cette conception si déconcertante et si divine » du Verbe incarné, par lequel nous pouvons contempler, à travers l’humanité, le Fils lui-même de Dieu, « riche de toute la science, de toute la puissance, de toute la sainteté du Père, et dont, en même temps, l’être entier n’est que dépendance. » Lebreton, op. cit., p. 417. - b. Distinction du Dieu incarné, le Verbe ou le Fils, d’avec le Saint-Esprit. — La révélation du Saint-Esprit, personne distincte du Verbe incarné, est moins abondamment présentée dans l’Écriture, mais elle est suffisamment explicite. On se contentera ici, pour ne pas revenir sur la matière de l’art. Esprit Saint, de relever simplement les assertions inspirées, où l’Esprit est montré comme une réalité divine distincte du Verbe incarné. C’est sous l’impulsion de l’Esprit-Saint que Jésus accomplit plusieurs démarches de sa mission. Marc, i, 12 ; Matth., iv, 1 ; Luc, iv, 2 ; x, 21. Il distingue les péchés commis contre le Fils de l’Homme et les péchés commis contre l’Esprit Saint. Matth., xii, 31-32 ; cf. Marc, ni, 28-20 ; Luc, xii. 10. Mais les paroles les plus explicites du Sauveur concernent la promesse qu’il fait à ses disciples de leur envoyer le Saint-Esprit. Marc, ix, 13-14 ; cf. Matth., x, 20 ; Luc, XII, 11-12 ; xxiv, 49 ; Act., i, 8. Déjà, chez les Synoptiques, ces promesses nous manifestent un Esprit personnel, agissant dans les apôtres par l’assistance qu’il leur prête. Mais c’est surtout saint Jean qui met en relief la personnalité distincte de l’Esprit. " Je prierai le Père dit Jésus, et il vous donnera un autre Paraclet, afin qu’il soit avec vous toujours, l’Esprit de vérité, xiv, 16. Le Paraclet, l’Esprit Saint que mon Père enverra en mon nom, c’est lui qui vous apprendra tout…, id., 26 ; Quand sera venu le Paraclet, que je vous enverrai de la part du Père, l’Esprit de vérité qui procède du Père, celui-là rendra témoignage de moi, xv, 26 ; … si je ne m’en vais pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous ; mais si je m’en vais, je vous l’enverrai, » xvt, 7. Ces textes semblent si clairs et distinguent si nettement la personne du Fils, visiblement présente aux apôtres dans la chair, de la personne du Père et du Saint-Esprit, qu’aucun doute ne semble possible. Toutefois, il faut relever la prétention de certains critiques protestants, alléguant Joa., xiv, 18, 19, pour affirmer que la venue de l’Esprit coïncidera avec le retour du Christ, de telle sorte que l’Esprit Saint ne serait que le Verbe incarné, mais glorifié. Cf. Pfieiderer, Das Urchristentum, seine Schri/len undLeliren, Berlin, 1902, t. ii, p. 377 ; Holtzmanu, Lehrbuch der nenleslamentlichen Théologie, Fribourg-en-Brisgau, 1897, t. ii, p. 463. Mais la promesse de retour du Christ ne vise que sa présence en ses disciples, présence dont le monde ignorera l’action vivifiante. Et il est juste de dire que cette grâce ne se distingue pas de la grâce promise dans la venue de l’Esprit Saint ; Paul mettra bien en relief cette profonde vérité de la vie surnaturelle du chrétien, en montrant que vivre dans le Christ et vivre dans l’Esprit ne sont qu’une seule et même réalité : Gal., II, 17 ; cf. I Cor., vi, 11 ; I Cor., i, 2 ; cf. Rom., xv, 16 ; Eph., I, 13 ; cf. IV, 30 ; Col., ii, 11 ; cf. Rom., ii, 29 ; Phil., IV, 1 ; cf. I, 27 ; Phil., iii, 1 ; cf. Rom., xiv, 17 ; Gal., III, 26 ; cf. I Cor., xii, 9 ; Rom., viii, 39 ; cf. Col., I, 8 ; voir Deissmann, Die neutestanientliche Formel in Cliristo Jesu, Marbourg, 1892> p. 86 sq. ; mais il ne

s’ensuit pas que le Fils incarné et glorifié soit la même réalité que l’Esprit consolateur. La venue du Père est également liée à celle du Fils. Joa., xiv, 23. C’est ici simplement, pour le Père, comme pour l’Esprit, FatTirmation de l’unité étroite qui existe entre les trois personnes de la Trinité. D’ailleurs, après sa résurrection, le Christ met en pleine lumière la distinction des personnes dans l’unité de la Trinité. Matth., xxviii, 19. Déjà, cette vérité fondamentale du christianisme avait été manifestée au baptême de Jésus. Luc, iii, 21-22 ; Matth., iii, 16-17 ; Marc, i, 10-11, et saint Paul s’en inspire manifestement dans un étroit parallélisme qui rapproche l’Esprit-Saint du Fils et du Père. I Cor., xii, 4-6.

b) Croyance explicite de V Église. — La manifestation de croyance explirite de la primitive Église en l’incarnation du seul Verbe de Dieu se trouve pour ainsi dire consignée à toutes les pages de l’histoire des origines du christianisme. Les symboles rapportent tous l’incarnation, la passion et la mort sur la croix au seul Fils de Dieu, conçu du Saint-Esprit et né de la vierge Marie. Les attestations des Pères apostoliques sont formelles : les premiers chrétiens se groupent dans une foi unique autour du seul Jésus-Christ, qui selon la chair, par la race de David, est fils de l’homme, en même temps qu’il est Fils de Dieu. S. Ignace, Ad Eph., XX, 2, Funk, op. cit., t i, p. 230 ; cf. Ad Smijrn., i, 1, p. 275. Si Herinas, par une conception tout à fait erronée, fait dériver la distinction du Fils de Dieu et de l’Esprit de l’incarnation, voir Herm.s, t. vi, col. 2279-2280, il n’en est pas moins vrai qu’il rapporte au Fils seul l’incarnation, puisque c’est par la chair, dont s’est revêtu l’Esprit, qu’est constitué e Fils. Sim., V, vi, 4-7, Funk, op. cit.. p. 541. Voir la doctrine catholique dans VÉpitre à Dioijnète. VII, 2-4, Funk, op. cit., t. i, p. 402. Même profession de foi chez saint.lustin, Dial. cum Tri/phone, n. 48, 100, P. G., t. VI, col. 580, 709 ; chez saint Irénée, Conl. hær., t. I, c X, ii, 1, P. G., t. vii, col. 54 9. IMaisdéjà dans saint Irénée, t. III, c. xi, n. 7, se manifeste la préoccupation des hérésies naissantes. L’hérésie du monarchianisme, voir ce mot, mettra en pleine lumière la foi de l’Église touchant l’incarnation du Fils de Dieu, distinct du Père et du Saint-Esprit. Ce n’est pas ici le lieu de faire l’historique de l’hérésie sabellienne. voir Sabeli.ianisme, ni de l’étudier sous la forme qui regarde directement le dogme catholique de l’incarnation du seul Fils, le patripassianismc. Voir ce mot. Les hérétiques modalistes, ne distinguant les personnes divines entre elles que par les opérations extérieures de Dieu, ne concevaient pas qu’en Dieu, trois personnes réellement distinctes pussent exister. Dieu ou le Père existe seul ; il devient l’ils par l’incarnation ; c’est donc en réalité le Père qui soutire dans la chair. Cette hérésie est autant christologique que trinitaire : elle souleva à Rome et en Afrique les protestations des docteurs catholiques. Voir Praxéas, Noet, Tertullien, Calixte l"’(Saint), t. iii, col. 13361338 ; Hyppolyte (Saint), t. vi, col. 2491-2493. Cf. Sclnvane, Histoire des dogmes, trad. franc., Paris, 1896, t. I, § 18, 19 ; Tixeront, Histoire des dogmes, La théologie anténiccenne. Pari ?, 1905, c. viii, § 2, 3 ; d’Alès, La thcologic de Tertullien, Paris, 1905, p. 79 sq. ; La théologie de saint Hippoliite, p. 8-35. Ce qu’il importe de retenir ici de ces controverses, ce sont les définitions explicites de l’Église qui en ont été le résultat plus ou moins immédiat. Concile romain de 380, anat. 2 ; Denzinger-Eannvvart, n. 60 ; et plus exphcitement 1 1 « concile de Constantinople, can. 1, enseignant que, dans la Trinité, unus cnim Deus et Pater, … et unus Dominus Jésus Christus…., et unus Spirilus Sanctus, n. 213 ; can. 3 : Si quis dicit…. non unum eumdemque Dominum nostrum Jesum Christum, Dei Verbum incar

ndtum, et Iwminem (dclum…, a. s., n. 215 ; can. 4 : Si quis non conjUetur… ununi ejus subsistenliam, qui est Dominus Jésus Christus, unus de sancta Trinilale, a. s. n. 210 ; can. 5 : nec enim adjectionem personx vel subsistentiæ suscepil sancta Triniias ex incarnato uno (le sancta Trinilale Verbo, a. s., n. 217 ; très clairement dans la profession de foi du IX"^ concile de Tolède : De his Iribus personis solam Filii personam… hominem verum sine peccalo de sancta et immaculata Maria Virgine crcdimus assumpsisse…, n. 282 ; Item unius substanliie credimus esse Palrem et Filiuni et Spiritum Sanclum, non tanien dicinms, ni hiijus Trinitatis unitatem Maria virgo genucril, sed luntummndo Filium, qui solus naturam noslrani in unitale personæ suie nssumpsit… Solus… Filius jormam servi accepit in singularilate personœ…, n. 284. Cf. III concile de Constantinople, reprenant la formule uniim de sancta Trinilale, n. 290 ; concile de Latran de 049, can. 3, n. 256 ; IV » concile œcuménique de Latran, c. i, n. 429, etc.

2° Sous quel aspect concevoir l’union de l’humanité au Verbe pour dégager le dogme de toute contradiction ? — Nous entrons ici dans le problème strictement théologique de la raison formelle, sous laquelle, dans l’assomption de l’humanité, le Verbe est le terme même de cette assomption. Cette question est différente de celle du terme formel de l’action divine dans l’incarnation. Voir HvposTATiQUE ( Union), t. vii, col. 524. Dans la discussion de ce problème, certaines précisions préalables sont nécessaires, qui doivent, en regard de la foi, être admises par tous les théologiens. C’est peut-être faute d’avoir fait ces précisions que certains auteurs ont accordé une importance exagérée à une question theologique, qu’il faut considérer, une fois les vérités indiscutables rappelées, comme très secondaire et d’importance minime. — 1. Vérités indiscutables, à admettre dans n’importe quel système. — Il faut admettre, comme conclusions immédiatement prochaines des dogmes de la trinité et de l’incarnation : a) que l’assomption de l’humanité par le seul Verbe ne saurait être considérée comme une opération divine. L’opération, en elïet, est commune aux trois personnes. C’est donc dans le simple fait d’être terme de l’union que consiste le rôle spécial du Verbe dans l’incarnation. Ce rôle de terme ne comporte aucune action : la nature humaine, élevée par l’action commune des trois personnes divines à l’unité de la personne du Verbe, reçoit, par l’effet de cette opération commune, communication de la personnalité du Fils. Saint Bonaventure se sert d’une image gracieuse pour jeter quelque lumière sur ce mystère. Il représente trois jeunes filles occupées à parer une fiancée pour la cérémonie nuptiale. jNIais, parce que l’une d’elles est cette fiancée, elle seule reçoit la parure, en même temps qu’elle se pare. De même, quand notre humanité est devenue le vêtement de la divinité, les trois personnes ont concouru par une opération commune à couvrir le Fils de ce vêtement, mais lui seul s’en est revêtu, pendant que le Père et l’Esprit l’en revêtaient. Cf. S. Bonaventure, In IV Sent., t. III, dist. I, a. 1, q. II, ad 2 "". — b) Que par suite de l’identité de la nature et de la personne en Dieu, l’union de l’humanité ne peut pas se terminer au Verbe, sans se terminer réellement à l’être divin lui-même. Quelle que soit la formule admise pour rendre raison de l’aspect formel sous lequel le Verbe s’unit l’humanité, cette conclusion s’impose, à moins de tomber dans l’erreur condamnée de Gilbert de la Porée. Cf. Denzinger-Bannwart, n. 389 sq. Voir t. vi, col. 1353. — c) Qu’en conséquence, la solution des difficultés relatives à l’incarnation du seul Verbe, à l’exclusion des autres personnes, est indépendante des systèmes sur le constitutif formel de l’union liyposlatique, voir t. vii..

col. 4Il sq., et relève uniquement de la solution apportée aux difficultés relatives à la distinction réelle des personnes divines entre elles, nonobstant leur identité avec la substance divine.

2. Opinions théologiques. — ti) A rextrcme des opinions théologiques, et au delà mime, peut-on dire, se trouve la doctrine de Gilbert de la Porée affirmant une distinction réelle, eu Dieu, entre les propriétés personnelles et la substance et, partant, entre les personnes et l’essence divine. Voir t. vi, col. 1352-1353 ; Denzinger-Bannwart, n. 391 ; et, plus explicitement encore guorf très personcX tribus unitatihus sint tria, et distinctæ proprietatibus tribus, quæ non lioc sint, quod ipsæ personæ : sed sint tria œterna difjerentia numéro, tum a se invicem, quam a subslantia divina. Cf. Libellus contra capitula Gilberli, n. 66, P. L., t. clxx.xv, col. 617. La conclusion d’un tel principe, c’est que l’incarnation n’est pas l’union de l’humanité à Dieu, mais de l’humanité au Verbe, à l’exclusion de la divinité. Ibid., n. 07. Cf. Denzinger-Bannwart, n. 392. Nous ne faisons que signaler ici cette opinion hérétique. — b) Les théologiens ont coutume de poser le problème relatif au terme formel de l’incarnation dans le Verbe sous cette forme : Utrum natura liumana sit lerminaia immédiate per aliquid rclativum vel per aliquid absolutum ? Voir, dans leurs traités De incarnatione, Jean de Saint-Thomas, disp. VI, a. 2 ; Gonet, disp. VIII, a. 1 ; Billuart, dissert. VI, a. 2 ; Salmanticenses, disp. VIII, dub. ii ; Frassen, disp. I, a. 2, sect. ii, q. i ; Suarez, disp. XII, sect. ii ; Vasquez, disp. XX, c. II ; Tolet, q. iii, a. 2. Leur réponse commune est qu’immédiatement c’est la propriété relative qui, dans le Verbe, termine l’union hypostatique. Sans doute, l’humanité est unie à la divinité, mais par la propriété relative qui constitue le Verbe. Cette affirmation vise directement la thèse de Durand de Saint-Pourçain, In IV Sent., t. II, dist. I, q. iii, qui soutient que l’union hypostatique se termine, en Dieu, immédiatement à la subsistence absolue de Dieu, médiatement et de façon secondaire seulement à la propriété relative du Fils. En faisant entrer la propriété relative du Fils dans le terme formel de l’union hypostatique, bien que d’une manière simplement médiate et secondaire, Durand sauve le dogme de l’incarnation du seul Fils de Dieu ; mais tous les théologiens regardent son explication comme improbable, parce que, dans cette opinion, il devient difficile d’expliquer comment le Fils s’est incarné sans que le Père et l’Esprit Saint s’incarnassent avec lui. Voir tous les auteurs cités ci-dessus. Le fondement de cette thèse est qu’en Dieu il n’y a pas, pour Durand, de subsistences relatives ; il n’y a qu’une subsistence et elle est absolue. L’humanité devant subsister en Dieu, il faut donc qu’elle soit terminée immédiatement par la subsistence absolue. — c) Mais lorsqu’il s’agit d’expliquer le terme formel en Dieu de l’union hypostatique, les adversaires de Durand ne sont plus entre eux en parfait accord. Il y a des nuances assez importantes qui les séparent. — a. Suarez, Vasquez et leur école, voir Holtzclau, n. 277, Franzelin, De Verbo incarnato, thés. XXXIII. affirment deux choses : la raison formelle sous laquelle le Verbe termine riuimanité est la propriété relative, et l’union ne s’est pas faite immédiatement dans la subsistence absolue, mais seulement dans la relation ; elle n’atteint la subsistence absolue que par la relation. Cette thèse suppose en Dieu l’existence d’une subsistence absolue par laquelle existe en soi la substance divine, et de trois subsistences relatives, par lesquelles sont constituées les trois personnes. Suarez, toc. cit., n. 4, 10. — b. Moins exclusive, quoique presque semblable, l’e.xplication des scotistes : la raison formelle, prochaine et immédiate, sous laquelle le Verbe termine l’humanité, est la propriété

relative, constitutive de la personne, et c’est par la propriété relative qu’est atteinte, dans le Verbe, la divinité. La légère nuance qui distingue cette opinion de la précédente est que l’explication donnée ici ne suppose pas nécessairement l’existence en Dieu de trois subsistences relatives entendues au sens abstrait oU les entend Suarcz et son école, disp. XI, sect. iv, n. 4. Voir Scot, //) IV Sent., t. III, dist. I, q. v ; Frassen, loc. c17., concl. 1° ; Ysanibert, q.iii, disp. III, etc. — c. Parmi les thomistes, il faut encore distinguer deux écoles ou plutôt deux tendances, la tendance de ceux qui n’admettant en Dieu qu’une existence absolue, conçoivent cependant trois subsistences relatives, et la tendance de ceux qui n’admettant en Dieu que la subsistence absolue, possédée de manière incommunicable par les relations constitutives des personnes. Les uns et les autres toutefois, admettant la distinction réelle de l’essence et de l’existence dans les créatures, conçoivent l’humanité de Jésus-Christ comme existant par l’existence même que possède le Verbe. En cela se trouve la différence radicale qui sépare les thomistes de Suarez et de Scot. Les partisans des trois subsistences relatives affu-ment que le terme formel de l’union hypostatique dans le Verbe est la subsistence relative du Verbe. Gonet, loc. cit., a. 1, n. 2 sq. ; Billuart, loc. cit. ; Jean de Saint-Thomas, loc. cit. Cette opinion s’accorde logiquement avec celle des disciples de Cajétan touchant le constitutif formel de l’union hypostatique. On peut la formuler en trois propositions : a. la raison formelle et prochaine sous laquelle le Verbe termine l’iuunanité prise par lui, n’est pas la subsistence absolue et commune aux trois personnes, mais la personnalité, ou subsistence relative et personnelle, par laquelle le Verbe est constitué en personne distincte du Père et du Saint-Esprit, p. Le Verbe divin n’est pas le terme premier et immédiat de l’humanité par la subsistence absolue et essentielle, considérée dans le Verbe et devenue par là propre au Verbe ; mais, y. Il n’est, à cet égard, que le terme médiat et secondaire, la subsistence absolue et essentielle n’atteignait l’iiumanité que par l’intermédiaire de la subsistence relative et personnelle, (lonet, loc. cit., n. 3, 13, 16. Les partisans de l’unique subsistence absolue déclarent que le Verbe est le terme immédiat de l’humanité, en raison de la subsistence absolue modifiée par la propriété relative, de telle façon que la subsistence absolue est la raison formelle, la relation, la condition sine qua non de cette union, considérée dans son terme. Cette opinion, dit Gonet, n. 2, doit nécessairement être celle de ceux qui ne distinguent pas réellement subsistence et existence. II cite les noms de Médina, Marsilc, Viltoria, Soto, auxquels il faut peut-être ajouter celui de Capréolus. La remarque de Gonet est juste, si toutefois on veut bien ne pas exagérer la distinction, un peu subtile ici, de la raison formelle et de la condition sine qua non. Le cardinal Billot, De Verbo incarnato, thes. xi, a rajeuni cette opinion en la faisant sienne, sans tenir compte de cette trop subtile distinction. Pour lui, le terme formel de l’union en Dieu est l’existence même du Verbe, c’est-à-dire l’existence divine, possédée par le Verbe d’une manière distincte et incommunicable par la relation de filiation. Bien plus, cet auteur affuMne que toutes les opinions des théologiens à ce sujet sont des nuances inutiles relativement au fond même de la controverse. Il faut en arriver fmalement, dit-il, à admettre que l’incarnation est une union qui se termine réellement à l’existence divine elle-même. Mais comment cette union ne se termine-t-elle pas aux trois personnes qui n’ont qu’une seule existence commune ? Il n’y a pas, à cette question, d’autre réponse possible que celle qui a été donnée, c’est que l’existence divine qui termine en Dieu l’union est l’existence considérée dans le Verbe

et possédée personnellement par le Verbe. — d. Enfin, il faut faire mémoire de l’opinion d’Occam, qui, en réalité, bien qu’exprimée en termes différents, peut se ramener à l’opinion thomiste exposée en dernier lieu. Cet auteur fait abstraction de subsistence relative et de subsistence absolue, de propriété essentielle et de propriété personnelle, et déclare que la réalité tout entière du Verbe, dans laquelle absolu et relatif se retrouvent, est le terme formel de l’union hypostatique en Dieu. Si l’on ne ramène pas cette façon de parler à l’explication thomiste, elle devient une pure tautologie sans portée apologétique. Cf. Occam, In IV Sent., t. III, dist. I, q. i, a. 2-3.

Conclusions apologétiques. — L’exposé théologique qu’on vient de faire, montre qu’il n’existe aucune contradiction entre le dogme de l’incarnation du Verbe et les propriétés relatives ou absolues de Dieu. — a) Pas de contradiction quant aux propriétés relatives de Dieu. — Toutes les objections procèdent de l’identité des trois personnes avec l’essence divine. Mais chaque personne se distinguant réellement l’une de l’autre, le’erbe peut former, séparément des autres personnes, un /e/me divin de l’union hypostatique. Il suffit, pour montrer l’inanité des objections proposées, que le terme formel immédiat de l’union hypostatique ne soit pas l’essence ou l’existence absolue comme telles, mais que ce terme inclue en lui-même la propriété relative qui constitue la personne du Verbe. Mais il n’est pas nécessaire, comme le prétendent Suarez et certains thomistes, qu’il exclue toute propriété absolue, celle-ci pouvant, à cause de la souveraine simplicité de Dieu, être considérée comme l’élément qui donne à la relation divine d’être réelle. Voir Trinité. Aussi toutes les opinions théologiques exposées ci-dessus, à part celle de Durand de Saint-Pourçain, qui insiste trop sur le terme immédiat absolu et semble en éloigner imprudemment tout caractère relatif, sont susceptibles de fournir, à cet égard, une solution suffisante, si toutefois il convient d’accepter le concept de subsistence relative, au sens abstrait du mot. Sur ce point, voir Trinité. En consultant les auteurs cités au cours de cet exposé, on verra comment chaque système répond aux difficultés. Voir, en particulier. Billot, q. iii, thés, xi, § 2. — b) Pas de contradiction quant aux attributs divins. — Le Verbe étant le terme de l’union hypostatique, on a dans cette formule théologique le point de départ des réponses aux principales difficultés soulevées à propos de l’union d’une nature finie à la divinité. Il faut sauvegarder intactes deux vérités que la foi nous impose ; l’immutabilité divine et l’union substantielle du Verbe et de la chair. C’est dans la conciliation de ces deux vérités que réside la lâche principale de l’apologiste catholique. En raison de l’union substantielle, il est donc ; nécessaire que, quelle que soit l’explication théologique adoptée touchant le constitutif métaphysique de l’union hypostatique, il y ait unité de sujet dans le Verbe incarné et que, par conséquent, l’humanité du Christ subsiste réellement dans et par le Verbe. Dans les hypothèses thomistes qui admettent, voir Hypostase, t. VII, col. 415-418, 423-424, que le Verbe communique sa subsistence ou son existence propre à l’humanité, on peut se demander comment se fait cette communication qui doit affecter intrinsèquement l’humanité ? Ce ne peut être que par mode de forme. Mais comment concevoir sans contradiction que Dieu puisse devenir forme de l’humanité ? En répondant qu’il ne s’agit pas de causalité formelle proprement dite, mais de causalité réductivement formelle ; en ajoutant qu’il ne saurait être question pour la subsistence divine d’être reçue dans l’humanité comme l’acte l’est dans la puissance ; en insistant sur ce point qu’il ne s’agit ici pour la créature, que de recevoir de Dieu une » actuation » dans l’ordre de l’existence en soi, on n’a pas encore résolu toutes les difficultés. H reste à montrer que cette communication de l’existence ou su :.sistence divine n’implique aucune contradiction de la nature même de l’actuation d’existence. L’existence, en effet, n’est comparable ni à la forme substantielle, ni à la forme accidentelle, qualité, quantité, lesquelles n’existent que par la cause formelle proprement dite ; ni à l’acte vital qui procède d’un principe intrinsèque à l’agent ; ni même à la forme surnaturelle de la grâce, soit habituelle, soit actuelle, qui doit nécessairement être « reçue » dans l’âme ou dans ses puissances. Mais l’existence, sans modifier la nature, les puissances, les propriétés de l’être existant, a pour seul effet de donner à cet être et à ses puissances ou propriétés de sortir du domaine des possibilités pour entrer dans celui des réalités : elle les pose hors du néant, sans apporter la moindre modification aux éléments constitutifs des réalités qui, par elles, existent. Il ne paraît donc pas contradictoire que le Verbe, par sa subsistence personnelle, laquelle contient éminemment les perfections des subsistences créées, puisse, sans devenir forme de l’humanité, communiquer ce qu’il faut de subsistence pour placer l’humanité du Christ dans l’ordre des réalités. Aucune mutation n’en résulte pour le Verbe : la doctrine catholique, définie à Chalcédoine, voir t. ii, col. 2194-2195 et liYPosTATiQUE (Union), t. vii.col. 483 sq., est sauvegardée ; le Verbe demeure, àauYX^Twç, à-cpématç. Et la raison en est dans l’assertion théologique, fondamentale en la matière, que le Verbe est le terme formel de l’union. Il termine, dans l’ordre de l’existence, l’humanité qui vient à lui ; il la termine d’une façon intrinsèque, puisque l’existence est intrinsèque à l’être ; mais ce terme intrinsèque n’apporte aucune modification au Verbe lui-même. Toute la modification est du côté de la nature humaine qui, sous l’action divine, accède au Verbe et a été unie à lui : Incarnationis mysteriam, dit avec exactitude saint Thomas, non est impletum per hoc quod Deus sit aliquo modo a suo statu muiatus, in que ab aelerno fuit ; sed per hoc quod nova modo se creaturæ univit, YEL POTIUS EAM SIBI. Sum. theoL, III », q. i, a. 1, ad 1°’". Ces derniers mots marquent la meilleure explication de saint Thomas. Cont. (jentes, 1, IV, c. xlix ; Sum. theol., III », q. xvi, a. 1, ad 4’™ ; a. 6, ad 2°"i ; /n IV Sent., t. III, dist. I, q. I, a. 1, ad 1’"", et le commentaire de Cajétan sur le texte qu’on a cité.

A côté de cette doctrine thomiste, bien exposée, chez Gonet, disp. II, a. 1, § 6 ; les Salmanticenses, disp. III, dub. IV, § 2 ; on trouve d’autres explications, moins complètes, de Grégoire de Valencia, de François Albertini, d’Amico, de De Lugo, de.Jean Prudentius, etc. En voir l’exposé et la réfutation dans Godoy, De incarnationc, disp. XIV, n. 6 sq. ; cf. Salmanticenses, loc. cit., § 1 ; Gonet, loc. cit., § 3. L’opinion de Martinon, S. J., De incarnatione, disp. I, sect. iv, n. 55, admettant que le Verbe, ne recevant de l’incarnation aucun changement intrinsèque, a cependant été en quelque sorte innové dans la nature humaine, est longuement discutée et réfutée dans Gonet, § 4 et 5.

D’autres difficultés, de moindre importance, sont résolues par les commentateurs de saint Thomas, soit à la question de la possibilité de l’incarnation, soit à la question de l’union hypostatique, considérée du côté de la personne qui s’incarne. On n’a pas à y insister ici.

Sur la question du terme formel de l’union hypostatique dans le Verbe, voir les auteurs cités au cours de l’article. Sur la solution des principales difficultés, aux auteurs cités, ajouter De Lugo, De incarnatione, disp. XL sect. iv ; Franzelin, of). cit., thés. xxxr. Sur le parallélisme à établir quant à la notion de terme et terminaison, entre la personne du Verbe dans l’incarnation et l’essence divine dans la vision béatifi<iuo, voir Intiitivk (V’i.sio/n.

VIII. Cause quasi-matérielle.

Avec moins de raisons encore que pour la cause formelle, on peut parler, dans l’incarnation, de cause matérielle. La personne du Verbe, encore qu’en un certain sens elle puisse, après l’incarnation, être dite composée, voir Hypostatique (Union), col. 521-524, ne joue pas le rôle de sujet (subjcctum) vis-à-vis de la nature humaine. Elle ne fait que lui communiquer, en tant que terme formel de l’union hypostatique en Dieu, la subsistence divine, (^f. De Lugo, loc. cit., sect. viii. A l’opposé, la nature humaine que le Verbe s’unit, serait appelée bien improprement la cause matérielle de l’incarnation. Cette appellation laisserait supposer, en effet, que le Verbe est reçu dans la nature humaine comme une forme dans la matière, un acte dans sa puissance. L’ne telle conception est purement et simplement hérétique, et reproduit l’hérésie monophysite. Toutefois, on peut parler de matière de l’incai’nation, à propos de l’humanité prise par le Christ, celle humanité étant la matière dans laquelle, in qua, ou circa quam l’union s’est faite entre Dieu et l’homme. On étudiera la nature humaine prise par le Verbe incarné à Jésus-Christ.

Il ne reste donc plus, se rapportant de loin à l’ordre de la causalité matérielle que les dispositions physiques qui pourraient avoir été requises dans l’humanité prise par le Christ pour que l’union fût possible, et les dispositions d’ordre moral, c’est-à-dire les mérites qui ont pu précéder et préparer l’incarnation. De là, deux sujets distincts à aborder dans cette question de la cause quasi-matérielle de l’incarnation : 1° causalité dispositive ; 2° causalité méritoire.

I. CAUSALITÉ Disi’OSiTiVE.

Cette question a déjà été étudiée en partie à propos de l’union immédiate du Verbe et de l’humanité. Voir Hypostatique (Union), col. 539-531. Nous n’avons pas à revenir sur les théories, d’ailleurs abandonnées, de certains théologiens du moyen âge, admettant, entre l’humanité et la divinité, en Jésus-Christ un lien substantiel. On n’envisagera pas non plus la question posée par les Salmanticenses, disp. VI, dub. i, au sujet des œuvres du Christ, disposition conséquente de l’incarnation (un peu dans le genre de dispositions qu’est l’acte de charité parfaite, lequel procède de la grâce et cependant dans la justification extra-sacramentelle, se trouve être la disposition dernière à la grâce). La question est un peu subtile, délaissée par la plupart des théologiens, et ne comporte qu’une solution négative, dont on trouvera, loc. cit., § 2, une ample et diffuse démonstration. La présente discussion est confinée, ainsi qu’on l’a laissé prévoir, voir Hypostatique (Union), col. 530, entre théologiens qui professent que l’union du Verbe à l’humanité sainte, en Jésus-Christ, est une union immédiate. Deux écoles sont en présence, toutes deux se réclamant des principes de saint Thomas, bien que l’une d’elles accueille des auteurs dont la théologie n’est rien moins que thomiste, Suarez et son école, Scot et ses disciples. Il s’agit de savoir si, pour être unie immédiatement au Verbe, la nature humaine doit être rendue apte à cette union par un mode d’union, c’est-à-dire par une disposition qui lui enlève son indifférence à subsister en soi ou dans le ^’erbe, disposition qui serait le terme même de l’action de la trinité dans l’incarnation.

1 » Opinion affirmative. — 1. Toute une école thomiste ne conçoit possible l’union de l’humanité au Verbe c|u’à la condition que cette humanité, de soi indifférente à subsister par sa propre subsistence ou par celle du Verbe, reçoive une détermination qui la dispose à recevoir la subsistence divine. Cette disposition. 1.V25

INCARNATION

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c’est l’union, mode subslanliel, se distiiiguaiiL réellement et de la nature luimaiiie, et du Verbe, et de la relation prédicamentale qui est le résultat de l’union de la nature humaine au 'erbe. Voir Hypostatique (Union), loc. cil. De plus, dans l’union liypostatique, tout le changement se tient du côté de l’humanité, qui acquiert, par l’union au Nerbe, une subsistence divine ; or, ce changement suppose quelque chose de substantiel qui modifie l’humanité. Enfin, la relation prédicamentale qu’admettent, à la suite de saint Thomas, tous les thomistes, dans l’humanité par rapport au Verbe, doit avoir un fondement réel. Ce ne peut être que ce mode substantiel de l’union. En dehors de ces raisons, prises dans l’humanité même que s’unit le Verbe, il en est au moins une autre, non moins forte : il faut un terme à l’action de la trinité dans l’incarnation. Ce terme ne sera pas le Verbe ; il ne sera pas non plus l’humanité du Christ, cette humanité étant logiquement présupposée à son union au Verbe et l’action créatrice préludant logiquement à l’action unitive, voir col..'Ï25 ; donc, on doit reconnaître comme terme de l’action divine ce mode substantiel d’union, lequel dispose précisément l’humanité à recevoir la subsistence du Verbe. Quant à la manière de concevoir ce mode substantiel, il est évident qu’il n’en faut pas faire un accident ou quelque chose de semblable. C’est une modihcation de la substance, appartenant à la substance même, dont elle se dislingue réellement, non par une distinction réelle cnlitalive, mais par une distinction réelle modale, comme le mode substantiel peut se distinguer de la substance qu’il modifie. Telles sont les idées maîtresses et tels les arguments déportée générale que l’on rencontre chez Araujo, De incarnaliane, q. II, a. 8, dub. ii, concl. 2o ; Herrera, In I V Senl., t. V, q. ii, a. 7 ; Godoy, De incarnalionc, disp. XI, § 1, n. 4, et surtout chez les Salnianticenses, qui, dans l’école thomiste, sont venus apporter le poids de leur grande autorité en faveur d’une opinion assez mal accueillie par la majorité des disciples de saint Thomas. Cf. De incarnatione, disp. l^', dub. i, § 1-5. Voir, n. [i, les noms des auteurs cités en faveur de cette opinion, - - 2. Suarez est fidèle à son système des modes, voir Myi’ostase, col. 420, en admettant un mode substantiel dans l’humanité, lequel a pour elïel, non de terminer la nature en elle-même (comme le ferait sa propre subsistence), mais de l’élever jusqu’au Verbe et de la terminer en lui, disp. VIII, sect. iii, n. 8. Ce mode d’union est le terme formel de l’action de la Trinité, n. 13, et le fondement prochain de la relation réelle par laquelle l’hunianilé est rapportée au Verbe et dite unie à lui, n. 22. Suarez toutefois se distingue des thomistes dont on a rapporte l’opinion similaire, tout d’abord par le fondement métaphysique de son système, ensuite par la formule embarrassée par laquelle il définit la nature de la distinction du mode d’avec la substance. C’est, dit Suarez, une distinction e.r natura rci. Loc. cit., n. 8. Les Salnianticenses n’omettent pas de relever cette imprécision de la doctrine suaréziennc, n. 28. — 3. Vasquez, disp. XVIII, c. iii, adopte un sentiment analogue à celui de Suarez, qu’il puise pouvoir accorder avec la doctrine exposée par saint Thomas, Sum, theol., III », q. ii, a. 7 ; mais il appelle ce mode substantiel un mode relatif, modus relalus, par lequel la nature humaine est disposée à subsister non en elle-même, mais dans le Verbe. La relation qui en est la conséquence, entre la nature humaine et le Verbe, ne s’en distingue pas réellement ; elle est, à proprement parler, ce mode substantiel. Disposition de la nature humaine à l’union hypostatique, ce mode est, de plus, le terme de l’action de la trinité dans l’incarnation, et, de plus, l’acte qui.jouant par rapport au Verbe le rôle de cause formelle et de cause matérielle en un sens impropre, établit le lien

substantiel entre Dieu et l’humanité. — 4. Scot et son école doivent être rapprochés ici des théologiens thomistes de Salamanque, de Suarez et de Vasquez. Le point de départ de la théorie scotiste est qu’il faut à l’action unilive, distincte logiquement de l’action créatrice de l’humanité, un terme. Ce terme est une réalité, ililTérente du Verbe et de l’humanité, la relation qui est imposée ab extrinseco par la cause efficiente de l’incarnation, relation qui n’existe réellement que dans l’hunuinité et qui a pour effet de rendre la nature humaine dépendante dans sa subsistence du Verbe lui-même. A quel genre de cause ramener cette relation de dépendance ? Scot pense qu’on peut la ramener à la causalité efficiente, cette relation de dépendance de la nature humaine par rapport au Verbe réalisant l’effet de l’action commune des trois personnes de la trinité dans l’incarnation. Scot, In IV Senl., I. III, dist. I, q. I, n. 3. Cf. Duns Scot, t. iii, col. 1888. A noter que la thèse d’une relation de dépendance, terme de l’action de la trinité dans l’incarnation, ne contredit pas le caractère immédiat de l’union, col. 1889. Vis-à-vis de la nature humaine, le Verbe, en raison de cette relation de dépendance, ne joue pas le rôle d’une cause matérielle : il n’est pas sujet qui reçoit en lui la nature humaine, il est simplement le suppôt, dont la subsistence soutient dans l’être, termine la nature humaine qui, sans lui, n’existerait pas. Cf. Frassen, disp. 1, a. 2, sect. i, q. i.

2o Opinion négative.

La plupart des thomistes répondent négativement. La doctrine d’un mode substantiel est à rejeter, parce que le mode substantiel tel que le supposent, dans l’humanité du Christ, les auteurs de la partie adverse, est inconcevable et inutile. Inconcevable, voir Hypostatique (Union), col. 530 ; inutile, parce que le Verbe, par la jierfection même de sa subsistence qui contient éminemment les perfections des existences créées, peut terminer, dans l’ordre de l’existence, toute nature inférieure, sans que besoin soit d’introduire, en cette nature, une disposition à l’union. Les raisons qu’on rapporte en faveur de cette disposition qu’on dit nécessaire, valent pour les natures qui sont réellement indifférentes, par ellesmêmes, à subsister sous telle ou telle forme ; mais il ne s’agit jias de cela ici. La nature humaine, par ellemême, n’est pas indilTérente par rapport à sa propre subsistuice, puisque naturellement elle est ordonnée à elle. Ce n’est qu’en raison de sa puissance obédentielle qu’elle acquiert cette indifférence par rapport à la subsistence du Verbe. Nous sommes ici dans les œuvres mystérieuses de la toute-iiuissance divine, et il est parfaitement inutile de vouloir lui imposer des voies dont elle peut se passer. Sur l’opinion négative des thomistes, on n’a rien de particulier à ajouter à ce qui a été dit. col. 530-531. L’opinion scotiste serait, d’ailleurs, parfaitement admissible, si la relation de dépendance était conçue, comme chez les thomistes, comme manifestant l’union déjà existante. Cf. S. Thomas, hi IV Sent., t. III, dist. II, q. ii, a. 1 ; q. iii, ad 3'"".

II. CAUSALITÉ MÉRITOIRE.

Sur cc dernier point, se rapportant à la causalité matérielle, la doctrine lliéologique est claire, facile, ne comportant, pour ainsi dire, pas de controverses. On l’exposera donc brièvement. On étudiera successivement si l’on trouve quelque cause méritoire de l’incarnation dans le Christ, dans les saints de l’Ancien Testament et dans la sainte Vierge. Sur les conditions du mérite et la division du mérite de condigno et de congnio, voir Mérite et De congruo, de condigno, t. iii, col. 1138 sq.

1o Le Christ.

Toute la question du mérite du Christ par rapport à l’incarnation elle-même devient claire, dès lors qu’on se pénètre de la vérité catholique exposée à Hypostatique (Union), col. 534, df)27

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touchant le caractère de cette union, naturelle à l’humanité du Christ, c’est-il-dire réalisée dès le premier instant de la conception du Verbe incarné dans le sein de la vierge Marie. « Nous n’admettons pas, dit saint Thomas, que le Christ (avant l’incarnation) ait été un simple mortel et qu’ensuite, par le mérite de sa bonne conduite, il ait obtenu d’être le Fils de Dieu, comme l’a prétendu Photin. Mais, dès le commencement de sa conception, cet homme a été, véritablement, le Fils de Dieu, puisqu’il n’a pas d’autre hypostase que celle du Fils de Dieu, d’après ces paroles de l’Évangile : « Le fruit qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu, n Luc, i, 35. Aussi, toutes les opérations de cet homme sont postérieures à l’union ; donc, par aucune d’elles il n’a pu la mériter. » Sum. theol. III », q. Il', a. 11. De ce principe général, les théologiens ont tiré un certain nombre de propositions qui renferment toute la doctrine scolastique sur la matière. —

1. Le Christ n’a pas mérité d’un mérite de eondignilé l’union hypostatique par des œuvres antérieures à l’union. — Vérité de foi divine et catholique, parce que la contradictoire est l’hérésie des premiers adoptianistes. Voir Hypost.tique (Union), col. 464-466 ; sur l’hérésie de Photin, voir col. 466. Dans l’article cité, saint Thomas s’appuie sur l’autorité de saint Augustin, De prædestinatione sanctorum, c. xv, P. L., t. xliv, col. 982, mais plus explicitement encore, saint Augustin enseigne que le Christ n’a pas mérité l’incarnation. De peccatorum meritis et remissione, t. II, c. xvii, n. 27, P. L., t. xi.iv, col. 168 ; Enchiridion, c. xxxvi, P. L., t. XL, col. 250. Cette vérité catholique resterait encore la seule doctrine acceptable, même au cas où, par impossible, on serait en droit d’admettre qu’avant l’incarnation, Jésus-Christ eût existé comme homme. Aucune œuvre humaine, même élevée par la grâce divine, ne saurait présenter une équivalence réelle au bien infini qu’est l’union hypostatique. Donc, même en ce cas, chimérique d’ailleurs, aucune possibilité de mérite de condignité. Cf. Salmanticenses, disp. VII, dub. I, § 1, n. 2. Les anciens hérétiques apportaient en faveur de leur opinion Ps. xliv, 8, et Apoc, V, 12 ; il suffit de se rapporter au texte et au sens de ces passages inspirés pour constater qu’ils ne peuvent rien en faveur de l’adoptianisme et du mérite qu’aurait eu le Christ par rapport à l’incarnation. —

2. Le Christ n’a pas mérité d’un mérite de condignité l’union hypostatique par des œuvres antérieures à l’union d’une simple priorité de nature. — Pas plus sur ce point que dans le problème de la disposition physique, voir ci-dessus, col. 1526, on ne peut accorder au Christ la possibilité de mériter l’incarnation. Cette doctrine est théologiquement très certaine. Mais les théologiens discutent quelque peu sur la raison à donner à cette affirmation. Saint Thomas et ses disciples — et l’on peut dire, la plupart des théologiens avec eux — retenant la vérité philosophique de l’adage : acliones sunt suppos/torum, déclarent que toute action du Christ ne doit être conçue que postérieurement à l’existence du sujet qu’est Jésus-Christ par l’union hypostatique : omnis operalio illius hominis, nempe Christi, SUBSECVTA EST unionem. Loc. cit. Vasquez n’admet pas cette raison, disp. XXI, ciii, n. 18 sq., et, tout en acquiesçant à la thèse commune, en cherche une autre démonstration dans l’impossibilité pour le Christ d’avoir une grâce actuelle ou habituelle, nécessaire au mérite, antécédemment à l’union hypostatique. Sur la discussion de cette argumentation, voir Salmanticenses, loc. cit., n. 4 et De Lugo, disp. VIII, sect. i, n. 4. — 3. Le Christ n’a pas mérité d’un mérite de condignité l’union hypostatique par des œuvres postérieures à l’incarnation. — C’est la doctrine commune des théologiens, dont il y aurait témérité à s’écarter. Il faut, en effet, raisonner du mérite de Jésus-Christ selon les lois communes de

la Providence et la nature même des choses. Or, à ce double point de vue, il semble contraire à la notion de mérite que la récompense soit donnée avant le mérite acquis. Puisque rien dans l’Écriture ou la tradition ne nous incite, au sujet du mérite du Christ par rapport à l’incarnation, à contredire la loi de la Providence, il faut conclure que l’incarnation, appelée dans l’Écriture le mystère de piété manifestée dans la chair,

I Tim., ni, 16, n’est pas la récompense des mérites futurs du Christ prévus par Dieu. C’est la grâce et l’amour de Dieu qui apparaissent pleinement avec le Christ. Cf. Tit., ii, 11 ; Eph., ii, 8. Bien plus, la plupart des théologiens, en voir les références nombreuses dans Salmanticenses, loc. cit., dub. ii, n. 17, soutiennent qu’il est contradictoire et par conséquent qu’il répugne même à la puissance divine, que le Christ ait mérité l’incarnation par ses œuvres subséquentes. Quelques théologiens, tout en admettant en fait la thèse commune, nient cependant cette répugnance absolue par rapport au mérite de l’incarnation par les œuvres subséquentes du Christ. Ils forment, à la suite de Suarez, De incarnatione, disp. X, sect. iv, n. 5, et De prxdestinatione, t. II, c. xx, n. 19, une très petite phalange, dont les noms principaux sont ceux de Ruiz, Ripalda, Coninck, Granados. Cf. Salmanticenses, n. 29. La raison apportée en faveur de la thèse généralement admise est que le principe même du mérite, l’incarnation, ne peut devenir l’objet lui-même du mérite ; (I La cause du mérite ne tombe pas sous le mérite, de même qu’il n’est pas possible que le terme existe avant son principe. La cause finale, il est vrai, dont la causalité est objective et s’accomplit par l’intermédiaire de la connaissance, peut opérer à l’avance, parce qu’elle peut être conçue dans l’esprit et exercer ainsi ses attraits sur l’agent avant d’exister dans la réalité ; mais la cause efficiente, qui donne à l’être son actualité physique, est toujours avant l’elTet et ne dérive jamais de lui. Or, le mérite agit, non pas à la manière de la cause finale et par une sorte de charme, mais à la manière de la cause efiîciente qui produit l’effet, car il rend le sujet digne de sa récompense et l’y dispose.

II n’est donc pas concevable que le mérite puisse exister après sa récompense, après son couronnement ; en d’autres termes, il n’est pas possible de mériter, par des actes qui viendront plus tard, ce qu’on possède déjà : Non potest esse quod aliquis mereatur quod fam habet. S. Thomas, De veritate, q. xxix, a. 6. » Hugon, Le mystère de l' inccunation, p. 100-101. C’est le principegénéral sur lequel les théologiens s’appuient pour justifier la condamnation du semi-pélagianisme. Cf. De Lugo, De incarnatione, disp. VIII, sect. ii, n. 13. — 4. Le Christ n’a pas mérité l’union hypostatique d’un mérite de congruité. — Avant l’incarnation, tout mérite est impossible au Christ ; après l’incarnation, à supposer qu’il puisse mériter l’union hypostatique par des œuvres subséquentes, le seul mérite de condignité existe dans le Christ. Donc, d’aucune façon on ne peut dire que le Christ a mérité l’incarnation — 5. Le Christ n’a pu mériter la continucdion de l’union hypostatique. — Cette continuation ne fait qu’un tout avec la grâce même de l’union. Le principe du mérite ne peut devenir l’objet du mérite. On trouve cette thèse alTirmée chez les commentateurs de saint Thomas, soit à cet article, 111% q. ii, a. 11, soit à la I » IL », q. cxiv, a. 6. Ceux qui suivent Suarez à propos de la non répugnance du mérite de l’incarnation par des œuvres subséquentes, le suivent également ici, et défendent avec lui l’opinion, peu probable, que le Christ ait mérité la continuation de l’union hypostatique. II faut leur joindre, chez les thomistes, Godoy, disp. LI. Cf. Salmanticenses, disp. VII, dub. II, n. 31, 37. — 6. Le Christ n’a pu mériter que la B. vierge Marie soit sa mère. — Sur ce point, la controverse est assez vive entre théologiens. Voir Salnianticenses, loc. cil., § G. Les thomistes tiennent généralement que le Christ n’a pu mériter la maternité divine de Marie ; mais toute une école, dont le plus illustre représentant est le cardinal De Lugo, disp. VIII, sect. vii, défend l’opinion opposée. On pourra, dans le sens thomiste, consulter avec fruit Gonet, disp. VII, a. 3, n. 36 ; Suarez, disp. X, sect. iv ; Théophile Raynaud, op. cit., t. III, scct. II, c. iii, n. 191 ; dans le sens lugonien, Bernai, disp. XVII, sect. iv, S 2, n. 76. Au point de vue de la piété et du jugement à porter sur la véritable grandeur de Marie, l’une et l’autre opinion peuvent être regardées comme équivalentes. Dans l’une et dans l’autre, Marie reste toujours indissolublement unie au Fils de Dieu, prédestinée à cause de lui, et n’ayant d’autre raison d’exister que l’œuvre de la réparation du genre humain à laquelle elle est attachée, comme son fils. S. Augustin tient nettement pour l’opinion que soutiendra plus tard l’école thomiste, De prædeslinalione sanctoriim, c. XV, n. 30, 31, P. L., t. xliv, col. 982. — 7. Le Christ, enfin, a mérite dans l' incarnation, les circoÊistances qui ont suiiii Cunion hijposlatique. — Cf. S. Thomas, Sum. theol., 111% q. XIX, a. 3 ; In IV Sent., t. III, dist. XVIII, a. 2-5. Il s’agit ici des circonstances qui ne sont pas hées nécessairement au mystère lui-même et regardent non seulement la glorification du Christ lui-même, mais encore l’avantage des personnes qui ont eu contact avec l’incarnation ; par exemple, être annoncé par l’étoile, célébré par les anges au berceau, adoré par les mages, etc. Dès le premier instant de sa conception, en effet, le Christ a mérité, et, toutes choses égales d’ailleurs, il était mieux et plus convenable que le Christ obtint par mérite, que sans mérite, ces manifestations particulières de sa gloire accidentelle et particuliôrcnient la gloire de son corps et l’exaltation de son nom. Luc, xxiv, 16 ; Phil., ii, 8 sq. Voir JÉsusChkist. Quant aux circonstances concomitantes, la jilupart des théologiens sont d’avis que le Christ n’a pu les mériter, tout au moins n’a pu mériter ce qui, en elles, le concernait personnellement et ne fait qu’un seul tout avec l’incarnation elle-même, être conçu du Saint-Esprit, naître d’une vierge, par exemple. Cf. Suarez, disp. X, sect. iv. L’opinion contraire est soutenue par Vasquez, disp. XXI, c. viii. Cf. Salnianticenses, disp. ^'II, 11.51. Eiiliii, des circonstances qui précédèrent l’incarnation, le (Mnisl n’a pu mériter, comme il a mérité d’une façon anticipée la grâce des saints de l’Ancien Testament, voir Salut, que celles qui ne sont pas essentielles ù l’incarnation : aiïirmer un tel mérite serait indirectement contredire à l’axiome déjà atririné que le principe du mérite ne peut être objet du mérite. Ibid., n. 52 ; Suarez, loc. cit.

2o Les saints de l’Ancien Testament.

Ces saints personnages ont-ils pu mériter en quelque manière l’incarnation ? A cette question, les théologiens répondent en procédant par distinction et par degré. — 1. // est certiiin que les saints personnages de l’Ancien Testament n’ont pas mérité d’un mérite de condiijnité V incarnation, considérée dans sa substance. — Affirmer un pareil mérite serait en eiïet rapportera ce mérite la source même du salut des hommes. Il semble même, quoique en pense Médina. //( Sum. llieol. S. Tiwmn', III" q. II, a. 11, qu’une telle conception répugnerait ù la puissance absolue de Dieu. - 2. // n’est pas contradictoire que les saints de l’Ancien Testament aient pu mériter d’un mérite de congruité F incarnation, considérée dans sa substance. — Cf. S. Thomas, Sum. theol., I^-ILi-, q. cxiv, a. 6. Mais, en réalité, font-ils méritée de cette façon ? Les uns affirment, et il semble que saint Thomas, III", q. II, a. 11, soit de cet avis ; les autres nient. Avec saint Thomas, nous retrouvons la plupart de ses disciples, Cajétan, Médina, Jean de Saint-Thomas, Godoy, Gonet, les Salmanticenses, et, en dehors de l’école thomiste, Suarez, disp. X, sect. vi ; Grégoire de Valencia, In Ill'^m Sum. S. Thomee, - q. n. A f encontre, Vasquez, disp. XXII, c. m ; De Lugo, disp. VIII, sect. iv. — 3. // est certain que les saints de l’Ancien Testament ont mérité certaines circonstances de l’incarnation. — Les promesses faites par Dieu à Abraham, Gen., xxii, 17-18, semblent findiquer. La prière de Daniel semble avoir abrégé le temps de f attente. Dan., ix, 23 sq. Toutefois, les auteurs, d’accord quant à f affirmation générale, se séparent souvent entre eux sur des applications particulières à telle ou telle circonstance. Cf. Suarez, disp. X, sect. vi, n. Il ; De Lugo, disp. VIII, sect. iv, n. 34.

3o La sainte Vierge, en particulier, a-t-elle mérité f incarnation ? Les prières liturgiques sembleraient parfois le laisser supposer : Ut dignum filii lui Imbitaculum effici meicretur, Spiritu Sancto coopérante, præparasti… ; et encore : Regina cxli lœlare, alléluia ; quia quem meruisti portare… Conséquemment aux principes posés plus haut, il n’est pas douteux que Marie ait mérité de congruo certaines circonstances de fincarnation ; dans f opinion thomiste, on peut même affirmer qu’elle a mérité de cette façon l’incarnation considérée dans sa substance. Tout le problème se réduit donc à expliquer comment elle a mérité sa maternité divine. Saint Thomas en donne l’explication en quelques mots : qaia meruit ex gratia sibi data illum puritatis et sanrtitatis gradum, ut congrue posset esse mater Dei. In IV Sent., t. III, dist. IV, q. iii, a. 1, ad 6o"<. Sur ces textes, les commentateurs exercent leur sagacité non moins que leur piété. Lin autre problème concerne l’influence sur la réalisation de l’incarnation, du fiat de Marie à l’annonciation Cf. Terrien, La mère des hommes. Paris, s. d. (1900), t. i, p. 152-167. Salmanticenses, disp. VII, dub. m ; De Lugo, disp. V, VI, VII ; Suarez, disp. X, sect. viii. On étudiera ces questions à l’article Marie.

Sur la question des mérites qui précédèrent l’incarnation, voir : S. Thomas, Sum. theol.. III^. q. ii. a. 11 ; cf. I » Ift', q. xviii, a. 4 ; In IV Sent., t. III, dist. IV, q. iii, a. 1 ; et spécialement sur les mérites du Christ et leur objet, III », q. XIX, a. 3 ; In IV Sent., t. III, dist. XVIII, a 2-5 ; De verilate, q. xxix, a. 7, ad Omn ; Suarez, De incarnatione, dis]). X ; Vasquez, De incarnatione, disp. XXI, XXII, XXIII ; De Lugo, i(ii(Ldisp. VIII ; ("ionet, Chjpewi.de incarnatione, disp. VII ; Billuart, De incarnatione, diss. V ; Jean de Saint-Thomas, De incarnatione, q. ii, disp. V, a. 1-2 ; Salmanticenses, De incarnatione, disp. VII, où l’on trouvera une ample moisson de références aux auteurs ; Lcgrand, De incarnatione X’crbi divini, disp. VII, c. ii ; Ysamliert, De ni.iLslcrio incarnationis, q. vi, disp. IIIV, etc. Les manuels récents de théologie sont, sur ce point, ou muets, ou insulfisants. On trouvera quelques bonnes indications dans Ilugon, op. cit., p. 98-105, et dans Grimai, S. S., Jésiis-Clirisl étudié et médifé, Paris, 1910, t. I, c..LVI.

Principaux écrits des Pères et des théologiens SUR LE mystère DE L’INCARNATION.

iie siècle.

S. Justin, au cours des deux.4po/o( ; i<'S et du l^ia/ogtic avec le juif Trjiplion, spécialement Apologia i*, n. 30-60 ; Dialogus, 48-108, P. G., t. VI, col..375-420, 580-728 ; S. Irénée, dans le Contra harese.'i, I. III, IV, et plus particulièrement, t. V, P, G., t. VII, col. 119-1223 ; Mèliton de Sardes, Iragnwnts, P. G., t. v, col. 1819-1822.

iiie siècle. — Tertullien, Adversus Marcionem, P. L., t. M, col. 259-524 ; De carne CItrisli, col. 751-792 ; Adversus Pra.reaiu, col. 153-196 ; S. Ilippolyte, De Christo et Antichristo, P. G., t. x, col. 725-788 ; Contra Iiœresim Nocti, col. 803-830 ; ou édit. Lagarde, Leipzig, 1858 ; Pliilosoplioumena, spécialement t. X, P. G., t. xvi, col. 3414-3454 ; ou édit. Cruicc, Paris, 1860 ; Contra Beronem (fragm. apocryphes). P. G., t. X, col. 829-840 ; Clément d’Alexandrie, en différents passages des.Slroiuates et de l'£xhor(a(ion aux gentils, P. G., t. viii-ix ; Origène, dans le Contra Celsum et le I. II du De priiicipiis, P. fi., t. xi ; S. Grégoire le Thaumaturge, A Théopoinpe sur l’impassibilité et la passibilité divine, dans Pitra, Analecta sacra, t. iv, p. 103-120, 363-376 ;

et, parmi les homélies qu’on lui attribue. In nativitatem Christi, Sermo de incamaiione, ibi(l., p. 134-145, 386-396 ; Ivîij(3’.a Tt-ol -{<7t ; ’o ; 5.15 = La ((^-crit antiapoUinariste apocryphe), P. G., t. x, col. 1127-1136 ; Kx-’x uiooç ttitt ;  ; (apocryphe, doit être restitué à Apollinaire), col. 1103-24.

IV siècle — Eusèbe de Césarée, Contra MarceUum, P. G., t. XXIV, col. 704-824 ; De ecclesiastica theologia, col. 8231046 ; S..lexandre d’Alexandrie ( ?), Sermon sur l’âme, le corps et la passion de Notre-Seigneur, dans Pitra, op. cit., t. IV. p. 100-200. 433-434 ; S..thanase. De incarnatione Verbi, P. G., t. xxv.col. 95-198 ; In illud MattUœi, A/, -T. Omniamihi traditusiint a Paire meo, col. 207-220 ; Orutiones I V adversns arianos (la iV certainement inauthentique), t. xxvii, col. 10-526 ; Epistolx ad Serapioncm, epist. ii, col. 607-624 ; Epist. ad Epictelam, col. 1083-1090 ; Epist. ad Adelphium, col. 1070-1084 ; Epist. ad Maximum philosophiim, col. 1083-1090 ; et, certainement inautlientitjucs, Exposilio ftdei, t. xxv, col. 197-208 ; Liber de incarnatione Verbi Dei et contra arianos, t. xxvi, col. 982-1028, Contra Apollinariuni libri //, col. 1091-1166 ; apocryphes (d’Apollinaire I. deux opuscules De incarnatione Dei’erbi ; t. xxviii, col. 25-30, 89-96 ; Quod (mus siiCliristas, col. 121132 ; Epist. arfJ’ouianum, col. 53 1-532 ; (sur les au très ouvrages d’Apollinaire, voir t. i. col. 1506) ; S. Cyrille de Jérusalem. Catéchèses, xii-xv, P. G., t..xxxiii, col. 725-916 ; S. Grégoire de Xazianze, Oraliones, orat., xxix, x.xx (theologicæ m, IV), x.xxviii (in theophania) ; xLiv (in novam dominicam ) xlv (in s. pascha). P. G., t. xxxvi, col. 73-104. 103-134, 311-331, 587-622, 623-624 ; Epist. ad Cledoniiim. i, II, t. xxxvii, col. 175-194 ; 193-202 ; Poemata, ix-xi, col. 455-472 ; S. Grégoire de Nysse, Oralio catechelica magna, c. ix-xx.xii, P. G., t. XLV, col. 39-84 ; Orat. in Christi restirrectionem, v, t. xliv, col. 683-690 ; Antirrheticus aduersus Apollinarem, col. 1123-1270 ; ^Uiversns Apollinarem ad Theophiliim episcopuni alexandrinum, col. 1269-1278 ; S. Jean Chrysostome, De S. Babijla, P. G., t. L, col. 533572 ; In paralijticum et de Christi nativitale, t. XLVin, col. 801812 ; Contra jiidœos et gentiles quod Cliristus sit Deus, col. 813-838 ; Homélies et principalement llomil. in.Toa., V, 19, col. 147-256 ; cf. //o/m7. i ; i incarnationem Domini, etc. t. Lix, col. 687-700 (inauthentique), et (id.). In novam Dominicam. t. lxiii, col. 927-930 ; S. Éplirem, dans plusieurs de ses discours, notamment.Scrmones de nativitalf Domini, édit. rom., t. ii, p..396-438 ; Scrmones polemici. aduersus hiereses, xii, xiv, xvii-xix, xxiv, xxix-xxxi, xxxiv, Li, Liv, p. 464-466, 467-469, 472-479, 491-495, 504-510, 515-517, 548-552, 555-557 ; De margarita, fragm. P. G., t. lxxxvi, col. 2109-2110 ; le discours De Domino nostro, édit. Lamy, Malines, 1882-1889, t. i, p. 14, 5-274 ; S. Épiphane, .l ; icor<dirs’, P. G., t. LXiii, col. 17-236 ; Panarium hfcrcs., ha ; r. lxx-lxxii, lxxv, lxxvii, lxxvih-lxxx, t. LXii, col. 339-400, 503-516, 641-700, 699-874 ; Eusèbe d’Émèse, fragm. De persona Christi, P. G., t. lxxxvi, col. 535-546.

V siècle — S. Cyrille d’Alexandrie.De incarnatione Unigenili dialogui, P. G., t. lxxv, col. 1189-1254 ; Scholia de incarnatione unigenili, co. 1369-1412 ; Scholia de incarnatione Verbi Dei, col. 1412-1420 ; De recta fide ad Theodosium imperatorem, t. lxxvi, col. 1133-1200 ; De recta fide ad principissas (ad reginas I), col. 1201-1336 ; De recta fide ad angustas (ad reginas II), col. 1330-1420 ; Aduersus Neslorii blasphemias, col. 9-248 ; Analhematismi, t. lxxv, col. 120-121 ; Apologelicus contra Orientales, t. lxxvi, col. 315-386 ; Apologelicus contra Theodoretum, col. 3854.52 ; Explicatio daodecim capitum, col. 295-312 ; Apologelicus ad Theodosium, col. 453-488 ; Aduersus nolentes conftteri sanctam Virginem esse Deiparam, col. 255-292 ; Dialogus’<) :. î ::6 Xo’.Trci :, t. lxxv, col. 1253-1362 ; parmi les homélies, Homiliæ paschales, xvii, t. lxxvii, col. 767-793 ; HomiUae diuersiP, j-VI/j, col. 981- ; XV-XVI, col. 1089, 1096 ; XXI-XXIl, col. 1111-1116 ; parmi les lettres, t. lxxvii col. 9-390, principalement epist. i, ad monachos.Egypti, col. 9-40 ; IV, ad Nestorium, col. 44-49 ; xvii, ad Nestorium, col. 105-120 ; -xxxix, ad.Joannem antioclienum, col. 173181 ; XL, ad Acciuni, col. 181-201 ; xLiv, ad Eulogium, col. 224-248 ; L, Ad Valerianum, col 256-277 ; XLv, ad Saccensam, i, col. 228-237 ; xlvi, ad Succensum, ii, col. 237-245 ; Fragm. ex libro contra Sijnousiastas, t. lxxvi, col. 1427-1438 ; Contra Thcodorum et Diodorum, col. 14371452 ; parmi les douteux, Adoersus anthropomorphitas, P. G., t. LXXVI, col. 1065-1132 ; parmi les apocryphes, mais composés de textes authentiques. De incarnatione Verbi Dei, P. G., t. LXXV, ol. 1413-1420 ; Dialogus cam Nestorio,

P. G., t. LXXVI. col. 247-256 ; Théodoret de Cvi, De incarnatione Domini (dans les œuvres de S. Cyrille d’Alexandrie), P. G., t. LXXV, col. 1419-1478 ; Eranistes, t. lxxxiii, col. 27-336 ; Epistolæ, col. 1173-1194 ; Pcntulogium, t. lxxxiv, col. 6."-88 ; Réfutation des anathématismes de S. Cyrille, dans S. Cyrille, Apologelicus contra Theodoretum, t. LXXVI, col. 453-4.58 ; (apocryphe). Contra Nestorium ad Sporacium, t. lxxxi, col. 1153-1164 ; Frochis, De incarnatione Domini oraliones, i, ii, P. G., l. lxv, col. 691-704, 703-708 ; De dogmale incarnationis, col. 801-844 ; Epistohv, i-xvii, col. 851-888 ; Sé’érien, De sigillis, P. G., t. lxin, col. 531-544 ; Acace de Mélytène, liomil., P. G., t. lxxvii, col. 1467-1472 ; Memnon, Epist., P. G., t. lxxvii. col. 14631466 ; Antipaler de Boslra, ^idversus Ai>ollinarem (fragm.), P. G., t. lxxxv, col. 1795-1790 ; Théodote d’Ancyre, Exposilio sgmboli Nicœni, P. G., t. lxxvii, col. 1313-1348 ; Eusèbe d’Alexandrie, De incarnatione Domini, P. G., t. LX.xxvi, col. 327-339 ; Eustathe de Béryte, Apologia Leonis papa’, P. G., t. lxxxv, col. 1803-1804. —.S..ugustin. Contra sermonem arianorum liber unus, P. L.. t. XLii, col. 677-708 ; Contra Maximiiium luvreticum arianorum cpiscopum, col. 743-814 ;.Jean Cassien, De incarnatione Domini contra Xestorium, P. L., t. L, col. 9-272 ; S. Léon le Grand, Epist., xxviii, ad Flavianum, P. h., t. Liv, col. 755-782 ; S. Pierre Chrysologuc, Sermones, principalement LXXX, XCIX, CXLI, CXLVII, CXI.VHI, P. L., t. Ln, col. 424427, 477-479, 577-579, 594-598.

VI’siècle. — Léonce de Byzance, Libri très contra nestorianos et eutychianos, P. G., t. lxx.xvi, col. 1267-1396 ; Capita triginta contra Severum, col. 1901-1916 ; Solulio argumentorum a Severo objectorum, col. 1915-1945 ; Aduersus fraudes apollinaristarum, col. 1947-1976, et, sous le nom de cet auteur. De sectis, col. 1193-1268 ; Aduersus nestoricnos, col. 1309-1768 ; Contra monophysitas, col. 17691902 ; Jean Maxence, Epist. ad legatos sedis apostolic.æ, P. G., t. LXXXVI, col. 75-78 ; De Christo professio, col. 79-86 ; Contra nesluriauos capitula, col. S5-SS ; Alla fidei professio, col. 89-90 ; Ratio adunationis Verbi Dei, col. 89-92 ;, -U/ epist. Hormisdæ responsio, col. 93-112 ; Dialogi contra nestorianos, col. 115-158 ; Contra acephalos libellas, col. 111116 ; Jobius, moine, fragm. Quipslio quare Filius incarnutus, non autem Pater aut.’quritus Sanctus, col. 3313-3320 ; Eustathe, moine, Epistola de duabus naturis aduersus Severum, col. 001-942 ; Éphrem d’Aiitioche, fragm. Ex apologia pro synodo Chalcedonensi et epistoZaS. Leonis, col. 21032106 ; Ex libro contra Seuerum, col. 2105-2108 ; Ex orationc in omnia cxperlus >, col. 2107-2108 ; De Joannc Grammatico, col. 2109-2110 ; In Cain, col. 2109-2110 ; Justinien, empereur, Constitutio sacra contra severianos, col. 1095-1104 ; Tractatus contra monophysitas, col. 1103-1146 ; ’() ! j/j’/ ovia 7rt17T£ii>ç y.ara T’ov rpttov /jipa/ aùo /, col. 993-1036 ; rÙTTo ; upo ; Tr)v àvcav (TuvoSov, col. 1035-1042 ; Epistola dogmalica ad Zoilum, col. 1145-1150 ; Anastase I" ( ?), X>c nostris redis dogmalibus veritatis oraliones ipiinqae (latin seulement), P. G., t. lxxxix. De incarnaUonc, col. 13351348 ; De passionc et impassibilitate Christi. col. 13471356 ; De resurrectione Christi, col. 1355-1362 ; Compendiaria orthodoxæ fidei explicatio, col. 1399-1404 ; Epistola ad.Sergium, col. 1405-1408 ; Pamphile de.lérusalem ( ?), Panoplia dogmalica, P. G., t. LXXX, col. 885-932 ; voir aussi la compilation latine : Synodicon aduer.sus tragœdiam Irena’i, P. G., t. lxx-xiv, col. 565-864. — Vigile de Thapse, Confra Eutycheten libri V, P. L., t. lxii, co !. 93-154 ; ( ?) DeTrinitate, libri ///, col. 251-264 ; Pierre le diacre et autres. Liber… de incarnatione et gratia Domini nostri Jesu Christi ad Fulgentium, P. L., t. lxv, col. 442-451 ; S. Fulgence de Uuspe, Epist. XVII, contra arianos ; Ad rhrnamsundum regem Vandalorum ; De incarnatione Filii Dei et vilium animalium auctore ad Scarilam, P. L., t. lxv, col. 451493, 206-224, 223-304, 573-602 ; Epist., xviii, od Reginum. col. 493-498 ; Epist., xiv, col. 594-435 ; Facundus d’Hermiane, Pro defensione trium capitulorum, P. L., t. lxvii, col. 527-854 ; Libérât de Garthage, Breviarium caasiv nestorianorum et entychianorum. P. L., t. L.xviii, col. 9691052 ; Gélase 1o’, De duabus naturis in Christo aduersus Eutychen et Nestorium, éd. Thiel, Epistolsc romanorum pontificuni. Braunsberg, 1868 ; Boèce, Liber de persona et duabus naturis contra Nestorium et Eutychen, P. L., t. lxiv, col. 1337-1354 ; Fulgence Ferrand, k diacre, £pis(., III, IV, V, VI, P. L., t. LXVII, col. 889-928.

VII’siècle. — Eulogius d’Alexandrie, Fragments, P. G., t. LXXXVI, Capita VII de duabus naturis, col. 2937-2940 ; De Irinilate et incarnatione, col. 2939-2944 ; Contra mono-

plnjsitas, col. 2943-2948 ; Ex defensionibus, col. 2947-2960 ;

Alia fr(igm., c(). 2901-2964 ; Théodore de Baithu, De incarnntione. P. G., t. xr.i, col. 1483-1504 ; S. Anastase le Sinaïtc, ()5ri-"L-, P. G., t. lxxxix, col. 35-310 ; De operationibus, col. 1281-1284 ; Contra Diwtelmn, col. 1283-1284 ; In Sergiuni firdtnninticiinj, col. 1285-1286 ; peut-être faut-il lui attribuer l’important llorilège : Doclrina Pulruin de inairnaiionc’erbi, édit. F.Diekamp, Munster enWesphalie, 1907 ; .S. Sophrone, Epistola synodica, P. G., t. lxxxvii, col. 31473201) ; (dans Mansi, Concilia, t. xi.col. 461-510) ; In Sarselem Ascalonis, col. 3801-3806 ; Orat., ii, in SS. Deiparæ winiintialionem, col. 3217-3288 ; In theophania, fragni., col. 4001-4004 ; S. Maxime-le-Confesseur, Opuscnlti théologien et polemica, P. G., t. xci, col. 9-286 ; Dispiitatio euni Pyrrlio, col. 287-354 ; Epist., i-xlv, col. 363-650 ; Ad Anaslaiiiini epistola, t. xc, col. 131-134. Honorius, Epist. ad Seigitim, [, il, P. L. t. lxxx, col. 470-476 ; Jean IV. Epist., ad Constantiniim imperatorem, cui. 602-607 ; S..gatlion, Epist. dogmaticæ, P. L., t. lxxxvii, col. 1161-1252.

V/ff siècle. — S. Jean Damascènc.Dc fide orthodoxa, t. III, P. G., t. xr.iv, col.981-ll(ï2 ; r » c duabiis in Christo voluntatibus, t. xcv, col. 127-186 ; De natura composila .contra acephalos, col. 111-126 ; Adversus nestorianos, col. 187-224 ; Contra jacobitas, t. xciv, col. 1435-1502 ; De sancta Trinitatc, col. 9-18 ; Responsio ad severianos, < : ol. 225-228 ; Fragm., col. 411-416 ; Théodore Abucara, Opnscnla, P. G., t. xcvii. De quinque inimicis a quibus Christus nos liberavit. col. 1461-1470 ; Confiitatio jacobi-Janini, col. 1469-1492 ; Epistola’Vhomæ pair. Hierosol, de Christo secnnduni Chalccdonense ad Armenios ImTeticos, col. 1503-1522 ; De differentia inter humanitatem et corpus Christi, col. 1521-1524 ; De luctatione Christi cnni diabolo, col. 1523-1528 ; Aduersus nestorianiiin in illiid : Data est niihi oninis potestas, col. 1533-1536 ; Interrogalioncs 1, Il ad nestorianum, col. 1535-1538 ; Dialogus cuni nestoriaiio de « Thcotoco », col. 1537-1540 ; Dialogus cuni nestoriano de vocabulo « Christo », col. 1539-1540 ; Alias dialogus contra Nestoriuni, col. 1539-1540 ; Christum hominem factuni esse ueruni Deum, col. 1553-1556 ; Cuni nestoriano disfiutatio, col. 1575-1580 ; Cuni jacobita dispntatio, col. 1579-1582 ; Contra Theopaschitas, col. 1583-1584 ; Dialogus cum nestoriano, col. 1583-1586 ; Quiestio : Verhuni Dei silne creatum an non, col. 1591-1594 ; Uter major sanctificans an sanctilicatus, col. 1593-1590 ; fragni., Ue nnione et incarnationc, col. 1001-1610. — Paulin d’.'quilée. Libellas sacrosgllabus, P. L., t. xclx, col. 151-166 ; Con(r(( Fc/icem Urgellilaniim, col. 343-468 ; cf. Epistola synodica, P. t., t. r.i, col. 1331 1346 ; Adrien I", Epistola… epi.eopis per universani Spa-Jiian coinmoranlibiis directa, P. L., t. xcviii, col. 373-386 ; Alcuin, Libellas aduersus hwrcsini Felicis, P. L., t. ci, col. 87-120 ; Adversus Felicein libri VII, col. 127-230 ; Adversus Eliphanduni libri IV, col. 243-300 ; S. Benoit d’Aniane, Opuscula, i, ii, P. L., t. ciii, col. 1381-1411.

IX’siècle. — Agobard, Liber adversus dogma Felicis Urgellensis, P. L., t. civ, col. 29-70 ; Liber adversus Fredegisum, col. 159-174 ; Alvarez de Cordoue, Epistolæ, P. L., t. cx.xi, col. 411-514 ; S. Paschase Uadbert, De paflu Virginis.P.L., t. cxx, col. 1367-1380 ; Hatraninc.De Nativilate Christi, P. L., t. cxxi, col. 87-102.

XIe siècle. —.Jean le diacre. De Dei circa hominem œcoiiomia, P. G., t. cxx, col. 129 : V1290. — Guitmond d’Aversa, Confessio de sancta Trinitate, Christi humanilate, corporisque ac sanguinis Domini nostri veritate, P. L., t. t ; xLix, col. 149.5-1.502.

Xlle siècle. — Euthymius, Panoplia, lit. xiv, P. G., t. cxxx, col. 875-932 ; Theorianos, Dispulaliones, i, ii, cum Armeniie catholico, P. G., t. cx.x.xiii, col. 119-212, 211-298. —S. Anselme († 1109), Liber de fide Irinitatis et de incarnatione Verbi P. L., t. CLvni, col. 259-284 ; Ciir Deiis Homo, col. 359-432 ; De conccptu viryinali et origimtli peccato, co. 431-464 ; B. Bupert de Dentz († 1195), De Victoria Verbi Dei, P. L., t. clxix. col. 1215-1502, Hugues de Saint-Viclor († 1141), De’erbo incarnato coldationes seu dispulaliones très, P. L., t. c.LXxvii, col. 315324 ; De quatuor voluntatibus in (Jtristo, t. CLXXvi, col. 841346 ; De sapientia aninue Christi an aqualis cum divina fueril, col. 845-856 ; Drogon, († 1138J, Sermo de Christi passionis sacrainento, P. L., t. cLxvi, col. 1515-1547 ; Ven. Guibert († 1121), Trætatus de incarnatione contra judicos, P. L., t. CLvi, col. 489-528 ; S. Bernard († 1153), Sermones, passim, P. /, ., t. CLXxxii ; Guerric, Sermones, passim, P. L., t. cLxxxv ; Pierre le Vénérixble († 11.50) Epistola ad Petrum de Joanne : Trætatus adversus judœos, P. L.,

t. cLxxxix, col. 487-508, 507-650 ; Hermann, abbé de Saint-Martin († 1147). Tractatus de incarnatione. P. L., t. (Lxxx, col. 1073-1160 ; Richard de Saint-Victor († 1173), Liber de Verbo incarnato, P. I., t. c.xcvi, col. 995-1010 ; .Jean de Corbie († 1170), Apologia de Verbo incarnato, P.L., t. CLXXvii, col. 295-316 ; Zïiito3111m advlexandrum III, Quod Christus sit aliquis homo, P. L., t. cxcix, col. 10411086 ; Pierre de Celle († 1187), Sermones, passim, P. L., t. ccii ; S. Martin de Liège, .Sermones, passim, P. L., l. ccviii ; Robert Pull († 1136), Sententia’, t. III, IV, P. L.. t. cLxxxvi, col. 763-830 ; Pierre Lombard ꝟ. 1104), 5en<.. t. III, dist. I-XXIU, P. L., t. cxcii, col. 7.57-807 ; Maitre Bandin, ( ?), Sen(en/iori(ml.IV, P. L., t. cxcii, col. 965-1112.

XIIIe siècle. — Alain de Lille († 1202), De arte seu articulis catholicae fidei, t. III, De Filio Dei incarnato pro homine redimendo, P. L., t. ccx, col. 609-015 ; Pierre de Poitiers († 1205), Sefi(en(ia/-((m t. V, P.L., t. ccxi, col. 789-1208 ; Alexandre de Halès († 1245), Summa theologiæ (continuée par ses disciples), Venise, 1576 ; Guillaume d’Auvergne († 1249), De (/irarnrtfione, Orléans, 1764 ; Tractatus super passione Christi, Haguenau, 1480 ; Guillaume d’Auxerre († 1232), dans Summa aurea (in l. III Sent., )ense, 1591 ; B.Albert le Grand († 1280), Compenrfiiim t/ieoor/in’. I. IV.demcaraï (oneC71ris(i, l"ribourg, 1881 ; /n /V.S’en(., 1. III. dist. I.XlI, Bale, 1500 ; S. Thomas d’Aquin († 1274), In IV Sent., .Ill ; Quwst. disr ::i>., De unione Verbi incarnati ; De veritate, q. XX : Quodlib., ! I. a. 2.3 ; 1. a. 1, 2 ; IX, a. 3, 4, 5 : IV, a. 8 ; V, a. 5 ; VII, a. 5 ; IX, a. 2-5 ; S » m. cont. génies. 1. IV. c. xxvi-Lv ; Siim. theol.. IIP, q. i-i.ix ; Opiwcuta, (édit. Pami.), n ; Compendium theologia’, c. cxcviii-ccxLii ; t. ii, Declaratio quorunidam arliculorum contra græcos, etc., c. vi-vii ; t.vu. In symbolum apost<doruni, a. 2-7 ; S. Bonaventure Cf 1274), / ; i IV Sent., 1. IV ; Breviloquium ; Qua’stiones disputala’, (de scientia Christi), Quaracchi, 1882-1890. A partir de saint Thomas et de saint Bonaventure, jusqu’au xive siècle, la théologie de l’incarnation est exposée par les commentateurs du III livre des Sentences, dist. I-XI ; nous ne citerons que les commentateurs de quelque autorité, et dont l’œuvre est éditée :.

nibald(† 1275), (se trouve en appendice aux œuvres complètes de saint Thomas) ; Pierre de Tarentaise († 1276), Toulouse, 1052 ; Henri de Gand (î 1293), Venise, 1613 (avec le titre de Quodlibeta).

XIV’siècle. — Grégoire Palamas (tl354), Ilomil. de incarnatione, P. G., t. CLi, col. 189-220. — Sententiaires : Duns Scot († 1308), dans Opéra, Paris, 1892 sq. ; Pierre Auriol († 1.322), Rome, 1596-1005 ;.

toine.

dreas, O. M.

(† 1.320), Venise, 1578 ; Richard de Middlctown, O. M. († 1307), Venise, 1507 ; Noël Hervé le Breton. O. P. († 1323). Venise, 1505 ; (Ulles Colonna de Rome, O. S. A. († 1316), (seulement jusqu’il la q. xi), Cordoue, 1707 ; Gérard de Bologne, carme († 1317), Venise, 1022 ; François de Mayronis, O. M. († 1327). Venise, 1.507 ; Guillaume de Rubione, O. M. († 1333), Paris, 1578 ; Jean de Bassolis († 1347), Paris, 1517 ; Jean de Cologne († 1339), Bâle, 1510 ; Occani († 1349), Lyon, 1495 ; Durand de Saint-Pourçain, O. P. († 1334), Venise. 1, 571 ; Pierre de la Palu, O. P. († 1342), Paris, 1517 ; Robert Holcoth, O. P. († 1349), Lyon, 1518 ; Jean de Bauconlhori), carme (î 1346), Crémone, 1618 ; Thomas de Strasbourg, O. S. A. († 1357), Strasbourg 1490 ; Pierre d’.quila (Scotellus), O. M. († 1370), Paris, 1, 585 ; Adam Godham († 1358), Paris, 1512 ; François de Baclio, carme († 1372), Rome, 1484 ; Marsile d’Inghen († 1396), Strasbourg, 1501 ; Jean Bochingham, O. S. B. (î 1398), Paris, 1505 ; Jean Ballester, carme († 1384), Crémone, 1618. A signaler à part, Engelbert, O. S. B. (tl331), Utrum Deus adhuc incarnatus fuisset, si primas homo non /uisset lapsus (encore manuscrit).

XVe siècle. — Gennade II (George Scholarios), De Christi incarnatione, P. G., t. clx, col. 1157-1162. — Pierre d’Ailly († 1420), De ui/a Chri.sti, Paris, 1483 ; Oiia>s/io : Vtrum trinitas personarum in una natura creaturæ sit communicabilis, édit. Dupin, dans les œuvres de Gerson, Amsterdam, 1706, t. i ; Sententiaires ; Jean Capreolus († 1432), Tours, 1900 sq. ; Nicolas Dorbel, O. M. (î 1105), Venise, 1517 ; Guillaume Vorlion († 1404), Venise, 1519 ; Gabriel Biel († 1495), Lyon, 1514 ; Etienne Brulefer († 1496), Paris, 1605 ; Antoine Syrret, O. M. Conv. († 1490), Naples, 1607.

XVIe siècle. — Fr. Lichet, O. M. († 1520), In Sent., Lyon. 1639 ; Jacques Almain (î 1515), Inl. III Sent., Lyon, 1527 ; Conrad Sunnnenhart († 1502), Quod Deus homo fieri voluerit, Tubingue, 1594 ; Thomas de Vio, Cajétan († 1534), Comnwnlarii in (IIP’") Suni. S. Thomæ, Venise, 1596 ; François Sylvestre de Ferrare, / ; i Sum.cont. GentHes, .l.

c. xxvii sq., Lyon. 1567 ; Jean de Salaya († 1524), In III l.

Sent., Valence, 1528 ; Jean Major († 1540), In III l. Sent.. Paris, 1517 ; Mathurin Le Bret (tl530). In Sent., Anfiers, 1528 ;.Jean Doc († 1560), O. S.B., Ocjr/erna generatione Filii Deiet temporali natiuitate, Paris, 1554 ; Louis Féable(† 1555), Dehiimanarestaurationesivede incarnationeDomini, Anvevi, 1559 ; Jean Slootan, O.P. (11560), De prit’cipui’s incarnationis divinie nostncqnc redemptinnis wiisteriis. homil., liltri III, Golosne, 1558 ; Jean Marie Verrati, carme, († 1562'), Opera, t. ii, Venise, 1551, De incarnatione Verbi ; B. Médina, O. P. († 1581), In J/7 » '" Sum. S. Thomæ, q. i-lx, Salamanque, 1.584 : François a Cliristo, O. S. A. († 1587), Prœlectiones sive enarrationex adinirabilis divini Verbi incarnationis, Coïmbre, 1564 ; Didace de ïapia, O. S. A. († 1591), De incarnatione Cliristi, Salamanque, 1589 ; Gonzalez de Mendoza, O. S. A. († 1018), lielectio de universali Christi dominio ac regno, quod rernni hahet et qim Deus et qiia liomo est, Salamanque, 1588, Cologne, 1603 ; Dyon Zarate, O. S. A. († 1601), De incarnationis inef/abili mysterio..lcala, 1601 ; les Sententiaires : Ledesma (Martin), O. P. († 1604). Coïmbre, 1555, 1560 ; Angles, O. M. († 1587), Burgos, 1565 ; Fr. Ovando, O. M. († 1584), Madrid, 1534 ; Tartaret, O. M. († 1494), édités par Sarnani, Venise, 1602. Voir aussi Salmeron, S. J.. dans ses Convnentarii, iii-xi, Madrid, 1598-1602.

XVll’e siècle. — Albertini († 1619), CnroUariorum seii queestionum theologicanim ex principiis pliitosophicis dednctaram, t. ii, Lyon, 1616 ; Martin Smiglecki († 1618), contre les sociniens. Nova monstra novi arianismi, Niscli, 1612 ; De erroribus novorum arianorum, Cracovie, 1615 ; 'crhuni caro factiim, Cracovie, 1613 ; De Cliristo vero et naturali Dei Filio, Cracovie, 1615 ; Grégoire de Valencia († 1603), dans Commentaria theologica, Ingolstadt, 1591 ; De vera Christi majestate et præsentia, Ingolstadt, 1584 ; Fr. Suarez, S. J. († 1617), Opéra, Venise, 1740-1757, t. xvi-xvii ; Paris, 1856-1878. t. xviii-xix, De incarnatione ; Gabriel Vasquez, S..1. († 1604), Commentarii et disputationes in jjjvm p. Siun. S. Thonuv, Opéra, Lyon, 1020, t. vi-vii. De incarnatione ; Pet. de Lorca († 1606), In III"" p. D. Thomx, De incarnatione, Alcala, 1616 ; Pet. de Cabrera, O. S. H. († 1661), In III^'" p. D. Thomæ commentarii et disputationes. Cordoue, 1602 ; Pierre Morales, .S., 1., In c. I. Matthxi. de Christo, SS. V. Deipara Marin, vcroque ejus dulcissimo sponso Josepho, libri V, Lyon, 1614 ; I>essius, S..1. († 1623), De incarnatione Verbi… prælectiones Iheologicie, L, oava. , 1645 ; J. Prtepositus S. J., († 1631, ) Jn J/Z^"' part. S. Tbomie, De incarnatione Verbi divini, de sacramentis et ccnsitris. Douai, 1629 ; Wiggers (11639), In i//"" part., q. 1-XXVI, de Verbo incarnato, Louvain, 1702 ; Mattli. Weiss, O.S. B., DeVerbo incarnato, Sazbourg, 1626 ; Tanner († 1()32), Disputationes in III'^"^ S. Thomw, Ingolstadt, 1618 ; Martin Ganiache, Summa theologica, Paris, 1634 ; Tiphaine, S. J. (+ 1634), De hypostasi et per.sona, Paris, 18H0 ; A. Duval, Commentarius in Sum. S. Thomie, Paris, 1636 ; Jérôme Mcdices, Commentaria ac disputationes in f// » ™ S. Thomæ, Lyon, 1620 ; Becanus, S..1. (î 1621), Summa theologiæ scliolasticæ, tr. De incarnatione, Mayence, 1630 ; Joseph Ragusa, S. J. († 1624), Commentaria ac disputationes in III^^D. Thomæ, Lyon, 1619, 1620 ; Maur. Centini, O. M., († 1637), Disputationes theologicæ de incarnatione et de sacramentis. Messine, 1637 ; August. Oregio († 1635), Opéra… de incarnatione, Rome, 1637 ; Didace Alvarez, O. P.(† 1635), De incarnatione diuini Verbi disputationes LXXX (q. i-xxiv), I^yon, 1614 ; Jac. Granados, S..J. († 1632), Commentarii in Summum S. Thomæ, in 11 ! =^"^, t. vii, viir, Grenade, 1633 ; R. Bellarmin († 1621), Controversiæ, I. IV, De Christo capite totius Ecclesiæ, Paris, 1870 ; Coninck, S. J. († 1633), Disputationes theologicæ de sanctissima Trinilate et divini Verbi incarnatione, Anvers, 1645 ; Bonacina († 1631), Tractatus de Cliristi incarnatione. Milan, 1629 ; R. d’Arriaga, S. J. († 1667), dans Disputationes theologicæ in Sum. S. Thomæ, Anvers, 1613 sq. ; Fr. Ghetio O. P. († 1639), Arcana theologiæ.'selectiora de Deo, de Verbo incarnato, etc., Pavie, 1630 ; Jean de Lugo, S., J. († 1660), Disputationes scliolasticæ de incarnatione, dans Opéra, Paris, 1868, t. iv ; Fr. del Castillo Velasco, O. M. († 1641), De incarnatione Verbi divini et de præservalione V. Mariæ ab originali peccato Anvers, 1641 ; Bern. de Alderette, S..J. († 1616), In II D"', De mysterio incarnationis Verbi divini, Lyon, 1652 ; De sacris incarnati Verbi, mysteriisetper/ecti<>iiibus, ibid., 1652 ; Jean Prudentius († 1651), De mysterio incarnationis commentarii, Lyon, 1654 ; Gaspar Hurtado, S. J. († 1647),

De incarnatione Verbi, .^Icala, 1628 ; Louis de Ribas, S. J. († 1647), De incarnatione Verbi divini, Lyon, 1678 ; Léonard de Penaficl, S..1. († 1657), De incarnatione Verbi divini, Lyon, 1678 ; Franc. Félix, O. M. († 1641), De divini Verbi incarnatione, Paris, 1641 ; Aug. Bernai, S. J. († 1642), Disputationes de divini Verbi incarnatione, Saragosse, 1639 ; Jos. de la Cerda, O. S. B. († 1645), De Maria et Verbo incarnato, Almeria, 1640 ; Pet. fîurtado de Mendoza, S. J. († 1651), Di.'ipt//a(ione.'i de Deo homine, sive de incarnatione Filii Dei. Anvers, 1034 ; Martin Perez de Unanoa, S. J. († 1660), De mirabili divini Verbi incarnatione, Lyon, 1640 ; G. CippulUis, 0. P. († 1646), In /// » "> p. Summæ theologicæ, Rome, 1646 ; Nazario, O. P. († 1646), Commentaria et controversiæ in 111^^ p. Summæ S. Thomæ, Bologne, 1631 ; Car. Jacobus, O. S. B. († 1661), Verbiun Dei incarnatum ; Salzbourg, 1642 ; Poncius, O. M. († 1660), Cursus théologiens ad mentent Scoti, Paris, 1652, De incarnatione ; P. Wadding, S. J. († 1644), De incarnatione, Anvers, 1636 ; Baldi Gherardesca, O. S. M. V. († 1660), Catholica monarchia Christi, i. De Verbo incarnato, Pise, 1645 ; Denys Petau, S. J. († 1652), Theologica dogmata, Paiis, 1644 ; Bar-le-Duc, 1864 ; De incarnatione Verbi divini ; Théophile Raynaud, S. J. († 1663), C71ris<iis Deus Homo, Anvers, 1652 ; Didace Gatica, de la Merci († 1648), De adventu Mes^iæ, Madrid, 1648 ; Vega, S. J. († 1648), De Christi et Spiritus sancti divinitate necnon de SS. Trinitatis mysterio, Vilna, 1680 ; Matth. Kellison († 1641), Commentarii et disputationes in III'-"' p. d. Thomæ, Douai, 1633 ; Jean de Saint-Thomas, O. P. († 1644), Cursus théologiens, t. i, Paris, 1888 ; tr. De incarnatione ; Ysambert († 1642), Commentarius in S. Thomæ.Summam, in ///"", Paris, 1639 ; Jean Martinon, S. J. († 1661), Theologia' universa t. IV, Bordeaux, 1645 ; Silvius († 1649), Commentarii in Sum. S. Thomæ, t. iv. Douai, 1662 ; Fr. Moloy († 1645), De incarnatione Verbi divini, Troyes, 1645 ; Ant. Perez, S. J. († 1649), Tractatus VI, de incarnatione Verbi, Lyon, 1669 ; J. Domin. Montagninoli, O. P. († 1610), De/ensiones theologicæ ac thomisticœ… univcrsam theologia : D. Thomæ Summum complectentes, Naples, 1610 ; Capponi a Porrecta (tl614). In Summa theol. et com. card. Cajttani onno(u(ione.s, Padoue, l 698 ; DidaceNunnoCabezudo(† 1614), Tractatio in IID^" Sum. theol. D. Thomæ, Rome, 1682 ; Pet. Cornejo de Pedrosa, carme († 16181, In 7//amS. Thomæ commentaria, Bamberg, 1629 ; Jean de Ovando, O. M. († 1610), Commentarii in l. III Sent., Valence, 1597 ; J. Busæus (Buys), S. J. († 1611), Disputatio theoloaica de persona Christi adversus ubiguetarios, Mayence, 1583 ; R. de Arriaga, S. J. († 1667), Disputationes theologicæ, t. VI, De incarnatione, Anvers, 1650 ; Dominique de S. Thomas, O. P. († 1671), Summa theologica, t. iii, Lisbonne, 1670 ; Fr. de Arauxo, O. P. († 1664), Commentaria in Sum. theol. S. Thomæ, t. vi, Salamanque, 1636 ; Pierre de Godoy († 1677), Disputationes theologicæ. In 111^^, t. iii, Venise, 1686 ; Ant. de la Parra, Incarnationis arcanum, in Jljnm s Thomæ, Madrid, 1668 ; Fr. Pichon Marinero, O. M. († 1668), De Deo incarnato, Tolède, 1659 ; Christophe Delgadillo, O. M. († 1671), De incarnatione, Alcala, 1653 ; Gabriel de Saint-Vincent, carme († 1671), De incarnatione Rome, 1656 ; Belluti, O. M. († 1676), De incarnatione Verbi, Catane, 1615 ; Mastrius († 1673), dans Disputationes theologicæ in III l. Sententiarum, Venise, 1719 ; Ch. Lantieri, O. M. († 1667). De ss. incarnationis mysterio, 1665 ; P. de Bugis, S.J. († 1680), De mysterio incarnationis, Lyon, 1668 ; Ciantes, O. P. († 1665), De SS. Christi incarnatione contra judœos, Rome, 1668 ; Pironialli, O. P. († 1667), HsavôpoTrovoyia, Vienne, 1656 ; Passerini, O. P. († 1677), Commentaria theologica, t. i. De incarnatione, Lucques, 1732 ; Gonet, O. P. († 1691), Clypeus theologiæ thomisticæ III^, De incarnatijne, Paris, 1876 ; H. Chalvet, O. P. († 1683), Tlieologus ecclesiastes, t. ix, Bordeaux, 1679 ; Fr. Feu († 1699), Theologici tractatus, tr. De incarnatione, Paris, 1695 ; Platel, S. J. († 1681), dans sa Synopsis cursus theologici, Lille, 1885, t. IV ; M. Oberascher, O. S. B. († 1693), De unione Verbi incarnati cum natiira humana, Salzbourg, 1666 ; N. Avancini, S. J. († 1686), Conclusiones t.ieologicæ de Verbo incarnato. Vienne, 1651 ; Jean Morawski, S. J. († 1700), De Verbo incarnato, Cracovie, 1684 ; Jean Hostynski, S. J. († 1685), De Deo homine, Posen, 1679 ; Silvestre Maurus, S. J. († 1687), dans ses Qua’s/ionuni thecl’igicaruni libri VI, Rome, 1676-1679 ; B. M. Grandi, O. P. († 1692), Cursus théologiens, t. m. De incarnatione, Venise, 1697 ; Denys Darecortesio, O. M. († 1690), dans son Cursus théologiens, t. iii, Rome, 1675 ; Mallh. Orlando, carme

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A. Michel.